Ploéven III. L'église : le calvaire (kersanton, vers 1550) du placître.
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Sur Ploéven, voir :
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La chapelle Sainte-Barbe de Ploéven. Son calvaire, son vitrail, sa statuaire, son Pardon.
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Ploéven II. L'église de Ploéven, la Déploration (pierre polychrome, 1547 ).
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DESCRIPTION.
C'est un calvaire de 6 mètres de haut débutant par trois degrés de granite (le premier doté d'une corniche) et un socle cubique à pans coupés. Puis s'élève le fût chanfreiné qui supporte le chandelier gris sombre (en kersantite) du crucifix et du croisillon à deux groupes de statues géminées associant saint Jean avec saint Pierre et la Vierge avec Marie-Madeleine. Le croisillon est à culots et à bras feuillagés, tandis que la croix est fleuronnée de boules godronnées. Sous le nœud sont sculptés, vers l'ouest, la Sainte-Face, et, vers l'est, un ange tenant les clous de la Passion. L'ensemble réunit une dizaine de pièces de kersantite, parfois brisées, la croix étant consolidée par des arceaux de métal.
La hauteur exacte est de 6,36 m, celle des statues géminées de 0,80 m environ.
L'une des originalités de ce calvaire repose sur les anges recueillant le sang du Christ dans des calices : si les deux anges placés au pied de la croix sont habituels, ceux des cotés, qui volent, sont supportés par des branches qui partent de la base de la croix et rejoignent la traverse ; et ces anges-ci tiennent les pans du pagne.
Comme c'est souvent le cas, les statues géminées n'ont pas été remontées convenablement, et la Vierge, qui se doit d'être à la droite du Christ, se retrouve à sa gauche, inversant les prééminences avec saint Jean. Pour une fois, nous avons un témoignage ancien de la disposition ancienne, sous la forme d'un texte d'archive de 1735 mentionnant comment, lors d'une tempête, ce groupe Jean/Pierre a été abattu : "Le neuf février mil sept cent trente cinq il y eut une si grande tempête pendant 24 heures que la curie et la pierre triangulaire vinrent à bas vers les trois heures après midy et les deux images qui sont st Pierre et st Jean placés du coté gauche sur la croix dans le cymetière ". Il reste à comprendre ce que l'auteur entend par "du coté gauche"...
Le calvaire est classé au titre immeuble à la date du 28 octobre 1926. Nous disposons d'une description de 1980 (sur laquelle je me base) par Yves-Pascal Castel dans son Atlas (désormais en ligne), et d'une description de 1978 pour l'Inventaire général IM29001377 par Jean-Pierre Ducouret et Claude Quillivic.
Chacun des calvaires bretons possède son intérêt. Mais ce calvaire n'est pas attribué à un auteur particulier (même si Ducouret et Quillivic estiment que "Les figures sculptées qui ornent le Calvaire, sont l'oeuvre de l'auteur ou de l'atelier ayant exécuté le Calvaire de la chapelle Sainte-Barbe en Ploéven". Il ne porte ni inscription, ni élément héraldique, ni date. Y-P. Castel le date "vers 1550" (et c'est la date approximative du début de construction de l'église, dont la Déploration date de 1547). Alors, quel intérêt ? Ce sera l'examen rapproché de chaque statue qui nous le dira peut-être.
C'est la Vierge de Pitié (ou Pietà) qui m'a retenu d'avantage, par un motif iconographique singulier, celui du Christ aux jambes "à l'équerre". Je lui consacrerai un article propre.
Contexte comparatif :
Les autres calvaires de la paroisse sont celui de la chapelle Sainte-Barbe, de 1585, anonyme et celui de la chapelle Saint-Nicodème, de 1637 par Roland Doré .
Les autres calvaires des paroisses voisines sont ceux de Cast (église, 1660 par Roland Doré , et chapelle de Quillidoaré vers 1550 atelier Fayet ?), de Sainte-Anne-La Palud (1630-1656 par Roland Doré), de Saint-Nic (église vers 1630, chapelle Saint-Jean 1645 et chapelle Saint-Côme vers 1630 par Roland Doré), et de Sainte-Marie du Ménez-Hom 1554 et 1630 par Roland Doré).
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LA FACE OCCIDENTALE : LE CRUCIFIX ENTRE SAINT JEAN ET LA VIERGE.
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Le Christ en croix et les anges hématophores.
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La tête du Christ, longiligne, est légèrement penchée sur la droite. Elle est couronnée d'épines semblables à des maillons de chaîne. La moustache débute sur les ailes du nez, la barbe aux contours doux et arrondis dessine des mèches finement bouclées.
Le pagne est une étoffe dont les pans se croisent au centre avant de s'échapper en ailes de chaque coté.
L'ange de notre gauche, aux cheveux en boule, tient deux calices, l'un sous la main droite et l'autre pour le sang qui s'échappe de la plaie du flanc.
