L'enclos paroissial de Dirinon VIII: la statue de saint Antoine par Bastien Prigent (XVIe siècle). "J'ai la même à Dinéol !"
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Voir la série sur Dirinon :
— L'enclos paroissial :
L'enclos paroissial de Dirinon I : les crossettes, les inscriptions et sculptures extérieures.
L'enclos paroissial de Dirinon III. la Poutre de Gloire (1623).
L'enclos paroissial de Dirinon V. Les sablières (1623), les blochets et poinçons.
L'enclos paroissial de Dirinon VI : le gisant de sainte Nonne (vers 1450-1468) et son reliquaire.
L'enclos paroissial de Dirinon VII : les vitraux, les statues et les peintures de sainte Nonne.
—Le culte de sainte Nonne :
Le culte de sainte Nonne à Dirinon I : la fontaine Sainte-Nonne et les trois pierres de Sainte Nonne.
Le culte de sainte Nonne à Dirinon II : la chapelle Saint-Divy.
Le culte de sainte Nonne à Dirinon III : la fontaine Saint-Divy ou Feunteun sant Divi (XVIe siècle)
—Les croix et calvaires de Dirinon :
Les calvaires de Dirinon . I. Le calvaire du bourg (XVe siècle).
Les calvaires de Dirinon . III. La croix de Kermélénec (1568).
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Bastien Prigent est l'auteur, dans son atelier de Landerneau où il fut actif avec son frère Henry de 1527 à 1577, de cette statue de kersanton adossé au pilier nord reliant la nef à l'ancien transept.
Il exécuta aussi pour Dirinon la statue de saint Fiacre placée dans la niche au dessus de la porte ouest de la chapelle Sainte-Nonne.
Cette chapelle portant la date de 1577, on peut admettre que le Saint Fiacre fut réalisé la même année. Par contre, la date la plus précoce de l'église actuelle est celle de 1588, postérieure à la fourchette de période d'activité de l'atelier. Ré-emploi venant d'un autre édifice, ou de l'église qui précédait celle-ci ?
Le premier ermite de la Thébaïde n'est pas accompagné de son cochon, mais li s'identifie avec certitude par la canne en T qu'il tient dans la main droite et qui évoqua le Tau, signe propre à l'Ordre des Antonins.
Un autre attribut fiable est le chapelet, à gros grains, pendus à la ceinture, comme on le voit sur les sculptures du saint aux piédroits du porche de La Martyre.
Je ne chipote pas sur la barrette tendue entre l'annulaire et l'auriculaire droit, je ne demande pas qu'on lui prête attention et encore moins que l'on partage ma conviction de voir là, non l'extrémité du chapelet, mais l'attache de la clochette (cf. illustration infra).
Même en l'absence de la clochette et des flammes, le livre, le scapulaire, le manteau de bure, la robe et la calotte à oreilles ainsi que la barbe non taillée et les cheveux sales complètent le tableau stéréotypé du saint, semblable à cette illustration d'un livre datant de 1460-1470 (Wikipédia)
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Saint Antoine, kersanton, œuvre de Bastien Prigent de Landerneau. Église de Dirinon. Photographie lavieb-aile février 2017.
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"J'ai la même à Dinéault".
Bastien Prigent a également sculpté un saint Antoine pour la paroisse de Dinéault en Presqu'île de Crozon. Belle occasion de jouer au jeu des Sept Différences.
