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19 juin 2016 7 19 /06 /juin /2016 10:42

Iconographie de saint Christophe : dans le chœur et les chapelles rayonnantes de la cathédrale de Fribourg (Freiburg im Breisgau). 1512-1524. Chorfenster ; Freiburger Münsterchores ; Hochchor; Kapellenkranz.

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Voir :

— Sur Fribourg-en-Brisgau :

— Sur saint Christophe :

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I. Huitième Fenêtre haute du chœur, coté nord. Baie n°7. 

Huitième fenêtre du coté nord du chœur. 215 x 268 cm. Vers 1512-1520 ?? Travail attribué "probablement" par C. Hermans à Hans Gittsmann, alias Meister Hans von Ropstein  (ou Raperstein).

La 4e fenêtre nord du chœur  datée de 1512 porte le nom de  Ropstein der Glaser ; une autre est datée  de 1511-1513 et on y  lit les noms de "meister Hansen von Ropstein und Jakob Wechtlin und Diedrich Fladenbacher glaser.". Une troisième est datée de Pâques 1310, une autre porte le nom de «Jacob Wechtlin» (membre de la famille du célèbre peintre Wechtlin). Les vitraux ont été posés peu de temps après que le  chœur ne soit terminé et avant même son investiture. 

On y voit sainte Marie-Madeleine, saint Christophe, saint Jean et l'apôtre saint Jacques le Majeur.

 

https://archive.org/stream/dasfreiburgermun00kemp#page/144/mode/2up

Saint Christophe, Fenêtre haute du chœur, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Saint Christophe, Fenêtre haute du chœur, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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Quatre blasons de donateurs.

Inscription : "Sigmund von Valckenstein und Christoph von Valkenstein und Ursula von Embs sin ehlich gemahl, denen Gott gnad."

— Voir la famille suisse Falckenstein sur Wikipédia : https://de.wikipedia.org/wiki/Falkenstein_(schweizerisches_Adelsgeschlecht)

Sigmund von Falkenstein (1477-25 juin1533),  fils du second mariage de Thomas de Falkenstein avec Amelia von Weinsberg, appartient à la branche installé en Brisgau et en Alsace.  Il possédait en 1499-1506 le château de Sneeburg  en Ebringen (aujourd'hui Breisgau-Hochschwarzwald). En 1506 , il épousa  la veuve Helena, fille de Hans von Hohenems. Le dernier représentant mâle de la famille, Johann Christoph von Falkenstein était l'un des trois enfants  de Sigmund et de Veronika von Embs, la veuve de Georg von Eberstein  (Maximilien, Jean-Christophe et Anne) ; il a été d' abord mentionné en 1523. Il était conseiller impérial, président du gouvernement autrichien devant Ensisheim et gouverneur suprême du Sundgau et Breisgau. Il est décédé en 1559. (données sous réserve)

— Voir la famille von Embs, de Franconie, sur Wikipédia :

https://de.wikipedia.org/wiki/Embs

En 1523, la famille possédait le château de Berolzheim.

 

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Blasons de la 8e Fenêtre haute du nord du chœur, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Blasons de la 8e Fenêtre haute du nord du chœur, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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La lancette de saint Christophe.

S. CRISTOFERUS

Bien que saint Christophe soit représenté, pour des raisons évidentes, à la même échelle que les autres saints, sa nature de géant apparaît par des traits de sauvagerie : pieds et jambes nues (alors que l'eau du gué n'est pas figurée), pieds larges, musculature forte, prise manuelle solide des poignets (main droite en supination, main gauche en pronation), visage fort, barbe non taillée, tunique nouée à la ceinture par une bande de tissu.

Exception rare dans l'iconographie, le saint passeur et son petit passager ne sont pas représentés de profil, en progression vers la gauche, mais de face, comme observés depuis la rive qu'ils doivent atteindre, d'où ces jambes écartées, ce pied droit en ouverture prononcée, cette diagonale du bâton qui participent à témoigner de l'effort en cours. 

Le bourdon est semblable à un arbre arraché, tout aussi sauvage et brut que son maître, et il ne présente encore aucun signe de la reverdie miraculeuse que le divin Enfant est en train d'annoncer pour attester de son pouvoir sur la nature, et, par métonymie, sur le Monde.

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Saint Christophe, Fenêtre haute du chœur, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Saint Christophe, Fenêtre haute du chœur, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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Saint Christophe, Fenêtre haute du chœur, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Saint Christophe, Fenêtre haute du chœur, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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II. Fenêtre de la quatrième chapelle rayonnante du chœur. 1524.

Chapelle des Lichtenfels et des Krozingen.

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01299726/document

 

Saint Christophe, Fenêtre  de la chapelle Krozingen, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Saint Christophe, Fenêtre de la chapelle Krozingen, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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Inscription "Christophorus de Crotzingen anno 1524".

Le donateur est agenouillé devant saint Christophe. Il porte le surplis et l'aumusse en pelisse des chanoines. Il était vicaire de la cathédrale.  Les armoiries associent la roue noire sur fond blanc des Krozingen, et les ailes rouges du maréchal von Delsberg, famille de la mère du donateur.

