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18 avril 2014 5 18 /04 /avril /2014 14:33

Les vitraux de l'église Saint-Pierre de Saint-Nicolas-du-Pélem.

L'église paroissiale Saint-Pierre est l'ancienne chapelle Saint-Nicolas du château de Pélem, qui ne reçut son nouveau vocable qu'en 1860 en supplantant l'église curiale Saint-Pierre de Bothoa. Elle porte donc la marque des anciens châtelains : famille Jourdrain, seigneur du Pélem :

Potier du Courcy : Jourdain, sr. du Pellem paroisse de Bothoa. Réf. et montres 1448 à 1543, par. de Bothoa et Carnoët, ev. de Cornouaille. D'or à la bande de gueules, chargée de trois macles d'or. Fondu dans Quélen.

Une sablière de l'église porte l'inscription "An l'an mil cccc L xx iii" (En l'an 1473) : puisqu'il est vraisemblable que la verrière ne fut installée qu'une fois l'église ait reçu sa couverture, on peut estimer qu'elle est postérieure à 1473, et les auteurs du Recensement du Corpus vitrearum retiennent la fourchette de 1470-1480.

 

Maîtresse-vitre ou Baie 0. Vitrail de la Passion et de la vie du Christ.

 Elle se compose de deux baies jumelées  formées chacune de trois lancettes trilobées de 7m de haut et 1,58m de large organisées en quatre registres, et coiffées chacun d'un tympan à 13 ajours. Les lancettes sont divisées par 5 barlotières et 15 vergettes.

Elle a été composée entre 1470 et 1480, à peu-près en même temps que la verrière de Tonquédec, dont les panneaux, sans partager exactement les mêmes cartons, sont si proches qu'on estime qu'ils ont été réalisés par un même atelier. Voir  La maîtresse-vitre de l'église Saint-Pierre de Tonquédec. pour la mise en parallèle des panneaux.

Elles se lit comme un seule ensemble, selon la lecture traditionnelle pour une verrière, de bas en haut et de gauche à droite.

 

                     vitrail 7869c


 

vitrail 7827c

 

 

 

I. REGISTRE INFÉRIEUR. DONATEURS.

1. Saint Nicolas.

Le saint patron de la chapelle seigneuriale porte sur son épaule droite les armoiries D'or à la bande de gueules, chargée de trois macles d'or (mais la bande n'est pas de gueules (rouge), mais d'argent (blanc)).

L'église Saint-Gilles de Malestroit (56). Vitrail de saint Gilles et saint Nicolas.  1400-1425

Vitrail de Chartres : Grisaille du Miracle de saint Nicolas Baie n° 10.

 

Dans le coin inférieur gauche se lit la marque du restaurateur : Restauré par Laigneau Peintre-verrier St-Brieuc 1883.

 

                         vitrail 4255c

 

2. Ecclésiastique donateur présenté par saint Jean l'évangéliste.

Saint Jean est conforme aux poncifs, imberbe, longs cheveux blonds, robe et manteau bleus, tenant son attribut, la coupe de poison d'où se dresse un serpent à forme de dragon.

Le donateur est tonsuré comme un ecclésiastique, et  il porte une chape à l'orfroi brodé d'or montrant un ange jouant de l'organon.

Armoiries sur le fermail de la chape : d'argent à trois fasces qui ont été attribuées soit aux Trogoff (Lanvaux : de gueules à trois fasces  d'argent ; Trogoff : de gueules à trois fasces  d'argent, au lambel de même), "soit de préférence à Christophe de Troguindy,  recteur de Bothoa en 1491" (Corpus Vitrearum p. 101) Pourtant les armoiries de Troguindy sont de gueules à sept besants d'or : 

Potier de Courcy, Nobiliaire et armorial de Bretagne tome 2

TROGUINDY (DE), vicomte dudit lieu, par. de Penvénan, — de Kerhamon, par. de Servel, — châtelain de la Roche-Jagu, par. de Ploëzal, — sr de Kergoniou et de Launay, par. de Camlez,— de Kerropartz et de Kerguémarc'hec, par. de SaintMichel-en-Grève, — de Kernéguez, par. de Goudelin, — du Bignon, par. de Morieuc, — de Launay, par. de Bréhant-Moncontour, — de la Ville-Hélan, par. de Plurien. Maint. au conseil en 1704, ress. de Jugon ; réf. et montres de 1427 à 1543, par. de Penvénan, Camlez, Lannion et Saint-Michel-en-Grève, év. de Tréguier. De gueules à neuf (aliàs : sept), besants d'or. (G. le B.)

