Les vitraux de l'église de Moncontour. II. La baie 5 de la Vie de sainte Barbe (1538).
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Sur les vitraux de Moncontour, voir :
Le vitrail de l'Arbre de Jessé ou baie 6 de l'église de Moncontour, vers 1538.
Les vitraux de Moncontour (22). III. La maîtresse-vitre (vers 1538) de l'Enfance du Christ.
Les vitraux de Moncontour. V. la verrière de la Vie de saint Mathurin ou baie 6 (vers 1500-1525).
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Sur les vitraux "du groupe rennais" du XVIe siècle, voir
Les vitraux de l'église de Saint-Ouen des Iffs : seconde partie, les chapelles (1535-1545)
Les vitraux (1551) de l'église de La Ferrière (Côtes d'Armor) Michel Bayonne.
Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Beignon (Morbihan) vers 1540-1550. Michel Bayonne.
Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de Moulins (Ille-et-Vilaine) vers 1560. Michel Bayonne.
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Sur les vitraux et œuvres de la légende de sainte Barbe :
Voir aussi :
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GÉNÉRALITÉS.
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"Les vitraux de l’église Saint-Mathurin de Moncontour sont parmi les plus remarquables de Bretagne par leur facture, mais aussi par leur histoire. À l’époque médiévale, Moncontour est une des places fortes du duché de Penthièvre. Elle dut ensuite sa prospérité à la vente des toiles de lin et de chanvre qui étaient exportées dans toute l’Europe et qui firent la richesse de la Bretagne. Mais les vitraux tels que nous les voyons aujourd’hui sont le fruit d’une longue histoire. Réalisées sans doute par un atelier rennais, à une époque où ceux-ci sont florissants , les verrières de l’église Saint-Mathurin sont datées de 1537 pour le vitrail de la vie de saint Yves, de 1538 pour celui de la vie de sainte Barbe. Les autres datent sans doute d’une époque légèrement antérieure, vers 1520-1530. On en connaît bien les donateurs : Claude de la Villeblanche, grand pannetier de la reine Claude en 1522 et châtelain du Plessis et Jacques de la Motte, seigneur du Vauclerc, possessionné dans la région et mort en 1531, pour la baie d’axe; Jean le Mintier et Marie le Moine pour la verrière de la vie de saint Jean Baptiste. Ces deux derniers figurent dans le registre inférieur de la baie, agenouillés et présentés par leurs patrons sainte Catherine d’Alexandrie et saint Jean l’Évangéliste. Ces baies n’ont pas traversé le temps sans restaurations ni modifications : on trouve mention de réparations dès la fin du 16e siècle. Lors de la construction au début du 17e siècle du bas-côté sud de l’église, les deux verrières des baies 4 et 6 y sont remployées. Après les épisodes révolutionnaires, l’église semble en mauvais état : une demande de crédits à cause de l’état alarmant de plusieurs verrières anciennes ne trouve pas d’écho. L’édifice est classé parmi les Monuments historiques en 1862. Cependant, et ce malgré la pose de tirants, il faut se décider à démolir une partie de l’édifice : l’église est alors déclassée sauf les vitraux et le clocher. En mai 1890, avant leur dépose, les vitraux sont photographiés en place par Eugène Durand : les clichés montrent certes des lacunes, mais la qualité picturale des verrières est évidente . Ils seront restaurés par l’atelier parisien de Bonnot, peintre-verrier et restaurateur. C’est alors que se fixe la disposition actuelle des verrières. Certains panneaux qui étaient absents ont fait l’objet de créations en accompagnement par l’atelier Laigneau. En 1942, elles sont mises à l’abri au donjon de Dinan, et reposées en 1948. Enfin, la baie 0 a été restaurée en 1993 par l’atelier Le Bihan ." Christine Jablonski et Céline Robert, in 100 ans d'objets historiques en Bretagne, DRAC
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"L'église Notre-Dame et Saint-Mathurin de Moncontour possède six vitraux anciens, qui forment l'un des les plus remarquables ensembles vitrés du XVIe siècle en Bretagne. Cet ensemble a été réalisé entre 1520 et 1540 environ en plusieurs temps et par plusieurs ateliers différents... Les trois verrières nord de l'église (baies 3, 5 et 7) se distinguent de toutes les autres par leur exceptionnelle qualité. Pour cette raison, et par leur caractère "très français", René Couffon comme Jean Lafond (*) proposent de les rattacher à la production rennaise contemporaine. D'eux d'entre elles sont datées, respectivement, de 1537 (baie 7, vie de saint Yves) et de 1538 (baie 5, vie de sainte Barbe) " (Gatouillat et Hérold 2005 p. 82).
(*) Dans Le vitrail français (1958, page 235), Jean Lafond souligne l'importance des peintres verriers de Rennes, auxquels il attribue les "œuvres très françaises" des Iffs, de La Guerche, de La Ferrière et de Moncontour".)
"René Couffon a attribué à Rennes les vitraux du mur nord de l'église de Moncontour, peut-être les œuvres les plus séduisantes du XVIe siècle breton. Ces trois suites narratives, vies de saint Yves, de sainte Barbe et de saint Jean-Baptiste réalisées vers 1537, sont en effet d'une exceptionnelle richesse, d'une exécution et d'une ornementation brillante. Elles ont la qualité des verrières normandes du temps et pourraient puiser leur source dans la peinture flamande, anversoise peut-être. Antérieures à l'activité documentées de Michel Bayonne, elles ne doivent en aucun cas lui être attribuées, mais semblent être en mesure d'être reconnues comme une manifestation de la façon de rennes, dont seraient soulignées la diversité, aussi bien que les dénominateurs communs : le damas jaune des costumes de Moncontour ne se retrouve-t-il pas identique dans la verrière d'axe de Beignon ?". (Gatouillat et Hérold 2005 p. 40).
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Mon article précédent présentait avec admiration la baie 7 de la Vie de saint Yves. À mes yeux, la baie 5 de la vie de sainte Barbe, qui en reprend l'encadrement maniériste à chimères combattant des dauphins, la dépasse encore sur le plan technique par la luxuriance du travail au jaune d'argent (robe de l'ange, cuirasse, arabesques), par l'emploi de verres rouges gravés et des pièces en chef-d'œuvre, par la finesse des arrière-plans en grisaille sur verre bleu.
L'intérêt pourrait aussi se porter sur les détails vestimentaires, rendus avec précision et mariant les pièces issues de la mode sous François Ier (crevés et taillades, chaussures en pattes d'ours, bonnet à plumet), culottes bouffantes au dessus de collants très ajustés, bottes lacées d'aiguillettes, etc.), rangs de perles à profusion et d'éléments traditionnellement utilisés par les artistes (enlumineurs du XVe siècle) pour signifier que les protagonistes sont "orientaux", comme, ici, les turbans.
Enfin, le sujet lui-même, la vie et le martyre de sainte Barbe, parfaitement illustré ici, mériterait, pourquoi pas ?, trois denses volumes, ou un Colloque, ou une thèse d'Etat, quelque chose de très savant, de très documenté et de très barbant. Seul ce troisième point relève de mes compétences.
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Ce vitrail à deux lancettes trilobées divisées en quatre registre et au tympan à 7 ajours mesure 7,00 m de haut et 1,187 m de large.
"Il occupe la seconde fenêtre de la longère nord de la nef, entre vitrail de saint Yves et celui de saint Jean Baptiste.
