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27 novembre 2018 2 27 /11 /novembre /2018 15:41

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PRÉSENTATION.

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Cette baie à 3 lancettes trilobées et un tympan à 3 ajours et 2 écoinçons est haute de 3 m. et large de 2,40 m est attribuée à Nicolas Le Prince et datée vers 1530. Elle a été restaurée par Maurice Muraire en 1903. Elle est consacrée à la Légende de Théophile.

Quelle est cette Légende ? 

La légende de Théophile.


 Théophile (mort vers 538),  économe (ou vidame) au service d’un évêque d'une église à Adana en Cilicie, était reconnu pour sa bonté et sa grande dévotion à la Vierge. Son évêque étant mort, il avait refusé de lui succéder, bien qu'on voulût l'élire. Un autre fut nommé mais ce nouvel évêque, par une mauvaise inspiration ou par jalousie ... priva le pauvre Théophile de ses fonctions. Tombé en disgrâce, réduit au désespoir, abandonné de tous, Théophile, autrefois si pieux et si vertueux, consent, par l'entremise d'un Juif, à faire un pacte avec le diable : il promet de renier Dieu et de devenir l'homme de Satan, à condition que celui-ci lui fera  rendre ses honneurs. Le pacte signé, Théophile retrouve sa situation mais regretta toutefois  son geste  — très vite ou après après sept ans, selon Rutebeuf —.  Les remords viennent le torturer, il se repent, s'adresse à la Sainte Vierge et, par ses prières et par ses plaintes, il l'émeut à tel point qu'elle lui rend le pacte qu'il avait signé.  Théophile confessa ses péchés devant l’évêque et le peuple. La charte fut brûlée et Théophile mourut peu de temps après.

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L'histoire de Théophile a été écrite d'abord en grec. Une traduction latine fut faite au IXe siècle par Paul Diacre de Naples et offerte à Charles le Chauve, connu pour sa dévotion mariale. Cette traduction, qui semble provenir d'une rédaction réunissant des traits des deux manuscrits grecs que nous connaissons, constitue la source, directe ou indirecte, de la plupart des versions plus récentes, soit en latin, soit en des langues modernes . 
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Une diffusion privilégiée dans le Nord et dans l'Ouest.

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Le nombre de ces versions plus récentes atteste la grande popularité de la légende de Théophile. Presque toutes les 
grandes collections des Miracles de la Vierge, en latin et en langue vulgaire, la reproduisent. En latin, nous connaissons plus de vingt-cinq rédactions diverses en prose et en vers.

"La morale illustrée dans ses poèmes suggère l’importance de la confession et de la prière, qui constituent les deux voies privilégiées contre le diable et le péché."

 

Dans le domaine de la poésie, Marbode (1040/45-1123), évêque de Rennes, relata la légende de Théophile. Son contemporain Hildebert de Lavardin (1056-1133),  évêque du Mans et archevêque de Tours, traita de ce miracle dans son œuvre.

En anglais, il y a une grande quantité de poèmes narratifs renfermant au moins quatre versions diverses de la légende ; en allemand, nous connaissons trois poèmes narratifs et trois drames - ; en italien, un drame et diverses versions en prose; en espagnol, au moins quatre versions, deux en vers, deux en prose ; en hollandais, un poème et au moins une version en prose ; en anglo-saxon, une version en prose ; en islandais, trois rédactions en prose, etc.


Vincent de Beauvais lui consacre un chapitre du Speculum historiale (1244-1250), De Theophilo vicedomino et chirographo quod dedit diabolo (XXI, 69) ; Jacques de Voragine, vers 1265, intégra la légende dans le chapitre De nativitate beatae Mariae virginis de sa Légende dorée.  Jean Miélot,  copiste, enlumineur, traducteur et compilateur au service de Philippe III le Bon, duc de Bourgogne la place dans ses Miracles de Notre-Dame en prose compilés en 1456.

Illustrant ces ouvrages, les enluminures abondent, et sont présentes aussi dans les Psautiers et les Livres d'heures. Tel le Livre d’heures à l’usage de Rouen datant de 1475-1485 conservé à New York, The Pierpont Morgan Library, ms. M 131 f.33v. .

 

 

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La légende de Théophile dans la liturgie et la musique sacrée.