Il s'agit peut-être plutôt , encore d'après Potier de Courcy de "Robiou, sr de Quilliamont, près Pontrieux, — de  Troguindy, par. de Tonquédec, — de Keropartz, par. de Ploëzal, — de Kerguézennec. Maint, par les commissaires en 1726 par arrêt du pari, de 1777, onze gén., et admit aux Etats de 1786.  D’argent à trois fasces d’azur.  Jean, procureur et miseur de Guingamp en 1553."

 


                                       vitrail 4256c

 

 

3. Baptême du Christ. 

Inscription COM(M)ENT SENT JEHAN BATISA NOT S(EIGNEUR).

Il s'agit d'un panneau du XVIe siècle placé ici en bouche-trou, et provenant d'une Vie de saint Jean-Baptiste d'une autre baie.

Fond damassé bleu.

Détail 1 : pour une fois, Jean-Baptiste n'est pas représenté comme un sauvage ermite errant dans le désert, vêtu d'une peau de bête et renonçant à se couper les cheveux ou à se raser. Sa coupe de cheveu est celle d'un gentilhomme du XVe siècle, son manteau rouge lie-de-vin, sa fine chemise et sa robe or lui font honneur, et seul l'aspect frangé ou plutôt plissé de la bordure inférieure lui donnerait un air de Davy Crockett. Paradoxalement, les rôles sont inversés et c'est le Christ, plus petit que Jean, qui, recevant les eaux du Jourdain, semble un misérable ayant bien besoin d'une bonne douche.

Détail 2 : le rendu des volumes des plis de la robe est obtenu, non pas par des densités différentes de la grisaille, mais par des hachures plus ou moins resserrées, comme le fait un graveur sur cuivre. Ces vêtements datent de la restauration par Laigneau.

Détail 3 : La traditionnelle colombe de l'Esprit, Troisième Personne de la Trinité, apparaît ici, traversant les nuées, comme envoyé le long d'un rayon d'énergie spirituelle dorée par le souffle d'un ange.


                       vitrail 4261c

 

4. Décollation de saint Jean-Baptiste .

Inscription COM(M)ENT SENT JEHAN FUT DE COLÉ.

Panneau également monté en bouche-trou.

Fond damassé bleu.

Détail 1 : alors que le saint porte la même robe et le même manteau que dans le panneau précédent, il présente désormais la longue chevelure et la barbe qui le caractérisent. 

Détail 2 : Salomé  tend le plat d'étain pour recevoir la tête du saint, tête qu'elle a obtenu d'Hérode après avoir dansé.

                      vitrail 4259c

 

 

5. Couple de donateur présenté par saint Pierre.

 

"Couple non identifié, peut-être Guillaume Jourdrain et Jeanne de Moëlou-Rostrenen (Couffon, 1935) présentés par saint Pierre (costumes et soubassement refaits)". (C.V)


                        vitrail 4258c

 

 

6. Couple de donateurs présentés par saint Sébastien.

La cote du donateur est aux armes des Jourdain, armes qui sont rappelées aussi, comme pour saint Nicolas, sur l'épaule. René Couffon suggère d'y voir  Yvon Jourdrain, fils de Guillaume Jourdrain, Sr de Pellem, du Pebel, de la Bellenoë et sa femme Isabeau de Quimerc'h, fille d'Yvon et de Jeanne de la Feuillée. A noter que saint Sébastien, patron des archers porte lui-même des armoiries d'or à l'aigle bicéphale de sable.

Si la coupe de cheveux du donateur est celle des gentilhommes de la fin du XVe siècle et si la coiffure de la donatrice est un bourrelet enveloppé dans une riche étoffe et centrée par une broche de perles, la coiffure du saint n'est pas banale. Elle ne correspond pas, comme je l'ai cru, à une stylisation de mèches blondes puisqu'elle est centrée elle aussi par un bijou carré entouré de perles.

