- Le pilier des tanneurs (1526) de l'église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors.
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"À la tannerie, tous bœufs sont vaches, à la boucherie, toutes vaches sont bœufs" Proverbe
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Voir aussi, sur l'église de Gisors :
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Piliers du bas-coté sud de l'église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Le Pilier des Tanneurs appartient à la deuxième chapelle du collatéral sud de la nef. Le bas-coté était en effet divisé par des clôtures et du mobilier en chapelles de confréries (Avant la Révolution, Gisors ne comptait pas moins de trente-et-une confréries ; l'église compte 22 chapelles). Après la chapelle des tanneurs venait la chapelle Saint-Louis, celle de la confrérie (1502) des officiers royaux du baillage de Gisors, marquée de son pilier. Puis la chapelle Saint-Clair (confrérie de 1514 pour les maçons et tailleurs de pierre), la chapelle Sainte-Barbe et celle de Sainte-Catherine.
Les tanneurs et mégissiers sont prospères à Gisors dès le XIIIe et XIVe siècle, et le tannage était l'une des principales activités économiques de Gisors au XVe et XVIe siècle. Les professions liées à l'élevage (celle des bouchers et celle des tanneurs notamment), en plein essor à la fin du Moyen-Âge, participèrent fortement à la reconstruction des églises. Mais avant la Révolution, l'installation des moulins à tan (ou chamoiserie) était le privilège des seigneurs (nobles ou abbayes) . Le plus ancien plan d'archive d'un moulin à chamoiser connu en Franceest celui de Gisors, sur la rive droite de l'Epte, même s'il date du XVIIIe, avec son hangar à écorce et sa batterie de 3 fosses à tanner. (J.P.H. Azema). Un "moulin tournant à battre écorce" à est notifié dans les archives de Gisors en 1689.
"Aux treizième et quatorzième siècles, l'histoire fait mention des tanneries de Gisors. Au seizième siècle, les tanneurs, mégissiers et corroyeurs formaient une corporation riche et puissante dont les établissements occupaient une grande partie de la rue Cappeville et de la rue de Paris. Ce sont eux qui ont donné le nom au quai connu sous la dénomination de Fossé aux tanneurs; ils occupaient le quatrième rang dans les corps de métiers et commerce. L'industrie des peaux alla toujours en déclinant., et en 1789, on comptait encore dans Gisors et son canton 4 tanneries, 4 corroieries, 6 mégisseries et 1 parcheminerie." (Charpillon)
Cette industrie était particulièrement nuisible pour la qualité de l'eau de la rivière, l'Epte, et était installée, en aval des Bouchers dont elle achète les peaux,, dans une rue au nom significatif, celle du Fossé-aux-tanneurs : "La «rue du Fossé-aux-Tanneurs », qui part de la place du Marché-au-Poisson pour aboutir à la rue de Paris, indique assez, par son nom, ce qu'elle était à son origine : le siège d’une industrie qui utilisait, pour ses besoins, les eaux baignant l’enceinte du bourg, qu’elle côtoyait sur toute sa longueur." Voir CPA. ou CPA Delcampe. La rue voisinait une maladrerie , « L’hôtel-Dieu » situé dans l’ile Lebon, bornée par les eaux du Fossé-aux-Tanneurs, le bras de l’Epte qui passe sous le Pont-aux-Danois ou des Renfermés, et la rivière d’Epte, qui longe toute la rue de Paris.
Le Règlement des tanneurs de Gisors date du 4 mars 1449 du 15 mars 1474. La confrérie Saint-Claude fut fondée en 1501, et elle fait ajouter au Règlement la clause que tout apprenti alloué pour apprendre le métier de tanneur sera tenu à son entrée de payer la somme de 40 sols parisis, et quand il sera passé maître, la somme de 100 sols parisis, répartie pour moitié à la confrérie "de monseigneur sainct Claude, qui est la confrarie du dit mestier," et l'autre moitié aux juré et gardes du dit métier.
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La confrérie devint quelques années plus tard suffisamment riche et influente pour obtenir de s'installer dans la seconde chapelle du collatéral sud de l'église. La chapelle était en construction en 1522. En 1526, il y fut posé un vitrail exécuté par l' atelier de Beauvais d'Engrand Le Prince (baie 26) . L'autel était en service en 1528-1529. (E. Hamon)
Le pilier est hexagonal et se divise en son sommet en six nervures. Les six faces sont lisses, sans sculptures, dans leur partie basse jusqu'à la moitié de leur hauteur, puis sont ornés de bas-reliefs divers et d'abord déroutants par la diversité des motifs.
Les motifs les plus repérables sont les panneaux à figures humaines, mais il y a aussi des lettres, des hermines, des blasons et des ornements Renaissance, comme s'il s'agissait d'un gigantesque rébus dont les clefs seraient ésotériques.
