Le gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, Roland Doré, vers 1608) en la chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic (22).
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— Sur les gisants, voir ici :
Seigneur de Sainte-Marie du Mont, et ami de Henri IV "mon cousin" Henri-Robert Aux-Épaules. (1607)
Le gisant de Troïlus de Mondragon au Musée Départemental Breton de Quimper (vers 1545).
Le gisant d'Olivier de La Palue au château de Kerjean (Saint-Vougay), (vers 1505).
.L'enclos paroissial de Dirinon VI: le gisant de sainte Nonne (vers 1450).
Le gisant de François de Tournemine (Maison prébendale de St-Pol-de-Léon) et son soubassement à Landivisiau. (XVIe siècle)
— Sur la chapelle Notre-Dame-de-la-Cour de Lantic, voir :
- La statue de Notre-Dame-de-la-Cour (bois polychrome, XIVe siècle).
- La maîtresse-vitre (1460-1470) de la chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic.
- La verrière de saint Nicolas de Tolentino et de saint Bernardin de Sienne (vers 1460-1470, par Olivier Le Coq et Jehan Le Lavanant), baie 4 de la chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic.
- La verrière du "Pèlerinage des marins à Notre-Dame-de-la-Cour " (Champigneulle 1895-1902), en la chapelle Notre-Dame-de-la-Cour de Lantic (22).
- Le sauvetage du brick "La Perle", le 27 mai 1836, ex-voto de la chapelle Notre-Dame-de-la-Cour de Lantic.
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Lorsque je visitais la chapelle Notre-Dame-de-la-Cour par une matinée de Journée du Patrimoine, je redoutais l'affluence.
J'avais raison : j'entrais, et je trouvais la nef remplie d'une assemblée mobilière de bancs et d'arrière-bancs recueillis sur leur prie-dieu dans un silence sépulcral autour d'un cercueil que je distinguais au bout de l'allée. Brrr.
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Je m'approchais à pas feutrés du catafalque, lorsque je fus soudain transporté dans les airs, pour me retrouver survolant tel le Saint-Esprit le défunt qui m'attendait en tapotant ses doigts les uns contre les autres d'un air impatient. Moi, en retard ? Mais je n'avais pas rendez-vous !
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C'était un quadragénaire qui portait beau, avec ses yeux doux, sa barbichette de sous-officier, son armure noire et luisante, et les vagues de ses cheveux bouclés qui lui dansaient la sarabande ! Il se reposait sur un oreiller gras et douillet cantonné de glands drus et fournis.
L'allure spartiate de sa cuirasse était tempérée par l'éventail d'une fraise écrasée en plis bien repassés, et par la dentelle qui sortait de ses poignets.
Les circonstances de ce face-à-face ne me permirent certes pas de détailler les moindres rivets et fixations du plastron busqué du torse, de la dossière, des spalières, des cubitières, ou des canons d'avant-bras très fins et ajustés. Mais rien ne semblait manquer à sa panoplie de gentilhomme du temps d'Henri IV, si ce n'est l'absence de gantelets. De toute façon, quelque soit le nombre de boutons et d'agrafes, j'appris que la devise du seigneur était "Primo avulso non deficit alter" soit "Un de perdu, dix de retrouvés", ou (haïku traduit par mes soins) "Arraché par la pie /vient le soir / un autre est recousu", ou plus poétiquement encore, puisqu'il s'agit d'un vers de l'Énéïde de Virgile, Livre VI vers 143 "Le rameau détaché est aussitôt remplacé par un autre".
Mais le bas de son corps le faisaient irrésistiblement ressembler à quelque crustacé, avec les tassettes des flancs prolongés par les cuissots (rembourrés par un ouatage) aux lames articulés, les genouillères, fixées aux cuissots, les genouillères assemblées aux grèves protège-tibia et les solerets en bec de cane.
Ajoutons une épée, si longue que, suspendue par une sangle de cuir au coté gauche, elle atteignait la cheville.
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Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Malgré son air froid et sévère, je me décidai à le saluer.
— Euh, bonjour, monsieur du corps-froid, je suis le moi-même le descendant d'Henri-Robert Aux-Épaules, que vous avez peut-être connu ...
