L'Annonciation à la Licorne, ou "Chasse mystique" de Martin Schongauer (v.1480) dans le Retable des Dominicains du Musée Unterlinden de Colmar.
Marie, nouvelle Ève / la Licorne, nouveau Serpent.
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J'ai rédigé cet article afin de préparer l'étude du vitrail de l'Arbre de Jessé de Sens, dans lequel une Chasse mystique à la licorne est placée juste au dessus de l'Annonciation. Cette célèbre verrière date de 1503. Mon projet était que l'étude de l'Annonciation à la licorne allait m'aider à l'interpréter. En réalité, j'ai découvert un thème d'une richesse inépuisable.
Voir :
Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Sens.
http://www.lavieb-aile.com/2016/06/le-vitrail-de-l-arbre-de-jesse-de-la-cathedrale-de-sens.html
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PRÉSENTATION.
Le Retable des Dominicains et ses 24 panneaux.
Le Retable des Dominicains était conservé jusqu’à la Révolution dans l’église du couvent des Dominicains de Colmar, l’actuelle bibliothèque municipale. Il se présentait sous la forme d’un triptyque de 11 m sur 3 m dont le centre était orné d’une crucifixion, sans doute un groupe sculpté, qui a disparu. Autour de cette crucifixion se trouvaient deux ensembles de bois peints, divisée en deux panneaux de 87 cm de large. Deux grands volets recouvraient ces scènes latérales : ils était divisés en quatre panneaux peints recto-verso, de 116 cm de large ; ainsi, la Résurrrection (face intérieure) porte-t-elle au verso la Visitation.
Lorsque le retable était ouvert (le dimanche et les jours de fête), sur les seize panneaux intérieurs,— les plus précieux, enrichis de feuilles d'or et d'argent—, les religieux contemplaient la Vie publique du Christ depuis l’Entrée à Jérusalem jusqu’à la Pentecôte incluant le Noli me tangere et l’Incrédulité de Saint-Thomas. On s’accorde aujourd’hui pour attribuer la paternité du retable à Martin Schongauer et à son entourage. Sans les copier servilement, les scènes de la Passion du Christ évoquent les gravures du Maître sur le même thème (tels que l’Arrestation du Christ ou le Christ devant Caïphe) dont des épreuves sont conservées dans les collections du musée, sans qu’il soit possible de dire qui, de la peinture ou de la gravure, a inspiré l’autre.
Une fois fermé (les jours ordinaires), le retable présentait huit peintures illustrant la Vie de la Vierge (thème des Sept Joies de la Vierge auquel l’autel majeur des Dominicains était dédié) : l'Annonciation (deux panneaux), la Visitation, la Nativité, l’Adoration des mages, la Présentation au temple, Jésus parmi les docteurs et le Couronnement de la Vierge.
Voir sur le même thème et à la même époque la tenture de la Vie de la Vierge à Beaune (1500).
Le retable démantelé au XVIIIe siècle, démonté en 1793, (certains panneaux étant mutilés en partie haute d'une vingtaine de centimètres), exposé au musée dès 1853, a été restauré en 2006-2014 au C2RMF. Cette restauration a révélé un travail d'atelier, le dessin sous-jacent et les annotations de couleur par le Maître étant poursuivie par des collaborateurs. Il a repris sa place dans le nouvel agencement du musée Unterlinden de Colmar, dont il est certainement, à coté du retable d'Issenheim, une pièce majeure.
http://www.musee-unterlinden.com/collections/moyen-age-et-renaissance/martin-schongauer/le-retable-des-dominicains/
https://www.aphg.fr/IMG/pdf/dp_colmar-bd-07-10-14.pdf
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LES DEUX PANNEAUX DE L'ANNONCIATION.
Cette scène a bénéficié d'une considération particulière, puisque deux panneaux lui ont été consacrés. Leur partie haute a été coupée au XVIIIe siècle, amputant ainsi à droite la figure de Dieu le Père au dessus du Buisson ardent, et à gauche celle du soleil.
Ces panneaux sont aujourd'hui présentés au dessus de ceux de la Nativité et de la Présentation au temple qui , après la Visitation, les suivent dans la chronologie de la vie de la Vierge. Ces quatre carrés mesurent chacun 116 cm de coté, et sont peints en huile sur bois (sapin) .
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Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.
Nativité et Présentation au temple, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.
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Ces deux panneaux illustrent la scène de l'Annonciation (Évangile de Luc 1:26-38) d'une façon très particulière et surprenante, celle dite de la "Chasse mystique". Sa compréhension suppose quelques données de base sur le mythe de la licorne et son application à l'Annonciation (corpus scripturaire). Je les puiserai dans un article récent d'Angel Narro, et surtout dans la thèse princeps de Bruno Faidutti :
1. Au IIe siècle, un auteur chrétien d'Alexandrie s'inspirant de la zoologie grecque, de l'ésotérisme égyptien, de la mystique juive, de l'exégèse alexandrine et la théologie chrétienne du salut rédige un bestiaire mélangeant descriptions zoologiques, la parabole évangélique, la paraphrase biblique et la fable animalière : le Physiologos, traduit en latin au IVe siècle. L'animal est décrit, puis son entité spirituelle est exposée. Le Physiologus latin rencontre un succès extraordinaire comme recueil d'animaux fabuleux. La Licorne est décrite, dès le texte grec, comme un animal qui ne peut être chassé que grâce à une jeune fille vierge.
2. Les traductions en langue romanes introduisent un certain nombre de variations. Ce sont celles, versifiées au XII et XIIIe siècle, de Philippe de Thäun, de Guillaume Le Clerc, et de Gervaise, et celle, en prose, de Pierre de Beauvais.
a) Philippe de Thaün lui consacre 67 vers en l'appelant monosceros (licorne). Le poète affirme plus ou moins ce que la version grecque du Physiologos disait. Il parle donc de la jeune vierge au sein nu et explique que la licorne, attirée par sa présence, s'approchera d'elle, s'endormira et sera sacrifiée aux mains des hommes qui l'attendaient cachés près de la pucelle.
