La verrière de saint Pierre et de saint Paul (vers 1515-1520) ou baie 14 de l'église Saint-Ouen de Pont-Audemer.
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Voir :
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La verrière des Miracles de l'Eucharistie (vers 1515) ou baie 20 de l'église de Pont-Audemer.
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La verrière de saint Honoré (baie 13) offerte en 1536 par la confrérie des boulangers pour l'église Saint-Ouen de Pont-Audemer.
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PRÉSENTATION.
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La reconstruction de l'église Saint-Ouen avait été décidée sous Louis XII en 1480, et commença par la façade occidentale. Puis les travaux se poursuivirent avec les sept travées de la nef, qui est raccordée en 1514 au chœur roman, tandis que les bas-cotés, avec leurs 12 chapelles latérales, sont édifiés sous François Ier jusqu'en 1535, et dotés progressivement de vitraux à partir de 1514 environ, et jusqu'en 1556 grâce aux dons des confréries (du Saint-Sacrement en baie 18 et 20), aux corporations (des boulangers en baie 13, des peintres en baie 10), des familles de notables (baies 7, 8, 10, 12, 16, 17) ou du clergé (abbaye de Saint-Ouen de Rouen en baie 14, chapelain en baie 15).
Les six chapelles du coté sud, se succèdent ainsi d'ouest en est (vers le chœur) :
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1ère chapelle : baies 20 et 18 (vers 1515) : Miracles de l'Eucharistie (20), vie de saint Ouen (18) et procession de la confrérie du Saint-Sacrement (18 et 20), commanditaire.
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2ème chapelle : baie 16 (1516) Annonciation et Mise au tombeau offerte par le conseiller Guillaume Tesson et Jeanne Myre.
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3ème chapelle : baie 14 (vers 1515-1520) : saints Pierre et Paul offerte par l'abbaye de Saint-Ouen de Rouen.
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4ème chapelle : baie 12 (1519) : saints Eustache, Jean, Nicolas et Mathurin offerte par 2 familles.
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5ème chapelle : baie 10 (v. 1535) : Dormition de la Vierge offerte par ?.
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6ème chapelle : baie 8 (1535) : Vie de saint Jean-Baptiste, peinte par Mausse Heurtault et offerte par Jean de Génouville, marchand.
La baie 14 occupe donc la 3ème chapelle sud et date vers 1515-1520, elle mesure 5 m. de haut et 3,15 m de large et comporte 4 lancettes trilobées et un tympan à 11 ajours. Elle a probablement été offerte par les abbés de Saint-Ouen de Rouen, auxquels était attribuée cette chapelle comme en témoigne leurs armes à la clé de voûte, les armes de France posés sur la clef de saint Pierre et le glaive de saint Paul. "Or aucun lien spirituel ou juridique n'est connu entre le monastère rouennais et la paroisse, dont le patronage appartenait à l'abbaye Saint-Pierre-des-Préaux. On est conduit à supposer une libéralité des religieux de saint-Ouen qui aurait permis d'édifier la chapelle et de la doter d'un vitrail consacré non pas à saint Ouen, déjà pourvu, mais aux saint Pierre et Paul, sous l'invocation desquels était fondée l'abbaye royale." (J. Lafond)
Le registre inférieur représente 4 saints (Jean-Baptiste, Sébastien, Antoine et Jacques le majeur) et le registre supérieur des scènes de vie des saints Pierre et Paul. Au tympan, la Vierge entourée d'anges musiciens.
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"L'admirable composition du tympan rappelle d'abord le vitrail précédent [ baie 16, vers 1516, de l'Annonciation ]. Dans la fleur de lys que dessinent les meneaux, un luxuriant plant de lis porte la Sainte Vierge et l'Enfant Jésus, entourés dune cour de séraphins bleus. Les autres compartiments sont peuplés d'anges musiciens sur fond rouge.