Vous ne me croirez pas, mais j'entendis distinctement une voix d'outre-tombe me répondre :
— Henri-Robert ! Mais nous sommes de la même promo, il est mort un an avant moi ! Comment va-t-il ? Toujours ... toujours gisant à Sainte-Marie-du-Mont ?
— Ah oui, il ne change pas. Mais vous êtes ?
— Vicomte Guillaume de Rosmadec, chevalier de l'ordre du roi et fondateur de cette église.
— Ah, les Rosmadec, l'une des plus illustres familles nobles de Bretagne, et originaire de Telgruc-sur-mer, en Presqu'île de Crozon ? J'ai bien connu Bertrand, aumônier du duc Jean IV et évêque de Quimper, lorsque je travaillai sur les armoiries de la cathédrale de cette ville. Palé d'azur et d'argent, n'est-ce-pas ?
— Peut-être, peut-être, la branche aînée, mais nous autres Rosmadec de Goarlot portons d'or à trois jumelles de gueules ! Jarnidieu !
"Et maintenant, penche la tête sous mon oreiller ! et lis !"
Ce que je fis, après avoir été reposé à terre par les deux barbouzes invisibles qui m'avaient précédemment saisis. Trop content de n'avoir pas à manger, tel Ézéchiel, le livre de pierre qui lui servait de lit.
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Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Un blason portait des armoiries à six fines barres horizontales qu'on nomme burelles en héraldique, et qui, groupées par deux, forment une jumelle. Peintes en rouge sur fond jaune, c'étaient là les armes d'or à trois jumelles de gueules !
Ce blason était entouré du collier de l'Ordre de Saint-Michel : non pas celui aux 23 coquilles saint-Jacques reliés par 23 lacs d'amour en or (doubles aiguillettes) en usage entre 1469 et 1516, mais celui où les lacs d'amour laissèrent place par décision de François Ier aux doubles cordelières. Je consulte vite mon exemplaire de Les Chevaliers bretons de l'Ordre de Saint-Michel, qui ne me quitte pas, et je trouve page 376 la bio de notre beau sire : il a été nommé chevalier de cet ordre dès 1573:
"ROSMADEC (Guillaume de) ,vicomte de Mesneuf, sire et châtelain de la Ville-Solon, sieur de Saint-Didier et de Buhen, cons. chambellan ordinaire du Roi, commandant à Gouëllo en Bretagne et gouverneur de Vitré, (maison différente de la précédente, portant d'autres armes), est qualifié Chevalier. de l'Ordre du Roi dans un acte du 10 juin 1576. (Tit. De MM. Du Boisgelin de Mesneuf) ainis que dans le Recueil Ms. Sur l'ordre de Saint-Michel fait en 1620 par P. d'Ozier (Bibl. Du Roy). Ce fut lui qui obtint du Roy des lettres d'érection de la terre de Mesneuf en vicomté. Armes : D'or à trois jumelles de gueules en fasces.
Guillaume de Rosmadec était chevalier de l'Ordre du Roi dès l'année 1573 ; et il est nommé avec cette qualité dans ses provisions de gouverneur de Vitré, en date du 17 janvier de cette année. (Orig. Tit. de M. A. de Barthélémy .) En 1578, il était grand-veneur, grand-maître et général-réformateur des eaux et forêts de Bretagne. (Dom Mor. Fr. it.54g.). M. Anatole de Barthélémy a publié dans la préface de ses Doc. In, sur l'Hist. de la Ligue en Bref, une curieuse analyse des livres de dépenses de Guillaume de Rosmadec. Il en résulte que Guillaume de Rosmadec eut une conduite plus que prudente pendant les guerres de religion, et qu'il sut éluder la nécessité de prendre parti. Tantôt en relations avec les Ligueurs, tantôt en amitié avec les royalistes, aux che£s desquels il envoie du poisson, il ne put cependant préserver sa maison de Buhen, qui fut pillée pendant la nuit de la fête Saint-André, en 1590, par 50 soldats de la garnison de Quintin. Il avait d'ailleurs plus d'un motif pour être prudent. Le souvenir de la surprise de Vitré par Jean du Matz en 1574, alors qu'il venait à peine d'en être nommé gouverneur, s'était sans doute gravé dans sa mémoire. Il avait ouvert les grands appartements du château de Vitré, à l'occasion d'un mariage célébré pendant les fêtes du carnaval ; et c'était au milieu des réjouissances et de la quiétude du plaisir que Jean du Matz et ses hommes étaient tombés sur lui et l'avaient emmené en captivité, après s'être emparés du château et de la ville."
