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Le porche de l'église de Landivisiau III. Les apôtres et leur dais. Henry Prigent 1554-1565.
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- Le porche (1554-1559) de l'église de Landivisiau. I. L'extérieur.
- Le porche (1554-1559) de l'église de Landivisiau. II. La grande arcade extérieure.
- Le porche de l'église de Landivisiau IV. Le bénitier, l'ange au goupillon.
- L'église de Landivisiau V : la bannière.
- L'église de Landivisiau VI. La fontaine Saint-Thivisiau
- Le porche de l'église de Landivisiau VII. L'arcade intérieure et son tympan.
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Voir aussi d'autres porches du Finistère :
L'église Saint-Salomon de La Martyre. I. L'Arc de Triomphe (vers 1520) et le Porche sud (vers 1450).
L'église Notre-Dame de Rumengol (29). III. Le porche sud (vers 1468).
L'enclos paroissial de Brasparts. I. La Démone tentatrice du porche sud. (1592)
Le porche sud et la porte sud de l'église Saint-Houardon de Landerneau. (1604)
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L'intérieur du porche de Landivisiau est décrit ainsi par le chanoine Abgrall :
"A l'intérieur du porche, les statues des douze Apôtres sont logées dans des niches moitié gothique, moitié Renaissance.
Dans les culs-de-lampe, on remarque deux sujets assez singuliers : deux lions mettent leurs griffes dans la bouche d'une jeune fille ; trois sortes de lansquenets, à moitié ivres, entraînent deux jeunes filles, dont une tient un miroir et l'autre un sceptre ; puis vient une bête, sorte de lévrier, qui joue du biniou. Les dais qui couronnent les niches sont surmontés d'anges portant les instruments de la Passion."
Couffon et Le Bars ajoutent :
"A l'intérieur, dans des niches mi-gothiques mi-Renaissance, statues des douze Apôtres, en pierre (C.). Au-dessus des dais, anges portant les instruments de la Passion, et sous les niches, culs-de-lampe ornés de sujets singuliers."
Afin de compléter cette description, je présenterai mes photos, en m'aidant du commentaire d'Emmanuelle Le Seac'h (2014) ou d'Yves-Pascal Castel (1997), qui souligne par exemple "la diversité avec laquelle les manteaux couvrent les tuniques et la variété avec laquelle, avec ou sans agrafes, ils sont maintenus à l'épaule" ou les qualités des visages et des barbes. C'est l'abbé Castel qui attribuera clairement ces sculptures à l'atelier de Bastien et Henry Prigent de Landerneau qui exécute dans les mêmes années le porche de Pencran (1553) et la statue, signée de Sainte Apolline (1555), le grand calvaire de Plougonven signé par Henri et Bastien, et les statues de Pleyben (1555). E. Le Seac'h ajoutera la précision suivante : les apôtres du porche de Landivisiau relèvent de la main d'Henry Prigent.
Plan :
- Les douze apôtres.
- Les culots.
- Les dais.
- Les armoiries timbrant la voûte.
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LES DOUZE APÔTRES
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I. LE COTÉ DROIT.
Comme c'est la règle, la série des 12 apôtres débute à droite de la porte intérieure, par saint Pierre. Nous voyons déjà la disposition générale : sur des culots très travaillés, dans des niches et sous de hauts dais, les six apôtres de droite sculptés dans la pierre de kersantite tiennent chacun une banderole dans la main droite et un livre (sauf exception) dans la main gauche. Sur la banderole était sans-doute peint jadis l'un des douze articles du Credo apostolique, ou Symbole des Apôtres : chacun le sien !
La difficulté d'identification, assez constante dans ces séries, est accrue car les attributs ont été martelés à la Révolution sans-doute, et les têtes ont été décapitées, puis re-scellées au ciment. On ne peut, non plus, tenir compte de leur position (qui devrait suivre la succession des articles du Credo), les statues ayant pu être déplacées.
Les niches mi-gothique , mi-Renaissance sont séparées en alternance par des colonnettes en nid d'abeille et par des pilastres lisses.
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1. Saint Pierre.
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L'apôtre Pierre, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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2. Apôtre.
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Un apôtre, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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3. Saint Jacques le Majeur.
En habit de pèlerin de Compostelle, avec chapeau large timbré d'une coquille, besace, baudrier aux coquilles cousues, et bourdon (brisé).
L' apôtre Jacques le Majeur, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
L' apôtre Jacques le Majeur, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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4. Apôtre. Saint Jacques le Mineur ? Saint Philippe ?
L'extrémité d'un bâton est visible, identifiant Jacques le Mineur si on y voit un bâton de foulon (le plus souvent dilaté à cette extrémité), ou Philippe si on y voit la hampe d'une croix.
