Le bénitier du "Baptême du Christ aux deux serpents" ou "Des diables" (kersanton, 1622) de l'église de Lampaul-Guimiliau.
.
.
.
Sur Lampaul-Guimiliau : l'intérieur de l'église :
L'extérieur de l'enclos :
- Les crossettes et gargouilles (granite, 1602-1667) de l'église et de l'ossuaire de Lampaul-Guimilau.
Sur les bénitiers :
-
L'église Saint-Salomon de La Martyre. III. Les bénitiers. 1619 et de 1601.
.
.
PRÉSENTATION.
.
René Couffon a décrit les trois bénitiers de l'église :
"-Bénitier en granit [non, en kersanton] sculpté au trumeau du porche sud, XVIe siècle (C.).
- 2ème bénitier, en kersanton, dit des Diables (1622), avec représentation du Baptême du Christ sous un fronton ; deux démons se tordent sur les bords de la cuve (C.).
- 3ème bénitier, en kersanton, encastré dans la longère nord, près de l'autel de sainte Marguerite, il porte sur son linteau la date de 1609."
Le chanoine Abgrall avait décrit en 1891 le 2ème bénitier ainsi :
"BÉNITIER DES DIABLES Tout à côté de l'autel de Saint-Laurent, est un beau bénitier en kersanton sur les bords duquel se tordent deux démons dont les pieds plongent dans l'eau bénite et dont les queues frétillent au fond de la cuve, sous forme de couleuvres. Au-dessus est sculpté le Baptême de N. S."
L'auteur de l'article Wikipédia sur l'église écrit :
"Le bénitier en kersanton est formé d'une cuve ciselée où deux diables plongent à moitié dans l'eau bénite et se tordent dans des convulsions."
Le Guide Michelin signale :
"un curieux bénitier du 17e s. représentant deux diables se débattant dans l'eau bénite. "
.
Je me propose d'en donner une description plus détaillée, et de m'interroger sur l'interprétation qui en est donnée.
Datation :
Elle est déduite de celle de la porte sud à la droite de laquelle elle est placée, et qui porte en inscription : A : D : 1622.
Attribution.
Inconnue.
Le seul atelier de sculpture sur pierre du Finistère actif en 1622 et taillant le kersanton est celui de Roland Doré (1618-1663), actif à Guimiliau et à Lampaul-Guimiliau, mais dont aucun bénitier n'est connu.
Les frères Prigent de Landerneau, actifs à Lampaul-Guimiliau pour le porche sud, ont produit divers bénitiers de porche (Saint-Houardon à Landerneau, Landivisiau en 1554-1565, La Roche-Maurice) et ont signé celui de la chapelle Saint-Guévroc de Tréflez (1545) mais leur production s'achève en 1577.
Un bénitier en kersanton de La Martyre porte la date de 1601. Un autre, en vasque, est signé Jean Le Bescond (azctif vers 1664-1682) et daté de 1681.
Jean Le Bescond est aussi l'auteur d'un bénitier circulaire de Ploudiry daté de 1680.
Le bénitier du porche sud de Guimiliau date de 1606-1617.
Description.
Ce bénitier est scellé dans le mur, où il est suspendu (sans reposer sur une colonne).
"Les architectes du xiiie siècle aimaient à faire tenir aux édifices tous les accessoires nécessaires ; ils étaient portés à prévoir, dans la construction, des objets qui jusqu’alors avaient été regardés comme des meubles ; ils durent disposer des bénitiers faisant partie de l’édifice, près des portes, de même qu’ils accusaient franchement les piscines, les crédences. Ces accessoires devenaient pour eux autant de motifs de décoration. " (Viollet-le-Duc, "Bénitier")
Il associe une cuve hémisphérique reposant sur un culot en fleuron ; un plateau vertical rectangulaire ; et un fronton globalement triangulaire par la réunion de deux volutes. Ce dernier me semble en granite et n'est pas solidaire de la partie inférieure, en kersantite.
Il occupe, sur le bas-coté sud, la partie droite de l'entrée après la deuxième porte sud (la première étant celle du porche) : cette porte date de 1622. Néanmoins, le bénitier, ou au moins sa partie basse en kersantite, peut être plus ancien.
a) le panneau frontal.
Il est sculpté en bas-relief de trois personnages au dessus d'une coquille et représente le baptême du Christ par Jean-Baptiste, tandis qu'un ange tient la tunique. Cette scène figure aussi au dessus des Fonts baptismaux (1650) de l'église, mais le personnage qui porte la tunique n'y est pas ailé.
Jean-Baptiste, sur une console, tient un bâton pastoral à croix, et verse l'eau sur la tête de Jésus à l'aide d'un objet circulaire. Le Christ, jambe droite en ouverture, les pieds sur la coquille, et vêtu d'un pagne joint les mains. L'ange, tête légèrement inclinée, est également sur une console. Le rapport entre le bénitier (contenant de l'eau bénite pour que le fidèle se signe à son entrée dans l'église) et le Baptême du Christ est évident, mais rappelle au fidèle qu'en se signant, il réaffirme son propre baptême.