Saint Christophe, Fenêtre  de la chapelle Krozingen, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Saint Christophe, Fenêtre de la chapelle Krozingen, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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Saint Christophe, Fenêtre  de la chapelle Krozingen, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Saint Christophe, Fenêtre de la chapelle Krozingen, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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Saint Jacques présentant le donateur Trudbert von Krozingen et ses épouses.

Trudbert von Krozingen, le frère du chanoine Christophe, est agenouillé avec ses deux épouses Anna Bechtoldin et Margareta von Graben. Inscription : «Truprecht von Krozingen und Anna Bechtoldin und  frow Margareta von Graben sin elige gemahel 1524.»

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Saint Jacques présentant le donateur à saint Christophe, Fenêtre  de la chapelle Krozingen, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Saint Jacques présentant le donateur à saint Christophe, Fenêtre de la chapelle Krozingen, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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Saint Jacques présentant le donateur à saint Christophe, Fenêtre  de la chapelle Krozingen, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Saint Jacques présentant le donateur à saint Christophe, Fenêtre de la chapelle Krozingen, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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La partie droite de la quatrième chapelle : la famille Lichtenfels.

A gauche le chanoine Corneille de Lichtenfels (décédé en 1535) agenouillé devant saint Germain, abbé au VIIe siècle de Moutier-Grandval (Jura); Une inscription précise : «Cornelius de Lichtenfels, ecclesiae Basileensis- scholasticus  et canonicus». Sa tombe se trouve dans la chapelle. Ses armes associent celles des Lichtenfels et celles de sa mère, la roue des Krozingen. 

Armoiries des Lichtenfels :  les ailes et la hache d'or sur fond noir .

"Lichtenfels, Cornelius I de (?- 7 août 1535) a été le prévôt du chapitre de Moutier-Grandval de 1511 à 1535 et plusieurs fois vice-doyen du chapitre cathédral de Bâle entre 1505 et 1531. Fils de Wofgang de Lichtenfels (Wurtemberg). A deux fils, Wilhelm et Cornelius (prévôt de 1539 à 1564). Décédé le 7/8 septembre 1535. Etudes à Fribourg (1479) et à Tübingen (1493). Chanoine de Bâle dès 1488. En 1504, il est mentionné comme remplaçant à Moutier de Jean Burckard, et en 1507 de Jean Lib. En 1511, ce dernier résigne sa charge de prévôt en faveur de L. qui est nommé par le pape la même année. C'est à son époque qu'a lieu le déménagement du chapitre de Moutier à Delémont (printemps 1534), suite à la Réforme. La première mention en tant que vice-doyen du chapitre de Bâle date du 11 juillet 1505. D'autres suivront sous les décanats de Pierre de Hertenstein (1506?-1515) et de Nicolas de Diesbach (1516-1531). Ecolâtre du chapitre (1509-1535) probablement en 1509 déjà, il dut alors faire face à deux provisi nommés par le pape (mais qui n'entrèrent jamais en possession de cette fonction), contre lesquels il s'imposa totalement après le 4 mai 1511. En 1528, dispute avec Paracelse. En 1533, le chapitre s'oppose à une nouvelle nomination de L., alité, comme vice-doyen pour Lib." Dict. du Jura, https://diju.ch/f/notices/detail/3985

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Saint Germain et le Christ Sauveur, Fenêtre  de la chapelle Lichtenfels, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Saint Germain et le Christ Sauveur, Fenêtre de la chapelle Lichtenfels, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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A droite, le donateur Hans von Lichtenfels, ses épouses Maria von Landegg et  Anastasia Pfewin von Riepur   agenouillés devant le Christ Sauveur. 

Inscription : «Hans von Lichtenfels und frow Maria von Landegg, und frou Anastasia Pfewin von Riepur, sin elyge gemach.»

Les armoiries de Maria von Landeck, première épouse, est le blason des Schnewlin. Celles d'Anastasia  Pfauin von Rüppurr, sont deux clefs d' argent sur fond rouge.

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Fenêtre  de la chapelle Lichtenfels, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Fenêtre de la chapelle Lichtenfels, v.1524, cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

 — Die Schützengesellschaften zu Freiburg im Breisgau 1846 https://books.google.fr/books?id=dh5mAAAAcAAJ&dq=christoph+von+Krozingen&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— HERMANS (Clara et Claus), 2014,  Die Glasgemälde des Freiburger Münsterchores und ihr Meister Hans von Ropst https://books.google.fr/books?id=gk6QAwAAQBAJ&dq=Christophorus+de+Krozingen&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

—  KEMPF ( Friedrich), SCHUSTER ( Karl), 1906, Freiburger Münster : ein Führer für Einheimische und Fremde, Freiburg, Herdersche Verlagshandlung.

https://archive.org/stream/dasfreiburgermun00kemp#page/n7/mode/2up

— MÜLLER (Johann Nepomuk), 1839, Führer durch die erzbischöfliche Dom- und Münsterkirche zu Freiburg im Breisgau. 