Comme l'a démontré Émile Mâle, dans  L'Art religieux du XIIIe siècle, 4e éd., p. 306 et suiv., « la légende ne fut si populaire que parce que l'Église la choisit entre beaucoup d'autres et l'adopta." Dès le XIe siècle, on chantait à l'office de la Vierge Tu mater es misericordiae / De lacu faecis et miseriae / Theophilum reformans gratiae. Au XIe et au XIIe siècle, la légende était devenue un exemple et figurait dans les sermons, comme celui de Fulbert de Chartres pour la Nativité ou ceux de Pierre Abélard et  d'Honorius d'Autun pour
 la fête de l'Assomption, puis ceux de Geoffroy de Vendôme et Bernard de Clairvaux (Tractatus ad laudem gloriosae V. Matris).

"Théophile était à la fois un modèle et un contre-modèle pour chaque chrétien. Son histoire montrait le mal et la manière d’atteindre le salut et de se faire pardonner. Elle révélait qu’il n’y a pas de péchés irrémissibles s’il y a pénitence et que la sainteté n’est jamais acquise". (Coté)

 

Vers  1460, Johannes Régis, maître de chœur à Soignies près de Cambray puis secrétaire de Guillaume Dufay, compose sur cet office  un motet à 5 voix (il en est l'initiateur) , Ave Maria... Virgo serena.

Au début du XVIe siècle, le compositeur picard Jean Mouton, ami de Josquin des Près et musicien préféré d'Anne de Bretagne composa un motet Ave Maria dont la seconde partie débute par Tu civitas regis justitiae, Tu mater es misericordiae, de lacu faecis et miseriae, Theophilum reformans gratiae.

Le motet de Josquin des Près Ave Maria... virgo selena  ne comprend pas cette seconde partie.

Le Miracle de Théophile de Gautier de Coincy et de Rutebeuf.

 En français, on a signalé quatre poèmes narratifs, dont celui de Gautier de Coincy (Miracles de Nostre-Dame, 1218),  plusieurs versions en prose, deux soi-disant Prières de Théophile en vers, et le Miracle de Théophile de Rutebeuf à la fin du XIIIe. 

Dans le texte de Rutebeuf, "tout est fait pour mettre en valeur ces trois moments : le débat intérieur de Théophile sur le point de renier Dieu, et plus encore les deux autres, le repentir de Théophile suivi de sa prière à la Vierge." (M. Zink)

"La pièce de Rutebeuf prend toutes les caractéristiques du miracle traditionnel : Vierge médiatrice, mère et Reine prenant place aux côtés d'un Dieu violent, inaccessible à l'homme. Notre-Dame permet à Théophile de renouer un dialogue rompu avec Dieu : avocate de l'homme auprès de Dieu, elle fait œuvre de charité et de bonté. Mais dans ce miracle par personnages, elle prend une forme originale et neuve, prenant vie par rapport à d'autres personnages et dans ses interactions avec ceux-ci : Marie devient une femme accessible et présente aux yeux du pécheur, mais aussi du spectateur, et devient surtout un objet de rire et de spectacle : face à Théophile, son refus inquiète et apporte l'espace d'une réplique un suspens dramatique. Face au diable, la scène devient burlesque et le diable est tourné en ridicule par une Vierge masculine et violente. La richesse de ce miracle est d'avoir apporté à la Vierge un nouveau visage comique, le poète jouant sur sa propre ambiguïté face à une religion qui ne lui convient plus et éveillant le public à une nouvelle forme de piété." (F. Frou)

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La légende de Théophile dans le théâtre religieux médiéval.

Nous ne connaissions que trois représentations du miracle de Théophile en France, celle d'Aunai (Eure-et-Loire) en 1384, celle de Limoges en 1533, celle du Mans (Sarthe) en 1539, mais il faut y ajouter celle données à Paris au Collège de Navarre en 1426,  à Lyons-la-Forêt (Eure) citée par M de Maulde, et à Caen entre 1502 et 1510 : la prépondérance de l'Ouest de la France est notable, et les quelques témoignages d'une réalité plus vaste attestent que les habitants de Louviers pouvaient, lorsque les vitraux de leur église furent posés, assister encore dans leur région à de telles représentations.

Le Miracle de Théophile fut joué à Caen "à l'exaltation de la Vierge glorieuse". C'est bien l'ardeur du culte marial des Normands qui explique ce renouveau du Miracle au XVIe siècle, culte centré, notamment à Rouen, sur la défense de l'Immaculée Conception.

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Iconographie : La légende de Théophile dans les vitraux.

a) Aux XIIe-XIIIe : dans les cathédrales essentiellement.