Avec un peu plus d'attention, il est possible de voir que chaque face sculptée est divisée en dix registres. D'autre part, en tournant autour du pilier, nous constatons laborieusement que les lettres du registre 3 forment une inscription : S.C.L.A.V.DE, qui voue ce pilier à saint Claude. Ce dernier, abbé de Saint-Oyend dans le Jura puis évêque de Besançon au VIIe siècle, et dont le corps fut retrouvé intact au XIIe siècle, est le patron des tanneurs.
Un peu plus bas, en registre 6, une bande étroite reçoit l'inscription YE. FUZ ICY. ACIS LAN. 1526. La première part de cette inscription va nous servir pour désigner la face concernée comme étant le point de départ de la lecture de l'ensemble des registres, et pour attribuer à chaque face un numéro de I à VI.
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Voici le contenu des registres énumérés de haut en bas :
1. Inscription MARIAM, constituée des lettres majuscules RI. A. en IV et V, encadrées des autres lettres en minuscule et écrites par des bandes d'étoffe en lés.
2. Blasons (de Normandie, de Gisors, de Naples) et Arma Christi.
3. Dédicace à St Claude : S.C.L.A.V.DE.
4. Hermines groupées par deux sur chaque panneau. Croissants également par paires.
5. Alternance de monogrammes marial et christique MA et IHS.
6. Inscription: YE . FUZ . ICY . ACIS . LAN .1526.
7. Niches à coquille où figurent soit des blasons (I, IV) soit des tanneurs au travail.
8. Niches à coquille recevant les figures de tanneurs au travail, ou de saint Claude en face V, vénéré par deux membres honorables de la Confrérie en IV et VI.
9. Étroite bande dont trois rectangles reçoivent des inscriptions : IHS (Jésus) en III, S. CLAUDE en V, MARIA en VI.
10. Panneaux ornementaux à thèmes de la Renaissance (grotesques, bassins et oiseaux affrontés, ...).
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DESCRIPTION.
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Mes images ont été prises lors de ma visite touristique, sans éclairage particulier, et sans échafaudage !
Il ne m'est pas possible de proposer les 60 photographies correspondantes aux 60 panneaux (10 x VI). Faut-il suivre un ordre de lecture vertical, par face du pilier hexagonal, ou horizontal, par registre ? Chaque sens possède sa cohérence !
Je débute, car il attire les regards, par le registre 8, celui des membre de la confrérie des tanneurs autour de leur patron saint Claude.
J'ai obtenu la collaboration d'une guide-conférencière de talent, Claude Rouit-Berger. C'est elle qui s'exprime entre les petits guillemets, mais j'ai fait appel également à Jérôme Joseph Le Français de Lalande pour des précisions techniques et des illustrations sur l'Art du tannage.
Je rappelle que cet art consiste à transformer des peaux d'animaux pour les transformer, lors d'un traitement qui dure 1 à 2 ans, en cuir imputrescible.
Introduction.
"Au XVIe siècle, les confréries étaient nombreuses à Gisors : confréries pieuses, confréries de métiers. Plusieurs d'entre elles avaient, dans l'église, une chapelle qu'elles ornaient d'œuvres d'art de tous genres. Les tanneries représentant alors la principale industrie de la ville ( Au XVIIe siècle, les tanneries disparurent de Gisors et furent remplacées peu à peu par des couvents : Mathurins, Récollets, Ursulines, à la Révolution. Anonciades, Carmélites, eux-mêmes ensuite dispersés. On voit encore à Gisors une « Maison des Tanneurs » et une rue du « Fossé-aux-Tanneurs » ), leur confrérie était particulièrement riche.
Une chapelle était consacrée à leur patron, saint Claude, devant laquelle, en 1526, ils firent élever et décorer le charmant pilier fantaisiste qui est un des plus gracieux ornements de l'église de Gisors.
Sur les six faces du pilier et disposées en deux étages, des sculptures extrêmement pittoresques retracent des scènes relatives aux travaux des tanneurs et à leur confrérie." (Claude Rouit-Berger)
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LE REGISTRE 8.
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"Chacun de ces bas-reliefs est couronné d'une coquille Renaissance et sa base est enjolivée d'arabesques entourant parfois un cartouche, le motif variant chaque fois." Sur les faces I à III, trois petites scènes permettant de suivre les diverses étapes, scrupuleusement observées, du tannage.
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Registre 8 face I. Un tanneur au travail.