"Quant om le volt chacier Et prendre e engignier, Si vient [en la] forest U sit repaires est, La met une pulcele Hors del sein sa mamele: Et par l’odurement Monosceros la sent, Dunc vient à la pulcele Si baise sa mamele, En sun devant se dort Issi vient à sa mort: Li om survient atant Ki l’ocit en dormant U trestut vif le prent…"
«Quand un homme veut la chasser, la prendre et la tromper, il va dans la forêt où est son repaire. On y place une vierge, qui découvre son sein. La licorne sent son odeur et vient à la pucelle, baise son sein et s’y endort, ce qui entraîne sa mort. L’homme survient alors et la tue dans son sommeil ou la capture vivante.»
L'interprétation de la scène met en rapport l'histoire de la licorne avec la divinité : la vierge serait une allégorie de Marie et son sein l'église qui nourrit le monde (vv. 435-438 : La virgine signefie, / saciez, Sainte Marie; / par sa mamele entent / Sainte eglise ensement ). En dernier lieu, vu que la licorne demeure endormie auprès de la jeune fille et semble être morte, cette scène sera comparée à la crucifixion de Jésus (vv. 441-444 :E om quant il se dort / en semblance est demort: / Deus cum ume dormit / qu'en la croiz mort sufrit ). Ainsi, la manière de dormir de la licorne est interprétée comme le sacrifice que le fils de Dieu fît pour l'humanité. Dans l'interprétation de la licorne en tant que symbole du Christ , la licorne partagerait l'honneur d'être comparée au fils de Dieu avec le leun, la pantere, le dorcon, l' ydrus et le cerf.
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b) Guillaume Le Clerc (qui s'inspire du Liber de bestiis du théologien Hugues de Saint-Victor) écrit :
« [...] Elle est si téméraire, agressive et hardie qu'elle s'attaque à l'éléphant avec son sabot dur et tranchant. Son sabot est si aigu que, quoi qu'elle frappe, il n'est rien qu'elle ne puisse percer ou fendre. L'éléphant n'a aucun moyen de se défendre quand la licorne attaque, elle le frappe comme une lame sous le ventre et l'éventre entièrement. C'est le plus redoutable de tous les animaux qui existent au monde, La plus egre best est del mont / de totes celes qui i sont (vv. 1381-1382) sa vigueur est telle qu'elle ne craint aucun chasseur. Ceux qui veulent tenter de la prendre par ruse et de la lier doivent l'épier Cil qui la voelent enlacer, / la vont primes por espier (vv 1394-1395) pendant qu'elle joue sur la montagne ou dans la vallée, une fois qu'ils ont découvert son gite et relevé avec soin ses traces, ils vont chercher une demoiselle qu'ils savent vierge, puis la font s'assoir au gite de la bête et attendent là pour la capturer. Lorsque la licorne arrive et qu'elle voit la jeune fille, elle vient aussitôt à elle et se couche sur ses genoux ; alors les chasseurs, qui sont en train de l'épier, s'élancent ; ils s'emparent d'elle et la lient, puis ils la conduisent devant le roi, de force et aussi vite qu'ils le peuvent » Guillaume Le Clerc de Normandie, Bestiaire divin.
Son interprétation diffère de celle de Philippe de Thaün en manifestant un sentimentanti-juif qui est renforcé par un passage des évangiles. Pour Guillaume, la licorne serait Jésus (C'est l'unicorne espiritel [v. 1351]), tandis que ceux qui la surveillent seraient les traîtres juifs qui le conduisirent devant Pilate, le roi de la narration de la licorne
(Des Jeves einceins l'espierent, / tant qu'il[s] le pristrent et lierent ; / devant Pilatre lemenerent, / et ilec a mort le dampnerent [vv. 1357-1360]).
De plus, il nous offre une interprétation originale de la corne, en suivant la prophétie d'Isaïe de la corne de salvation que cite Luc I:69.
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c) Pierre de Beauvais donnera dans son Bestiaire des premières années du XIIIe siècle une version en prose qui est la plus proche du Physiologus original:
«Il existe une bête appelée en grec monocéros c'est-à-dire en latin unicornis. Physiologue dit que la nature de la licorne est telle qu'elle est de petite taille et qu'elle ressemble à un chevreau. Elle possède une corne au milieu de la tête, et elle est si féroce qu'aucun homme ne peut s'emparer d'elle, si ce n'est de la manière que je vais vous dire: les chasseurs conduisent une jeune fille vierge à l'endroit où demeure la licorne et ils la laissent assise sur un siège, seule dans le bois. Aussitôt que la licorne voit la jeune fille, elle vient s'endormir sur ses genoux. C'est de cette manière que les chasseurs peuvent s'emparer d'elle et la conduire dans les palais des rois.» .
«De la même manière Notre Seigneur Jésus-Christ, licorne céleste, descendit dans le sein de la Vierge, et à cause de cette chair qu’il avait revêtue pour nous. Il fut pris par les juifs et conduit devant Pilate, présenté à Hérode et puis crucifié sur la Sainte Croix, lui qui auparavant se trouvait auprès de son Père, invisible à nos yeux. Voila pourquoi il dit lui-même dans les Psaumes: “Ma corne sera élevée comme celle de l’unicorne”. On a dit ici que la licorne possède une seule corne au milieu du front: c’est là le symbole de ce que le Sauveur a dit: “Mon Père et moi, nous sommes un: Dieu est le chef du Christ.” Le fait que la bête est cruelle signifie que ni les Puissances, ni les Dominations, ni l’Enfer ne peuvent comprendre la puissance de Dieu. Si l’on a dit ici que la licorne est petite, il faut comprendre que Jésus Christ s’humilia pour nous par l’incarnation; à ce propos, il a dit lui même: “Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur”, et David dit que celui qui accomplira les bonnes œuvres, il sera conduit au palais royal, c’est à dire au Paradis.