Cependant, les deux ouvrages sont d'une facture très différente. L'élégance un peu sèche est remplacée ici par une verve truculente dans les tableaux du registre supérieur où l'on voit saint Pierre marchant sur les flots, le supplice du prince des apôtres sur une croix fourchue où il est attaché la tête en bas ; la conversion de saint Paul sur le chemin de Damas et sa décollation aux Trois-Fontaines.
Au dessous, quatre figures sont debout devant des niches à coquille encadrées de fines colonnettes. Ce sont saint Jean-Baptiste (dont la tête est moderne), saint Sébastien, saint Antoine flanqué de son cochon, et saint Jacques le Majeur en costume de pèlerin. Ici, le style se relève et c'est la noblesse qui prend le dessus.
Dans ce vitrail abondent les souvenirs d'Arnoult de Nimègue et aussi du Maître de saint Jean-Baptiste. C'est encore une œuvre rouennaise des environs de 1520, où la technique est caractérisée notamment par l'emploi d'un verre bleu plaqué et gravé dans la bride du cheval de saint Paul, le nimbe de saint Pierre, etc.)." (Jean Lafond)
Verrière des saints Pierre et Paul (vers 1515-1520), baie 17, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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LE REGISTRE INFÉRIEUR.
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Des dais à coquilles avec dais ornés soutenus par de fins balustres et socles vus en perspective abritent successivement les saints Jean-Baptiste (tête restituée au XIXe siècle), Sébastien et ses flèches, Antoine avec son cœur enflammé, son cochon, son chapelet et sa canne en tau, et enfin Jacques le Majeur.
Les deux nimbes latéraux portent des inscriptions que je n'ai pas pris le temps d'étudier.
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Verrière des saints Pierre et Paul (vers 1515-1520), baie 17, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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LE REGISTRE SUPÉRIEUR.
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Verrière des saints Pierre et Paul (vers 1515-1520), baie 17, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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1°) Saint Pierre marchant sur les eaux après la Pêche miraculeuse sur le lac de Tibériade.
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J'ai d'abord penché pour l'Apparition de Jésus à Pierre après sa Résurrection selon le récit de Jean 21:11-15. Pourtant, Jésus ne porte aucun attribut du Ressuscité. Il s'agit donc de la Pêche miraculeuse et de Pierre marchant sur les eaux selon Matthieu 14:15-21.
https://www.biblegateway.com/passage/?search=Jean%2021&version=LSG;VULGATE
Le peintre a représenté deux nefs marchandes du XVe siècle. La première est au mouillage, c'est une caraque à deux mâts, coque ronde à clins, château arrière, et deux saints apôtres (André et Jean) relèvent le filet. Sous la vergue, le verre offre de belles teintes rosées.
Verre verre rouge gravé pour le nimbe de Pierre.
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Verrière des saints Pierre et Paul (vers 1515-1520), baie 17, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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2°) Néron et le crucifiement de saint Pierre.
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On y remarque sur le plan technique :
- Le verre rouge gravé pour le nimbe du saint, pour l'épée du bourreau, le médaillon d'une toque.
- Le verre bleu gravé pour le bonnet du bourreau.
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Sur le plan stylistique, Jean Lafond a rapproché cette verrière des styles d'Arnoult de Nimègue, et du Maître de saint Jean-Baptiste. Ce dernier nom est un "nom de convention" dont les œuvres attribuées ont été ré-étudiées par Michel Hérold. Il s'agirait d'un atelier rouennais, possédant des cartons issus d'un atelier d'un peintre parisien assimilé au Maître des Très Petites Heures d'Anne de Bretagne Jean d'Ypres.
Dans le cadre de ce travail, Michel Hérold a souligné l'emploi des mêmes cartons pour les scènes de la vie de saint Jean-Baptiste à Bourg-Achard, Saint-Romain de Rouen, Conches, ou à Louviers .