https://books.google.fr/books?id=8ac5AAAAcAAJ&dq=Ursula+von+Embs&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

— SCHOLZ (Harmut) BECKSMANN (Rüdiger), 2010, Die mittelalterlichen Glasmalereien in Freiburg im Breisgau

— SCHREIBER (Par Johann Heinrich) 1826 Das Münster zu Freiburg im Breisgau page 28

https://books.google.fr/books?id=BehhAAAAcAAJ&dq=Christophorus+de+Crotzingen&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

 

 

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Published by jean-yves cordier - dans Saint Christophe. Fribourg Vitraux
18 juin 2016 6 18 /06 /juin /2016 13:09

Iconographie de saint Christophe : la verrière des Cordonniers de la cathédrale de Fribourg (Freiburg im Breisgau), 1320.

Freud et saint Christophe.

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I. La verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster) du bas-coté sud de la nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320).

Cette verrière est faite de quatre lancettes ogivales.  La première est toute entière occupée par saint Christophe, alors que les trois autres sont chacune découpées en trois médaillons consécrés à la Passion (la dernière Cène, le Christ sur le Mont des Oliviers, son arrestation, le Christ devant le roi Hérode, la Flagellation, le Couronnement d'épines, la Croix, la Crucifixion et la Mise au tombeau . Enfin, chaque lancette porte en registre inférieure une marque de donation répétée deux fois : deux ours d'or de chaque coté, et deux bottes noires au centre. Ces bottes, à lacet rouge, sur un blason d'or forment  l'insigne de la guilde des Cordonniers, comme le spécifie l'inscription : DER. SCHUMACHER. ZUNFT. ZE. DEM. GULDIN. BERN  soit "La Guilde des Cordonniers --A l'Ours d'Or --"

Les blasons latéraux sont de sable à l'ours d'or passant (dressé sur ses pattes, de profil) armé et lampassé de gueules (ses griffes et sa langue sont d'un émail rouge), à la chaîne et au collier d'azur Ces blasons, ainsi que les mots "ze dem guldin bern"  m'ont intrigué longtemps, avant que je n'apprenne que les panneaux latéraux sont de création récente (20e siècle) et qu'ils représentent l'enseigne de la taverne "A l'Ours d'or" où la Guilde tenait ses réunions. 

Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster) ,  nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster) , nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

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Guilde des Cordonniers, Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

Guilde des Cordonniers, Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

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 Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

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Lancettes de la  Passion,  Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.
Lancettes de la  Passion,  Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

Lancettes de la Passion, Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

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LA LANCETTE DE SAINT CHRISTOPHE.

J'ignore si saint Christophe était considéré par les cordonniers comme leur patron, en plus de frères martyrs Crépin et Crépinien. Saint Christophe est le patron des pèlerins et plus largement des voyageurs, c'est à dire de gens qui usent leurs souliers.

Quoiqu'il en soit, le fait qu'il occupe à lui seul (avec son passager) l'ensemble des trois panneaux , cas presque unique dans la nef où les autres lancettes sont découpées en médaillons, témoigne de ce que le gigantisme du saint n'est pas escamoté, mais que, au contraire, il  est mis en valeur comme l'un de ses caractères essentiels. On sait que selon la Légende Dorée (1261-1266), Christophe était un géant païen nommé Reprobus, qui ne prit son nom de "Porteur de Christ" qu'après sa conversion lors du passage du guè. 

La date de la verrière (1320) place ce saint Christophe en tête de la chronologie de ma série iconographique, et peu de temps après que, selon D. Rigaux, se mettent en place les principales composantes de l'image. Ainsi, dès le début du XIVe siècle, nous trouvons ici :

  • la traversée du fleuve de la droite vers la gauche.
  • L'Enfant porté sur l'épaule gauche.
  • L'Enfant tenant le globe crucigère et bénissant,
  • La rotation du bassin puis du tronc du saint
  • L'orientation rétrograde de son regard vers le haut et l'arrière, cd'est à dire vers l'Enfant.
  • Le bâton de marche qui fleurit (ou qui reverdit)
  • Les pieds dans l'eau, et les poissons et êtres aquatiques malfaisants. 

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Saint Christophe portant le Christ,  Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

Saint Christophe portant le Christ, Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

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Le regard de la Foi.

Je retrouve aussi dans ce vitrail ce regard de saint Christophe si particulier et si propre à cette iconographie, par lequel, saisi par le tourment (il succombe sous le poids incompréhensiblement lourd du bambin qu'il doit mener sur l'autre rive)  il se détourne soudain, lève les yeux, et, par l'échange de deux phrases, réalise qu'il porte le Maître du Monde. L'axe de son regard s'oppose à l'horizontalité de sa progression et accède à la fois à la verticalité et au renversement, à la con-version. L'Enfant-Christ regarde, lui, dans la direction de sa main qui bénit. 

