La verrière de la Passion (baie 0) de 1500-1510 de l'église Saint-Lô de Bourg-Achard.
.
.
Voir :
- Le vitrail de l'Arbre de Jessé (vers 1500-1510), baie 7 de l'église de Bourg-Achard (Eure).
- La verrière de la Vie de saint Jean-Baptiste (baie 2) offerte par Louis Le Picart vers 1500-1510 en l'église Saint-Lô de Bourg-Achard.
- les 160 articles de ce blog concernant les vitraux.
.
.
SITUATION.
En 1852, un guide décrivait Bourgachard, comme un joli bourg de 1500 habitants situé dans une belle plaine entrecoupée de haies vives et parsemée d'arbres fruitiers, dont les Curiosités étaient le Château d'Autonne et sa pépinière d'arbres fruitiers et d'Amérique, ou encore ses moutons mérinos et ses chevaux anglais.
Au XIXe siècle, Bourgachard était le siège d'un Bureau de poste, mais aussi d' un relais de poste aux chevaux tenu en 1869 par un certain Lenoble, maître de poste. Si vous ne preniez pas ses chevaux, vous deviez vous acquitter néanmoins d'une indemnité de 25 centimes par port et par cheval attelé. Le relais suivant était vers Pont-Audemer, à l'ouest, et Moulineaux puis Rouen vers l'est.
C'est sur cette route, et à Bourg-Achard, qu'en 1843, Gustave Flaubert eut, en conduisant lui-même un cabriolet, sa première crise d'épilepsie, décrite par Maxime Du Camp :
"Au mois d'octobre 1843, il avait été à Pont-Audemer ; son frère Achille alla y chercher. Ils partirent un soir ensemble dans un cabriolet que Gustave conduisait lui-même. La nuit était sombre ; Aux environs de Bourg-Achard, au moment où un roulier passait à la gauche du cabriolet et que l'on apercevait sur la droite la lumière d'une auberge isolée , Gustave fut abattu et tomba. Son frère le saigna sur place, espérant qu'il venait d'être témoin d'un accident qui ne se renouvellerait pas. D'autres attaques survinrent ; il y en eut quatre dans la quinzaine suivante." (Souvenirs littéraires page 38).
Mais en 1866, lorsque Flaubert signait sa correspondance à sa nièce Caroline "Ton vieux ganachon, ta vieille momie, ton vieux bonhomme en baudruche, ton petit oncle Croûtonneau, ton Bourgachard en pain d'épice, Ton oncle qui t'aime.", il faisait sans doute référence à un personnage d'une comédie d'Eugène Scribe.
Ce bourg était desservi par la Route de Caen à Rouen passant d'ouest en est par Pont-l'Evêque et Pont-Audemer, et du nord au sud par le Chemin de Grande Communication n° 144, comme en témoigne encore la plaque de cocher placée rue Carlet.
Cette plaque nous apprend que BOURACHARD est distant de 4,1km de THUIT-HÉBERT et de 6km de BOURGTHEROULDE, en suivant la direction de la flèche.
Le toponyme THUIT est une trace du passage des Vikings, puisqu'il est issu du vieux norrois thveit ou du vieux danois thwet qui signifie "essart" . Et un "essart" est un terrain qui a été essarté, c'est à dire, pour parler clairement, défriché, souvent par des moines, au XIIIe siècle.
Comme je le rappelai dans un article déjà ancien sur le toponyme Quelhuit à Groix,
"On se souvient en effet que dans Sodome et Gomorrhe, Marcel Proust décrit comment, dans le salon estival des Verdurin, à La Raspellière, les convives débattent de toponymie, puis comment Brichot, professeur à la Sorbonne, explique au narrateur combien l'ancien curé de Balbec, dont l'ouvrage est très estimé par Mme de Cambremer, s'était égaré dans son analyse étymologique des noms de lieu : " " Carquethuit et Clitourps, dont vous me parlez, sont, pour le protégé de Mme de Cambremer, l'occasion d'autres erreurs. Sans-doute il voit bien quecarque, c'est une église, la kirche des allemands. [...] Mais pour tuit, l'auteur se trompe, il y voit une forme de toft, masure, comme dans Criquetot, Ectot, Yvetot, alors que c'est le thveit, essart, défrichement, comme dans Braquetuit, Le Thuit, Regnetuit, etc..." "
Quand à Bourgthéroulde, jadis Burgo Turoldi dès 1059, il rappelle immédiatement à tout visiteur de la Tapisserie de Bayeux (1067), le petit personnage tenant la laisse des chevaux avec l'inscription TVROLD de la scène 10. Selon Rateau et Pinet, Théroulde [Théroulde : ancien prénom d'origine anglo-scandinave Torold dérivant lui-même du norrois Thorvaldr (Þorvaldr) « gouverné par Thor »] était précepteur de Guillaume le Conquérant. Lire "Encore Turold dans la Tapisserie de Bayeux" par P.E. Bennett. Voir aussi Wikipédia.
