Ploéven XI . Le retable de saint Isidore (Guillaume le Poupon, Jan Mozin vers 1720) et sa statue dans le transept nord de la chapelle Saint-Nicodème.
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— Sur Ploéven, voir :
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La chapelle Sainte-Barbe de Ploéven. Son calvaire, son vitrail, sa statuaire, son Pardon.
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Ploéven II. L'église de Ploéven, la Déploration (pierre polychrome, 1547 ).
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Ploéven III. L'église : le calvaire (kersanton, vers 1550) du placître.
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Ploéven V : Les statues de l'église et ses inscriptions lapidaires (ou non), ses blasons.
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Ploéven VII : les inscriptions lapidaires (et campanaire) de la chapelle Saint-Nicodème.
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Ploéven VIII : les six crossettes ( granite, 1593-1607) de la chapelle Saint-Nicodème.
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Ploéven X : la cloche de 1817 de la chapelle Saint-Nicodème par Le Beurriée.
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Sur saint Isidore, voir :
- Mes Izidors : iconographie de saint Isidore en Bretagne. Brélès (29), Logonna-Daoulas (29), Saint-Mériadec à Stival (56), Saint-Nicodème en Pluméliau (56), Chapelle N.D de Quelhuit à Melrand (56), église de Bieuzy-les-Eaux (56), Eglise de Saint-Thuriau ( 56), Guern, église paroissiale (56), Sainte-Tréphine (56) . . . .
- Costumes bretons d'Elliant : vitrail et statues.
- Église de Brélès : anges musiciens et Isidore en costume breton.
- Saint Isidore en costume breton : Logonna -Daoulas. église Saint-Monna de Logonna-Daoulas ; statue du XVIIe siècle.
- Sant Izidor à Crozon : le cantique du pére Maunoir en 1671.
- Chapelles de Crozon (3) : Saint-Fiacre.
- Vierges allaitantes : Nostre-Dame de Joye à Guern (56).
- La bannière Le Minor de la chapelle du Drennec en Clohars-Fouesnant (29).
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Saint Isidore possède sa statue dans de nombreux sanctuaires de Bretagne, quoiqu'il n'atteint, pour la fréquence de sa représentation que la 35ème place parmi 53 saints. Il est mieux représenté dans le Morbihan qu'en Finistère, où il est ou il fût honoré dans 17 sanctuaires. C'est, comme jadis Poulidor dans le cyclisme, un saint qui ne prend jamais la première place, et aucune chapelle ne lui est dédiée en propre —sauf à Bréhant (56) et Maël-Pestiven (22) —, depuis la destruction de celles du Relecq-Kerhuon et de Scrignac en Finistère.
Il se dit qu'après tout il n'a été canonisé qu'en 1622, c'est encore bien récent (saint Vincent Ferrier, lui aussi d'origine espagnole, et très honoré en Bretagne, le fut en 1455), qu'il n'est pas breton, comme saint Yves, ou que son nom d'Isidore le Laboureur le pénalise un peu, d'autant que le grand saint Fiacre, arrivé d'Irlande au VIIe siècle avec sa bêche , lui fait concurrence auprès des jardiniers et des hémorroïdaires. Il n'était que valet de ferme, avant de devenir métayer.
Il ne demande le plus souvent qu'une statue avec SANT IZIDOR à la peinture noire, ou juste une bannière de procession (Melrand), et, une seule fois, il a eu sa place, encore à Melrand, sur un calvaire, coté est bien-sûr. Une dizaine de verrières l'accueillent, mais seulement de fraîche date. Mais il est très rare qu'il prétende obtenir un retable pour lui tout seul ; c'est le cas ici, et à Melrand (56).
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À Saint-Nicodème, il peut compter sur une grande chapelle intérieure (celle que forme le bras nord du transept), avec son autel, son coffre pour les offrandes, son retable, sa statue, et son pardon, distinct de celui du patron des lieux. Quel honneur !
Le Père Maunoir, qui composa à Crozon en 1671 un Cantique spirituel pour ce saint, a-t-il insufflé aux paroisses une nouvelle dévotion envers "Sant ISIDOR, Patron ar Labourerien" ? .
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LE RETABLE.
