La charpente sculptée de l'église de Bodilis. VII. Les abouts de poinçon de la nef (1567-1576, Maître de Pleyben).
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Sur l'église de Bodilis, voir :
Les sablières de l'église de Bodilis. I. La scène des semailles et du labour (anonyme, 1567).
Les sablières de l'église de Bodilis. III. Le coté nord de la nef.
Les sablières de l'église de Bodilis. IV. Le coté sud de la nef. (Maître de Pleyben, 1567-1576).
Les entraits sculptés à engoulants (1567-1576) de la nef de l'église de Bodilis.
Les sculptures de l'église de Bodilis : la Déploration (Bois polychrome, XVIe siècle)
Les sculptures de l'église de Bodilis : les Fonts baptismaux (Roland Doré, XVIIe siècle).
Les sculptures de pierre de l'église de Bodilis . I. Le portail intérieur (1570) du porche sud.
.Sur les autres réalisations du Maître de Pleyben, voir :
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Vous pourrez lire aussi, sur le sujet des poinçons, les articles suivants :
La charpente sculptée de l'église Saint-Yves de La Roche-Maurice. Les abouts de poinçon du chœur.
L'enclos paroissial de Dirinon V. Les sablières (1623), les blochets et poinçons.
Les sablières et poinçons de l'église Notre-Dame et Saint-Michel de Quimperlé.
Quelques pièces sculptées de la charpente de l'église de Grâces à Guingamp. Les abouts de poinçons.
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Et sur les anges musiciens :
- La chapelle N.D. du Crann à Spézet.
- L'église Saint-Houardon à Landivisiau
- Chapelle Notre-Dame de Carmès à Neulliac : les lambris peints du XVe siècle
Les anges musiciens des voûtes de l'église Notre-Dame de Kernascléden (ca 1440).
- Les sablières de Saint-Sébastien au Faouët
- Joueur de cornemuse, chapelle Saint-Yves, Priziac, photographie lavieb-aile.
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La nef de l'église Notre-Dame de Bodilis comporte plus de 30 poinçons (j'en ai compté 37), ces éléments verticaux de la charpente dont l'extrémité basse, seule visible sur une voûte lambrissée, est sculptée. Ce sont ces "abouts de poinçons qui, lorsqu'on lève la tête dans la nef, sont alignés sur la nervure médiane au croisement de chaque nervure en arceau compartimentant le lambris.
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La charpente est datée par les chronogrammes 1567 et 1576 portés par par le quatrième entrait (la poutre horizontale réunissant les murs nord et sud) et le sixième entrait. Si les fermes de charpente suivent la même chronologie (autrement dit, si la charpente a débuté à l'ouest, à partir du clocher, en 1567 et s'est poursuivie et achevée, en 1576, par la moitié orientale de l'édifice), dans ce cas, les poinçons trouvent là leur datation.
Cela est confirmé, pour la première phase, par P4 (je numérote les abouts de poinçons, simplifiés en "poinçons" ou P, à partir de l'ouest), au dessus du premier entrait : la sculpture est celle d'un ange portant un phylactère déroulé sur son genou nu saillant de sa tunique avec le chronogramme 1567.
La restauration de la charpente en 200-2002 a fait intervenir, pour la sculpture, Thierry Laudren. Les poinçons ont été peints (j'ignore s'il s'agissait de la couleur d'origine) du même bleu que le lambris, avec une patine bois mettant en évidence les reliefs.
La distance de ces petites pièces de bois, et le manque de nuances de la monochromie bleue, font de leur photographie une véritable gageure pour l'amateur que je suis. La comparaison avec les mêmes pièces, prises en atelier (site de T. Laudren), est significative.
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I. ANGE PRÉSENTANT LE CARTOUCHE 1567.
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Je les présenterai par thème : les musiciens ; les acrobates contorsionnistes ; les anges porteurs d'Instruments de la Passion, etc.
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II. LES ANGES MUSICIENS.
Ils sont au nombre de 9 :
1. Cornemuse
2. Flûte à tambourin
3. Flûte traversière.
4. Tambourin (?)
5. Cromorne.
6. Rote (?).
7. Mandore.
8. Luth.
9. Guitare.
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1°) Le joueur de cornemuse. Poinçons P12.