B. Faidutti remarque que "la symbolique christique de l’animal fait que, sur la plupart des miniatures des bestiaires médiévaux, même lorsque le texte ne parle que de la capture de l’animal et non de sa mise à mort, un chasseur perce le flanc de l’animal de la pointe de sa lance. Cette miniature d’un bestiaire anglais sur vélin, en latin, copié dans les premières années du XIIIème siècle, est l’une des rares à montrer l’animal maîtrisé et ligoté, mais non tué."
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Ces éléments nous permettent de comprendre que la licorne est étroitement liée à la confrontation de la thématique de la chasse (avec ses stéréotypes de virilité, d'agressivité et ses images de blessures, et de mise à mort à valeur sacrificielle ), d'une part, et à celle de la virginité d'autre part, avec ses valeurs opposées de blancheur et de candeur, de féminité désincarnée. Confrontation non dépourvue d'ambivalence puisque la licorne est à la fois si puissante qu'elle échappe à toute tentative de chasse, et à la fois si sensible qu'elle ne résiste pas au parfum émis par les puellae, les jeunes filles vierges. Dans ce champ profane, la licorne est devenue image de l'Amour courtois ; L'Amant est à la fois le chasseur dont la force martiale est inefficace en amour, et la licorne à la corne droite comme une épée mais dont la puissance phallique s'abolit face à la virginité terriblement attirante , comme l'illustrera l'emblème de Maurice Scève et l'énigmatique devise "Pour le voir / Je perds la vie" dans la Délie :
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L’ambiguïté ou la complexité se poursuit dans la symbolique chrétienne, puisque LA licorne devient l'image du Christ : il ne peut être mis à mort par les hommes que parce que la Vierge a joué le rôle de médiatrice. La chasse n'est plus courtoise, elle devient spirituelle, opposant/réunissant l'Humanité peccamineuse et la Divinité qui s'incarne.
Enfin, ces schèmes métaphoriques amplifient encore leur difficulté d'interprétation (ce qui renforce leurs forces expressives) dans l'application de cette symbolique à la scène de l'Annonciation. Là, l'ange Gabriel devient le chasseur et se voit gratifié d'une trompe de chasse (qui est aussi une corne) et de chines et il poursuit la licorne, qui a été attirée par la virginité de Marie.
La couleur dominante est le rose : mélange du rouge de la Passion du Christ et du blanc de la Virginité de Marie.
Les deux panneaux montrent un seul jardin, clos de murailles crénelées, doté d'une porte et d'une tour. Comme dans le Roman de la Rose de Guillaume de Lorris (XIIIe siècle) où les personnages sont allégoriques et où la rose est la métaphore de la femme aimée, la scène est donc circonscrite dans un hortus conclusus ("jardin clos") qui renvoie au Cantique des cantiques 4, 12: « Hortus conclusus soror mea, sponsa ; hortus conclusus, fons signatus. » (ma sœur et fiancée est un jardin enclos ; le jardin enclos est une source fermée). La Vierge est assimilée à la fiancée dont la virginité est célébrée à travers sa beauté. Le jardin est divisée par le montant des panneaux en sa partie gauche, occupée par l'ange Gabriel dans le rôle de chasseur, d'amant et de roi Salomon (la surdétermination est extrème), et la partie droite par la Vierge à l'Enfant sous les traits de la jeune fille à la licorne. Tous les objets, toutes les micro-scènes sont codées et métaphoriques.
A nous de les décoder.
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LE PANNEAU DE GAUCHE : L'ANGE GABRIEL CHASSEUR DE LICORNE.
L'ange est jeune, beau, aux cheveux blonds et bouclés et aux ailes vermillon et or. Il porte sur une aube blanche une cape pourpre serrée par un fermail en quadrilobes. Il regarde la jeune fille comme dans les Annonciations classiques mais c'est un vrai chasseur, armé d'une lance comme un piquier, soufflant dans sa trompe de chasse comme un veneur, et menant en laisse quatre chiens. Autrement dit, il cumule les traits d'un Ange de l'Annonciation (agenouillé, vu de trois-quart droit, venant de la gauche, énonçant une parole inscrite sur des phylactères dirigés vers la Vierge, surmonté d'un rayon lumineux médiateur de la fécondité divine)
http://www.faidutti.com/unicorn/theselicorne1.pdf
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L'ange Gabriel, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.
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1. Les inscriptions du panneau de gauche.
On trouve les inscriptions suivantes :
a) Porta clausa (sur la porte du jardin).
Porta clausa (la Porte close) est un qualificatif de la Vierge adoptée par les Litanies, car elle se réfère à sa virginité, tout en rappellant le lien typologique avec les versets du Livre d'Ézéchiel 44:1-2
et convertit me ad viam portae sanctuarii exterioris quae respiciebat ad orientem et erat clausa
et dixit Dominus ad me porta haec clausa erit non aperietur et vir non transiet per eam quoniam Dominus Deus Israhel ingressus est per eam eritque clausa.
Cette typologie figure dans la Biblia pauperum à la page de l'Annonciation (en bas et à gauche) avec le dessin du prophète Ézéchiel, la référence Ezech XLIIII et la citation porta haec clausa erit non aperietur
b) Ave gratia plena dominus tecum (phylactère sortant de la trompe de Gabriel)
Ces mots sont ceux de l'évangile de Luc Lc1:28 par lesquels l'ange salue Marie : "Je te salue, toi à qui une grâce a été faite, le seigneur est avec toi". Ce phylactère, avec ces mots, figurent dans l'image centrale de la page de l'Annonciation de la Biblia Pauperum.
c) Ecce virgo concipiet (sur un phylactère flottant en dessous du précédent).