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Il a été réalisé, comme le retable de saint Éloi du transept sud, vers 1720 par le retablier Guillaume Le Poupon et/ou le peintre et doreur Jan Mozin, comme la chaire de l'église de Locronan ou le retable de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle, également à Locronan. Il a été restauré en 1829. (cf. article sur le retable de saint Éloi).
Il comporte quatre travées, une travée principale à tableau rectangulaire, encadré de deux travées à médaillons ovales, et une travée faisant retour d'angle sur le mur pignon du transept pour accueillir une statue.
1°) La scène centrale.
Tandis qu'Isidore laboure son champ derrière une charrue attelée à deux bœufs, un ange lui apparaît dans des nuées. À gauche, un château et son enceinte. À droite, un observateur entre des arbres.
La scène est loin d'être explicite. Rappelons l'histoire qui se déroule en Espagne vers 1130 :
Placé très jeune comme ouvrier agricole, il travaille pour plusieurs maîtres. Devant l'arrivée des Sarrazins, il fuit la région de Madrid, et continue ailleurs son humble métier.
Il est l'objet de la jalousie des autres ouvriers, qui l'accusent de préférer prier plutôt que de travailler la terre comme eux. Chaque dimanche, avec sa femme Maria Toribia, il chante au lutrin pendant la grand-messe et passe en prières le reste de la journée. Toutefois, son dernier patron, Juan de Vargas, fait de lui son régisseur.
Ce dernier le guette pour vérifier les assertions des autres ouvriers : il le surprend en prière, en extase tandis que les bœufs continuent à tirer la charrue, comme s'ils étaient conduits par deux anges. Ébloui, Juan de Vargas se convertit.
Or, ici, Isidore, qui a certes son chapelet en main et les yeux tournés vers le ciel, mène bien sa charrue, et rien ne laisse deviner que ce sont les bœufs qui la conduisent.
C'est seulement un aide-mémoire pour des paroissiens bien informés par ailleurs. Sans doute le recteur leur faisait chanter le cantique de Maunoir, ou un autre qui ressemblerait à celui-ci (Melrand vers 1920):
Hag a vihan disket elsé
De viuein el ur hristén mat,
Ol é amzér e dremené
E pedein hag é labourat.
4
Izidor pe oé deit en oed
De gemér ur stad a vuhé
E ven choéj aveit pried
Ur verh santél eldou eué
5
Bamdé er labourer gredus
Er pen ketan ag é zeuèh
De bedein hun Salvér Jézus
E ié d’en iliz get hirèh
6
Pe oé achiu en overen
Ha laret ol e bedenneu
E hé de labourat aben
Betag en noz en é barkeu
7
Tud fal d’é vestr en doé laret
E kollé er sant é amzér
E patérat elsé perpet
E léh monet get en arér
8
Er mestr e zou deit de huélet,
Ha chomet ardran un herrad
Chetu ean guh é sellet
Doh Izidor é labourat
9
Guélet e hra. O burhud kaèr !
Ar un dro get é servitour
Deu El é kondui en arér
Ha hemb arsaù doh er sekour.
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Saint Isidore était né
Dans la ville de MADRID (dit-on).
Son père, pauvre des biens de la terre,
N’était qu’un pauvre laboureur.
2
Enfant, chez ses parents,
Isidore apprit très tôt
A chercher tout d’abord les richesses du ciel
Avant de gagner les biens de ce monde.
3
Elevé ainsi dès son jeune âge
A vivre en bon chrétien
Il passait tout son temps
A prier et à travailler.
4
Lorsque Isidore arriva en âge
De s’installer dans la vie
Il tint à choisir pour épouse
Une fille aussi vertueuse que lui.
5
Chaque jour le laboureur fervent
Dès le commencement de sa journée,
Pour prier le Seigneur Jésus,
Allait à l’église avec empressement.
6
Sitôt la messe achevée
Et toutes les prières dites
Il allait travailler sans attendre
Dans ses champs jusqu’à la nuit.
7
Des gens mal intentionnés avaient dit à son maître
Que le saint perdait son temps
A réciter ainsi des prières sans arrêt
Plutôt que de suivre la charrue.
8
Le maître est venu voir,
Est resté derrière un moment,
Le voilà qu’il surveille en cachette
Isidore dans son travail.
9
Il voit O merveille sans pareille
En même temps que son serviteur
Deux anges conduire la charrue
Et l’aider sans répit dans sa tâche.
