Les vitraux de la baie 15 (vers 1360-1370 et 1387-1400) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
Voir aussi :
Liste de mes 155 articles sur les vitraux :
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— Sur la cathédrale d'Évreux :
- Les vitraux de la baie 17 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux.
- Les vitraux de la baie 19 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
- L'arbre de Jessé (baie 0) de la cathédrale d'Évreux (1467-1469).
— Sur les fonds damassés :
- Les vitraux de la Sainte-Chapelle de Bourges (vers 1395-1400) reposés dans la crypte de la cathédrale. Sibylle, Apôtres et Prophètes par André Beauneveu (v.1335-1400) sous le mécénat de Jean de Berry.
- La baie 17 (1370) de la cathédrale de Sées.
- La chapelle Saint-Jacques de Merléac : la maîtresse-vitre (1402) II. La Passion.
- Les fonds damassés des vitraux (vers 1417) du chœur de la cathédrale de Quimper.
— Sur les anges musiciens :
- Chapelle Notre-Dame de Carmès à Neulliac : les lambris du XVe siècle .
- Les retables de la chapelle Notre-Dame-du-Crann de Spézet (Finistère). Seconde moitié du XVIe siècle. Étude des anges musiciens.
- Les anges musiciens du lambris peint des bas-cotés de la chapelle Saint-Jacques de Merléac.
- Les 47 anges de l'instrumentarium de la cathédrale du Mans. Voûtes de la Chapelle de la Vierge par Jean de Bruges vers 1377.
Les anges musiciens des voûtes de l'église Notre-Dame de Kernascléden (ca 1440).
Le retable de Kerdevot en Ergué-Gabéric (29) Dernier quart XVe
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Vue générale de la chapelle du Rosaire et les trois baies 19, 17 et 15.
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Baies 19, 17 et 15 (vers 1360-1370 et 1387-1400) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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Plan de situation (d'après le Corpus Vitrearum) :
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Cette baie, l'une des trois de la chapelle du Rosaire (la première de l'abside du déambulatoire nord), comporte trois lancettes trilobées et un tympan à trois soufflets et quatre écoinçons. Elle mesure 5,20 m de haut et 2,70 m de large.
Elle est datée de 1360-1370 et de 1387-1400 et comporte dans les trois soufflets du tympan des armes, le mot EN BIEN, et le chiffre (la lettre K) ou les emblèmes aux cerfs ailés et aux fleurs de genêt du roi Charles VI qui régna de 1380 à 1422. Ces panneaux proviendraient (Corpus) sans-doute de l'ancienne chapelle d'axe (après 1387) transférés là vers 1465.
Elle a été restaurée par É. Didron en 1893.
Elle utilise comme la baie 17 et 19 avec lesquelles elle forme un ensemble, une formule très répandue à la fin du Moyen-Âge, avec la mise en situation de monumentales figures en pied isolés par des dais architecturaux aux trois dimensions rendues en perspective (Corpus) tout en s'inscrivant devant cette nouvelle organisation de l'espace situant la "litre colorée" (bande horizontale) à mi-hauteur de la baie au dessus et en dessous d'une verrerie ornementale claire relevée au jaune d'argent. C'est à partir de 1330 que le jaune d'argent, qualifié ici de "jaune d'Évreux", a été pleinement exploité dans les vitraux de la cathédrale.
Ici, ce sont trois édicules hexagonaux qui sont insérés en litre dans une vitrerie losangée décorée en grisaille et jaune d'argent. Le registre supérieur à neuf panneaux de celle-ci est ornée de neuf médaillons d'anges musiciens, alors que le registre inférieur en accueille six autres. Ces quinze médaillons méritent une étude attentive de l'instrumentarium qui y est illustré.
