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14 février 2015 6 14 /02 /février /2015 12:37

Sur un poème zodiacal d'Ausone : Allégorie de l'Hiver et de l'Été par Jacob Hoefnagel, 1618.

Voir dans ce blog sur Hoefnagel :

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I. ALLÉGORIE DE L'HIVER.

a) Source : NKD NetherlandsInstitute of Art History.

La photographie noir et blanc provient d'une vente aux enchères de Sotheby Mak van Waay (Amsterdam) le 26-11-1984, lot n° 49 (avec l'Été, lot n° 50). L'œuvre proviendrait d'une collection privée de Percy Carew, Essex, Royaume-Uni, selon une lettre d'Essex publiée dans The Connoisseur mars 1930 [Dacosta Kaufmann, 1985, p. 255].

Selon Kaufmann page 255, "Les dessins préparatoires (avec les dessins des compositions manquantes, le Printemps et l'Automne) se trouvent à Leyde (Prentenkabinet, Rijksuniversiteit, n° inv. AW 1056-59)". Il ajoute : "Ce tableau est peut-être enregistré sous le numéro 146 dans l'inventaire (établi en 1619) des œuvres de la Hofburg de Vienne".

b) Description :

Cette miniature appartient à une série allégorique des Quatre Saisons dont seuls L'Hiver et l'Été sont conservés. Il s'agit d'un dessin à la plume à l'encre noire, peint à la gouache et rehaussé d'or, sur vélin ; ce rectangle horizontal mesure 148 x 152 mm.

L'artifice de mise en scène.

Le motif (Hiver) s'inscrit dans un cercle central bordé d'une marge naturaliste. Ce dispositif s'inspire de celui des Allégories de Lille et du Louvre (respectivement la "Brièveté de la vie" (1591), et les "Quatre saisons" (1589), de Joris Hoefnagel mais l'idée d'un tableau central en trompe-l'œil n'est retrouvé que dans "Diane et Actéon" (1597, Louvre), "Allégorie de la vie et de la Mort" (1598, British Museum), ou encore dans "Lethaevs Amor" (1611, 16,8 x 24,1 cm, coll. privée, Sotheby's Londres juillet 2002) soit des œuvres plus tardives et attribuées à Jacob Hoefnagel, fils de Joris, ou à la collaboration des deux artistes. Ici, dans ces peintures de 1618, ne se trouve que la signature de Jacob Hoefnagel puisque Joris est décédé en 1601.

Comme dans les œuvres précédentes, deux cartouches, supérieur et inférieur, reçoivent des inscriptions. Le cartouche supérieur, suspendu par des anneaux fictifs à un faux cadre, se prolonge par le tableau central qui est ainsi également suspendu. Le cartouche inférieur pourrait servir de console d'appui à ce tableau, mais semble en être séparé. Enfin, quatre anneaux fixés sur le médaillon permettent, toujours en trompe-l'œil, de fixer les tiges des rameaux botaniques. Cet équipement est complété par les deux vases latéraux. Cette composition confirme l'intention de l'artiste de créer l'illusion d'une vitrine de Cabinet de curiosités abritant, soit des spécimens de la collection d'histoire naturelle de l'empereur (si on le considère comme le récipiendaire), soit des exemplaires de sa collection de peintures. Ce dédoublement du regard et du sujet, cet effet de "tableau dans le tableau" est une manière, plus théâtrale encore que les premières miniatures de Joris Hoefnagel, de jouer sur l'illusion de la mise en scène pour susciter une méditation sur les leurres de l'existence. L'être humain, comme toute la nature, est le jouet du Temps et de ces cycles, dont l'éternel recommencement souligne le caractère dérisoire de son existence.

Le motif principal :

Les Allégories des Quatre Saisons du Louvre comportaient chacune trois médaillons représentant les signes zodiacaux correspondant. Ici, les signes du Zodiaque sont représentés au sein de la scène comme des personnages d'une Fable. Cette série pourraient donc être intitulée "Allégorie zodiacale des Saisons", au vu de l'importance donnée, dans l'image comme dans les inscriptions, au thème astronomique.