"Un personnage très pittoresque, coiffé d'un bonnet à grande plume et jugulaire au menton, a relevé les manches de sa chemise dans l'ardeur du travail. Il prépare en les piétinant des mottes à brûler, de tourbe sans doute, qui vont servir à chauffer une étuve, et, pour les tasser plus à l'aise, il a ôté les gros chaussons que nous voyons aux pieds de tous les autres travailleurs. L'échauffe à l'étuve a pour but d'amollir les peaux, de manière à réduire l'adhérence du poil et à rendre ainsi l'ébourrage plus aisé." (Claude Rouit-Berger )
L'interprétation de C. Rouit-Berger laisse perplexe, car l'étuve n'est pas figurée. Je note la présence d'une pelle, et celle d'une espèce de poireau.
Victor Patte y voit l'écorçage du chêne, le plainage et la fabrication des mottes de tan.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 8 face II. Deux tanneurs et leurs foulons.
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"Sur une des faces du pilier hexagonal, deux ouvriers, travaillant à l'aide de foulons, ramollissent les peaux dans une grande cuve de bois emplie d'eau : c'est le dessaignage. Ils ont mis des tabliers et la position contournée de l'un d'eux trahit un effort presque douloureux. " (Claude Rouit-Berger )
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La première étape du traitement des peaux est leur lavage, pour éliminer les plus grosses impuretés, et, si les peaux ont été salées, pour ôter le sel et les réhydrater. Mais ce lavage a plutôt lieu en rivière.
" Lorsque les Cuirs en poil qu'on veut habiller sont verds, c'est-à-dire,qu'ils conservent leur humidité naturelle, ou qu'ils sont encore frais, on commence par les mettre tremper dans l'eau, seulement pour les désaigner, les nettoyer du sang & des ordures qu'ils amassent à la tuerie. Comme le lavage est une opération qui revient sans cesse dans l'Art du Tanneur, il s'ensuit qu'une tannerie doit être établie au bord de l'eau, & s'il se peut d'une eau coulante & qui ne soit pas aussi dure & aussi astringente que le sont souvent les sources qui coulent immédiatement des rochers. Si la tannerie est sur le bord d'une eau coulante & rapide, on est obligé d'attacher les Cuirs à des pieux fichés au fond de la rivière. Si les Cuirs sont secs, on les met également dans l'eau ; mais on les laisse tremper plus long-temps pour les ramollir. " (J.J. Le Français de Lalande)
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 8 face III. Un tanneur face au chevalet de rivière.
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"Ensuite, les peaux sont nettoyées et étirées au couteau rond sur le chevalet : c'est le craminage, effectué par un tanneur aux cheveux ondulés sous son chapeau, auprès duquel se tient un petit chien essorillé qui ressemble à une belette." (C. Ruit-Berger)
Il s'agit de continuer le nettoyage en ôtant, coté fleur, les poils, et coté chair, les morceaux de graisse ou de sang, avec un couteau sans tranchant, le couteau rond.
"On les retire une fois chaque jour pour les craminer ou leur donner une passe, c'est à dire, les étirer sur le chevalet avec le couteau, ou plutôt un fer qu'on appelle en Auvergne Herbon, ou Couteau rond ; souvent même on les foule, afin de les rendre plus souples & les faire tremper plus vîte; on les rejette dans l'eau, & l'on renouvelle ce travail chaque jour jusqu'à ce que les Cuirs soient bien revenus, c'est-à-dire, bien amollis par le trempement & le craminage.
.On laisse ensuite tremper les Cuirs jusqu'à ce qu'ils soient bien soulés d'eau, c'est-à-dire,jusqu'au point où l'on commenceroit à craindre la corruption; car il est d'expérience que plus un Cuir a trempé, mieux il réussit à l'apprêt, & meilleur il est.
Cependant il y a un terme; car les peaux dans le travail de rivière, tendent à la corruption ; on en juge par l'odeur désagréable qu'on éprouve dans les endroits où il se fait. Il faut donc examiner avec soin le point de saturation ; il faut aussi considérer que dans certaines eaux, comme celles de la rivière des Gobelins, la boue, les teintures & autres parties hétérogènes, piquent les Cuirs si on les laisse trop longtemps dans l'eau ; les gros Cuirs n'y doivent pas avoir plus de six heures de boisson ; les Vaches à œuvres, vingt-quatre heures ; les Veaux, quarante-huit heures. " (J.J. Le Français de Lalande)
Comparer à la scène de droite de la baie 18 de Chartres.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 8 face IV. Un seigneur, ou un Juré de la confrérie des tanneurs.
"[Saint Claude occupe la place d'honneur] "Deux confrères portant un cierge s'agenouillent à ses côtés. Ceint d'une épée, l'un d'eux est vêtu d'un manteau court qui forme de grands plis droits en tuyaux d'orgue. "(C. Ruit-Berger)
" Il se pourrait fort bien que ces effigies sculptées reproduisissent les traits de deux membres importants de la confrérie qui auraient contribué plus spécialement à la construction du pilier et qu'on aurait voulu honorer de la sorte : leurs physionomies, celle du plus âgé surtout, portent à le croire. " (id.)
