Le porche de l'église de Landivisiau VII. Le portail intérieur et son tympan (kersanton, Atelier des Prigent, 1554).
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Voir aussi :
Le porche (1554-1559) de l'église de Landivisiau. I. L'extérieur.
Le porche (1554-1559) de l'église de Landivisiau. II. La grande arcade extérieure.
Le porche de l'église de Landivisiau IV. Le bénitier, l'ange au goupillon.
Le porche de l'église de Landivisiau III. Les apôtres et leur dais. Henry Prigent 1554-1565.
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Voir quelques porches de Basse-Bretagne dans l'ordre chronologique :
- La Collégiale Notre-Dame du Folgoët. III. Le Porche des Apôtres (vers 1423-1433) par le Grand Atelier ducal du Folgoët (1423-1509).
- L'église Saint-Salomon de La Martyre. I. L'Arc de Triomphe (vers 1520) et le Porche sud (vers 1450). Atelier du Maître du Folgoët.
- L'église Notre-Dame de Rumengol (29). III. Le porche sud (vers 1468). Atelier du Maître du Folgoët.
- L'enclos paroissial de Saint-Herbot en Plonévez-du-faou : l'extérieur du porche sud (1498-1509) par le second atelier du Folgoët.
- Le porche sud de Saint-Herbot : les Apôtres et le Credo apostolique. (1498-1509).
- Le Porche sud de Pencran (1553) par Bastien et Henry Prigent.
- L'église de Guipavas II. Le porche de 1563 : l'extérieur.
- L'église de Guipavas III : les Apôtres du porche nord (1563). par l'atelier Prigent
- L'abbaye de Daoulas : le Porche aux Apôtres (1560-1566)
- L'enclos paroissial de Brasparts. I. La Démone tentatrice du porche sud. (1592)
- Le porche de l'église de Saint-Houardon à Landerneau (1604).
- L'enclos paroissial de Dirinon X. Le porche sud (1618). Les apôtres et le Christ (après 1664).
- Le porche sud de l'église de Bodilis (1570 et 1601) par le Maître de Plougastel, (ou par l'atelier Prigent).
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L'atelier de sculpture sur pierre de Bastien et Henry Prigent, installé à Landerneau, fut actif de 1527 à 1577 dans cinquante paroisses des diocèses de Cornouaille et de Léon, et à Plougonven dans l'ouest du Trégor. Leur style, étudié par Emmanuelle Le Seac'h dans un ouvrage majeur, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne (2014), est marqué par le réalisme. Bastien a le ciseau le plus fin : "les yeux sont taillés en un petit losange horizontal. Les drapés sont fluides." Son style plus souple produit un effet plus expressionniste, voire réaliste, qui contraste avec le hiératisme, la raideur de Henry. Leur trait commun, trois larmes en relief sur les joues de leurs Vierges éplorées, de Jean ou de Marie-Madeleine, n'est pas observable à Landivisiau, mais ils partagent aussi les arcades sourcilières nettes et les visages pointus et, dans les sculptures du porche, "un nez droit et franc, des yeux rétrécis et un visage ovale" (op. cit. p.154). Se désignant sur les inscriptions comme "ymageurs", ils sont les auteurs de deux calvaires monumentaux à Plougonven (1554) et Pleyben (1555), de quatre porches à Pencran (1553), Landivisiau (1554-1565), Guipavas (1563), haut de Lampaul-Guimiliau (1533), et de nombreuses statues isolées, de diverses croix et calvaires de série.
Leur matériau de prédilection est le kersanton, ou kersantite, qui doit son nom à un hameau de la Rivière de Daoulas, en rade de Brest. Ce lamprophyre, une roche éruptive, peut être qualifié de "marbre breton", mais marbre sombre puisque sa teinte est grise, plus ou moins foncée selon le faciès. La réputation des enclos paroissiaux lui doit beaucoup. Louis Chauris est l'auteur de la publication de référence à son sujet.
Un auteur a consacré sur Wikipédia (en anglais!!) un riche article au travail de cet atelier, reprenant les descriptions de Le Seac'h en les accompagnant de photographies personnelles. List of the works of Bastien and Henry Prigent.
Ma description s'inspire de celle des auteurs cités en sources (Jean-Marie Abgrall et Emmanuelle Le Seac'h).
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Porche intérieur (kersanton, Atelier des Prigent, 1554) de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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I. LES MOULURES DE L'ARCADE.
