Le vitrail des saints Crépin et Crépinien (baie 23) exécuté par Nicolas Le Prince en 1530 en la collégiale de Gisors.
.
Voir ;
1. Sur l'église de Gisors :
- Le Pilier des Tanneurs (1526) de l'église de Gisors.
- Le vitrail de Saint Claude (baie 26) offert par les tanneurs en 1526, en l'église Saint-Gervais-Saint-Protais de Gisors : une œuvre d'Engrand Le Prince.
- L'arbre de Jessé aux Sibylles Samienne et Cimérienne de l'église de Gisors. Haut-relief de 1583-1591 par Pierre du Fresnoy.
.
2. Les vitraux d'Engrand Le Prince et de son atelier :
-
Le vitrail d'Engrand Leprince de la cathédrale de Beauvais : vitrail dit "de Roncherolles" . I. Généralités. (1522)
-
Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Etienne de Beauvais. Baie n°5, 1522.
-
Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais. La Déposition, en baie n° 0.
-
Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais baie n° 6, Le Jugement Dernier (vers 1522)
-
Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais. La baie n°7 de Saint André et saint Jean.
-
Les vitraux anciens de l'église Saint-Étienne de Beauvais . Baie n°12, La Fontaine de Vie. (1524)
-
etc..
3. La liste de mes articles sur les vitraux.
.
.
CLIQUEZ SUR L'IMAGE pour échapper à mes petits commentaires...
.
" Entre la fin du xve et le milieu du xvie siècle, l'église de Gisors est agrandie et en partie reconstruite dans le style gothique flamboyant. Les deuxièmes collatéraux du chœur, le pseudo-déambulatoire, les chapelles du chevet, les croisillons du transept, la nef, ses doubles bas-côtés et la tour à gauche de la façade datent de cette époque."
La confrérie des cordonniers de Gisors disposait dès 1483-1484 d'un autel dans la collégiale, mais profita de la reconstruction pour disposer d'une chapelle dédiée à leurs patrons Crépin et Crépinien : elle fut achevée en 1530 par la pose d'un vitrail de la vie des saints patrons. Elle répond, du coté nord, à la chapelle des tanneurs, dans le bas-coté sud, dédiée à leur patron saint Claude, et achevée en 1526 avec sa baie 26.
La baie de la Vie de saint Claude avait été peinte par Engrand le Prince, maître-verrier de Beauvais. Les cordonniers firent appel à son fils Nicolas pour réaliser leur verrière.
Située dans la 3ème chapelle nord, c'est une baie à quatre lancettes trilobées —aux peintures distribuées en 3 registres — et un tympan à 4 mouchettes, 1 soufflet et 2 écoinçons. Elle mesure 6,50 m de haut et 3,10 m de large. Elle a été restaurée en 1899 par Duhamel-Marette.
Une copie existe en l'église Saint-Samson de Clermont-de-l'Oise.
Elle narre la Vie des deux patrons des cordonniers, selon une tradition ancienne. Les manuscrits d'un Mystère, représentation théâtrale de cette Vie, est conservée, datant peut-être du XVe, sont conservés à la Bnf et à Chantilly et ont été édités en 1836 par Desalles et Chabaille. on y trouve une annotation précisant qu'ils ont été joués aux maistres et aux compaignons cordouenniers" à Paris en 1458 et 1459.
"Les confréries étaient très nombreuses au xve siècle. Les particuliers se réunissaient sous l'invocation d'un saint ou d'une sainte en une association pieuse, qui jouait en même temps le rôle d'une société de secours mutuel. Certaines de ces confréries, nommées « charités » en Normandie et « caritats » dans le Midi, regroupaient des ouvriers d'un même métier qui étaient déjà liés par ailleurs par les statuts de leur corporation. A l'occasion de la fête de leur saint patron, lors du mariage ou de l'enterrement de l'un d'entre eux ou bien lors de cérémonies publiques, les confrères faisaient célébrer des messes, se réunissaient pour des processions ou des banquets. La mise en scène de mystères pouvait être un des éléments de la fête. Il n'y a donc rien d'étonnant dans le fait que les cordonniers aient mis en scène des mystères illustrant la vie et le martyre de leurs saints patrons, saint Crépin et saint Crépinien. La charité des cordonniers de Rouen monta le mystère le 4 juillet 1443 et la confrérie parisienne le 14 mai 1458 et en 1459." (E. Lalou)
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
Elle se lit et se décrit de haut en bas, du tympan au registre inférieur. Comme la baie 26, elle est légendée par trois bandeaux en écriture gothique.
.
.
LE TYMPAN.
.
Crépin et Crépinien distribuant leurs biens aux pauvres.
.