A ces axes se mêlent ceux du bâton de marche, ici d'abord vertical comme une hampe, mais qui s'incline, à la fois pour épouser la courbe ogivale du sommet de lancette, mais aussi pour témoigner du changement de nature qui s'opère. La rigidité orgueilleuse et  ligneuse devient flexibilité, adaptation, mouvement d'un feuillage habile à se courber sans rompre, humilité, mais aussi vigueur animée par la sève, la vie. 

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Saint Christophe portant le Christ,  Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.
Saint Christophe portant le Christ,  Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

Saint Christophe portant le Christ, Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

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Les pieds dans l'eau.

Le changement de milieu (air / eau) est rendu par des ondulations en grisaille, selon des directions différentes pour chaque pièce. Sur le plan spirituel, il s'agit d'indiquer que la traversée du fleuve est un temps de rupture et d'exposition aux risques. L'eau est l'élément étranger, dangereux, celui de la perte des repères et de la stabilité, celui où l'on peut perdre pied et être emporté par l'impulsivité de tous ces courants représentés en lignes sombres. L'eau est en relation avec les forces démoniaques, profondes, basses, en relation avec les forces démoniaques, et, pour le souligner, le peintre-verrier à dessiné d'une part un gros poisson (imaginons un brochet) qui en dévore un autre plus petit, et d'autre part un véritable dragon à queue de serpent, ailé comme un hibou et à tête de diable.

 

 

int Christophe portant le Christ,  Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.
int Christophe portant le Christ,  Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

int Christophe portant le Christ, Verrière des Cordonniers (Schuhmacherfenster), nef de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau. (1320). Photographie lavieb-aile.

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DIGRESSION ET SABLES MOUVANTS. "Le Saint Christophe allemand".

     En 1896, Konrad Richter fit paraître dans le vol. V. I des  Acta Germanica, Organ für deutsche philologieBerlin, Mayer und Müller,  son article  de 243 pages sur « Der deutsche St. Christoph », où il menait une enquête parfaitement érudite et exhaustive sur le saint Christophe Allemand, et les bases et évolutions des textes de la Légende ou de l'iconographie christophienne en Allemagne. Il serait abusif de prétendre que je l'ai lu, malgré le vif désir que j'ai éprouvé de le faire ;  je fus peut-être rebuté par l'absence de toute illustration et par l'appareil proliférant des notes de bas de page ou note de pied (Fußnote ), mais surtout par mon absence de compréhension aisée de l'allemand

Il m'est impossible de deviner par quels hasards, par quelle boulimie de lecture, Sigmund Freud a pu lire cet indigeste pavé jusqu'à la page 223 ; mais peut-être, en 1920, après avoir écrit Au delà du principe du plaisir, souhaitait-il proposer à son psychisme un matériau aléatoire, et s'était-il donné comme consigne de se saisir, dans une bibliothèque, du premier ouvrage écrit l'année de la mort de son père, de l'ouvrir à la page 223 en fonction de calculs de numérologie hébraïque issue de la Gematria, et de lire la ligne 18 pour d'autres raisons encore. Toujours est-il qu'il prit connaissance de la note 1) de cette page 223, ou d'une partie seulement de cette note, et qu'il la cita dans le chapitre IV de son article Massenpsychologie und Ich-Analyse de 1921. Si on lit la traduction française de S. Jankélévitch paru en 1926, Psychologie collective et analyse du moi, en pensant qu'on comprendra mieux ainsi le rapport entre saint Christophe et "Suggestion et libido" (le titre du chapitre IV), prévenons rapidement le lecteur d'une possible désillusion.

Lorsqu'à un malade qui se montrait récalcitrant on criait : « Que faites-vous ? Vous vous contre-suggestionnez !», je ne pouvais m'empêcher de penser qu'on se livrait sur lui à une injustice et à une violence. L'homme avait certainement le droit de se contre-suggestionner, lorsqu'on cherchait à se le soumettre par la suggestion. Mon opposition a pris plus tard la forme d'une révolte contre la manière de penser d'après laquelle la suggestion, qui expliquait tout, n'aurait besoin elle-même d'aucune explication. Et plus d'une fois j'ai cité à ce propos la vieille plaisanterie : « Si saint Christophe supportait le Christ et si le Christ supportait le monde, dis-moi : où donc saint Christophe a-t-il pu poser ses pieds ? [Note 1 « Christophorus Christum, sed Christus sustulit orbem. Constiterit pedibus die ubi Christophorus? » Konrad Richter : Der deutsche St. Christoph, Berlin, 1896. Acta Germanica, V, 1.] ». 

Dans l'article original de Freud, nous avions :

Ich wiederholte mit Bezug auf sie die alte Scherzfrage [Fußnote]:

Christoph trug Christum,

Christus trug die ganze Welt,

Sag', wo hat Christoph

Damals hin den Fuß gestellt?"