Ma curiosité ne s'arrête pas à ces musiciens. Les losanges de ces deux espaces sont peints de rinceaux végétaux (feuillages et fleurs) et d'oiseaux, comme à Saint-Jacques de Merléac (Côtes-d'Armor) sur la maîtresse-vitre de 1402. La bordure est faite de petites boites cubiques au jaune d'argent liées verticalement par une corde, et de pièces colorées rectangulaires bleues, vertes ou rouges. Quel est l'objet représenté par ces boites dotés d'ouvertures sur chaque face ?
Enfin, ce sont les fonds damassés aux oiseaux affrontés qui motivent aussi l'intérêt que je porte à cette baie. Et c'est par eux que je débuterai, en présentant les trois personnages du Calvaire de la litre colorée : la Vierge, le Crucifié et saint Jean.
NOTA BENE : j'exploite dans ma description celle du Corpus Vitrearum 2001 page 149.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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I. LA LITRE COLORÉE ET SON CALVAIRE.
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Les trois protagonistes du Calvaire sont placés dans des niches individuelles à tourelles élevées surmontées de séraphins. Fond des dais colorés, s'achevant en forme de trilobe ; fonds des niches tendus de damas colorés.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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Lancette A : la Vierge.
Elle se tient mains jointes et tête baissée, tournée vers la Croix de la lancette centrale.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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Le fond rouge, très sombre comme tout verre rouge de l'époque, ne peut être examiné qu'au prix d'une surexposition de l'image. On voit alors, dans de mauvaises conditions, le motif damassé, et il faut être très attentif pour y reconnaître les couples d'oiseaux parmi les rinceaux ; trois d'entre eux sont visibles à gauche. Les oiseaux à forme sinueuse se moulent sur une grosse fleur (à six pétales autour d'un cœur), la tête tournée vers l'arrière et la queue longue enroulée vers l'avant. Ce fond évoque des étoffes de soie, de style oriental "d'oultremer" alors fabriquées en Italie à Lucques, et ces oiseaux pourraient être assimilés à des perruches, alors nommées "papegaux".
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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Lancette B : le Crucifié.
La croix portant le titulus est dressée sur un support surélevé où est peint un crâne témoignant du nom du lieu Golgotha, "lieu du crâne", en latin calvariae locus, notre "Calvaire".
Elle est encadrée de part et d'autre par les piédroits moulurés et à pinacles de la niche architecturée.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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Le fond bleu, plus clair que le rouge, permet d'observer le motif du damassé.
En haut à gauche, il est fait de tiges doubles, épineuses, portant deux types de fleurs : soit petites, à cinq pétales autour d'un cœur, et groupées par trois, soit grandes, s'ouvrant en corolles aux bords retroussés en volutes. Juste en dessous de l'aisselle du Christ, la tête d'un oiseau se distingue, pinçant dans son bec une tige. Deux de ses plumes en lames de couteau verticales se voient aussi le long du thorax.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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La partie inférieure permet de retrouver ces rinceaux, mais aussi de repérer, à gauche du genou droit du Christ, la tête, puis le corps d'un oiseau, avec son cou en S, une collerette de petites plumes et cinq pennes verticales. Pour simplifier, je l'ai identifié d'abord comme un aigle, mais rien n'est moins sûr.
On découvre alors les ailes d'autres oiseaux soit à droite, soit plus bas.
Nous pouvons alors constater que ce motif à "aigles mordant le rinceau" n'est pas le même que celui, à perruches, de la lancette A .
On le comparera au vitrail du XVe de l'abbatiale normande de Bonport (Pont-de-l'Arche, Eure), où les ailes sont dirigées vers le haut :
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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La lancette C : saint Jean l'évangéliste.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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Ici, malgré le résultat exécrable de mon zoom et de la surexposition, j'acquiers la certitude que le fonds damassé est le même que pour la lancette centrale, avec ses aigles mordillant les tiges florales. C'est tout ce que je voulais savoir.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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Les dais architecturaux.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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LES 15 ANGES MUSICIENS OU PORTEURS DE PHYLACTÈRES (entre 1360 et 1380).