Crépinien est vêtu de chausses rouges, d'un pourpoint jaune et d'un bonnet rouge. Un objet est suspendu à sa ceinture.
Il tend un tissu à un pauvre agenouillé devant lui.
Crépin est au centre, devant la porte des remparts à tours crénelées de la ville. Il est vêtu d'une cape rouge, d'un pourpoint doré, de chausses et d'un bonnet violet. Il puise dans une bourse en cuir une pièce qu'il tend à deux pauvres hères, en haillons, qui ont posé leurs béquilles pour le supplier.
Crépin et Crépinien appartiennent à ces couples de frères martyrs comme Gervais et Protais et Côme et Damien, dont l'une des caractéristiques est leur quasi gémellité. Celle-ci apparaît dans la proximité de leurs noms latins Crispinus et Crispinianus. Crispus est un prénom latin (de l'adjectif signifiant "crépu", Crispinus est un nom romain ; Rufrius Crispinus était le mari de Poppée avant que celle-ci n'épouse Néron.
.
Le fait de distribuer ses biens aux pauvres n'est pas une banalité de cette hagiographie : c'est le ressort même de l'action. C'est cette générosité qui va entraîner le mécontentement des autres cordonniers de Soissons, soucieux de voir qu'à ce train là, ils ne gagneront bientôt plus rien : "tant que il seront cy, je say bien, nous ne gaigneron fiou ne rien ». Des cordonniers rivaux les dénonceront au prévôt Rictiovaire, qui les fera mettre à mort . "
"De plus saint Crépin et saint Crépinien sont des cordonniers hors du commun : alors qu'ils étaient « riches hommes, enfans d'uni sénateur de Rome »4, ils choisissent, pour servir Dieu, de se faire cordonniers et le deviennent « sans avoir aprins aux mestiers », ce que Dieu seul a pu permettre. Plus étonnant encore, par charité chrétienne ils réparent les souliers des pauvres, travail de savetier. Cette allusion devait avoir une grande importance pour les cordonniers que l'on voit souvent en procès avec les savetiers et dont la corporation ne cessait d'affirmer ses prérogatives. C'est donc à un public de cordonniers que le mystère proposait une leçon d'humilité." (E. Lalou)
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
L'élément le plus remarquable est ici le paysage urbain, peint en grisaille sur verre blanc et sur verre bleu avec une grande précision. Derrière les murailles fortifiées sont figurés des maisons bourgeoises hautes, et un château, portant de nombreuses girouettes-étendards.
Ces murs sont peints au Jean Cousin, brun-roux.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
LE REGISTRE SUPÉRIEUR.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Registre supérieur, première lancette. Saint Denis envoie saints Crépin et Crépinien à Soissons.
.
Inscription légendée :
SAINCT DENIS COGNAISSAN LESPRIT DE SAINCT CRESPIN ET DE SON FRERE
DE ALLER PRESCHER EN FEST PRIERE A SOISSONS LA FOY CHARITABLE.
.
Le sol est traité par des ponctuations régulières sur fond uni, selon un mode déjà observé dans la baie 21 et qui se retrouvera sur les anutres panneaux.
Saint Denis est vêtu d'une cape à fermail, d'une dalmatique damassée dorée et d'un surplis. La mitre est perlée, la crosse est tenue dans la main droite. Le motif du dama est une grenade et des rinceaux, mais un motif à œillet va se retrouver sur les autres étoffes damassées.
Saint Crépin a troqué sa toque contre un nimbe, mais il conserve sa cape rouge (acec crevés à l'encolure), ses chausses violettes, et son pourpoint damassé, à œillets.
Créspinien, toujours en retrait par rapport à son frère, est vêtu comme sur le tympan.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
L'arrière-fond nous offre une superbe vue de la façade d'une église (celle de Gisors ?) avec deux tours rectangulaires et au dessus d'un portail en plein cintre, une tour ronde à piliers en rotonde.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
Registre supérieur, deuxième lancette. À Soissons, Crépin et Crépinien exercent le métier de cordonnier et enseignent la foi chrétienne.
.
Inscription légendée :
CE QUILS FEIRENT DE BON COURAGE. OU MOULT DE PEUPLE DUDICT LIEU
FAISANS DE CORDONNIER LOUVRAGE INSTRUIRENT EN LA FOI DE DIEU.
.
Les saints travaillent en ayant conservé leur tenue luxueuse. Crépin taille le cuir avec un couteau de pied en demi-lune tandis qu'un tranchet à ficher, de forme remarquable, est posé sur l'établi. Un assistant, penché en avant sur une sangle (voyez son usage sur l'illustration suivante) , porte le tablier de cuir propre à la profession.