.
L'amateur de toponymes savoureux pouvait aussi, et peut encore, s'arrêter au Passe-Temps ou, mieux, au moulin de Quiquengrogne, et flâner sur la carte d'Etat-Major du site Remonter le temps de Géoportail.
Ce Quiquengrogne témoigne d'une fortification médiévale, puisque cette expression était la réponse de l'occupant à ceux qui protestaient contre son édification : une sorte de "Cause toujours" par lequel le seigneur manifestait son arrogance contre les manants et mettaient au défi les mécontents de venir le déloger. Comme le Duc de Bourbon, qui répondait lors de la construction de la tour du château de Bourbon-l'Archambault : On la bâtira, qui qu'en grogne !"
Voir aussi la route Rouen-Honfleur en 1765 dans l'Indicateur fidèle :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56990830/f19.item
Et, pour celui que l'analyse du paysage intéresse, le très bel article de Laurent Ridel sur le Roumois :
Haute-Normandie Archéologique, n° 12, 2007 29 HISTOIRE D'UN PAYSAGE : LE ROUMOIS DU MOYEN ÂGE À NOS JOURS. Laurent RIDEL
http://www.crahn.fr/uploads/publications/bulletins/Bull.%20CRAHN%2012%20-%202007%20%20%20%20Le%20Roumois.pdf
.
.
.
.
PRÉSENTATION.
.
"Fondée au XIIe siècle, alors prieuré de chanoines de Saint-Augustin, l'église a été plusieurs fois remaniée. Le chœur et le transept avaient été rebâtis au début du XIVe sicle, mais le bras nord et les baies de l'abside furent repris dans les premières années du XVIe siècle.
Le fenêtre de l'abside aux meneaux et réseaux modifiés vers 1500, reçurent alors plusieurs verrières aujourd'hui largement conservées. Dans l'axe, les armes des Malet de Graville, sans doute celles de Louis, grand amiral de France en 1487, mort en 1516, désignent cette famille comme donatrice de la Passion, verrière de provenance rouennaise ; il s'agit, selon Jean Lafond, de la réplique d'un vitrail de la fin du XVe siècle provenant de Saint-Godard de Rouen, dont les restes étaient utilisées en remploi dans l'axe du chœur de l'église de Saint-Ouen jusqu'en 1939." Callias Bey, Chaussé, Gatouillat et Hérold 2001 p. 119.
.
Les trois baies de l'abside, église Saint-Lô de Bourg-Achard. Photographie lavieb-aile 25 août 2018.
.
Il s'agit d'une verrière de 6 m. de haut et 2,80 m. de large, divisée en 3 lancettes et un tympan à 5 ajours. La lecture des lancettes, consacrées à la Passion, se fait en deux registres, au dessus d'un rang de panneaux ayant remplacé le soubassement d'origine par des fleurs et nature morte peints par Duhamel-Marette en 1891; (d'après Callias Bey et al. 2001 p. 120).
Les six scènes peuvent être comparées aux gravures contemporaines ou un peu postérieures de Dürer dans sa Petite Passion (1511) ou sa Grande Passion (1497-1510), ainsi qu'avec le retable ou les séries de plaques de Schöngauer. Mais encore avec les 28 maîtresse-vitres finistériennes de la Passion, entre 1476 et 1593.
.
.
I. LE REGISTRE INFÉRIEUR.
.
.
1°) L'Arrestation du Christ, le baiser de Judas et l'oreille tranchée de Malchus.
La tête de Jésus et celle de Malchus sont restaurées.
.Les apôtres sont regroupés à gauche, réunis autour de saint Pierre qui rengaine son glaive après avoir frappé Malchus, le serviteur du grand-prêtre.
Au centre, Jésus, en bleu, reçoit de Judas le baiser qui signe la trahison de Judas.
À droite, les soldats du Sanhédrin, en cotte et armure du XVIe siècle, plus ou moins fantaisiste; on peut remarquer les solerets "en demi-pied d'ours" qui correspondent bien à une datation du début du XVIe. le cimeterre cherche à souligner le coté exotique, outremer, de la scène. La lanterne, la masse d'arme, la hallebarde et le feu grégeois de l'arrière-plan, sur fond bleu, sont bien représentatifs du thème iconographique.