La fenêtre, divisée en deux par un meneau, renferme huit panneaux historiés de la vie de sainte Barbe, dont les six supérieurs sont seuls anciens. Le tympan renferme cinq mouchettes, également relatives à l'histoire de la sainte. Il faut lire la verrière de bas en haut et de gauche à droite." (Couffon)
Le culte de Sainte Barbe en Europe.
Sainte Barbe, ou Sainte Barbara, Santez Barba en Breton, est une sainte martyre qui aurait vécu au IIIe siècle en Bikini Bithynie. À Nicomédie, l'actuelle Izmit, en Turquie.
Les premières versions du Mystère de sainte Barbe apparaissent au VIIe siècle en Orient, d'où des reliques sont rapportées en de nombreuses villes d'Europe (Burano à Venise, à Plaisance en Italie, Abbaye de Sainte-Barbe-en-Auge en 1050, cathédrale de Liège, aux Feuillants à Paris, etc...) La fête catholique est instituée le 4 décembre dès le XIIe siècle à Rome. Vincent de Beauvais mentionne la sainte dans son Speculum Historiale de 1258, Jacques de Voragine donne le récit de sa vie dans la Legenda aurea en 1261-1266 (traduction française en 1476) mais les principaux témoignages iconographiques de son culte datent du XVe siècle en Flandre puis en Italie : peintures de Jan Van Eyck en 1437 ( Musée royal des Beaux-Arts d'Anvers), de Robert Campin en 1438, de Cosimo Rosselli en 1468 (Musée des Offices, Florence), de Hans Memling en 1479 (Metropolitan Museum de New York), de Lorenzo Lotti en 1524.
Sainte Barbe est l'une des trois saintes de la liste des 14 Saints Auxiliateurs avec sainte Catherine et sainte Marguerite, et les statues de ces trois saintes sont presque constantes dans les églises et chapelles bretonnes (Les saintes étrangères y sont, par ordre décroissant, Barbe avec 29 figurations, Catherine 19, Marguerite 14, Appoline 3 et Madeleine 2 ; les bretonnes sont minoritaires, Brigitte 2, Gwenn et Tréphine 1 chacune. : Christiane Prigent, Pouvoir ducal, religion et production artistique en Basse-Bretagne (1350-1575), Paris, 1992, p. 402-403.)
Toutes les trois étaient invoquées pour les dangers de la grossesse et de la délivrance, et plus généralement contre les risques de mort subite en état de péché. Sainte Barbe était aussi sollicitée pour protéger de la foudre. Beaucoup de livres d'Heures les mentionnent parmi les Suffrages, comme dans les Heures dites de Henri IV, au folio 86v., celle de Pierre II, duc de Bretagne (BnF lat. 1159 folio 166v, tenant sa tour et lors de sa décollation) Elle est absente des Grandes Heures d'Anne de Bretagne (qui au folio 3r s'entoure de trois reines, sainte Catherine, Ursule et Catherine) , mais elle est présente dans le Livre d'Heures de sa fille Claude de France, où elle est figurée soit portant sa tour, soit flagellée par les bourreaux (folio 44v) soit décapitée (f. 45).
C'est en 1557 (à Paris mais pour Bernard de Léau demeurant à Morlaix) qu'est publié le texte en breton du BUHEZ SANTE BARBA, le Mystère de Sainte Barbe, témoignant des représentations publiques de ce drame. Ce texte breton a été publié en 1647 à Morlaix chez Jean Hardouyn (In-8, 208 pages, BnF RES-YN-16).
Mais puisque Moncontour ne se situe pas en Basse-Bretagne, mais en pays gallo, il est peut-être préférable de mentionner les neuf éditions anciennes d'un Mystère de sainte Barbe en deux journées, pièce en vers qui se jouait à 38 personnages, édité à Paris, Rouen, Lyon, Troyes entre 1512 et 1630 (cf BnF RES-YF 4688). Ou le Mystère de sainte Barbe en cinq journées, en vers également, et à cent personnages datant de la fin du XVe-début du XVIe siècle, et dont témoigne le manuscrit BnF fr. 976 retranscrit (et plus lisible) en cinq manuscrits BnF Français 24335-24339. Ces Mystères furent joués à Amiens dès 1448, à Compiègne en 1475 et 1476, à Angers en 1484, à Metz en 1485, à Laval pendant six jours en 1493, à Nancy en 1505, à Domalain (Ille-et-Vilaine) en 1509, à Limoges en 1533, à Péronne en 1534, à Saint-Nicolas-du-Port en 1537, à Tirepied près d'Avranches en 1539, avant d'être interdites par le Parlement de Paris, le Parlement de Bretagne puis le Concile de Trente.
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LE REGISTRE INFÉRIEUR.
Le registre inférieur a été créé par l'atelier parisien d'Albert Bonnot (beau-frère d'Adolphe Steinheil) en 1891-1893. Le maître-verrier a pris le parti d'une fidélité au style de son prédécesseur. Restait-il quelque chose des panneaux anciens, ou une description des sujets jadis représentés sur les photos prises en 1890 ?
Les scènes figurées s'inscrivent dans un cadre de la Seconde Renaissance, plutôt maniériste, peint au jaune d'argent.
Premier panneau moderne : "Co[mm]e[n]t son père lui fit veoir les idoles" : Dioscore, père de sainte Barbe, l'exhorte à adorer les idoles.
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Deuxième panneau moderne : ""Co[mm]e[n]t Valentin vint à sainte Barbe" : Le prêtre Valentin, disciple d'Origène, expose à sainte Barbe la religion chrétienne.
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LE DEUXIÈME REGISTRE.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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"Troisième panneau : Légende : « Co[mm]e[n]t Ste Barbe fut baptissée après [comme]-- ».
"La sainte, entièrement nue, est dans l'eau jusqu'aux genoux près d'une source, tandis que le prêtre Valentin, vêtu d'une robe violette et d'un manteau rouge, lui verse l'eau sur la tête. Un ange, en robe jaune et ailes roses violacées, assiste au baptême. La robe de sainte Barbe, couverte de pierreries est déposée sur le bord de l'eau. Au fond, fabriques, en grisaille sur bleu avec traces de jaune d'argent, représentant une campagne avec un grand rocher surmonté d'un château féodal." (Couffon)
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Dans le Mystère en cinq journée, Barbe est baptisée par saint Jean-Baptiste, et dans le Mystère en deux journées, par un ermite. Le "prêtre Valentin" de Couffon n'est pas nommé comme tel sur le vitrail, mais sa déduction est juste, car ce Valentin, émissaire du philosophe Origène d'Alexandrie est cité dans le Mystère breton, qui semble avoir servi de modèle au vitrail.
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Le texte du Mystère breton :
— Valentin. Je certifie que vous le serez en peu de temps, si vous le voulez, et que vous comprendrez, sachez-le bien, les Évangiles, pour commencer; mais d'abord je veux vous bien disposer à recevoir le baptême. Jésus a constamment en sa vie ordonné à tous, expressément, de baptiser dans la foi. Voici les évangiles authentiques, qui nous parlent de sa vie dès le commencement. Je vous exposerai ses œuvres. […]
— Valentin. Ma chère fille, vous dites vrai ; car quiconque aura bien soin de l'aimer parfaitement, croyez-moi, il ne manquera pas de le secourir de toute façon, pourvu qu'on le prie d'un cœur pur. (Sainte Barbe se met à genoux.)