.
b) L'extérieur de la cuve
Il est orné en bas relief de têtes d'angelots, de motifs floraux , de rangs de perles et d'éléments géométriques.
.
c) L'intérieur de la cuve.
C'est lui qui est intriguant et parfaitement original.
Deux personnages, les épaules et la tête renversées en arrière, sont accoudés sur la margelle, tandis que le reste de leur corps descend dans la cuve ; lorsque celle-ci est fonctionnelle et qu'elle est remplie d'eau bénite, ils y baignent. Ils ont tous les traits d'êtres humains, et aucun des traits des démons. Il est difficile d'affirmer qu'il s'agisse d'un couple, bien que la poitrine et la chevelure du personnage de gauche soient plus fournies.
Au fond de la cuve, leurs pieds entrent en contact avec un ou deux serpents. La présence de serpents sculptés n'est pas rare au fond des bénitiers
"Quelquefois les sculpteurs se sont plu à figurer, au fond des cuves des bénitiers, des serpents, des grenouilles, des poissons, puérilités d’assez mauvais goût et qui font l’admiration de beaucoup de gens. Si ces fantaisies avaient pour but de rappeler aux fidèles qu’ils doivent prendre de l’eau bénite en entrant dans l’église, il faut avouer que cette singulière façon d’attirer l’attention eut un plein succès. À l’époque où le zèle religieux se refroidissait, les artistes s’ingéniaient souvent à exciter la curiosité, à défaut d’autre sentiment. Nous pensons qu’il faut classer ces sculptures d’animaux au fond des cuves des bénitiers parmi les fantaisies, parfois burlesques, des sculpteurs du xve siècle, quoiqu’on ait voulu trouver à ces figures un sens symbolique." (Viollet-le-Duc, article "Bénitier")
.
Il me semble que l'on ne peut valider la description de deux diables qui se contorsionnent ou se débattent au contact de l'eau bénite : ce serait effectivement de mauvais goût.
J'y vois plutôt la représentation du Premier Couple sous l'emprise du péché, et tentant d'y échapper, ou celle de l'Humanité avant la rédemption et le Baptême. Ce sens théologique est plus vraisemblable.
Néanmoins, l'interprétation reste ouverte : la première chose à faire était de proposer des images suffisamment précises aux internautes, afin qu'ils puissent y éprouver leur sagacité et leur science. Ce premier temps de l'iconographie, celui du collectage et de la diffusion des images, est le mien.
Je donne un premier jeu de clichés, tel quel, et un second jeu pris après humectage des volumes, une technique à laquelle le kersanton se prête merveilleusement.
.
Bénitier du "Baptême du Christ et des serpents", kersanton, 1622, bas-coté sud, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 29 mars 2019.
Bénitier du "Baptême du Christ et des serpents", kersanton, 1622, bas-coté sud, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 29 mars 2019.
Bénitier du "Baptême du Christ et des serpents", kersanton, 1622, bas-coté sud, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 29 mars 2019.
Bénitier du "Baptême du Christ et des serpents", kersanton, 1622, bas-coté sud, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 29 mars 2019.
Bénitier du "Baptême du Christ et des serpents", kersanton, 1622, bas-coté sud, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 29 mars 2019.
Bénitier du "Baptême du Christ et des serpents", kersanton, 1622, bas-coté sud, église de Lampaul-Guimiliau. Photographie lavieb-aile 29 mars 2019.
.
SOURCES ET LIENS.
—ABGRALL (Jean-Marie), 1891, Notice sur l'église de Lampaul-Guimiliau , Bulletin de la Société archéologique du Finistère .
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207615d/f92.image
— ABGRALL (Jean-Marie), 1916, Notice sur l'église de Lampaul-Guimiliau, B.D.H.A. page 65 .
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/eb8a12b7e12798d2ef6eea2b182e7115.pdf
— COUFFON (René), LE BARS ( Alfred), 1988, Notice sur Lampaul-Guimiliau , Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm. ISBN 978-2-950330-90-1.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/ffdece473d8b2cacb3b0124f2e647d77.pdf
— COUFFON (René), 1964 Quelques considérations sur la sculpture religieuse en Basse-Bretagne du 12e au 19e siècle In: Bulletins et mémoires. Société d'Emulation des Côtes-du-Nord vol. 92 (1964) p. 21-52
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.
http://www.pur-editions.fr/couvertures/1409573610_doc.pdf
—Site Monuments historiques
http://monumentshistoriques.free.fr/calvaires/lampaul/imgs/benitier-porche.html
— VIOLLET-LE-DUC, "Bénitier"