De même, des cartons identiques ont été employés (par le Maître de Montmorency) pour la baie 20 de Pont-Audemer et pour la verrière des Miracles de l'Eucharistie de Nogent-le-Roi (et des tapisseries de Ronceray).
F. Gatouillat & al. écrivent : "d'autres verrières procèdent de cartons fournis par des peintres d'origine probablement flamande (baie 14, 16 et scènes des lancettes de la baie 20)".
Par contre, je n'ai pas trouvé de rapprochement entre ce Crucifiement et celui de la baie 24 de Louviers :
http://www.lavieb-aile.com/2018/11/la-verriere-de-saint-claude-de-l-eglise-de-louviers.html
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Certes, on ne peut pas parler d'identité de patron à grandeur et de mise en plombs, mais d'un modèle (peinture, gravure) commun.
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L'un des éléments qui diffère est, à Pont-Audemer, la bande dorée centrale dotée d'une inscription. Mais cette dernière rappelle immédiatement celle qui descend de Dieu le Père vers son Fils sur les Baptêmes du Christ par Jean-Baptiste des verrières de Bourg-Achard, Conches, Louviers, Saint-Romain de Rouen et Philadelphie. Par le "maître de la vie de saint Jean-Baptiste".
http://www.lavieb-aile.com/2018/11/la-verriere-du-bapteme-du-christ-et-de-la-procession-des-drapiers-de-l-eglise-de-louviers.html
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Ce bandeau d'inscription, vertical, est un trait stylistique à mon sens suffisamment discriminant pour en faire un critère d'appartenance à un atelier commun, actif dans l'Eure et la Seine-Maritime , a priori identique à celui étudié par M. Hérold dans son analyse du Maître de la Vie de saint Jean-Baptiste.
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Néron est présent à gauche, tenant un bâton de commandement et vêtu d'un manteau rouge à revers damassé. Il est coiffé de ce qui peu être considéré comme une couronne. Une dague est passée à sa ceinture, où est appendue une aumônière.
Derrière lui, les quatre personnages, coiffés qui d'une toque, qui d'un bonnet, qui d'un chaperon, peuvent être considérés comme ses officiers ou conseillers.
À droite, le personnage principal est le bourreau chargé de hisser la croix. L'artiste lui a donné tous les traits du type : la gestuelle pleine de dynamisme, la chemise débraillée aux manches relevées, les collants bleus à la braguette avantageuse, et la trogne moustachue, mais c'est un soldat portant épée.
Derrière lui, c'est le peuple des curieux à la discussion très animé, mais l'un des hommes, richement vêtu et coiffé d'un bonnet conique à turban, portant l'aumônière à la ceinture, est désigné par l'artiste, selon les codes en vigueur, comme un Juif : cette disposition lui donne un rôle équivalent à celui de Néron dans la responsabilité du martyre.
En bas, un second bourreau est représenté comme le premier, mais le peintre l'a figuré en plein effort, un pied arc-bouté à un montant de la croix, et le tronc renversé en arrière. Ses cheveux sont réunis en chignon.
Saint Pierre est crucifié vêtu d'un manteau bleu noué autour des chevilles, comme à Louviers où j'ai déjà étudié cette tradition iconographique.
dans la tête de lancette, Dieu, au visage christique, lui envoie sa bénédiction depuis les nuées.
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Verrière des saints Pierre et Paul (vers 1515-1520), baie 17, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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L'inscription centrale.
Elle possède la même position axiale, les mêmes proportions, les mêmes couleurs, le même encadrement par un double trait, la même écriture que celles des Vies de saint Jean-Baptiste, et, comme elles, elles descendent de la Divinité placée au dessus et dont elle porte la parole. Pourtant, celle-ci est composée de deux parties inversées quant au sens de lecture. D'autre part, le texte n'en est pas directement en rapport avec la scène représentée.