Finalement, il semble plus simple de lire Konrad Richter directement, et sa note de la page 223, qui, par contraste, semble limpide. C'est lui qui parle de la blague bien connue (bekannte scherz) citée en latin, Christophorus Christum, sed Christus sustulit orbem. Constiterit pedibus die ubi Christophorus? et qui cite son auteur, Johannes Heidfeld, et son ouvrage, paru en 1600, le Sphinx théologico-philosophique. Limpide ? Pas tant que ça, car ce n'est qu'après cette citation en latin du texte (allemand) de Heidfeld que Richter donne le texte cité par Freud (Christoph trug Christum, [...] Damals hin den Fuß gestellt?"), texte écrit sur une "image" (une peinture murale ?) du saint à Tölz en Haute-Bavière et relevée à la page 13 d'un livre d'aphorismes et d'apoptegmes écrit par W. Hertz en 1882 Deutsche Inschriften an Haus und Geräth: Zur epigrammatischen Volkspoesie -(Bessersche Buchhandlung), Berlin, 237 pages !!

Konrad Richter s'est peut-être lui-même inspiré de Der Große Christoph, de Ferdinand Hautal,  (pseudonyme de J.F. Francke) paru à Berlin en en 1843 : voyez la page 44. 

Encore un effort : cherchons le texte original de J. Heidfeld.

Johannes Heidfeld (Heidfeldius), né à Waltrop près de Cologne en 1563, pasteur d'Ebersbach,  fut le premier professeur de théologie protestante au lycée d' Herborn. Il a publié Sphinx theologica-philosophica en huit éditions de 1600 à 1631   dans huit éditions, et son ouvrage a été extrèmement populaire. Il a été mis à l'Index dès 1616. Il a été écrit par un co-auteur, Johann Flitner

Je pars à la recherche de ce Sphinx :

Heidfeldius, Joannes, Waltorffensis. Sextium renata, renovata, ac longe ornatius etiam, quam unquam antea exculta Sphinx theologìco-philosophica. Adornavit, recensuit, et in theatrum totius orbis europaei ex parentis voluntate produxit Godefridus Heidfeldius Johannis F. Nassovius . Herborn, Christoph Rab (Corvinus), 1612, in-8°, [31], 823 p.

Je le trouve dans une édition de 1624 : voyez le chapitre XL  page 771 :

https://books.google.fr/books?id=RMdIAAAAcAAJ&dq=Sphinx+theolog%C3%ACco-philosophica.&hl=fr&source=gbs_navlinks_s

C'est, comme la mention du Sphinx l'indique, une succession d'énigmes, de devinettes posées en chausses-trapes pour l'esprit, dans le domaine religieux. On trouve ainsi : "Est-ce le Christ qui porta la Croix, ou la Croix qui porta le Christ ?" (Hat Christus das Creutz / oder das Creutz Christum getragen) ou, juste avant le distique sur saint Christophe, un rébus sur les lettres du nom IEJUS. 

J'accède enfin au texte original :

Christum Sanct Christophorus tregt/

Christus sich mit der Welt belegt /

Drauff ist die Frag / sag du mirs nun 

Worauf denn der Christträger stundt.

https://archive.org/stream/derdeutscheschr00richgoog#page/n231/mode/2up

https://archive.org/stream/derdeutscheschr00richgoog#page/n231/mode/2up

En résumé, Freud a cité le texte allemand relevé à Tölz, et cité par Richter, mais il a donné en note de bas de page dans sa référence à Richter 1896 un texte latin attribué à Heidfeld 1600, alors que celui-ci a écrit en allemand !

Tout lecteur est comme un pèlerin qui, mené par la foi en l'Auteur, avance rapidement vers son but, sa Rome, son Compostelle, la fin du livre, sans réaliser que son âme ne gagnera le salut que par les pierres du chemin. C'est (les cordonniers de Fribourg le savaient !) l'usure des souliers qui fait le pèlerin et lui procure ses gages, et non sa présence finale dans les Lieux Saints. Or le lecteur trop pressé, s'il achoppe sur un passage, tourne la page car il est convaincu que l'Auteur, dans sa grande sagesse, va le mener vers la révélation du Sens. Parfois pourtant, il doit interrompre sa marche et se retourner vers l'Auteur : Que veux-tu dire ?

Que signifient  les quatre vers de Heidfeld ? C'est une simple plaisanterie sur la polysémie du mot Welt, le Monde.  Le Christ ne porte pas "le Monde", mais sa représentation,  le globe terrestre, la mappemonde avec, en son sommet, la croix : le globus cruciger. C'est le symbole de son pouvoir sur l'univers, ou aussi du poids du Péché du Monde, puisque la figure renvoie à la déclaration de saint Jean-Baptiste Ecce Agnus Dei, qui tolli peccata mundi, (Jn 1:29) "Voici l'Agneau de Dieu, qui soulève (qui enlève, qui ôte)  le Péché du monde". Le verbe tollo, is, ere signifie lever, soulever, enlever.

Dans sa traduction en latin, Richter traduit Welt (Monde) par le mot orbem (l'orbe) et affaiblit ainsi la blague assimilant Mappemonde et Monde.