  • Cathédrale de Lincoln, déambulatoire du chœur, fin XIIe -début XIIIe siècle.
  • Cathédrale Notre-Dame de Laon, baie 1, lancette gauche, chapelle axiale du chœur, 1210-1220. : 18 médaillons sur une lancette de 24 médaillons.
  • Cathédrale Saint-Etienne d’Auxerre, baie 2, chapelle axiale du chœur, vers 1240 .
  • Cathédrale Saint-Pierre de Beauvais, baie 2, chapelle axiale du chœur, 1240-45 .
  • Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption de Clermont-Ferrand, chapelle axiale du chœur , 1248  
  • Cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul de Troyes, fenêtre haute du chœur, 1240-1250. 
  • Église paroissiale Saint-Pierre de Saint-Julien-du-Sault, (Yonne) baie 4, chapelle du chœur, milieu du XIIIe siècle.
  • Cathédrale Saint-Julien du Mans, verrières hautes du chœur baies 105 et 110, milieu du XIIIe siècle 

b) Au XIVe siècle, dans les églises de l'Eure essentiellement.

  • Église paroissiale Notre-Dame de Louviers(Eure) façade occidentale, 1530-1540.
  • Église paroissiale Saint-Martin de Montangon (Aube) , baie 3, chœur, 1530. 
  • Église paroissiale Saint-Nicolas de Beaumont-le-Roger, (Eure) Haute-Normandie, Chœur ?, baie 7, 1540-1550. 
  • Église paroissiale Notre-Dame du Grand-Andely, Les Andelys, (Eure) Haute-Normandie, bas-côté sud de la nef, baie 18, 1540. 

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

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LA LANCETTE GAUCHE : LE RENVOI DE THÉOPHILE PAR SON ÉVÊQUE.
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Renvoi et désespoir de Théophile

"Fortement restituée ; décor architectural  en grande partie moderne, panneau inférieur restitué." (Recensement).

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La scène se déroule dans ce qui doit être le bas-coté nord d'une église ; deux curieux petits personnages sont visibles dans le triforium. Une fenêtre donne vue sur le toit et la galerie d'une tour, délicatement peinte sur un verre bleu clair, selon l'usage des Le Prince.

Parmi les sept personnages, il est aisé d'identifier l'évêque, ainsi que le vidame Théophile, portant le surplis blanc (ou plutôt l'aumusse fourrée) des chanoines. Ce prélat avance les mains en signe de refus du renouvellement du poste, face au vidame qui tente d'argumenter pour conserver sa fonction.

Je rappelle à qui correspond cette fonction de "vidame" : le titre de vidame, ou vidomne, — vice-dominus, ou "vice seigneur" conférait à son titulaire la fonction de représenter un comte, un duc ou, comme ici un évêque dans son administration temporelle de ses biens et en matière de justice.

Le vitrail ne nous montre donc pas le refus de Théophile d'occuper la charge épiscopale, mais ce refus, cette dérobade sous couvert d'humilité a pu choquer ou irriter certains. 

 

"L’archevêque, déconcerté par sa résistance, lui accorda trois jours pour réfléchir. Le temps venu, il trouvait le saint homme plus entêté que jamais dans son refus, et se voyait obligé d’engager le peuple à un autre choix. Le nouvel évêque mena grande joie de son élection puis, pressé par l’envie et les mauvais conseils, ne craignit point de chasser Théophile de l’emploi où cet humble serviteur avait voulu demeurer." (Gautier de Coincy)

Nous  voyons ce conseiller, vêtu de la même aumusse et portant la même tonsure que Théophile,  se pencher vers l'oreille de l'évêque pour lui susurrer de ne pas favoriser son collègue. Un autre conseiller, un clerc vêtu de bleu, jette un regard torve qui laisse préjuger de ses  états d'âme — s'il lui en reste une — tandis que les autres personnes, des laïcs barbus habillés en seigneur et coiffés de toques, tiennent des conciliabules malsains. 


 

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

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LA LANCETTE MÉDIANE : LE PACTE DE THÉOPHILE AVEC LE DIABLE.

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"Verre gravé rouge pour le pacte. Partie supérieur du 2ème panneau restitué." (Recensement)

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Là encore, l'artiste estime que les  épisodes intermédiaires sont connus du public. Théophile, éconduit de son juteux poste de vidame, regrette son geste, enrage, voue sa foi aux gémonies, et, désespéré, prend contact avec un Juif qui lui propose une conversion radicale et une allégeance aux forces du Mal.

 

"Or, quelqu’un se réjouit de l’affaire : l’Ennemi qui guette les âmes et s’afflige dès qu’il voit un fidèle s’entremettre pour servir Dieu ou se tenir au ferme propos de bien se conduire. Jour et nuit, insidieux et tenace, invisible et toujours agissant, il se glisse auprès de Théophile, l’entoure, le circonvient, le tente et si durement le presse que le pauvre clerc, embrasé de mauvais désirs ou enflammé de colère, ne se connaît plus et se met au point de renier Dieu et de s’étrangler de fureur.