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Le porche intérieur est encadré de trois moulures prismatiques, la plus interne suivant le dessin des deux arcs de la porte géminée et du trumeau.
Les gorges de deux moulures intérieures reçoivent des guirlandes de feuilles d'acanthe et de pampres de vigne, d'un travail très fouillé, semblable aux moulures de l'arcature extérieure du porche et abritant comme elle des petits animaux et personnages. Comme elles, elles débutent par un animal fantastique qui cherche à atteindre les tiges fructifères : un dragon ailé à queue nouée et un renard à gauche, un lion et un dragon (ou phoque à queue bifide, tourné vers nous) à droite. Cette tradition est constante dans les porches de Basse-Bretagne de la même époque.
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Porche intérieur (kersanton, Atelier des Prigent, 1554) de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Renard cherchant à atteindre le rinceau de la moulure intérieure, portail intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Dragon ailé cherchant à atteindre le rinceau de la moulure extérieure, portail intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Monstre bifide cherchant à atteindre le rinceau de la moulure intérieure, portail intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Lion cherchant à atteindre le rinceau de la moulure, portail intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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La vigne des moulures abrite des animaux et des personnages, dont la recherche et la découverte fournissent l'occasion d'un jeu passionnant : oiseaux picorant, escargots, hommes gourmands, lilliputiens escaladant les sarments.
Moulure du portail intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Moulure du portail intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Moulure du portail intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Moulure du portail intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Moulure du portail intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
porche intérieur (kersanton, Atelier des Prigent, 1554) de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Au sommet de l'arc d'ogive, un homme en buste réunit les extrémités des plants de vigne, là encore comme sur l'arcade extérieure.
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Portail intérieur (kersanton, Atelier des Prigent, 1554) de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Portail intérieur (kersanton, Atelier des Prigent, 1554) de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Les saints personnages de la gorge extérieure.
Saint Yves Saint Pierre.
Saint Salomon roi breton Saint Denis ou Miliau
Un évêque Un évêque
Saint Damien Saint Côme
Un Père-abbé : saint Guénolé ? Un évêque.
Ange mains jointes Ange mains jointes
La moulure la plus extérieure est sculptée d'une série de statuettes dans de petites niches aux dais couronnés de pinacles à crochets. Les saints représentés seront repris pour beaucoup à Landerneau pour le porche de Saint-Houardon (1604 ?), et à Bodilis pour le porche de 1570: saint Yves, saint Salomon, saints Côme et Damien, saint Pierre, les saints évêques ou abbés.
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1°) À GAUCHE .
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1. Saint Yves, tenant dans la main droite un rouleau de parchemin ou une liasse de papiers. Il est revêtu d'une robe longue et d'une sorte de cotte à manches larges qui descend jusqu'à la ceinture. Sur ses épaules est un camail garni d'hermines héraldiques, en relief, avec un capuchon qui vient recouvrir la barrette ou bonnet carré dont il est coiffé. Au poignet gauche est suspendu un livre dans sa couverte, ou un sac à procès). Le pouce gauche, brisé, ne permet pas de dire si le saint tenait un objet ou faisait un geste d'argumentation juridique.
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Saint Yves (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), portail intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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2. Saint Salomon, roi légendaire de Bretagne, portant l'armure de chevalier, l'épée et la couronne royale.
C'est le patron de l'église Saint-Salomon de La Martyre, à 13 km au NO de Landivisiau.
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Saint Salomon (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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3. Saint Thivisiau, ou Thuriau, patron de la paroisse vêtu de la chasuble et coiffé de la mitre. Il bénit de la main droite et tient de la gauche la croix archiépiscopale en tant qu'évêque de Dol.
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Saint Thuriau (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Saint Thuriau (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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4. Saint Damien, martyr à Alep sous Dioclétien, tenant une boîte à onguent.
Son frère Côme, est représenté à la même hauteur à droite. Patrons des médecins, des chirurgiens et des pharmaciens, ils étaient tenus au Moyen-Âge comme les inventeurs d'un remède contenant 65 éléments, l'opopira, une panacée guérissant les yeux et la bouche, les mains et les pieds. A Saint-Nic (29), sur le calvaire de la chapelle Saint-Côme-et Saint-Damien, la statue de Côme le représente tenant le mortier et le pilon. Traditionnellement, l'un tient une boite d'onguent et l'autre un urinal pour mirer les urines. La Légende Dorée de Jacques de Voragine fait d'eux des jumeaux, et le nom Côme viendrait de cosmos, "ordre, bon ordre, parure" d'où "univers" .