La portion supérieure (sans doute inversée lors d'une restauration, ou provenant d'une verrière différente) porte les mots : GAUDE TE MEAUN.
On imagine volontiers qu'il faille lire Gaudete meam ou Gaudete meum. Des mots (Réjouis-toi avec moi ?) qui se retrouvent en Luc 15, dans un contexte bien différent. Le mystère reste entier.
La partie inférieure, qui descend correctement de Dieu vers son Apôtre, porte les mots : NOLITE FLERE SED
C'est à nouveau dans l'évangile de Luc que nous trouvons ce fragment : Luc 28.29.30
https://www.biblegateway.com/passage/?search=Luc%2023&version=LSG;VULGATE
http://gregorien.info/chant/id/3335/0/fr
Filiae Ierusalem, nolite flere super me,
sed super vos ipsas flete et super filios vestros,
Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi,
mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ;
Rien n'explique la présence de ce verset fragmentaire ici.
J'en suis là de mes pérégrinations lorsque je songe à interroger le moteur de recherche en replaçant les fragments sous la forme nolite flere sed gaudete meum ... et je parviens à cet antienne qui me donne tout l'éclaircissement :
Dum duceretur Petrus apostolus ad crucem,
repletus gaudio magno, dixit:
Non sum dignus ita esse in cruce sicut Dominus meus,
qui de Spiritu Sancto conceptus est.
Me autem ex limo terrae ipse formavit;
ita crux mea caput meum in terris debet ostendere.
At illi verterunt crucem,
et pedes eius sursum confixerunt, manus vero deorsum.
Dum esset Petrus in cruce,
venit turba multa maledicens Caesarem,
et fecerunt planctum magnum ante crucem.
Petrus exhortabat eos de cruce dicens:
Nolite flere, sed gaudete mecum,
quia ego hodie vado vobis parare locum
et cum hoc dixisset, ait:
Gratias tibi ago, pastor bone,
quia oves quas tradidisti mihi compatiuntur mecum;
peto namque ut participentur mecum de gratia tua in sempiternum.
Traduction : P. Gueranger, L'Année liturgique 1911 : https://archive.org/details/lanneliturgiqu12gu/page/470
"Comme l'on conduisait Pierre l'Apôtre à la croix,
rempli d'une grande joie, il dit :
Je ne suis pas digne d'être sur la croix comme mon seigneur
qui lui fut conçu du Saint-Esprit,
tandis que moi j'ai été formé par lui du limon de la terre
Ainsi ma croix à moi doit montrer ma tête en la terre.
On tourna donc la croix ; on cloua ses pieds en haut et ses mains en bas.
Pendant que Pierre était en croix, vint une grande multitude maudissant César, et ce fut une grande lamentation devant la croix.
Pierre, de la croix, exhortait tout ce peuple, et il disait :
Ne pleurez pas, mais réjouissez-vous avec moi,
parce que je m'en vais aujourd'hui vous préparer une place.
Et ayant dit cela, il ajouta :
Bon Pasteur, je vous rends grâces de ce que les brebis que vous m'avez confiés s'unissent de cœur à mes souffrances ;
faites donc, je vous en prie, qu'elles participent comme moi à votre grâce dans l'éternité."
Cette antienne provient de la liturgie de la célébration de la Fête de saint Pierre et saint Paul le 29 juin In natali apostolorum Petri et Pauli , et on la trouve aussi dans les Bollandistes (Acta sanctorum novembre, tome 67 1925 page 110) pour la fête de saint Ursin, 1er évêque de Bourges dont la tradition en fait un contemporain du Christ et des apôtres, le faisant assister à la Cène, au lavement des pieds, à la Passion du Seigneur, à sa Résurrection, à l’Ascension et à la Pentecôte jusqu’à suivre saint Pierre à Rome.