Détail ultime, les chausses mi-parti (à bandes de deux couleurs) sont le propre des soldats de l'époque, et, à la fois, stigmatisent Malchus.
La main droite de Jésus est dirigée vers l'oreille gauche du serviteur de Caïphe, alors que les Évangiles précisent que c'est l'oreille droite qui a été tranchée (Luc 22:50). C'est un détail ; car Malchus lève un regard reconnaissant, et désigne de la main ses yeux pour témoigner de sa conversion (don les Évangiles ne font pas état).
En bas à gauche, le blason des Malet de Graville. Celui-ci est "de gueules à trois fermaux d'or posés 2 et 1", c'est à dire rouge à trois fermaux (boucle et ardillon, dont la pointe est tourné vers la dextre) jaunes. Ici, nous avons un blason d'argent à trois fermaux de gueules, dont l'ardillon est tourné à dextre, mais le fermail et l'ardillon sont perlés.
Les seigneurs de Bourg-Achard ont été d'abord de la famille de Plasnes, avant que Ameline de Plasnes, seule héritière, n'épouse avant 1309 Robert de Malet. Puis Marie de Malet-Graville épousa Jean de Courcy : " A la mort de Jean en 1363, ce ménage hérite de Plasnes, et le ménage Courcy de Bourg-Achard. Beau fief en vérité, digne de former une baronnie : il s'étend dans l'Eure à Notre-Dame-du-Hamel, Mélicourt, Saint-Denis-d'Augerons, Mesnil-Rousset (quatre communes voisines au sud d'Orbec), et Glos-sur-Risle. A Bourg-Achard, les Courcy résideront au château du Faÿ" (Wikipédia). Jean de Courcy donna le nom de son fief à une compilation d'histoire antique dont il était l'auteur, la Bouquechardière, achevé en 1422 (on trouve aussi "Boscachardine", tout aussi plaisant)..
Tout ceci pour dire que, si j'ai bien suivi, vers 1510, lorsque la verrière fut réalisée, Louis Malet de Graville n'était plus seigneur de Bourg-Achard. Mais cette verrière en a peut-être remplacé une autre, qui portait déjà ces armoiries, du fait de droits prééminenciers ?
.
Armoiries des Malet de Graville.Travail personnel de Sodacan sur Wikipédia https://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Malet_de_Graville#/media/File:Armoiries_des_compagnons_de_Jeanne_d%27Arc_-_Jean_de_Graville.png
.
.
.
2°) La Flagellation.
"Moitié supérieure bien conservée, partie inférieure restaurée" (Callias Bey & al.).
Jésus, lié à la colonne, est flagellé par trois bourreaux sous la surveillance de trois membres du Sanhédrin et un soldat.
Les bourreaux répondent à un cahier des charges qui doit souligner leur vile condition (chausses mi-parti pour deux d'entre eux, crevés des chaussures pieds d'ours ou du bonnet, chaussures à la poulaine, crevés d'une veste jaune et de la tunique rouge [ obtenus par gravure du verre]) et établir un contraste entre leurs mouvements pleins d'élan et la passivité de la victime, mais aussi des décisionnaires.
Parmi ceux-ci, l'un d'entre eux est sans doute Caïphe, car il tient un bâton de commandement. — moins que cela soit Pilate. Il porte un bonnet à oreillette (judaïque), un manteau rouge à fourrure dorée et au fermail à pierreries. Derrière lui, un collègue porte un manteau fourré d'hermines.
À droite, un autre pharisien est doté d'une barbe négligée, de cheveux longs et d'un manteau vert fourré.
Nous avons donc tous les éléments habituels d'un codage des identifications des rôles.
.
.
.
.
3°) Portement de croix et Voile de Véronique.
"Bonne conservation. Tête de saint Jean et de la Vierge restaurées".
Nous retrouvons l'utilisation des crevés et des chausses mi-parti réservée au bourreau qui maltraite Jésus.
La scène est centrée par l'échange de regards entre le Christ et la femme qui a essuyé son visage, et que la tradition a nommé Véronique.
Des lettres sont inscrites autour du col du Christ, et, comme c'est très souvent le cas, elle n'ont aucun sens : -NOM-RA-. Gageons qu'un spécialiste ne résistera pas à y lire le nom du verrier.
Sont présents ici les bourreaux, les soldats en armure, Véronique (coiffée d'une guimpe), la Vierge en manteau bleu près de saint Jean, et enfin Marie-Madeleine (identifiée par son turban et ses riches vêtements damassés) devant deux autres saintes femmes.