Voir la description de Jean-Luc Matte avec les photos de Joël Lubin:
"Représenté en buste, il possède deux grandes ailes et une chevelure bouclée. Il tient sa cornemuse serrée sous le bras gauche. Un curieux renflement, qui pourrait faire penser à un second sac, de plus petite taille, apparaît devant son coude droit" (J.L. Matte)
Le "curieux renflement" correspond à un pli de la tunique. Trois parties de l'instrument sont visibles, le porte-vent dans lequel souffle l'ange, la poche, et le chalumeau où sont posés les doigts.
Je rappelle qu'on retrouve cet instrument sur l'un des poinçons de la chapelle du bas-coté sud de l'église de Bodilis, et, toujours sous le ciseau du Maître de Pleyben, à Saint-Divy (blochet) , à Pleyben (blochet) et à Kerjean (poinçon).
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2°) L'Ange joueur de flûte à tambourin.
Commentaire de Jean-Luc Matte :
"Flûte à trois trous et petit sur la peau duquel est nettement représenté le timbre (corde de boyau modifiant le son de l'instrument et faisant durer celui-ci, très fréquent sur les tambours utilisés avec des flûtes à trois trous)".
a) J'ai observé et décrit cet instrument (flûte et tambourin n'en forme qu'un seul) sur la maîtresse-vitre d' Ergué-Gabéric :
http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-anciens-de-l-eglise-d-ergue-gaberic-123229458.html
"Le musicien joue du "galoubet" ou "flûte de tambourin" indissociable du tambourin suspendu au poignet gauche; il s'agit d'une flûte à bec qui se joue à une main (la gauche), la main droite étant occupée à frapper le tambourin (cf joueur de la lancette d, mieux lisible). On voit que la flûte, évasée à son extrémité, est dotée de deux trous près de l'embouchure et d'un autre au-dessus. Le tambourin est ici de faible hauteur, mais la peau est tendue par un laçage en X comparable aux tambourins provençaux. Une barre divise le cadre en deux. "
b) plus intéressant, je l'ai découvert sur les poinçons de Saint-Divy, sculptés comme à Bodilis par le Maître de Pleyben. Nous y trouvons un blochet joueur de cornemuse, et bien d'autres pièces qui se retrouvent aussi à Bodilis.
http://www.lavieb-aile.com/2017/07/la-charpente-sculptee-de-l-eglise-de-saint-divy-finistere-par-le-maitre-de-pleyben-vers-1570-1580-sablieres-blochets-et-clefs-de-vou
Joueur de galoubet (flûte tambourine à trois trous et tambour).
La flûte tambourine à trois trous est un instrument en bois d'une trentaine de centimètres qui se joue de la main gauche tout en marquant le rythme sur un tambourin, "un tambour très allongé dont le timbre est situé sur la peau de frappe, et qui est « touché » à l'aide d'une massette tenue dans la main droite." (Wikipédia). C'est exactement ce que nous voyons ici ; la peau du tambour est tendue par un corde qui entre en résonance. Cet instrument, souvent représenté en Bretagne (vitraux d'Ergué-Gabéric (où je l'étudie), de Bulat-Pestivien, de l'église de Ploërmel) se retrouve sur les sablières de La Roche-Maurice et de la chapelle Saint-Nicolas-des Eaux de Pluméliau.
Les vitraux de Bulat-Pestivien : les Anges Musiciens.
Les vitraux de l'église Saint-Armel de Ploërmel.
c) plus récemment, c'est sur la baie 17 de la cathédrale d'Évreux que nous refîmes connaissance, parmi d'autres anges musiciens (flûte, cornemuse, mandore, monocorde, cymbales à mains).
http://www.lavieb-aile.com/2017/10/les-vitraux-de-la-baie-17-vers-1360-1370-de-la-chapelle-du-rosaire-de-la-cathedrale-d-evreux.html.
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Dans une vue latérale, nous voyons mieux le tambour, un cylindre assez haut, et le système de tension de la peau par un cordage en zig-zag.
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3°) L'ange joueur de flûte traversière.