Le collier, avec son médaillon où l'archange Michel terrasse son dragon, est surmonté de la couronne de vicomte. L’érection de Mayneuf en vicomté fut accordée par Henri III le 15/12/1576 (Glo-Lepage)
Cet ensemble est entouré d'une inscription en lettres capitales placées en dépit du bon sens :
CY : GIST : LE CO RPS : DE DEFFUNCT MESSI /
"Ci-gît le corps de défunt messire"
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Je contournais le monument pour trouver la suite.
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Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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La suite de l'inscription : le tombeau vu depuis le sud.
Le gisant est sculpté sur des dalles rectangulaires surélevées par des caissons, et des moulurations ornent les arêtes de la dalle et le soubassement.
Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Sans déranger le vicomte pendant sa sieste, je décryptais l'épigraphique épitaphe :
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[ CY : GIST : LE CORPS : DE DEFFUNCT MESSI] RE : GVILLAVME : DE : ROSMADEC : CHEVALIER
DE : L ORDRE :
DV : ROY :
VICOINTE : DE : MAINEVF : St DIDIER
Les lettres conjointes de GVILLAVME ou de DE faisait mon régal, mais moins que la graphie "vicointe".
Le DEAF me proposait les formes suivantes en ancien français vecoues vesconte , vescounte, vescunte , vesquens , vicecomes vicomte, viconte , vicontes , vicuens vicunt, vicunte vilconte vioces viquans viquens visconte , viscounte , viscuens , viscuntes , visonte visquen visquens , wiconté .
Le DMF de Godefroy compl. contenait les formes Vezcomte, vezcuntes, veskunte, vicuens, vesquens, vescounte, viscuens et vicheconte.
Parmi les formes anglo-normandes ANDEI , je trouvais un VISCOINTE :
"visconte, viscont, viscunt, viscount, viscunte, viscounte; vesconte, vescounte, vescunte, veskunte; veisconte, veiscounte, veiscunte; vicunt, vicount, viconte, vicounte; viescont, viescount, viscounte
(viscointe Eastry Lett 399.17);n.sg. sometimes vesquens, vesquons; visquens".
Ce vicointe de Maineuf était-il un unicum ?
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Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Il estoit temps que je passe de l'autre costé pour poursuivre ma lecture de chevet.
CHASTELAIN : DE : BUHEN : GOVVERNEVR : DE : VITRE : SIGNEVR : SVPERIEVR : E : FONDATEVR : DE : CESTE : EGLISE.
Il peut prétendre au titre de "fondateur" de cette chapelle pourtant construite vers 1460 car soit simplement par piété, soit pour relever l'éclat de son nouveau fief par une fondation religieuse, il fit ce que faisaient alors les grandes familles : il installa dans la chapelle de Notre Dame de la Cour, proche de son château de Buhen, une collégiale, c'est-à-dire un chapitre de sept chanoines, composé d'un doyen, un chantre, un sous-chantre, un sacriste, un diacre, un sous-diacre et un autre chanoine ; le succès du sanctuaire s'en trouva considérablement accru.
"Malheureusement, Guillaume de Rosmadec, qui avait fourni des subsides aux chanoines de la collégiale de Notre-Dame-de-la-Cour sur ses ressources personnelles pendant sa vie, ainsi que le témoignent ses livres de compte (Livres très détaillés, allant de 1587 à 1594 -Archives départementales), oublia, d'assurer leur avenir par une fondation perpétuelle, aussi après sa mort, si les chanoines existant à ce moment, probablement soutenus par sa sœur Radegonde, continuèrent de remplir leur charge, ils n'eurent pas de successeurs, et le chapitre disparut par extinction. On n'en trouve plus trace à partir de 1616 où un chanoine de Notre-Dame-de-la-Cour est encore mentionné dans un acte de fondation en faveur de l'église de Lantic, et, dans un procès-verbal portant création à Notre-Dame, de la confrérie du Rosaire, le troisième dimanche d'octobre 1621, on cite le recteur de Lantic et autres prêtres mais pas de chanoines.
