L'église Notre-Dame de Rumengol (29). III. Le porche sud (vers 1468).
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Voir :
- L'église Notre-Dame de Rumengol (29). I. Les inscriptions lapidaires.
- L'église Notre-Dame de Rumengol . II. Le calvaire.
L'église Notre-Dame de Rumengol. V : les gargouilles et crossettes.
.L'église Notre-Dame de Rumengol VI Les étranges blasons du socle..
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Ce porche est en partie semblable à celui de La Martyre, en vallée de l'Élorn, et daté vers 1450-1468. Ils sont tous les deux en pierre de kersanton, ils disposent tous les deux, au dessus d'une porte en arc déprimé, d'un tympan représentant une scène de l'Enfance du Christ (Nativité à La Martyre, Adoration des Rois à Rumengol), tous les deux (mais comme partout) d'un Credo apostolique à l'intérieur, et enfin, ce tympan et ces Apôtres sont tous les deux issus du même atelier, actif au Folgoët entre 1423 et 1468. Ces datations, comme celle du calvaire (entre 1433 et 1457) montrent qu'une partie de l'église date du XVe siècle, et est est antérieure à la date de fondation de 1531 qu'indique l'inscription gothique placée à sa gauche.
Par contre, à Rumengol, un tympan intérieur au dessus d'une double porte montre une remarquable Annonciation de pierre , qui ne sortirait pas de cet atelier du Folgoët bien qu'elle soit comparable à celle de La Martyre, et témoigne du grand courant e l'influence ligérien qui traversa alors la Bretagne et n'est absent d'aucun de ses grands sanctuaires" (Mussat 1957)
Les armoiries qui en ornaient l'intérieur et l'extérieur (sommet et à droite de l'arcade) ont été martelées à la Révolution, mais si on se rapporte à l'écusson du calvaire, ou aux éléments héraldiques les plus anciens des vitraux, on obtient des indices sur la famille du Quélennec, vicomtes du Faou, dans leur alliance avec les Poulmic et les du Chastel. Or, Jean III du Quélennec a épousé Marie de Poulmic en 1433, leur fils Guyon, marié en 1440 avec Jeanne de Rostrenen mourut en 1478, laissant son titre à son fils Jean VI, auquel succède Charles Ier du Quélennec, mariée le 7 février 1518 à Gilette du Chastel. Ces éléments donnerait pour la datation du porche une fourchette de 1433-1518, et c'est bien l'étude stylistique de la sculpture qui le date de la seconde moitié du XVe siècle.
Je décrirai donc :
1. L'Adoration des Mages (vers 1470).
2. La galerie des Apôtres (vers 1468).
3. L'Annonciation.
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Sous un fronton au gable orné de crochet et fleuron (et d'un cadran de 1638), une arcade gothique surligne le tympan ogival qui surmonte la porte en arc déprimé.
A droite de l'arcade, un blason est martelé, mais il reste suffisamment lisible pour y distinguer les armes de la famille de la Bourdonnaye de gueules à trois bourdons d'argent posés en pal (Bourdon = bâton de pèlerin muni de deux pommes -sphères-, l'une au trois quarts, l'autre au sommet). Elles sont aussi visibles sur le pignon de l'église du Faou . Voir ici la source de ces info et de l'image
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Ce sont donc les armes de Marie-Flore de la Bourdonnaye-Montluc (née vers 1735) épouse de Nicolas II Magon de la Gervaisais, et Vicomte du Faou . (Louis-Armand de Richelieu, héritier de la Vicomté du Faou, la vendit en 1736 au duc de Rohan, prince de Léon. Les Rohan revendirent en 1762 la vicomté au sieur Magon de la Gervaisais, conseiller au Parlement, en faveur duquel la vicomté du Faou fut érigée en marquisat en 1768)
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Armoiries martelées de la famille de la Bourdonnaye, porche sud de l'église de Rumengol. Photographie lavieb-aile.
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I. L'ADORATION DES MAGES (vers 1470).
Le tympan extérieur est limité en bas par une corniche, soulignée par une frise de feuilles d'acanthe ; en haut par les voussures de l'arc ogival, qui s'ornent d'une étoile et de deux anges thuriféraires. L'ensemble est en pierre de kersanton, mais conserve des traces de polychromie.