Il est également photographié sur le site de J.-L. Matte.
http://jeanluc.matte.free.fr/fichac/bodilispoinc.htm
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4°) L'ange joueur de tambourin.
Voir J.-L. Matte
http://jeanluc.matte.free.fr/fichac/bodilispoinc.htm
L'identification de l'instrument n'est pas certaine, car la posture de jeu n'est pas convaincante. Il ne s'agit peut-être pas d'un musicien.
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5°) L'ange joueur de trompe coudée ou de cromorne.
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L'instrument que nous voyons est remarquable par l'ampoule placée juste en dessous de l'embouchure, par la courbure à angle droit du tuyau, et par le très large pavillon. La capsule ronde ("bocal" ? ) est visible sur une image des Cantigas de Santa Maria, et l'auteur de ce site s'interroge de savoir s'il s'agit d'une coloquinte ou d'une partie en bois tourné. Quant au pavillon, je l'ai trouvé sur le Oboe da cassia (hautbois de chasse), un instrument du XVIIIe.
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6°) L'ange joueur de rote.
L'instrument à forme d'échelle, tenu verticalement contre la poitrine de l'ange, est un bâti trapézoïdal équipé de sept lames rectangulaires, auxquelles correspondent, sur le montant supérieur, sept touches.
La partie la plus large se termine par deux volutes, et la partie étroite s'enroule comme un rouleau de parchemin. Je ne distingue pas la main droite (dissimulée par le montant large), alors que la main gauche passe au dessus du "rouleau", les doigts se posant sur une lame un peu à la manière de ceux d'un harpiste.
Jean-Luc Matte nomme cet instrument "une rote", comme dans Tristan et Iseult. Le Wiktionnaire la définit ainsi : "Instrument à cinq cordes, variante de la lyre, accordé de quatre en quatre, avec une caisse triangulaire et un bourdon monté en dehors du manche.". Ailleurs, on indique que la rote, ou crouth, se joue avec un archet :
"Le crwth ou crouth, aussi appelée la rote, est un instrument d’origine galloise ou irlandaise, probablement du Xe – XIe siècle, date à laquelle l’emploi de l’archet est devenu commun en Europe occidentale. Il s’agit de l’un des derniers instruments dont aient joué les bardes historiques de la fin du Moyen Âge et de la Renaissance." http://www.valleeducousin.fr/spip.php?article289
Pourquoi pas un psaltérion ?
"Ses cordes, initialement en boyaux puis faites de métal, sont fixées par des chevilles au-dessus d'une caisse de résonance plate, comme la cithare dont il est en réalité une des formes sur table. Son cadre est triangulaire ou trapézoïdal, avec de nombreuses variations de forme comme le groin de porc (une sorte de trapèze dont les petits côtés s'incurvent vers l'intérieur). Les cordes vont par paires pour chaque note, et sont montées tête-bêche.
Il est possible d'en jouer en pinçant adroitement les cordes avec les doigts ou avec un plectre (en plume d'oie), ou bien en les frottant avec un archet. Il est également possible de frapper les cordes avec le bois de l'archet ou des petits marteaux, ce qui est peut-être à l'origine du tympanon. L'instrument est joué en appui sur les genoux ou relevé contre la poitrine." (Wikipedia)
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7°) L'ange joueur de mandore.
J'ai déjà décrit ce joueur de mandore parmi les poinçons du bas-coté sud (le n° P12), et j'ai déjà signalé qu'il est l'un des motifs préférés du Maître de Pleyben qui se plait à représenter l'instrument comme une figue molle enroulée autour du corps du joueur. Il est présent aussi à Pleyben (poinçon du transept), Saint-Divy, Sainte-Marie-du-Ménez-Hom, et à Kerjean.
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8°) Le joueur de luth.
L'instrument est monoxyle, en forme de demi-poire, à caisse ouverte de deux ouïes en C ; nous distinguons trois cordes. Ni frettes, ni chevalet, ni chevilles apparentes.
Le jeu : cordes pincées entre pouce et index (ou petit plectre mal visible). Instrument tenu sur le genou droit et l'épaule gauche.
Malgré des points communs, les différences sont importantes avec la joueuse de luth à long manche du blochet de la deuxième salle du bas-coté nord de Bodilis.
