Les vitraux du XIVe siècle de la cathédrale d'Évreux : XVIII : la baie 209 offerte vers 1390-1400 par Pierre de Navarre, comte de Mortain.
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Cet article est le dix-huitième d'une série sur l'apparition du jaune d'argent dans les vitraux du chœur de la cathédrale d'Évreux au XIVe siècle, et il suit l'ordre chronologique des datations de ces verrières.
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Je suis guidé par les publications de Françoise Gatouillat, et notamment par Gatouillat 2019.
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Voir :
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Voir aussi :
.— Sur les vitraux plus tardifs de la cathédrale d'Évreux :
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Les vitraux de la baie 15 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
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Les vitraux de la baie 17 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
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Les vitraux de la baie 19 (vers 1360-1370) de la chapelle du Rosaire de la cathédrale d'Evreux.
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L'arbre de Jessé (baie 0) de la cathédrale d'Évreux (1467-1469).
— Sur les fonds damassés outre les articles sur les baies 15, 17 et 19 cités supra :
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La chapelle Saint-Jacques de Merléac : la maîtresse-vitre (1402) II. La Passion.
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Les fonds damassés des vitraux (vers 1417) du chœur de la cathédrale de Quimper.
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Liste de mes 200 articles sur les vitraux :.
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PRÉSENTATION.
Haute de 6,50 m et large de 3,60 m, la baie 209, située au coté nord des vitres hautes du chœur, comporte 4 lancettes trilobées et un tympan à 1 pentalobe, 2 trilobes et 9 écoinçons. Elle appartient, avec la baie 210 offerte par Charles VI, aux verrières dites "royales" car le donateur a été identifié comme Pierre de Navarre, comte de Mortain, frère puiné du roi de Navarre et comte d'Évreux Charles III le Noble, et compagnon d'enfance du roi Charles VI.
Pierre de Navarre y est présenté à la Vierge à l'Enfant par saint Pierre, et par saint Denis.
Les quatre personnages se tiennent dans des édicules voûtés tendus de damas à motifs de rinceaux en spirale.
Les dais répètent les mêmes fleurons trilobés au sommet des petits gables aigus des contreforts que la baie 210, les mêmes crosses de feuillage sur les rampants des gables principaux, et surtout les mêmes crochets blancs et jaunes qui hérissent, par une disposition assurément rare, la corniche supérieure des niches. Mais le dais à sommet plat est simple pour les trois saints personnages, et double pour le donateur, afin qu'il soit placé plus bas qu'eux.
La verrière a été restaurée lors de la réfection du chœur entre 1888 et 1896 : la date de 1893, qui est inscrite sur le livre de prières, se rapporte certainement à cette restauration.
Elle résulte d'une recomposition un peu complexe par Jean-Jacques Gruber en 1953 puisque son emplacement était auparavant celui de la verrière de Guillaume d'Harcourt (aujourd'hui en 211), et que les panneaux du donateur et de saint Pierre ont été transférés depuis la baie 134 de la nef avant 1834 pour compléter la verrière de Raoul de Ferrières de la baie 207, et qu'enfin la Vierge et saint Denis étaient placés dans la verrière voisine...
Longtemps, en se fondant sur un relevé exécuté par le collectionneur Gaignières, on y a vu Charles III de Navarre. L'identification juste, et la recomposition de la verrière, résultent d'un véritable travail d'enquête érudite mené en 1942 par Suzanne Honoré-Duvergé puis Jean Lafond , mais le débat s'est poursuivi autour des baies 209 et 210 jusqu'en 1980, entre Jean Lafond, Louis Grodecki (1956-1957), l'archiviste Marcel Baudot et l'héraldiste Jean-Bernard de Vaivre. Il portait notamment sur les deux relevés effectués par Boudan pour Gaignières : s'agissait-il, — puisqu'ils portaient en inscription les identifications de Charles II et de Charles III —, d'infidélités aux verrières réelles (car plus difficiles à observer qu'une dalle funéraire par exemple), ou bien de relevés de deux autres verrières, aujourd'hui perdues, tandis que les actuelles baies 209 et 210 auraient échappé à l'attention du dessinateur et antiquaire ? On pourra voir, dans les articles cités en source, combien ces débats sont passionnants et instructifs.
Néanmoins, le consensus est établi concernant l'identité de Pierre de Navarre, et la datation entre 1390 et 1404.
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Vue générale en situation au dessus du triforium avec sa baie 109 :
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La première lancette : la Vierge à l'Enfant.
Elle provient de la verrière de la cinquième travée de la nef, du côté sud, où elle avait été déplacée.
"La Vierge assise à laquelle Mme Honoré-Duvergé a pensé pour compléter le vitrail de Pierre de Mortain est infiniment gracieuse. Sa tête blonde s'incline vers la droite, comme pour accompagner le mouvement de l'Enfant-Jésus, penché en avant avec ce bel élan qu'on lui voit dans certaines représentations de l'Adoration des Mages. Mais il tend ici une branche de rosier." (J. Lafond)
On sait que la Vierge, patronne de la cathédrale Notre-Dame, est honorée dans la plupart des verrières hautes du chœur.
Fond rouge damassé au motif de rinceaux. Manteau bleu, nimbe vert, Enfant et visage de Marie en verre blanc peint au jaune d'argent. Le damassé aux rinceaux polycycliques se retrouve sur la robe dorée, visible en bas.
La Vierge incline la tête vers son Fils avec qui elle échange un regard d'autant plus tendre que l'Enfant enlace le cou de sa Mère de ses bras. Elle tient dans la main droite un objet (rosier selon Lafond) que je ne peux déterminer.
Petit effet de perspective par les nervures des voûtains, le manteau qui passe devant les piédroits, ou les lignes du carrelage à losanges noirs et jaunes.
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Cliché éclairci pour étudier le fond rouge.
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Deuxième lancette : saint Pierre coiffé de la tiare papale.
Fond du dais rouge, sous lequel est tendue une étoffe damassée bleu au motif de pommes de pins fleuronnées, de rouelles à crochets et de rinceaux. Je rappelle l'importance de ces damassés, qui ont permis le regroupement des panneaux dispersés et qui se retrouvent en baie 210. La rouelle à crochet renferme deux dragons (ou oiseaux fabuleux) affrontés, comme les soieries ou lampas importés de Lucques ou de Florence.
Ce motif se retrouve à Bourges dans le vitrail de la chapelle d'Etampes — ou du Sacré-Coeur — des premières années du XVe, et reproduit dans la Pl. II d'A de Méloizes.
Saint Pierre tient la clef dans la main droite et tend la main gauche, en arrière, vers le donateur dont il est le patron. Nimbe rouge, chape lie-de-vin, surplis, visage et mains en verre blanc.
L'un des détails précieux est le motif des broderies de l'étole, puisqu'il s'agit de verrières au remplage stylisé : il indique que Pierre de Navarre est donateur de la verrière, d'une façon très originale puisqu'ailleurs dans le chœur, les donateurs portent eux-mêmes une maquette de vitrail.
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Troisième lancette. Pierre de Mortain en donateur.