 

 

                 vitrail 4257c

 

 


 

                  DEUXIÈME REGISTRE.  


7. Résurrection de Lazare.

Devant une assemblée de huit personnes, dont Marthe (en coiffe nouée sous le menton ou "barbette") et Marie (assimilée à Marie-Madeleine et dotée d'un nimbe), ainsi que quatre apôtres (nimbés) dont Jean (imberbe) est le plus visible, le Christ procède au miracle de la résurrection de Lazare (enseveli depuis quatre jours), dont un homme ouvre le linceul.

 Le personnage à toque noire (bleue sombre en réalité) est peut-être l'un des Juifs décrits par Jean,11 : " Jésus pleura. Sur quoi les Juifs dirent : « Voyez comme il l'aimait ». Et quelques-uns d'entre eux dirent : « lui qui a ouvert les yeux de l'aveugle, ne pouvait-il pas faire aussi que cet homme ne mourût point ? » .

La main gauche du Christ est serti à plomb vif ("en chef d'œuvre") sur le verre pourpre de la robe. Cela souligne le langage muet des mains, dont le verre blanc n'est jamais couvert de grisaille ou de sanguine, le geste paume de face de Jésus répondant au même geste du Juif.

Le carrelage porte deux marques noires, qui se poursuivent sur le linceul. 

 

                           vitrail 4248c

 

 

8. Entrée à Jérusalem.

                      vitrail 4249c

 

 

Comme je l'indique dans ma présentation du panneau identique de Tonquédec, ce dessin peut être rapproché d'une gravure sur bois de Guillaume Le Rouge dans son édition des "Postilles et espitres" de Pierre Desrey (Troyes,1492 et Paris, 1497 Gallica). Mais le vitrail précèderait ces éditions de plus de dix ans. La maîtresse-vitre de l'église Saint-Pierre de Tonquédec.  

Entrée à Jérusalem Postilles

 

9. Lavement des pieds.

 

                      vitrail 4251c

 

 

10. Cène.

  "Inscription incohérente (?) sur le dallage, où René Couffon lit AIGA. N. POSEA.F.SUNT AUG.1470 et dont il tire la date qu'il attribue à la pose de la verrière le 4 août 1470." (C.V)

"Lettres gothiques sur le carrelage : SA M S GA CP RO NA I GA POSEAFSUNC DCJUG+ a 70 " (Dufief et Menant 2005)

Fond damassé vert.

La table de la Cène est placée en diagonale, l'un de ses coins, en face de Jésus, étant dirigé vers le spectateur au milieu du panneau. Ainsi, les apôtres sont répartis tout autour, deux et deux en bas, trois et trois dans la partie haute, et saint Jean assoupis juste devant le Christ. On compte donc onze apôtres. Pourtant, celui qui est absent n'est pas Judas, qui est au contraire le second protagoniste de la scène. En effet, celle-ci décrit ce moment de l'évangile de Jean où Jésus désigne celui qui va le trahir en disant aux apôtres "c'est celui à qui je donnerai le morceau trempé". 

Bien que le morceau ne soit pas visible, et que Judas ne soit pas identifiable par la bourse contenant les deniers, ou par des signes de stigmatisation, cette scène est donc à rapprocher des "Communions de Judas". Ce dernier, sans être isolé du groupe et placé de l'autre coté de la table comme dans d'autres choix iconographiques, se retrouve néanmoins dans la position la plus basse de l'image dans un axe Judas/Christ centré sur le point de contact bouche de Judas/main du Christ. Les deux regards sont dirigés l'un vers l'autre. Les deux personnages portent un manteau de même couleur. La problématique théologique sous-jacente n'est donc pas l'Institution de l'Eucharistie, comme dans les Cènes où la table est parallèle au bord inférieur du panneau ou du tableau, mais celle du Libre-arbitre et du choix de Judas de trahir son co-pain, celui-là même avec lequel il partage le repas. Dans cette diagonale des regards se joue le tournant décisif de la Passion, Jésus sachant qu'il va être trahi, et ne s'écartant pas de la trajectoire du Salut, et Judas, se sachant démasqué, et ne s'écartant pas de son projet de trahison. 

Le couteau joue bien-sûr un rôle crucial comme symbole de la rupture du pacte d'amitié et d'appartenance au groupe, symbole de la trahison mais aussi symbole de la mort à laquelle cette trahison va conduire.