L'organisation de la profession de tanneur. Apprentis, Maîtres, et Jurés.
Les statuts des tanneurs de Paris avaient été décrétés par Philippe VI en 1345. Ces statuts stipulaient déjà :
" Que, ès villes de Paris, de Pontoise, de Gisors et de Chaumont, ou en chacune desdites villes, seront quatre prud'hommes jurés dudit métier de tanneur, pour regarder et visiter toute matière de cuir tanné, pour savoir qu'il soit bon et loyal et bien suffisamment tanné avant qu'il soit mis en vente; et si par eux est trouvé bon et loyal et bien tanné, qu'il soit signé d'un certain seing en chacune ville accoutumée"
Comme dans la capitale, la corporation des tanneurs de Gisors, régie par le Règlement de 1449 qui reprenait les statuts parisiens, était organisée en apprentis et en maîtres.
Seuls pouvaient être tanneur à Gisors les fils de maître, et les apprentis après cinq ans d'apprentissage, à condition de résider dans la ville. Il devra prêter serment devant la justice qu'il fera ou fera faire à son pouvoir bonne œuvre et loyale, et qu'il respectera les ordonnances du Règlement. Un seul apprenti est autorisé par maître.
Deux maîtres devaient être nommés jurés du métier pour visiter (inspecter) le cuir, pour en vérifier le tannage avant sa mise en vente, et le "signer de son seing".
Et premièrement, Nul ne pourra estre tenneur en la dicte ville s'il n'est filz de maistre, ou s'il n'a esté aprentiz cinq ans du moins au dit mestier, par quoy il sache faire bonne œuvre et loyal. Item, que tel fîlz de maistre ou aprentiz ne autre personne quelconque ne pourront avoir ne tenir le dit mestier au dit Gisors, ne user de franchises et previllèges par estranges tenneurs et ouvriers, se ilz ne sont residens et demourans en la dicte ville, et se ilz ne le font faire à leurs propres lieux et hostelz pour les faultes et mauvaises œuvres qui y pevent estre faictes.
Item, et quant aulcun vouldra lever le dit mestier sera trouvé par les maistres suffisant, il sera tenu faire serment par devant la justice qu'il fera ou fera faire à son povoir bonne œuvre et loyalle, et gardera les ordonnances d'icelluy mestier de poinct en poinct, et le proffict du commun peuple sans y souffrir, consentir, ne commettre fraulde, chose qui soit contre les dictes ordonnances, et s'il vient à sa congnoissance que aucun face le contraire, il le fera sçavoir ausdictz maistres et jurez. Item, et que chascun tenneur puisse avoir ung aprentiz seullement, toutes voies par tel temps et pris comme le maistre et aprentiz seront d'accord, sauf que ce ne soit pas à moins de cinq ans, et les cinq ans finiz, l'aprentiz s'en pourra départir et devenir maistre en la manière dessus declairée et non autrement.
Item, et que en la dicte ville de Gisors ait deux preudes hommes jurez du dit mestier de tennerie, pour regarder à visiter toute manière de cuir tenné, pour sçavoir qu'il soit bon et loyal, bien et suffisamment tenné, avant qu'il soit mis en vente, et se par eulx est trouvé bon et loyal, qu'il soit signé du seing sur ce ordonné par justice, et s'il n'est suffisamment tenné, qu'il soit arrière remis en tan, jusques ad ce qu'il soit bien tenné ;
Après les ordonnances de Charles VII et de Louis XI, Henri IV, par un édit de juin 1585, ordonna "que dans toutes les villes et tous les gros bourgs du royaume où il y aurait des tanneries, les cuirs seraient vus et visités par les maîtres, gardes et jurés des métiers de tanneur et cordonnier, deux de chaque métier pour le moins, en présence d'un prud'homme et notable bourgeois qui devait être élu chaque année en assemblée de ville; il ordonne de plus que les cuirs seraient apportés pour cet effet, aux halles et marchés publics, et qu'ils y seraient marqués. En conséquence, il fut créé dans chaque ville un contrôleur-marqueur de cuirs en titre d'office formé." (L'Art du tanneur, de Lalande)
Ces contrôleurs fut désignés sous le nom de Jurés garde-halle et Jurés du marteau, et la marque de son marteau devait être déposée devant la juridiction concernée.
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Le personnage représenté : un Juré du marteau ?
Ce personnage est figuré de profil, un genou demi-fléchi, le bonnet à la main et tenant un cierge : autant de marques de respect à l'égard de saint Claude, représenté au panneau suivant.
Il porte une épée au coté gauche, ce qui est le privilège des nobles : est-ce un officier, a-t-il acheté un office ?
Il est vêtu d'un manteau mi-long et à manches ne dépassant pas le coude, laissant voir une chemise aux poignets plissés.