Il s'agit de la prophétie d' Isaïe Is.7:14 Ecce virgo concipiet et pariet filium et vocabitis nomen Emmanuhel "Voici, la jeune fille sera enceinte et elle enfantera un fils, elle lui donnera pour nom: Emmanuel (Dieu avec nous)". Ce verset est appliqué à la Vierge Marie par l'évangile de Matthieu Mt 1:23 dans la Généalogie de Jésus. Il figure en haut à gauche de la page de l'Annonciation de la Biblia Pauperum, avec la figure d'Isaïe, avec la référence Isayas VII.
d) fons signatus: (sur un phylactère au dessus de la fontaine).
Ces mots ("fontaine scellée") qualifient la Vierge dont l'utérus est à la fois clos et fécond : ils accompagnent l'image de la fontaine, dont la cuve hexagonale est fermée par un cadenas alors qu'elle s'écoule dans une vasque par six tuyaux. Ils se réfèrent au verset du Cantique des cantiques déjà cité : 4, 12: « Hortus conclusus soror mea, sponsa ; hortus conclusus, fons signatus. » (ma sœur et fiancée est un jardin enclos ; le jardin enclos est une source fermée).
e) Misericordia, Justicia, Pax, Veritas : phylactères tenus dans leur gueule par les quatre lévriers du chasseur.
Misericordia, Justicia, Pax, Veritas : Les chiens portent quatre vertus renvoyant au psaume 84 : misericordia et veritas obviaverunt sibi; iustitia et pax osculatae sunt : "L'amour et la vérité vont se rencontrer, et la justice et la paix se donneront l'accolade".
Le chasseur, envoyé par Dieu sur terre pour chasser /chercher la Licorne que seule une vierge saura capturer, est guidé dans cette quête par les quatre vertus évangéliques.
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L'ange Gabriel, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.
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LE PANNEAU DE DROITE : LA VIERGE A LA LICORNE.
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La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.
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Dans ce tableau sont placées 7 métaphores de la Virginité et de l'élection de Marie. Ce sont :
1. La verge d'Aaron.
Sur un autel, douze bâtons sont placés, et seul celui du centre est fleuri.
Il s'agit d'une référence au texte de Nombre 17:17-23.
"L'Eternel parla à Moïse en ces termes:
---Demande aux Israélites de te donner un bâton par tribu, les chefs de tribu te remettront douze bâtons, et tu inscriras le nom de chacun d'eux sur son bâton.
Et tu inscriras le nom d'Aaron sur le bâton de la tribu de Lévi; car il y aura un bâton par chef de tribu.
Puis tu déposeras ces bâtons dans la tente de la Rencontre, devant le coffre de l'acte de l'alliance, à l'endroit où je vous rencontre.
Le bâton de l'homme que je choisirai bourgeonnera. Ainsi je mettrai fin, pour ne plus les entendre, à ces plaintes que les Israélites ne cessent d'élever contre vous.
Moïse transmit ces instructions aux Israélites et tous les chefs lui apportèrent un bâton, un par chef et par tribu, soit douze bâtons en tout. Le bâton d'Aaron était au milieu des autres.
Moïse les déposa devant l'Eternel, dans la tente de l'acte de l'alliance.
Le lendemain, il entra dans la Tente et constata que le bâton d'Aaron qu'il avait déposé pour la tribu de Lévi avait produit des bourgeons, et qu'il s'y trouvait des fleurs écloses et même des amandes déjà mûres ( sequenti die regressus invenit germinasse virgam Aaron in domo Levi et turgentibus gemmis eruperant flores qui foliis dilatatis in amigdalas deformati sunt :).
Cette verge d'Aaron, et cette illustration figurent dans la Biblia Pauperum à la page de la Nativité, avec la mention Hic contra morem producit virgula florem. Comme le bâton d'Aaron choisi par Dieu fleuri miraculeusement alors qu'il était sec, la Vierge donne naissance à Jésus tout en préservant sa virginité. Cette verge est rapprochée de la virginité de Marie d'une part parce qu'elle reprend la prophétie d'Isaïe 11:1 sur la verge de Jessé qui fleurit (Egredietur virga de radice Jesse, et flos de radice ejus ascendet) en associant les mots virgula (diminutif de virga, la verge) et de florem (flos, la fleur), mais aussi par le raisonnement exposé par exemple ainsi en 1613 par Petrus Muranus :
"Aaron, en sens allégorique, ne nous représente autre chose que le peuple juif : cette verge n'est autre que la Vierge immaculée, seiche et aride de tout péché, sèche et aride pour n'avoir jamais fréquenté la compagnie des hommes : verge sèche qui néanmoins a fleuri, fructifié et produit le fruit de vie, fruit médicinal, je dis le Fils de Dieu, fort justement représenté par le fruit de l'amandier "
2. Le Buisson ardent.
On voit un buisson en feu, et Dieu le Père (coupé) au milieu. Il s'agit d'une référence au texte d'Exode 3:1-6 où Dieu parle à Moïse. Cette image biblique préfigure la Vierge car elle porte le feu de la divinité. Cette relation était illustrée et largement diffusée dans la Bible des Pauvres, chapitre de la Nativité, à coté de celle de la Verge d'Aaron.
3. La Tour à trois fenêtres
Dans les Litanies, Marie est qualifiée de Tour de David et de Tour d'ivoire. Dans le Cantique des cantiques, on lit : sicut turris David collum tuum quae aedificata est cum propugnaculis "Ton cou est pareil à la tour de David, construite pour être un arsenal:"
4. Le lys blanc.
Le lys est à la fois la verge qui fleurit d'Aaron, la tige de Jessé qui produit un rejeton, un symbole de pureté par sa blancheur, un symbole de royauté dont la forme se rapproche du sceptre. Ses trois fleurons rappellent que Marie a été vierge avant, pendant et après son enfantement, etc...
5. La Vierge à la licorne
La licorne se présente ici comme un hybride de chevreau et de cheval. Du cheval, elle a la tête et le cou, mais son corps, ses sabots fendus, la barbichette de son menton et même sa posture sont ceux d'un caprin. En effet, l'animal fut figuré jusqu'au milieu du XVe siècle comme un agneau ou un chevreau. Sa corne torsadée est pointée vers le sein gauche de Marie. Celle-ci caresse tendrement, non pas la tête de l'animal, mais sa corne.