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9°) P35 (chœur) : L'ange joueur de "guitare" .
L'instrument à cordes : pas d'ouïes, pas de rosaces ; trois cordes. Manche a priori rapporté, sans frettes. Corps incurvé comme nos guitares. Cheviller en volute, sans cheville apparente. Luth, ou guitare Renaissance ?
Le jeu : instrument posé sur les genoux, diagonale vers le haut et la gauche ; ni plectre ni archet, donc instrument à cordes pincées. La position des mains (main droite brisée) est celle d'un guitariste.
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III. LES ACROBATES CONTORSIONNISTES.
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C'est en étudiant les poinçons de l'église de Grâces-Guingamp de 1508, que j'ai découvert tout l'intérêt de ce motif iconographique, sur le plan symbolique voire ésotérique, que gymnique, ou sexuel.
Comme à Grâces, Bodilis nous donne un bel échantillon de ce thème.
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1°). P2 (deuxième poinçon à partir du mur ouest) Ange nu tenant ses chevilles.
Aussi surprenant que cela m'apparaisse, il s'agit incontestablement d'un ange, et tout aussi incontestablement il adopte une pause de "tenue des chevilles" propre aux contorsionnistes, par exemple sur les crossettes des églises. Parlons donc plutôt ici d'un putto exhibitionniste.
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Putto tenant ses chevilles, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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2°) Deux contorsionnistes faisant un renversement postérieur en se tenant par les chevilles.
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Contorsionniste, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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Contorsionniste, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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3°) Contorsionniste en renversement postérieur, équipé de grelots sur les cuisses.
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La figure est complexe, et il faudrait l'étudier d'avantage. Un acrobate à visage d'enfant poupin et bouclé exécute un renversement postérieur, en tenant ses chevilles. Il est équipé d'une culotte à grelots, et d'un pourpoint découpé d'entailles en flammes, comme un bouffon.
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Contorsionniste, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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Contorsionniste, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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4°) P30. Contorsionniste exhibitionniste en érection, montrant le trou de son cul, en renversement, tenant ses chevilles.
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Contorsionniste, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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Contorsionniste, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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5°) P33. Contorsionniste nu, en renversement, aux bras en volutes. (création récente).
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Contorsionniste, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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Contorsionniste, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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IV. ANGES TENANT UN INSTRUMENT DE LA PASSION.
1°) Ange tenant la Couronne d'épines.
Ange tenant la Couronne d'épines, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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2°) Ange tenant le marteau et les clous de la Mise en Croix.
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Ange tenant le marteau et les clous de la Passion, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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Ange tenant le marteau et les clous de la Passion, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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VI. ANGE ORANT, BRAS ÉCARTÉS.
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Encore un des motifs habituels du Maître de Pleyben, repris sur ses différents chantiers.
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VI. ANGE PRÉSENTANT UN PHYLACTÈRE.
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Ange présentant un phylactère, poinçon de la charpente de l'église de Bodilis. Photographie lavieb-aile avril 2018.
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VII ANGES PRÉSENTANT DES CARTOUCHES.
Faut-il parler de "cartouche", ou de "cuir" pour ces éléments rectangulaires ou ovales, parfois dotés d'oreilles et d'enroulements, sur lesquels les anges sont agenouillés comme sur des tapis volants ? Portaient-ils jadis des inscriptions ou des données héraldiques ?
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1°) Cartouche carré traversé par une barre.
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2°) Cartouche rectangulaire.
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3°) cartouche en forme d'écu.
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4°) cartouche centré par un cercle.
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5°) Cartouche en forme de feuille.
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7°) Autre cartouche en feuille.
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8°) Autre cartouche.
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Personnage à capuchon tenant un coussin à phylactères.
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VII. LES DEUX MASQUES P1 ET P 37 DES EXTRÉMITÉS.
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1°) P1, mur ouest.
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2°) P37, au dessus du chœur.
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VIII. LES POINÇONS À QUATRE ÉLÉMENTS.
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1°) P30. Quatre personnages dansants, à bras et jambes en volutes.
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2°) Deux personnages ?
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3°) P35. Quatre masques.
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