En effet, le porche a été repeint dans ses couleurs initiales – comme le calvaire– par le peintre et doreur Ollivier Grall de Landerneau entre 1723 et 1730. Le contrat précisait que le peintre devait faire les personnages "de la mesme forme qu'ils ont été ci-devant, scavoir les robes et les manteaux dorés et le tout de bonne couleur appliqué suivant l'art".
La couleur rouge du fond et même des personnages pourrait être en rapport avec l'une des étymologies possibles de Rumengol , le breton Ru men goulou (deiz), "la pierre rouge de la couleur du point-du- jour" . Cf Rémungol (56) in H. Abalain. Cette idée de "pierre rouge" et ces mots bretons men ru, mean ruz évoquent des sacrifices druidiques sanglants dédiés à Toutatès, repris dans le cantique de pèlerinage Itron Varia Rumengol composé par Guillou Merrer: Var ar mean ruz e skuillet goad, Hag er Chrannou e kreiz ar cboat, A zindan derven Teutatès, Tud veze lazet eb truez. ("Sur la pierre rouge, en tuant sans pitié vous apaisez Teutatès au milieu de la forêt du Crannou").
L'Adoration des Mages illustre le texte de l'évangile de Matthieu 2:1-12 , commémoré lors de l'Épiphanie:
Jésus étant né à Bethléhem en Judée, au temps du roi Hérode, voici des mages d'Orient arrivèrent à Jérusalem, et dirent: Où est le roi des Juifs qui vient de naître? car nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus pour l'adorer.
Le texte de la Vulgate emploie le terme de magi, issu du texte grec qui emploie μάγος . Un mage désigne à l'origine un prêtre perse ou mède (par exemple, originaire de Babylone), réputé pour sa connaissance en astronomie et astrologie. Leur nombre va se fixer à trois, symbolisant les trois âges de la vie. Le plus âgé sera toujours le premier, agenouillé devant l'enfant et lui offrant de l'or. Pour Bède le Vénérable, Mystice autem tres Magi tres partes mundi significant, Asiam, Africam, Europam, sive humanum genus, quod a tribus filiis Noe seminarium sumpsit. : selon le sens mystique, les trois mages représentent aussi les trois parties du monde : l'Asie, l'Afrique et l'Europe, c'est à dire le genre humain, qui est issu des trois fils de la semence de Noé". C'est à partir de ces trois fils que la toute la terre fut peuplée, selon le récit de la Genèse (IX, 18-19)
Cette interprétation sera reprise au XIVe siècle, le vieillard Melchior offrant l'or de la royauté du Christ figure l'Europe, alors que le jeune et imberbe Gaspard, qui porte l'encens de la fonction sacerdotale du Christ, figure l'Inde et que Balthazar au teint sombre, qui porte la myrrhe de l'embaumement rappelant l'humanité mortelle de Jésus, figure l'Afrique.
http://www.lexilogos.com/epiphanie.htm
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A gauche, nous trouvons d'abord saint Joseph, de face, barbu et tenant un bâton pour signifier son grand âge. Il est coiffé d'un bonnet évasé.
Puis vient la Vierge, assise, de profil, vêtu d'un manteau qui recouvre sa tête et retombe en plis à volutes. Elle tient l'Enfant-Jésus vêtu d'un petit pagne, légèrement penché vers Melchior qu'il regarde. La chevelure de l'Enfant, en masse arrondie plus épaisse sur les cotés est caractéristique.
Melchior, selon un mode souvent retrouvé en iconographie, a enfilé sa couronne autour de son poignet gauche. Agenouillé, il regarde l'Enfant et lui présente un coffret. Selon E. Le Seac'h, ses cheveux sont tressés en bandeau et le reste du crâne est lisse, mais je vois plutôt ici un bonnet royal à turban. Sa barbe témoigne de son âge.
La position des deux animaux, de face, en hauteur, évoque la Nativité du porche de La Martyre :
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Le roi Balthazar, couronné, barbu, vêtu d'une robe serrée par une ceinture, désigne l'étoile de la main droite et tient un ciboire de la main gauche.
Ce mage est proche du Balthazar du porche du Folgoët (1423).
http://a141.idata.over-blog.com/3/43/88/27/epigraphie-tilde/le-folgoet/le-folgoet-4334c.jpg
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Le roi Gaspard (l'ordre a-t-il été inversé lors de la repose ? Non, puisqu'on le retrouve au Folgoët), couronné, jeune, imberbe, de face mais les pieds dirigés vers la gauche, tient la cassolette à couvercle de l'encens. Il est vêtu d'une tunique courte mais épaisse serrée par une ceinture.