Ici, une enluminure du Li Bestiaires d'Amours de Richard de Fournival, un texte purement profane. Français 412 (Hainaut, 1285) folio 232 , où la licorne est clairement présentée comme un bélier.
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La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.
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6. L'urne d'or URNA AURIA.
Cette urne semble remplie de pommes d'or. Urna aurea beata est Maria, aurea per excellentiam vitœ, aurea per integritatem et puritatem , aurea per plenitudinem gratia, "Marie est l'urne dor par l'excellence de sa vie, par son intégrité et sa pureté, et par la plénitude de la grâce" lit-on dans les Homélies de Saint Amédée, évêque de Lausanne (XIIe siècle).
7. La toison de Gédéon VELLUS GEDEONIS.
L'image figure dans la Biblia Pauperum à la page de l'Annonciation, en vis à vis de celle de la Nativité. Il s'agit d'une relation typologique entre le texte vétéro-testamentaire de Juges, 6:37-38, et la virginité de Marie : Gédéon, cinquième juge d’Israël, souhaite savoir si Dieu veut l’utiliser pour libérer la Terre Promise. En réponse à Gédéon, un miracle se produit. Une toison déposée au sol se gorge de rosée, que le juge recueille dans une coupe alors que la terre alentour est restée sèche. Au Moyen Âge, on interprète cet espace resté sec et pur comme un symbole de la virginité de Marie. Gédéon sortira vainqueur du combat, grâce à ce signe de Dieu. Sur la gravure de la Biblia Pauperum Gédéon lève les bras vers l'ange qui lui dit Dominus tecum virorum fortissime (Juges 6:12), dans un parallèle évident avec l'archange Gabriel disant à la Vierge Ave gratia plena dominus tecum.
Pour les clercs (ici, pour les dominicains du couvent), la simple figure de la toison de Gédéon, ou les simples mots Vellus Gedeonis suffisent à citer en rappel des connaissances qui leur sont familières et même quotidiennes dans leurs lectures, dans leurs oraisons et dans la liturgie.
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La Vierge à la licorne, Annonciation, Retable des Dominicains vers 1480, Martin Schongauer, Musée Unterlinden de Colmar. Photographie lavieb-aile.
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DISCUSSION. LES SOURCES DE L'IMAGE.
Ces deux panneaux comportent 13 symboles de la virginité et de l'élection de Marie, symboles élaborés par les Pères de l'Église dans leur démarche typologique recherchant à démontrer (comme le fait déjà Matthieu tout au long de son évangile) que le Christ accomplit le plan du Salut inscrit dès l'origine dans l'Ancien Testament. Cette réflexion s'est développée et, surtout, s'est diffusée par l'image sous l'influence du Miroir du Salut humain (Speculum humanae salvationis) et de la Bible des Pauvres (Biblia Pauperum) à la fin du XIVe ou au début du XVe siècle. Depuis Émile Mâle, on considère que ces deux ouvrages ont été à la source de l'art chrétien à la fin du Moyen-Âge.
La Bible des pauvres présente, au centre d' une page, le dessin d'une scène du Nouveau Testament. Deux vignettes mettent en relation cette scène avec deux épisode de l'Ancien Testament, qui la préfigure. Quatre prophètes (en haut et en bas) tiennent les banderoles de versets prophétiques annonçant l'événement en question. Ces six références imagées sont complétées par deux brefs textes explicatifs.
Pour cette Annonciation, Schongauer a puisé dans les deux pages de la Biblia Pauperum correspondant à l'Annonciation et à la Nativité les vignettes de la toison de Gédéon, de la Verge d'Aaron et du Buisson ardent, en délaissant celle d'Éve face au serpent. Il a également pris de cette Biblia Pauperum la citation d'Isaïe Ecce virgo concipiet, celle d'Ézéchiel sur la porta clausa, et l'essentiel de la scène de l'Annonciation avec la citation Ave gratia plena.
On doit donc conclure que cette Bible des Pauvres a joué pour Schongauer un rôle fondamental dans la composition de son tableau.
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Cela rend d'autant plus significatif l'absence de l'image d'Éve face au serpent, ou du texte qui l'accompagne: Vipera vim perdit sine vi pariente puella. (et, plus bas, Virgo salutatur innupta manens gravidatur ).
Éve et le Serpent et l'Annonciation, Biblia Pauperum, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1040372s/f10.item.r=.zoom
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L'interprétation de l'image semble simple : sous le regard de Dieu caché dans les branches de l'Arbre de la connaissance du Bien et du Mal, Éve est séduite par le serpent et s'apprête à croquer la pomme. c'est "La Tentation d'Éve par le Serpent".
Mais l'hexamètre Vipera vim perdit sine vi pariente puella ... résiste d'avantage à l'interprétation. Je trouve les traductions "La vipère perd sa force, quand la jeune fille enfante sans effort", et "La vipère perdit sa force par une jeune fille sans force accouchant"
Éve n'y est plus mentionnée, et le second vers ne fait pas allusion à une vierge, mais simplement à une jeune fille qui enfante.
Une gravure célèbre publiée en 1549 peut nous aider : elle montre " l'image de Notre-Dame de Verdun , ordonnée par saint Pulchrone" et la Vierge à l'Enfant pose les pieds sur un dragon juste au dessus de la formule latine Vipera vim perdit .... : c'est par sa victoire sur le Serpent, sur le Mal, que la Vierge a enfanté.
En somme, je comprends ces vers à peu-près comme "Le serpent (du Mal) a perdu sa puissance devant une jeune fille sans défense, ou sans arme" ; puella, féminin de puellus le jeune garçon, peut désigner la jeune fille (encore) vierge.