Comme la baie 17 et la baie 19 de la chapelle du Rosaire, la vitrerie de la baie 15 est ornée de médaillons de 9 anges musiciens ou d'anges porteurs de phylactères. Sept instruments différents sont représentés. Au total, les 3 baies compteraient donc 45 anges dont une trentaine de musiciens, mais avec une répétition des cartons (par exemple, le carton de l'ange à la cornemuse est utilisé à trois reprises).
— En haut :
1. Galoubet (flûte à trois trous et tambourin à grelot).
2. Cymbales à mains
3. Monocorde ou trompette marine
4. Phylactère
5. Phylactère
6. Harpe
7. Phylactère
8. Trompette
9. Étendard
— En bas :
10. Triangle à anneaux
11. Cornemuse
12. Mandore
13. Phylactère
14. Galoubet (flûte à trois trous et tambourin à grelot)
15. Phylactère
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Les neuf anges musiciens du registre supérieur.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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1. L'ange joueur de galoubet.
La flûte à une main et tambour consiste en l'union de deux instruments très différents pour n'en former qu'un seul. La flûte de tambourin, à trois trous, se tient d'une main tandis que l'autre main frappe sur le tambour suspendu autour du cou. Elle porte aussi le nom de flûtet ou au XIXe siècle, de galoubet.
La flûte se joue le plus souvent – mais non ici – de la main gauche, l'instrument venant se poser sur l'avant-bras droit.
La membrane du tambour est traversée en diagonale par une corde sur laquelle est fixé un grelot.
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1bis. Les deux passereaux.
Les losanges sertis dans les plombs sont décorés de souples tiges traçant deux demi-cercles et produisant des feuilles "de chêne" (peu conformes au modèle naturel) et des glands. Ces tiges procurent un appui aux pattes de deux passereaux, peut-être des grives, tournés en vis à vis vers le médaillon central. Celui de gauche est posé, ailes fermées, alors que celui de droite dont on pourrait admettre qu'il s'agisse d'un rapace, ouvre les ailes et baisse la tête comme pour prendre quelqu' insecte dans son bec. Ce modèle se poursuit dans les panneaux suivants.
Ce décor est peint ou tracé à la grisaille et au jaune d'argent, avec deux concentrations jauune et orange.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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2. Ange jouant de deux cymbales à mains.
Ces cymbales sont du type de celles qui, dans l'Antiquité (crotales), jusqu'au Moyen Age, étaient constituées de deux coquilles de bronze épaisses que l'on entrechoquait en les tenant en leur centre par une poignée de cuir. Ici, les deux cymbales (en bois ?) sont tenues par une poignée, et tenues verticalement l'une au dessus de l'autre.
L'ange porte un bracelet.
Décor aux rinceaux à glands et aux deux oiseaux.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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3. Ange jouant du monocorde [ trompette marine].
(voir aussi la baie 17 qui contient deux anges portant cet instrument). Les cordes de l'instrument sont frottées, au dessus d'une ouïe, avec un archer solide semblable à un petit gourdin. Comparer avec l'ange de la Tapisserie de l'Apocalypse qui joue d'un dicorde :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b84293117
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Comparer à l' ange de l'ancien palais épiscopal de Beauvais (peintures datées vers 1313) :
http://www.lavieb-aile.com/2015/10/les-quatre-sirenes-musiciennes-de-beauvais.html
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Voir aussi :
— L'ange des lambris du XVe siècle de la chapelle Notre-Dame de Carmès à Neulliac :
—L' ange des voûtes de la chapelle mariale de la cathédrale du Mans. instrument à deux cordes).
http://www.lavieb-aile.com/article-un-concert-de-noel-pour-nicole-et-michel-125275886.html
— Laurent Grillet , 1901, Les ancêtres du violon et du violoncelle, les luthiers et les fabricants d’archets, Paris, C. Schmid, (1, pp. 167-177).
https://fr.wikisource.org/wiki/Les_anc%C3%AAtres_du_violon_et_du_violoncelle/La_Trompette_marine
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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4. L'ange tenant un phylactère.