Crépinien est à demi agenouillé et présente un objet que je n'identifie pas. Je ne comprends pas davantage ce que fait le personnage assis sur un tabouret et qui lui tient la taille. Il semble y avoir une contamination avec une scène d'arrestation, illustrée plus tard en sculpture à Troyes :
.
.
Derrière eux, un couple, la femme portant une petite coiffe.
Le couteau à pied est emblématique de la profession des cordonniers et figurait sur les armoiries de la corporation des cordonniers de Gisors : de gueules, à un couteau à pied, d'argent, emmanché d'or. Celles des savetiers de Gisors était de sable, à un tranchet d'argent posé en pal.
Voyez ainsi ces illustrations :
.
.
Ou cet intérieur d'atelier :
.
.
Nous devons éviter de confondre les cordonniers avec les savetiers :
"Le métier de cordonnerie était très nettement défini à Paris comme à Rouen au xve siècle et, sans insister sur les statuts de la corporation, il importe cependant de définir ce qu'était alors un cordonnier. Le « cordouannier de soulers et de huèses » fabriquait des chaussures et des bottes avec du « cordouan », c'est-à-dire de la peau de chèvre corroyée mais non tannée. Il pouvait aussi employer des cuirs de veau ou de vache, mais le cuir de mouton ou « basane » était réservé aux « çavetonniers » ou « basaniers » . A Rouen, les cordonniers « vachers » formèrent jusqu'en 1432 un métier distinct de celui des cordonniers. Le travail des cordonniers était très dictinct de celui des savetiers. Ceux-ci, appelés aussi « carreleurs » en Normandie, se bornaient à la réparation des souliers usés et n'avaient le droit d'employer qu'un tiers de cuir neuf. Les corroyeurs, tanneurs, peaussiers, mégissiers et teinturiers qui préparaient le cuir formaient autant de métiers particuliers. De même les gantiers, selliers, boursiers et courroiers fabriquaient les gants, selles, bourses et courroies. A Paris et à Rouen, tous les autres métiers du cuir possédaient donc leurs propres corporations et, de même, leurs confréries distinctes. Les savetiers avaient aussi saint Crépin pour patron, tandis que les corroyeurs et les tanneurs vénéraient saint Simon et saint Jude, et tous se réunissaient dans des lieux différents et à des dates différentes de ceux des confréries de cordonniers" (E. Lalou)
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
L'arrière-plan est à nouveau très intéressant à observer : c'est, à gauche, la façade d'une échoppe de cordonnier-savetier. Une paire de bottes, des formes, et des chaussures sont suspendus à un râtelier articulé.
.
Comparez à :
.
.
À droite, une façade d'église, avec une rose à 12 mouchettes.
Deux prêtres (chanoines ?) sont agenouillés devant le porche, qui est ouvert sur un alignement de piliers. Au tympan du portail, la statue d'un personnage écartant son manteau et tenant une hampe.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Registre supérieur, troisième lancette. Le diable, jaloux, parle en songe à un usurier et lui suggère de dénoncer l'action des saints.
.
Inscription légendée :
LE DIABLE AVANT DE ICEULX --- UN USURIER QUY DORMOIT
ALLA COMPTER TOULTE LEUR VIE AINSY QUE AU PREVOST LE DIROIT.
.
Le diable est représenté de manière amusante comme un homme très en colère qui se jette sur le dormeur ; il est tout vêtu de blanc, comme un fantôme dont il ne diffère que par les deux très longues cornes qui flottent derrière sa coiffe.
Dans le Mystère du XVe siècle, les diables portent des noms : SATHAN, BELZEBUT et DESTOURBET.
Ce qui sera dénoncé aux autorités romaines, c'est l'adhésion des saints à une religion proscrite et le mépris des Idoles.
L'homme dort sur son oreille gauche, dans un lit à draps et ciel de lit rouge, comme dans le tympan de la baie 21. Et comme dans celle-ci, l'artiste se plait à nous donner de petits tableaux domestiques, comme la table de nuit avec le chandelier et le vase, ou une crédence où un broc et un verre de vin sont posés, ou encore le lustre à oiseaux affrontés .
Ce verre de vin est fait d'un verre rouge gravé (rouge en face externe).
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
Dans les branches du lustre se lisent les lettres VIVE NICOL considérée comme la signature de Nicolas Le Prince.
Nicolas Le Prince, fils de l'illustre Engrand qui a signé la baie 21, vient d'une famille de verriers de Beauvais.
Sur la baie n° 9 de l'église de Beauvais, sa signature est tout aussi discrète, sur la lancette C du registre inférieur : elle se limite aux lettres NICOL mal discernable sur un mur.
Les trois générations de l'Atelier Le Prince (1491-1561) de Beauvais.
1°) Le plus ancien verrier de cette famille se prénomme Lorin, il est mentionné en 1491.