Le parallèle entre le serpent vipera qui perd sa puissance destructrice et son invincibilité face à une vierge qui enfante, et la licorne qui ne peut être vaincue que par le parfum (la vertu) d'une vierge saute désormais aux yeux, et il est renforcé par celui qui s'établit entre les deux images : d'un coté le serpent dressé devant Éve nue tenant la pomme et dirigeant vers elle sa gueule, de l'autre la licorne dressée elle aussi et pointant sa corne vers le sein de la vierge. L'image s'inverse en miroir et si elle fait de Marie la Nouvelle Éve, elle fait aussi de la licorne le Nouveau Serpent et son opposé.
Dans les Arbres de Jessé de Bretagne, j'ai décrit de nombreux exemples de Vierge à la Démone où Marie terrasse une femme-serpent chimérique tenant une pomme : le schéma en est bien connu. Je propose de voir dans la Vierge à la licorne (confrontant Marie à un animal fabuleux) un équivalent qui s'enrichit et se complexifie avec le thème de la Chasse mystique et l'assimilation de la licorne au Christ. Cette complexité explique sans-doute la diffusion assez restreinte de cette belle métaphore.
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Note de mai 2024 : Philippe Bousquet me fait remarquer que la citation Vipera vim perdit sine vi pariente puella se trouve traduite par Charles Loriquet dans sa description de 1875 de l'Annonciation, des tentures de la Vie de la Vierge (17 pièces) de la cathédrale de Reims, datant d'avant 1530. La traduction est la suivante : "Le serpent (le tentateur) privé de sa force dès qu'une vierge enfante sans violence".
Ces dix-sept pièces avaient été données en 1530 par Robert de Lanoncourt, archevêque de Reims (1509-1532) et commandées à un atelier de Reims. Les cartons du peintre d'origine flamande Gauthier de Campes en avaient été exécutés d'après un Livre d'heures à l'usage de Reims vers 1515, d'après la Bible des pauvres et le Speculum Humanae Salvationis. Chaque scène est commentée en latin et en français.
La pièce n° VIII de l'Annonciation porte l'inscription générale : "le vil serpent faulsement argua nostre mère Eve et enfin la deceupt. L'ange divin Marie salua : se humiliant le filz de Dieu conceupt; Et Gédéon noble juge receupt signe celeste au mondain territoire par la pluie ou la rosée qui cheut sur la toison en signe de victoire".
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La remarque est d'autant plus intéressante que la pièce n° VI dite des "Perfections de la Vierge" montre Marie entourée d'anges dans l'hortus conclusus entre deux colonnes tenues par deux licornes.
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LES SOURCES ICONOGRAPHIQUES.
a) La Chasse à la licorne ou les marginalia.
Le thème de la "chasse de la licorne" est souvent représenté dans les enluminures des bestiaires et livres d'amour, de façon profane, comme description de la technique de chasse. Le site mandragore des enluminures de la Bnf en donne de nombreux exemples, assez identiques, où le chasseur vise ou blesse l'animal qui a été attiré par l'odeur d'une jeune fille servant d'appât.
— Les 158 images de licornes du site Mandragore :
http://mandragore.bnf.fr/jsp/classementThema.jsp
— Les 32 images de licornes du site Enluminure des Bibliothèques françaises :
http://www.enluminures.culture.fr/documentation/enlumine/fr/rechexperte_00.htm
Aix-en-Provence Ms 0222 page 309 Heures à l'usage de Rouen vers 1470
Orléans ms 0651 folio 13 Heures, seconde moitié XVe: en marge de l'Annonciation
http://www.enluminures.culture.fr/public/mistral/enlumine_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_2=SUJET&VALUE_2=LICORNE&NUMBER=16&GRP=0&REQ=%28%28LICORNE%29%20%3aSUJET%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=9&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=100&MAX3=100&DOM=All
Verdun BM ms 0107 Bréviaire de Renaud de Bar f. 047v Bréviaire à l'usage de Verdun vers 1302-1305
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b) La licorne et la Vierge.
On sait que Schongauer est l'auteur de la Vierge au buisson de rose (Colmar, 1473). En 1448, à Cologne, Stefan Lochner avait peint sur le même sujet la Madonna im Rosenhag. Le fermail en or, émail et pierreries réunissant les pans de son manteau représente un ange, et une femme tenant une licorne .
http://koelner-dom.de/index.php?id=18267
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c) L'Annonciation à la licorne ou Chasse mystique.
Les exemples en sont plus rares, mais plus intéressants ici.
Je débuterai par une gravure anonyme de 1450 reproduite dans la thèse de Bruno Faidutti. Elle semble si proche de l'œuvre présente de Schongauer qu'elle peut avoir servi de modèle : on y trouve les mêmes motifs typologiques et allégoriques, les mêmes inscriptions.
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Je placerai ensuite dans cette galerie ce précieux parchemin enluminé du Diurnal Dominicain, de 15 cm sur 10,5, daté vers 1500, et conservé à Colmar dans la Bibliothèque des Dominicains, Ms 494 fol. 120v. Ce diurnal, livre de prières appartenait à une riche religieuse des Dominicaines d'Unterlinden, et devait se trouver dans le rayonnage de sa cellule pour son usage privé. L'enluminure ornant le jour de l'Annonciation montre une Chasse mystique où Gabriel tient ses quatre chiens :
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http://route-patrimoine-ecrit.fr/bibliographie/la-chasse-mystique/
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Puis, je présenterai l'enluminure conservé à la Morgan Library sous le titre Hunt of the Unicorn Annunciation : MS G.5, fols. 18v–19. Elle provient d'un Livre d'Heures et sert de frontispice aux Heures de la Vierge à l'usage des chanoines augustiniens du Chapitre de Windesheim (Pays-Bas), en latin et néerlandais. Ce manuscrit est daté des années 1500 , et serait donc postérieur au retable de Schongauer. Là encore, on retrouve toutes les caractéristiques principales de la Chasse mystique de Schongauer, sans les inscriptions.
Le commentaire de la Morgan Library indique que ce thème a été inredit par le Concile de Trente en 1563.