Damien porte une tunique courte, plissée et à boutons (très fréquente sous le ciseau des Prigent) et un manteau dont il tient le pan de la main gauche, mais c'est sa coiffure, le bonnet des docteurs, qui est caractéristique de sa fonction.
N.B. L'étude de l'iconographie ne permet pas de préciser l'identité des deux saints en fonction de leur attribut. Quelques arguments incitent à considérer que Damien, le pharmacien, tient le pot à onguent et que Côme, le médecin, procède à l'uroscopie en mirant les urines dans un urinal de verre ou matula. Ce récipient est, au Moyen-Âge, aussi représentatif de la fonction médicale que, de nos jours, le désuet stéthoscope autour du cou des acteurs de publicité ou de séries télévisées. Néanmoins, Emmanuelle Le Seac'h voit ici saint Côme.
Nous retrouvons Côme et Damien sur deux autres porches très proches de Landivisiau, celui de Bodilis (1570) et celui de Saint-Houardon à Landerneau, ce qui suggère, avec bien d'autres points communs que les trois porches sont dus au même atelier landernéen des Prigent, et témoigne de l'importance donné aux deux saints anargyres (qui exercent leur art sans se faire payer) : je consacrerai un article à ces rapprochements.
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Saint Damien (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Analyse stylistique :
–Un visage ovale, presque rond, aux joues pleines. Le nez est en pyramide d'abord fine avant de s'élargir en deux ailes généreuses et un columelle accentué. Le philtrum, est un peu long, le menton est petit et rond.
—Les yeux en amande, aux axes obliques en bas et en dehors en V inversé, aux paupières ourlées. Mais l'œil gauche de ce saint Damien est, de façon étrange, très étroit.
– Une chevelure divisée par une raie au milieu en mèches peignées qui bouclent à la hauteur des oreilles.
– Des doigts épais, dysgrâcieux car cylindriques, comme quatre rouleaux te taille et de volume identiques.
– Une courte tunique aux plis épais, dont la fente antérieure est fermée par deux boutons ronds placée à l'extrémité d'une patte, la boutonnière dessinant ainsi une ligne sinueuse s'achevant par une boucle. On devine la présence d'une ceinture.
– Un manteau à petit col, très ajusté sur les épaules où il est mystérieusement fixé sans fermail. Ses pans plissés sont repris à la taille.
Saint Damien (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Saint Damien (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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5. Un père-abbé (tonsure) tenant une crosse et un livre.
Saint Guénolé, abbé fondateur de Landevennec au Ve siècle ? La crosse est tournée crosseron vers l'intérieur, selon la règle que le pouvoir d'un abbé est limité à l'intérieur de son abbaye, alors que celui de son évêque s'étend à l'ensemble de son diocèse. Les autres insignes épiscopaux sont présents, comme la chape à fermail et l'anneau dûment porté à l'annulaire de la main gauche.
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Père abbé (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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6. Ange, les mains jointes.
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Ange (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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2°) À DROITE.
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1. Saint Pierre, le front chauve, vêtu d'une chasuble, tenant un livre et une clef.
Dans la moulure intérieure, petit personnage dans les pampres.
L'identification de saint Pierre est certaine, mais l'existence de chaussures — comme tout apôtre, Pierre se devrait d'être nu-pied — sont intrigantes.
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Saint Pierre (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Saint Pierre (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
Saint Pierre (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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2. Saint Denis, ou plus probablement saint Miliau, décapité et portant sa tête dans ses mains.
Parmi les quelques 120 saints céphalophores (portant leur tête après leur martyre par décapitation), le plus illustre est saint Denis.. Mais en Bretagne, et devant un saint d'allure très jeune et qui n'est pas coiffé de la mitre, et qui est vêtu comme un jeune seigneur, sans vêtement liturgique, nous pouvons évoquer saint Trémeur, fils de sainte Triphine (également céphalophore), ou bien encore saint Miliau ou Méliau, patron des paroisses de Guimiliau, Lampaul-Guimiliau, Ploumilliau.
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Saint céphalophore (Miliau ?), (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Saint céphalophore (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018
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Saint céphalophore (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018
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Cette tête offre l'occasion de détailler à nouveau certains traits stylistiques :
–Un visage ovale, presque rond, aux joues pleines.
—Les yeux en amande, aux axes obliques en bas et en dehors en V inversé, aux paupières ourlées.
– Une chevelure divisée par une raie au milieu en mèches peignées qui bouclent à la hauteur des oreilles.