Au delà de la plaisanterie, on peut voir, comme le fait Freud, une illustration de la difficulté à trouver un fondement, un point d'appui (comme Archimède : donnez-moi un point d'appui et un levier, et je soulèverai le monde !). Si Atlas porte le Monde (en réalité, le globe céleste), dis-moi sur quoi il prend appui ! Si le savant observe le Tout, dis-moi où est son point de vue ! Si Christophorus "qui porte le Christ", porte le Monde, où se situe-t-il lui-même ! Dans l'hypnose, si  les thérapeutes croient que la Suggestion est un Tout qui n'a besoin d'aucune explication, comment la justifier si elle échoue car le patient se contre-suggestionne ? Dans tout système de pensée totalitaire, qui se justifie par lui-même et dont la Fin justifie les moyens, dis-moi où est l'appui d'une justice ?

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En illustration, un tableau du Maître de  Meßkirch vers 1562 au Kunstmuseum de Bâle, image Andreas Praefcke, Wikipédia 

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Hl_Christophorus_1562_Kunstmuseum_Basel.jpg

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SOURCES ET LIENS.

http://www.freiburgermuenster.info/html/content/die_fenster.html?t=55dfc6c14d149648d3240d2a789fb62b&tto=4a0b081b

https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Schuhmacherfenster_(M%C3%BCnster_Freiburg)_jm2369.jpg

http://blogs.sciences-po.fr/recherche-icones-globe/2010/12/09/le-paradoxe-de-saint-christophe/

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Published by jean-yves cordier - dans Saint Christophe. Fribourg Vitraux
15 juin 2016 3 15 /06 /juin /2016 20:54

Les deux Vierges couchées de la cathédrale Notre-Dame de Fribourg-en-Brisgau (Allemagne).

Maria im Wochenbett : Das Westportal am Freiburger Münster / Der Schmiedefenster im Freiburger Münster.

Voir aussi :

LES VIERGES COUCHÉES. 6 articles.

http://www.lavieb-aile.com/article-les-vierges-couchees-de-bretagne-2-chapelle-du-yaudet-a-ploulec-h-105555217.html

http://www.lavieb-aile.com/article-vierges-couchees-3-chapelle-de-kergrist-a-paimpol-105604068.html

http://www.lavieb-aile.com/article-vierge-couchee-calvaire-de-tronoen-a-saint-jean-trolimon-29-110465874.html

http://www.lavieb-aile.com/article-la-vierge-couchee-dans-les-nativites-des-livres-d-heures-113263711.html

http://www.lavieb-aile.com/article-vierges-couchees-la-cathedrale-de-chartres-112103311.html

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Je nomme "Vierge couchée" la Vierge qui, dans les Nativités, est allongée dans son lit d'accouchée avant les relevailles. Louis Réau les désigne sous le terme de "Vierge en gésine sur son lit d'accouchée", et le Bildindex de Marburg sous le terme allemand de "Maria im Wochenbett". Wikipédia y consacre un article sous le titre Maria in puerperio.  Saint Joseph se tient le plus souvent au pied du lit. J'ai déjà donné de nombreux exemples dans mes articles sur les spectaculaires Vierges au lit bretonnes, mais prenons ici comme exemple, puisque nous voilà en Allemagne, le tableau Die Geburt Christi de Conrad von Soest, qui date de 1404 : 

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Lors de ma visite de la cathédrale de Fribourg, j'ai découvert deux exemples de ces Vierges en couches, le premier dès l'entrée puisqu'il m'accueillait sur le tympan du porche principal, et le second — plein de cocasserie— sur le bas-coté nord de la nef. Finalement, passant du coq à l'âne, je me suis retrouvé lancé dans une enquête sur le bœuf de la crêche !

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LA VIERGE COUCHÉE DU TYMPAN du portail ouest.

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Le porche de la tour de la cathédrale de Fribourg  a été construit en même temps qu'a été exécutée sa décoration sculpturale,  à la fin du 13ème siècle. Il a été peint de couleurs vives à trois reprises en 1300, 1604 et 1889, et à nouveau entre 1999 et 2004. 

 

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a) Vue générale du porche.

http://www.zum.de/Faecher/G/BW/Landeskunde/rhein/freiburg/muenster/vorhalle1.htm

On remarque au centre, entre les deux portes, une Vierge placée au dessus de Jessé accroupi.

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Porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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b) Le tympan et ses trois registres.

 Le tympan associe un Jugement Dernier, et des scènes de la Vie de Jésus (Naissance et Passion). Au sommet, entre la Vierge et saint Jean, le Christ assis sur un trône, montrant ses plaies, et entouré d'anges portant les instruments de sa Passion.  Le registre sous-jacent est centré par un pélican (noir) nourissant ses petits de sa propre chair. Les douze apôtres l'entourent, tous assis, sur des petits nuages. En dessous d'eux vient le Christ crucifié, au dessus du crâne d'Adam, et à sa gauche le bon Centurion,  Longin, et neuf personnages enchaînés et entraînés ders la gueule du Léviathan. A sa droite se trouvent Marie et Jean, et d'autres personnages.