La maison qui leur servait d'habitation, près de la chapelle, n'a été démolie qu'en 1830, pour construire une auberge." (Morvan 1903)
Fondateur : "Il n'est donc nullement nécessaire pour justifier ce titre de lui attribuer, comme on l'a fait, la construction d'une partie de la chapelle, qui serait le bas-côté midi et la partie basse de la nef.
C'est là une assertion erronée, car d'abord les livres de compte de Guillaume n'accusent aucune dépense pour cette construction, ensuite, à partir de 1589, la guerre de la ligue, qui entraîna une diminution de ses revenus de plus d'un tiers, lui donna d'autres soucis, son château fut brûlé en 1590 ; il dut s'exiler et, à son retour d'exil, n'habita plus Lantic jusqu'à sa mort.
Enfin, si Guillaume de Rosmadec avait construit le bas-côté midi à la fin du XVIème siècle, il l'eut fait dans un style tout à fait différent de celui de la fin du XVème, car la renaissance avait déjà pénétré en Bretagne à l'époque où il vivait et c'est dans ce style que quelques années après a été édifié son tombeau." (idem).
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Malgré toute mon attention, je n'ai pas remarqué d'autre inscription, et Morvan, en 1903, n'en cite pas d'autre. Mais pourtant, le chanoine Guillotin de Corson a relevé au XIXe siècle que cette épitaphe s'achevait ainsi : DÉCÉDÉ LE V AVRIL MDCVIII. On la retrouve, sur le coté droit du monument (au sud), sur un cartouche central, sur une photographie publiée en 1904, et sur une carte postale (cf. infra).
Plus étrange, le chevalier de Fréminville, dans ses Antiquités de Bretagne de 1837, ne l'a pas lue non plus :
"Sous le jubé de N. D. de la Cour , on voit un sarcophage assez élevé, sur lequel est étendue la statue couchée d'un chevalier revêtu de l'armure du temps de Louis XIII, quc nous avons déjà décrite plus d'une fois." Sa tête nue repose sur un coussin, il porte des moustaches retroussées et une petite barbe pointue au menton ; ses cheveux sont longs et bouclés sur les côtés ; il a les mains jointes selon l'usage , et les pieds posés sur un lion; à son côté gauche est une longue épée , sur la garde de laquelle est l'écusson de ses armoiries. Ce monument est celui de Guillaume de Rosmadec , ancien gouverneur de Vitré. Il est fait avec une pierre nommée dans le pays tufeau vert ; elle y remplace le kersanton pour tous les ouvrages de sculpture. Ce tufeau vert, assez abondant dans toute la partie septentrionale des Côtes-du-Nord, est une roche stéatiteuse d'un bleu verdâtre mais qui se noircit à l'air : elle se travaille facilement au ciseau.
Tout autour du tombeau dont nous parlons, on lit l'épitaphe suivante en grandes lettres majuscules.
Ci gist le corps de deffvnct Guillavme de Rosmadec , chevalier de l'ordre du roi, vicomte de Maineuf, St Didier, chastelain de Buhen, govvernevr de Vitré , seigneur supérievr et fondatevr de cette eglise.
Quoique cette épitaphe ne soit pas accompagnée d'une date , le costume de la statue de Guillaume de Rosmadec ne peut laisser de doute sur l'époque à laquelle il a vécu, et on peut fixer celle de son décès de 163o à 164o.
Il me faut pas confondre la famille des Rosmadec , seigneurs de Maineuf, avec celle des Rosmadec-Molac qui est de l'évêché de Cornouailles. Les premiers portaient le surnom de Rosmadec Goarlot , et portaient pour armoiries d'or à trois jumelles de gueules, telles qu'on les voit sur le tombeau que nous venons de décrire. Ce monument est parfaitement bien conservé." (Ch. de Fréminville p. 188)
Soit au total pour cette inscription: "Ci-gît le corps de défunt messire Guillaume de Rosmadec, chevalier de l'Ordre du Roi, vicomte de Maineuf, saint-Didier, châtelain de Buhen, gouverneur de Vitré, seigneur fondateur de cette église, [décédé le 5 avril 1608].".
