Les vitraux du XIIe siècle de la cathédrale Saint-Julien du Mans (I). Baie XIV et XV.
Voir aussi sur ce blog sur la cathédrale du Mans :
- Le vitrail du Credo apostolique baie 217.
- Le vitrail de la Rose de la baie 217.
- L'arbre de Jessé du XIIIe siècle
- Les stalles de la sacristie :
- Les deux échiquiers de musique
- L'instrumentarium de la Chapelle de la Vierge.
Les parties les plus anciennes de la cathédrale du Mans, datent du dernier tiers du XIe siècle. Le chœur entrepris par l'évêque Vulgrin vers 1060 s'écroula peu après et l'évêque Arnaud en fit raser les ruines pour bâtir un nouveau chœur, œuvre achevé par Hoël* sous son pontificat de 1085-1096, faisant achever le transept, commencer la nef et ornant le chœur et les croisillons de vitraux. Hildebert de Lavardin** (1096-1126) termina la nef et les collatéraux et l'édifice fut consacré en 1126 ; on sait qu'il commanda des vitraux pour la salle capitulaire. Deux incendies de 1134 et 1138 imposent la restauration de la cathédrale jusqu'en 1158, date de la nouvelle dédicace par Guillaume de Passavant, dotant l'édifice d'une nef de 55 m de haut et 23 m de large. On ignore si tous les vitraux de Hoël et de Lavardin ont été détruits par les incendies. De 1220 à 1257, l'ancien chœur d'Arnaud est démoli et remplacé par un nouveau chœur à double déambulatoire et chapelles rayonnantes. De nouvelles verrières à thèmes légendaires (ceux du XIIIe siècle, gothiques) sont créés pour ces chapelles vers 1235.
*Hoël, ayant rapidement achevées travaux de l'élévation du transept commencé par son prédécesseur Arnaud, implanta les murs extérieurs de la nef du bâtiment actuel, il fit paver le chevet d'Arnaud et le décora, comme les deux bras du transept, de beaux vitraux. Vitreas quoque, per ipsum cancellum perque cruces circumquaque, laudabili sed sumptuosa nimium artis varietata disponeus, Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, Busson in Ledru, Archives historiques du Maine, 1901 p. 383. Eugène Hucher avait émis l'hypothèse, qui n'a pas été réfutée définitivement, que les 4 panneaux de l'Ascension dataient de Hoël.
** Hildebert de Lavardin, Actus pontificum p. 400 :...domum capituli , que ibi, ex multo tempore, nulla penitus habebatur, laudabili opere cepit a fundementia construere, eamque decenter et undique vitreis illustravit ... L'attribution des vitraux du XIIe à son épiscopat a été discutée par Hucher, par A. Dieudonné (1898) (Hildebert de Lavardin, évêque du Mans, page 80) et par C. Brisac (1981) mais surtout par Anne Granboulan (1991)
Outre ceux de Hoël et de Lavardin, les premiers vitraux, romans, durent être réalisés de 1136 à 1158. Nous n'en conservons que les éléments fragmentaires de ce qui a du être un groupe de l'Ascension, un Jugement Dernier, une suite de l'Enfance du Christ, la Vie ou le Martyre de saint Étienne, et la Vie de saint Julien, patron de la cathédrale. Seul ce dernier ensemble est encore à sa place initiale dans la fenêtre occidentale. Les autres furent utilisés en bouche-trous des verrières gothiques après les destructions des huguenots en 1562. En 1876, les maîtres-verriers Steinheil et Coffetier récupérèrent les panneaux du XIIe siècle disséminés, et les regroupèrent dans la nef, où ils se trouvent actuellement, non sans montages factices, et recompositions contestables. Aujourd'hui, il n'est pas possible de décrire la disposition initiale de ces vitraux, ni d'être certain de la date de leur création.
La Baie XIV : Jugement Dernier. Vers 1160.
Lancette de plein cintre de 2,30 m de haut et 1 m. de large, composite, faite d'un fragment d'un Jugement Dernier en 3 médaillons superposés. Ces fragments témoignent selon C. Brissac d'une vaste composition à l'origine, de taille monumentale, incluant des médaillons avec d'autres apôtres, des anges, des morts sortant de leurs tombeaux. Ce thème privilégié du val de Loire (peintures murales) était généralement placé au revers des façades occidentales. Le Christ en croix est très restauré, et, initialement, cette représentation eschatologique était au centre d'un cercle à fond rouge et le nimbe crucifère empiétait sur l'encadrement aujourd'hui disparu.
Par contre, les deux médaillons à fond clair sont relativement bien conservés.
"La distribution spatiale des personnages qui mordent sur le cadre, le découpage des drapés en plages triangulaires, les expressions pensives des visages longs et tristes soulignent la sensibilité de cet atelier aux nouveaux courants byzantinisants? Ces derniers modifient les données formelles dans beaucoup de centres artistiques européens dès les années 1150. [...] Ces contacts avec l'Orient méditerranéen ont été revivifiés par la pénétration anglaise après l'union d'Aliénor et d'Henri II Plantagenet en 1152. Enfin, la simplification du décor des filets d'encadrement et des fermaillets annonce déjà les modèles de la seconde moitié du XIIe siècle".