« Ah ! fait-il, ah ! hélas, me voici bien échec et mat. J’étais brillant parmi les prêtres et je suis devenu zéro en chiffre, victime de ma propre stupidité. Quel sot je fus, quel démon me trompa quand je refusai d’être évêque ! Que mon âme se perde et que je brûle au feu d’enfer pourvu que je retourne à ma dignité première. Holà ! Satan, voici ton heure. Ton homme je me déclare, prêt à te servir chaque jour pourvu que tu m’indiques le moyen de prendre ma revanche. Car, je le sens trop maintenant, ni Dieu, ni sa Mère ne me sont plus d’aucun secours. »

Il y avait dans la ville un juif fécond en artifices, expert en sorcellerie et qui savait évoquer, sans qu’ils pussent résister à ses incantations, les diables d’enfer. Il avait déçu les plus sages de l’endroit et mainte âme lui avait dû d’aller griller pour l’éternité. C’est à son huis que Théophile se décida de frapper.

Il ne fallut pas un long examen au nécromant pour deviner que le démon possédait cet esprit devenu tout mondain. Le clerc, d’ailleurs, tombé à ses pieds, le suppliait.

« Seigneur, s’écria-t-il, seigneur, grâce ! Près de succomber au courroux de mon cœur, je vous implore. L’évêque, mon nouveau maître que Dieu confonde, m’a dépouillé de mon grade, m’a privé de mes biens et m’a jeté à la rue. Que, par vous, je vienne à bout de me venger ou, sûrement, je succombe de désespoir. »

À quoi le juif mielleux répondit :

« Ami, vous tiendriez encore votre haute place si vous étiez, comme tant d’autres, usurier, avare, flatteur ou esclave. Mais tous vos prélats, je ne le sais que trop, n’ont que faire de gens de bien. Les gros bénéfices vont aux grosses bourses, et nul n’a rien s’il ne l’achète ou s’il ne le paye en bassesses, en médisances ou en flatteries. Chaque jour la chose empire. Vos chefs ne prisent nul mérite. Ample déshonneur, certes, vous leur devez. Mais si vous voulez m’en croire et vous fier à mon conseil, bientôt vous retrouverez des trésors et des titres plus grands que ceux que vous avez perdus. »

Théophile acquiesça et le perfide reprit :

« Beau doux ami, l’homme prudent ne révèle à personne ses affaires et, entre mille, sait faire choix d’un ami. Revenez demain soir tout seul, je veux mener la chose avec tant de secret et de diligence que, si méfiant que soit votre évêque, vous deveniez avant peu maître de lui et de ses biens. J’ai assez de crédit à la cour de mon Seigneur à moi pour vous obtenir satisfaction. Je vous y conduirai, vous pourrez vous y plaindre. Évêque vous désirez d’être, c’est la tiare peut-être et les clefs qu’on vous offrira. Ils sont nés sous une heureuse étoile ceux qui apprennent à profiter d’un tel pouvoir. »

Le malheureux Théophile prend congé puis s’en retourne furtivement chez lui. Le lendemain, à la nuit, animé du mauvais esprit, il revient chez le juif qui lui saute au cou, le baise et lui fait fête.

« Ah, dit le mécréant, réjouissez-vous. Je me suis déjà occupé de votre affaire : j’ai vu Messire et l’en ai entretenu. Il vous salue et, par moi, vous mande qu’il vous attend parmi sa cour à la grande fête qu’il va donner. »

La nuit est épaisse et semble peuplée d’ombres hideuses. Où va le misérable que son noir compagnon tient étroitement serré, qu’adviendra-t-il de lui si Notre-Dame ne s’en mêle ? Il tremble de tous ses membres en attendant. « Ne crains donc rien, lui répète le maudit juif, et quoique tu entendes, quelque merveille que tu voies, garde-toi bien surtout de faire nul signe de croix ni d’appeler Dieu, ni sa Mère. »

Théophile promet tout ce qu’on veut. « Lève la tête maintenant, reprend le juif qui l’a saisi par la main, tu peux déjà voir la fête que je t’ai promise et la haute joie que mènent tous ceux qui servent Monseigneur. »

Un sourd tumulte, un bruit funèbre ébranlent tout le pays. Autour de la ville, dans une clarté livide, des processions vont et viennent, et on dirait qu’un sombre incendie dévore le sol. Ils sont bien là cent mille démons, revêtus d’un lourd manteau blanc et tenant au poing cierges et chandeliers. Ils glorifient leur Seigneur et celui-ci, au milieu d’eux, se dresse, si gigantesque et si épouvantable qu’à sa vue Théophile, claquant des dents, se demande s’il ne va pas succomber à l’effroi. Ah, il s’en retournerait bien volontiers ! Mais son juif ne le lâche pas et lui recommande sans cesse de n’invoquer aucun saint.