2°) La seconde génération comprend Jean et Engrand Le Prince.
Ce sont les auteurs des verrières de Saint-Vincent à Rouen, de l'Arbre de Jessé de l'église Saint-Étienne de Beauvais et de la verrière de Roncherolles de la cathédrale de Beauvais.
—Engrand est actif de 1522 à sa mort en 1531.
— Jean est actif de 1496 à 1538. Il collabore avec Nicolas Le Prince à la verrière de Saint-Claude de l'église Saint-Étienne de Beauvais et à celle du bras nord du transept de la cathédrale de Beauvais.
3°) Nicolas et Pierre Le Prince.
— Nicolas est sans-doute le plus prolifique de 1527 à 1551.
-
Louviers, La Légende de Théophile vers 1530
— Pierre a signé vers 1530 le vitrail de la Santa Casa de N.D de Lorette de l'église Saint-Étienne de Beauvais ; il travaillait encore en 1561.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Registre supérieur quatrième lancette. Le préfet Rictiovaire ordonne l'arrestation des deux saints.
.
Inscription légendée : difficile à déchiffrer
LEQUEL SUBIT SANS TARDER CRUEL [GRUEZ ? GRIEF ?] COMME UNG MESCHANT QUE ON DEBVOIT
LE ALA DIRE A RICTIOVARE QUI SOUDAIN LES FEIST ALER PRENDRE
.
Rictiovaire se penche sur la balustrade de son palis et adresse un ordre à un soldat armé d'une lance.
Rictiovar, « préfet » (Rictiovarus praefectus) ou "Prévost" (dans le Mystère, et ici), de Maximien, est le plus fameux des persécuteurs de Gaule. Dans la région entre Soissons et Amiens, six martyres lui sont attribués, ceux de Quentin; de Crépin et Crépinien (Soissons); de Valère et Rufin (Bazoches en Soissonnais) ; de Macre (Fismes) ; de Fuscien, Victoric et Gentien (Saint-Fuscien en Amiénois); et de l'enfant Just et ses compagnons (Saint Just en Beauvaisis)
Le personnage placé en arrière du Prévost est l'un des deux Conseilliers qui interviennent ici dans le Mystère. Rictiovaire décide de suivre leurs conseils :
Seigneurs, entendes mon accort :
Alez-nous quérir vistement
Ces deux qui la loy diffamant
Vont, présent nous, que nous tenons ;
Alés tost, et nous viserons
Quelz martyres pourront souffrir
Si ne se vueullent repentir
De leur faulx et mauvaiz langage.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
Nouvel exemple d'un édifice en arrière-plan :
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
REGISTRE INTERMÉDIAIRE.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Deuxième registre, première lancette. Flagellation des deux saints en présence de Rictiovaire.
.
Inscription légendée :
ET QUAND ENTENDIT LES RAISONS DES BONS SAINTS ESTROICT DETENUS
SANS LEUR USER DE LONGS BLASOS DREFUEMENT LES FEIST BATRE MID
.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Deuxième registre, deuxième lancette. Les deux saints sont pendus à des gibets où des bourreaux leurs arrachent des lanières de peau .
.
Inscription légendée :
NOSANT ICEULX NE CONTREDIRE MAIS FAIRE A DIEU TOULIOEURS PRIERES
COM[M]E[NT] UN TIRAN T[OU]T REMPLI DE IRES LES FEIST ESCORCHER PAR LANIERES
.
Le terme de "tiran" ou plus habituellement "tirant" désigne un bourreau. Voir le Mystère ... ou les différentes Passions médiévales. Certains portent des noms : AIGREMORT et AGRAPART.
Rictiovaire donne ses ordres :
A vous ! Vuellés les tost saisir,
Et les lier en celle estache ; [ Estache : pilier, poteau. ]
Car du corps je vueil qu'on leur sache
Des courroyes cy devant moy.
— Délivrez-vous, ou foy que doy
A tous les dieux que doy amer
Je vous feray déshonnourer
Et mettre à mort, je le vous juré.
PREMIER TYRANT.
Passés avant ! que grant laidure
Vous puist venir prochainement !
— Sus, compains ! sans délayement
Pren de là, et qu'il soit lié.
IIe TIRANT.
De moy sera contre-lié
Et garroté de ceste corde ;
Car à lui mal faire m'acorde
De bon vouloir, je te promés.
IIIe TIRANT.
Vous serés servi de tel més
Que vostre frère, par Mahom !
—Avant, compains ! or le lion
Comme l'autre appertement.
[les saints élèvent leurs prières vers Dieu]
PREMIER TIRANT.
Or sus ! ne faisons plus d'arrest ;
Puisque liés sont sus et jus,
II ne nous fault attendre plus
D'oster les courroyez du dos
A ces compains-cy, je le los
Pren ce coustel ; avançons-nous.