 

 

                     vitrail 4252c

 


11. Agonie au Jardin des Oliviers. 

Comme dans la Résurrection de Lazare, la valeur expressive de la main du Christ est soulignée par le sertissage à plomb vif de la pièce de verre blanc à l'intérieur du verre pourpre.


                     vitrail 4253c

 

12. Arrestation de Jésus, Baiser de Judas.

Deux lettres se lisent sur la lame des glaives : lettre F sur celui de saint Pierre en haut et lettre N sur celui de Malchus en bas. Lettres considérées par Couffon comme étant "certainement les initiales de l'artiste".

L'opposition/ confrontation des deux visages  est riche de sens, l'un apparaissant comme le double négatif de l'autre. La couleur jaune très appuyée de la chevelure et de la barbe de Judas, une couleur connotée négativement depuis l'époque médiévale, dénonce le traître face à la couleur brune de Jésus. Les deux regards disent la maîtrise, la compréhension et l'acceptation clémente de l'un, la duplicité et le désarroi de l'autre. 

Autour de ce doublon central, figé et fixé pour l'éternité dans le drame de cette gémellité/duplicité, se développe un tourbillon de violence fait de mains, de regards et d'armes (qui occupent les quatre coins) dans un espace très resserré.

                                       vitrail 4254c

 

 

TROISIÈME REGISTRE.

 

13. Comparution devant Pilate.

Inscription sur la manche d'un soldat au premier plan : JKXGAL F (?) déchiffré par Couffon  J. KERGAL FECIT.

                   vitrail 4242c


14. Flagellation.

      C'est une tradition iconographique de faire de cette représentation un véritable motif chorégraphique dans lequel le corps délié des tortionnaires (de jeunes athlètes aux serpentines grâces d'acrobate) s'opposent à la rectitude de la colonne de flagellation et à l'immobilité souffrante de la victime ; s'y opposent ici également les couleurs des belles étoffes en périphérie et l'axe central blanc dans la pâleur du corps glacé et parcouru par la sueur de sang.

                       vitrail 4243c

 


15. Couronnement d'épines.

      Autre tradition iconographique où l'artiste montre son savoir-faire sur un exercice différent : au lieu des lignes souples des lanières des fouets et des gestes d'élan et de frappe, la rectitude des bâtons et la force immobile, organisée en un grand X, des hommes arque-boutés pour mieux faire pénétrer la pointe des épines dans la chair. Ici, les lignes en X des leviers est complétée par les lignes divergentes des barres que tiennent les deux personnages inférieurs. L'un est peut-être Pilate tenant le bâton de pouvoir, l'autre un bourreau s'apprêtant à frapper.

                                vitrail 4244c

 


16. Dérision.

Après le moment statique précédent, la farce reprend et les bourreaux s'en donnent à cœur joie. L'opposition centre immobile/périphérie en mouvement atteint ici son paroxysme en raison de l'inquiétude menaçante et du malaise créé par le visage encapuchonné, et par la strangulation qui semble être opérée. Rien n'exprime mieux l'horreur de bourreaux pris dans l'ivresse de l'affiliation traumatique collective et de l'émulation face au bouc émissaire, et capables du pire dans une insouciance joviale et bon-enfant.

En opposition avec les scènes terrifiantes dans lesquels les bourreaux sont masqués (type Ku Klux Klan), dans celle-ci, le visage de la victime est occulté, dans un anonymat laissant la place à chacun d'entre nous. Face à ce vide, ce trou blanc, rien ne nous permet plus de nous rassurer sur ce qu'endure la victime ; l'inouï, l'inconcevable, l'insupportable peuvent trouver place sous ce drap blanc.



                            vitrail 4236c

 

 

17. Portement de croix.

Fond bleu damassé ; Jean et Marie en larmes à gauche, Simon de Cyrène en chaperon violet soutenant la croix, un bourreau frappant le Christ d'un objet doré. Le Christ porte le manteau pourpre de son supplice, conduit par une corde par un premier soldat en armure tandis qu'un autre, qui porte trois clous, le frappe d'un coup de genou.