À la manche droite est suspendu un accessoire en tissu, semblable à un sac.
S'il s'agit d'un tanneur (car il pourrait aussi s'agir d'un seigneur ou officier royal de Gisors), il s'agit certainement du membre le plus honorable de la confrérie : je suggère qu'il s'agisse d'un des deux Jurés du marteau. Ce sac ne contiendrait-il pas l'instrument qui caractérise son pouvoir ?
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 8 face V. Saint Claude en Abbé.
"Naturellement leur patron, saint Claude, occupe la place d'honneur. Revêtu des habits d'évêque, assis sur un trône, mitré et auréolé, il tient une croix de la main gauche et donne de la droite la bénédiction. " (Claude Rouit-Berger )
Il est tourné vers le personnage de droite et il le bénit, ce qui confirme la préséance de ce dernier.
Il ne tient pas une crosse, mais une croix : est-ce un indice pour le voir représenté comme abbé de Saint-Oyend-de-Condat plutôt que comme évêque de Besançon ?
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 8 face III. Un maître de la confrérie.
"L'autre, plus jeune, porte un vaste manteau à pèlerine par-dessus un pourpoint ; il tient un chapelet et une gourde." (Claude Rouit-Berger )
Ce personnage ne porte pas l'épée, mais le "manteau à pèlerine" est un signe d'opulence au moins aussi remarquable que dans le cas du personnage précédent. D'autres détails demanderaient à être examinés de près, comme la chaîne qui passe en diagonale comme un baudrier et à laquelle est accroché un objet, ou bien l'étui passé à la ceinture grâce à une sangle terminée par un bouton.
La "gourde" en est-elle vraiment une ? Elle est fixée par une sangle à la manche, sous le coude, exactement comme le sac du personnage qui lui fait face ; sa panse est maintenue grâce à un geste très élégant de l'index. Ce flacon possède certainement une fonction plus honorifique qu'une vulgaire gourde.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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LE REGISTRE 7.
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Registre 7 face I. le blason des tanneurs.
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" sur [cette] face est figuré l'écusson de la corporation".
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Ce cartouche en forme de cuir découpé, particulièrement adapté ici, est sommé par une arborescence ("un chêne arraché") rappelant que le tannage consiste, entre autre, à le traiter par action des tanins extraits d'écorce de chêne. Le cuir lui-même porte, en haut, un instrument tranchant à manche qui se nomme "demi-rond" et sert à écharner une peau fraîchement tranchée, et d'en ôter les restes de chair.
Il resterait à trouver le nom et l'usage de la bande légèrement convexe et cambrée par une moulure médiane.
Ce sont ici les armoiries de la corporation, proche de celles qui figurent à deux reprises sur le vitrail de la chapelle. Le couteau demi-rond figure très souvent, comme outil emblématique de la profession, dans les armoiries des tanneurs et est désigné par le terme d'escharnoir ou écharnoir. Outil des corroyeurs, il porte aussi le nom de couteau à revers (car il est emmanché à revers), de Drayoire ou de Butoir. (J. Savary des Brûlons). J'en retrouve de beaux exemples sur les images en ligne à Obernai, où ils sont souvent en paire et croisés. Mais on les note à Gand, à Anvers, à Sélestat, à Parthenay, à Champdeniers-Saint-Denis, etc.
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Surtout, ce blason figure à deux reprises au sommet du vitrail offert par les tanneurs en 1526. La disposition des objets est inversée, et l'objet mystérieux du pilier se révèle être un récipient peu profond.
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Notez aussi la graphie YE de l'inscription.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 7 face II. Un tanneur et ses outils.
Noter aussi l'inscription FUZ qui appartient au sixième registre.
"Un ouvrier, près duquel est posé un panier, tient un foulon et des pinces de tannerie."
Ce tanneur,vêtu d'un tablier à manches courtes et plissées, tient à droite un long bâton et à gauche une pince. Son pied droit est posé sur un objet que je n'identifie pas.
La pince est celle qui figure sur la planche 1 de l'Art du tannage, lettre C. Deux ouvriers nous en montrent l'usage, celui de saisir les peaux lorsqu'elles trempent dans le bain de chaux ou d'alun. Elle porte le nom de "croc de pelanage"
Le bâton est un foulon nécessaire pour remuer les peaux dans le bain de tannage.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 7 face III. Banquet de corporation.
"Trois tanneurs attablés se reposent de leur travail en buvant et mangeant."
Trois tanneurs, dont nous reconnaissons la tenue, sont attablés et trinquent, tenant une chope . Est-ce le banquet annuel de la Saint-Claude le 6 juin ?
Ils sont vêtus, comme leurs confrères, du manteau à manche courte et bouffante ; ils portent une aumônière. Leur coiffure est une toque ornée d'un bijou.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 7 face IV. Blason de corporation.