Le décor est presque le même, mais un canard incongru a pris la place de l'oiseau de droite.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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5. L'ange tenant un phylactère.
Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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6. Ange jouant de la harpe.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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7. Ange tenant un phylactère.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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8. Ange embouchant une trompette (verre brisé).
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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9. Ange tenant un étendard de l'Agneau de Dieu.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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Les six anges musiciens du registre inférieur.
De haut en bas et de gauche à droite.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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10. Le triangle à anneaux.
Voir : Christophe Huet, décor du plafond de la Grande Singerie du château de Chantilly (triangle à anneaux, trompette marine, tambour chinois en terre cuite, hochet, galoubet, etc) :http://www.lavieb-aile.com/2015/12/ma-visite-de-la-grande-singerie-de-chantilly-deuxieme-partie.html
Le décor garde ses feuillages, ses glands et son couple d'oiseau, mais le passereau de droite possède un bec jaune et pointu, comme ceux des merles.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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11. L'ange joueur de cornemuse.
Le verre est brisé, mais laisse voir le bourdon d'épaule évasé en pavillon, le petit porte-vent et le bourdon.
Jean-Luc Matte, dans son Iconographie de la cornemuse, signale que la clôture en bois de la chapelle du Rosaire, très réputée et datant de la 1ère moitié du XVIe siècle, possède aussi un ange cornemuseux.
Dans cette encyclopédie, la photo sur l'ange du vitrail concerne un cornemuseux trop récent, créé par Didron en 1893, avec le commentaire suivant : "Sans bourdon, tuyau mélodique plutôt cylindrique s'évasant en pavillon. sac piriforme à col de cygne bien dessiné et couture visible sous le sac"
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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12. Le rebec ou le mandore.
Il est difficile de décrire précisément l'instrument, mais sa forme est priforme, et l'ange le joue avec un plectre tenu entre pouce et index de la main gauche. Il y a peut-être trois ou quatre cordes, une rosace est plus ou moins visible sous la main. Le cheviller n'est pas visible.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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13. L'ange de dos tenant un phylactère.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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14. L'ange jouant du galoubet (flûte accompagnée d'un tambour).
C'est le même dessin que celui du registre supérieur, mais il est mieux visible, sans-doute car il a été copié par Didron sur le précédent.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
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15. Ange tenant un phylactère.
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Baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Évreux. Photographie lavieb-aile mai 2014.
CONCLUSION.
1°) Ma première récolte sur cette baie de 1360-1370 consiste en deux fonds damassés à oiseaux, que je qualifie, certes un peu rapidement, comme des perroquets et des aigles. J'ai déjà décrit dans ce blog les fonds damassés à oiseaux de la cathédrale de Sées en 1370, de la Sainte-Chapelle de Bourges en 1390-1400, de la chapelle Saint-Jacques de Merléac en 1402 et de la cathédrale de Quimper vers 1417. On les trouve aussi (sous forme de médaillons à griffons peut-être, difficiles à distinguer des perroquets) sur d'autres vitraux de la cathédrale d'Évreux de 1390-1400, les verrières "royales" 209 et 210, et à l'église Saint-Taurin (vers 1450) d'Évreux. Ils existent aussi à l'église de Saint-Lô, dans les verrières des chapelle d'Aligret et de Pierre Trousseau de la cathédrale de Bourges, à Saint-Germain-Village (Eure), dans un inventaire qui est un work in progress dont l'exploration me permet de progresser à chaque article.
Néanmoins, ma relecture de mon article sur les fonds du chœur de la cathédrale de Quimper me rappellent que j'avais déjà laborieusement approfondi mon sujet.
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Cette fois, je prends d'avantage conscience que ces soieries à perroquets (ou plus largement de style oriental) étaient fréquentes chez les Valois dans les possessions des rois et des ducs de France à l’époque du sage roi Charles V et de ses frères « apanagés » : Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, Jean, duc de Berry et Louis, duc d’Anjou.
a) les étoffes orientales.