Nous retrouvons aussi :
les doigts épais, boudinés,
la tunique dont la courte fente antérieure est fermée par un bouton rond placée à l'extrémité d'une patte,
et la cape, ou manteau, sans col, ni fermail .
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Saint céphalophore (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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3. Évêque bénissant ; peut-être saint Pol-Aurélien.
La paroisse de Landivisiau relevait du diocèse de Saint-Pol-de-Léon.
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Évêque (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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4. Saint Côme, portant un urinal.
Il semblerait que leur culte fût populaire en Finistère, car on les trouve représentés de la même manière dans le porche de Landerneau et de Bodilis, et ils ont aussi leurs statues sur l'autel du bas-côté Sud dans l'église de Lambour, à Pont-l'Abbé. Voir leur chapelle à Saint-Nic.
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Saint Côme (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Saint Côme (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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Saint Côme (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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5. Un évêque bénissant .
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Évêque (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Saint évêque, porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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6. Ange, les mains jointes.
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Ange orant (kersanton, Atelier des Prigent, 1554), porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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II. LE TYMPAN.
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Le tympan est organisé selon un axe de symétrie constitué par la statue du Christ, dans sa niche, sur son culot et sous son dais. De chaque coté, viennent ensuite quatre anges échelonnés verticalement et présentant trois courtes banderoles, puis sur un culot et sous une coquille, une statue d'ange porteur d'un calice. Enfin, deux anges tenant un cartouche avec une inscription. On compte au total neuf inscriptions.
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A. LE CENTRE.
Dans le milieu du tympan, est placée une statue, à laquelle on a rapporté une tête coiffée de la tiare et qui a dû appartenir à un Père-Eternel (probable inversion avec la tête d'une statue de pape du lanternon pour E. Le Seac'h). Le nez de cette tête est également rapporté.
On considère que la statue, aux pieds nus, au corps vêtu d'une robe longue et sans ceinture, au genou gauche fléchi, et aux deux mains brisées au sortir de manches plissées, était celle d'un Christ Sauveur. Au bas de la robe est placée une banderole avec cette inscription en caractères gothiques :
M. BIZIAN. TANGVY. RECT.
A . FAICT. FABRIQUE. H. A MARTIN.
"Messire Tanguy Bizien recteur a fait / fabrique H.A Martin." ( E. Le Seac'h a lu, à la place de "H.A. MARTIN, "H. LIOGAN". Mais celle lecture pose problème car le patronyme Liogan n'est pas attesté, notamment à Landivisiau, tandis que celui de Martin est courant parmi les marchands de toile du Léon).
Tanguy Bizian est le Premier Chapelain de la chapellenie de sept prêtres, fondée par François de Tournemine et Renée de Saint Amadour et chargée de célébrer deux messes quotidiennes, dont l'une à voix basse. A son décès, il fut remplacé en 1560 par Goulven Floch. Voir Pierre Hévin 1734 qui donne néanmoins la graphie "Tanguy Bizien".
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Tympan (kersanton, Atelier des Prigent, 1554) du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Tympan (kersanton, Atelier des Prigent, 1554) du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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LES DEUX ANGES PORTEURS DE CALICE.
Ces deux statues en ronde bosse encadrent celle de Dieu le Père central. Nous remarquons qu'au lieu de diriger leur regard et leur geste de présentation du calice vers cette statue, ils s'en détournent. Par ailleurs, le motif de l'ange hématophore (recueillant le sang du Christ dans un calice) est associé en général à la représentation du Christ en croix. Ces indices intrigants prennent plus de poids lorsque nous constatons que les caractères stylistiques incitent à les attribuer à l'Atelier ducal du Folgoët, actif entre 1423 et 1468 ou plutôt au second atelier, celui des fils, actif entre 1458 et 1509 et auteur des porches de Plourac'h et de Saint-Herbot en Plonevez-du-Faou. Ces caractères sont leurs cheveux crêpés et volumineux, en boule, des paupières ourlées, un fin sourire, des ailes verticales proches du corps, et le col de l'amict replié pour former un W sous la gorge.
Si j'ajoute que la largeur de leur base n'est pas adaptée au culot qui les porte, et qui est plus étroit, je suis tenté de voir là deux statues déplacées de leur emplacement initial, sur un site plus ancien, et placées ici dans des positions inversées.
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Ange hématophore du tympan du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Ange hématophore du tympan du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Ange hématophore du tympan du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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B. PARTIE GAUCHE.