IIe TIRANT.
Affin que il ne tienne à nous,
Délivrons-nous de les trenchier
Et puis les vouldrons escorchier.
Trenche de là et moy de çà :
Maudit soit qui pitié ara
De leur mal faire nullement.
IIIe TIRANT.
On ne leur peut trop de tourment
Faire par Mahom que je croy !
Je scay moût bien, quant est à moy,
Qu'auray tantost une courroye ;
Or regardes comment je raye
Parmi son dos de ce coustel.
IIIIe TIRANT.
Par Mahon ! tu fais bien et bel ;
Je vueil corne toy ainsi faire.
.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Deuxième registre, troisième lancette. Les alènes enfoncées sous les ongles des saints se retournent, telles des flèches, contre les bourreaux.
Corps des martyrs restitués.
.
Inscription légendée :
POINT NE EN LAISSERENT LE PRESCHER DONT VOIANT SON ABUSION
LEURS PIEDS DE ALESNES FEIST PERCHER MAIS A LA GRANDE CONFUSION
.
Rictovaire décide, devant l'entêtement des saints a proclamer les vérités de leur foi, d'utiliser leurs propres instruments de travail de cordonnier pour les martyriser :
— Seigneurs, sans faire arrestoison
Alez-moy cy tantost quérir
Des alesnes; c'est mon plaisir ;
Quant noz dieux vueulent despiter
Je leur feray aux doys bouter ;
Car en leur mestier en ouvroyent ;
Si vueul, pour ce qu'ilz s'en vivoyent,
Qu'ilz en sueffrent cruel martire ;
.
Il faut concevoir que, pour les confrères cordonniers rassemblés dans leur chapelle, ces scènes étaient beaucoup plus parlantes, puisqu'ils les avaient joués, (ou y avaient assisté ) et qu'ils en connaissaient les répliques par cœur ; surtout ceux qui jouaient les "tirants", ou bourreaux, après l'intervention des anges Raphaël et Gabriel projetant miraculeusement les alènes (poinçons en acier courbes, ou comme ici— droits) contre eux :
Ils entendaient donc, en regardant ce vitrail, les Haro !, les De moy !, les Je suis mort ! et les Haro, Mahom ! qui fusaient aussi vivement que les alènes, et ils voyaient les cabrioles exagérées des acteurs tombant (cheoir) en arrière
PREMIER TIRANT.
Haro ! las ! il est ordonnés
De moy ! ne me puis soustenir :
A terre me convient chayr;
Car moult me deulx. Las! je define !
IIe TIRANT.
Ceste alesne en la poittrine
Si in'a navré jusqu'à la mort!
Chéoir me fault, soit droit ou tort,
Incontinent encontre terre.
IIIe TIRANT.
Le Dieu des chrestiens aprins guerre,
Se cuidé-je, encontre nous.
Je suis mort ! Las ! que ferons-nous !
Je n'en puis plus, chéoir me fault.
IIIIe TYRANT.
Haro ! Mahom ! le cuer me fault
Par celle alesne qui me point,
Qui jusques au cuer si me joint
Moult asprement, dont je me muir.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
Les crevés des hauts de chausses rouge sont obtenus par gravure du verre rouge, puis peinture au jaune d'argent.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
L'édifice à salle panoramique en rotonde revient inlassablement dans le ciel de la ville.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Deuxième registre, quatrième lancette. Les deux saints jetés dans l'Aisne, une meule au cou.
.
Inscription légendée :
DEPUIS LES FEIST PAR LES TR--- FAITZ OECTER EN XONE IN
-LUECQ MOEULLES DE PESANTZ LAIZ QUI NAGERENT CHO--
Le nom de la rivière Aisne, "Esne" dans le mystère, se dit Axona en latin, d'ou la graphie Axone.
.
Callias Bey et col. remarquent que cette scène est proche du miracle des enfants jetés dans le Doubs de la vie de saint Claude à l'église Notre-Dame-de-Marissel, Oise, baie 6, après 1527. Mais nous pouvons aussi la rapprocher le la même scène peinte à Beauvais par Nicolas Le Prince pour la baie n°9 de l'église Saint-Etienne (registre inférieur, lancette C).
.
Rictiovaire a condamné les saints à être jeté dans les eaux glacées de l'Aisne avec une meule autour du cou : Meules à leur col leur pendes. Je vous pri, point n'i attendes ; En l'eaue qui est fort gelée Les jettes tost sans demourée, Et les noyés appertement.
.
Là encore, la scène jouée sur les tréteaux devant et par les cordonniers est très animée, surtout lorsque les "tirants" s'activent à rouler les lourdes meules et se réjouissent d'envoyer les saints aller pêcher les poissons au fond de l'eau :
.