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Un apôtre, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Un apôtre, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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5. Saint Jean.
Imberbe et tenant le calice de poison qui le qualifie.
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L' apôtre Jean, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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6. Apôtre.
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Un apôtre, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Le groupe des six apôtres de gauche.
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Les apôtres de gauche, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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7. Apôtre.
8. Apôtre.
Un apôtre, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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9. Apôtre.
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Un apôtre, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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10. Apôtre.
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Un apôtre, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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11. Saint André.
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Saint André, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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12. Apôtre.
Dernier apôtre, Henry Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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LES CULOTS.
Les ornemanistes ont puisé dans le répertoire Renaissance pour sculpter les culots de masques, de feuillages, de pampres et de godrons, mais, du coté gauche, nous trouvons aussi des scènes habituelles aux sablières ou aux crossettes, à visée moralisatrice malgré leur aspect cocasse.
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Chien joueur de cornemuse.
coté gauche, près du portail.
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Chien joueur de cornemuse. coté gauche du porche, église de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Culot n°7.
Masque à collerette et aux feuillages.
Culot n°7, atelier des Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Culot n° 9.
Remarquons d'abord l'inscription de la base de la statue :
A : AB : GRALL. La première lettre est douteuse. Le patronyme Abgrall apparaît aussi au dessus de la porte droite du porche, indiquant le nom d'un fabricien.
Sur le culot apparaît une tête tenue de chaque coté par deux lions. Ces deux animaux ont tous les caractères des lions de crossettes du Finistère, chargés d'emporter les âmes des vivants pour le compte de la Mort.
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Culot n°9, atelier des Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Culot n° 11 : Gavotte menée par deux femmes.
Trois hommes se tiennent étroitement par le bras de manière caractéristique des danseurs de dans-tro, les jambes emportées par le rythme des pas. A la différence de la sablière de Saint-Sébastien du Faouët, ce n'est pas le diable musicien qui mène la danse et entraîne les paroissiens dans la voie dévoyée des plaisirs, mais deux femmes dont l'une tient un miroir et l'autre un flambeau. La première est une allégorie de la Coquette. Cette scène relève donc de la même logique que le culot n°9 : mettre en garde contre l'oubli de la Mort, et rappeler la nécessité de sauver son existence par une vie chrétienne éloignée des bals et des cabarets !
Yves-Pascal Castel voit dans les hommes trois ivrognes, et dans ces deux femmes des allégories de la Tempérance, qui tient le miroir, et de la Prudence, qui tient la torche ; mais on comprend mal alors le rôle de ces Vertus.
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Culot n°11, atelier des Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Culot n° 12.
Autour d'une composition de feuillages à larges digitations rondes, deux masques surgissent comme par métamorphose d'une de ces feuilles : à droite, un visage rond, jeune et féminin au dessus d'un lotus, et à gauche un visage barbu et âgé. "Mignonne allons voir si la rose"...
A l'extrême droite, pour clore ce discours sur le vice, et ses périls, un personnage (féminin ?) accroupi pose une main sur le pubis et l'autre sur la poitrine.
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Culot n°12, atelier des Prigent 1554-1565, intérieur du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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LES DAIS.
Pour peu que nous ne passions sans les voir, ils vont provoquer notre enthousiasme esthétique et susciter par le fourmillement de détails notre curiosité. La variété d'inspiration, la qualité d'exécution, la maîtrise à la perfection du vocabulaire gothique et des masques Renaissance, font de ces dais des chefs d'œuvre. Ils résument toute la sculpture de l'atelier des Prigent, voire de toute la sculpture des enclos, par l'association d'une pieuse représentation des thèmes chrétiens (anges tenant les instruments de la Passion) et d'une reprise débridée de l'ironie baroque.
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Le "chapeau" des dais. Les instruments de la Passion.
Désolé pour la qualité des images.
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Sainte Véronique présentant la Sainte Face.
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Sainte Véronique présentant la Sainte Face. Dais des apôtres du porche de Landivisiau, coté gauche. Photographie lavieb-aile 2017.
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Les dais eux-mêmes.
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Ce dais associe une base gothique à pinacles, accolades et fleurs de lys, et une lanterne (identique au lanternon qui coiffe le porche lui-même) à cariatides (plutôt "termes féminins") aux seins provoquants, à vieillard barbu, à petits personnages qu'il faudrait détailler un par un, comme celui qui est saisi par l'épaule par un bras venu du haut...
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Dais des apôtres du porche de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Ce dais associe une scène de chasse dans la balustrade (lion et sonneur de trompe), des atlantes (jambe croisée ou non) alternant avec des masques.
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ARMOIRIES TIMBRANT LA VOÛTE.
