La "Descente de croix" ou mieux Déploration à six personnages (chêne polychrome, XVIe siècle) de l'église de Lampaul-Guimiliau.
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Comparer avec
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La Déploration en pierre polychrome du Pénity à Locronan.
Sur Lampaul-Guimiliau :
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Face à ce groupe, l'amateur cherchant à se documenter se trouvera fort dépourvu. Il prendra connaissance de la description de Jean-Marie Abgrall (1891):
"Au-dessus de la porte de la sacristie est un beau groupe de Notre-Dame de Pitié : le corps de Notre Seigneur est étendu sur les genoux de sa Mère ; saint Jean et les trois Marie assistent la Sainte Vierge."
Et de celle de René Couffon (1988) :
"Groupe de Notre Dame de Pitié (ou Descente de croix à six personnages), XVIe siècle ".
Placé sous l'œuvre, un cartel bilingue lui expliquera plus précisément ceci :
"La Descente de croix. XVIe siècle. Oeuvre d'une qualité remarquable taillée dans un seul bloc de chêne. Elle représente l'expression d'une grande douleur contenue de Marie, saint Jean, Marie-Madeleine, et en arrière-plan d'une sainte femme et Joseph d'Arimathie. Le Christ présente des traits marqués par l'agonie. Notez la finesse des visages féminins et leur dignité dans la tristesse."
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Je récuserai d'abord la dénomination de "Descente de croix". Mais aussi, stricto sensu, celle de "Notre-Dame de Pitié" (ou Vierge de Pitié, ou Pietà), où ne figurent que Marie et son Fils. La présence de quatre personnages supplémentaires composent une Déploration du Christ.
Je récuserai aussi l'identification d'un personnage comme étant Joseph d'Arimathie. Nous avons, comme l'indiquai le chanoine Abgrall, au premier plan le Christ, au second plan Jean, Marie et Marie-Madeleine, et en arrière plan deux Saintes Femmes.
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Déploration, chêne monoxyle, XVIe siècle, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 16 mars 2019.
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La composition est remarquable. Si je la compare à la Déploration de Saint-Nic, elle s'en distingue car les personnages forment une ogive, comme deux mains jointes, et leurs fûts verticaux figés contrastent avec le dynamisme de la croix du corps et des bras du Christ.
Le paradoxe est évident, puisque les saints personnages sont anéantis et comme morts dans leur lamentation commune ; les têtes sont inclinées, les regards baissés, les voiles tombent, les plis s'affaissent. Seul le cadavre du Christ est animé par la bouche entrouverte, par les rides expressives du front et surtout par la brisure en Z du bras gauche et de la jambe gauche, par le pied gauche qui ne tombe pas, et par la force de l'appui de la jambe droite.
Cette composition est propre à la technique, la sculpture sur bois monoxyle. C'est elle qui impose cette forme, ou bien plutôt, c'est grâce à cette contrainte que l'artiste obtient ce resserrement de l'attention et du recueillement.
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Déploration, chêne monoxyle, XVIe siècle, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 16 mars 2019.
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Au sein de cette structure spatiale, il est facile d'en distinguer une autre, en poupée gigogne, qui dessine le cœur émotionnel poignant de la scène : un oratoire à l'intérieur d'une chapelle.
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Déploration, chêne monoxyle, XVIe siècle, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 16 mars 2019.
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Une fois ces préliminaires perçus, le regard peut aller d'un personnage à l'autre, se pénétrer de leur peine, y communier dans le cadre d'une démarche de dévotion individuelle (c'est dans ce but que la sculpture a été réalisée), ou seulement exercer sa curiosité artistique.
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Déploration, chêne monoxyle, XVIe siècle, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 16 mars 2019.
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La Vierge.
Le manteau bleu à galon d'or recouvre la tête et son voile blanc. La guimpe blanche impose son austérité à la robe rouge-orange. Rien d'autre qu'un silence. Tout est dit.
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Déploration, chêne monoxyle, XVIe siècle, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 16 mars 2019.
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Saint Jean.
Il soutient la tête de celui dont il fut le disciple préféré. Sa bouche et son menton semblent trembler pour contenir les pleurs.
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Déploration, chêne monoxyle, XVIe siècle, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 16 mars 2019.
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Une Sainte Femme.
C'est Marie Jacobé (ou bien Marie Salomé) ; elle tient dans ces mains le linceul, ou quelque linge funéraire. Elle est vêtue comme Marie.
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Déploration, chêne monoxyle, XVIe siècle, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 16 mars 2019.
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Marie Salomé.
Elle emprunte à Marie-Madeleine les éléments de son iconographie que sont les longs cheveux dénoués et le turban de riches étoffes, ainsi que d'autres traits d'élégance comme la chaîne d'or qui attache sa cape . Elle prie, mains jointes.
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Déploration, chêne monoxyle, XVIe siècle, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 16 mars 2019.
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Marie-Madeleine.
Nous l'identifions par le pot d'onguent, ses cheveux libérés du voile et ruisselant devant les épaules, mais aussi par sa place de prédilection aux pieds de Jésus .
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Déploration, chêne monoxyle, XVIe siècle, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 16 mars 2019.
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Comparaisons.
L'influence flamande est bien entendu évoquée, mais je n'ai pas trouvé d'œuvre équivalente.
Anvers, 1515-1520, chêne polychrome
http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not&idNotice=2516
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SOURCES ET LIENS.
—ABGRALL (Jean-Marie), 1891, Notice sur l'église de Lampaul-Guimiliau , Bulletin de la Société archéologique du Finistère .
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207615d/f92.image
— ABGRALL (Jean-Marie), 1916, Notice sur l'église de Lampaul-Guimiliau, B.D.H.A. page 70.
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/eb8a12b7e12798d2ef6eea2b182e7115.pdf
"Au-dessus de la porte de la sacristie est un beau groupe de Notre-Dame de Pitié : le corps de Notre Seigneur est étendu sur les genoux de sa Mère ; saint Jean et les trois Marie assistent la Sainte Vierge."
— CASTEL (Yves-Pascal), 2001, Les Pietà du Finistère
http://patrimoine.du-finistere.org/art2/ypc_pieta.html
— COUFFON (René), LE BARS ( Alfred), 1988, Notice sur Lampaul-Guimiliau , Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm. ISBN 978-2-950330-90-1.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/ffdece473d8b2cacb3b0124f2e647d77.pdf
— COUFFON (René), 1964, Quelques considérations sur la sculpture religieuse en Basse-Bretagne du 12e au 19e siècle In: Bulletins et mémoires. Société d'Emulation des Côtes-du-Nord vol. 92 (1964) p. 21-52.
Voir la Déposition de Collorec, désignée sous le terme de Thrène et photographiée figure 8 (Le Doaré).
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_77/La_sculpture_religieuse_en_Basse_Bretagne_.pdf
- A. de la Barre de Nanteuil : Lampaul-Guimiliau (S.F.A. - C.A. 1914) Non consulté.
- Y.-P. Castel : Lampaul-Guimiliau (Rennes, 1979) Non consulté.
- M.-M. Tugorès : Le retable de saint Jean-Baptiste de Lampaul-Guimiliau (B.S.A.F. 1980) Non consulté.
- Christel Douard et Roger Barrié : Lampaul-Guimiliau : Un enclos paroissial du Léon (Châteaulin, 1987), Photos de D. Le Doaré et D. Soret. . Broché. 32 pages. Non consulté.
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