 

                            vitrail-7846cc.jpg

18. Mise en croix.

La ronde infernale reprend : à l'immobilité de l'axe horizontal des trois visages saints (Marie, Jean, Jésus), figés dans leur souffrance, s'oppose la violence de la ronde écartelée des quatre bourreaux, en plein mouvement ; le soldat en armure qui portait les clous les enfonce à coups de marteau, et trois bougres aux visages mauvais complètent le travail.

Fond damassé rouge. Importance du verre blanc, peu de couleurs : bleu, rouge, pourpre, jaune (pas de vert).

Détail : nombreux "rivets" sur la cuirasse.

                      vitrail 4247c

 

 

QUATRIÈME REGISTRE.

 

19. Crucifixion.

Croix qui déborde sur la bordure architecturée ; crâne d'Adam qu pied de la croix. Les saints personnages sont — comme toujours— à droite du Christ : Marie, Jean, et Marie-Madeleine. En face, un personnage invraisemblable puisqu'il est habillé comme un notable juif (c'est alors Caïphe) avec manteau mauve au revers d'hermine et manches dorées, aumônière  et bonnet mais qu'il porte un glaive en forme de cimeterre. Son geste très expressif levant l'index droit comme s'il désignait le Christ crucifié et plaçant sa paume verticalement indique qu'il est l'auteur d'une phrase importante de cette scène, mais laquelle ? Ou bien l'index levé est celui du centurion placé en arrière, et qui serait le bon centenier affirmant : celui-ci est vraiment le Fils de Dieu.

                              vitrail-4233cc.jpg

 

20. Descente aux Limbes.

  Placé par erreur lors d'une restauration avant la Déposition, ce panneau représente une scène qui n'est pas signalée dans les Évangiles, mais qui correspond à la tradition selon laquelle le Christ serait descendu aux Enfers (article du Credo) où il aurait rendu visite aux Limbes des Patriarches ou limbum patrum où patientent les âmes des justes qui sont décédés avant la Résurrection. Ces Limbes, ou seuil, marge de l'Enfer, sont symbolisés en iconographie par la gueule béante du Léviathan. Adam et Ève sont les premiers à l'accueillir. 

                            vitrail 4234cc

 

21. Déposition. 

      D'habitude, Joseph d'Arimathie supporte le corps du Christ tandis que Nicodème, armé d'une pince, et monté sur une échelle, détache le clou qui maintient un bras. Ici, Joseph d'Arimathie descend de l'échelle en entourant la taille du Christ ; Nicodème retire le dernier clou qui fixe encore les pieds. La Vierge en pleurs s'apprête à embrasser la main ensanglantée de son Fils ; deux saintes femmes sont présentes.

 Les Juifs (Joseph et Nicodème) sont barbus et coiffés d'un bonnet, richement vêtus de robes à revers, chausses et chaussures fines, et, pour Joseph, d'une chape orfroyée. 

Détail : sur le dos du Christ, les marques de fouet et de verges sont représentées par des signes stéréotypés en forme de A gothique ou de lettre Π.

                           vitrail 4235c

 

22. Mise au tombeau.

Fond damassé vert d'eau.    

Selon une disposition fréquente, Marie-Madeleine est seule du coté droit du tombeau, entre celui-ci et le spectateur, mais au lieu d'être agenouillé à ses pieds, elle se penche vers la main droite. De l'autre coté, debout, Joseph d'Arimathie soutenant la tête du Christ, une sainte femme (Marie Salomé ou Marie Cléophas), l'apôtre Jean —qui ne porte plus le manteau vert précédent —, la Vierge, et Nicodème aux pieds tenant le linceul. Joseph d'Arimathie et Nicodème ne portent ni le même bonnet, ni les mêmes vêtements que dans le panneau précédent.

Les mêmes marques de supplice en forme de trépied sont visibles sur le thorax nu : peut-être celles que laisseraient les fers de l'extrémité d'un fouet, complétés par une larme de sang ? L'article Flagellation de Wikipédia indique que "Les Romains utilisaient un fouet très contondant (flagra) [flagra talaria, flagellum], formé de lanières équipées d'un plomb en H et d'osselets taillés en pointe. La plupart des condamnés succombaient à moins de 50 coups de cet instrument." Le site de la revue Kephas  précise : "chaque coup laisse une trace précise sur le corps en forme de double haltère".