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Pierre de Navarre (Évreux, 31 mars 1366 – Sancerre, 29 juillet 1412), comte de Mortain, était le fils puîné de Charles II, roi de Navarre et comte d'Évreux (dit Charles le Mauvais), et de Jeanne de France (1343-1373), fille du roi de France Jean le Bon.
Pierre de Navarre alias Pierre de Mortain naquit à Évreux le 5 avril 1366. Laissé à la cour de France (en gage d'une possible politique de réconciliation entre son père et le roi Charles V), il fut élevé avec le futur roi Charles VI, dont il devint l'inséparable compagnon.
C'est dans ce contexte qu'il faut réunir les deux verrières 209 (au nord) et 210 (au sud) offertes par Pierre de Mortain et Charles VI, et où saint Denis est présent dans les deux cas.
Le gisant de Pierre de Navarre est conservé au Louvre.
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http://cartelfr.louvre.fr/cartelfr/visite?srv=car_not_frame&idNotice=1980
"Au reste, l'exactitude de l'identification est aisée à vérifier ; la figure du vitrail présente, nous l'avons dit, toutes les apparences d'un portrait. Or, le Louvre conserve la belle statue tombale du comte de Mortain, que lui fit ériger, après sa mort en 1412, sa veuve Catherine d'Alençon . L'épreuve est concluante : non seulement le costume du gisant est identique en tous points au vitrail — mêmes détails de l'armement, même cotte armoriée, le cortil seul faisant défaut — mais encore les traits sont semblables ; à peine peut-on noter que le vitrail offre une image plus juvénile, faite vraisemblablement du vivant de Pierre de Navarre." (Honoré-Duvergé)
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Plus précisément (de Vaivre), Pierre de Mortain porte une cuirasse, cuissards, grèves et solerets à bouts pointus. La cuirasse, portée sur une cote de maille qui apparaît au col, est elle-même revêtue d'un tabard aux armes un peu différentes que celles du vitrail : aux 1 et 4 au rais d'escarboucle pommeté, besanté et fermé, aux 2 et 3 à trois fleurs de lis à la bande et à la bordure simple. En d'autres mots, seuls sont brisés les deux quartiers issus de France. D'autre part, le tortil est absent mais aux dires de Millin, la tête était autrefois ceinte d'un tortil « en vermeil, orné de pierres fines ».
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Datation :
"Le peu que nous connaissons de la vie du comte de Mortain nous aidera à préciser la date de la verrière. Nous savons qu'il est né à Évreux le 5 avril 1366 , et cela nous donnera le terminus a quo du travail : il semble bien que le prince eût dépassé vingt ans quand l'artiste a fixé ses traits sur le verre ; le vitrail ne saurait donc être antérieur de plus de deux ou trois ans à 1390. Un autre argument, tiré de l'état des ressources du jeune Pierre de Navarre, vient renforcer cette déduction : quand Charles V procéda à la confiscation de toutes les terres françaises de Charles le Mauvais (1378), le jeune homme, retenu prisonnier à la cour de France, fut dès lors élevé en compagnie du futur Charles VI, son cadet de deux ans à peine ; financièrement parlant, il dépendait donc entièrement du bon plaisir du roi de France : en dehors de quelques dons motivés par des frais extraordinaires, sa pension s'élevait à 3,200 l. p. par an, jusqu'à l'érection en sa faveur du comté de Mortain en 1401 . Sans doute peut-on penser que Charles le Noble, une fois monté sur le trône de Navarre (1387), aida son jeune frère à tenir son rang ; mais les finances navarraises étaient elles-mêmes bien mal en point, et c'est en 1410 seulement que le prince recevra un apanage de 3,000 l. de rente . Aussi paraît-il impossible qu'avant 1390 les ressources du jeu ne homme aient pu lui permettre la dépense de la verrière. L'exécution du vitrail se placerait donc entre l'extrême fin du XIVe siècle au plus tôt et les premières années du XVe siècle au plus tard. … L'on peut même penser que le vitrail devait être posé en 1404 : à cette date, en effet, le roi de Navarre perd le comté d'Évreux et reçoit en échange le duché de de Nemours ; dès lors, il y a peu d'apparence que les princes de Navarre aient songé à embellir la cathédrale d'une capitale qu'ils avaient perdu l'espoir de recouvrer. Sans doute, le comte de Mortain gardait-il, même après cette cession, de nombreuses raisons de se montrer généreux envers l'église de sa ville natale, où sa mère était enterrée, que ses ancêtres avaient ornée. Il n'en reste pas moins vraisemblable que Pierre de Navarre et son saint patron ont pris place aux fenêtres de la cathédrale d'Évreux entre 1390 et 1404. Dès lors, leur facture, la précision du dessin, l'emploi déjà sûr de la perspective s'expliquent aisément." (Honoré-Duverger)
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Le motif du damassé est ici peint sur fond vert.
Le comte d'Évreux est figuré à genoux, devant son livre de prière ouvert sur un prie-dieu. Il porte la cotte de maille et l'armure complète, sous un tabard à ses armes .
Il porte sur la tête un tortil d'or où s'enroule un rang de perles.
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Héraldique.
Le tabard porte les armes écartelées aux 1 et 4 de gueules au rais d'escarboucle pommeté, besanté et fermé, d'or (qui est de Navarre), aux 2 et 3 semé de France ancien à la bande componée d'argent et de gueules (qui est d'Évreux), à la bordure d'argent sur le tout .
Pierre de Mortain n'usa pas toujours des mêmes armes au cours de sa vie. Cela n'a rien de surprenant car on sait que seul le chef de famille avait droit aux pleines armes, les autres membres de la maison brisant ou surbrisant, selon un système qui était propre à chaque famille. Il a utilisé au cours de sa vie au moins quatre sceaux différents mais son blason ne subit essentiellement qu'une seule modification. Elle concerne la bordure ajoutée en signe de brisure de son écu (écartelé aux 1 et 4 de Navarre, aux 2 et 3 semé de France à la bande componée, qui est d'Évreux) : la bordure engrelée pendant sa jeunesse, en 1376 et 1377, elle sera modifiée sur ses sceaux à partir de 1384 en bordure pleine, ou bordure simple d'argent sur le tout assurément à partir de 1401, comme nous la rencontrons alors sur ses actes, l'Armorial de la cour Amoureuse, sur les vitraux de la cathédrale d'Évreux ou sur le surcot de son gisant déposé au Louvre.
Si les sceaux ne renseignent pas sur les émaux (les couleurs) des armoiries, et notamment de la bordure, ces couleurs sont documentées par Y Armoriai de la cour Amoureuse du début du XVe siècle, conservé aux archives de l'ordre de la Toison d'or à Vienne,. Sur le folio 3 r°, en bas et à droite, sont peintes les armes de Pierre fils de roy de Navarre comte de Mortaing. L'écu est écartelé, aux 1 et 4 de gueules au rais d'escarboucle pommeté, besanté et fermé, d'or, aux 2 et 3 d'azur semé de fleurs de lis d'or à la bande componée d'argent et de gueules, à la bordure simple d'argent sur le tout. Il n'y a pas de trace de bordure engrelée . Tout ceci est conforme aux armoiries du vitrail.