Maintenant, je vous baptiserai dans la foi, et de plus, avant de partir, je mettrai tous mes soins à votre service. Je vous baptise dans la foi, sachez-le, au nom du Père, et puis du Fils, et en même temps du Saint-Esprit.
— Sainte Barbe. Je vous remercie vivement de ce bienfait et de votre peine ; Dieu, mon roi et créateur, bénisse l'heure où vous vîntes au monde et le temps qu'on vous a nourri !
— Valentin. Croyez-le bien et de bon cœur, ce fut assurément le fils de Dieu le Père qui daigna, par un moyen surnaturel, venir prendre en ce monde une chair pure, et qui nous a rendus bienheureux en mourant avec un corps semblable aux nôtres.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Notez :
a) le verre rouge gravé de la robe de Barbe, posée sur l'herbe. Ce fin verre rouge est plaqué sur un verre blanc. La couche rouge est "gravée", c'est à dire meulée afin de ne laisser qu'une succession de rectangles blancs.
b) le jaune d'argent, qui permet de "peindre" les cheveux blonds sur la pièce de verre blanc. Ce jaune est aussi utilisé pour la robe et les cheveux de l'ange, mais encore pour la mousse des rochers ou les fleurs sous la source.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Quatrième panneau : Légende : « Co[mm]e[n]t Sainte Barbe devisse la tierce fenestre en la tour ».
"En l'absence de son père qui la contraignait à résider dans un château-fort n'ayant que deux fenêtres, sainte Barbe indique à l'architecte, qui se trouve à côté d'elle, le compas à la main, de percer une troisième fenêtre pour honorer la Sainte Trinité. La sainte porte le costume flamand : robe rouge perlée de jaune, tunique or à perles blanches et cabochons de couleurs, manches doublées de violet, ceinture bleue. Elle est coiffée d'un bonnet flamand à bandes violettes et or perlées. L'architecte porte des chausses bleues à crevés, avec braguette, et une veste rouge ; il tient à la main un bonnet rouge. Près d'eux, un maçon tenant un pic, travaille. Il est en chausses rouges, veste violette à crevés, et tablier jaune. Sa tête est coiffée d'un bonnet rouge orné d'une plume jaune." (Couffon)
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Le texte du Mystère breton.
https://archive.org/stream/lemystredesain00erna#page/70/mode/2up
— Le Maître ouvrier parle à ses gens. Il faut, sans mentir, nous hâter de travailler de bon cœur; et sachez-le, nous aurons de l'argent et des biens, quand il reviendra à la maison, après avoir fait son affaire. Que chacun aille à ses outils !
— Le second ouvrier. Quel était le secret dont vous parliez tout à l'heure avec tant d'animation vous et le prince ?
— Le Maître ouvrier (An Mestr Mecherour) . Il m'a recommandé instamment de faire, sans faute, comme c'est son intention arrêtée, deux fenêtres raisonnables, au midi. Voilà, en toute franchise, ce qui s'est passé entre nous.
— Le second ouvrier. S'il n'a ordonné que cela, ce sera vite fait. Vous n'avez rien qui vous arrête : puisque nous avons assez de matériaux, nous les mettrons en place avant trois jours d'ici.
— Le premier ouvrier. Il faut vite, sans s'arrêter, les faire, et songer d'abord à nous y disposer : puisqu'il nous a recommandé expressément et, avant tout, de les faire, il n'y a pas à tarder, je l'atteste.
— Sainte Barbe. Pourquoi ne feriez-vous pas ouvertement trois fenêtres côte à côte? Ce serait plus convenable, je vous l'assure. Je trouve que vous faites des bévues quand je vois que vous n'avez fait que deux fenêtres depuis que vous avez commencé. Vous avez commis là une grande faute, de ne pas faire le plan dès le premier mois ; croyez-moi, vous avez eu tort : dans une tour travaillée avec tant de soin, c'est un défaut, sachez-le, de ne voir que deux fenêtres.
— Le premier ouvrier. C'est votre père, sans mentir, c'est notre maître qui nous a commandé de sa propre bouche de n'en point faire d'autre que les deux que nous avions commencées ; et nous n'oserions jamais en faire plus, puisque c'est son ordre.
— Sainte Barbe. N'ayez point de peur pour votre vie; mettez-en trois, et dépêchez-vous ; ne tardez point à m'obéir, et je vous dégagerai de tout blâme, et je vous soutiendrai contre tous; je vous garantis que vous n'aurez point de mal.
— Le maître ouvrier. Nous serions blâmés si nous en faisions trois : pardonnez-moi, je n'en ferai pas une de plus, car il nous a notifié sa volonté en termes très durs, et nous a défendu absolument la chose, sous peine du feu et de la tête.
— Sainte Barbe. J'empêcherai que personne vous inquiète pour ce motif, sous peine d'être bien puni, je vous l'assure; et j'apaiserai certainement mon père, de sorte qu'il ne vous fera aucun reproche : je suis tout à fait sûre de mon fait.
— Le Maître. Enfin, puisque vous nous exprimez ce désir, nous en ferons trois, bien mesurées, soyez-en certaine ; mais aussi si l'on nous blâme, si l'on nous fait des reproches et des scènes violentes, il faudra que vous me tiriez d'embarras.
[...] Dioscore est furieux et refuse de payer les ouvriers.
— Dioscore parle à sa fîlle. Or cà ! Dites-moi donc, mademoiselle, ce que vous aviez à vous mêler de ma tourelle, et quelle était votre intention, en faisant faire trois fenêtres ? Répondez-moi promptement ; il est manifeste que c'était par haine contre moi. Deux en dessous et une en haut, je ne sais pourquoi vous les avez mises, ni ce que vous songiez en faisant faire trois fenêtres au midi. Qu'est-ce que cela signifie ? Parle-moi franchement, du moins.
— Sainte Barbe. Trois donnent plus de clarté que deux, le fait est certain ; c'est pourquoi j'ai ordonné à l'ouvrier d'en faire artistement trois ainsi, selon mon goût : c'est maintenant la mode.
— Dioscore. Laisse donc ce vain et sot prétexte ; et dis-moi franchement pour quelle raison tu les as ainsi choisies.
— Sainte Barbe. Je vais vous le dire tout de suite : trois fenêtres, c'est ce qu'il y a de plus convenable, pour éclairer le mieux, je le sais.
— Dioscore. Dis-moi en un mot ce que tout cela signifie et en quoi cela éclaire mieux ; dis ta pensée franchement. Sainte Barbe. Je vais vous répondre à l'instant. Parce qu'il y a trois personnes dans le ciel brillant, qui ont une seule nature, une seule majesté, une seule pensée, une seule puissance, une seule dignité, un seul désir, une seule vertu, une seule volonté, une seule divinité.
— Dioscore. Quel fatras me débites-tu là ? Il est bien impossible qu'il existe une pareille merveille.
— Sainte Barbe. Je le dis et je le sais parfaitement ; dans le pouvoir divin de la Trinité sont intimement unis le Père et le Fils, sans mentir, avec la même dignité, et le Saint-Esprit, avec la même puissance, sans contredit. Ils sont absolument égaux, sans différence ; c'est une communauté bien unie, une alliance substantielle, une unité tout à fait complète, un seul esprit divin, une seule parole, une seule félicité, sans distinction.. Une seule substance, une seule essence, une seule vertu, une seule beauté, une seule sa- gesse, une seule unité, un seul bien, un seul état, une seule nature, une seule bonté, une seule activité, une seule immensité, une seule mesure infinie, une seule providence.