Adossé à trois arbres dépourvus de leur feuillage, par un temps de neige, l'Hiver est personnifié sous les traits d'un vigoureux vieillard barbu, torse et jambes nus, couronné de rameaux secs, tenant les pointes de sa barbe des deux mains. Autour de lui, trois putti font une ronde. L'un tient un cabri, pour le signe du Capricorne. L'autre se tourne vers le spectateur pour présenter un Poisson, et tient le second poisson dans l'autre main. Le dernier verse le contenu d'un vase, et représente ainsi le Verseau. La caractéristique de ce choix iconographique est d'ôter aux signes zodiacaux leur aspect stéréotypé et emblématique, sévères et savants pour les transformer en joyeux éléments de la nature, inscrits dans ses Cycles comme dans une danse.

La bordure ; inventaire naturaliste.

En partant du coin supérieur gauche, on remarque l'écureuil, deux oiseaux [mésange charbonnière ?], le hibou, la pie, corbeau , le pinson du nord?, le lièvre, le martin-pécheur, la pie-grièche ?, le renard.

Les plantes des vases et les fruits qui composent la guirlande ne sont pas identifiables mais le site RKD y reconnaît la grenade , la pomme de terre , des noisettes , des glands , des châtaignes, les radis , la cerise [?] , la nèfle , l'oignon , le pavot, et le lierre ,

Les inscriptions :

— Inscription supérieure : Hyems : "Hiver"

— En bas au centre ..pvit HYEMS simiusq[ue] Capru Dei [?] aedu. F.../ .....uas fundit, madidos . Febru... inscription endommagé, certaines parties illisibles. On s'attend à y trouver les mots Capricornus, Aquarius et Pisces.

— signé en dessous : dans le cartouche de gauche Ia: Hovfnagl. Forme abrégée de Iacobus Houfnaglius, soit "Jacob Hoefnagel". Dans le cartouche de gauche : FE PRAGAE (AE : lettres conjointes), abréviation de Fecit Pragae, "fait à Prague".

— 1618

Jacob Hoefnagel a été peintre de la cour de Rodolphe II à Prague de 1602 à 1613. A Prague, il appartenait à un cercle de marchands flamands et hollandais, artistes et savants, dont certains ont été Protestants. Il fut diplomate à la cour à un moment où Prague a joué un rôle central dans les affaires européennes. En 1614 il a obtenu la citoyenneté à Prague et a épousé sa quatrième épouse. (Wikipédia)

II. Allégorie de l'Été par Jacob Hoefnagel, 1618.

a) Source :

​-  NKD Netherlands Institute of Art History.  https://rkd.nl/nl/explore/images/63295

-  https://www.vialibri.net/552display_i/year_1618_50_0.html

b) Description.

La photographie noir et blanc provient d'une vente aux enchères de Sotheby Mak van Waay (Amsterdam) le 26-11-1984, lot n° 50 (avec l'Hiver, lot n° 49). L'œuvre proviendrait d'une collection privée de Percy Carew Essex, Royaume-Uni, selon une lettre d'Essex publiée dans The Connoisseur mars 1930 [Dacosta Kaufmann, 1985, p. 255]

b) Description :

Cette miniature appartient à une série allégorique des Quatre saisons dont seuls L'Hiver et l'Été sont conservés. Il s'agit d'un dessin à la plume à l'encre noire, peint à la gouache et rehaussé d'or, sur vélin ; ce rectangle horizontal mesure 148 x 152 mm.

L'artifice de mise en scène.

... est le même que pour l'Hiver, supra.

Le motif principal :

L'Allégorie de l'Été est une femme vêtue d'une grande robe blanche à manches mi-courtes, tenant la faux pour la moisson des foins et la faucille pour la moisson des grains. De la main gauche, elle retient trois melons calés entre ses cuisses. Elle est assise à l'ombre d'un bosquet, à coté d'une gerbe de blé et d'une ruche. L'arrière-plan montre un saule (?) au bord d'un lac, et un ferme devant des champs clos par une barrière.

Comme pour l'hiver, les signes zodiacaux apparaissent menés par des putti, sous la forme très naturelle d'une femme couronnée de verdure et marchant pieds nus, la Vierge Virgo, sous celle d'une "écrevisse" * (autre animal emblématique du Cancer), et enfin celle d'un lion débonnaire, le Lion Leo. 

*Il me semble que ce décapode, cet Astacidae possède les fortes pinces du Homard Homarus vulgaris, et les longues antennes de l'Écrevisse Astacus.

La bordure ; inventaire naturaliste.

