Nef, coté nord, deuxième baie à l'ouest à partir de la façade occidentale.
Baie XVII. (v.1140-1145).
Lancette en plein cintre de 2,30 m de haut et 1 m de large. Verrière composite faite de 3 médaillons circulaires superposés. Localisation originelle inconnue, les panneaux ayant été déplacés à plusieurs reprises, et remployés dans la baie 208 dans la première moitié du XIXe siècle. Plusieurs restaurations ; bordures et fonds par Steinheil en 1902. État de conservation "exceptionnel" (Corpus vitrerarum) ou "moyen" (Corpus inscriptions).
1. Registre supérieur : Sommeil des Mages.
Réalisé vers 1130 par le Maître de l'Ascension (voir baie XVI Ascension et baie XVIII).
"Ce médaillon a conservé sa cohérence initiale et son encadrement primitif, deux perlés entourant une frise de courts rinceaux. D'autres détails décoratifs, comme la bande de petits quadrillages formant un écran au fond de la scène, témoignent de la préciosité de son exécution." (C. Brisac, 1981)
Par ces détails, par sa technique picturale, sa facture linéaire et sa chaude coloration,de panneau dépareillé se rattache à l'Ascension de la baie XVI, de même que " Saint Pierre conduit hors de prison" et "le Pilate se lavant les mains" de la baie XVIII.
2. Registre moyen : Résurrection d'un prêtre près du tombeau de saint Étienne.
Inscriptions dans un bandeau noir courbe, en lettres capitales sans aucune onciale :
En haut de la scène :
SEPVLCRV. S .I. STEPHANI (Sepulchrum Sancti Stephani : "Tombeau de saint Étienne")
Sous le tombeau du saint, dans un bandeau noir: je lis SACERDOS RESVSCITATU ("SCI" avec le I inscrit dans le C ) et le Corpus déchiffre SACERDOS RESVCITATUR. ("Prêtre ressuscité").
La Légende dorée de Jacques de Voragine (1261-1266, donc postérieure) mentionne plusieurs résurrections miraculeuses mais pas celle d'un prêtre.
Le Mans, Baie XVII, légende de saint Étienne : résurrection d'un prêtre près du tombeau du saint. v.1140.
Le Mans, Baie XVII, légende de saint Étienne Détail : résurrection d'un prêtre près du tombeau du saint. v.1140.
3. Registre inférieur. Exposition du corps de saint Étienne aux animaux.
Inscription :
Au dessus de la scène dans un bandeau noir, en lettres capitales fines sans onciales, comme dans le deuxième registre :
VBI . S . ST[.]PH' . P-CIPITVR BESTIIS. Soit Ubi sanctus Stephanus precipitur bestiis, "Où saint Étienne fut exposé aux bêtes". Abréviation de Stephanus par un H barré ; suspension de sanctus à l'initiale S surmontée d'un tilde à renflement médian. Un P barré remplace -pre- dans precipitur.
Sacerdotum, ut projectum bestiis cadaver extra portam Jerusalem ; in ipso passionis loco maneret insepultum : die noctuque sic jacuit, sed penitus illasesum ; non avis, non fera attigit.
Cet épisode est relaté dans la Légende dorée de Jacques de Voragine à la date du 3 août, célébration de l'Invention des reliques de saint Étienne, mais la Legenda aurea reprend un corpus de textes qui font l'objet d'un Appendice dans le tome VII de l'édition des Oeuvres de saint Augustin, entre la Cité de Dieu et Contre les Manichéens. Un clerc d'origine espagnole, Avitus aurait traduit vers 415 du grec au latin une Lettre du prêtre Lucien (que celui-ci lui aurait remise) et aurait adressé — par l'intermédiaire du prêtre Orose — cette traduction à l 'évêque Balchonius de Braga en même temps que les reliques du saint. Saint Augustin, dans ses Sermons 318 et 319 fait clairement allusion à cette invention des reliques d'Étienne. De même, Gennade patriarche de Constantinople (458-471) confirme cette révélation faite à un prêtre.