Par suite des guerres de la Ligue, dont les effets se firent sentir en Bretagne dès 1584 et à Lantic, en 1589, Guillaume de Rosmadec, partisan, bien que catholique, de Henri IV, encore Huguenot, vit son château de Buhen attaqué et pillé, sa forêt brûlée avec le manoir par les troupes de Mercœur en 1590, et, réfugié en Angleterre, il ne put rentrer en France qu'à la fin de la guerre. Il se fixa à Saint-Brieuc où il mourut le 5 avril 1608 dans l'hôtel particulier dit de Cardenoual de son jeune ami Thébault de Tanouarn (1583-1655), seigneur de Couvran et conseiller au parlement de Rennes. Ce dernier se fit également faire un gisant (1655) par Roland Doré en l'église de Plérin.
"Son cœur y fut déposé en un labe qu'il possédait en l'église Saint-Guillaume à coté du grand autel, son corps fut enterré, le 7 avril, à Notre-Dame-de-la-Cour. Monseigneur l'évêque de Saint-Brieuc, qui était Melchior de Marconnay, fit le service d'enterrement à la cathédrale, et accompagna le corps jusqu'au bas de la rue du Gouët, où les chanoines de Notre-Dame et le clergé de Plérin l'attendaient pour l'escorter jusqu'à Notre-Dame-de-la-Cour. [d'après un manuscrit de 1599 à 1609 existant dans les archives de la famille de Boisgelin, et relaté par les archives de paroisse de Lantic] où l'évêque vint chanter le service d'octave. On célébra, pour le défunt, 129 messes tant à Notre-Dame qu'à Lantic et aux environs."
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Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Satisfait d'avoir procédé au premier relevé épigraphique fidèle de cette inscription, je me redressais, un peu courbatu, pour voir comment se portait mon hôte. Il portait au bras gauche l'écusson que j'avais appris à blasonner, et le long de la cuisse son impressionnante rapière.
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Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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J'allais au pieds du défunt, afin d'accomplir les devoirs à son égard en l'aspergeant d'eau bénite. Le bénitier portait le blason seigneurial, et les traces d'une couronne.
La partie inférieure du gisant avait été martelée afin d'en ôter un lion, Le lion sur lequel tout noble hobereau breton peut espérer réchauffer ses pieds pour l'éternité.
Je l'ai retrouvé sur une carte-postale de Mancel-Binic : 72-Lantic. Albert Auguste Jean-Marie Mancel, né en 1858 à Binic, s'établit dans cette ville en 1882 et débuta à une date non déterminée une activité d'éditeur de cartes postales, pour laquelle il obtint un diplôme d'honneur en 1901. On trouve des CPA plus tardives, vers 1906. Cette image date donc du début du XXe siècle.
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Le même photographe, ou un autre, a pris ce cliché publié en 1904 :
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Gisant de Guillaume de Rosmadec (kersanton, vers 1608), chapelle Notre-Dame-de-la-Cour à Lantic. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Guillaume de Rosmadec employa la fortune considérable qui lui était advenue à devenir un grand propriétaire; en 1584 il acheta la terre de Lantic, à Marthe de La Porte, baronne de Vezins, veuve de Jean Le Porc, baron de Pordic et de Lantic, et devint ainsi fondateur et premier prééminencier de la chapelle de Notre-Dame-de-la-Cour ; jusque-là le fief de Buhen avait relevé de Lantic . A la fin de sa vie, il était devenu un grand seigneur terrien, et dans les actes il ajoutait encore les qualifications de seigneur de la Villesollon et de de la Villetanou, et « commis du roi pour le service de Sa Majesté au pays armoricq de Gouello. »
Éléments généalogiques.
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Christophe de Rosmadec, seigneur de Buhen-Plourhan (avant 1492/ap. 1513) épousa Françoise de Mescoual et ils eurent six enfants
L'aîné, Jean de Rosmadec seigneur de Buhen-Plourhan (décédé 1546)/ Jeanne Maillart, mourut sans héritiers.
Son frère Yvon de Rosmadec, seigneur de Buhen-Plourhan, mourut également sans héritiers.
Le troisième fils, Étienne de Rosmadec (†ca 1559), Seigneur de Lissalain hérita du titre paternel. Il épousa le 7 décembre 1538 Geneviève Hallay, Dame héritière de Mayneuf et de Saint-Didier . Il décéda le 23 décembre 1559 au manoir de Buhen.
Le fils aîné d'Étienne est notre Guillaume de Rosmadec. Il épousa le 10 juin 1576 Julienne Botherel, sans descendance, mais il eut vers 1578 un fils naturel, Étienne de Mesneuf. La généalogie de Philippe Bacquer donne en note de nombreux documents sur ce que l'on peut connaitre de Guillaume de Rosmadec : j'y renvoie.
