Le calvaire (kersanton, en partie Roland Doré 1618-1663) du cimetière de l'église de Saint-Nic.
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Voir sur la commune de Saint-Nic :
— L'église Saint-Nicaise :
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L'église Saint-Nicaise à Saint-Nic III. La Pietà en kersanton polychrome par les frères Prigent.
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Saint Côme et saint Damien sur le cadran solaire de 1614 de l'église de Saint-Nic (Finistère).
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— La chapelle Saint-Côme et Saint-Damien :
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— La chapelle Saint-Jean :
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La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic (29) : le calvaire de 1645 et les inscriptions lapidaires.
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La chapelle Saint-Jean à Saint-Nic : son Pardon de la Saint-Jean, et sa fontaine. Sa statuaire. Sa charpente (1653), l'inscription du recteur Perfezou et les sablières.
— L'église de Trégarvan (sablières de 1570 par le Maître de Saint-Nic) :
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Ce calvaire placé devant le portail sud de l'église, dans le cimetière, n'a pas fait l'objet de description complète, mais il est décrit par l'abbé Castel dans l'Atlas des Croix et Calvaires du Finistère :
2768. Saint-Nic, église, g. k. 6 m. XVè s. Vers 1630. Soubassement élevé, emplacements pour les gibets des larrons. Fût rond, deux marmousets à la banderole. Croisillon, statues géminées: diacre-Vierge, Jean-orant. Croix, branches rondes, fleurons-boules, crucifix. Statues géminées de l’atelier Doré. [YPC 1980]
Autrement dit, ce calvaire en granit et kersanton de 6 mètres de haut est une œuvre composite alliant une partie datant du XVe siècle et des statues géminées datant vers 1630 car attribuées à l'atelier landernéen de Roland Doré, maître de la sculpture du kersanton.
Sur un soubassement élevé, où Y-P. Castel a observé l'emplacement des deux gibets des larrons, se dresse le fût rond portant à mi-course la sculpture de deux petits personnages tenant autour de leurs jambes une banderole. Ils sont coiffés d'un bonnet (ou d'une épaisse chevelure) et ils sont qualifiés de "marmousets", en sculpture, "personnage de petite taille dans une posture burlesque ou extravagante".
Le croisillon porte deux statues géminées (à deux personnages opposés-accouplés dos-à dos). Ce calvaire a conservé son orientation originelle, crucifix tourné vers l'occident. Sur cette face ouest, les deux statues sont, selon Castel celles "d'un diacre" et saint Jean . Sur la face orientale ce sont la Vierge et un "orant" . Pourtant, ces identifications portent à discussion.
La croix à branches rondes et fleurons-boules porte le Christ crucifié sous le titulus.
Emmanuelle Le Seac'h qui suit les identifications de Castel, précise (2014, p. 350) que seules les statues géminées sont de l'atelier de Roland Doré (1618-1663) : le crucifix et les marmousets sont "hors atelier".
Voici le croquis relevé en 1980 par Y.-P. Castel :
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Vue générale par l'ouest.
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Le crucifix.
Bras écartés en V, paumes cloutées, visage légèrement incliné vers la droite, yeux fermés, bouche entrouverte aux dents visibles, barbe longue en mèches verticales, chevelure longue en deux pans sur les épaules, couronne d'épines en épis de graines rondes. Pagne noué en X sur le devant, jambes parallèles, pieds superposés le droit au dessus du gauche.
Inscription du titulus présente mais peu lisible.
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Le personnage de gauche.
C'est, en règle, l'emplacement occupé par la Vierge (qui est sur l'autre face). Est-ce une erreur d'orientation de la statue sur son croisillon ?
Ce que nous voyons, c'est un personnage (homme ou femme ?) à cheveux longs, tenant devant sa poitrine par ses deux mains un objet rectangulaire. la main droite en soutient le fond, la main gauche le sommet, l'index posé sur ce qui pourrait être le couvercle. Est-ce Marie-Madeleine avec son flacon de parfum ? Saint Damien et son pot d'onguent ?