1. Le T du bâton est brisé.
2. Le chapelet forme une boucle et non un cordon.
3. le livre n'a pas de fermoir
4. La barbe du saint est plus courte
5. Les pupilles des yeux ne sont pas creusées
6. La robe n'est pas plissée dans sa partie haute.
7. ET la statue conserve ici des traces de polychromie rouge.
L'artiste, facétieux, a dissimulé une huitième différence, et elle est de taille. C'est elle qui confère un avantage certain à l'Antoine dirinonais sur son collègue dinéaultais. Voici : à Dirinon, le pied droit du premier est en retrait, laissant la chaussure gauche apparaître seule et comme timide par une souricière de la robe. Cette jambe antériorisée place l'hémi-bassin gauche en avant, certes très légèrement, mais ce mouvement est amplifiée par l'onde ascendante des plis, par la position de la main gauche et du livre, et surtout par l'axe céphalique en rotation et en discrète mais sûre latéroflexion gauche. Dès lors, toute le corps est emporté par un élan qui, telle la Kundalini, fait jaillir la puissante énergie du robuste anachorète comme un trait de feu qui s'échappe –qui se darde et qui arde– par les pupilles et dévore la sainte Écriture. Lit-il, le bon moine ? Non, il dévore, il absorbe, il pratique la Manducation de la Parole, il vibre aux rythmes du targoûm oral araméen et du proverbisme des paysans galiléens, il mémorise par se gestes les formules d'un rythmocathéchisme annoncé.
Lorsqu'on revient voir le dinéaultais, on le surprend endormi ; un peu plus, le Livre va lui tomber des mains.
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Saint Antoine, kersanton, œuvre de Bastien Prigent de Landerneau. Église de Dinéault. Photographie lavieb-aile février 2017.
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"J'ai la même à Saint-Urbain".
C'est vrai, on trouve une troisième réplique de saint Antoine à Saint-Urbain, la commune voisine de Dirinon, sur le pilier d'entrée du placître de la chapelle de Trévarn. Donc, ici, à l'extérieur, bien atteinte par la lèpre de lichens crustacés et de lichens fruticuleux. De plus la statue est l'œuvre d'Henry Prigent, le moins habile des deux frères.
J'examine ce nouvel arrivant pour une deuxième partie du jeu des Sept :
1.La moustache hypertrophiée trace un V inversé à partir des narines.
2. Le T du Tau est (aussi) brisé.
3. La tête est dans l'axe du corps, elle ne bénéficie même pas de la minime inclinaison de tête de la statue de Dinéault.
4. Le bâton, le chapelet (en boucle), les plis et les pans pendent, parallèles entre eux.
Datation : nous n'avons pas d'éléments de datation car la chapelle actuelle date de 1666 (fonts) et 1682 à 1701 (inscriptions). Le calvaire de l'enclos date du XVIe siècle.
Saint Antoine par Henry Prigent, chapelle de Trévarn, Saint-Urbain. Photographie lavieb-aile février 2017.
Saint Antoine par Henry Prigent, chapelle de Trévarn, Saint-Urbain. Photographie lavieb-aile février 2017.
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Saint Antoine par Henry Prigent, chapelle de Trévarn, Saint-Urbain. Photographie lavieb-aile février 2017.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Chanoine Jean-Marie), 1907, Notice sur les paroisses : Dirinon, in Bulletin Diocesain d'Histoire et d'Archéologie, Quimper.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/bdd181929b72800d010461e5f4ff222d.pdf
—APEVE (Association pour la Promotion des enclos paroissiaux de la vallée de l'Élorn), 2013, "Dirinon", texte, photos, mise en page : François LE MEN, Jean PRZYGODA, Pierre CHAMARD-BLOIS.
http://www.apeve.net/spip/spip.php?article83
— Infobretagne "Enclos paroissial de Dirinon" : http://www.infobretagne.com/enclos-dirinon.htm
— COUFFON (René) & LE BRAS (Alfred), 1988, "Dirinon" Diocèse de Quimper et de Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988, 551 p.
http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/DIRINON.pdf
—FALC'HUN (Chanoine François), 1986, Dirinon, Editions Ouest-France, 32 pages, pages 30 et 31.
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIIe siècle. Coll. "Art et Société" Presses Universitaires de Rennes.
— CASTEL (Y-P.) ? Notice sur saint Antoine pour le Diocèse de Quimper :
http://diocese-quimper.fr/fr/se-ressourcer/les-saints/story/913/saint-antoine-l-ermite
— BITTEL (Philippe) et Mairie de Dinéault : Eglise Sainte-Marie-Madeleine de Dinéault
http://www.dineault.fr/images/eglisemadeleine/eglise.pdf
(dans ce document remarquable, la statue de saint Antoine est qualifiée de "Saint Hervé".)