Le registre inférieur est celui qui nous concerne Il comporte une bande haute avec une Résurrection des morts, sortant de leur tombe à l'appel de quatre anges bucinateurs. Plus bas, la moitié gauche  comporte des scènes de la Passion : Judas pendu au figuier, saint Pierre coupant l'oreille du serviteur du grand prêtre, le Christ aux outrages, la Flagellation du Christ lié à la colonne.

Enfin, dans la partie droite de ce registre inférieur, une Nativité et l'Annonce faite aux bergers. Que nous allons regarder de près.

 

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Tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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La Nativité et l'Annonce aux bergers.

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Nativité du tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Nativité du tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Annonce aux bergers.

A droite, un ange présente une banderole avec les mots ANNUCIO VOBIS, [les auteurs lisent ou ont lu ANNUNTIO] qui renvoient à l'évangile de Luc : Lc 2:8-15 :

  et ecce angelus Domini stetit iuxta illos et claritas Dei circumfulsit illos et timuerunt timore magno et dixit illis angelus nolite timere ecce enim evangelizo vobis gaudium magnum quod erit omni populo quia natus est vobis hodie salvator qui est Christus Dominus in civitate David et hoc vobis signum invenietis infantem pannis involutum et positum in praesepio et subito facta est cum angelo multitudo militiae caelestis laudantium Deum et dicentium gloria in altissimis Deo et in terra pax in hominibus bonae voluntatis

 "Il y avait dans la même région des bergers qui passaient la nuit dans les champs pour y garder leur troupeau.  Un ange du Seigneur leur apparut et la gloire du Seigneur resplendit autour d'eux. Ils furent saisis d'une grande frayeur.  Mais l'ange leur dit: «N’ayez pas peur, car je vous annonce une bonne nouvelle qui sera une source de grande joie pour tout le peuple:  aujourd'hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur qui est le Messie, le Seigneur.  Voici à quel signe vous le reconnaîtrez: vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une mangeoire.» Et tout à coup une foule d'anges de l'armée céleste se joignit à l'ange. Ils adressaient des louanges à Dieu et disaient:  «Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, paix sur la terre et bienveillance parmi les hommes!»"

Mais on voit que la Vulgate utilise le terme "evangelizo" (annoncer une bonne nouvelle, proclamer) et non "annuntio", qui appartient à la version syriaque. On voit aussi qu'il manque un tilde : ANNU[N]CIO ou ANNU[N]TIO. La formule "Ecce annuntio vobis magnum gaudum" se retrouve dans les chants grégoriens en Italie au XIe siècle pour les offices de la Nativité (Florence, Plaisance) ou à Augsbourg, 1459. La leçon "Ecce anuncio vobis" se retrouve sur les enluminures de Livres d'Heures du XVe siècle : Miniature au début de tierce de la Vierge, Carpentras, BM ms 0052 f 050 ; Heures à l'usage de Châlons-en-Champagne, BM Lyon Ms 5146 f. 47v  Gloria in excelsis Deo anuncio vobis gaudium ; Livre d'heures à l'usage de Soissons. BM Lyon Ms 5142, XVe siècle, Anuncio vobis (gau)dium mag(num) 

 

L'ymagier ne manque pas d'humour dans sa mise en scène ;  le berger, portant un chapeau rond noué sous le menton par de longs lacets, une tunique sans manche proche des dalmatiques, des guêtres ou housseaux, tient attaché à son poignet par une  laisse impressionnante un solide molosse. Sa canne n'est qu'un bout de bois tordu.  Devant ses pieds se trouvent un bélier et un mouton tandis que deux chèvres broutent les feuilles d'une vigne (ou d'un arbre à gousses). 

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Annonce aux bergers, tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Annonce aux bergers, tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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La Nativité. 

Dans l'évangile de Luc, la Naissance de Jésus est annoncée ainsi aux bergers :

 et hoc vobis signum invenietis infantem pannis involutum et positum in praesepio , "Voici à quel signe vous le reconnaîtrez: vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une mangeoire."  Lc 2:12 .

 

Le récit est enrichi au VIIIe siècle dans l'Évangile du Pseudo-Matthieu chap. XIV : 

Le troisième jour de la naissance du Seigneur, la bienheureuse Marie sortit de la caverne , et elle entra dans une étable, et elle mit l'enfant dans la crèche, et le bœuf et l'âne l'adoraient . Alors fut accompli ce qui avait été dit par le prophète Isaïe : « Le bœuf connaît son maître, et l'âne la crèche de son Seigneur. » Ces deux animaux, l'ayant au milieu d'eux l'adoraient sans cesse. Alors fut accompli également ce qu'avait dit le prophète Kabame : « Tu seras connu au milieu de deux animaux. » Et Joseph et Marie demeurèrent trois jours dans cet endroit avec l'enfant".