Ier TIRANT
Faisons à getter ces gens-cy ;
Levons ensemble : Hau ! hy, hy !
Mettons la pierre sur le pont,
Si l'envoyerons de plain fons
Dedans peschier.
IIe TIRANT.
Levons-la tost, je vous requier :
Elle est bien ; laissons-la ainsy.
Gettons le corps, je vous em pry,
Devant ; la meulle après ira.
Or, boutons tost... II y sera,
Se pensé-je, jà assez tost.
IIIe TIRANT.
Or alons à l'autre bien tost ;
Si yra veir que l'autre fait.
Levons ensemble, si vous plaist.
Hau ! hy ! hau ! Que deable elle poyse !
Tost serons quittes de leur noise
Et de leur plait, maugré leur dens.
IIIIe TIRANT.
Je vous pri, bouttons-le dedens ;
Si yra pescher aux poissons.
— Avant ! avant !... II est auffons ;
Jamais on n'en orra parler.
Nous nous en povons bien aler
Quant on voudra.
.
Mais hélas, les saints ont recours à la Doulce Vierge et la rivière dégèle miraculeusement tandis qu'ils se détachent de la meule : les voici en train de nager comme dans leur bain !
La rivière, qui fort gelée
Estoit, est chaude devenue
Comme eaue de baing, chose est sceue ;
Les meullez qu'en leur col ont mis
Emportent, dont je m'esbahis
Et merveille très grandement.
II ne leur griève nullement
A porter ne c'une chemise ;
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
REGISTRE INFÉRIEUR.
.
Troisième registre, première lancette. Les deux saints dans une chaudière d'eau bouillante, dont le contenu vient frapper les tortionnaires.
Scène très restituée.
.
Inscription légendée (très effacée) :
CAUSANT DOULEURS EURS NUICT
.
Dans la Troisième journée du Mystère, Rictiovaire est mort, et c'est un messager qui vient raconter les faits à Maximien : les saints ont été plongés dans une marmite d'huile et de plomb bouillants, mais la "fournaise" creva répandant son contenu sur le Prévôt et les bourreaux :
De dueil qu'en out Rictiovaire,
Leurs fist un aultre tourment faire ;
Car en une fournaise ardant,
En huille et en plonc boullant
Les fist mettre par grant ayr ;
Car à chief en cuidoit venir ;
Mais la fornaise si creva
Qui Rictiovaire tua
Et ceulx qui estoyent autour
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
C'est Rictiovaire lui-même, sceptre en main, qui tombe à la renverse.
Notez l'effet saisissant rendu par les flammes en verre blanc dont seule la partie centrale est peinte au jaune d'argent.
Dans la légende, une goutte du liquide est projetée dans l'œil de Rictiovaire : l'artiste a effectivement représenté une fusée d'huile qui jaillit mais n'a pas encore atteint l'œil.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
Nouvel exemple d'architecture (palais surveillé par un garde), sur un verre bleu-violet.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Troisième registre, deuxième lancette. Un soldat raconte ces prodiges à Maximien.
.
A MAXIMIEN LEMPEREUR LUNG DE SES GENTS (GRANTZ) ALLA BIEN TOST
----------------------------------------------------------------GRAND FUREUR ----
.
Blanquart, suivi par Callias Bey, trouve que le soldat est inspiré d'après celui de la Dame au lansquenet de Dürer, cat. Bratsch n°82.
.
.
Je le rapproche surtout du seigneur qui, dans la baie 21 peinte par Engrand le Prince, assiste au baptême de saint Claude au registre supérieur. Mêmes chausses à crevés, mêmes rubans sous le genou, même chapeau à plume blanche.
.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
En arrière-plan, la cheminée Renaissance, le plafond à caissons, ...
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Troisième registre, troisième lancette. Décollation des deux saints.
.
Inscription légendée :
LORS SANS PLUS ---MAXIMIEN SANS CONTREDICTS
LES BENORCT-EMCTENT DECOLLRE QUI TR—MBENT EN PARADIS
.
L'empereur en entendant les saints proclamer leur foi, est furieux de les voir blasphémer contre Mahom : On vous fera coupper les testes ; Car très mauvaises gens vous estes De cecy dire.
Dans le Mystère, le jugement et la décollation se déroulent devant l'empereur, ses deux conseillers, et des chevaliers, tandis que les bourreaux se nomment GRAINAUT et MALFERAS.