Le Christ a, selon les Évangiles, été flagellé sur ordre de Pilate et donc par les soldats romains ; ceux-ci n'auraient donc pas appliqué la règle hébraïque des "quarante coups moins un" (saint Paul II Corinth.,XI,26), 13 sur la poitrine et 13 sur chaque épaule.

                             vitrail 4237c

 

 

23. Résurrection.

Fond damassé bleu.

Lettre S sur la lame du glaive du soldat du premier plan. Présence d'une arbalète, dont les carreaux à empennage ont été passés à la ceinture du soldat.

Roger Barriè, dans son étude des Passions d'origine quimpéroise, identifie l'origine de ce motif iconographique du Christ enjambant le tombeau aux gravures sur cuivre des "Postilles et exposition des Épistres" de Troyes 1492/Paris 1497.

                          vitrail 4239c

 

 

Les-postilles-Resurrection.png


24. Ascension.

par Laigneau

 

                         vitrail 4241c

 

Les Dais architecturaux.

Les niches de quatre d'entre eux comportent des saints :

1. Saint Nicolas.

                              vitrail 4229c

2. Saint Pierre et saint Paul.

 


                           vitrail 4231c

Sainte Barbe.

La sainte est identifiable à la palme du martyre mais surtout à la tour dans laquelle elle fut enfermée.

                                    vitrail 4268c

 

 

 

LE TYMPAN

Il a été entièrement refait, avec des anges tenant sur des phylactères des versets du Gloria ou présentant des instruments de la Passion, peut-être inspirés du tympan de Tonquédec.


vitrail 4216c

 

 

 

Analyse.

 

Données historiques et datation.

 

"Cette verrière historiée a été commandée par plusieurs donateurs parmi lesquels on a pu identifier les Jourdain du Pélem. Par analyse stylistique, on peut rapprocher cette verrière des verrières de Tonquédec et avancer une datation dans le 4e quart du 15e siècle, datation confirmée par un autre rapprochement avec les fresques de la voûte de l´église Notre-Dame de Kernascléden (Morbihan) réalisées vers 1470." (Dufief et Menant 2005)

Restaurations.

"Certains panneaux du 16e siècle, le 1c et le 1d, ont été réutilisés. D´après les archives, la verrière a subi 3 restaurations : la première, en 1772, est l´oeuvre d'Yves Raoult qui la remonte en plombs neufs ; la deuxième, une réparation, a lieu en 1789 ; la dernière intervient entre 1796 et 1800. En 1883, au cours d´une restauration de l´atelier briochin Laigneau, on retouche le panneau 1c et refait le panneau 4f et les panneaux des tympans à l´exception des écoinçons." (Dufief et Menant 2005)

" Depuis 1889, seule peut être signalée la restauration menée en 1962-1963 par l'atelier Scaviner de Pont-L'Abbé" (C.V)

 

Depuis, la baie zéro a été entièrement démontée et restaurée en 2008 par l’ Atelier Hubert de Sainte Marie – Vitraux HSM de QUINTIN  

Style.

"La verrière, en dépit des restaurations subies et de la disparition de certains panneaux, est dans état de conservation suffisamment bon pour nous renseigner sur l'art de J. Kergal, auteur probable de cette composition.

Sur le plan technique : la palette privilégie les teintes sourdes et les contrastes entre ces dernières et les vastes zones de verre blanc rehaussé de grisaille et / ou de jaune d'argent.

Le sertissage au plomb a été utilisé surtout pour mettre en valeur les mains, élément expressif doublement important, au niveau de la figure individuelle comme de la composition du panneau.

Le trait appuyé évoque très directement la technique de la gravure sur bois. Le traitement graphique n'est pas le seul point commun entre la verrière et certaines gravures sur bois contemporaines (voir doc. 1 et 2). On est également frappé par la ressemblance au niveau de la composition (organisation de l'espace et groupement des personnages en profondeur), la présence ou le traitement de certains détails vestimentaires (drapés plissés cassés, casques à turbans). Surtout, la force expressive des gestes et des visages est la même dans la Mise en croix de la verrière et sur la gravure. Si le modèle exact qui a pu influencer l'auteur de la verrière n'a pas été retrouvé, il semble évident que l'œuvre ne peut s'expliquer sans faire référence à la gravure sur bois contemporaine flamande. De plus, la verrière appelle de multiples comparaisons avec les œuvres géographiquement et chronologiquement voisines de Lantic* et Tonquédec**. On peut supposer que, dans la plupart des cas, les mêmes cartons ont circulé ou qu'il y a eu copie."  (Dufief et Menant 2005). 