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Elle est chantée depuis bien longtemps, puisqu'on la trouve dans les Antiphonaires du XIIe siècle avec une notation en grégorien. Le site gregorien.info en donne 4 références.
http://gregorien.info/chant/id/2505/9/fr
1°) Benevento, Biblioteca Capitolare 34 f. 207
A. Mocquereau, 1937 paléographie musicale XV, le codex VI.34 de la Bibliothèque capitulaire de Bénévent (XIe-XIIe siècle) page 207*
https://archive.org/stream/palographiemusic15macq#page/208/mode/1up
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2°) Cambrai, Bibliothèque municipale 0075 (0076) - St-Vaast d’Arras f. 12v : DE SANCTO PETRO AD ...
https://bvmm.irht.cnrs.fr/consult/consult.php?mode=ecran&corpus=manuscrit&COMPOSITION_ID=4675&IMAGE_ID=530616
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3°) Ivrea, Biblioteca Capitolare 60 - Gr. Ivrea IV 60
4°)Monza, Basilica di S. Giovanni Battista - Biblioteca Capitol C. 12/75 - Ant. Monza
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Verrière des saints Pierre et Paul (vers 1515-1520), baie 17, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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3°) La Conversion de saint Paul sur le chemin de Damas.
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Verres rouges gravés : buste de Dieu ; toques des deux cavaliers.
Verre bleu gravé : harnachement des deux chevaux.
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La scène de la conversion de Paul, alors prénommé Saul, sur le chemin qui le mène à Damas à la tête d'une troupe de soldats, est très connue et très fréquemment représentée. Elle illustre le début du chapitre IX des Actes des apôtres : Actes IX:1-7
"Cependant Saul, respirant encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur, se rendit chez le souverain sacrificateur,
et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas, afin que, s'il trouvait des partisans de la nouvelle doctrine, hommes ou femmes, il les amenât liés à Jérusalem.
Comme il était en chemin, et qu'il approchait de Damas, tout à coup une lumière venant du ciel resplendit autour de lui.
Il tomba par terre, et il entendit une voix qui lui disait: Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu?
Il répondit: Qui es-tu, Seigneur? Et le Seigneur dit: Je suis Jésus que tu persécutes. Il te serait dur de regimber contre les aiguillons.
Tremblant et saisi d'effroi, il dit: Seigneur, que veux-tu que je fasse? Et le Seigneur lui dit: Lève-toi, entre dans la ville, et on te dira ce que tu dois faire.
Les hommes qui l'accompagnaient demeurèrent stupéfaits; ils entendaient bien la voix, mais ils ne voyaient personne."
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Nous pourrions comparer cette peinture à celle du Maître de Dunois, pour les Heures de Prigent de Coëtivy (entre 1443 et 1450) : Dublin, Chester Beaty Library CBL W 082 f. 260 : j'y retrouve saint Paul encore sur son cheval mais renversé sur son encolure bras écartés, tandis que son manteau qui s'envole témoigne de la soudaineté de l'événement. Et le cheval lui-même, terrassé par l'épouvante, au riche harnachement, et dont la tête très expressive est peinte en enfilade.
L'intervention de Dieu est figurée, dans cette enluminure, par un rayonnement partant de Dieu et atteignant la tête du cavalier, englobant le phylactère avec les mots Saule, saule, quid persecutis : ce que le peintre-verrier a repris à Pont-Audemer sous la forme du bandeau vertical qui le caractérise.
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Mais ici, le peintre a choisi de placer la troupe de six cavaliers romains casqués et en armure en deuxième plan entre Paul et Dieu le Père. Ainsi qu'un noble personnage, également à cheval, qui tend la main vers le saint, et retiens son manteau.
L'ensemble est plus animé et dramatique que l'enluminure peinte par Fouquet pour les Heures d'Etienne Chevalier . Mais dans tous les cas, la colonne de lumière verticale accompagne les mêmes mots Saule saule quid persecutis.
Nous pourrions multiplier les références plus tardives, les comparaisons.