Selon les recherches de la généalogie Glo-Lepage, Guillaume de Rosmadec fut rejoint par son fils naturel "Noble homme Estienne de Mesneuf escuyer sieur de Beauval" qui décéda le 4 juin 1628 , puis par la fille de ce dernier, "damoiselle Gillone Leztic" décédée le 6 avril 1648.
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Selon Pol de Courcy :
ROSMADEC (De); Sr dudit lieu, vicomte de Gouarlot et sr de Kergoët, par. De kernével, — sr de Kergonoiu, par. De Rosporden,
Rosmadec (de) , sr dudit lieu, — vicomte de Gouarlot et sr de Kergoët, par. de Kernével , — sr de Kergoniou , par. de Rosporden , — de Coëtquis, par. de Servel, — du Plessix-Josso, par. de Theix, — de Kertulet, — de l'Espinay, — vicomte de May- neuf, par. de Saint-Didier, — châtelain de Buhen en 1632, par. de Plourhan , — sr de la Villesolon, par. de Plérin, — du Bosc, par. de Lantic, — du Cosquer , par. de Guimaëe. Réf. et montres de 1426 à 1536, par. de Kernével, Rosporden, Servel, Plourhan et Laantic, év. De Cornouailles, Tréguier et Saint-Brieuc.
D'or à trois jumelles de gueules (sceau 1365), comme Coëtven ; alias : chargées d'un chevron d'argent (G. Le B. ), pour la branche de Coëtquis. Devise : Uno avulso non deficit alter.
Riou, fils d'Hervé, témoin du partage d'Hervé et Erard de Léon en 1329 ; Riou, épouse en 1396 Constance de Pestivien, veuve de Jean d'Avaugour ; Pierre, épouse vers 1500 Louise Josso, dame du Hallay, dame de Mayneuf ; Guillaume, grand veneur, grand maître et réformateur des eaux, bois et forêt de Bretagne en 1573, chevalier de l'ordre et gouverneur de Vitré, + 1608, père d'autre Guillaume, chevalier de l'ordre en 1632 ; un chevalier de Malte en 1656, chef d'escadre en 1690.
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LA SCULPTURE TUMULAIRE DE ROLAND DORÉ.
(D'après Le Seac'h).
L'atelier de Roland Doré (1618- Plouedern 1663), tailleur de pierre et sculpteur établit à Landerneau pour bénéficier de l'arrivée par voie fluviale du kersanton, pierre extraite sur les rivières de Daoulas et de L'Hopital-Camfrout en rade de Brest, est le plus renommé des ateliers de Basse-Bretagne pour le XVIIe siècle. On trouve les œuvres de ce sculpteur d'exception, "Michel-Ange du kersanton", dans plus de 82 paroisses, essentiellement dans le Léon et le nord de la Cornouaille. Il a exercé pour des commandes religieuses (statues, croix et calvaires), mais neuf gisants d'hommes d'armes et quatre statues en pied témoignent de son activité dans le domaine profane.
Ses neuf gisants se concentrent autour de Saint-Brieuc pour six tombeaux, et dans le Finistère . Ce sont :
- Gisant de Guillaume de Rosmadec, vers 1608. Chapelle Notre-Dame-de-la-Cour, Lantic (22). Ce serait la plus ancienne.
- Gisant de la famille de Bois-Boissel. Angle sud-est du cloître de la cathédrale de Tréguier (22).
- Deux gisants des Bréhant. Cloître de la cathédrale de Tréguier (22).
- Gisant de Thébault de Tanouarn, vers 1655. Enfeu du transept nord de l'église de Plérin (22).
- Gisant de Gilles de la Noë. Conservé au château de Keranroux à Ploujean (29) mais provenant de l'église de Plounez (fusionné avec Paimpol (22).
- Le gisant de Jacques Barbier, seigneur de Kernaou à Ploudaniel. 1638.Conservé au Musée du Léon de Lesneven (29).
- Gisant d'Auffray du Chastel, vers 1638. Musée départemental breton de Quimper, venant de l'église Saint-Théleau de Landeleau (29).
- Gisant d'Yves Bervet, sieur du Parc (1640). Musée départemental breton de Quimper, venant de la chapelle Saint-Eutrope de Plougonven (29).