 Quatre oiseaux occupent les coins de la peinture : un oiseau (perruche?) dans un arbre à baies , un perroquet, une cigogne et une oie blanche Anser anser. La loupe permet de voir que cette dernière tend le cou vers ses cinq oisons. Le vase de gauche reçoit des lis blancs, sur lesquels une libellule cherche à se poser. Je crois voir une chrysalide noire et blanche en bas à  gauche. Le site NKD y discerne des courges, pommes, prunes, poires, et cerises. Et des groseilles, non ?
 

Inscriptions :

— Inscription supérieure : AESTAS : "Été".

— inscription en bas au centre :  Cum Cancro remeat Phoebo, Leo fervidus [per]urit  F------ a colens in sidere Virginis A-s-f . . "Avec le signe du Cancer Phoebus [le soleil] revient, le Lion brûle de l'ardeur de ses feux, [ ..]sous le signe de la Vierge

en bas au centre : signé par monogramme et date  H. J / 1618

Discussion. L'influence d'Ausone et de Bède ?

L'interrogation d'un moteur de recherche ne permet pas de reconnaître la source de cette inscription, néanmoins, les trois mots Leo fervidus perurit sont reconnus comme appartenant exclusivement à un poème de Ausone. Or, ce poète est très apprécié par Hoefnagel, qui a souvent cité des vers de son Idylle De Rosis Nascentibus : cela accroit la valeur de cet indice.

Ausone est un poète aquitain du IVe siècle qui fut conseiller et professeur du Bas-Empire romain, et précepteur du flis de l'empereur Valentinien Ier. Il fut Presteur du palais impérial de Trèves, Préfet des prétoires des Gaules, Consul puis proconsul d'Asie, il se retira à Bordeaux âgé de 73 ans. Outre ses chefs d'œuvre les Parentales, les Roses, la Moselle et le Crucifiement de l'Amour,  il a composé des œuvres de circonstance, souvent traduits des anthologies grecques.

Le poème en question figure dans ses Églogues et s'intitule  In quo mense quod Signum fit ad cursum solis.

"En quel mois le soleil entre dans chaque Signe" . J'en donne un extrait :

Maius Agenorei miratur cornua tauri

Junius aequatos caelo videt ire Laconas

Solsticoi ardentis cancri fert Julius astrum

Augustum mensem Leo fervidus igne peruit.

Sidere virgo tuo Bacchum September opimat.

 

"Mai admire les cornes du taureau d'Agénor.

Juin voit passer dans le Zodiaque les Gémeaux de Lacédémone.

Juillet supporte pendant le solstice les brûlantes chaleurs du signe de l'Ecrevisse.

Le Lion brûle tout dans le mois d'Août par l'ardeur de ses feux.

Septembre fait grossir la vendange sous le signe de la Vierge."

(Oeuvres d'Ausone, traduites en français, par M. l'abbé Jaubert,..1769).

On en retrouve les vers dans les calendriers de Martyrologes dès le IXe siècle (Martyrologium d'Usuard, moine de Saint-Gremain-des-Prés). Ici, le médaillon de la Vierge (enluminure du Martyrologium de Dijon) est entouré du vers Sidere Virgo tuo Bacchum September opimat :

 

On le retrouve aussi dans une version versifié de De Ratione temporum  par Bède le Vénérable (725) Caput XVI.

Le vers est aussi inscrit autour du signe du Zodiaque de l'église romane de Wormbach

La fin de l'inscription a colens in sidere Virginis ne correspond pas exactement, mais est suffisament proche du texte d'Ausone pour reconnaître celui-ci. 

Les dernières lettres A--s- pourraient correspondre à Ausonius en abrégé, et non à Aestas qui est déjà mentionné dans le titre.

Hoefnagel a déjà fait appel dans son corpus d'inscriptions, non seulement à Ausone, mais aussi à Palingène, l'auteur du Zodiacus vitae : mais je n'y ai pas trouvé cette citation, de même que je n'y ai pas reconnu les inscriptions correspondants à l'Hiver.

 

http://www.loebclassics.com/view/ausonius-eclogues/1919/pb_LCL096.189.xml

SOURCES ET LIENS.

— DACOSTA KAUFMANN (Thomas), 1985, L' Ecole de Prague- la peinture à la cour de Rudolphe II, Paris 1985, p. 255.

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Published by jean-yves cordier - dans histoire entomologie - Hoefnagel

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