Tout à fait au haut, deux anges sont en prière ; des deux côtés, trois anges tiennent trois banderoles avec des inscriptions :
MEMENTO . MEI
0 . MATER . DEI
PAX : VOBIS.
"Cette invocation : « Memento mei, o mater Dei, "Souvenez-vous de moi, ô mère de Dieu", » était, semble-t-il, en usage à cette époque, car nous la trouvons aussi sur la porte latérale Nord de la chapelle de la Mère-de-Dieu, en Kerfeunteun, près de Quimper, avec la date de 1578, ainsi que sur une sonnette, n° 148 de la collection Revoil au musée du Louvre, et qui porte la date de 1544." (J-M. Abgrall)
La formule était gravée sur l'épée de Ferdinand V le Catholique. R. de Belleval la trouve gravée sur des armures de la fin du XVe siècle.
La formule inversée (O mater Dei, memento mei) conclut le motet Ave Maria...Serena Virgo composé par Josquin des Prez vers 1485 et qui fut extrêmement populaire au XVIe siècle. Elle s'adresse à la Vierge et lui demande sa protection : Ô Mère de Dieu souvenez-vous de moi. Nicolas Gombert (1495-1556), le compositeur franco-flamand maître des enfants de chœur de Charles Quint, en composa un motet. Plus tardivement, elle est récitée lors de l'Extrême-onction des Frères Mineurs. C'est aussi la marque d'imprimeur de Guillaume Le Rouge à Paris.
Elle est sculptée, dans la formulation inversée O Mater Dei Memento mei, sur la sablière du bras sud du transept de l'église de Grâces-Guingamp .
Les trois banderoles étant indépendantes, le PAX VOBIS n'appartient pas obligatoirement à la même oraison.
Écriture en minuscules gothiques.
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Diorama, Inscriptions de gauche, Tympan du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Toujours à gauche, une autre inscription porte sur un cuir tenu par deux anges :
ANNO : DOMINI : 1554.
"Année du Seigneur 1554".
ANNO : DOMINI : 1554, Tympan du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
ANNO : DOMINI : 1554, Tympan du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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Un élément de décor inclut une tête joufflue, dans un médaillon formé par le corps de deux dragons rassemblés par le cou et la queue, sous deux masques humains casqués crachant des végétaux.
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Tympan du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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C. LA PARTIE DE DROITE.
Les trois anges porteurs de phylactère annoncent (selon Le Seac'h) de haut en bas :
DOMVS : MEA --- (le texte se poursuit sur le revers de la banderole)
SALVATOR : MVNDI
LETVS : MARIA
"Ma maison, Sauveur du monde, Joie de Marie".
La séquence Domus mea Salvator mundi letus Maria n'a aucun sens. Les banderoles feraient-elles allusion à trois prières différentes ?
Domus mea, et Salvator mundi sont des titres possibles de cantiques grégoriens.
Domus mea, "Ma Maison" est sculpté sur un entrait du transept sud de l'église de Bodilis en 1574 avec la formule Domus mea, domus orationis, "Ma maison est appelée est une maison de prière" (Matthieu 21:13).
Surtout, Salvator Mundi est le nom donné aux représentations du Christ portant un orbe dans sa main gauche tout en utilisant sa main droite pour bénir. C'est sans doute ainsi que se présentait la statue centrale avant que les mains ne soient brisées. Les trois banderoles correspondraient donc à trois qualificatif du Christ.
Après plusieurs examens du derniers phylactère, et plusieurs échecs d'une attestation ancienne de la formule LETUS MARIA (ou LAETUS MARIA), je propose de lire plutôt IESUS MARIA, ce qui est finalement plus logique.
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: SALVATOR : ? Tympan du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
Troisième phylactère : US : MARIA. Tympan du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
Troisième phylactère IESUS : . Tympan du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile mai 2018.
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A droite, tout près du bord, au-dessus de la porte , deux petits anges tiennent un cartouche avec l'inscription en lettres gothiques
LAN . MIL . Vccc LIIII . FVST . FONDÉ . CESTE . PORTAL . ET . ESTOIENT . LORS . FABRIQVE . Y. MARTIN . J . ABGRALL.
"L'an 1554 fut fondé ce porche. Les fabriques étaient alors Y[ves] Martin et J. Abgrall".
Avec la précédente, cette inscription fournit la date la plus précoce de tout le porche.
Nous retrouvons le patronyme "Martin" qui était déjà celui d'un fabrique sur l' inscription du socle de la statue. De même le patronyme Abgrall figure sur le socle d'une statue d'apôtre du porche.