— Dioscore. Ceci n'est connu, je le sais fort bien, de personne au monde, que de loi ; et dans quel pays demeure cet être ? dis-moi jusqu'au bout ta pensée. Quelle sottise tu racontes là !
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Détails.
a) le verre rouge gravé de la robe et des manches de Barbe.
b) les pièces en chef-d'œuvre, prouesse technique comme l'indique le nom : une pièce de verre coloré est serti à l'intérieur d'un autre verre, ce qui suppose une découpe circulaire . C'est le cas pour deux des pierres précieuses (émeraude et saphir) du tablier de la sainte. Les deux autres pierres étaient peut-être également serties, avant d'être rejoint par un trait de refend qui a bénéficié d'un "plomb de casse" : l'avis d'un professionnel est nécessaire.
c) le compas à pointes sèches tenu par le maître des ouvriers.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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LE TROISIÈME REGISTRE.
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"Cinquième panneau : "Co[mm]e[n]t son père la bailla au prevost".
Sainte Barbe est livrée au juge par son père.
Au premier plan, la sainte, vêtue du même costume que précédemment mais les mains liées, est tenue par un valet, vêtu de vert, dont l'une des mains est posée sur son épaule, tandis que l'autre tient l'extrémité de la corde. Dioscore, coiffé d'un turban rouge, porte une longue tunique rouge, garnie de galons d'or avec perles blanches et à manches bleues. Il est chaussé de botte violettes, et a à la ceinture une bourse d'or à glands bleus. Il livre sa fille au juge Marcien. Celui-ci, assis sous un dais d'or garni de perlages blancs, porte un turban rouge à rayures écossaises blanc-jaunâtres et fond brun rosé. Il est vêtu d'une tunique jaune à perlage blanc, d'un manteau violet, de chausses bleues et de bottes jaunes.
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Le terme de Prévôt est cité dans la légende du panneau. Cela tend à prouver que c'est le Mystère breton qui a inspiré ce vitrail. [Un prévôt, à la tête d'une prévôté, était un officier de justice subalterne (ses décisions peuvent être changées par les baillis et sénéchaux) qui jugeait notamment en appel les jugements civils seigneuriaux. L'édit de Crémieu de 1536 lui donne le droit de juger certaines affaires en première instance. Les prévôtés n'existaient pas en Bretagne, hormis brièvement celles de Rennes, de Morlaix et de Lannion.]
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Détails.
a) le verre rouge gravé de la robe (mais non plus des manches).
b) Deux pièces montées en chef-d'œuvre se trouvent sur le manteau du père de Barbe. Les "diamants" ovales du tablier de la sainte sont simplement rendus par un enlevé du jaune d'argent.
c) les pompons de l'aumônière, marqués d'orientalisme si ce n'est d'hébraïsme.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Détails.
À gauche, le soldat qui tient ligotée la sainte porte un bonnet à plumet, parfaitement en usage lors du règne de François Ier chez les seigneurs. Un autre soldat porte un casque léonin. Mais les quatre autre hommes sont coiffés d'un turban pour indiquer leur altérité d'étrangers (par extension, ce sont les "méchants").
Barbe est également coiffée d'un turban, ou d'un bourrelet entouré d'une étoffe de soie et orné d'un gemme et de perles. Cela la désigne aussi Barbara comme une sainte étrangère, orientale, mais cela est atténué par le fait que cette coiffure, sous le nom de Balzo, était alors, notamment chez les belles italiennes, un accessoire fort à la mode.
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Le couvre-chef du prévôt est inspiré du bonnet conique hébraïque, non pas comme signe confessionnel, mais pour continuer à indiquer que ce juge est un turc, un oriental. Sa partie basse, en turban, est fait en verre rouge gravé pour rendre par les trois lignes blanches cette étoffe à rayures qui était utilisée pour entourer le boudin de bourre.
. Ces vies de martyre répondent à un principe constant, celui du parallèle entre leurs épisodes et ceux de la Passion du Christ. Baptême du Christ par Jean-Baptiste, Comparution devant Caïphe, Flagellation et Outrages trouvent ici leur correspondance, émaillée d'indices et de rappels.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Sixième panneau : "Co[mm]e[n]t le prevost la faict battre de verges"
La sainte est battue de verges.
La sainte, entièrement nue et attachée à une colonne, est fustigée par deux bourreaux en présence du juge. Le bourreau de gauche, coiffé d'un béret rouge, porte des chausses bleues à crevés et une armure richement ciselée, blanche et or, sur un pourpoint dont on voit seules les manches à points d'or. Le bourreau de droite, casqué, porte des chausses rouges et une veste verte. Le prévôt est vêtu comme sur le tableau précédent, mais le bourrelet de son turban est rouge, sans rayures ; il porte une bourse rouge à glands bleus." (Couffon)
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Texte du Mystère breton.
— Le prévôt. En gens experts et habiles, promenez-la en la battant, qu'il ne reste mâchoire ni lèvre qui ne soit vigoureusement frappée; que son sang coule tout de suite, des sourcils à la plante des pieds. Procurez-vous de durs bâtons, et des nerfs de bœuf solides; et avec cela, commencez à la frapper cruellement, sans égard; qu'elle soit, je vous l'ordonne, bien battue, immédiatement et continuellement, tant que vous durerez
Allons ! commencez deux à deux, à présent, à la châtier ; n'y manquez pas, je vous prie; n'épargnez chair ni os, ni bras ni jambe, sans vous arrêter ; qu'elle soit brisée sans aucun repos. Faites-la renoncer absolument à son Dieu et reconnaître tout de suite nos dieux suprêmes; et si elle ne le fait pas, je le dis carrément, il ne restera veine dans son corps qui ne soit déchirée entièrement.
— Agripant. Vous allez, sans tarder, la voir promener cruellement, à grands coups de bâton, croyez-le, et de durs nerfs de bœuf; son dos sera si bien battu, qu'il n'y aura pas de remède.
— Le prévôt. Sois ferme et je te récompenserai.
— Agripant. Vous verrez bien, quand je commencerai, que je la martyriserai cruellement, tant que je pourrai, je n'y manquerai pas ; allons, compagnons, faisons pleuvoir les coups sur ses côtes, qu'elle soit mise en pièces, sans mentir.
— Claudin. Je suis bien déterminé, comme vous, sachez-le, à la battre violemment.
— Loupart. Je le jure, par ma foi, je lui en donnerai. Allons ! tenez, entendez-vous, en travers du nez et des lèvres
— Glouton. Je veux la faire souffrir de toutes façons, et la tourmenter tant que je pourrai.
— Le Prévôt
Çà ! çà ! mes gens, tenez à l'honneur de la bien châtier ! Battez-la-moi bien dur et bien fort, sans faute, sans tarder et sans vous lasser ; frappez-la à coups redoublés de vos bâtons ; qu'il ne reste pas un coin de main ou de pied qui ne soit meurtri ; faites votre métier en gens consciencieux. Commencez, sans délai, avec les fléaux et les nerfs de bœuf, à l'accabler de plaies ; rendez-la déchirée, méconnaissable ; faites-la subir, sans égard et sans relâche, de cruelles douleurs, jusqu'à lui donner la mort à force de coups violents, si bien qu'on voie à nu les os de ses membres. Ne laissez pas en elle la moindre place qui ne soit déchirée. Hâtez-vous, à quoi pensez-vous donc? Déchargez sur elle une grêle de coups, pendant longtemps ; allez vite chercher de nouveaux fouets, aux nœuds durs, et avec eux, commencez à frapper sans faute. Car moi, je ne puis aucunement souffrir, je le jure, de voir injurier, par elle, nos dieux si purs, si souverainement parfaits ; aussi, à l'instant même, sans vous arrêter, frappez-la à coups redoublés, de la tête aux pieds ; maltraitez-la de votre mieux.