Ici, la scène est représentée dans la largeur des deux dernières lancettes.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
Dans la troisième lancette, le bourreau porte une tenue de soldat, avec pourpoint blanc à crevés, haut-de-chausses à crevés nouées sous le genou par un ruban bleu, comme le messager de la lancette précédente. Maximien est coiffé d'un turban et vêtu d'une pelisse ; il tient son bâton de commandement. Un homme et trois femmes observent la scène.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
L'arrière-plan est en grisaille sur verre rouge clair.
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
.
Troisième registre, quatrième lancette. Décollation des deux saints.
.
Inscription légendée :
CORDONNIERS DE AMOUR ENTIER MECTANT EN DIEU TOUT LEUR ART
MIT cu dni CESTE VERRIERE LAN MIL CINQ CENS ET TRENTE
Cette inscription est évidemment très précieuse par la datation de 1530, déjà relevée par l'abbé Blanquart. Mais elle doit aussi être lue — malgré ma difficulté à décrypter le début de la seconde ligne— comme une inscription de donation par la confrérie des cordonniers, "cordonniers d'amour entier mettant en Dieu tout leur art", donnée précieuse en l'absence des armoiries qui, sur la baie 26, affirmait clairement la donation des tanneurs.
.
Le bourreau est ici pieds nus, coiffé d'un bonnet rouge à ruban blanc (verre gravé).
.
Vie de saints Crépin et Crépinien (1530, Nicolas Le Prince), Baie 23, collégiale de Gisors. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
.
CONCLUSION.
Cette baie réalisée 4 ans après la baie 26 n'a pas, à mon jugement, la beauté et la maîtrise éblouissante déployée par Engrand Le Prince dans cette dernière. Elle est surtout remarquable par la qualité de ses arrière-plans, sur verre bleu mais aussi bleu-violet : leur étude pourrait permettre dans trouver les sources soit locales dans les vues anciennes de Gisors, soit par comparaison avec les édifices peints avec soins dans les enluminures ou dans d'autres vitraux, comme a su le faire Marie Jacob pour la production de l'atelier des Colombe (1470-1500).
.
SOURCES ET LIENS.
.
— BLANQUART, (Abbé), 1885, Notice sur les vitraux de Gisors, Mémoires de la société archéologique et historique de Pontoise et du Véxin, T7, page 67 et suiv.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k214014k/f121.image
— CALLIAS BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), GATOUILLAT (Françoise), HÉROLD (Michel), 2001,"Les vitraux de Haute-Normandie", Corpus vitrearum Recensement VI, CNRS éditions, page 120
— HAMON (Étienne), 2008, Un chantier flamboyant et son rayonnement: Gisors et les églises du Vexin français, Presses Univ. Franche-Comté, 2008 - 652 pages page 321.
https://books.google.fr/books?id=QrXmxuOPH5MC&dq=isbn:2848672196&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
—HÉROLD (Michel), 1993, Gisors, église paroissiale Saint-Gervais Saint-Protais, les verrières, Paris, 1993. Non consulté.
— JACOB (P.L), 1852, Histoire des cordonniers et des artisans dont la profession se rattache a la cordonnerie, comprenant l'histoire des anciennes corporations et confréries de cordonniers, de bottiers, de savetiers, de formiers, de marchands de crépin, de peaussiers, de tanneurs et de corroyeurs de la France, depuis leur fondation jusqu'à leur suppression en 1789: précédée de L'Histoire de la chaussure depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Librairie historique, archéologique et scientifique de Seré, 1852 - 326 pages
https://archive.org/details/histoiredescordo00jaco/page/n9
— JULLIAN (Camille), 1923, C. Questions hagiographiques : le cycle de Rictiovar , Revue des Études Anciennes Année 1923 25-4 pp. 367-378
https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1923_num_25_4_5206
— LAFOND, Pratique de la peinture sur verre à l'usage des curieux: suivie d'un suivie d'un essai historique sur le jaune d'argent, et d'une note sur les plus anciens verres gravés, Lainé, 1944 - 137 pages
— LALOU ( Elisabeth ), 1985, Les cordonniers metteurs en scène des mystères de saint Crépin et saint Crépinien
Bibliothèque de l'École des chartes Année 1985 143-1 pp. 91-115
https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1985_num_143_1_450369
— LEROY (De Onésime ), 1837, Etudes sur les mystères, monumens historiques et littéraires, Hachette, 1837 - 520 pages, page 274 et suiv.
https://books.google.fr/books?id=OoUWAQAAMAAJ&dq=rictiovaire&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
— MÂLE (Emile), 1931, L'art religieux de la fin du Moyen Age en France. Etude sur l'iconographie du Moyen Age et sur ses sources d'inspiration, Paris, pages 171, 181 et 182
https://archive.org/details/lartreligieuxde00ml/page/170
https://archive.org/details/lartreligieuxde00ml/page/180
Fig. 95. — Arrestation de saint Crépin et de saint Crépinien. Eglise Saint-Pantaléon, Troyes.