J'emprunte aux articles de de Vaivre les photos des sceaux avec bordure engrêlée et avec bordure simple, et je les pointe d'une flèche.
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Sur le cliché qui suit, j'ai indiqué par des flèches la bordure blanche (d'argent) qui est droite (simple), et non en dents de scie ou timbre de poste (engrêlé).
La barre diagonale rouge et blanche sur le fond bleu et or est la bande componée d'argent et de gueules.
Les deux quartiers en "jeu de mérelles" rouge et or sont les armes de Navarre, étudiées en détail dans mon article sur la baie de l'Annonciation de Chartres.
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Etude du fond damassé.
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Le relevé que donne Gaignières (si on juge qu'il a fait dessiner ces panneaux) de ce panneau montre de nombreuses différences , ou erreurs (De Vaivre, 1973):
a) le b) Vitrail
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pas d'inscription
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tortil perlé .
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cotte d'armes sans manches
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armes sur la cotte seule : écartelé aux 1 et 4 Navarre, aux 2 et 3 « Évreux » à, la bordure d'argent sur le tout
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le prie-Dieu recouvert d'une étoffe à motifs de feuillage
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pas d'écu dans le coin gauche.
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bras et coude droits du personnage apparents .
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partie postérieure gauche de la cotte invisible .
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composition architecturale élancée
Le Dessin ..
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Inscription ka/rol/3 rex/nav/ar/re
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couronne
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cotte d'armes avec manches.
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armes sur le surcot et sur les manches : écartelé aux aux 1 et 4 Navarre, aux 2 et 3 « Évreux ». Sans bordure.
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le prie-Dieu recouvert d'une étoffe unie.
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dans le coin gauche, un écu écartelé Navarre et Évreux, sans bordure, cime d'un plumail de paon, et orné de lambrequins.
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bras et coude droits cachés .
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partie postérieure gauche de la cotte très apparente .
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composition architecturale très ramassée
Pour de Vaivre,
"Les différences qui se constatent entre le vitrail tel qu'il est actuellement et le dessin de la collection Gaignières sont trop importantes pour que l'on puisse encore soutenir que ce dernier représente le vitrail de la baie 115 [209], et ce pour des raisons héraldiques.
Il faut également admettre que le tortil perlé qui ceint le front de Pierre de Mortain sur le vitrail n'est pas le fruit d'une réfection d'un maître verrier de l'époque romantique, comme d'aucuns l'ont avancé, puisque le témoignage de Millin prouve qu'un tortil, sans doute très semblable, se voyait également sur le gisant de la chartreuse de Vauvert. On ne peut donc que se rallier aux conclusions de M. Baudot lorsqu'il affirme que le dessin de la collection Gaignières représente une verrière aujourd'hui disparue. De ce fait, voilà Boudan lavé d'une accusation de « falsifications délibérées » que ni lui, ni Gaignières qui l'employait, ne sauraient mériter.
Certains s'étonneront d'avoir des croquis du XVIIIe siècle de verrières disparues (les rois Charles II et Charles III de Navarre) tandis que sont parvenus jusqu'à, nous des vitraux que Boudan n'aurait pas pris la peine de copier (Charles VI et Pierre de Mortain). C'est que Gaignières avait de nombreuses autres représentations du roi de France et qu'il avait déjà, pris deux dessins du gisant de Pierre de Mortain à la chartreuse de Vauvert, à, Paris."
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J'éclaircis l'image pour examiner le damassé.
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Il faut encore s'intéresser à l'étoffe qui recouvre le prie-dieu, blanche ornée de grosses fleurs aux pétales en étoile. J. Lafond a noté qu'on le retrouvait en baie 210 :
"Mais l'indice décisif, ce sont les draperies blanches des prie-Dieu qui le fournissent. Elles ne sont pas décorées de fleurons banaux, mais de petits arbres d'or, représentés avec leurs racines, leur tronc et des rameaux qui sont des palmettes rayonnant autour d'une fleur, le tout stylisé de la façon la plus précieuse. Ce motif, copié avec amour sur quelque étoffe persane du XIIIe ou du XIVe siècle, suffit pour assigner à nos vitraux [209 et 210] la même origine et la même date, qui s'établit sans doute entre l'année 1390, admise par Mme Honoré Duvergé pour la verrière de Pierre de Mortain, et l'année 1398 où mourut la reine Blanche. (J. Lafond) "
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Quatrième lancette : saint Denis.
Le saint, tenant sa tête coupé, est identifié facilement. Sa présence pour le patronage du donateur s'explique sans doute en symétrie de la verrière 210, dont il reprend le carton, dans laquelle il est justifié comme étant le saint patron de la royauté de France, la basilique Saint-Denis étant la nécropole royale des rois de France.
"saint Denis, magnifiquement paré de tous les ornements pontificaux, avec une longue et souple chasuble bleue losangée d'or par des fleurs de lis, dont plusieurs sont à plombs vifs. Le martyr porte sa tête coupée sur son bras gauche arrondi, la main ramenant sous le menton les deux fanons de la mitre. Ainsi la droite reste libre pour son geste de présentation. En décrivant le vitrail du nord, nous avons décrit celui du sud, car le même carton a servi pour l'un et pour l'autre. Cette pratique, dont on rencontre des exemples dès le XIIIe siècle, surprend ici, car rien n'évoque le travail en série dans ces vitraux, où tout est royal : la fondation, la matière et la facture. Il y a beaucoup d'art dans ces visages de supplicié, où la souffrance trouble à peine la noblesse. Rien n'est plus somptueux que les tentures damassées de couleur rouge qui tapissent les niches, derrière la sainte Vierge et derrière saint Denis." (Jean Lafond)
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Le motif du damassé rouge est le même que sur les autres lancettes, avec ses pommes de pins fleuronnées, ses rouelles à crochets et ses rinceaux.
On trouve, dans le surplis dépassant du bas de la chape bleue, un autre motif, celui d'une feuille aux larges découpes polylobées, à quatre parties exubérantes en étoile.
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Le damassé rouge :
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LE TYMPAN.
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Au dessus des parties supérieures des lancettes occupées par une vitrerie blanche géométrique à fleurettes et fermaillets, et cernée de bordures colorées datant de 1330-1340, le tympan comprend un pentalobe où les lobes peintes aux armes de Navarre entourent une Vierge à l'Enfant sur le croissant de lune aux pointes sommées de deux fleurs de lys, qui sont les armes du chapître cathédrale ( d'azur à une Notre-Dame d'argent, tenant l'enfant Jésus dans ses bras, accostée de deux fleurs de lis d'or, appuyant ses pieds sur un croissant d'argent).
Les couronnes d'or sur fond de gueules des trilobes sont des éléments de la fin du XIVe siècle, complétées.
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La baie 109 du triforium.