L'autre recueille dans son calice le sang de la main clouée à la traverse, tandis qu'il maintient le pan du pagne.
Deux anges sont aux pieds, avec chacun un calice.
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La Sainte-Face (ou Voile de Véronique).
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La Vierge.
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La tête, légèrement inclinée, les yeux ouverts, la bouche entrouverte, est recouverte par le manteau et entourée d'une guimpe.
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Saint Jean.
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Jean, imberbe bien-sûr, incline légèrement la tête. Ses cheveux mi-courts sont bouclés. Il porte un manteau à gros plis cassés et bouffants d'où s'échappent les deux mains croisées. Sa robe remonte jusqu'au ras du cou en un bourrelet, lequel se prolonge autour de la fente pectorale qui forme une boucle autour d'un bouton.
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LA FACE ORIENTALE : SAINT PIERRE ET MARIE-MADELEINE.
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Sainte Marie-Madeleine.
Tête brisée, restaurée.
La jambe droite est avancée, comme saisie lors de la marche du matin de Pâques.
Elle tient le flacon d'aromate au couvercle entrouvert.
Le manteau épais, serré par un fermail, aux plis lourds formant des torons autour du poignet gauche s'affine autour de la tête pour former une coque aux plis cassés sinueux. Vue de profil, cette coiffure évoque la cape de deuil des femmes bretonnes par sa découpe près de l'angle de la mâchoire.
Le cou est couvert par une guimpe. La robe comporte un corselet lisse et serré mais aux manches larges aux épaules et aux poignets puis une jupe à plis légers.
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Saint Pierre.
Il est pieds nus, il tient la clef dans la main gauche et le pan de son manteau dans la droite. Le visage est lourd, au nez massif et les traits ne sont pas affinés par la moustache torsadée qui débute, selon une mode (capillaire ou iconographique?), des coins des narines. La barbe laisse pendre de grosses mèches en virgule devant le menton. Le toupet frontal (l'un des attributs dont on orne la calvitie du saint) se compose de deux houppes.
Le manteau est ample et évoque une étoffe épaisse. La robe aux plis tubulaires se ferme, comme celle de saint Jean, au ras du coup par un bouton serrant une courte fente (c'est là un détail qu'affectionnent les frères Prigent de Landerneau, mais sans que nous retrouvions leur style, plus fluide).
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L'ange tenant les clous et le flagellum.
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CONCLUSION.
Malgré une parenté thématique avec le calvaire de la chapelle Sainte-Barbe (anges hématophores reliés aux pans du pagne, ange aux instruments de la Passion du nœud, etc.), les personnages possèdent plus de différences que de points communs.
La datation proposée par Y-P. Castel (vers 1550) peut-elle être maintenue ? Cela fait de ce calvaire le contemporain de la Déploration de 1547, laquelle permet les comparaisons entre les quatre personnages du Christ, de la Vierge, de Jean et de Madeleine. Le sculpteur est-il le même ?
L'hypothèse d'une attribution à un atelier proche de celui de Bastien et Henri Prigent (déjà évoquée à propos des larmes de la Déploration) doit-elle être approfondie ?
C'est en mettant en ligne des documents iconographiques suffisamment détaillés que ces questions pourront être étudiées par les personnes compétentes.
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SOURCES ET LIENS.
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— CASTEL (Yves-Pascal), 2001, Les Pietà du Finistère. numéro 69 de la revue Minihy-Levenez de juillet-août 2001. L'auteur y étudie une centaine de Pietà et de Déplorations.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/204bbff59e0b1d6cf65264a34d22701f.pdf
— CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère, actuellement en mode participatif sur le site de la Société archéologique du Finistère.
http://croix.du-finistere.org/commune/ploeven.html
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred) 1988, Notice sur Ploéven, Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3cfe40fff167ac9a521b6a1d446936d8.pdf
— DEBIDOUR (V-H.), 1953, La sculpture bretonne, Rennes 1953, p. 109-116
— DILASSER (Maurice), 1979, Un pays de Cornouaille, Locronan et sa région (Paris, 1979) ; Nouvelle Librairie de France., page 521.
— INVENTAIRE GENERAL, IM 29001383, Jean-Pierre Ducouret et Claude Quillivic 1978
http://www.inventaire.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=RETROUVER&FIELD_98=LOCA&VALUE_98=%20Plo%e9ven&NUMBER=51&GRP=0&REQ=%28%28Plo%e9ven%29%20%3aLOCA%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=3&SYN=1&IMLY=&MAX1=1&MAX2=200&MAX3=200&DOM=Tous
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne, les ateliers du XVe au XVIIe siècle. Presses Universitaires de Rennes .
— PÉRENNÈS (Henri), 1940, Ploéven, Notices sur les paroisses du diocèse de Quimper et du Léon, Bulletin Diocésain d'Histoire et d' Archéologie de Quimper ( BDHA)
https://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1940.pdf
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