Puis Jacques de Voragine le diffuse dans sa Légende Dorée du XIIe siècle 

Nous voyons ici de gauche à droite :

  • Un ange tenant un cierge, éclairant la crèche mais signifiant surtout que la venue  de l'Enfant s'assimile à l'apparition de la Lumière divine. 
  • La Vierge, couchée sous des draps damassés, le dos surélevé par un dossier et un coussin.
  • L'Enfant, cheveux courts, blonds et bouclés, tourné sur le coté droit, tient sa Mère par le bras.  
  • Deux anges  en adoration.
  • la mangeoire, en osier, ressemble à une clôture de jardin  : Le terme de la Vulgate  praesepio, "mangeoire" vient de  saepio "entourer d'une haie" ; il traduit le terme grec φάτνη phátnä et correspond à notre mot "crêche" : une mangeoire, et, par extension, l'étable. 
  • L'âne, regardant le bœuf qui mange la paille du berceau improvisé. Ce motif discrètement comique va trouver sa suite dans notre second exemple sur le vitrail de la nef, mais on peut aussi le retrouver, quasi identique à celui-ci, au tympan du porche de l'église de la Frauenkirche d'Esslingen.
  • un ange thuriféraire.
  • saint Joseph assis, pensif, la canne à la main et le bonnet cônique sur la tête.

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La Vierge couchée, tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

La Vierge couchée, tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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La Vierge couchée et son Fils, tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

La Vierge couchée et son Fils, tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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Saint Joseph, tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

Saint Joseph, tympan du porche de la cathédrale de Fribourg-en-Brisgau, photographie lavieb-aile.

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LA VIERGE COUCHÉE DU VITRAIL DE LA NATIVITÉ, BAS-COTÉ NORD DE LA  NEF. 1320.

Nördliches Seitenschiff, Schmiedefenster.

La deuxième fenêtre du bas-coté nord de la nef est faite de trois lancettes de quatre panneaux. Comme les autres verrières, elle est offerte par des corporations d'artisans, ici les forgerons (schmied) dont le patron est saint Éloi, Eligius en latin. La lancette du milieu porte le blason des forgerons en bas (tenaille, marteau et serpent), saint Éloi ferrant un cheval dont il a coupé la patte au milieu, et une Crucifixion au sommet. Les lancettes latérales illustrent la Vie de la Vierge : Annonciation et Nativité à gauche, Visitation et Fuite en Égypte à droite. 

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La verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile

La verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile

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Lancette centrale de la verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile
Lancette centrale de la verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile

Lancette centrale de la verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile

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La Nativité de la Verrière des Forgerons.

Nativité, verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile.

Nativité, verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile.

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La Vierge, assise dans son lit d'accouchée, la tête (nimbée et voilée) posée sur un oreiller bleu à carreaux, lève les bras vers son Fils. On croit d'abord qu'elle le soulève pour l'admirer ou joer avec lui, mais on comprend qu'en réalité, il est en train de tomber de la mangeoire en osier qui lui sert de berceau, car le bœuf, au lieu de manger le foin,  dévore l'une des extrémités des langes de l'enfant. Panique !

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Nativité, verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile.

Nativité, verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile.

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Face à ce petit accident, Joseph, d'habitude si passif et mélancolique,  a réagi promptement et, levant sa canne, il frappe (certainement avec douceur) le museau de l'animal gourmand.

 

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Nativité, verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile.

Nativité, verrière des Forgerons (Schmiedefenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile.

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Je dois ajouter qu'il y a une troisième Vierge couchée à la cathédrale de Fribourg, en croisillon sur la Verrière des Martyrs du bas-coté sud de la nef. Mieux, c'est, en plus, une Vierge allaitante. Des années 1270-1280.

Mais voilà, j'ai raté ma photo.

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Nativité, verrière des Martyrs (Märtyrerfenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile.

Nativité, verrière des Martyrs (Märtyrerfenster) de la cathédrale de Fribourg, photographie lavieb-aile.

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SOURCES ET LIENS.

http://www.michaelseeger.de/muenster/index.html

http://www.michaelseeger.de/muenster/ochs.html

http://www.ulrichengert.de/resources/PDF/Ulrich_Engert_Referenz_Corpus_Vitrearum.pdf

http://www.bildindex.de/obj20578989.html#|home

— ARONIKA (Markus), 2013,  Farbe und Licht, Geisliche Beschreibungen von Fenstern im Freiburger Münster, Promo Verlag.

—  KEMPF ( Friedrich), SCHUSTER ( Karl), 1906, Freiburger Münster : ein Führer für Einheimische und Fremde, Freiburg, Herdersche Verlagshandlung.

https://archive.org/stream/dasfreiburgermun00kemp#page/n7/mode/2up

— SCHÄFER (Hermann) Deutsche Geschichte in 100 Objekten, Piper ebooks, 9 nov. 2015 - 656 pages 

 https://books.google.fr/books?id=p5TVCgAAQBAJ&pg=PT111&dq=%22schmiedefenster%22&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwje1_WDpK_NAhVFrRQKHfXdD4EQ6AEIKTAB#v=onepage&q=%22schmiedefenster%22&f=false

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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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