.
.
.
.
.
II. LE REGISTRE SUPÉRIEUR.
.
"Au dessus d'un bandeau orné d'animaux fantastiques et de têtes de chérubins, grande Crucifixion à nombreux personnages ; les saintes femmes et saint Jean au pied de la croix, le sanhédrin avec le phylactère VERE FILIUS DEI ERAT ISTE, des dignitaires à cheval, saint Longin, les soldats se disputant la tunique du Christ. Paysage avec fabrique, pélican symbolique surmontant la croix, entouré d'astres dans les têtes de lancettes. Quelques traces d'une restauration ancienne, dont le buste du bon larron ; buste du Christ , celui de la Vierge, tête de saint Jean restaurés en 1891." (Callias Bey & al. p. 120).
.
.
1°) La lancette de gauche. Le bon larron.
.
.
Le bon larron saint Dismas.
Nous savons comment reconnaître le bon larron : il est à la droite du Christ, et il se tourne vers lui.
.
.
.
Deux cavaliers, six soldats, deux écuyers et une sainte femme.
.
Je ne reviens pas sur la tenue des écuyers, semblables aux bourreaux des scènes précédentes, tenue inspirée de celle des lansquenets. Ce sont des écuyers puisqu'ils tiennent les chevaux par la chaîne fixée au mors.
Dans cette foule, il est toujours difficile d'identifier avec précision les cavaliers. Pourtant, celui qui est barbu, coiffé d'un bandeau noué, épaules couvertes d'un camail, est certainement saint Longin, puisqu'il tient la lance avec laquelle il va percer le flanc droit de Jésus pour donner le coup de grâce ou s'assurer de sa mort. Il porte sa main vers ses yeux pour témoigner de la tradition suivante : le sang du Christ, s'écoulant le long de la hampe de la lance sur sa main, vint éclaircir immédiatement sa vue, et il se convertit. Voir l'analyse de ce détail à Landerneau, § VI.
Son voisin, coiffé du même bandeau sous un bonnet vert pourrait être le Bon Centurion, mais cela ferait double emploi avec le cavalier du coté gauche.
.
Un écuyer . Une sainte femme. Un petit chien blanc portant un collier.
La présence d'un petit chien est fréquente dans les Passions, comme à Guengat et à La Martyre, où il est au pied de la croix près d'un cavalier . Il est souvent associé à Pilate dans la scène de la Comparution, comme à Plogonnec, à Ergué-Gabéric, à Lanvénéguen, à N-D. du Crann , etc..
On peut trouver la source de ce détail soit dans une gravure de Dürer de 1509-1501 conservée à Lyon A16DUR000701, ou, à une date antérieure, dans un Ecce Homo de 1475-1480 de Martin Schongauer conservée à l'Unterlinden de Colmar, ou dans une autre gravure de Schongauer où figurent deux chiens.
.
.
.
.
2°) La lancette du milieu : le Christ en croix.
.
Jésus est en croix, yeux ouverts (tête restaurée) sous le titulus INRI et le Pélican déchirant de son bec sa poitrine pour nourrir ses petits de son sang, symbole du sacrifice salvateur du Christ.
.
En arrière-plan, peint en grisaille sur verre bleu, les remparts (médiévaux) de Jérusalem.
À gauche, la lance de Longin, et celle d'un autre cavalier, sans doute celui dont le casque est orné d'un plumet blanc.
À droite, la phylactère verticale porte les mots VERE FILIUS DEI ERAT ISTE, "celui-ci était vraiment le fils de Dieu". On reconnaît l'exclamation du centenier citée dans l'évangile de Matthieu Mt 27:54, et témoignant de sa conversion après le tremblement de terre qui suivit la mort de Jésus.
Ce centenier est l'homme barbu qui lève la tête vers le sommet de la croix. Il est coiffé d'un chapeau dont le rabat s'orne d'un anneau d'or et il es vêtu d'une robe bleue à revers vert : c'est là la tenue d'un officier, et donc, à la Renaissance, d'un noble. Surtout, ce dessin reprend celui du Bois Protat, un bois gravé de 1370-1380.
Juste devant, le cheval qui hennit évoque tous ceux des Passions finistériennes attribuées à Le Sodec, avec son mors à balancier.
.
.
Six autres têtes de chevaux sont visibles, et cela semble, pour le cartonnier, un défi de les intercaler dans l'enchevêtrement des personnages en multipliant les angles de vue, et en détaillant toutes les pièces de leur harnachement.
Le même jeu s'applique à la représentation des pièces d'armures, et notamment du nasal en masque, avec deux ouvertures pour les yeux.