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Dans les voussures, sont représentés deux anges thuriféraires, et l'étoile qui a guidé les Mages. Là encore, il est intéressant de les comparer à ceux du porche de La Martyre.
Dans la liturgie, un thuriféraire est l'acolyte qui tient et se sert de l'encensoir, récipient contenant l'encens fumant, et qui a été rempli à partir de la navette tenue par un autre servant de messe, le naviculaire. "Le thuriféraire tenant l'encensoir de la main droite par le haut des chaînes, lui donne d'abord de la main gauche un léger mouvement vers la chose ou la personne qu'il encense ; il élève aussitôt après l'encensoir en le lançant devant lui ; puis, le retirant à soi, il le ramène sous le bras droit, observant entre chaque coup d'ostensoir une pause convenable." Cérémonial à l'usage de l'Église du Puy, 1836 .
A La Martyre, les anges tiennent à la fois les chaînes de l'encensoir de la main droite, et la navette de la main gauche : ils sont thuriféraires ET naviculaires. Leur brûle-parfum est représenté en hauteur, lors du geste du lancer.
http://a141.idata.over-blog.com/3/43/88/27/epigraphie-tilde/la-martyre/la-martyre-1922.JPG
Ici, ils ne tiennent que l'encensoir, qu'ils balancent devant leurs jambes. L'un le tient de la main droite, l'autre de la main gauche. L'encensoir ressemble à une raquette dotée d'une poignée en T.
Ils sont vêtus de l'amict (autour du cou), d'un surplis court, et d'une aube. Ils reposent sur des petits nuages.
Il est très instructif d'examiner leur chevelure : elle est sculptée en trois macarons (l'un frontal, les autres temporaux) à stries en spirale. Proche de celle de saint Jean sur le calvaire de Rumengol, et assez proche de celle de trois anges du porche de La Martyre. Emmanuelle Le Seac'h en a fait l'un des traits stylistiques de l'atelier ducal du Folgoët ("autel des Anges" de la basilique), qui aurait été inspiré du tombeau de l'évêque de Quimper Gatien du Monceau, mort en 1416. Ces coiffures flamboyantes, exubérantes, témoigneraient-elles — comme les "cornes" de Moïse — de l'emprise de l'inspiration divine ?
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II. LE CREDO APOSTOLIQUE.
Voir aussi :
Le credo apostolique de l'ossuaire de Sizun. (1585).
Les statues des douze apôtres, d'un mètre de haut, sont contenues dans des niches à coquilles sous des dais gothiques au pinacle élevé pour huit d'entre eux. En 1793, trois apôtres furent décapités et la série fut déplacée.
Saint Pierre est reconnaissable à droite près de la porte d'entrée (c'est sa place habituelle) grâce à sa clef , et il permettra de les décrire en les numérotant en lui attribuant le numéro 1.
Les statues de kersanton ont été peintes, mais il persiste aujourd'hui surtout la couleur blanche, et des teintes roses ou parfois ocres, de rares lèvres carmin, et des verts qu'il est difficile de distinguer de moisissures verdâtres des murs. Il en résulte, sur les photographies, ces allures fantomatiques et surexposées.
Ils sont tous pieds-nus (c'est une caractéristique des apôtres), tous sont barbus (sauf Jean), et tous ont les cheveux longs. Cinq (quatre à droite) ont une houppette implantée, comme deux tortillons, sur le front dégarni, un privilège habituellement propre à Pierre et à Paul. Certains tiennent en main un attribut qui permet de les identifier alors que cinq autres tiennent un livre et restent anonymes. Ils sont vêtus d'un manteau, et d'une robe qui, pour les six de droite et un de gauche, est serrée par une ceinture. Les plis sont variés, serrés à la verticale, ou en volutes, à bec. La forme des yeux, mieux détectacle lorsque la polychromie est effacée, est en amande avec des paupières ourlées.