"Sous l’Ancien Régime, chaque paroisse est administrée par un organisme composé de douze membres et appelé corps politique, fabrique ou général. Cet organisme exerce une fonction primordiale qui consiste à pourvoir aux besoins du culte, à entretenir l’église, à faire procéder à des travaux d’agrandissement ou de reconstruction de l’enclos paroissial, (église, ossuaire, calvaire...) Il nomme, par ailleurs, les collecteurs d’impôts, subvient aux besoins des enfants abandonnés et, quelquefois, des paroissiens plus pauvres, salarie, le cas échéant, le ou les maîtres d’école. Il désigne, chaque année, deux « fabriques » ou trésoriers qui sont chargés de gérer le budget de la paroisse." Louis Elegoët, Les Juloded. Grandeur et décadence d'une caste paysanne en Basse-Bretagne, Presses universitaires de Rennes. Rennes, 1996. Chapitre VI. Place des Juloded dans leur société paroissiale. p. 165-211. http://books.openedition.org/pur/11559
"Un julod (au pluriel juloded ) est un terme de la langue bretonne qui désigne des paysans riches, généralement aussi fabricants et (ou) marchands de toiles, parfois tanneurs du Haut-Léon, centrés sur le Pays Chelgen, entre le XVIe siècle et le XIXe siècle, et qui ont constitué une véritable caste aristocratique rurale, à l'origine de la création des enclos paroissiaux et dont les descendants sont parfois devenus des responsables politiques. Les marchands toiliers constituent alors l’élite sociale de la région . Implantés uniquement dans le Léon méridional ou Haut-Léon, proche des Monts d'Arrée, cette aristocratie paysanne, pratiquaient une véritable caste à très forte endogamie et jouèrent un rôle important lors de la « Renaissance bretonne », construisant églises avec un riche mobilier, calvaires et enclos paroissiaux . Ce sont ces juloded enrichis qui ont financé la construction et la réalisation des enclos paroissiaux du Léon, manifestation la plus visible de leur prospérité."(d'après Wikipédia "Julod").
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Les sculptures méplates qui forment comme une tapisserie sur le fond de ce tympan, donnent leur place à tout le vocabulaire de la Renaissance : médaillons d'hommes coiffés de bonnets, de profil, feuilles d'acanthe, mascarons, coquilles Saint-Jacques, rubans accolés, galons plats décorés de rosettes. Nous les retrouvons, avec les mêmes caractères, au fond du porche de Landerneau.
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LA VOÛTE ET SES ARMOIRIES.
"L'intérieur est voûté en croisée d'ogives avec une clé de voûte qui témoigne du remontage du porche en 1728. Elle est décorée du blason des Danycan, d'azur au monde d'or, surmontée d'une étoile d'argent et soutenu du vol de même.Le richissime armateur malouin Noël Danycan de l'Épine (1651-1731) avait acheté en 1702 la seigneurie de Coatmeur en Landivisiau." (E. Le Seac'h 2014 p.153)
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Clé de voûte du porche intérieur de l'église Saint-Thuriau de Landivisiau. Photographie lavieb-aile 2017.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1891, "Porche, clocher, chapelle et fontaine de Landivisiau", Bulletin de la Société archéologique du Finistère pages 259-268.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207615d/f335.image
— CASTEL (Yves-Pascal), 1997, Le porche méconnu de Landivisiau, 3 parties, Le Progrès de Cornouaille-Courrier du Léon samedi 1er février, 8 février et 15 février 1997 page 23. “1290 Le porche de Landivisiau (3ème et dernière partie)... 150.02.97.,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 23 janvier 2017, https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/items/show/2806.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/101918beed0220579dab324c65112b94.jpg
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— CASTEL (Yves-Pascal), 1979, "Un porche remarquable : Landivisiau", Les Cahiers de l' Iroise, 1979, n°2.
— CHAURIS (Louis), 2010, Le kersanton, une pierre bretonne, Presses Universitaires de Rennes.
— COUFFON (René), LE BARS ( Alfred) « Landivisiau », Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/494edd1782a578c953b613ec4d2b371e.pdf
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle , 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm . Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395 Rennes : Presses universitaires de Rennes, Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page, François Roudaut
— WIKIPEDIA 2017 : List of the works of Bastien and Henry Prigent
https://en.wikipedia.org/wiki/List_of_the_works_of_Bastien_and_Henry_Prigent
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