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Retable de saint Isidore (bois polychrome, vers 1720, G. Le Poupon et J. Mozin, chapelle de Saint-Nicodème à Ploéven. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.
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Le médaillon de droite. Le miracle de la source.
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"Un jour, Jean de Vergas l'étant venu voir dans la campagne où il labourait, il fit sourdre miraculeusement une fontaine pour soulager sa soif, en frappant seulement la terre : cette fontaine n'a point cessé depuis ce temps-là de couler, et sert même à la guérison des malades. " Les petits Bollandistes vies des saints ,1873, Volume 5 page 433
https://books.google.fr/books?id=EFJiI6MYQ8gC&dq=fontaine+miracle++%22saint+isidore%22&hl=fr&output=text&source=gbs_navlinks_s
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Saint Isidore est barbu et tête nue ; il est chaussé de sabots. Il porte une riche tunique rouge à ceinture et manches dorées, un col plissé en fraise, des haut-de-chausses bouffantes et plissées dans lesquelles les bretons se réjouissent de reconnaître les bragou-braz de leurs grands-pères (mais qui étaient communs partout au XVIIIe siècle dans le monde paysan), des guêtres. Il tient le chapelet, et le bâton de sourcier.
Jean de Vergas montre la supériorité de son rang en restant couvert de son chapeau. Sa tunique fendue est plus longue, aux manches plus larges et retroussées plus haut. Ses hauts de chausse sont en tissu fin et moulants, ses jambes sont couvertes par des bas, sur des chaussures fines à tige montante.
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Retable de saint Isidore (bois polychrome, vers 1720, G. Le Poupon et J. Mozin, chapelle de Saint-Nicodème à Ploéven. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.
Retable de saint Isidore (bois polychrome, vers 1720, G. Le Poupon et J. Mozin, chapelle de Saint-Nicodème à Ploéven. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.
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Le miracle du dîner partagé.
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Cette fois, le bas-relief illustre parfaitement l'épisode suivant :
"Quoique peu riche, Isidore était libéral envers les pauvres ; il partagea souvent avec eux son dîner, ou plutôt il se contentait de leurs restes. Un jour qu'il avait tout donné, un nouveau pauvre s'étant présenté, Isidore pria sa femme de voir s'il n'y avait pas encore quelque nourriture; quoiqu'elle sût qu'il n'y avait plus rien, elle y alla, par obéissance, et trouva le plat, qu'elle croyait vide, aussi plein que s'ils n'y eussent point encore touché. "
Les petits Bollandistes vies des saints ,1873, Volume 5 page 433
https://books.google.fr/books?id=EFJiI6MYQ8gC&dq=fontaine+miracle++%22saint+isidore%22&hl=fr&output=text&source=gbs_navlinks_s
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Retable de saint Isidore (bois polychrome, vers 1720, G. Le Poupon et J. Mozin, chapelle de Saint-Nicodème à Ploéven. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.
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LA STATUE DE SAINT ISIDORE. Bois polychrome
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La statue appartenant au retable, doit être attribuée aux mêmes artistes et recevoir la même datation.
Elle mesure 121 cm de haut et porte l'inscription sur le retable ST IZIDOR.
Le saint y est figuré, non plus en ouvrier agricole comme sur les bas-reliefs, bien qu'il conserve les haut-de-chausses bouffants et plissés et les guêtres, mais en paysan aisé ou endimanché, avec la veste à basques que portaient Jean de Vergas, aux poches ourlées d'or, et les chaussures en cuir à boucle d'argent. Le grand manteau vert et rouge lui donne l'allure d'un seigneur.
La fraise courte ne témoigne pas du costume porté en Bretagne dans les années 1720, et l'artiste a sans doute voulu évoqué celui des espagnols un siècle auparavant.
Il est presque certain que le saint portait (comme dans toutes ses statues) une faucille, qui est son attribut avec la gerbe de blé, mais celle-ci a été remplacée (déjà en 1940) malencontreusement par une houe : une erreur qui pourrait facilement se réparer, mais qui, pour l'instant, déséquilibre le dynamisme du personnage.
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Retable de saint Isidore (bois polychrome, vers 1720, G. Le Poupon et J. Mozin, chapelle de Saint-Nicodème à Ploéven. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.