Chacun tient aussi une banderole où est inscrit un des douze articles du Symbole des apôtres, parfois nommé plus ou moins à tort Credo. Comme l'attribution de chaque article est fixée par la tradition chrétienne, la lecture des banderoles est un autre moyen de connaître le nom de son titulaire... mais il existe une variation des attributions des ... attributs et des articles qui complique les choses. Un autre moyen est de comparer ces statues aux groupes d'apôtres clairement identifiés d'autres églises et chapelles bretonnes, comme sur l'ossuaire de Sizun.
Les apôtres reconnaissables sont :
à droite
le numéro 1, saint Pierre,
le numéro 4, saint Jean (il est toujours imberbe)
le numéro 6 : il tient une lance : saint Thomas (Saint Matthieu pour E. Le Seac'h).
à gauche,
le numéro 7 : il tient un coutelas, c'est saint Barthélémy.
le numéro 8 tient une croix en X, c'est saint André.
Le numéro 10 porte un bourdon et un chapeau à coquille, c'est Saint Jacques le Majeur.
Ils ne sont pas placés dans l'ordre qu'ils devraient adoptés dans la succession des articles. Certes, Pierre porte sur son phylactère des bribes du 1er article Credo in Deum Patrem omnipotentem, creatorem coeli et terrae, mais le 2ème article [Et in ] JESVM CHRISTVM FILIVM EIVS VNICVM [Dominvm nostrvm] est enrubanné autour de Saint André, notre n° 8. Ce 2ème article est bien attribué selon la tradition à André. Il y a lieu de penser que la disposition initiale suivait la tradition établie, et qu'André 'était jadis le voisin de Pierre.
Si ce prémisse est admis, les versets déchiffrés sur les banderoles des apôtres non identifiés pourraient nous aider à connaître leur nom. Mais comme les inscriptions ne sont pas gravées, mais peintes, elles n'attestent pas du texte d'origine. Des tentatives de correction ont entraîné des mots peints par dessus les autres. Le résultat, c'est que l'ordre et les identités des apôtres ne nous sont plus accessibles.
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A. Le coté droit du porche.
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1. Saint Pierre.
Il tient par une courroie deux énormes clefs pendues à son poignet.
On lit des bribes de son verset
Credo in Deum Patrem omnipotentem, creatorem coeli et terrae.
"Je crois en Dieu le Père tout-puissant créateur du ciel et de la terre".
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Saint ---
– Son phylactère indique : DESCENDIT AD INFEROS (tertia die RESVRREXIT A MORTVIS .
C'est le cinquième article, attribué à saint Matthieu (à Rome à la fin du XVe sous le coupole de l'Hôpital du Saint-Esprit de Rome), ou à saint Thomas (E. Mâle, calendrier des Bergers).
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Saint Jean.
– Identification : par l'absence de barbe.
– Inscription : Et passus SVB PONTIO PILATO CRVCIFIXVS Mortvvs Article n°4 . Attribution conforme à la tradition (Calendrier des Bergers)
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Saint ? Simon.
– Identification par l'inscription : Article n° 10 : REMISSIONEM PECCATORVM
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Saint Matthieu ? Thomas ?.
— La lance : est l'attribut de saint Matthieu, mais aussi de saint Thomas (Calendrier des Bergers).
–deux inscriptions superposées en sens inverse :
ASCENDIT AD COELOS SEDET AD DEXTERAM PATRIS OMNIPOTENTEM traditionnellement confié à Jacques le mineur
VNDE VENTVRVS EST IVDICARE VIVOS ET MORTVOS traditionnellement confié à Philippe.
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Les apôtres du coté gauche.
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Saint Barthélémy ?
— Identification : par le coutelas, instrument du dépeçage, mode de supplice de Barthélémy.
Pas d'inscription.
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Saint André.
– Identification : par la croix en X, dite de Saint-André.
– et confirmé par l'inscription de l'article n° 2 : [Et in ] JESVM CHRISTVM FILIVM EIVS VNICVM [Dominvm nostrvm].
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6. Saint Jacques le Mineur.
— Il tient un livre beaucoup plus épais que les autres.
— Je lis les lettres AS :
ASCENDIT AD COELOS SEDET AD [dexteram Dei patris omnipotentem] qui permettent l'identification (Calendrier des Bergers).
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Saint Jacques le Majeur.
– Identification : par les attributs : chapeau à coquille sur le rabat, bourdon.
– Inscription cohérente avec l'attribution traditionnelle (E. Mâle) du Credo apostolique donnant à saint Jacques le Majeur le 3eme article :QVI CONCEPVS EST DE SPIRITVO SANCTO NATUS EX DE MARIA VIRGINE.