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Cette baie géminée à 2 lancettes trilobées et tympans à 1 soufflet et 4 écoinçons de 3,20 m de haut et 3,60 m de large est une vitrerie géométrique dans laquelle, en haut de chaque lancette, ont été réemployés les écus armoriés (restitués dans les 2e et 5e lancettes) d'Évreux-Navarre datant vers 1380, armes utilisés par Charles III de Navarre entre 1375 et 1387 (Gatouillat se fondant sur de Vaivre 1980 p. 324-326).
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"M. Louis Grodecki ne peut envisager pour ces « vitraux royaux » deux campagnes de fabrication distinctes dans le temps ; s'il a donc existé des vitraux représentant à la fois Pierre de Mortain, Charles II et Charles III, la verrière où se voyait le second ne pouvait donc être qu'un vitrail commémoratif. M. de Vaivre en convient, mais il tient aussi à attirer l'attention sur un écu qui figure sur l'une des verrières du fenestrage du triforium du chœur où l'on voit un écartelé aux 1 et 4 de Navarre, aux 2 et 3 d'Évreux, au lambel de trois pendants d'argent sur le tout.
M. Grodecki précise que tous ces vitraux datent du xve siècle. M. de Vaivre ne partage pas cette manière de voir et pense, quant à lui, que si les fenestrages de cette partie du triforium ont bien été percés sous le règne de Louis XI, une bonne partie des vitraux qui y sont aujourd'hui placés (ou ceux qui leur ont servi de modèles) sont très certainement antérieurs et que c'est précisément le cas de celui qu'il vient de décrire. Les armes précitées — pour lesquelles tous les auteurs ont proposé jusqu'à présent des attributions erronées -— sont en réalité celles de Charles de Navarre, le futur Charles III, du vivant de son père, ainsi que le prouvent des sceaux encore inédits. Il n'y a aucune raison de penser que cet écu a été exécuté à l'époque romantique, ni au xve siècle ni même après 1387 lorsque Charles, du fait de la mort de son père, porta les pleines armes de sa maison. Il faut donc en conclure que des verrières sur lesquelles figuraient un ou des blasons furent commandées entre 1375 et 1387 puisque c'est à ce moment, et à ce moment-là seulement, que furent portées ces armoiries au lambel. M. Grodecki conclut en disant que, les hommes du Moyen Age ayant horreur du vide — en l'occurrence du verre blanc — auraient procédé à de nombreux remplois dont le cas évoqué semble précisément être un exemple."(Vaivre in Lafond 1975)
https://it.wikipedia.org/wiki/Carlo_III_di_Navarra
par Odejea
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ANNEXE.
" Ceux qui ont mesuré les difficultés d'une pareille enquête sauront gré à Mme Honoré-Duvergé d'en avoir abordé le problème le plus délicat avec la décision d'un historien, et de l'avoir résolu, pour le principal, avec son intuition de femme. L'auteur de l'article qu'on vient de lire écrit trop modestement qu' « un simple regard permet de reconnaître une facture identique » entre le donateur princier et le saint Pierre de la quatrième fenêtre septentrionale du chœur. C'est vrai depuis que Mme Honoré a eu l'idée de rapprocher les photographies de ces personnages, séparés dans le vitrail d'Évreux par deux figures remontant au second quart du XVIe siècle. Sur place, à première vue, le chevalier en armure et son saint patron produisaient des impressions si différentes qu'un illustre archéologue, F. de Guilhermy, a pu attribuer le saint Pierre au XVIe siècle . A vrai dire, ce pape qui gesticule dans l'ampleur de sa chape, sous la haute tiare aux trois couronnes, est une figure « baroque ».
Au contraire, le donateur nous apparaît comme aussi étroitement enserré dans l'immobilité de sa prière que dans la carapace de son armure, et sa cotte d'armes ne fait pas un pli. Mais justement, en détaillant ces différences, ne dissipons-nous pas l'apparente incompatibilité qui opposait le personnage « étoffé » au personnage « étriqué »? Alors on prend garde que, s'il se mettait debout, le donateur aurait exactement la même stature que ce grand saint Pierre. On s'aperçoit que son visage et ses mains ont les mêmes mesures que ceux de son patron. On réfléchit que le dais à double étage qui s'élève au dessus de sa tête est fait précisément pour garnir la forme réservée au personnage agenouillé. On constate que ce dais, si différent soit-il de celui de saint Pierre, n'offre aucun détail qui l'empêche d'être exactement du même temps. On reconnaît, enfin, que les tentures damassées se ressemblent beaucoup et que les carrelages sont semblables. Rien n'est donc plus légitime que le rapprochement des deux panneaux qui restitue au donateur le nom de Pierre de Mortain, parfaitement confirmé par la comparaison du priant d'Evreux avec le gisant du Louvre. L'hypothèse de Ferdinand de Lasteyrie est devenue une certitude. Nous voilà débarrassés de ce prétendu roi de Navarre qui portait un simple tortil de baron. Un tel excès de modestie aurait dû inquiéter plus tôt les archéologues, et Mme Honoré a eu raison d'en souligner l'invraisemblance. C'est là, je crois, un des points décisifs de la discussion, car Charles le Mauvais avait fondé à la cathédrale d'Évreux une chapellenie des saints Pierre, Paul et Jean l'Évangéliste. Il aurait fort bien pu se faire présenter à la sainte Vierge par saint Pierre .
La reconnaissance de Pierre de Mortain porte un coup à l'autorité de la collection Gaignières.. Mais il faut avouer que la série ébroïcienne nous apparaît comme particulièrement sujette à caution. Dans les portefeuilles de Roger de Gaignières, Pierre de Mortain s'appelle Charles III le Noble. Le dessinateur s'est avisé de surcharger le socle d'une inscription imaginaire : Karolus rex Navarre et de changer le tortil en une couronne, assez simplette d'ailleurs.
Pour faire un Charles le Mauvais, il a pris un roi de France, auquel nous rendrons son nom tout à l'heure. Mais il s'est donné plus de mal. Non seulement il a inscrit sur le soubassement : Karolus Rex Navarre me donavit, mais la tenture semée de fleurs de lis sans nombre est devenue une tapisserie décorée d'écussons alternés aux armes d'Evreux et de Navarre. Un blason royal de Navarre est apparu au tympan de la niche . Quant au chef de la dynastie, Philippe le Bon, il a été fabriqué avec l'une des deux effigies de son père, Louis, comte d'Evreux, qui subsistent encore dans une chapelle du déambulatoire : Ludovicus est devenu Philippus , tout simplement."
"C'est un roi de France, en effet. Mais non pas Charles V, comme le croyait Batissier et Lebeurier, et comme inclinait à le penser M. de M. Delachenal, qui « admettait difficilement que le portrait de Charles V eût été placé dans la cathédrale d'Évreux du vivant de Charles le Mauvais, qui survécut de sept ans à son beau-frère ». Le manque absolu de ressemblance est plus grave, quand il s'agit d'un personnage aux traits aussi accusés que Charles V. Bien rares sont les œuvres contemporaines, même parmi les miniatures, qui ne se conforment pas au type consacré .