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"Une gourde, accompagnée d'un jambon, est figurée à nouveau sur un écu à l'étage supérieur (comme en I) : les deux emblèmes sont suspendus à un chêne arraché." (Claude Rouit-Berger)
Ce blason semble signifier que le banquet avait une dimension proprement emblématique pour la profession.
Les musées et collections conservent quelques gourdes annulaires de compagnons tanneur-corroyeurs du XIXe siècle, ornées de leurs titres de propriétaire : est-ce un objet qui les caractérise ? "La gourde fut longtemps un attribut visible du compagnon. Elle l'accompagnait lors des longs trajets du tour de France".
Au XIIIe siècle, ces flacons portaient au XIIIe s. le nom de bouchaus, boutiaux , et au XIVe ceux de boutis et boutilles, et je note ici que les tanneurs d'Amiens étaient tenus d'offrir à l'évêque marchant pour l'arrière-ban "deux paires de bouchiaus de cuir, bons et souffisans, l'un tenant un muy et l'autre 24 sestiers".
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 7, face V. Tanneur à l'écharnoir, festoyant.
"A côté, d'autres ouvriers portent des outils de leur métier : l'un d'eux tient d'une main un couteau, de l'autre un verre ".(Claude Rouit-Berger)
Celui-ci semble danser, il est coiffé du bonnet-toque et vêtu d'un manteau demi-long et ouvert, et il tient l'écharnoir emblématique. Il tend de sa main gauche un verre évasé que son collègue, dans le panneau suivant, s'apprête à remplir.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 7, face VI. Tanneur festoyant.
"Un autre porte une cruche et un foulon" .(Claude Rouit-Berger)
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 6. Inscription.
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Inscription YE . FUZ . ICY . ACIS . LAN .1526.
Il faut transcrire en "Je fus ici édifié en l'an 1526". La lettre Y d'ICY ressemble à un H en minuscule. Notez le N rétrograde de LAN.
Les lettres sont encadrées de deux dragons affrontés tenant un vase.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 5. Lettres ou sigles M et S.
.Ils ne ressemblent à ces lettres que par comparaison. Le M pourrait en être un dans une inscription gothique consacrée à la Vierge, bien que dans ce cas, les boucles des jambages ne se réuniraient pas à ce point. Mais aucune des autres lettres de ce pilier n'est en onciale gothique (sauf le D). D'autre part, ce sigle est inscrit dans une croix à la traverse pattée, et dont le sommet reçoit un K couché (une branche pattée et une flèche).
Comme le M, le S est partagé en 2 par la barre verticale qui divise tout le grand rectangle des registres 1 à 5. D'autre part, il serpente entre deux barres verticales en I. Enfin, il s'enrichit d'une anse sur le coté droit. Son extrémité est la tête d'un serpent ou d'une anguille.
Après bien des hésitations, et après avoir envisagé qu'il s'agisse des marques des jurés de Gisors, j'opte pour l'idée la plus simple : ce sont les monogrammes mariaux et christiques MA et IHS (ou IEHSU), audacieusement stylisés.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 4 : Fleur de lis martelé et hermines.
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" Entre ces deux inscriptions et sur chaque face, à côté d'une fleur de lis dont on devine la trace, l'hermine de Bretagne est figurée en l'honneur, sans doute, et en souvenir de Claude de France, morte deux ans auparavant. Au point de vue du style, les rapports sont nombreux entre les sculptures du pilier des Tanneurs et celles du retable de la chapelle Sainte-Catherine." (Claude Rouit-Berger)
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 3 : les lettres S.C.L.A.V.DE.
"Au-dessous se lit l'inscription « S. Claude ». La capitale romaine, importation italienne, apparaît au début du XVIe siècle en France. Le tombeau de Philippe de Commines en offre un des premiers exemples."
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 2 face 1 : blason illisible (une croix ?).
"On distingue sur les faces du pilier [...] puis divers écus sur lesquels on reconnaît les armes de France, les armes de Normandie, celles de Gisors et vraisemblablement celles de l'archevêché de Reims . " (Claude Rouit-Berger)
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 2 face 2. Armes de Normandie.
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Ce blason aux deux léopards a cela de particulier que l'un des léopards, au lieu de tourner la tête vers la gauche pour qu'elle soit figurée de face, la tourne vers l'arrière.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 2 face 3. Armes de Gisors.
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"On distingue sur les faces du pilier les armes [...] de Gisors " (Claude Rouit-Berger)
Selon Hamon : "On identifie nettement un écusson à la croix engrêlée. Denyault, historien du XVIIe siècle, (chap. VI, rapporté par Lévrier) indique que l'écu de Gisors était anciennement de gueules à la croix engrêlée d'or et qu'il fut pourvu d'un chef d'azur chargé de trois fleurs de lis d'or par le roi Henri II à l'occasion de sa visite à Gisors en novembre 1555. Arch. Dep. Eure 4F 28.