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12. Saint Matthias.
– Identification : par la banderole : Il s'agit de l'article n°12 qui termine le Symbole des Apôtres : VITAM AETERNAM AMEN
Il devait donc occuper la dernière place.
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Dernière statue.
– Inscription : superposition de lettres en partie effacées.
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III. L'ANNONCIATION.
Ce groupe occupe l'intrados de l'arcade ogivale au dessus de la double porte d'entrée du porche sud.
Le thème est parfaitement logique pour un grand sanctuaire de pèlerinage dédié à la Vierge, témoignant de son élection, de sa virginité, et, pour beaucoup, de sa conception immaculée. Ce thème figure aussi en bas-relief de la fontaine miraculeuse. L' Annonciation est aussi une fête liturgique, le 25 mars, et cette date était (est) celle d'un des quatre grands pardons de Rumengol avec le jour de la Trinité (le dimanche après la Pentecôte), l'Assomption (15 août), la Nativité de la Vierge (8 septembre) et la Conception de la Vierge ou Immaculée Conception (8 décembre) .
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L'ensemble en pierre polychrome est sobrement composé de trois "personnages" et d'un meuble central.
En haut, porté par les circonvolutions des nuées, Dieu Le Père, couronné, tient le globus cruciger dans la main gauche et trace une bénédiction de la main droite. Ce qui est remarquable, c'est que, de sa bouche, se frayant un trajet au sein de la divine barbe et y laissant un sillage, l'Esprit-Saint, sous sa forme habituelle de colombe, prend son envol et se dirige vers Marie. Ainsi est illustré le fait que c'est la Parole de Dieu, le Verbe, qui va féconder la Vierge, bien que cette formulation ne soit peut-être pas théologiquement correcte.
Plus bas, "sur terre", Marie est agenouillée, à notre gauche, devant son prie-dieu face à l'ange Gabriel qui a fait irruption dans sa chambre. Au milieu, un vase contient un lys à trois boutons dont un seul est ouvert, réunissant ainsi deux symboles de la virginité, le vase (utérin) qui resta clos et la fleur immaculée et qui n'a pas d'étamine, vierge avant, pendant et après l'enfantement. (Virgo concipit, virgo gravida, virgo cum parturit,/ virgo ante partum, in partu, post partum).
(Saint Augustin, Sermo XXV, Oeuvres T X, )
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Dieu le Père et le Saint-Esprit.
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Comme pour la série des apôtres, la décoloration de la polychromie, la perte des ors, l'affaiblissement des rouges, des ocres et des lilas transforme la scène en une apparition évanescente, presque onirique, irréelle, irradiée de blancheur et de silence.
Dans cette absence de décor et de couleurs, la Vierge a la gravité éloquente d'un pantomime et le Fiat que ne prononce pas sa bouche est proclamé par le geste parfait de ses deux mains.
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Inutile de tenter de lire la banderole aux lettres humaines et dérisoires alors que l'index angélique est posé, comme sur des lèvres, pour délivrer le message de l'Ave Gratia Plena.
J'ignore encore, au moment où j'écris, quelle est la datation proposée par les experts pour cette Annonciation, et à quel atelier est attribué cette sculpture en pierre de Loire. Mais je suis frappé d'y retrouver la chevelure en mèches entortillées, en petites cornes tressées, qui est celle des anges de kersanton du Folgoët, du porche sud de la cathédrale de Quimper (1424-1442), de celui de La Martyre (1450-1468), de l'Adoration des Mages de Rumengol (v.1468), et dont le modèle fut le tombeau de Gatien du Monceaux :
"Probablement importé, [ce tombeau] daterait des années 1420 et a été réalisé par un sculpteur important qui a copié les anges sculptés par André Beauneveu pour le duc de Berry. Taillé dans le calcaire de la Loire, il a contribué à la diffusion de l'art ligérien en Bretagne. L'atelier du Folgoët s'est à son tour inspiré de ces anges, a intégré leur chevelure et en a fait une marque stylistique qui a à son tour été copiée par un artiste local pour le tombeau d'Alain de Lespervez par un sculpteur local." (E. Le Seac'h, 2014, p. 61).