Ce que nous devons souligner d'abord, c'est l'intime parenté qui relie ce vitrail au point de vue des formes comme au point de vue technique, à celui de Pierre de Mortain. Dans les architectures, ce sont les mêmes fleurons trilobés au sommet des petits gables aigus des contreforts, les mêmes crosses de feuillage sur les rampants des gables principaux, et surtout les mêmes crochets blancs et jaunes qui hérissent, par une disposition assurément rare, la corniche supérieure des niches.
Mais l'indice décisif, ce sont les draperies blanches des prie-Dieu qui le fournissent. Elles ne sont pas décorées de fleurons banaux, mais de petits arbres d'or, représentés avec leurs racines, leur tronc et des rameaux qui sont des palmettes rayonnant autour d'une fleur, le tout stylisé de la façon la plus précieuse. Ce motif, copié avec amour sur quelque étoffe persane du XIIIe ou du XIVe siècle , suffit pour assigner à nos vitraux la même origine et la même date, qui s'établit sans doute entre l'année 1390, admise par Mme Honoré Duvergé pour la verrière de Pierre de Mortain, et l'année 1398 où mourut la reine Blanche.
Le roi de France du vitrail d'Évreux est donc Charles VI, avant sa trentième année. Mme Honoré-Duvergé a signalé dans son étude sur le vitrail de Pierre de Mortain que celui-ci, « retenu prisonnier à la cour de France à partir de 1378, fut élevé en compagnie du futur Charles VI, son cadet de deux ans à peine ». En fait, les deux cousins devenus frères ne se sont jamais quittés, partageant les mêmes exercices et les mêmes travaux, et tous les plaisirs de cette vie inimitable dont nous retrouvons l'écho chez les chroniqueurs et les poètes de cour comme Eustache Deschamps, au siège de Bourges, où il avait accompagné Charles VI.
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Quoi qu'il en soit, la reconstitution que nous allons tenter des vitraux de Pierre de Mortain et de la reine Blanche apparaîtra comme une entreprise moins ardue. Mme Honoré-Duvergé a supposé que son héros était présenté par saint Pierre à une sainte Vierge qu'elle retrouve dans la cinquième travée de la nef, du côté sud. A la vérité, il subsiste encore, dans les fenêtres hautes de la nef ou du chœur — en dehors du Charles VI logé à l'aise dans une niche qui s'étend sur deux formes — huit grandes figures unies par la plus étroite parenté de style et de facture, et que leurs dais d'une architecture très caractéristique désignent au premier coup d'oeil : trois Vierges, trois saints patrons — le saint Pierre et deux saints Denis — et les deux donateurs que nous connaissons déjà. Il ne manque qu'un troisième donateur pour rétablir un ensemble de trois fenêtres à trois formes, comme celles des chapelles absidiales actuelles ; Quel était ce troisième personnage éventuel? Les peintures perdues de Paris et de Saint-Denis, l'initiale de la charte de 1372 nous laissent le choix entre le mari et la fille de la reine Blanche, entre Philippe VI de Valois et Jeanne de France. La Vierge assise à laquelle Mme Honoré-Duvergé a pensé pour compléter le vitrail de Pierre de Mortain est infiniment gracieuse. Sa tête blonde s'incline vers la droite, comme pour accompagner le mouvement de l'Enfant-Jésus, penché en avant avec ce bel élan qu'on lui voit dans certaines représentations de l'Adoration des Mages. Mais il tend ici une branche de rosier.
Il y a plus de gravité dans le second groupe, malgré l'attitude familière de l'Enfant à moitié nu, qui tient son pied de la main droite et pose l'autre main sur l'épaule de sa mère. Celle-ci est assise sur un trône de pierre à pinacles gothiques qui rappelle les sièges des Prophètes et des Apôtres d'André Beauneveu (Psautier du duc de Berry, BnF ms fr. 13091. Enveloppée dans un ample manteau bleu qui voile ses cheveux, elle lit dans un livre posé sur ses genoux, qu'elle maintient de la main gauche, le petit doigt étendu . La troisième Vierge est debout, drapée dans un grand manteau bleu qui enveloppe sa main gauche — celle qui soutient l'Enfant-Jésus — mais découvre le haut et le bas d'une robe taillée dans un de ces précieux damas décorés d'animaux dont s'habillaient les princes en ces temps de luxe raffiné. L'Enfant tourne son visage nimbé vers sa mère, dont il cherche à saisir la blonde chevelure. La Vierge lui répond par un sourire, avec un geste gracieux de la main droite . Ces deux figures offrent une ressemblance frappante avec la Vierge à l'Enfant qui reçoit l'hommage du duc Jean de Berry au frontispice des Très Belles Heures de la Bibliothèque royale de Bruxelles. On sait que cette miniature justement célèbre a été attribuée tour à tour à André Beauneveu et à Jacquemart de Hesdin et que le débat dure encore .
On trouve la même maîtrise dans les images de saint Denis, magnifiquement paré de tous les ornements pontificaux, avec une longue et souple chasuble bleue losangée d'or par des fleurs de lis, dont plusieurs sont à plombs vifs. Le martyr porte sa tête coupée sur son bras gauche arrondi, la main ramenant sous le menton les deux fanons de la mitre. Ainsi la droite reste libre pour son geste de présentation. En décrivant le vitrail du nord, nous avons décrit celui du sud, car le même carton a servi pour l'un et pour l'autre. Cette pratique, dont on rencontre des exemples dès le XIIIe siècle, surprend ici, car rien n'évoque le travail en série dans ces vitraux, où tout est royal : la fondation, la matière et la facture. Il y a beaucoup d'art dans ces visages de supplicié, où la souffrance trouble à peine la noblesse. Rien n'est plus somptueux que les tentures damassées de couleur rouge qui tapissent les niches, derrière la sainte Vierge et derrière saint Denis.
Les dais peuvent-ils nous servir à retrouver l'assemblage primitif de tous ces personnages isolés ? Il faudrait pour cela que nous fussions sûrs qu'ils n'ont pas fait l'objet de chassés-croisés.
Si cinq d'entre eux appartiennent à un type classique de décor purement « rayonnant », avec gables rectilignes et corniches à glacis, ceux de la Vierge de la nef et du saint Denis du côté nord présentent des gables en accolade et des balustrades ajourées. Il n'est pas certain que le dais manquant ait été à double étage, comme le dais de Pierre de Mortain. Celui-ci, en effet, par une disposition assez rare, était placé derrière son patron, ce qui explique le geste de présentation de saint Pierre, différent de celui des deux saints Denis. Au contraire, Blanche de Navarre était agenouillée au voisinage immédiat d'une sainte Vierge, dans la forme centrale du vitrail, et l'un des saint Denis occupait la forme de droite. Si l'on s'en rapporte aux soubassements, moins faciles à transposer, c'est dans la fenêtre voisine, la troisième du chœur, du côté sud, qu'on retrouvera ces deux figures.
Exécutés selon toute vraisemblance entre 1390 et 1398, les vitraux dont nous venons de réunir les morceaux épars ne sont pas à Évreux les plus anciens témoins de l'art nouveau. Vers le milieu du xive siècle, peintres et peintres verriers, emportés d'un élan irrésistible vers plus de vérité, sinon de « réalisme », s'affranchissaient des dernières conventions du dessin calligraphique pour se soumettre aux lois de la perspective. Ici, c'est dans les deux vitraux fondés par l'évêque Bernard Cariti (1376-1383) que pour la première fois les niches s'affirment comme un espace habitable, les corps comme des volumes et tous les visages comme des portraits.