Leur usage était souvent religieux, soit au sein des "chapelles" (ensemble des étoffes liturgiques utiles pour desservir un lieu de culte), soit pour recouvrir des livres d'Heures ou des missels, sous la forme de "couvrures" mais surtout de "chemises". On les retrouve décrits dans les Inventaires sous des noms qu'il faut décrypter, comme "drap d'oultre mer", "sarrasinois" ou de Sarrazin, "baudequin" ou baudekinis (une soierie façonnée originaire de Bagdad : c' est un drap figuré de dessins formés dans le tissage de l'étoffe par un mélange de satin, de sergé, de taffetas et d'or ou d'argent). Selon le blog de Claudine Brunon :
En 1370, "Pour une pièce de baudequin d'oultremer de plusieurs soies en champ vermeil et euvres vers à 2 papegaux en un compas...pour faire couvertures et chemises pour nostre beau livre appelle Gouvernement des princes, Boece, de consolacion et plusieurs autres, 20 fr. "(Delisle, Mandements de Charles V, n°715).
"Une aulne de baudequin de pluseurs soies des larges, d'une aulne de lé. pour couvrir et faire une chemise pour le grant messel de nostre chapelle, 10 fr. (Delisle, Mandements de Charles V, n°736)
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Il s'établit ainsi des liens étroits entre les tentures des chapelles et les draps liturgiques, les vêtements sacerdotaux, les étoffes enveloppant les livres pieux, les enluminures de ces livres, les vitraux reprenant les images de ces enluminures, qui formaient l'environnement religieux des princes, et les étoffes de prix dont ils aimaient s'entourer.
Il faut, pour déchiffrer les inventaires, distinguer (N. Coilly) :
– le taffetas Soierie d’armure toile : monochrome, sans motifs
– le drap de soye, sericus ou cericus
– le Cendal qui est une soierie d’armure toile ; proche du taffetas, plus prisé. Et le tiercelain ou Cendal tiercelain qui est un Cendal à trois fils
– Le Satin, sathin : une Soierie non façonnée d’armure satin
– Le Satanin, satallin : Soierie façonnée
– Le Camocas qui est une soierie sans doute proche du damas
– Le damas, ou drap de damas. C'est une soierie façonnée ; originaire de Damas. Aujourd’hui, le damas est une soierie sans envers, dont les effets de dessin sont obtenus par des flottés sur une armure de base satin ou sergé (effets de matité / brillance). Il est difficile de savoir si le damas médiéval était défini par une technique ou par une origine.
– Le Velours ou veluiau, velutus qui est la soierie façonnée la plus prestigieuse avec effet de bouclettes ou de poils obtenu au moyen de fils de chaîne supplémentaires surélevés et éventuellement tondus. Rares et intéressantes mentions de velours empraint (= velours frappé), sathin figuré de veluiau ( = velours sur satin), velutus pillosus ( = velours relevé)
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Pour découvrir les mentions de soieries à perroquets, il faut chercher les mots papegaux, pappegaus, papegos ou les mots latins citacis (corruption pour psittacis ?).
Ainsi lit-on chez Francisque Michel (1852) : "Rien de plus commun que de rencontrer des perroquets dans l'ornementation de tissus du moyen âge" :
« Item capa de albo sameto, breudata cum rotellis....(petites roues)
—— Item duæ capae. Albæ... de duobus baudekinis, cum citacis.
— ltem capa alba, operata rotellis , facta de uno baudekino, cum citacis. » Visit. facta in thes. S. Pauli Lond..... an. Grat. MCCXCV. (The Hist. of St. Paul's: Catin, pag. 317, col. 2. Cf. pag. 223 , col. 2.)
— « Item une chapelle blanche de samit, qui est à pappegaus, » etc. Inventaire des biens meubles de Louis le Hutin , 1317.