« Ami, dit le Diable au juif, quel est cet homme et d’où vient-il ?

Seigneur, répond le maudit, c’est celui qu’hier soir j’ai promis de vous amener. Il est à vous si vous le voulez et il a grand besoin de vos conseils. Vous lui accorderez d’ailleurs bien plus qu’il n’ose demander. Quant à son grief le voici. Son évêque lui a fait injure et il en a le cœur tout furieux et dolent. »

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C'est ce contexte qu'il faut connaître pour identifier ici le beau personnage qui se tient en bas et à gauche du vitrail. Toque bleue, manteau long de belle étoffe rouge, chemise à col de dentelle, tunique verte, chausses bleues, il a l'allure d'un jeune noble du XVIe siècle, mais la main qu'il pose sur son aumônière le désigne comme le Juif perfide.

La scène se passe dans un palais Renaissance (pilastres à bas-reliefs et moulures, entablements sculptés)  , mais la partie droite, et le deuxième plan sont teintés d'une couleur rougeâtre en reflétant les feux de l'Enfer : nous sommes chez le Diable.

Celui-ci est assis sur un trône. Il est vêtu, sur une robe rouge, d'une pelisse qui pourrait être celle d'un riche bourgeois, mais son visage est celui d'un faune, envahi par les poils, avec deux oreilles velues, et un regard détourné. Ce sont ses mains velues et griffues, et surtout ses pieds, semblables à une patte de reptile, qui trahissent le plus sa nature immonde.

Théophile se damne devant nos yeux en tendant au démon la Charte, écrite de son sang.

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"Et Satan aussitôt :

« Puisque tu le veux, dit-il, si tu renies sans délai ton baptême, ta croyance en Dieu, en sa Mère, en ses saintes et saints, je te rends des honneurs à l’infini au-delà de ceux que tu as perdus. Et quant à l’évêque, ton maître, tu ne lui demanderas rien qu’il ne soit contraint de t’accorder. Mais tout cela je ne te l’octroie qu’au prix d’un abandon complet et de Jésus et surtout de Marie qui jour et nuit m’opprime et me poursuit et que je hais de toutes mes forces. Et tes promesses ne me suffisent point : trop de chrétiens m’ont déçu déjà, se rangeant sous ma loi pour gagner mes faveurs et se dérobant après, moi quinaud, par la confusion ou par le repentir. Ce que j’exige, c’est une belle et bonne charte, signée de ton nom, scellée de ton sceau et telle que tu ne la puisses désavouer. À ce prix seul tu participeras à ma haute puissance et à mes innombrables trésors. »

À toutes ces conditions, le clerc égaré souscrivit. Tombant aux pieds du Diable et les baisant de façon très humble, il renia foi et sacrements, puis, consommant l’irréparable, il livra le parchemin où la marque de son anneau attestait le pacte odieux. Satan emporta la pièce en enfer, riant à l’idée que nul ne viendrait la rechercher jusque-là et tout heureux d’avoir enlevé à Notre-Dame un des plus fervents et des plus connus de ses serviteurs."

 

 

 

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

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LA LANCETTE DROITE : LA VIERGE RÉCUPÈRE LA CHARTE.

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Description.

Verres rouges gravés pour la charte, et pour les griffes du Malin . Panneau inférieur restitué. 

La peinture est construite sur l'opposition des triangles limités par les diagonales : à droite et en haut, la Vierge à l'Enfant et l'église, métonymie de l'Église, mais aussi sur le verre bleu cet édifice qui revient sans cesse dans les peintures de l'atelier Le Prince. Les couleurs dominantes sont le blanc, le bleu et le jaune d'or. Les visages très blanc et les rehauts au jaune d'argent, également spécifiques de cet atelier, n'atteignent pas les sommets de virtuosité propres à Engrand, père de Nicolas Le prince

À gauche, tenant dans sa patte le Pacte signé du sang et du sceau de Théophile, le Diable, reptilien, à ailes de chiroptères, et à queue de renard. Aux constructions urbaines s'oppose ici la forêt, la nature profonde. Le rouge et le vert, mêlé au jaune, dominent. Le visage de Satan est démoniaque et satanique à souhait.