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Retable de saint Isidore (bois polychrome, vers 1720, G. Le Poupon et J. Mozin, chapelle de Saint-Nicodème à Ploéven. Photographie lavieb-aile 13 juin 2019.
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CONCLUSION.
Avec ce retable à quatre travées et sa statue, la chapelle Saint-Nicodème offre un des ensembles iconographiques de saint Isidore les plus complets de Bretagne, et des plus précoces avec sa datation en 1720-1725. Il témoigne de l'art des retabliers de Quimper.
Il doit être mis en parallèle, sur le plan narratif, avec le retable de la chapelle Notre-Dame-du-Guelhouit à Melrand, et surtout avec les 24 tableaux du lambris peint (et leurs légendes de 1840). Une confrérie de saint Isidore y était attestée dès 1671. Le retable y date du 4e quart du 17e siècle, peu de temps après la construction de la chapelle en 1683. L'artiste a mieux représenté, dans le retable central, le saint en prière alors que les anges conduisent sa charrue.
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SOURCES ET LIENS.
— CASTEL (Yves-Pascal), 2001, "Saint Isidore", suivi de la liste de 58 églises et chapelles de Bretagne où Isidore est représenté.
http://patrimoine.du-finistere.org/art2/ypc_st_isidore.html
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred) 1988, Notice sur Ploéven, Nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper.
http://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3cfe40fff167ac9a521b6a1d446936d8.pdf
Mobilier : Aux autels latéraux, retables du début du XVIIIè siècle, peints vers 1720-1725 par Jean Mozin, peintre et doreur de Quimper. Sur ces retables, outre les statues des saints Isidore (au nord) et Eloi (au sud), trois bas-reliefs polychromes évoquent la vie de chacun de ces saints. La date de 1829 sur l'autel de saint Isidore indique une restauration des peintures.
— COUFFON (René), Quelques considérations sur la sculpture religieuse en Basse-Bretagne du XIIIe au XIXe siècle.
http://bibliotheque.idbe-bzh.org/data/cle_77/La_sculpture_religieuse_en_Basse_Bretagne_.pdf
— DEBIDOUR (V-H.), 1953, La sculpture bretonne, Rennes 1953.
— DILASSER (Maurice), 1979, Un pays de Cornouaille, Locronan et sa région
— DUCOURET (Jean-Pierre), QUILLIVIC, (Claude), 1978, notice pour l'Inventaire général
http://www.inventaire.culture.gouv.fr/public/mistral/palissy_fr?ACTION=RETROUVER_TITLE&LEVEL=1&GRP=0&REQ=%28%28Plo%e9ven%29%20%3aLOCA%20%29&USRNAME=nobody&USRPWD=4%24%2534P&SPEC=3&FIELD_98=LOCA&VALUE_98=%20Plo%e9ven&SYN=1&IMAGE_ONLY=&MAX1=1&MAX2=1&MAX3=200&DOM=Tous
— PÉRÉNNÈS (Henri), 1940, Ploéven, Notices sur les paroisses du diocèse de Quimper et du Léon, Bulletin Diocésain d'Histoire et d' Archéologie de Quimper ( BDHA)
https://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/bdha/bdha1940.pdf
"Au croisillon Nord du transept on voit l'autel en pierre de saint Isidore, patron des cultivateurs. Le retable en est sculpté. II. présente en relief, le Saint, grandeur naturelle, en bragou-braz, un chapelet au bras droit, conduisant une charrue attelée de deux bœufs. Sur la gauche apparaît le manoir de son maître, à droite un parterre. Au-dessus de la scène, un ange montre le ciel, d'où s'échappent des rayons de lumière.
De part et d'autre deux médaillons. Celui de gauche représente saint Isidore, les mains jointes ; l'homme et la femme qui se tiennent près de lui doivent être ses patrons. Dans le médaillon de droite, le saint, de son bâton, fait jaillir, devant son patron, une source du sol.
Contre la paroi, un peu plus loin, est une belle statue en bois de notre saint, qui tient en main un instrument de labour."
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— PATRIMOINE.BZH/GERRTRUDE-DIFFUSION :
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/recherche/globale?quoi=statue&render=liste&texte=isidore
Iconographie : Mellac (Quimperlé)
Melrand
Plouezec
etc...
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