De charmants vitraux, consacrés à la légende de saint Crépin et de saint Crépinien, ornent une chapelle de l'église de Gisors, l'église de Clermont-d'Oise et l'église Notre-Dame de Bourg-en-Bresse : ils ont été offerts, les uns et les autres, par des confréries de cordonniers.
. Le Mystère de saint Crépin et saint Crépinien a été composé à la requête d'une confrérie de cordonniers . Bien d'autres vitraux commémorent les jeux dramatiques organisés par les confréries. Les verrières consacrées à saint Crépin et à saint Crépinien que les cordonniers de Gisors et ceux de Clermont-d'Oise donnèrent à leurs églises en sont la preuve. Les confrères de Gisors et de Clermont connaissaient certainement le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien qu'avaient fait représenter les cordonniers de Paris. L'artiste (car les vitraux de Gisors et de Glermont sont du même dessinateur ) avait vu lui aussi la pièce. Il la suit en effet pas à pas ; les martyrs sont tour à tour frappés de verges, écorchés, déchirés avec des alênes, jetés dans la rivière avec une meule au cou. Quelques scènes typiques dénotent clairement l'imitation. Un épisode assez oiseux, mais qui a sa place dans le drame, a été reproduit : un magnifique messager, l'épée au côté, le chapeau sur le dos, explique au vieil empereur à barbe blanche qu'il est impossible de venir à bout des deux prisonniers ; les cuves d'huile bouillante où on les a plongés ont éclaté et ont tué tous les bourreaux. L'empereur ordonne alors qu'on en finisse et qu'on décapite les deux saints.
6. Le vitrail de Gisors est de 1530, celui de Clermont de 1550. Les cartons avaient été conservés dans l'atelier du peintre-verrier. Ce peintre était un artiste attaché à l'atelier des Leprince à Beauvais, comme le prouve le style du vitrail. Certaines scènes, à Gisors et à Clermont, sont absolument pareilles. 11 n'y a qu'une différence : c'est qu'à Clermont l'œuvre est plus complète et contient des scènes qui manquent à l'autre (histoire des reliques).
7. Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien, publié en 1836 par Dessalles et Chabaille, Paris, in-8°, n' est malheureusement pas complet. Tout le début manque. Nous ne pouvons donc pas confronter les premiers panneaux du vitrail (naissance, conversion, apostolat des saints) avec le Mystère.
D'autres scènes plus significatives encore lèvent tous les doutes. On voit, dans le vitrail de Clermont, un vieillard et une chrétienne ensevelir les restes des martyrs ; puis leurs reliques retrouvées sont mises dans une châsse et présentées à la vénération des fidèles; les malades accourent en foule et reviennent guéris. Or, tel est précisément le dénouement du Mystère : la dernière journée tout entière y est consacrée à l'histoire des reliques
Je suis convaincu que la plupart des vitraux légendaires qui nous restent ont la même origine. Je sens partout l'influence de ces innombrables représentations dramatiques organisées par les confréries. Tout cela, il est vrai, s'entrevoit dans le demi-jour; les preuves formelles manquent la plupart du temps.
1. Le vitrail de saint Crépin et de saint Crépinien qui se voyait à Paris aux Quinze-Vingts était semblable à ceux de Gisors et de, Clermont. Il se terminait aussi par l'épisode des reliques.
— MIGNE (Paul-Jacques), Dictionnaire des Mystères, Encyclopédie théologique, ou Série de dictionnaires page 274 et ss.
— MYSTÈRE DE SAINT CRESPIN ET SAINT CRESPINIEN, PUBLIÉ POUR IA PREMIÈRE FOIS, DAPRÈS UN MANUSCRIT CONSERVÉ AUX ARCHIVES DU ROYAUME, PAR L. DESSALLES ET P. CHABAILLE. A PARIS, CHEZ SILVESTRE, LIBRAIRE, RUE DES BONS-ENFANTS, N° 50. MDCCCXXXVI. [1836]
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58299271.texteImage
— PATTE (Victor), 1896, Histoire de Gisors, ed. C. Lapierre, Gisors page 261-263
https://archive.org/details/HistoireDeGisors/page/n327
— TOURNEUR (Victor), 1906, Le mystère bréton de Saint Crépin et de Saint Crépinien. Paris, H. Champion."Extrait de la Revue celtique, t. XXV, pp. 299-243, 420-437; t. XXVI, pp. 96-111, 200-217, 290-319; t. XXVII, pp. 16-48." "Le texte ... reproduit le ms. 20 du fonds celtique de la Bibliothèque nationale de Paris."
https://archive.org/details/bub_gb_meRGAQAAMAAJ/page/n7
.
.