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http://www.themorgan.org/collection/livre-de-la-chasse/46
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On trouve aussi sur la toile ce tableau venant de la cathédrale d'Erfurt en Allemagne et daté vers 1420. Cette date antérieure à celle du retable des Dominicains lui donne tout son intérêt. Les donatrices (des religieuses présentées par saint Augustin) restent à l'extérieur de l'hortus conclusus, et tiennent des banderoles en hommage à la Vierge : O flores rosa mater domini, ou Tota pulchra es amica mea , ou Ave regina celorum, ou Recordare Virgo Mater Le chasseur Gabriel sonne de la trompe, tient la lance et ses deux chiens (Spes et Fides) face à la Vierge à la licorne tout comme à Colmar. Les autres motifs typologiques semblent manquer, hormis la fontaine fons signatus. La scène se déroule devant une assemblée de 10 saints saintes parmi les principaux intercesseurs : Scolastique, Maurice, Catherine, Marguerite, Georges, Claire Devant eux, des anges musiciens et chanteurs.
Au dessus, un chœur d'anges chante le Regina coeli laetare tandis que Dieu, dans des nuées, envoie sous forme d'un homoncule l'Enfant avec ces mots : descendi in hortus meum.
Voir : http://archiv.ub.uni-heidelberg.de/artdok/2913/1/Kammel_Niedersachsen_in_Thueringen_2004.pdf.
Image Rolf Brecher Flickr
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Le retable à la licorne (Einhornaltar) du monastère de Dambeck.
Il date de 1474, et est aujourd'hui exposé à l'église Sainte-Catherine (St. Katharinenkirche) à Salzwedel .
Sa date lui permet d'être une source possible pour celui de Colmar. L'ange Gabriel en veneur mène les chiens Veritas, Justicia, Misericordia et Pax vers la licorne sur les genoux de la Vierge . On trouve l'hortus conclusus, la verge d'Aaron, le Buisson Ardent, et la toison de Gédéon. Le panneau central est entouré de scènes de l'Enfance de Jésus puis de 16 figures de saints et apôtres. Les faces extérieurs des volets montrent 8 scènes de la Passion.
http://www.sammlungen.hu-berlin.de/dokumente/43566/
Le retable à la licorne (Einhornaltar) du monastère de Dambeck à Salzwedel. http://www.wikiwand.com/de/Katharinenkirche_(Salzwedel)
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En 2009, Didier Jugan, ingénieur d'études au Groupe de Recherches sur les Peintures Murales GRPM, a tenu une conférence sur « La chasse mystique à la licorne ». Il propose sur le site Pinterest une riche collection iconographique sur le thème de la licorne.
https://fr.pinterest.com/didierjugan/licorne/
Outre les marginalia des enluminures, et les Chasses à la licorne, on y trouve 14 images classées comme Chasse Mystique" :
https://fr.pinterest.com/didierjugan/chasse-mystique-%C3%A0-la-licorne/
Une photographie titrée "Schongauer 1489" serait passionnante si des détails étaient disponibles sur sa localisation et l'authenticité de son attribution à Martin Schongauer. La scène de la Chasse mystique, dépouillée de tout le matériel typologique, se rapproche des Annonciations habituelles, Dieu envoyant sur Marie son Esprit sous la forme double d'une petite âme et d'une colombe.
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Il propose aussi les images suivantes :
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https://fr.pinterest.com/pin/537898749224662694/
Erfurt Church St. Crucis (also called Neuwerkskirche) Annunciation - as the hunt of the unicorn - Altarpiece (1500-19)
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Parmi les autres exemples de Didier Jugan :
— Erfurt Church St. Crucis (also called Neuwerkskirche) Annunciation - as the hunt of the unicorn - Altarpiece (1500-19)
https://fr.pinterest.com/pin/537898749224662694/
Annunciation - shown as the hunt of the unicorn
— Photo de petrus.agricola sur Flickr
https://fr.pinterest.com/pin/537898749224662264/
— Annunciation with the Unicorn Polyptych by Anonymous (Silesia), 1480, Altar from the St. Elisabeth Church in Wrocław. Detail with the Virgin Mary holding the Unicorn.
https://fr.pinterest.com/pin/537898749224205979/
— Annunciation - as the hunt of the unicorn, Altarpiece (1525-50) - JWE D353 Erfurt (im Magazin des Diözesan-Kunst-Museums, not on view)
https://fr.pinterest.com/pin/537898749223056425/
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CHASSE MYSTIQUE ET ARBRE DE JESSÉ.
J'ai dit en introduction que cet article était un préalable à mon étude de la verrière de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Sens, qui inclut en son centre une Annonciation et, au dessus, une sorte de Chasse mystique. Michel Grandcolas a eu la gentillesse de me faire parvenir un autre exemple d'association de la chasse mystique et de l'Arbre de Jessé (Radix Iesse). C'est plutôt (comme à Vieu-Thann) une "Vigne de Jessé", où l'arbre est remplacé par un cep de vigne et les fleurs par des grappes de raisin en allusion au sang versé par le Christ et à l'Eucharistie : le sang du Christ alimente une fontaine mystique. La phylactère dit EGO SUM VITA UNA --- Le tableau contient tous les items allègoriques du retable de Schongauer, mais aussi bien d'autres, comme l'étoile Stella Jacob, la porte étroite porta angusta, et bien d'autres auxquels la définition de l'image ne donne pas accès.
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RÉCEPTION.
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Le retable des Dominicains de Schongauer a inspiré fortement celui situé dans le chœur de l'église St Jean-Baptiste à Buhl (vallée de Guebwiller, Haut-Rhin) et peint aux alentours de 1500. Sur une largeur de 7 mètres, il comporte 5 épisodes de la Passion du Christ. Son auteur pourrait être Urbain Huter auquel on attribue les peintures murales des Dominicains de Guebwiller.