Baie XV. Composite.
Baie en plein cintre de 2,30 m de haut et 1 m. de large faite de trois registres de médaillons vers 1150 au centre et de 4 registres de scènes insérées en bordure et datant de vers 1200.
Restauration en 1900-1902 par Steinheil.
L'Église couronnée par saint Pierre (bordure, 1er élément en bas à gauche), 1200. Inscription ECCLESIA PETRUS.
Baie XV, Apparition du Christ à Marie-Madeleine (Noli me tangere) v. 1200. Bordure, 3ème registre gauche.
SOURCES ET LIENS.
— AUBERT M. 1954 "Les vitraux de la cathédrale du Mans » Une cathédrale en son pays. VIIe centenaire de la cathédrale du Mans p.23-27
— BRISAC (Catherine), 1981, "Les vitraux du XIIe siècle", in La cathédrale du Mans, sous la dir. de André Mussat, Berger-Levraut pp. 60-69.
— BUSSON G. Actus pontificum Cenomannis in urbe degentium, in Ledru, Archives historiques du Maine, 1901 p. 383 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k736761/f538.image
— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis) 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum Recensement II, CNRS éditions, Paris.
— DEBIAIS (Vincent),2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (Région Pays de la Loire) CNRS éditions, Paris. page 200. page 244.
— DIEUDONNÉ (A.) 1898 Hildebert de Lavardin, évêque du Mans, archevêque de Tours (1056-1133): Sa vie.--Ses lettres Paris, Mamers https://archive.org/details/hildebertdelava00dieugoog
— GRANBOULAN (Anne) 1991 "Une identification nouvelle pour un vitrail du XIIe siècle à la cathédrale du Mans" in Revue historique et archéologique du Maine, 3e série, t. 11, 1991, p. 297-304 ou dans Vitrea Revue du Centre international du vitrail 1990 30-35
— GRANBOULAN (Anne) 1994, "De la paroisse à la cathédrale : une approche renouvelée du vitrail roman dans l'ouest" Revue de l'Art Volume 103 pp. 42-52 Persée.fr :http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rvart_0035-1326_1994_num_103_1_348108
— GRANBOULAN PASCAUD (Anne) 1991 La tradition picturale des provinces de l'ouest de la France dans le vitrail du douzième siècle Thèse en Art et archéologie sous la direction de Anne Prache, Paris IV.
Résumé : Trois ensembles de vitraux, créés pour des églises paroissiales rurales des diocèses de Tours et d'Angers dans le deuxième tiers du douzième siècle, constituent une base pour l'étude des plus anciens vitraux de l'ouest de la France: vitraux de Chemille-surindrois (Indre-et-Loire), et de Chenu (Sarthe) conserves à Rivenhall (Essex). Par leur technique et par leur style, ils appartiennent au groupe des plus anciennes series de vitraux des grands édifices de l'ouest: cathédrales du Mans, d'Angers, de Poitiers, et abbatiale de Vendôme; le vitrail des Essards peut être attribue à l'atelier de l'ascension du Mans. L'iconographie de ces vitraux illustre la spiritualité de l'époque et est liée au combat contre l'hérésie; elle a sans doute été inspirée par les clercs patrons des édifices: archevêque et trésorier de Tours (les Essards et Chemille), et chapitre de Saint-Martin de Tours (Chenu) ces images illustrent la prédication contemporaine, notamment celle de Hildebert de Lavardin et de Geoffroi de Vendôme. Le style de ce groupe de vitraux, tres graphique et linéaire, est l'héritier de la peinture murale et surtout de l'enluminure dans la vallée de la Loire autour de 1100; il est également très proche du style d'œuvres peintes et enluminées dans le Maine, l'Anjou et la Touraine jusqu'au milieu du douzième siècle, notamment de livres enlumines à Tours et à Vendôme vers 1150. En conclusion, ces verrières témoignent de la peinture sur verre a tours au douzième siècle, de la circulation des artistes, et elles montrent l'importance de la tradition picturale de Tours et de sa région dans la diffusion de ce style dans la peinture sur verre.
— GRODECKI (Louis) 1961 Les vitraux de la cathédrale du Mans
— GUÉRIN (Paul) 1888, Les petits Bollandistes : vies des saints de l'Ancien et du Nouveau Testament, des martyrs, des pères, des auteurs sacrés et ecclésiastiques ..., notices sur les congrégations et les ordres religieux, histoire des reliques, des pèlerinages, des dévotions populaires, ..."Paris https://archive.org/stream/lespetitsbolland05gu#page/n5/mode/2up
— HUCHER (Eugène) et LAUNAY (Abbé), 1864, Calques des vitraux de la cathédrale du Mans Calques des vitraux peints de la cathédrale du Mans... par M. Eugène Hucher et l'abbé Launay. Introduction historique : école primitive de peinture sur verre au Mans, par l'abbé Lottin. Paris, Didron