Le porche de l'église de Landivisiau IV. Le bénitier, l'ange au goupillon.
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- Le porche (1554-1559) de l'église de Landivisiau. I. L'extérieur.
- Le porche (1554-1559) de l'église de Landivisiau. II. La grande arcade extérieure.
- Le porche de l'église de Landivisiau III. Les apôtres et leur dais. Henry Prigent 1554-1565.
- L'église de Landivisiau V : la bannière.
- L'église de Landivisiau VI. La fontaine Saint-Thivisiau
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Voir aussi d'autres bénitiers du Finistère :
L'église Saint-Salomon de La Martyre. III. Les bénitiers de 1619 et de 1601.
L'église Saint-Salomon de La Martyre II. Le bénitier de 1681.
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Aujourd'hui, pas question de piquer un roupillon, d'écouter mes microsillons ou de classer ma collection de papillons, d'agrions et de ténébrions, car sous l'aiguillon tatillon de la curiosité, je pars à la chasse au goupillon :
"Au trumeau, bénitier orné d'un ange tenant un goupillon, sous un dais Renaissance à quatre mascarons" (Couffon).
"Au trumeau qui sépare les deux portes, est fixé un bénitier, au-dessus duquel est un ange tenant un goupillon et, plus haut, un dais richement sculpté, genre Renaissance, d'où sortent quatre têtes saillantes ou mascarons, deux hommes et deux femmes." (J-M. Abgrall)
Après avoir gravi dans un tourbillon le fort raidillon de l'escalier du porche et sans passer par le portillon, j'atteins, rouge vermillon, mon but au moment précis où, du clocher, me parvient un joyeux....carillon : prions !
Vue générale de la porte d'entrée géminée et du trumeau avec son bénitier.
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Le bénitier.
La vasque, actuellement sans pied, est ornée de godrons, d'entrelacs en accolades liées et de frises d'oves et de feuillages. Sa margelle est usée par le geste répété des paroissiens y puisant l'eau bénite pour se signer.
Les cartes postales anciennes montrent un piétement par une colonne. Voir carte postale Delcampe ND 137 F
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Je m'approche par le septentrion :
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Je modifie sans ostentation mon orientation :
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Le dais témoigne de traces de polychromie (ocre...Roussillon). Son tambour est rythmé par quatre pilastres rectangulaires, avec soit un petit personnage soit un animal au sommet. Quatre têtes en haut relief (deux féminines, deux masculines) surgissent pour observer les passants. Au dessus et au dessous d'eux court une frise de rinceaux et d'oies attachées deux à deux par le cou (même motif que sur le piédroit droit du porche, au dessus d'Abel).
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Au dessus, ce sont des coquilles et des feuilles d'acanthe, des fleurs en bourgeons ou pots à feu, autour d'un lotus (pot à feu) central.
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Nous avons ici une belle tête coiffée d'une toque à plume style Henri II ou François II, ou Charles IX, le roi en titre à l'époque où fut construit le porche (débuté en 1554 et achevé vers 1565), ou Henri III en 1570 avant son accession au trône. On devine une amorce de fraise autour du cou. Mais l'effet comique vient du coup de vent qui emporte la barbe du même coté que la plume, dans un jeu d'imitation ridicule. Exactement comme au dessus de la porte nord de l'église de La Martyre (par exemple) :
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Les masques sont groupés par couples tournés l'un vers l'autre. Si la femme de gauche a les cheveux dénoués, ceux de sa collègue de droite sont couverts, sur le vertex, d'un bandeau qui vient s'enrouler en spires autour des nattes qui s'échappent sur le coté. J'ai beau les regarder sous tous les angles, je ne parviens pas à décider s'ils s'observent avec concupiscence ou par connivence, s'ils souffrent de ne pouvoir se rejoindre ou s'ils échangent de ces intenses conversations des yeux propres aux amoureux. Mais, toujours, j'admire le velouté du grain de la pierre, la précision du ciseau ou de la gradine du sculpteur, la douceur des lignes des paupières et des mentons, l'ambiguïté si humaine d'une lèvre à peine avancée : timidité, prudence, ou savante coquetterie ?