Ici ils se trouvent lassés et Agripant dit :
. Je suis si fatigué, que je n'en puis plus ; seigneur, regardez et voyez si elle n'est pas sérieusement châtiée.
— Le prévôt. Faites-moi sa chair pleine de douleurs et sa peau en lambeaux ; frappez-la sans aucun égard.
— Claudin. Ne voyez-vous pas les membres de son corps à nu, et aussi ses veines? N'est-elle pas mise en morceaux ?
— Loupart. Du diable si une seule veine est restée sans qu'on la voie, tant elle est en effet cruellement martyrisée.
— Glouton. Je crois qu'à présent elle est prête, qu'on peut la montrer à tout homme vivant sans que personne la reconnaisse.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Détails.
a) La pièce montée en chef-d'œuvre se trouve être ici le médaillon du turban de Dioscore.
b) la référence au Christ lié à la Colonne de Flagellation est évidente.
c) un nimbe est apparu au dessus de Barbe, comme si elle gagnait par ce supplice ses galons de sainteté.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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LE QUATRIÈME REGISTRE.
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"Septième panneau. Légende : "Co[mm]e[n]t les mamelles de tenailles décire[n]t ".
"La sainte, vêtue comme sur les quatrième et cinquième panneaux, est attachée à une colonne, sa robe défaite jusqu'à mi-corps ; deux bourreaux lui tenaillent les seins. Le bourreau de droite, nu pieds, porte des hauts de chausses rouges et une veste verte ; celui de gauche, caché en partie par le prévôt, est coiffé d'un casque d'or. Le prévôt est vêtu du même costume que sur le cinquième panneau, mais porte un manteau violet à manche doublées de jaune avec le bas rouge. Au dessus de ce panneau est un cartouche avec la date de 1538.
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http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1512211r/f155.image
Barbe est torturée par quatre bourreaux nommés Agripant, Claudin, Loupart et Glouton, sur ordre du Prévôt afin de l’obliger à renoncer à sa foi chrétienne. Mais la martyre ne ressent rien, au grand désespoir des tortionnaires. Voici le texte du Mystère breton :
Le PRÉVÔT. "Ah dea! frappez toujours, ne craignez rien : ce n'est qu'un passe-temps pour elle ! Il faut, maintenant, sur ma parole, qu'elle rende l'esprit pour de bon, au milieu des tourments et des souffrances en ce monde ; elle ne trouvera personne qui la guérisse,
Or çà, encore une volée de coups, sur son dos, son ventre et sa tête, car je voudrais la voir raide morte. Fustigez-la, sans aucun respect et sans honte, à grands coups; par ma foi, vous y allez mollement."
(Didascalie : Aman ez troucher he diu bronn "Ici on coupe ses mamelles.")
Squegiet diff astriff he diu bronn "Arrachez-moi violemment ses mamelles,"
Quen disacz un ha da un gonn : "sans plus de façon qu'à une truie"
Digoar he poull calon gronnet : "tirez-les de sa poitrine,"
Mar guelher frost he hall costou
Gant trauell hac he bouzellou : "qu'on voie toutes ses côtes à nu et ses entrailles"
Gruet hy entre dou badouet. : "que la douleur la fasse défaillir."
"Hâtez-vous, qu'elle soit livrée à une mort froide et douloureuse ; n'épargnez nulle partie de son corps, je vous prie ; car jamais je n'aurai de joie, soyez-en sûrs, tant qu'elle sera en vie et en santé. 595 J'ai grande hâte de voir mettre fin à sa vie en ma présence, avant que je parte d'ici ; maintenant, sur mes ordres, traitez-la le plus mal que vous pourrez, et expédiez-la sans égards.
AGRIPANT ." Seigneur, j'ai un couteau, voyez, qui les mettrait en pièces devant vous : il vient d'être aiguisé, je crois."
LOUPART. "Mon couteau est de beaucoup le meilleur; vous le verrez les couper parfaitement, tranquillement et en un clin d'œil, sans rien craindre."
CLAUDIN . "Laissez-moi avec elle, sots que vous êtes, j'ai un braquemart, assurément, qui les tranchera très bien, je le sais, à l'instant, devant tout le monde ; elles seront coupées tout net et séparées, il n'y a point de doute."
N.B :Les nourrices invoquent parfois Sainte Barbe parce qu'elle eut les mamelles coupées; mais elles s'adressent surtout à Sainte Agathe qui subit le même supplice et dont on conserve encore aujourd'hui l'un des seins à Catane.
Dans le Mystère en français et en cinq journées, le Prévôt se nomme Marcian et les bourreaux Contrefoy, Marinart, Marpault et Talifart. Les répliques sont plus sobres qu'en breton :
CONTREFOY : Ah Marinart que tu es flasque Retourne , apporte des couteaux.
MARINART : Je leur fais des dents à monceaux Ainsi qu'on fait à une scie.
MARPAULT : Je te supplie et que je scie
Tout le premier cette mamelle
Gentille, imagere et formelle
En beauté parfaite et formée
Vous serez icy difformée
Puisqu'à nous êtes exposée.
TALIFART
Soyez vous faut à reposée
Après me faudra employer
A la scier un bien petit.
MARCIAN
Sciez, sciez, car elle ne dit
Mot ne demi, elle ne sent rien.
BARBARA.
Que dirai-je, trop félon chien
tiran cruel, très dépiteux.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Détails.
Nous retrouvons comme de vieux amis les verres rouges gravées du bonnet du Prévôt et de la robe de Barbe, et le chef-d'œuvre de l'émeraude de son tablier.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Baie n°5 (1538), Vie de sainte Barbe, église de Moncontour. Photographie lavieb-aile septembre 2017.
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Huitième panneau. Légende: "Co[mm]e[n]t elle fut guérie par les anges".
"Après sa torture, la sainte, les mains liées, est condamnée à être conduite nue à travers la ville. Un ange, à ailes d'or et robe violette, pose sur son corps un manteau de damas or, tandis qu'un autre, en robe rouge et ailes d'or, la touche pour la guérir. Le bourreau, tenant la corde lui liant les mains, a des bas jaunes, des chausses bouffantes violettes à crevés, un pourpoint rouge à manches jaunes à crevés ; il est coiffé d'un béret rouge. Un garde, casqué d'une bourguignotte à couvre-nuque et jugulaire, porte un pourpoint vert à col d'or. Dans le fond, le palais en grisaille bleue avec pointes de jaune d'argent." (Couffon)
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LE TYMPAN.
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"Dans les deux mouchettes du bas du tympan, sainte Barbe a la tête tranchée par son père.
Puis, dans les deux mouchettes au-dessus, Dioscore est foudroyé et emporté par un démon ; enfin, dans la mouchette supérieure, au haut du vitrail, sainte Barbe est conduite au ciel par deux anges. On a beaucoup discuté sur le carton de ce vitrail que plusieurs auteurs ont attribué à Jean Cousin. Il faut pour cela n'avoir jamais vu un vitrail de cet artiste au « rayé » si spécial, ni n'avoir étudié son oeuvre aux personnages allongés et aux fabriques à pyramides ou colonnades circulaires si caractéristiques. " (Couffon)
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COMMENTAIRES.
