La verrière du martyre de saint Vincent (vers 1540 et 156 et Max Ingrand 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer.
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Voir : Tous mes articles sur les vitraux.
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PRÉSENTATION.
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La reconstruction de l'église Saint-Ouen avait été décidée sous Louis XII en 1480, et commença par la façade occidentale. Puis les travaux se poursuivirent avec les sept travées de la nef, qui est raccordée en 1514 au chœur roman, tandis que les bas-cotés, avec leurs 12 chapelles latérales, sont édifiés sous François Ier jusqu'en 1535, et dotés progressivement de vitraux à partir de 1514 environ, et jusqu'en 1556 grâce aux dons des confréries (du Saint-Sacrement en baie 18 et 20), aux corporations (des boulangers en baie 13, des peintres en baie 10), des familles de notables (baies 7, 8, 10, 12, 16, 17) ou du clergé (abbaye de Saint-Ouen de Rouen en baie 14, chapelain en baie 15).
Les six chapelles du coté nord, principalement dédiées à des saints, se succèdent ainsi d'ouest en est (vers le chœur) :
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1ère chapelle : baie 17 (1475 ; v.1530 ; 1551) : saints Mathurin, Sébastien, Jacques le Majeur et Jean-Baptiste.
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2ème chapelle : baie 15 (v.1530 ; XVIIe ; XIXe) : Apparition du Christ aux 12 Apôtres.
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3ème chapelle : baie 13 (1536) : Saint Honoré.
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4ème chapelle : baie 11 (v.1540 . V; 1556 . 1952) : saint Vincent.
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5ème chapelle : baie 9 : (v. 1556 ; 1952) : saint Nicolas.
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6ème chapelle : baie 7 (1556) : Histoire du Salut.
La baie 11 occupe donc la quatrième chapelle du bas-coté nord ; elle est haute de 5 m. et large de 3 m et comporte 4 lancettes trilobées et un tympan à 11 ajours principaux.
C'est une verrière très remaniée, car elle a été endommagée vers 1830 (Philippe-Lemaître 1853). Les lancettes sont organisées en 2 registres : tout le registre inférieur a été créé en 1952 par Max Ingrand, qui est également intervenu dans deux lancettes du registre supérieur. Celui-ci, daté vers 1540 et 1556 par Gatouillat et al. illustre le martyre de saint Vincent.
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"C'est la verrière la plus maltraitée de toute l'église. Parmi les nombreuses pièces qui ont servi jadis à boucher les lacunes figuraient des fragments de la légende de saint Nicolas (baie 12) : peut-être la naissance du saint, avec un morceau d'inscription se rapportant aux « pucelles malheureuses « ; « de trois filles le ... leur jette de nuict ». Ils ont été supprimés par la dernière restauration, ainsi que deux scènes du registre inférieur du vitrail lui-même, dont la Condamnation de l'évêque Valère et de son diacre Vincent par le gouverneur Dacien.
Aujourd'hui la première lancette, en haut à gauche, montre le cadavre de saint Vincent exposé aux bêtes et défendu par les corbeaux du « Cap Saint-Vincent ». Ensuite seulement vient l'épisode du supplice où les bourreaux déchirent avec des râteaux le corps du saint, attaché à une croix en sautoir.
La troisième scène, refaite en grande partie, devait représenter la mort du martyr, replacé dans un lit, mais le panneau inférieur, assez bien conservé, appartenait à l'arrestation de saint Vincent.
Dans la quatrième lancette, le cadavre est jeté à l'eau avec une meule au cou.
Le tympan est entièrement comparable à celui du vitrail précédent [baie 13] avec ses médaillons, ses anges dont les robes blanches sont touchées de jaune d'argent, un peu au hasard semble-t-il, et surtout le compartiment central qui encadre une agréable figure de saint Vincent en dalmatique de drap d'or, tenant un livre et une épée, avec trois épées près de lui sur un rocher.
Le style des lancettes semble assez différent. Autant qu'on puisse en juger dans l'état déplorable de l'œuvre, il paraît annoncer l'art classique que vont nous révéler les deux derniers vitraux de l'église [baies 7 et 9]. Les ruines peintes dans le lointain du supplice des râteau, les colonnes de la chambre, les chevelures et les barbes agitées par le vent sont autant de traits nouveaux. Cependant, il ne semble pas qu'on doive retirer ces scènes de martyre à l'auteur du vitrail précédent [baie 13] car dans le sacre de saint Honoré, il s'éloignait déjà et de son modèle beauvaisien [les Le Prince], et de ce qui était peut-être sa première manière." (Jean Lafond, 1969)
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La légende de saint Vincent de Sarragosse, diacre et martyr à Valence vers 304 est rapportée par Jacques de Voragine dans la Légende dorée du XIIIe siècle, et déjà auparavant par saint Augustin traduit et versifié par prudence (Hymne V).
https://fr.wikisource.org/wiki/La_L%C3%A9gende_dor%C3%A9e/Saint_Vincent
Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Le registre inférieur (Max Ingrand, 1952).
Saint Vincent-de-Paul, sainte Geneviève, Jeanne d'Arc au bûcher, et Charité de saint Martin.
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Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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Registre supérieur.
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Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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1°) Lancettes A et B (à gauche).
Saint Vincent mis en croix et écorché vif devant Dacien et ses conseillers..
À l'arrière-plan, le corps du saint veillé par les animaux.