Par exemple avec le vitrail de l'église de Iffs en Bretagne (baie 2, vers 1550)
http://www.lavieb-aile.com/article-les-vitraux-de-l-eglise-des-iffs-107930990.html
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Verrière des saints Pierre et Paul (vers 1515-1520), baie 17, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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L'inscription.
Sa disposition verticale partant de la figure divine supérieure, ses proportions, sa couleur, l'écriture utilisé, ou l'encadrement par une double ligne jaune sur le fond rouge, créent un parallèle immédiat entre les deux scènes qui sont deux théophanies.
SAULE SAULE QUID ME PERSEQUERIS.
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C'est ce verset des Actes des Apôtres IX:4 qui accompagne cette scène de la Conversion et qui la résume, dans les enluminures comme dans la liturgie.
Et cadens in terram audivit vocem dicentem sibi : Saule, Saule, quid me persequeris?
Qui dixit: Quis es, domine? Et ille: Ego sum Jesus, quem tu persequeris: durum est tibi contra stimulum calcitrare.
grec original: Σαοὺλ Σαούλ, τί με διώκεις;εἶπεν δέ· Τίς εἶ, κύριε; ὁ δέ· Ἐγώ εἰμι Ἰησοῦς ὃν σὺ διώκεις·
" Il tomba par terre, et il entendit une voix qui lui disait: Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu? Il répondit: Qui es-tu, Seigneur? Et le Seigneur dit: Je suis Jésus que tu persécutes. Il te serait dur de regimber contre les aiguillons (*)." (Segond)
(*) Ou bien : "de regimber contre l'aiguillon"
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Au fur et à mesure de mon examen des vitraux, je comprends que ceux-ci servent d'illustrations à des scènes cultes, parfaitement connues des fidèles par une quantité de medium : textes liturgiques (antiennes) prononcés à l'office, livres d'heures, bréviaires, livre imprimé, antiennes chantées en grégorien, motets composés en polyphonie, peintures, sculptures, mais aussi, comme l'avait souligné Émile Mâle, le théâtre religieux.
a) Grégorien et motets :
https://www.youtube.com/watch?v=crFE35g5MKQ
Motets de Jean Le Brung, Treize livres de motets parus chez Pierre Attaingnant en 1534 et 1535.
https://imslp.org/wiki/Saule%2C_Saule_quid_me_persequeris_(Le_Brung%2C_Jean)
b) théâtre religieux du XVe siècle. "Tu fais que fol et que felon"
Manuscrit de la bibliothèque Sainte-Geneviève retranscrit par A. Jubinal en 1837
https://books.google.fr/books?id=a2J1xccH8ScC&dq=%22tu+fais+que+fol+et+que+felon%22&hl=fr&source=gbs_navlinks_s
SAULUS, en alant.
Alon en à Damas bon erre.
Le cuer d’ire ou ventre me serre
De ce que ces faulz crestiens,
Ces faulz bougres, cez ruffiens,
Sy vont nostre loy destruisant.
Certes je leur seray nuysant
Dore-en-avant quenque porray;
Ou ilz mourront ou je morray.
Brief et court n’en faut plus parler.
Ses compaignons.
Or tost, tost, penssons de l’aler.
Lors sy comme Saules passera par dessoulz Paradis , Jhésus prengne .l. brandon ardant, et gete sus ly, et lors il se lesse cheoir à terre.
JHÉSUS die :
Saulé, Saulé , tropt es testu.
Dy pour quoy me guerroies tu?
SAULUS.
Qui es tu qui es cy venus?
muses,
Je suis Jhesus Nazarethus
Que tu poursuis, quant guerroiant
Vas ceulz qui en moy vont croiant.
Tu fais que fol et que félon
De regiber contre aguillon.
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Verrière des saints Pierre et Paul (vers 1515-1520), baie 17, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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4°) La décollation de saint Paul.