"Ainsi que dans le vitrail voisin de saint Jean Baptiste, nous trouvons sur les costumes une profusion de damas et de perlages, spécifique de l'école des Pays-Bas, que l'on retrouve, par exemple, dans la célèbre parenté de la Vierge de Corneille Van Koninxloo.
"D'autre part, tant les académies que la figure de sainte Barbe dénotent l'influence de Lucas de Leyde. Est-ce à ce dernier artiste qu'il faut attribuer le carton des vitraux de Moncontour, comme plusieurs de ceux de Beauvais utilisés par Enguerrand le Prince, est-ce à l'un des nombreux artistes qui, à Anvers, hésitaient au debut du XVIème siècle entre les tendances de Dürer et celles de Jean Gossaert et de Lucas de Leyde, il est impossible de le dire en l'absence de documents.
"Ces vitraux furent-ils achetés directement en Flandre ou exécutés par un atelier breton ? L'énigme reste également entière. Toutefois, à quelques année de là, nous voyons à Rennes un atelier, dont la production fut très importante, exécuter des œuvres offrant de telles analogies avec les verrières de Moncontour qu'il n'est pas impossible de lui attribuer également ces dernières. Quoiqu'il en soit, l'influence de ces vitraux fut, ainsi que nous le verrons, considérable sur les ateliers régionaux voisins." (Couffon)
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ANNEXE. PRÉSENTATION DES MYSTÈRES. ( PETIT DE JULLEVILLE)
https://ia601409.us.archive.org/9/items/lesmystres02petiuoft/lesmystres02petiuoft.pdf
I SAINTE BARBE (en cinq journées)
Manuscrit. l'Incipit liber béate barbare. Biblioth. nationale, Fr. 976 (anc. 7299,3. Cangé, 11.) Vol. in-4°, medioc. 376 ff, lignes longues. Papier xve siècle . Ce mystère est tout entier en vers français ; mais le titre, les rubriques et toutes les indications de mise en scène sont en latin. Il ne faut pas confondre cette Vie de sainte Barbe, manuscrite, en cinq journées, avec la. Vie de sainte Barbe, imprimée, en deux journées, dont il sera parlé plus loin. Le premier mystère est à cent personnages, le second à trente-huit.
2°. Bibl. nat. Fr. 24335 à 24339 (La Vall. 75, 1 à 5). Copie moderne du précédent. Chaque journée fait un volume. En tout 1 125 pages. Cette copie est intitulée : Vita vel tragaedia bealae Barbarae virginis et martyris, (ilia (sic) Uioscori régis Sisten in Palestina, sub Maximiano imperatore, in quinque dies divisa. Une autre copie, du xviii" siècle, est à la Bibliothèque de l'Arsenal, n"^ 3496 et 3497 (anc. 273).
Cent personnages (parlants) : Au paradis : Dieu ; la Vierge; Anges (Michel, Gabriel, Raphaël, Uriel, Chérubin, Séraphin) ; saint Jean-Bapliste, l'ame de Barbe. Sur la terre : Honorius, pape ; cl trois chapelains ; le roi de Chypre, ses chevaliers (Chanibelloys, Mousset, d'Argouze); son messager (Pontzonnet); son connestable,et les chevaliers du connestable (Jaspar de Ri- chefleur, Bertault, Bruysart); son amiral, et les chevaliers de l'amiral (Yvan de Vausac, le Bourg de la Raque, et Blandchaudin) ; Origene, docteur, evesque d'Alexandrie ; son clerc (Blondelet); Ysachar, prestre; saint Valenlin, prestre; Liepart, capitaine d'Alexandrie; Moradin et Yvroin, soldats; Norain et Maleteste, gardiens des portes d'Alexandrie; Jousquin, pèlerin; l'ymagier; Dioscorus, père de Barbe, roi de Sisten, en Palestine; Barbe, sa fille; Galathée, damoiselle de Barbe; Flori- mond, Laomedon, Adrascus, soldats de Dioscorus; Brandinas et Palaniides, ses chevaliers; Grongnard, Corniberl, Roullarl, bourreaux; Lancevent, messager; Marcien, prevost de Nicomedie; Alimodes, Pcrseus, ses chevaliers; Conlrefoy, Marinart, Marpault, Talifart, ses bourreaux; maistre Amphoras: maistre Alphons docteurs; Amphiteas, Jozas, prestres, payens; le maire de Nicomedie; ses gens (Fervault, Charlin) quatre femmes, Thamaris, Galathea, Cassandra, Athallenta ; ïhescus, Antheon, payens; Josset, orfèvre; Gandeloche, Murgalant, maçons; Gourlant, Bourle, pasteurs; Briffault, démoniaque, Mallepart, chartrannier; Maliverne, aveugle; Malnourry, boiteux; Linart, sourd; Clicquepate, et Malaisé, pauvres ; Dyogene, gouverneur d'Egypte sous Maximien ; Bruant, Frigolant et Gombault, ses chevaliers; Braconnet et Brisevant, ses messagers; Rifflemont, prince persan; Rigault et Brucher, ses chevaliers; l'ame de Dioscorus; Diables : Lucifer, Sathan, Astaroth, Leviathan, Berith, Belial, Belzebuth; le fou (Stultus).
Dans le manuscrit 976, la première journée occupe les feuillets 1-66. La seconde, les feuillets 67-158 (P" 159-160 sont blancs). La troisième les feuillets 161-235 (f» 236 est blanc). La quatrième les feuillets 237-291 (f° 292 est blanc). La cinquième les feuillets 293-376. Le nombre des vers est de vingt mille environ : 11 n'y a ni prologue ni épilogue.
–Premiers vers:
REX DYOSCORUS Ha Jupiter et Baratron, Caliu, mon souverain patron, Mercure, Mars, Dieux haullz clamez, Tcrvagaut. Plieton, Licaon, Oncques cueur humain ne m'a lioni Autant que je vous ay aimez.
– Derniers vers :
Or sus, grande révérence, Chappellains, portez ceste ymaige. l'RIMUS CAPPELLANUS Nous le ferons de bon conraige Pour l'onneur de la sainctc vierge. Chacun porte torche ou cierge Et allons sans séjourner plus, Chantant Te Deum laudamus.
Les marges du manuscrit sont remplies d'indications relatives à la mise en scène. La plupart du temps ces rubriques sont en latin. Ainsi, à l'entrevue de Barbe avec son père (folio 6 v") : Veniat Barbara ante patrem et salvet eum se inclinando, et Rex descendat de calefato et slet in ludo prope, super unum scamnum prœparalum, cum suis militibus. Quelques indications sont pourtant en français : « Nota que maistre Amphoras et maistre Alpbons doivent estre ou jeu auprès Nicomedie, et fault qu'ilz ayent une table couverte d'un tappiz et des livres dessus miz, et doivent estudier. » (folio 9).
Plusieurs de ces notes marginales offrent des renseignements curieux. On voit qu'à diverses reprises une véritable cavalcade traversait la scène : « Ascendat super equos Rifflemont cum suis militibus. » Ailleurs il se livre un petit combat de cavalerie.