Dans tous les cas, les gisants de kersanton sont allongés, les mins jointes, vêtu de la même armure Louis XIII au col à plis empesés en ailes de chauve-souris, les pieds posés sur un lion ou un lévrier, et l'épée au coté gauche. La tête repose sur un "carreau" ou coussin à pompons, rarement soutenue par des anges. Ils affichent un visage serein, les yeux clos dans la tradition médiévale avec une chevelure bouclée semblable à une perruque qui s'étale sur les cotés. Une fine moustache ombre la lèvre supérieure et un toupet taillé en pointe sur le menton rappelle la coiffure des mousquetaires sous Louis XIII. Un blason est parfois présent contre le bras gauche, mais les armoiries et des inscriptions sont gravés sur les flancs du monument. Un bénitier est présent dans deux cas.
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SOURCES ET LIENS.
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— CHAPELLE N.D DE LA COUR, LANTIC.
https://chapellelantic.weebly.com/
— BARTHÉLÉMY (A) Revue historique nobiliaire et biographique T. XIII,1876 pages 177- 186.
https://books.google.fr/books?id=lCYFAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=lantic&f=false
— COURCY (Pol de), Nobiliaire et armorial de Bretagne vol. 3. page 71
https://archive.org/stream/NobiliaireEtArmorialDeBretagne3/Nobiliaire_et_armorial_de_bretagne3#page/n79/mode/2up
— COURCY (Pol de), Nobiliaire et armorial de Bretagne, Volume 2
https://books.google.fr/books?id=k7JBAAAAcAAJ&pg=PA361&dq=%22par.+de+Kern%C3%A9vel,+Rosporden%22&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi1pJ7rmOTXAhWKbFAKHdpDAK0Q6AEIJzAA#v=onepage&q=%22par.%20de%20Kern%C3%A9vel%2C%20Rosporden%22&f=false
— FAMILLE ROSMADEC
http://vps199509.ovh.net/yeurch/terre/teneur/R/Rosmadec.htm
— FRÉMINVILLE (Chevalier de) 1837, Antiquités de la Bretagne, J-B. Lefournier, Brest pages 187-188.
https://books.google.fr/books?id=LYNiAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=lantic&f=false
— GENEALOGIE Généalogie GLO-Lepage
http://genealogie-glo-le-page.fr/indexsansphoto.php?bouton=6
— GUILLOTIN DE CORSON (Abbé), 1896, Mayneuf (Vicomté), , LES GRANDES SEIGNEURIES DE HAUTE BRETAGNE Comprises dans le territoire actuel du département d'Ille-el- Vilaine, Revue de Bretagne, de Vendée & d'Anjou par la Société des bibliophiles bretons et de l'histoire de Bretagne, Nantes page 350 et ss.
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— HOZIER (Jean François Louis d ' ) CARNÉ, (Gaston de ) , 1884, Les chevaliers bretons de Saint Michel depuis la fondation de l'ordre: en 1469, https://archive.org/stream/leschevaliersbr00carngoog#page/n429/mode/2up
— INFOBRETAGNE : LANTIC
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— INFOBRETAGNE : SAINT-DIDIER
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— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle. Description matérielle : 1 vol. (407 p.) - 1 disque optique numérique (CD-ROM) : ill. en coul. ; 29 cm ; coul. ; 12 cm. Description : Note : Index. - Notes bibliogr., bibliogr. p. 373-395. Édition : Rennes : Presses universitaires de Rennes , 2014. Éditeur scientifique : Jean-Yves Éveillard, Dominique Le Page et Fañch Roudaut pages 222-226.
— MORVAN (Jean), 1903, Monographie de la chapelle de Notre-Dame-de-la-Cour, en Lantic (Côtes-du-Nord) Bulletins et mémoires / Société d'émulation des Côtes-du-Nord T. 41 pages 177-214
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— RAISON DU CLEUZIOU (Alain) , 1904, Guillaume de Rosmadec et la seigneurie de Buhen-Lantic Société d'émulation des Côtes-d'Armor p. 207-306
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— TOULLELAN (Guy), 1978, Toullelan, Notre Dame de la Cour en Lantic, Jos Le Doaré, 24 pages
— VIDEO:
https://www.youtube.com/watch?v=OxxA_tRPhvo
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