La tenue vestimentaire devrait nous aider : au dessus d'une cotte plissée dissimulant les chaussures, une chasuble descend jusqu'aux genoux, comme un tablier, laissant voir en dessous, sur une partie brisée en deux blocs l'extrémité possible d'une étole. Ce serait alors un diacre (Etienne ? Laurent ?) .
Nous nous attendrions à avoir quelque part le saint patron de l'église paroissiale, saint Nic. Il faut exclure Nicaise, l'évêque de Reims. En réalité, la paroisse a éré désigné sous les appellations de Plebs sent Mic (au XIe siècle), Seinctnic (au XIVe), Saint Vic (1410 à 1411) et Saint-Nic (en 1599), avec des rapprochements avec saint Maeoc, possible moine itinérant du VIe siècle disciple de saint Samson. Dont on ignore presque tout, et notamment bien-sûr la tenue vestimentaire.
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Le visage est caractéristique du style de Roland Doré, avec son sourire énigmatique.
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Le personnage de droite. Saint Jean .
Sa chevelure est immédiatement remarquable. Elle forme un triangle de grosses boucles jusqu'aux épaules.
Les mains sont croisés sur la poitrine, faisant remonter les pans du manteau dont il est vêtu en deux plis verticaux doublés de deux autres. Sous ceux-ci se voit la robe aux plis tubulaires parallèles formant une manière de colonne, car les pieds ne sont pas visibles.
Il s'agit pour moi de saint Jean.
Plusieurs exemples similaires sont sortis de l'atelier de Roland Doré :
- Cleden-Cap-Sizun, calvaire de la chapelle de Langroas.
- Seven-Lehart, calvaire de l'église (triangle de cheveux méchés et non bouclés) ,
- Commana, calvaire de l'église, 1624.
- Ploeven, calvaire de chapelle Saint-Nicodème, 1637.
- Cast, calvaire de l'église, 1660. (mains non croisées)
- Plonevez-Porzay, calvaire de la chapelle Sainte-Anne-la-Palud.
- Plogonnec, calvaire de la chapelle Saint-Denis de Seznec, 1641.
- Dinéault, calvaire de Moudennou.
Les cinq derniers exemples sont situés dans le Porzay, à proximité de Saint-Nic.
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LA FACE ORIENTALE.
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Vue générale.
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Le personnage de droite .
Nouvelle énigme. Une chasuble, une étole : est-ce encore un diacre ? Pas d'attribut pour nous aider. Les cheveux sont longs, repoussés en arrière sur un front dégagé voire épilé. Le saint homme / la sainte femme garde les mains jointes...
Finalement, nous avions sur cette face du calvaire, en supposant que la statue géminée diacre/Vierge ait été inversée lors d'un remontage, un couple vêtu chacun d'une chasuble et portant l'étole, l'un à la chevelure féminine tenant un objet carré, et l'autre à la chevelure également féminine, mains jointes.
La seule solution qui me satisfasse est de cesser de considérer que le vêtement soit une chasuble et une étole, mais qu'il soit la tenue vestimentaire de deux saintes femmes.
Nous aurions ainsi au total autour du crucifix Jean, la Vierge, Marie-Madeleine et une Sainte Femme, ce qui est tout à fait conventionnel dans les Passions.
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LES MARMOUSETS DU FÛT.
Je n'exclus pas la possibilité d'y voir deux anges tenant des textes laudatifs.
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SOURCES ET LIENS.
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— CASTEL (abbé Yves-Pascal), Atlas des Croix et Calvaires du Finistère, site de la Société archéologique du Finistère.
http://croix.du-finistere.org/commune/saint_nic.html
— COUFFON (René), Le Bars (Alfred), 1988,
http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/SAINTNIC.pdf
" Dans le cimetière (site inscrit), calvaire composite ; les statues géminées du croisillon sont de Roland Doré."
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2010, Les ateliers de sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne du XVe au XVIIe siècle, thèse UBO Brest
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes, page 216.
http://www.pur-editions.fr/couvertures/1409573610_doc.pdf
— PARCHEMINOU (Corentin), 1930 “Saint-Nic : une paroisse cornouaillaise pendant la Révolution : ses monuments religieux,”
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3082c766c9392bec4684ec9de6920595.pdf
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