— « Item 4 tapis de laine ouvrés de papegaus et à compas, presié 20 l. par. « Invent. des biens de la reine Clémence de Hongrie, n" 318, pag. 444, tom. II des Mélanges de Clérembaut. »
-— a Item une chapelle de camocas blanc douldre-mer brodée à papegaux d’or et à fleurettes, etc. Inventaire de Charles V, Ms. 8356, fol. cxij. recto, n° 1076.- Item une chambre de sortail... lozengée de papegaux, etc. Ibid” fol. iij°. iiij. verso, n° 3565.
——Item troys tayes de carreaulx de veluiau vermeil brodées à dames et à papegaux , etc. l6id., fol. iij‘. x. verso, n° 3648.
-— Item une autre salle yndee à lozanges et papegaux, » etc. Ibid., fol. iij‘. xij. recto, n° 3665.
—- Item una alia alba pro presbytero cum paramentis panni serici broderati per quarellos albos et virides super croceo, ad aves papegos et alias aves.» Inventar. ann. 1419, ex labul. eccl. Noviom. (Une Cité picarde au moyen âge, etc., pag. 155). Cf. (iloss. med. et inf. Latîn., tom. V, pag. 66, col. 2, v° Papagallus.
Dans l'inventaire des joyaux de l'église d’York dressé en 1530, on trouve deux suites d’ornements d’église ornés de perroquets : Item una secta del baudekin operata cum le popingeas, etc. (Monasticon Anglicanum, vol. VI, part. m, pag. i209, col 2.)
— Item una secta blod de satteyn, cum le popingeas de auro. r lbid.
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2°) Mon deuxième soin est de fournir aux internaute un exemple de vitrail du XIVe siècle illustrant la préoccupation de mieux faire entrer la lumière dans le chœur en plaçant les éléments colorés plus sombres au centre d'une grande plage de vitrerie de verre blanc à losanges ornés au jaune d'argent.
3°) Et le troisième est de montrer un exemple dans lequel ces losanges ne reçoivent pas seulement des éléments végétaux (glands et rinceaux) mais aussi des oiseaux. Cela me servira dans mon examen du registre décoratif de la maîtresse-vitre de Merléac.
4°) Enfin, mon dernier plaisir est d'enrichir ma collection en ligne d'anges musiciens qui fournissent des exemples des instruments utilisés dans la seconde moitié du XIVe siècle.
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SOURCES ET LIENS.
— La chasuble aux perroquets de Maubeuge :
"La chasuble dite de sainte Aldegonde – en soie, or et cuir – à décor de perroquets affrontés et fleurs de lys fut offerte par l’abbesse Madame de Fontaine au chapitre de Maubeuge. Le drap d’or qui la compose pourrait être un cadeau diplomatique d’un empereur Mongol à saint Louis. Cet objet a fait l’objet de diverses analyses qui ont permis, entre autres, de le dater des années 1230-1300. Son origine, entre le Moyen et l’Extrême-Orient, reste vivement discutée. Les analyses ADN du cuir qui la compose permettront de trancher cette question."
— Inventaires des meubles et joyaux du roi Charles VI. I Inventaire de Jacques L'Empereur, « garde des joyaux après Guillaume Fonçant ». Département des manuscrits, Français 21444 folio 163v et suivants
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8571096f/f338.item
— COILLY (Nathalie) (Communication IRHT du 27 novembre 2003), Reliures d’étoffe dans les bibliothèques des Valois
https://irht.hypotheses.org/513
— MORANVILLÉ (H.)1903, Inventaire de l'orfèvrerie joaillerie de Louis, duc d'Anjou, Paris, E. Leroux.
https://archive.org/stream/inventairedelorf01loui#page/n5/mode/2up
— LE ROUX DE LINCY ( Antoine), 1852, Inventaires des biens meubles et immeubles de la comtesse Mahaut d'Artois, pillés par l'armée de son neveu, en 1313. Bibliothèque de l'école des chartes Année 1852 Volume 13 Numéro 1 pp. 53-79
http://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1852_num_13_1_445056
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