* vers 1462-1464. Vitrail signé Olivier Lecoq et Jehan Le Lavenant 

** entre 1470 et 1486. 9 panneaux de Tonquédec sont semblables à ceux de St-Nicolas-du-Pélem, par copie ou reprise des mêmes cartons.


Je note aussi :

— la façon dont l'artiste dessine sur la racine du nez des visages masculins un anneau de chair ou, au minimum, une dilatation centré par une fossette.

— le dessin des yeux : dans le blanc de la conjonctive, un cercle noir délimite un rond blanc ou gris, occupé dans la partie supérieure par un rond noir : le rond blanc est réduit à un croissant convexe vers le haut. Cet ensemble est plus ou moins masqué par les paupières, dont les cils ne sont pas figurés.


Attribution.

Les auteurs les plus sérieux (ceux du Corpus Vitrearum comme ceux du Service Régional de l'Inventaire) reprennent l'attribution proposée par René Couffon et voient en un certain J. Kergal le verrier créateur de cette vitre. Ainsi Dufief et Menant décrivent "La signature : KERGAL J F[ecit] est en lettres gothiques sur la manche du personnage du 1er plan en 3a." et parlent de "...l'art de J. Kergal, auteur probable de cette composition. ".

   Pourtant, le déchiffrage de René Couffon peut être discuté. L'auteur est habitué à des conclusions hâtives et péremptoires qui ont souvent été clairement démenties, telle cette inscription IHS d'Erguè-Gabéric dont il avait fait une date de restauration de 1728, ou cette attribution à Jost de Negker de la verrière de La Martyre dont Jean-Pierre Le Bihan a dressé la critique ici .

Son interprétation des lettres du dallage en est un autre exemple, puisqu'il lit AIGA. N. POSEA.F.SUNT AUG.1470 là où Dufief et Menant lisent: SA M S GA CP RO NA I GA POSEAFSUNC DCJUG+ a 70 .

Ici, on lit sur la brassière de l'armure sept signes gothiques, dont aucun n'est lisible avec une certitude absolue ; la première peut être un G, la seconde un J. La troisième en forme de L avec signe inclus doit-elle être lue comme l'abréviation de Ker ? La quatrième est-elle un G ? La cinquième est sans-doute un A sans barre. La sixième a la forme d'un V et ne peut être considérée comme un L qu'en l'inclinant. La dernière semble un signe typographique plutôt qu'une lettre. 

 Si bien même on y lit "J. Kergal", pourquoi en faire la signature du maître-verrier ? Une exigence minimale serait de retrouver des traces de cet artisan, traces soit généalogiques, soit professionnelles par recoupement d'autres informations. Certes Kergal est un patronyme breton, surtout attesté en Morbihan, et qui reprend un toponyme signifiant "village des étrangers".

 

Roger Barrié, confronté aux multiples lettres inscrites sur les galons des verrières du Finistère, s'était résolu dans sa thèse  à n'y voir le plus souvent que des assemblages dépourvues de sens, ou des fragments d'antiennes ou d'oraisons. .


 

 

 Sources et liens.

COUFFON (René)  1935, "Les verrières anciennes des Côtes-du-Nord" Bulletins et Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord t.67 pp.123-128. En ligne.  http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k441314t/f148.image

—Cité sous l'abréviation C.V :  GATOUILLAT (Françoise), HEROLD (Michel) 2005 , Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum VII, Presses Universitaires de Rennes pp.100-102.

DUFIEF (Denise), MENANT (Marie-Dominique), 2005, Saint-Nicolas-du-Pelem, Maîtresse-vitre Baie 0 : la Passion Inventaire général du Patrimoine en ligne. http://patrimoine.region-bretagne.fr/sdx/sribzh/main.xsp?execute=show_document&id=PALISSYIM22003789

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué). "Les vraies richesses, plus elles sont grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)

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