Une technique appropriée se révèle qui permet au verrier de sculpter pour ainsi dire ses personnages avec la lumière même. Après s'être servi d'un pinceau de petit-gris pour peindre le trait, il étend au « blaireau » une couche de grisaille que, sans retard, il attaque d'aplomb, à l'aide d'une brosse, le « putois ». Le grain de la peinture s'affine, et le verre reparaît peu à peu. Le plus souvent, ce travail se complète par des « enlevés » dont le procédé est sans doute aussi vieux que l'art du vitrail. Mais l'ouvrier ne se contente plus de juxtaposer des clairs à des ombres plates. Ëgratignant la grisaille au « petit bois », à la plume d'oie, à l'aiguille, il varie ses effets : lumières filées droit, hachures contrariées, spirales nerveusement enroulées. Quelques touches au pinceau, prestement jetées, et le modelé « tourne », le visage s'anime et vit. Immédiatement après ces deux verrières du haut chœur, je classerais les délicats vitraux de la chapelle du Rosaire, dont on sait la parenté avec les vitraux de Bourges, mais que leurs grisailles archaïques vieillissent de deux décades au moins. Viennent ensuite nos vitraux royaux, précédant la splendide verrière offerte en don de joyeux avènement par l'évêque Guillaume de Cantiers (1400).
Tous ces chefs-d'œuvre représentent avec éclat, et aussi avec une heureuse variété, l'art parisien de la fin du XIVe siècle. Comme la capitale n'a pas gardé de vitraux de cette époque, à la seule exception des Apôtres de Saint-Germain-des-Prés, recueillis par l'église Saint-Séverin, c'est à Évreux que nous pouvons prendre une idée précise des vitreries princières des Célestins, de l'église Saint-Paul, de l'hôtel Saint-Paul, du collège de Navarre, etc..., qu'une célébrité universelle n'a pas sauvées du vandalisme, et dont la perte semblait irréparable.
Faut-il revenir sur la valeur artistique des verrières de Pierre de Mortain, de la reine Blanche et de Charles VI ? Des comparaisons nullment recherchées ont fait venir sous plume les noms de Jean de Bandol, d'André Beauneveu, de Jacquemart de Hesdin, (André Beauneveu avait sculpté le tombeau de Philippe VI à Saint-Denis en 1364, et en 1386 il était entré au service du duc Jean de Berry en qualité de maître des œuvres de taille et de peinture). Nos vitraux ne sont pas indignes de ces artistes royaux. Ils s'apparentent à la grande statuaire française par leur style monumental, tandis que l'exubérance parfois capricieuse de leurs draperies accuse nettement la tendance «bourguignonne ». Jean Lafond
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SOURCES ET LIENS.
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— BOUDOT ( Marcel), 1966,“Les verrières de la cathédrale d’Evreux: Cinq siècles d’histoire,” Nouvelles de l’Eure 27 (1966), 28-29.
— DUBUC (René), 1983, "Problèmes héraldiques de la cathédrale d'Évreux", Normandie, Etudes archéologiques. Congrès national des sociétés savantes, Caen
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— GATOUILLAT (Françoise), 2001, "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in CALLIAS-BEY, M., CHAUSSÉ, V., GATOUILLAT, F., HÉROLD, M., Les vitraux de Haute-Normandie, Corpus Vitrearum France, Recensement des vitraux anciens vol. VI, Ed du CNRS / Monum ed. du patrimoine. Paris, pages 143-161.
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— GRODECKI Louis, 1968,, Baudot et Dubuc "Les vitraux de la cathédrale d'Évreux", in Bulletin monumental, 1968, p. 55-73.
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https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1942_num_101_1_9290
"C'est à propos de Pierre de Mortain que s'est engagée une controverse qui devait se prolonger de 1966 à 1973, tant dans les Nouvelles de l'Eure, la précieuse petite revue dirigée par l'abbé Jean Saussaye1, que dans le Bulletin monumental , cette fois avec intervention de Louis Grodecki. « Au début, M. Baudot se fondait sur l'inscription qu'il lisait sur un dessin de la collection Gaignières : Charles III roi de Navarre. Les nombreuses différences qu'il ne pouvait pas ne pas remarquer entre le dessin et le vitrail s'expliquaient pour lui, par des restaurations infligées à la verrière : la couronne était devenue un tortil de baron « de style troubadour », le blason au cimier en queue de paon avait été pure¬ ment et simplement supprimé, etc. Cependant la lancette d'Évreux avait figuré à l'exposition Vitraux de France , organisée en 1953 par Louis Grodecki. Celui-ci avait donc pu la soumettre à un examen minutieux auquel il avait bien voulu m'associer. Notre opinion était formelle : on s'est borné à régulariser l'adaptation à un cadre plus étroit, la tête et sa coiffure sont parfaitement authentiques. Enfin le socle n'a jamais porté d'inscription. Peuvent en témoigner non seule¬ ment une photographie prise avant la restauration de 1893, mais aussi un dessin exécuté pour Raymond Bordeaux en 1845 par Georges Bouet, aïeul de notre regretté confrère Georges Huard. « Nous avons donc ici un portrait du second fils de Charles le Mauvais. La ressemblance générale, costume compris, est confirmée par la comparaison avec le beau gisant de marbre du Musée du Louvre qu'on avait eu l'idée ingénieuse de placer au pied de la verrière pendant l'exposition. « Tandis que Louis Grodecki et moi-même nous gardions notre opinion sur ce point, M. Baudot portait la discussion, sur mon Charles VI, en invoquant, cette fois encore, l'inscription de la collection Gaignières : Karolus IIs rex Navarre , c'est-à-dire Charles le Mauvais. J'avais cru prouver que le dessinateur avait changé délibérément les armoiries de la tenture, en substituant au semis de fleurs de lis des écussons portant alternativement les armes d'Évreux et de Navarre. Mais mon contradicteur déclarait « fort improbable » qu'un portrait de Charles VI ait pu trouver place dans la cathédrale vais d'une 2. cité dont le bailli était resté partisan de Charles le Mau¬ « M. Baudot considérait que le dessin représentait un vitrail perdu. Cependant le respect qu'il professait à l'égard de la collection Gaignières ne l'empêchait pas de reconnaître Blanche de Navarre, reine de France, dans le personnage à qui on avait donné le nom et les armoiries de Jeanne de France, reine de Navarre. Cela lui permettait en effet de nommer le roi du vitrail aux fleurs de lis, Philippe VI de Valois, époux de la « reine Blanche ».