Voir cet écu sur Wikipédia.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 2 face 4. Arma Christi .
J'ai cru d'abord que divers outils des tanneurs étaient présentés sur ce cuir découpé à enroulement, mais l'éponge au bout de la lance, l'échelle, la croix, les clous, le marteau et la colonne de la flagellation appartiennent aux Instruments de la Passion.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 2 face 5 : cuir marqué d'une croix.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 2 face 6. Cuir marqué d'une croix potencée .
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"On distingue sur les faces du pilier [...] puis divers écus sur lesquels on reconnaît[...] vraisemblablement celles de l'archevêché de Reims . Cet écu porte une croix cantonnée de quatre pièces qui ont été martelées, des fleurs de lys probablement. Ce ne sont pas là les armes de l'archevêché de Rouen, dont relève Gisors et qu'il eut été normal de trouver ici ; ce sont plutôt celles de l'archevêché de Reims par allusion sans doute à la ville du sacre." (Claude Rouit-Berger)
Ce que je vois se blasonne à la croix potencé, cantonnée de quatre croisettes correspond aux armes du royaume de Naples, à la croix potencée d'or, cantonnée de quatre croisettes du même . Louis XII fur roi de Naples de 1501 à 1504.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre 1.
"Au-dessus de ces petites scènes sculptées, on distingue sur les faces du pilier, de haut en bas et successivement : les traces de fleurs de lis qui furent martelées à la Révolution, l'inscription « Maria »"
Les faces IV et V portent les lettres RI et A, mais les faces I, II, III, et VI ne portent pas de lettres, mais des bandes d'étoffe verticales, semblables à des lès, ou des phylactères. Leur disposition strictement parallèle m'a troublé, avant que je ne les reconnaissent comme formant, en II, III et VI, les lettres minuscules m, a et m, composant avec les lettres majuscules RI A le mot MARIAM. Le sigle inscrit en I résiste encore à mes efforts.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Pilier des Tanneurs (1526), église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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ATTRIBUTION.
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"On ignore le nom de l'auteur de ces sculptures. Mais tout nous porte à croire qu'elles sont l'œuvre du sculpteur Nicolas Coulle. L'époque d'abord : Nicolas Coulle fut chargé d'exécuter toutes les sculptures de la tour nord de 1536 à 1554. Or, ce travail considérable, il semble normal qu'on l'ait confié à un sculpteur dont on connaissait déjà le talent par deux œuvres de moindre envergure. D'autre part, en les comparant, on constaté combien les analogies sont frappantes entre les sculptures connues de Nicolas Coulle et celles qui nous intéressent ici. Si certaines des figures de l'extérieur sont déjà plus classiques, tels les apôtres qui trahissent une influence michelangesque, cela tient à l'époque d'exécution plus tardive. Par contre, on remarquera, sur la tour, une statuette de Vertu, réplique exacte de la donatrice du retable, avec cette différence qu'elle est debout au lieu d'être agenouillée. Les bustes dans les médaillons ornant les hauteurs de la tour nord sont bien de la main qui sculpta les visages à l'expression douce et vraie des divers personnages du pilier et du re¬ table. La chasuble de saint Claude forme les mêmes plis en Y que les draperies des statues des trois Maries placées au-dessus du petit portail nord de la façade occidentale, dont les niches décorées de coquilles et d'arabesques en relief très saillant rappellent également la décoration du pilier. Bref, l'attribution du retable de la chapelle Sainte-Catherine et du pilier des Tanneurs à Nicolas Coulle nous semble s'imposer. Nicolas Coulle n'occupe pas la place qu'il mérite dans l'histoire de l'art normand du XVIe siècle ...." Claude Rouit-Berger 1938
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"On fit appel à Nicolas Couille dont l'activité à Gisors est attestée de 1536 à 1565. En 1536-1537, il réalise l le décor de la tour nord - un collège apostolique (les douze apôtres et le Christ), les sept Vertus et sept autres images de saints -, et participe à la sculpture des « médailles », sans doute des bustes en médaillons. Le rapprochement du pilier des tanneurs de 1525 avec les œuvres de Nicolas Couille ne repose sur rien de précis." Guilaine Benoit Ecolan - 2005
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"Rien ne nous assure que Nicolas Couille ait dirigé un atelier à Gisors, ville dont il était originaire si l'on se fie à la récurrence de ce patronyme dès la génération précédente. Si tel fut le cas, il n'est pas impossible qu'il débuta sa formation sur le chantier même de l'église. On peut en effet l'identifier au valet de Robert Grappin nommé Nicolas, présent à ses cotés de mars 1521 à juin 1523, voire jusqu'en 1527. Si l'hypothèse se confirmait, le parcours de cet artiste [...] justifierait l'attribution qui lui a été faite du Pilier des Tanneurs par C. Rouit-Berger. [...] A défaut de pouvoir attribuer ce pilier à un artiste précis (les noms de Nicolas Couille ou de Pierre Adam ont été évoqués plus haut), on retiendra qu'il fut établi sous la responsabilité de Robert Grappin. L'idée de sculpter le fût des supports de motifs figurés était ancienne [pilier du Jugement Dernier de la cathédrale de Strasbourg]. Parmi les nombreux exemples de pilier offert par des particuliers , citons la seconde pile séparant le double bas-coté de Saint-Séverin de Paris, donnée en 1414 par les exécuteurs du testament d'Antoine de Compaigne, "enlumineur de pincel". L'engouement pour les chefs d'œuvre de ce type s'est nourri, à la fin du Moyen-Âge, de la piété individuelle. Le pilier devint, par son prix, à la portée de bourses modestes, sa force visuelle et son pouvoir d'évocation symbolique, l'un des éléments privilégiés pour les dons des particuliers et des corporations. " (Etienne Hamon p.318 et 417)
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SOURCES ET LIENS.