Sur la ligne médiane, en champ neutre, la charte fait scintiller l'opposition du rouge et du blanc

Cette bipartition de l'espace rappelle celle des théâtres médiévaux :

 

 "Le rapport entre la prise de parole et la mention spatiale est un des traits spécifiques de la dramaturgie médiévale où la mise en scène repose sur une répartition en mansions, c’est-à-dire en plusieurs lieux, présentés simultanément à la vue du public placé soit en rond autour de la « scène » soit face à elle. Il suffisait que les personnages se tiennent devant ou dans l’espace qu’ils délimitent pour être identifiés avant de s’avancer dans ce que la critique nomme « l’aire de jeu » : espace vide et neutre où s’effectuent les déplacements. Pour le Théophile, on peut donc imaginer, par exemple, une opposition entre l’espace du diable et l’espace marial de l’église, entre la demeure du juif et celle de l’évêque, avec un Théophile balloté de l’un à l’autre." (Françoise Laurent)

 

 

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

 

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 C'est peut-être Rutebeuf qui a introduit la lutte de la Vierge avec Satan pour la possession du pacte .

Théophile est absent. "Si l'histoire doit être contée en trois actes, les seules images sont la destitution, la conjuration et la restitution du pacte à la Vierge". (L. Riviale). Certes. Mais cela suppose que nous connaissions les épisodes manquants.

Il y a d'abord la conversion de Théophile au Mal. Le Diable suggère à l'évêque de rendre à Théophile son cher emploi, et ses honneurs, et sa richesse, mais il est désormais un suppôt de Satan :

 

"Théophile écoute cette voix subtile et trompeuse, Théophile ni ne chante plus l’office ni même n’entre dans l’église, Théophile préfère la joie à la pénitence et le siècle à Sainte Marie que jusque-là il aimait tant, Théophile laisse le Christ pour l’Antéchrist, Théophile erre et s’égare, Théophile prend un cœur de pierre : à grands sauts et à grand galop, Théophile se précipite au feu d’enfer.

Quelle honte pour qui l’a connu ! Lui, renier Dieu et se vendre au Diable ! Ce dignitaire si charitable, Satan l’a tellement changé, lui a mis au cœur si grand orgueil qu’à peine il daigne se tourner vers les pauvres gens à qui jadis il distribuait argent, cottes et chaussons. Il baisait les mains et les pieds jusqu’aux lépreux ; il a délaissé les bonnes œuvres pour se vouer à l’Ennemi. D’humble et doux le voilà devenu fier et cruel, de franc débonnaire, cauteleux et plein de malices, de religieux, luxurieux. Il chasse ceux qu’il recueillait, et il ne reste plus rien en lui de ce qu’on y admirait tant. L’enfer a fait cet autre miracle : Dieu et sa mère muets, il tient entière la débile créature qui ne songe plus à donner contentement qu’à son corps." (Gautier de Coincy)

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Puis il est pris de remords, puis de repentance, et il se tourne vers la Vierge pour la supplier de lui pardonner : c'est la Prière de Théophile. Mais les prières portant ce titre n'ont qu'un rapport indirect  avec le Miracle  du chanoine et vidame : ce sont des prières destinées aux fidèles, qui invoquent Marie, sous de nombreux qualificatifs repris à Rutebeuf, tout en lui rappelant son indulgence envers Théophile "Très doulce vierge gracieuse, qui Theophilus confortas", simple citation de l'oraison Theophilum reformans gratiae. Une   version du XVe siècle en a été publiée en 1843 à Bruxelles puis  en 1872 par Félix Herbert à Châteauroux, mais on en trouve l'original dans les Heures de Françoise de Foix, comtesse de Chateaubriant vers 1455 (Rennes BM 2050 folio 267-288) :

Glorieuse vierge royne,

En qui, par ta vertu divine,

Jhesu Crist prist humanité

Tu qui es fontaine et racine,

De tous biens, mon cuer enlumine

Doulce dame, par charité

[...]

Dame plus que nulle autre belle,

Qui le filz Dieu Vierge pucelle,

Enfantas sens dolour avoir,

A ceste arme qui cy t’apelle ,

Dont l’ange t’aporta novelle,

Fay mercy et pardon avoir

[...]

Dame, en qui toute bonté maint,

Qu'as par ta prière maint

Conforté, et sauvé jadiz,

Prie ton filz que il me maint

A bonne fin, et qu'il m'amaint

En la joye de Paradis

 

A jointes mains mercy vous cry,

Dame, qu'ayes de moy mercy,

Et de ceulx qui vous serviront,

Et de cellui qui ce dit cy

A fait, et de moy qui sui cy,
Et de tous ceulx qui le diront.
Amen.

.

 

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Dans Rutebeuf, Théophile prie ainsi

Sainte roïne bele,

Glorieuse pucèle,

Dame de grâce plaine

Par qui toz biens revèle, .