Un écuyer affiche un bonnet à plumet, une chevelure aux boucles digne de Dürer, et une tunique rouge à crevés (verre gravé).
À gauche de la croix, une lanière porte les lettres MAM.
.
.
.
Au pied de la croix et à la droite du Christ, Jean l'évangéliste soutient Marie en pâmoison. La tenue de la Vierge pourra être détaillée, mais on notera le revers du voile, avec ses mouchetures d'hermines semblables à des larmes.
.
.
.
.
Au pied de la croix, mais à gauche du Christ, sous une sainte femme, Marie-Madeleine (tête restaurée) agenouillée, enlace la croix et lève un regard empli de chagrin. La posture, les cheveux longs et défaits, la richesse vestimentaire font partie des stéréotypes. On remarquera l'inscription à l'envers sur un galon doré.
.
.
inscription MORNAEA : le cliché est inversé.
.
.
3°) La lancette de droite. Le mauvais larron.
.
.
.
Le mauvais larron est un méchant : il détourne la tête vers la gauche et refuse d'entrer avec le Christ dans le Royaume. Ses cheveux en bataille sont à l'image de son âme.
Le pagne est retenu par une aiguillette d'or, un luxe surprenant qui se remarquait déjà sur le bon larron.
Comme sur tous les calvaires monumentaux de Bretagne (et d'ailleurs sans doute), les larrons ne sont pas crucifiés, mais suspendus par les bras à la traverse, alors que leurs jambes fléchis sont liées.
Un bourreau monte sur une échelle et vient frapper Gesmas (son nom dans l'évangile de Nicodème), et nous retrouvons les crevés, les chausses mi-parti et même une ceinture à fanfreluche blanche.
En arrière-plan, une hallebarde, et une enseigne romaine à aigle noir.
Au dessus, une lune au profil humain témoigne, comme le soleil de la lancette de gauche, du caractère cosmique du bouleversement qui s'opère ici.
.
Sept personnages dont trois cavaliers.
Le plus en vue, qui nous fait face, est en armure mais son turban orientalisant et sa longue barbe le désignent comme un membre du Sanhédrin plutôt que comme Pilate. C'est surtout le harnachement de son cheval qui suscite l'admiration, avec la têtière au quatre-feuille d'or, les rênes rouges garnis de clous de cuivre ou de perles (verre gravé), la jupe rouge tendue sous la bricole avec ses glands et ses entrelacs, ou la housse de selle ou chabrache...
Tout cela est attesté vers 1510.
L'harnachement est détaillé ensuite sur le cheval, vu en fuite, de Caïphe : la croupière, l'avaloire
.
Les soldats jouant au dés la tunique du Christ.
Cette scène est traitée sur le mode d'une violente dispute entre les trois soldats. Les dès montrent la séquence 6, 5, 1. Et encore des crevés et des chausses rayées.
.
.
.
III. LE TYMPAN.
Il s'orne dans l'ajour supérieur du Christ entre deux anges, panneau restauré ayant remplacé le Christ-juge. Ce dernier s'intégrait à un Jugement dernier dont témoignent les ajours latéraux.
.
.
À droite, l'ajour latéral est occupé par Jean-Baptiste, avec sa peau de poils de chameaux, intercédant pour les âmes ressuscités qui sortent d'une prairie (une femme, un clerc tonsuré ). Derrière lui, un ange tient la couronne d'épines et l'étendard de la Résurrection.
.
.
À gauche, la Vierge et un ange tenant la colonne de la Flagellation.
Inscription MARIA MATER sur le nimbe. Quatre personnages sortant d'une prairie.
.
.
.
SOURCES ET LIENS.
— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2001, Le vitraux de Haute-Normandie, Corpus vitrearum vol. VI. ed. CNRS, pages 119-121.
.
— PERROT Françoise M. Baudot et J. Lafond. Églises et vitraux de la région de Pont-Audemer, numéro spécial des Nouvelles de l'Eure, 3e trimestre 1969 Bulletin Monumental Année 1972 130-1 pp. 87-88
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1972_num_130_1_5138_t1_0087_0000_3
— VANDEWIELE (Jean-Luc), 1998. Les chemins de Rouen à Caen : histoire d'une liaison intra-provinciale à l'Epoque Moderne. In: Annales de Normandie, 48ᵉ année, n°3, 1998. Industrie, routes, commerce. pp. 231-258; doi : https://doi.org/10.3406/annor.1998.4841 https://www.persee.fr/doc/annor_0003-4134_1998_num_48_3_4841
.