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Paul est décapité sur ordre de l'empereur Néron, qui se tient à gauche, tenant son bâton de commandement. Derrière lui, sept personnages, dont deux portent le bonnet conique caractérisant les Juifs.
À droite, le bourreau rengaine son épée. Il tient sa toque à plumet en main droite. C'est un soldat, qui a revêtu une cuirasse au dessus d'une tunique dorée et de chausses bleues, tous deux à crevés. Le détail "qui fait vrai" (et que Lafond relève sans l'expliquer) réside dans la jambe droite dont la chausse est relevé jusqu'à la racine de la cuisse. Il s'agit d'une précaution professionnelle afin d'éviter que le geste ne soit entraver. (Dans la décollation de Jacques le Majeur, Fouquet , le bourreau porte un tablier ; ailleurs, les deux jambes sont nues, au dessus de bottes).
Voir d'autres exemples ici :
http://www.enluminures.culture.fr/public/mistral/enlumine_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_2=SUJET&VALUE_2=DECOLLATION%20DE%20SAINT%20NICAISE&NUMBER=3&GRP=0&REQ=%28%28DECOLLATION%20DE%20SAINT%20NICAISE%29%20%3aSUJET%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=9&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=100&MAX3=100&DOM=All
http://www.enluminures.culture.fr/public/mistral/enlumine_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_2=SUJET&VALUE_2=%27DECOLLATION%20DES%20SAINTS%20FUSCIEN,%20VICTORIC%20ET%20GENTIEN%27
http://www.enluminures.culture.fr/public/mistral/enlumine_fr?ACTION=CHERCHER&FIELD_2=SUJET&VALUE_2=DECOLLATION%20DE%20SAINT%20CORNEILLE
Le bourreau saisit la victime par les cheveux, qu'il a pris le soin de nouer : c'est ce que nous voyons sur la tête de Paul, à terre.
Verre rouge gravé : le chapeau de Néron et un bonnet conique.
Pièce montée en chef d'œuvre : le médaillon sur la poitrine de Néron.
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Verrière des saints Pierre et Paul (vers 1515-1520), baie 17, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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LE TYMPAN.
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Vierge à l'Enfant couronnée, au sein d'une mandorle de chérubins dorés, au dessus d'un lis dans un vase.
Dix-huit chérubins bleus.
Trois paires d' anges musiciens (cartons renversés) : harpe, mandore, et une représentation plus rare, celle d'une viole de gambe.
Deux anges orants.
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Verrière des saints Pierre et Paul (vers 1515-1520), baie 17, église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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SOURCES ET LIENS.
Source principale :
— GATOUILLAT ( Françoise), CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), HÉROLD (Michel), 2001, "Eglise Saint-Ouen" in Les Vitraux de Haute-Normandie, Corpus vitrearum / Recensement des vitraux anciens de la France vol. VI, Paris, CNRS, 2001. p. 193.
En complément :
— LAFOND, (Jean), 1969, Les vitraux de l'arrondissement de Pont-Audemer, Nouvelles de l'Eure, n°36, 1969 ;
— MONTIER, (Armand), 1895, Les vitraux de Saint-Ouen de Pont-Audemer, Pont-Audemer, Impr. du Commerce, G. Hauchard, 1895 ;
— MONTIER, (Armand), 1896, "L'église Saint-Ouen à Pont-Audemer", Normandie monumentale et pittoresque p. 105.
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62406567/f141.item
— PERROT (Françoise), 1972, M. Baudot et J. Lafond. Églises et vitraux de la région de Pont-Audemer, numéro spécial des Nouvelles de l'Eure, 3e trimestre 1969 , [compte-rendu], Bulletin Monumental Année 1972 130-1 pp. 87-88
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1972_num_130_1_5138_t1_0087_0000_3
— PHILIPPE-LEMAITRE (Delphine) 1853, non consulté
— REGNIER (Louis) en 1899, non consulté.