— BLANQUART, (Abbé), 1885, Notice sur les vitraux de Gisors, Mémoires de la société archéologique et historique de Pontoise et du Véxin, T7, page 67 et suiv.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k214014k/f121.image
— HAMON (Étienne), 2008, Un chantier flamboyant et son rayonnement: Gisors et les églises du Vexin français, Presses Univ. Franche-Comté, 2008 - 652 pages
https://books.google.fr/books?id=QrXmxuOPH5MC&dq=isbn:2848672196&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— PATTE (Victor), 1896, Histoire de Gisors, ed. C. Lapierre, Gisors page 327
https://archive.org/details/HistoireDeGisors/page/n327
"L’un de ces piliers, de forme hexagonale, est orné, dans sa partie supérieure, de bas-reliefs et d’inscriptions dont on ne peut, sans en faire plusieurs fois le tour, saisir la signification et le sens. En allant de bas en haut, on voit figurer, au premier rang, mitre en tète et crosse à la main, le patron de la chapelle voisine et de la confrérie des tanneurs, qui y tenait ses séances, saint Claude, suivi de frères accomplissant leurs actes de dévotion et d’ouvriers occupés aux opérations de leur métier : écorçage du chêne, plainage et fabrication des mottes de tan. Le rang suivant rappelle le repas auquel se livraient en commun les tanneurs, le jour de la fête de leur patron : la table entourée de convives, le menu, les ustensiles qui servaient, ou à le préparer, ou à le prendre. Le troisième indique la date de ce pilier ; JE FUS ICY ACIS LAN 1526 .
Plus haut, on rencontre une série de B et d’H, que le caprice de l’artiste a posés : les uns verticalement, les autres horizontalement, et jadis semés d’ornements, sans doute de lys, disparus pendant la Révolution. Elle est surmontée des noms de S. CLAYDE et de MARIA."
— Règlement des tanneurs de Gisors (4 Mars 1449)
http://historien.geographe.free.fr/tanneurs1449.pdf
— Blasons des tanneurs :
http://autour-du-mont-sainte-odile.overblog.com/2014/05/les-emblemes-des-corporations-d-artisans-a-obernai.html
- Blason de la ville de Champdeniers-St-Denis (79, Poitou)
" tranché au I de gueules à deux escharnoirs d'argent ; au II d'hermine, à la bande ondée d'argent brochante sur le tout. Les deux escharnoirs évoquent l'activité économique de la commune, anciennement réputée pour ses tanneries"
http://svowebmaster.free.fr/drapeaux_champdeniers.htm
-Blason du quartier Saint-Paul de Parthenay :
d'or à la croix de sable chargée d'une épée d'argent armée d'or en pal, et d'un escharnoir d'argent aux poignées d'or en fasce.
-Corporation des tanneurs à Sélestat
https://fr.geneawiki.com/index.php/67462_-_S%C3%A9lestat_-_Les_corporations_%C3%A0_S%C3%A9lestat#Les_Tanneurs_.28Gerwer.2C_Gerber.29
— ROUIT-BERGER (Claude) 1938, A propos de quelques sculptures disparues de l'église de Gisors , Bulletin Monumental Année 1938 97-3 pp. 277-300
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1938_num_97_3_8831
— VILLON (A.M), 1889, Traité des peaux, ...
https://archive.org/details/traitepratiquede00vill/page/136
— VOINESSON DE LAVELINES, "Cuirs et peaux"
https://archive.org/details/cuirsetpeaux00voin/page/n3
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