Dans l'album des Nouvelles de l'Eure commentant une série de diapositives, Charles le Noble était devenu Charles le Mauvais, couronné d'un chapel de roses en qualité de fondateur (en 1350) de la Confrérie de la Passion. « Enfin, dans Êvreux, livret publié par le Syndicat d'initiative en 1969, M. René Dubuc, excellent héraldiste, laissait à son lecteur le choix entre Charles le Mauvais, Charles le Noble et Pierre de Mortain. De même, le dépliant actuellement distribué dans la cathédrale. En présence d'une pareille débandade, on pourrait déclarer clos le débat, mais il faudrait mieux aller au fond des choses afin de ne rien laisser dans l'ombre
J'ai scandalisé nombre de bons esprits en mettant en doute l'autorité de la collection Gaignières. Non pas son intérêt ni son utilité, reconnus dès l'origine et considérablement augmentés par les méfaits du vandalisme. Non pas la qualité artistique des dessins, qui varie évidemment avec les dessinateurs. Certains ont su refléter le style du document original tandis que les autres (en grande majorité) manquent absolument de caractère. C'est assurément le cas des vitraux d'Évreux, exécutés par un certain Boudan, graveur de profession, que Roger de Gaignières avait pris à son service pour copier ses documents et qui l'a accompagné en 1702 dans son voyage en Normandie. « Mais cela importe moins que leur exactitude, laquelle dépend évidemment de la nature de l'objet et de son emplacement, et aussi de la probité du dessinateur. S'il était facile de reproduire avec vérité une miniature ou un tableau, une dalle tumulaire et même un tombeau sculpté, il en allait tout autrement pour les vitraux, que bien souvent il fallait dessiner de loin et dans des conditions plus ou moins favorables. Prenons un exemple à Évreux, mais en dehors de notre série royale. On conviendra que le magnifique vitrail qui commémore l'accession de Guillaume de Gantiers au siège épiscopal d'Évreux (1400) est rendu avec une fantaisie déconcertante. Dans l'original, l'évêque est présenté à la Vierge de l'Annonciation par l'archange Gabriel. Chez Boudan, la Vierge est remplacée par un « saint Sauveur » et l'archange par une sainte quelconque. On peut penser que pour exécuter son dessin d'ensemble, il ne disposait que de croquis hâtifs, faits sur place. Au surplus, il a représenté d'une façon toute conventionnelle, et plutôt archaïque, les dais placés au-dessus des personnages. Il a même purement et simplement supprimé ceux de la rangée inférieure, occupée par des blasons figurés — il convient de le souligner — avec une exactitude absolue. Sur ce point, il servait parfaitement les intentions de son patron pour qui importaient d'abord l'héraldique, le costume « La et, fidélité le cas échéant, du dessinateur les portraits Boudan historiques. a d'autres limites encore que celles-là. Par exemple, on ne peut se fier à lui pour affirmer que son dessin du prétendu Charles le Mauvais veut représenter une fenêtre sans meneau. Je suis persuadé qu'il a supprimé purement et simplement ce détail d'architecture. De même, quand il dessine un personnage logé dans l'une des lancettes d'une fenêtre, comme dans les autres exemples, il n'hésite pas à flanquer cette lancette d'une muraille ou d'un faisceau de colonnettes. A Évreux, Boudan a dessiné, d'après les vitraux, sept évêques, avec leurs armoiries, ce qui explique peut-être leur choix et une donatrice sans importance. Enfin, cinq dessins prétendent illustrer la dynastie d'Évreux-Navarre. Or, sur les cinq personnages représentés, un seul, Charles III le Noble, semble parfaitement « honnête ». C'est aussi l'unique cas où l'on puisse affirmer que le vitrail est perdu. Au contraire, le prétendu Charles le Mauvais n'est que la contre- façon d'un vitrail conservé, celui du roi Charles VI, comme Jeanne de Navarre la métamorphose de Blanche de Navarre, l'épouse de Philippe VI de Valois. Dans les deux cas, les armoiries ont été modifiées en conséquence. « Manquait le chef de la dynastie, Philippe d'Évreux, roi de Navarre. Boudan l'a remplacé par son père, Louis de France, comte d'Évreux, en changeant simplement un nom dans l'inscription du vitrail qu'il a dessiné, fidèlement cette fois, à ce petit détail près, « au-dessus de l'autel, dans la chapelle de santé Anne derrière le chœur de l'église NotreDame d'Évreux ». Or ce vitrail existe encore : on ne peut supposer, cette fois, que le dessin représente une verrière disparue. L'accusation portée contre Boudan était grave. Je suis heureux de pouvoir démontrer qu'elle n'avait pas été lancée à la légère.
Autre preuve du parti pris ici dénoncé : Boudan a négligé de dessiner Pierre de Mortain, parce que ce prince n'avait pas porté la couronne royale. « Cependant il y a tant de ressemblances entre tous les « vitraux royaux », notamment dans leur cadre architectural, socles en zigzag par exemple, qu'on peut affirmer qu'ils appartiennent tous à une seule et même série, qu'ils ont été commandés en même temps. Par la reine Blanche, morte seulement en 1398, ou par ses héritiers, Pierre de Mortain, et Charles le Noble, c'est ce que nous ne saurons sans doute jamais. Malheureusement les falsifications de Boudan ont trompé Montfaucon lui-même, et par la suite l'érudit Henri Bouchot, auteur du précieux Inventaire des dessins exécutés pour Roger de Gaignières (Paris, 1891).
Pour en revenir à Pierre de Mortain, mon respect pour les lois de l'héraldique m'empêchait d'oublier que Marcel Baudot avait opposé à mon identification une raison qu'il jugeait péremptoire : la cotte d'armes de Pierre de Mortain ne présentait pas la bordure engrêlée d'argent qui devait marquer sa qualité de cadet. Il ne me suffisait pas de constater que les principes infrangibles n'ont jamais empêché les erreurs — à preuve le nombre d'armoiries « à enquerre » constaté par les d'Hozier. M. Jean-Bernard de Vaivre vient de balayer l'objection en passant en revue toutes les épreuves connues des sceaux de Pierre de Navarre. Il s'est aperçu qu'à partir de 1384 le comte de Mortain avait modifié ses armes. Dorénavant la bordure engrêlée devenait une bordure simple — peut-être à la mort d'un frère plus âgé. C'est cette nouvelle brisure qu'on voit sur la cotte d'armes du vitrail d'Évreux comme sur la statue funéraire provenant de la Chartreuse de Paris. Dès lors, il est établi que notre personnage est bien Pierre de Navarre et que le vitrail n'est pas antérieur à 1384. En ce qui concerne le dessin de la collection Gaignières, M. de Vaivre incline à penser qu'il représente Charles le Noble, comme l'indique l'inscription tracée par Boudan, qui aurait cette fois rencontré la vérité. L'écusson au cimier timbré d'un heaume à queue de paon qu'on voit à ses pieds n'aurait pu trouver place dans le vitrail de Pierre, vitrail qui n'a subi, nous l'avons reconnu, aucune restauration importante. Il est peu probable que Boudan l'ait inventé. Sur le dessin, Charles le Noble porte la couronne, car il était devenu roi de Navarre à la mort de son père en 1388 (n. st.). Sa cotte d'armes diffère de celle de son frère cadet en ce qu'elle présente des manches courtes. Ce que figuraient les autres lancettes du vitrail qu'il avait fondé, on ne saurait l'imaginer. De même ne connaîtrons-nous sans doute jamais le contenu des trois lancettes qui complétaient la Verrière de la reine Blanche. Mais celle-ci se trouvait bien dans une fenêtre haute de la nef (sans doute celle de la troisième travée du côté Nord en partant de l'ouest) : le panneau est trop large pour avoir appartenu à une fenêtre des chapelles. Pareillement l'écusson qui l'accompagne. En effet, des blasons de même échelle se voient dans le haut chœur à côté des personnages du vitrail d'Harcourt antérieur de quelques années. Le style est bien celui des « vitraux royaux « et le dais ne diffère en rien des autres.