La Vierge refuse d'abord :

Je n’ai cure de ta favèle ; Va-t’en, is fors de ma chapèle.

 

Puis elle se laisse attendrir et accorde son pardon. C'est peut-être l'essentiel de cette histoire : la Repentance d'un renégat, et la Miséricorde divine obtenue par l'intercession de Marie, dans un récit comique où la Vierge apparaît très humaine. Mais sur le plan dramatique, l'essentiel, c'est la Charte, cet objet transitionnel ou objet navette qui confère le pouvoir et la vie à son détenteur ! la Vierge accepte d'aller la récupérer : 

Théophile, je t’ai séu Çà en arrière à moi éu ; Saches de voir, Ta charte te ferai ravoir Que tu baillas par non savoir : Je la vois querre.

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Aller la récupérer ? Même pour la Vierge, ce n'est pas gagné ! Satan s'en est emparé et l'a emmené en Enfer. 

 

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Sathan, Sathan ! es-tu en serre ?
S’es or venuz en ceste terre
Por commencier à mon clerc guerre,
Mar le penssas.
Rent la chartre que du clerc as,
Quar tu as fet trop vilains cas.

 

— sathan parole.

Je la vous rande !…
J’aim miex assez que l’en me pende.
Jà li rendi-je sa provande
Et il me fist de lui offrande
Sanz demorance,
De cors et d’âme et de sustance.

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Mais la Vierge n'a pas sa langue dans sa poche et elle terrasse — comme elle sait si bien le faire — le vilain Satan en une seule réplique :

 

— nostre-dame.

Et je te foulerai la pance.

Nous ne voyons pas le moment émouvant (surtout dans Gautier de Coincy) où elle rend à Théophile sa charte .

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

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Dans le ciel, Satan s'enfuit dans une gesticulation hurlante :

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

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TYMPAN.

Il est d'une autre main que les lancettes, et est attribué à l'auteur de la baie 28.

Anges musiciens dans les ajours latéraux et les écoinçons. Ange de l'ajour droit et de l'écoinçon gauche moderne.

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

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Ajour central : le couronnement de la Vierge .

Têtes de Dieu le père et du Christ restituées.

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Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

Le Miracle de Théophile (Nicolas Le Prince, vers 1530), baie 21, église de Louviers. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.

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CONCLUSION.

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Le sujet de ce vitrail, placé du coté nord, est bien différent de ceux du coté sud (baies paires 18 à 28) centrés la Vie du Christ, puisqu'il s'intègre dans la défense du culte de la Vierge et de sa Conception Immaculée, et au culte des saints, propre à la Normandie du XVIe siècle confrontée à la Réforme. Le seul point commun est que, dans les deux cas, ces thèmes donnaient matière à des représentations théâtrales, soit dans les Mystères médiévaux de la Passion et de la Résurrection,  soit sur le Miracle de Théophile et les Miracles de Notre-Dame.

Faut-il y voir un témoin de ces drames liturgiques anciens de plusieurs siècles (les trois scènes figurées ici n'étant alors  qu'un rappel des textes, ou des représentations truculentes et animées connues de tous) désormais plus accessibles grâce à l'imprimerie, ou au contraire, une nouvelle figuration de ces légendes pour s'éloigner de leur aspect fabuleux et prosaïques afin d'en formuler un discours théologique moderne, recentrant la Foi sur le culte de la Vierge et du Christ ? La confrontation avec les verrières homologues de Beaumont-le-Roger et des Andelys, mais surtout avec l'ensemble de la production normande de vitraux, et de l'effervescence religieuse rouennaise, incite à privilégier la seconde option, et d'y voir le témoin des mutations des esprits "entre Renaissance et Réforme" (Laurence Riviale 2007).

Pour ma part, un peu déçu de ne pas trouver ici les grandes émotions esthétiques de l'atelier Le Prince de Beauvais, ce vitrail aura été l'occasion d'une lecture roboratives de textes poétiques en ancien français qui annoncent le drame de Faust, et de leurs didascalies qui nous les rendent si animées. Oyez, bonnes gens !

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ci list l’Évesque la chartre, et dist :


 

Oiez, por Dieu le filz Marie :
Bone gent, si orrez la vie
De Théophiles
Qu’anemis servi de guile.
Ausi voir comme est Évangile
Est ceste chose :
Si vous doit bien estre desclose.
Or escoutez que vous propose :

« A tos cels qui verront ceste lettre commune
« Fet Sathan à savoir que jà torna fortune,

 « Que Théophiles ot à l’évesque rancune,
« Ne li lessa l’évesque seignorie nesune.