Au reste l'auteur admettait que son œuvre ne fut pas représentée en tous lieux avec la même mise en scène (f" 136 r) : « Appropinquent Rifflemont, Rigault et Brucher civitatem secundiim exigenciam loci, et maneant ceteri loco pristitio. » La multiplicité des lieux où l'action se passe pour ainsi dire simultanément, rendrait tout à fait inexplicable la représentation de ce mystère, si l'on ne devait tenir compte de cette circonstance qu'il est en cinq journées. Certaines dispositions de la scène, utiles pendant une seule journée, disparaissaient pendant les autres. On lit ainsi (303 b) : Fiat motu in ludo ubi decolatio eril fada. De la même façon le cimetière de Saint-Galixte in medio ludo ne servait que dans la cinquième journée, et ne devait être disposé qu'après que la quatrième était finie, peut-être même pendant une des pauses de la cinquième journée.
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(Première journée.) Dioscorus, roi de Nicomédie, veuf depuis peu et fort affligé, fait pour se distraire, instruire sa fille Barbe par deux docteurs (dont l'un s'appelle maître Alphons et l'autre maître Amphoras). Ces maîtres font lire à la jeune fille cent auteurs, dont Boccace, qui vécut au XIVe siècle. Ils lui exposent toute la mythologie. A la fin Barbe s'endort; et pendant son sommeil la sainte Vierge prie Dieu d'éclairer cette jeune âme. La leçon reprend ; mais cette fois Barbe fait de terribles objections à l'existence des dieux païens et réduit les docteurs au silence.
Peu après le roi célèbre un sacrifice solennel ; pendant la cérémonie, Barbe s'entretient avec un chrétien obscur dont les paroles jettent dans son âme les premiers germes de la foi.
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(Seconde journée.) Rifflemont, prince de Perse, est devenu amoureux de Barbe pendant la cérémonie ; il la demande en mariage; la princesse le refuse, Comme elle demeure dans une sorte de tour que son père lui a fait construire, elle y reçoit en secret un chrétien qui lui est envoyé d'Alexandrie par Origène. Lucifer pour se venger inspire à Dioscorus l'idée de persécuter les chrétiens. Il vient les assiéger dans Alexandrie, qui est presque toute chrétienne ; mais il est repoussé avec perte par Origène.
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(Troisième journée.) Saint Jean-Baptiste en personne vient baptiser Barbe. Dioscorus est de retour, et en fureur contre les chrétiens ; c'est à ce moment que sa fille lui avoue sa foi. Il veut la percer de son épée, elle lui échappe miraculeusement; mais bientôt on la retrouve et on la jette en prison. Le roi la livre au prévôt Marcian, qui la fait cruellement fouetter.
(Quatrième journée.) Barbe, attachée nue à unpoteau, loue Dieu pendant que les bourreaux se fatiguent à la battre. Puis on la ramène en prison, où Dieu et les Anges viennent la visiter. Tirée de sa prison une seconde fois, elle voit son corps déchiré par des peignes de fer, brûlé par des torches ardentes ; on veut écraser sa têle sous des maillets d'acier, mais on n'y peut parvenir ; on lui arrache les seins; on la condamne à être promenée nue par la ville ; au moment où on va la dépouiller, une tunique est jetée sur elle par un ange et ses bourreaux deviennent aveugles. Barbe leur rend la vue par ses prières. Le prévôt déconcerté la renvoie à Dioscorus.
(Cinquième journée.) Dioscorus fait rouler sa fille dans un tonneau armé de clous, sans réussir à la blesser. Alors, la traînant par les cheveux sur une montagne, il lui coupe la tête. Aussitôt il est foudroyé ; son âme est emportée aux enfers pendant que celle de sa fille est conduite au ciel par les anges. Scène infernale; les diables bafouent Dioscorus en chantant et en dansant un branle. Puis saint Valentin ensevelit le corps de sainte Barbe, et sur son tombeau un aveugle, un boiteux, un sourd, un démoniaque, sont miraculeusement guéris. Un singulier épisode termine la pièce.
Une armée chrétienne vient de Chypre et d'Alexandrie mettre le siège devant Nicomédie ; la ville est prise et tous les païens tués. Deux chrétiens qui ont péri ressuscitent sur le tombeau de Barbe. Le corps de cette sainte est emporté pompeusement à Rome et déposé au cimetière Saint-Galixte en présence du pape Honorius.
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Il y a dans cette pièce un rôle important, mais qui n'est pas mêlé au drame ; c'est celui du stultus ou fou. A différents intervalles, et jusqu'au milieu du martyre de la sainte, il s'avançait en scène, chargé de distraire et d'égayer les spectateurs par les folies qu'il leur débitait, et qu'on lui laissait improviser et varier à son gré ; dans d'autres mystères le rôle du fou est écrit tout entier. Ici, le texte porte seulement plusieurs fois : Stultus loquitur ; mais nous ignorons ce qu'il disait, et s'il improvisait en vers ou en prose.
Notons quelques particularités du texte. Au sacrifice de la première journée, les païens disent quinze prières en vers rétrogrades; c'est-à-dire disposés de telle sorte qu'on peut les lire dans l'ordre inverse, et trouver un sens : nous citerons la plus curieuse de ces prières ; c'est une femme, nommée Athallenta, qui parle.
Dieux infiniz par la vostre puissance,
Bessez ung pou des femmes le langaige.
A leurs mariz mainteffoiz font nuisance
Par trop parler, par fierté de couraige.
Se parloient pou ce seroit avantaige ;
Bon leur seroit avoir humilité.
Les mariz ont deshonneur et dommaige,
Quant femmes ont par foiz auctorité.
Une autre femme, nommée Galatea, répétait ce couplet, en commençant par le dernier vers. Il y a dans ce mystère un grand abus de tirades théologiques, par exemple dans la lettre d'Origène à Barbe, dans les discours d'Ysachar à la jeune fille, et en général dans tous les rôles des personnages chrétiens. La partie pathétique et tragique est presque partout très faible, de style et de pensée. La partie comique ou simplement familière est beaucoup meilleure. Nous citerons un morceau de ce genre. Quand Barbe est demandée en mariage, Dioscorus consulte ses conseillers :
Chacun de vous peult bien scavoir
Que Barbe est encor trop jeunette
Pour marier, et bien tendrette.
Dioscorus, qui aime sa fille pour lui-même plus que pour elle, voudrait la garder auprès de lui, et ne s'en cache point :
C'est toute ma prospérité,
C'est mon solas, c'est mon reffuge
Et pour ceste cause, conclu-je...,. De mon gré ne la mariray.
Les conseillers du roi osent n'être pas de son avis, et blâment assez franchement cet égoïsme paternel. Dioscorus doit sacrifier sa tendresse à l'intérêt de sa fille.
Prenez son bon eur quand il vient,
disent-ils assez heureusement. Le roi n'entend pas ce langage, et ne peut se résigner à se priver de son enfant.
C'est mon trésor, c'est ma richesse ;
C'est la fleur de ma gentillesse ;
C'est ce qui fait mes yeulx repaistre.
Par Apolin qui me fist naistre,
J'aimeroys trop mieulx par fortune
Perdre mes chevauix, ma pecune,
Voyre ma terre grant et lée,
Que d'avec moy s'en fust allée
Et j'en perdisse le regard.
Les conseillers reviennent à la charge avec des arguments curieux :
Fault-il donc qu'el perde son bien
Pour vostre plaisir seuliement ?