"[Dacien] épuise sur lui toute la gamme des tourments que la cruauté des bourreaux avait alors inventés. ; Estrapade et ongles de fer, lit métallique hérissé de pointes, posé sur la braise, sel brûlant et graisse fondue, versés dans les plaies vives, cachot ténébreux dont le sol est obstrué d'une couche épaisse de tessons aigus : rien ne vient à bout de la constance du martyr. Soudain l'obscurité du caveau se dissipe; une lumière céleste le remplit; les tessons se changent en fleurs; dans un air embaumé, le Christ et les anges viennent visiter l'athlète. Le geôlier ébranlé se convertit, dit-on; — ut fert vetusta conscia. " (de Lacger)
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Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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À gauche, un singe, mangeant un fruit, est peint au pied de l'estrade où Dacien délibère.
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Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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Le corps de saint Vincent est exposé aux bêtes (un lion et un loup) mais est gardé par un corbeau.
"Dacianus, deux fois vaincu, veut, du moins, soustraire son cadavre à la vénération de ses frères. Il le fait jeter à la voirie, hors les murs. Mais, ô prodige ! un timide corbeau, « le pourvoyeur d'Elie jadis », monte la garde auprès de la dépouille, et, s'aidant de son bec et de ses ailes, en éloigne par sa vaillance un énorme loup, immanem lupum." (de Lacger)
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Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
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Lancettes C et D à droite.
"Scène fragmentaire et défigurée par ses compléments : à l'origine, probablement la mort de saint Vincent dans son lit (cf. Philippe-Lemaître, 1853 p. 81.) ; à l'arrière-plan à dr., le corps de saint Vincent jeté à la mer, une meule au cou ; complément de 1952 dans la 3ème lancette (personnages de l'avant-plan). " (Gatouillat et al. 2001 p. 193)
"Dacianus, exaspéré par sa défaite, veut encore tenter l'épreuve : il donne l'ordre de ramener le supplicié à la vie et de le préparer à subir de nouveaux tourments. Tandis qu'on le soigne, les chrétiens accèdent en foule auprès de lui; ils baisent ses plaies et se teignent les lèvres du sang qui en découle; ils recueillent ce sang glorieux sur des linges qui deviendront les premières reliques du martyr. Dès qu'il est déposé sur le duvet et la laine, il expire." (de Lacger)
Le gouverneur, encore battu, découvre un matelot fanatique, du nom d'Euphormion, qui consent à couler le cadavre en haute mer. On l'a cousu dans un couffin de sparterie et attaché à une meule. Mais, nouveau miracle, la pierre immergée revient à flot et convoie sa charge « dans une blanche écume » jusqu'à la plage, si prestement, qu'elle sème, loin derrière elle, la barque des naufrageurs ébahis. Les peuples sur la grève ont assisté à l'étonnant spectacle. Les sables, en s'amoncelant sur le corps, lui donnent d'eux-mêmes une façon de sépulture. Les fidèles en pleurs ornent le tertre (tumulus), et lorsque la paix est rendue à l'Eglise ils transportent la dépouille dans une basilique et la descendent, au centre du sanctuaire (sacrarium), dans un caveau sous l'autel.(de Lacger)
Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile 26 août 2018
Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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LE TYMPAN.
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Dans l'ajour central, saint Vincent debout dans un paysage, tenant un livre et la palme, et bénissant trois épées. Dix anges ( cinq cartons retournés) et six têtes de profil à l'antique occupent les autres ajours. Quatre anges portent sur les épaules des camails à festons et à glands.
Les trois épées, souvent représentées retournées, pointes vers le haut, sont un attribut du saint, mal expliqué, où on a pu voir une figure des trois martyres qu'il subit : on les trouve à Rouen, à Saint-Aubin de Bonneval, ou à Varneville-Bretteville.
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Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile août 2018.
Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
Verrière de saint Vincent (vers 1540 et 1556 ; 1952) ou baie 11 de l'église de Pont-Audemer. Photographie lavieb-aile 26 août 2018.
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SOURCES ET LIENS.
Sources principales :
— GATOUILLAT ( Françoise), CALLIAS-BEY (Martine), CHAUSSÉ (Véronique), HÉROLD (Michel), 2001, Eglise Saint-Ouen in Les Vitraux de Haute-Normandie, Corpus vitrearum / Recensement des vitraux anciens de la France vol. VI, Paris, CNRS, 2001. p. 194.
— LAFOND, (Jean), 1969, Les vitraux de l'arrondissement de Pont-Audemer, Nouvelles de l'Eure, n°36, 1969
— PHILIPPE-LEMAITRE (Delphine) 1853,
En complément :
— LACGER (Louis de), 1927, Saint Vincent de Sarragosse, Revue d'histoire de l'Église de France Année 1927 60 pp. 307-358
https://www.persee.fr/doc/rhef_0300-9505_1927_num_13_60_2438
— MONTIER, (Armand), 1895, Les vitraux de Saint-Ouen de Pont-Audemer, Pont-Audemer, Impr. du Commerce, G. Hauchard, 1895 ;
— MONTIER, (Armand), 1896, "L'église Saint-Ouen à Pont-Audemer", Normandie monumentale et pittoresque p. 109 (simple mention de la baie).
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62406567/f145.item
— PERROT (Françoise), 1972, M. Baudot et J. Lafond. Églises et vitraux de la région de Pont-Audemer, numéro spécial des Nouvelles de l'Eure, 3e trimestre 1969 , [compte-rendu], Bulletin Monumental Année 1972 130-1 pp. 87-88
https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1972_num_130_1_5138_t1_0087_0000_3
— REGNIER (Louis) en 1899, non consulté.