"L'intérieur est voûté en croisée d'ogives avec une clé de voûte qui témoigne du remontage du porche en 1728. Elle est décorée du blason des Danycan, d'azur au monde d'or, surmonté d'une étoile d'argent et soutenu d'un vol de même. Le richissime armateur malouin Noël Danycan de l'Épine (1651-1731) avait acheté en 1702 la seigneurie de Coatmeur en Landivisiau." (E. Le Seac'h 2014 p.153)
Selon le Nobiliaire et Armorial de Bretagne :
"Danycan (orig. de Normandie), sr de l’Epine, — d’Annebaud, — de la Thébaudaye, — de Launay-Quinard, — de Daoudour, de Coëtmeur et de Landiviziau, par. de Plougourvest, — de Kermilin, par. de Trefflaouénan, — de Lanuzouarn, de Penanec’h et de Pontéou, par. de Plouénan.
D’azur au monde d’or, surmonté d’une étoile et soutenu d’un vol de même.
Noêi, s’établit à Saint-Malo en 1650 et épousa Jacquemine Corbin ; Noël, son fils, armateur à Saint-Malo, secrétaire du Roi en 1695, chevalier de Saint-Michel en 1700, marié à Marguerite Chantoiseau, fréta deux vaisseaux commandés par ses frères, qui sous la direction de du Guay-Trouin s’emparèrent de Rio-Janeiro en 1711 ; deux maîtres des comptes depuis 1723 ; un brigadier de dragons en 1756 ; un volontaire blessé au combat de Saint-Cast en 1758."
Ce blason présenté par deux personnages est couronné, comme c'est aussi le cas sur les armes qui ornent deux assiettes récemment achetées aux enchères (en 2013) par le Musée de Saint-Malo. La meilleure image sur ce lien des Musées de la Marine : http://mnm.webmuseo.com/ws/musee-national-marine/app/collection/record/9847
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On peut penser que cette couronne et les deux personnages sont empruntés aux armes de la Compagnie des Indes orientales (image Wikipédia ). Fondée par Colbert en 1664, avec Port-Louis comme port d'attache, celle-ci subit les effets de la guerre de Hollande, de la ligue d'Augsbourg et de certaines opérations commerciales désastreuses, qui entrainent sa ruine. Elle doit louer ses privilèges à des négociants connus « comme étant les plus considérables du Royaume : les Messieurs de Saint Malo », parmi lesquels Danycan, qui reprend le commerce avec le Pérou pour sa « Compagnie des mers du sud ».
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1891, "Porche, clocher, chapelle et fontaine de Landivisiau", Bulletin de la Société archéologique du Finistère pages 259-268.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207615d/f335.image
— CASTEL (Yves-Pascal), 1997, Le porche méconnu de Landivisiau, 3 parties, Le Progrès de Cornouaille-Courrier du Léon samedi 1er février, 8 février et 15 février 1997 page 23. “1290 Le porche de Landivisiau (3ème et dernière partie)... 150.02.97.,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 23 janvier 2017, https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/2806.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/101918beed0220579dab324c65112b94.jpg
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/2a2657bd8d664f2a53afe62d4c5b64af.jpg
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/9ad6a25f74c98674d09e6aef3ad92a6e.jpg
— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, "Un porche remarquable : Landivisiau", Les Cahiers de l' Iroise, 1979, n°2.
— CASTEL (Yves-Pascal), 1983, "De Saint-Pol à Landivisiau: à la recherche des sieurs de Tournemine", Progrès de Cornouaille / Courrier du Léon samedi 14 mai 1983.
“0135 de St-Pol-de-Léon à Landivisiau, à la recherche des sieurs de Tournemine. 14.05.83,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 23 janvier 2017, https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/1616.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/408be039e7a310691325124ca16674fa.jpg
— COUFFON (René), LE BARS ( Alfred) « Landivisiau », Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/494edd1782a578c953b613ec4d2b371e.pdf
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 1997, Les crossettes et les gargouilles dans quatre cantons du Finistère : Landerneau, Landivisiau, Ploudiry, Sizun. Éditeur: s.n., 2 vol. : 359 p. + 135 p. : ill. ; 30 cm .
http://portailcrbc.univ-brest.fr/cgi-bin/koha/opac-detail.pl?biblionumber=34066
LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle , 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm . Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395 Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014 Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut
—Site Topic-topos :
http://fr.topic-topos.com/porche-sud-landivisiau
— Site de la mairie :
http://www.landivisiau.fr/fr/information/61960/le-patrimoine-landivisien
— GUEGANTON (Olivier ), 2009, "Landivisiau" :
http://site.erin.free.fr/Bretagne/Finistere/Landivisiau.htm