Comparer aussi cette Annonciation à celle de La Ferrière (22) : la coiffure de l'Ange y est aussi méchée et ébouriffée qu'à Rumengol. Ce serait, réalisé entre 1423 et 1468, une autre réalisation d l'atelier du Folgoët) :
http://a398.idata.over-blog.com/3/43/88/27/epigraphie-tilde/La-Ferriere/statues/statues-4154c.jpg
http://www.lavieb-aile.com/article-l-arbre-de-jesse-de-l-eglise-de-la-ferriere-107329857.html
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Nous pouvons aussi nous livrer à une autre comparaison avec l'Annonciation du porche de La Martyre. La Vierge est représentée dans la même posture d'acceptation, le prie-dieu est le frèere jumeau de celui de Rumengol, mais un détail de l'ange Gabriel, sa tunique à manche fendue, est encore plus convaincant : les deux tuniques sont parfaitement semblables. De même, la tenue de la banderole est très comparable. L'auteur de l'Annonciation de La Martyre (vers 1450) aurait pu prendre modèle sur celle de Rumengol ...ou réciproquement.
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SOURCES ET LIENS.
— ABALAIN (Hervé), 2000, Noms de lieux bretons. Ed Gisserot.
https://books.google.fr/books?id=IG0fUrAqvMAC&dq=Ru+men+goulou+deiz&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— BILLANT (Abbé Nicolas) Rumengol, son sanctuaire et son pèlerinage, 1924, sn. Brest, Imprimeries de la Presse Libérale.
(L'abbé Billant de Saint-Urbain fut recteur de Rumengol de 1920 à ? après avoir été recteur de l'Île Tudy.)
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/eb755cd60bfa806ccd9513f01749829c.pdf
— ABGRALL (Jean-Marie), 1904, Architecture bretonne, Quimper, Ar de Kerangal.
https://archive.org/details/architecturebre00abgrgoog
— CASTEL (Yves-Pascal), 1991,.Essai d'épigraphie appliquée. Dates et inscriptions sur les croix et calvaires du Finistère du XVème au XVIIIème siècle Ouvrage: Charpiana : mélanges offerts par ses amis à Jacques Charpy..Fédération des Sociétés Savantes de Bretagne, 1991.
— COUFFON (René) & LE BRAS (Alfred), 1988, Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/FAOURUME.pdf
— LECLERC (Guy), 1996-97, Monuments et objets d'art du Finistère (année 1996) : Le Faou, églises Notre-Dame de Rumengol et Saint-Sauveur du Faou Bulletin de la Société Archéologique du Finistère (126, p. 145-149)
— LECLERC (Guy), 2000, Monuments et objets d'art du Finistère. Etudes, découvertes, restaurations (année 2000) : Le Faou, église Notre-Dame de Rumengol, porche méridional, Bulletin de la Société Archéologique du Finistère 2000, (129, p. 59-62)
— MUSSAT (André), 1957, article -Rumengol, in Société française d'archéologie. Congrés archéologique de France. CXVe Cession, 1957, Cornouaille. page 165. In-8° (23 cm), 285 p., fig., carte, plans. H. c.Orléans : M. Pillault, 37, rue du Pot-de-Fer (Nogent-le-Rotrou, impr. Daupeley-Gouverneur).
—Inventaire du Patrimoine architectural. Région de Bruxelles (Glossaire)
http://www.irismonument.be/fr.p.glossary.14.html
— Rumengol son sanctuaire et son pélerinage, 1924, Brest, Presses de la Presse Libérale, .
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/eb755cd60bfa806ccd9513f01749829c.pdf
— Infobretagne :
http://www.infobretagne.com/faou.htm
— Médiathèque des Monuments historiques
http://www.culture.gouv.fr/public/mistral/mdp_fr
— La fontaine :
http://fontaines.bretagne.free.fr/view.php?id=72&total=367
—— Sur le Credo apostolique :
— Grant Kalendrier et compost des bergiers , 1529, imprimé à Troyes.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86095054/f89.item.zoom
— Émile Mâle : http://patrimoine.amis-st-jacques.org/documents/000135_e_male_credo_des_apotres_2.pdf
— DIDRON Adolphe Napoléon et ,Edouard, ,Xavier Barbier de Montault, 1855, Annales archéologiques, Volume 15 :page 239 : le Credo du tambour de la coupole de l'Arcispedale Santo Spirito de Rome
https://books.google.fr/books?id=gbKfAAAAMAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false