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Ce dais Renaissance coiffe d'une coquille un ange tenant un goupillon dans la main droite et posant, comme un acolyte rompu aux usages liturgiques, la main sur la poitrine lorsqu'il ne tient pas le bénitier.
Voir Cérémonial de l'église cathédrale du Mans 1789 :
- aspersion des pénitents le Jeudi Saint par le Grand Pénitencier p. 104 et 105
- aspersion des Fêtes annuelles p. 8.
- aspersion dominicale et antienne Asperges me p.73
- aspersion des Vêpres des Morts p.222 à 224.
La signification de l'aspersion, associée à celle de la bénédiction, est double : génération par rappel de l'infusion baptismale (aspersion dominicale ou de la Vigile pascale), conférant le principe vital de la grâce divine . Et valeur pénitentielle ou purificatrice de libération du mal et de protection de toute contagion du mal. C'est alors une protection contre L'Ange exterminateur et donc contre la Mort (celle de l'âme) par référence à la Pâque Juive et au passage d'Exode 12 dans lequel les Hébreux marquèrent du sang de l'agneau du sacrifice le linteau et le seuil de leur maison. Cette signification est majeure ici, puisque le trumeau marque le seuil et le passage initiatique du franchissement du porche.
Cette utilisation liturgique de l'aspersoir étant distincte du signe de croix tracé par le paroissien à l'entrée dans l'église, il faut y voir un rappel fait à ces paroissiens d'une part de la nécessité de prier pour les défunts, d'autre part de se préoccuper du salut de leur âme.
Cet ange au goupillon va se retrouver ensuite repris à La Martyre (à l'intérieur de l'église, mais juste après le passage du porche) en 1601 : photographie lavieb-aile :
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...puis à Landerneau, sur le trumeau du porche de l'église Saint-Houardon (1604), sur un bénitier qui est très similaire à celui de Landivisiau. Photographie lavieb-aile.
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...puis à Guimiliau, pour le bénitier placé dans la même situation qu'à Landivisiau sur le trumeau du porche de 1606 (photo lavieb-aile, article à paraître).
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Mais dans ces trois derniers cas, l'ange tient deux goupillons, l'un de la main droite (faste) et vers le haut, l'autre de la main gauche (funeste) et vers le bas, dans un approfondissement du thème illustrant à merveille la double valence positive vitale / négative liée à la Mort, de l'aspersion.
Dans le cas de l'ange de Landivisiau, sa posture n'est pas sans rappeler celle de l'ange de l'Annonciation tenant un lys.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1891, "Porche, clocher, chapelle et fontaine de Landivisiau", Bulletin de la Société archéologique du Finistère pages 259-268.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207615d/f335.image
— CASTEL (Yves-Pascal), 1997, Le porche méconnu de Landivisiau, 3 parties, Le Progrès de Cornouaille-Courrier du Léon samedi 1er février, 8 février et 15 février 1997 page 23. “1290 Le porche de Landivisiau (3ème et dernière partie)... 150.02.97.,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 23 janvier 2017, https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/2806.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/101918beed0220579dab324c65112b94.jpg
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https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/9ad6a25f74c98674d09e6aef3ad92a6e.jpg
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, "Un porche remarquable : Landivisiau",, Les Cahiers de l' Iroise, 1979, n°2.
— COUFFON (René), LE BARS ( Alfred) « Landivisiau », Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/494edd1782a578c953b613ec4d2b371e.pdf
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle , 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm . Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395 Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014 Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut
— WIKIPEDIA : List of the works of Bastien and Henry Prigent. Consulté le 30 janvier 2017.
https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_the_works_of_Bastien_and_Henry_Prigent
Dans cet article : Bénitier de Landivisiau.
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