Extrait de la Lettre de Lucien :
..le seigneur Etienne, que les princes des prêtres et les Juifs ont lapidés, à Jérusalem, pour la foi du Christ, hors de la ville, à la porte du Nord, sur la route de Cédar, où il demeura un jour et une nuit, étendu par terre, sans sépulture, afin de devenir, selon l'ordre impie des princes des prêtres, la proie des bêtes sauvages. Mais Dieu ne voulut point qu'il reçut les atteintes de la dent d'aucune d'elles : les bêtes sauvages, les oiseaux de proie et les chines respectèrent ces restes précieux » : "Ut a feris consumeretur corpus ejus. Ex dei autem voluntate non teligit eum unum ex his, non fera, non avis, non canis"
Extrait de la Légende dorée :
"L'invention du corps du premier martyr saint Étienne est rapportée: à l’année 447, la septième du règne d'Honorius. On distingué son invention, sa translation et sa réunion.Son invention eut lieu comme il suit : Un prêtre du territoire de Jérusalem, appelé Lucien, cité par Gennade (ch. XLVI) au nombre des hommes illustrés, écrit lui-même qu'un vendredi, comme il reposait à moitié endormi dans son lit, lui apparut un vieillard, haut de taille, beau de visage, avec une longue barbe, revêtu d'un manteau blanc semé de petites pierres précieuses enchâssées dans l’or en formé de croix, portant une chaussure recouverte d'or à la surface. Il tenait à la main une baguette d'or dont il toucha Lucien en disant: « Hâte-toi de découvrir nos tombeaux, car nous avons été renfermés dans un endroit fort indécent. Va dire à Jean, évêque de Jérusalem; qu'il nous place dans un lieu honorable; car, puisque la sécheresse et la tribulation désolent la terre, Dieu, touché de nos prières a décidé de pardonner au monde. » Le prêtre Lucien lui dit : « Seigneur qui êtes-vous ? » « Je suis, dit-il, Gamaliel qui ai nourri saint Paul; et qui lui ai enseigné la loi à mes pieds. A mon côté repose saint Étienne, qui a été lapidé par les Juifs, hors de la ville, afin que son corps fut dévoré par les bêtes féroces et les oiseaux. Mais celui. pour la foi duquel ce saint martyr a versé son sang ne l’a pas permis; je l’ai recueilli alors avec grand respect et l’ai enseveli dans un tombeau neuf que j'avais fait creuser pour moi. L'autre qui est avec moi, c'est Nicodème, mon neveu; qui alla une nuit. trouver Jésus, et reçut le baptême sacré des mains de saint Pierre et de saint Jean." (Légende dorée)
La présence sur le panneau de trois oiseaux, d'un chien (?), d'un ours (?) et d'un lion suggérerait que la source de l'image en soit la Lettre de Lucien et le passage Ex dei autem voluntate non teligit eum unum ex his, non fera, non avis, non canis".
La scène est aussi représentée au XIIIe siècle sur un vitrail de la cathédrale Saint-Étienne de Bourges (Baie XV) , et, vers 1500, sur la grande tapisserie du chœur de la cathédrale d'Auxerre actuellement au Musée de Cluny.
(photo rmn-Grand Palais)
Le Mans, Baie XVII, registre inférieur : le corps de saint Étienne exposé aux bêtes sauvages. Détail.
Le Mans, Baie XVII, registre inférieur : le corps de saint Étienne exposé aux bêtes sauvages. Détail.
Sources et liens.
— BRISAC (Catherine), 1981, "Les vitraux du XIIe siècle", in La cathédrale du Mans, sous la dir. de André Mussat, Berger-Levraut pp. 60-69.
— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), PERROT (Françoise), GRODECKI (Louis) 1981, Les vitraux du Centre et des Pays de la Loire, Corpus Vitrearum Recensement II, CNRS éditions, Paris.
— DEBIAIS (Vincent),2010, Corpus des inscriptions de la France médiévale 24 Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (Régio Pays de la Loire) CNRS éditions, Paris. page 200. page 244.