La série se compose donc actuellement de deux verrières complètes et d'une lancette isolée. Comme je le constatais en 1942, et comme Louis Grodecki l'a confirmé de son côté, elle se compare aux œuvres des plus grands artistes qui travaillaient à Paris pour la cour de France et les maisons princières aux environs de 1400. Cette considération ne saurait être développée à la suite de ce trop long exposé, mais elle va dans le même sens que la chronologie que, d'un commun accord, nous avons adoptée. »
Jean-Bernard de Vaivre, a. c. n., regrette l'absence de M. Jean Lafond et fait part de ses constatations à propos de quelques-uns des vitraux royaux d'Évreux dont il a été question. Le vitrail de l'actuelle baie 115 représente indéniablement Pierre de Mortain et il n'y a pas à y revenir. En revanche, le dessin de la verrière où se voit un personnage que Boudan identifie à C harles III ne peut être considéré comme une invention ni même une mauvaise interprétation de Pierre de Mortain : il doit, en fait, représenté le frère aîné de de ce dernier. Le dessin montre en effet, un écu dans le bas et à gauche de la composition. Or, dans le vitrail de Pierre de Mortain, cette partie n'a pas été restaurée. L'écu peint par Boudan et donnant les armes pleines n'a pas été inventé, car il est timbré d'un heaume cimé d'un plumail de paon. Ce cimier a effectivement été porté, au xive siècle, par plusieurs membres de la famille d'Évreux-Navarre : — Philippe de Navarre, comte de Longueville, mort en 1363, porte sur un sceau de 1362 un tel cimier ; — Louis de Navarre, comte de Beaumont-le-Roger, mort en 1372, porte sur les sceaux qu'il utilisait en 1364-1365 un cimier identique. Ce dernier eut un fils bâtard : — Charles ou Chariot, mort en 1432, dont les sceaux montrent qu'il portait une touffe de plumes indéterminée ; — Pierre de Mortain lui-même dut reprendre ce cimier si l'on en juge par le fragment du sceau qu'il utilisait en 1376 ; — Lionel, son fils, porta le même plumail en fait de cimier ; — Le « Roi de Navarre » porte un plumail de paon sur l'armorial de Gelre.
On a dit qu'il s'agissait de Charles II. Ce peut tout aussi bien être Charles III dont il ne nous est malheureusement parvenu aucun sceau du type à l'écu timbré.
Quant à l'autre dessin qui représente, toujours d'après l'indication de Boudan, Charles le Mauvais, on ne peut dire que la composition du fond ait été inventée, car, elle aussi, correspond à la partition avant des armes de ce roi qui, contrairement à son père, plaçait Navarre avant Évreux.
Si le fond fleurdelisé de l'actuelle baie 125 n'est pas une réfection postérieure — et selon M. Lafond ce ne semble pas être le cas — cette verrière représente le roi Charles VI et il faut se résigner à déplorer la disparition du vitrail au fond semé d'écus qu'a dessiné Boudan et où Charles le Mauvais était agenouillé..
En ce qui concerne, en second lieu, la datation des vitraux, l'héraldique peut permettre d'approcher d'un peu plus près l'époque à laquelle ils ont été commandés : les armes de Pierre de Mortain figurées sur sa cotte d'armes ne permettent guère d'avancer une date antérieure à 1384. La gouache exécutée par Boudan du vitrail de Charles III montre que cette verrière ne pouvait être que postérieure à. 1387 puisque Charles de Navarre porte une couronne et que tant son écu que son tabard montrent des armes non brisées. D'autre part, le vitrail de Charles le Mauvais comportait la disposition des écus que ce roi de Navarre avait adoptée. M. de Vaivre se demande donc si tous ces vitraux sont contemporains.
M. Louis Grodecki ne peut envisager pour ces « vitraux royaux » deux campagnes de fabrication distinctes dans le temps ; s'il a donc existé des vitraux représentant à la fois Pierre de Mortain, Charles II et Charles III, la verrière où se voyait le second ne pouvait donc être qu'un vitrail commémoratif. M. de Vaivre en convient, mais il tient aussi à attirer l'attention sur un écu qui figure sur l'une des verrières du fenestrage du triforium du chœur où l'on voit un écartelé aux 1 et 4 de Navarre, aux 2 et 3 d'Évreux, au lambel de trois pendants d'argent sur le tout.
M. Grodecki précise que tous ces vitraux datent du xve siècle. M. de Vaivre ne partage pas cette manière de voir et pense, quant à lui, que si les fenestrages de cette partie du triforium ont bien été percés sous le règne de Louis XI, une bonne partie des vitraux qui y sont aujourd'hui placés (ou ceux qui leur ont servi de modèles) sont très certainement antérieurs et que c'est précisément le cas de celui qu'il vient de décrire. Les armes précitées — pour lesquelles tous les auteurs ont proposé jusqu'à présent des attributions erronées -— sont en réalité celles de Charles de Navarre, le futur Charles III, du vivant de son père, ainsi que le prouvent des sceaux encore inédits. Il n'y a aucune raison de penser que cet écu a été exécuté à l'époque romantique, ni au xve siècle ni même après 1387 lorsque Charles, du fait de la mort de son père, porta les pleines armes de sa maison. Il faut donc en conclure que des verrières sur lesquelles figuraient un ou des blasons furent commandées entre 1375 et 1387 puisque c'est à ce moment, et à ce moment-là seulement, que furent portées ces armoiries au lambel. M. Grodecki conclut en disant que, les hommes du Moyen Age ayant horreur du vide — en l'occurrence du verre blanc — auraient procédé à de nombreux remplois dont le cas évoqué semble précisément être un exemple."
— LAFOND (Jean), 1975, "Les vitraux royaux et princiers de la cathédrale d'Évreux et les dessins de la collection Gaignières" , Bulletin de la Société nationale des Antiquaires de France Année 1975 1973 pp. 103-112
— LEBEURIER (P-F.), 1868, Description de la Cathédrale d'Evreux accompagnée d'une vue générale et d'un plan géométrique, Huet ed., Evreux 1868
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https://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1973_num_131_1_5204
— Vaivre (Jean-Bernard de) 1973, « Les armoiries de Pierre de Mortain. Erratum et addendum » , Bulletin monumental, 1973, vol. 131, no 2, p. 161-162.
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— Vaivre (Jean-Bernard de) 1980,"Les vitraux royaux de la cathédrale d'Évreux" cahiers d'archéologie p.300-313. Non consulté.
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