La cuidez vous donc longuement
Garder en une tour enclouse,
Et que jamais ne soit desclouse?
Cela n'est pas bien prouffitable ;
Et ce chemin est trop doubtable.
Quar par garson, ou par meschine,
El pouroit tantost estre incline
A faire mal, ou desraison.
Puis que l'on vous offre raison,
Je vous pry ne le reffuser.
La ferez-vous son temps user
En une tour, en solitude ?
Pensez que s'el mect son estude
A quelque maulvais pensement,
Tousjours continuellement
Y pensera, veuillez ou non....
Femme seulle en tour ou en salle,
Est toute divine, ou brutalle.
L'aventure en est bien doubteuse,
Bien dangereuse, et périlleuse.
Pensez que jeune, et fille, et tendre,
Peult souvent mal faire et mesprendre...
Chacun doibt le plus toust qu'il peult
Sa fille mettre en mariage ;
Qu'on cuydc garder longuement
Ce que l'on pert subitement.
Tel cuyde fille garder bien
A qui la garde n'en vault rien....
Les mêmes conseillers font un portrait peu flatté des filles de leur temps, c'est-à-dire des filles du xve siècle, puisque l'auteur, nous le savons, ne peint jamais que ses contemporains, la scène fut-elle en Nicomédie, et du temps de Maximien, comme il arrive ici. Les défauts qu'ils blâment en elles sont d'ailleurs ceux que de tout temps les moralistes un peu grondeurs aiment à reprendre chez les jeunes femmes.
Voyez les filles du présent.
Comme sont mal morigénées,
Les aulcunes sont inclinées
A joliveté, convoitise,
A jeuz, les quels rien je ne prise,
Aux regards sotz et dissolutz,
A maintiens mauditz et polluz...
Elles contrefont les maistresses,
Et parlent en maintes manières.
Et ont les langues si legieres
Qu'elles semblent estre avocatz,
Tant comptent hardiment ung cas;
Et si advient que père ou mère,
Oncle, tante, seur ou frère
Les reprennent par grant doulceur,
Ilz prennent tout ce par rigueur (folios 70-73)
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II. SAINTE BARBE. (En deux Journées.)
Editions.
— La vie et hystoire de madame saincte barbe par personnaiges avec plusieurs des miracles d'icelle et si est a trente et huit personnaiges dont les noms s'ensuivent. Paris, Vve Trepperel et Jehan Jehannot, in-4° goth. de 30 ff. à 2 col.
— La même, Rouen, Jehan Burges, sans date, pet. in-i" goth., 28 fl\ (vers 1520).
— La même, Paris, Pierre Sergent, pet. In-io goth., 28 ff.
— La même... à quarante personnages. Nouvellement revue et mise en son entier, et corrigée tant au sens que a ia rithrae. Paris, Simon Calvarin, in-4° goth., 30 iï. à 2 col.
— La même, Lyon, Olivier Arnoullet, 1542, pet. in-8» goth., 79 ff.
— La même, Lyon, Pierre Rigaud, 1602, in-16. de 79 ff.
— La même, Troyes, Nie. Oudot, sans date (commencement du XVii« siècle), in-16, 58 ff.
3500 vers environ, quarante personnages (la liste de l'édition originale a omis l'aveugle et le boiteux). Sathan; Leviathan; Astaroth ; Crochart; Reliai; Lucifer; la folle femme; le messaigier de Marcian ; le premier chevalier deiMarcian; Marcian empereur; le deuxiesme chevalier de Marcian; le messagier Dioscorus ; le premier chevalier Dioscorus; Dioscorus roy; le deuxiesme chevalier Dioscorus; la royne; Rarbe ; la première, la seconde, la tierce pucelle; le premier, le second, le tiers, le quart tirant; le chartrenier; le premier chevalier du prevost ; le prevost ; le deuxiesme chevalier du prevost; l'evesque de la loy; le prestre de la loy; le premier, le second masson; le premier, le second pastour; Therniite; Dieu; Gabriel; Michel; l'aveugle ; le boiteux. « L'acteur » fait, selon l'ordinaire, la désignation des divers person nages et résume d'avance la pièce. Il paraît y avoir eu onze échafauds dis tincts : le paradis ; l'échafaud de Marcian et de ses gens; celui de Dioscorus; la chambre de Barbe; l'échafaud des quatre tirants; peut-être une place distincte pour les messagers ; la chartre de l'empereur : On n'y voit clarté ne lueur Au parfond quant on y regarde. L'échafaud du prevost ; celui des pauvres ; le gibet ; la chambre où Barbe sera enfermée avec une femme de mauvaise vie; enfin l'enfer.
Devant vous ay tout publié.
Il n'y a plus que cest hermite
Que j'avoys icy oublié.
Puis l'acteur demande le silence, et prend ses précautions contre la censure :
Si nous disons riens contre droit
Et contre la saincte escripture
Nous le revocon cy endroit.
« Ouo finito, meretrix cantet quamdara cantilenam voluntariam etfaciet signa araoris illicite. » Ce que l'édition Caluarin traduit : « Icy la folle femme se présente et commence en chantant la chanson suyvante ou autre, avec gestes d'amour dissoluz et lubriques. »
Voicy la chanson (édition Caluarin) beaucoup plus décente que la note :
Tant que vivray en aage florissant
Je serviray amour, le dieu puissant,
Eu faictz, en ditz, en chansons et accords.
Par plusieurs jours m'a tenu languissant,
Mais puis après m'a fait réjouissant
Car j'ay l'amour de la belle au gent corps.
L'action commence après cette chanson. Dans la première journée l'empereur décrète la persécution contre les chrétiens. Le roi Dioscorus et sa femme s'en vont en voyage, laissant Barbe leur fille enfermée dans une tour très forte ; ce qui n'empêche Barbe, mal gardée par deux pucelles qui s'oublient à jouer au trente et un, d'être convertie et baptisée par un ermite. Les démons pour la perdre sont déchaînés sur la terre.
Dans la seconde journée, Dioscorus revient, apprend que sa fille est chrétienne et tout d'abord veut la tuer ; puis la livre à Marcien qui , après l'avoir torturée d'une horrible façon, la livre à une femme perdue chargée de corrompre la jeune vierge. Mais c'est Barbe qui exorcise et convertit la tentatrice, puis bat le diable, dont elle la délivre.
Alors Marcien renvoie Barbe à Dioscorus, qui décapite lui-même sa fille. L'âme de la sainte est portée au Ciel; des miracles accomplissent sur sa tombe. Les démons emportent ses bourreaux.
L'ermite termine la pièce en disant ces vers :
Or est morte la vraye martire !
Dont je requier Dieu, nostre sire,
Qui luy face pardon a l'ame.
Helas ! c'estoit tant bonne dame !
Je luy donné crestienté,
Et la mis dehors d'orphenté ;
Dont en paradis est saulvée. Elle fut en bonne heure née.
En louant le Dieu de lassus
Chanton Te Deum laudamus.
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SOURCES ET LIENS.
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— CASSARD (Jean-Christophe), En Bretagne au Moyen Âge, l'impensable sainteté féminine ? In Luc Capdevila, Sophie Cassagnes, Martine Cocaud, et al.Le genre face aux mutations, p. 55-69
— COUFFON (René), [1935] Contribution à l'étude des verrières anciennes du département des Côtes-du-Nord, Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord. T. 67 1935, pages 167-171
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k441314t/f196.item
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