Avant de considérer qu'il ne s'agit que d'une copie assez servile, on remarquera que ce retable n'a pas, à la différence de celui de Colmar, été amputé de sa partie haute, et que les détails qu'on y observe sont donc révélateurs de ceux qui manquent actuellement sur l'œuvre de Schongauer. Notamment les inscriptions Virga Aaron et ardi ----, mais surtout la partie haute de Dieu le Père comptant sur ses doigts sa rhétorique dans le Buisson , et surtout surtout la colombe nimbée qui fait le vol du Saint-Esprit au dessus de la Verge d'Aaron.
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Chasse mystique et Adoration des Mages, Revers du volet gauche du Retable de Buhl (vers 1500), http://alsaceocoeur.over-blog.com/2016/02/le-retable-de-buhl-68.html
Chasse mystique, Revers du volet gauche du Retable de Buhl (vers 1500), http://alsaceocoeur.over-blog.com/2016/02/le-retable-de-buhl-68.html
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Pour terminer, voici le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Sens, avec sa jeune fille à la licorne :
http://www.ipernity.com/doc/philippe_28/38827716/in/keyword/355129/self
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SOURCES ET LIENS.
— NARRO (Angel), 2015,Les versions françaises médiévales du Physiologos et la description de la licorne, Cloassical and Bysantine Monograps, Vol. LXXXIII. https://www.academia.edu/18601196/Les_versions_fran%C3%A7aises_m%C3%A9di%C3%A9vales_du_Physiologos_et_la_description_de_la_licorne
— FAIDUTTI (Bruno), 1996 , « Images et connaissance de la licorne - (Fin du Moyen Âge - xixe siècle) » thèse à l'Université Paris XII sous la direction de Lucien Bély, Claudine Cohen, Michel Pastoureau.
http://www.faidutti.com/unicorn/theselicorne1.pdf
— LEROY (Chantal Leroy), Chasse mystique in La virginité de Marie: communications présentées à la 53e Session
https://books.google.fr/books?id=eJCy6TSC2lQC&pg=PA210&dq=schongauer+%22chasse+mystique%22&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjh08igu8_NAhXGuRQKHW1gChAQ6AEIHDAA#v=onepage&q=schongauer%20%22chasse%20mystique%22&f=false
—LORIQUET (Charles), 1875, Les tapisseries de Notre-Dame de Reims, Travaux de l'Académie nationale de Reims, Volumes 55 à 56, page 280.
— MEYER (Lauriane) : je n'ai pas consulté ces références, mais leur intérêt impose que je les citent ici :
Thèse :
Cette doctorante de l'EA3400-ARCHE prépare sa thèse "Le type iconographique de la chasse mystique : origine, évolution, significations." « L'introduction de l'Arbre de Jessé dans le thème iconographique de la chasse mystique » sous la co-direction de Marc-Carel Schurr (EA3400-ARCHE, Université de Strasbourg), et Thomas Zotz ( Albert-Ludwigs-Universität Freiburg im Breisgau, Allemagne).
Résumé : La chasse mystique est la représentation allégorique de l'Annonciation sous la forme d'une chasse à la licorne dans un jardin clos avec Gabriel, en veneur, qui mène la licorne en direction de la Vierge, la licorne étant le symbole du Christ. Certains exemples de notre corpus intègrent le thème iconographique de l'Arbre de Jessé. Nous souhaitons discuter de quelle(s) manière(s) ces deux thèmes présents dans le même espace vont pouvoir dialoguer et s'enrichir mutuellement.
"Entre le premier tiers du XIIIe siècle et la première moitié du XVIIe siècle, on observe principalement dans l'espace germanique le développement et le rayonnement d'une représentation de l'Annonciation sous la forme allégorique d'une chasse à la licorne dans un jardin clos. La Vierge accueille en son sein la licorne, identifiée au Christ, poussée par Gabriel qui tient le rôle du chasseur : cette image est connue sous la dénomination de Chasse mystique. En étudiant cette iconographie particulière, nous cherchons à comprendre l'origine de sa formation et l'intérêt qu'elle a rencontré à l'époque médiévale principalement le long de l'axe du Rhin et des grands centres de la mystique rhénane. Nous cherchons également à dégager quelles peuvent être les interactions qu'elle entretient autant avec d'autres images et textes issus de la sphère religieuse que de la sphère profane. Enfin, nous nous questionnerons sur les causes possibles de son déclin."
Publications
« La Chasse mystique dans le décor sculpté de la cathédrale de Strasbourg », Bulletin de la cathédrale de Strasbourg (à paraître en 2016).
« L'iconographie de l'ancienne chapelle des Annonciades de Haguenau », colloque d'histoire du 900e anniversaire de la fondation de la ville de Haguenau (à paraître en 2015).
« Trois regards sur le retable des Dominicains », Annuaire de la Société d'histoire et d'Archéologie de Colmar, 2011-2012, Colmar, 2012, p. 25-50.
Communications
25 mars 2015 : « La Chasse mystique dans le décor sculpté de la cathédrale de Strasbourg », Société des Amis de la Cathédrale de Strasbourg, Palais Universitaire, Strasbourg.
16 janvier 2015 : « Les fresques de la chapelle des Annonciades », colloque Haguenau 900 ans d'histoire, 16 et 17 janvier 2015, IUT Haguenau.
19 juin 2014 : « La chasse mystique : une image-tiroir », communication à la Doctoriale Médiéviste du Grand Est, 19 juin 2014, Palais Universitaire, Université de Strasbourg.
25 octobre 2013 : « La chasse mystique : un type iconographique rhénan », communication Journées de l'EA 3400 ARCHE (Arts, Civilisation et Histoire de l'Europe), 24-25 octobre 2013.
12 décembre 2013 : « Le type iconographique de la chasse mystique », Centre Emmanuel Mounier, couvent des dominicains de Strasbourg, Histoire de l'Art et iconographie chrétienne, en partenariat avec le Rhin Mystique.
— SAVIGNY ( Sophie) 1986, Note sur la tenture de Robert de Lenoncourt de la cathédrale de Reims, Histoire, économie & société Année 1986 5-3 pp. 347-352
https://www.persee.fr/doc/hes_0752-5702_1986_num_5_3_1430