« Il fu désespérez quant l’en li fist l’outrage ;
« A Salatin s’en vint qui ot el cors la rage,
« Et dist qu’il li feroit mult volentiers hommage
« Se rendre li pooit s’onor et son domage.

« Je le guerroiai tant com mena sainte vie,
« C’onques ne poi avoir desor lui seignorie.
« Quant il me vint requerre, j’oi de lui grant envie,
« Et lors me fist hommage, si r’ot sa seignorie.

« 
De l’anel de son doit séela ceste lettre ;
« De son sanc les escrist, autre enque n’i fist metre,

« Ains que je me vousisse de lui point entremettre
« Ne que je le féisse en dignité remettre. »

Issi ouvra icil preudom.
Délivré l’a tout à bandon
La Dieu ancele ;
Marie, la virge pucele,
Délivré l’a de tel querele :
Chantons tuit por ceste novele.
Or levez sus ;
Disons : Te Deum laudamus ! (Rutebeuf)

 

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SOURCES ET LIENS.

—ARLIMA, Miracle de Théophile

https://www.arlima.net/mp/miracle_de_theophile.html

— CALLIAS BEY, Martine, CHAUSSÉ, Véronique, GATOUILLAT, Françoise et Michel HÉROLD. Les vitraux de Haute-Normandie. Publié sous la direction du Comité international d’histoire de l’art et sous le patronage de l’Union académique internationale. Paris, Édition du Centre national de la recherche scientifique, 2001, p. 178-182. Coll. : « Corpus vitrearum medii aevi : France : Série recensement des vitraux anciens VI ».

— COTHREN (Michael W. ) « The Iconography of Theophilus Windows in the First Half of the Thirteenth Century », Speculum, vol. 59, no 2 (Avril 1984), p. 308-341.

https://works.swarthmore.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1016&context=fac-art

— COTÉ (Mélanie), 2014, La légende de Théophile dans l’occident médiéval (IXe-XVIe siècle) : analyse textuelle et iconographique, Mémoire de Maîtrise en histoire de l’art Maître ès arts (M. A.) Université Laval,  Québec, Canada

https://corpus.ulaval.ca/jspui/bitstream/20.500.11794/25592/1/30795.pdf

— COMBARIEU (Micheline de), Le diable dans le "Comment Theophilus vint à penitance" de Gautier de coinci et dans le "Miracle de Theophile" de Rutebeuf, LE DIABLE AU MOYEN ÂGE, in Doctrine, problèmes moraux, représentations, Coll. Senefiance, Presses Universitaires de Provence.

https://books.openedition.org/pup/2653?lang=fr

— GAUTIER DE COINCY, Le Miracle de Théophile. Les plus beaux miracles de la Vierge, recueillis et mis en français moderne par Gonzague Truc, 1931.

http://www.biblisem.net/narratio/gautmira.htm

— GAUTIER DE COINCY, XIIIe siècle, Le Miracle de Théophile.

https://books.google.fr/books?id=n_2NYIGpyFEC&pg=PA47&dq=%22miracle+de+th%C3%A9ophile%22+eure&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjpm_eYp_TeAhUxgM4BHbkKA40Q6AEIKTAA#v=onepage&q=%22miracle%20de%20th%C3%A9ophile%22%20eure&f=false

— PROU Fanny La Vierge dans le Miracle de Théophile : Du récit au drame, une nouvelle représentation de la Vierge : entre représentation collective et piété personnelle

http://img82.xooimage.com/files/1/0/5/prou_theophile-34182e2.pdf

— RIVIALE (Laurence), 2007, Le vitrail en Normandie entre Renaissance et Réforme (1517-1596), Corpus vitrearum France Etudes VII, Presses Universitaires de Rennes, pages 158-163.

RUTEBEUF LE MIRACLE DE THÉOPHILE , édition de 1925, Miracle du XIIIes siècle édité par Gracé Franck, Les classiques français du Moyen-Âge  publiés sous la direction de MARIO ROQUES 

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96143210.texteImage#

RUTEBEUF LE MIRACLE DE THÉOPHILE : Ci commence Le Miracle de Théophile in Rutebeuf - Œuvres complètes, Texte établi par Achille Jubinal, Chez Édouard Pannier, 1839, 2 (p. 79-105).

https://fr.wikisource.org/wiki/Rutebeuf_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes,_1839/Ci_commence_Le_Miracle_de_Th%C3%A9ophile

— ZINK (Michel), 1986, De la repentance Rutebeuf à la repentance Théophile , Littératures  Année 1986  15  pp. 19-24

https://www.persee.fr/doc/litts_0563-9751_1986_num_15_1_1877

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Published by jean-yves cordier - dans Vitraux

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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