La chapelle (vers 1544-1555) du château d'Écouen : l'emblématique d'Anne de Montmorency.
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Sur le château d'Écouen et ses collections :
- Les vitraux (XVIe siècle) du Musée de la Renaissance d'Écouen.
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Le Hibou harcelé par les oiseaux des Compertementen (cartouches) de Jacques Floris en 1564.
Sur les vitraux provenant du château d'Écouen :
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Les vitraux en grisaille (1542-1544) de la galerie de Psyché, Musée Condé de Chantilly.
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Les vitraux héraldiques provenant du château d'Ecouen, 1541, de la Galerie Duban à Chantilly.
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PRÉSENTATION.
"Jusqu'en 1541, Anne de Montmorency, nommé premier gentilhomme de la chambre du roi, va connaître la faveur royale et une carrière éclatante. Il est à Marignan en 1515 mais aussi à la bataille de La Bicoque, près de Milan, en 1522, où sa bravoure lui vaut d'être nommé maréchal, et au désastre de Pavie en 1525, où il est fait prisonnier. Libéré contre rançon, il rejoint la France alors que le roi est prisonnier à Madrid, et aide la Régente, Louise de Savoie à l'administration du royaume. Elle favorisera, en 1527, son mariage avec Madeleine de Savoie, union qui contribuera à faire de lui un des plus riches propriétaires de France, et le père de 12 enfants. Grand Maître de France en 1526 (il est responsable de tous les services de la maison du roi), il est enfin nommé Connétable en 1538, c'est-à-dire chef suprême des armées, auquel est accordé l'insigne honneur de porter l'épée du roi.
Sa disgrâce, brutale, vient en 1541. Jouant un rôle actif dans la diplomatie française et conseiller de François 1er sur les affaires italiennes, il a prôné la confiance en Charles Quint, persuadant le roi que l'empereur lui rétrocéderait le Milanais. Erreur funeste : celui-ci en fait don à son fils, l'infant Philippe. Le Connétable ne reparaîtra plus à la cour jusqu'à la mort de François 1er, le 31 mars 1547. Tel le phénix, il renaît alors de ses cendres, plus glorieux qu'auparavant.
L'attachement qu'Henri II, le nouveau souverain lui porte est un fait aussi avéré qu'étonnant. " Ne vous voyant pas, les jours me durent des années " écrit le jeune roi à son aîné de 26 ans. Leur entente ne se démentira jamais et Écouen possède de nombreuses traces des visites d'Henri II.
En 1551 le roi élève la baronnie de Montmorency en duché-pairie, la considérant comme la première de France. Si ce n'était le clan des Guise (Claude, le duc et son frère, le cardinal de Lorraine), qui sont ses indéfectibles rivaux à la cour et reprendront une influence importante sous le règne de François II (1559-1560), l'emprise du connétable sur la politique du royaume serait entière. Cette loyauté indéfectible, bâtie sur un caractère réputé cassant, a néanmoins souvent montré un net défaut de clairvoyance. Catholique convaincu, défenseur intransigeant de la royauté, Anne de Montmorency l'imagine toujours menacée, notamment par la Réforme, dont manifestement il ne comprend pas l'enjeu.
L'accession au trône de Charles IX (1560-1574) voit son retour en grâce et son engagement virulent contre les Protestants.
Il mourra en novembre 1567, à la tête de l'armée royale qui affronte celle des Huguenots, dans la plaine de Saint-Denis. Il avait 74 ans. Henri II avait désiré être enterré auprès de lui, mais Anne de Montmorency avait décliné l'honneur d'une sépulture à Saint-Denis. Il fut donc inhumé dans la collégiale de Montmorency (de son tombeau, il ne reste aujourd'hui que son priant et celui de son épouse). Mais son coeur fut déposé aux côtés de celui de son roi, dans la chapelle de l'église des Célestins à Paris. Barthelemy Prieur sculpta, sur un projet de Jean Bullant, la colonne torse ornée de motifs végétaux et accompagnée de statues allégoriques, au sommet de laquelle reposait le cœur de celui dont la devise Aplanos, " tout droit ", n'avait jamais failli au trône." (Musée de la Renaissance)
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LA CHAPELLE DU CHÂTEA D'ÉCOUEN.
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La chapelle occupe le pavillon sud-est.
Jean Goujon, "architecte du connétable", intervient en 1542-1544, notamment sur le décor de la chapelle. Influencé par les nouveautés de la Seconde Renaissance, la tradition antique et les traités de Sebastiano Serlio, il laisse notamment sa marque sur le décor en bois de la chapelle.
Ce décor, aux douze panneaux de marqueterie représentant les apôtres, a été remonté dans la chapelle du château de Chantilly.
https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/tour2.html
L'absence de sources écrites ne permet pas une datation précise, mais trois dates permettent de la préciser : celle de 1544 sur les vitraux, de 1545 au revers d'un cartouche du garde-corps de la tribune, et de 1548, sur un lambris remonté à Chantilly.
Entre 1550 et 1552, Jean Bullant prend la direction du chantier, en particulier pour l'autel de la chapelle.
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Un remarquable panoramique interactif de cette chapelle est proposé sur le site du Musée de la Renaissance, et cet article ne saurait lui faire concurrence : j'engage chacun à s'y reporter.
CLIQUEZ SUR LES IMAGES.
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La voûte de la chapelle : l'emblématique du Connétable et de Madeleine de Savoie.
https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/tour4.html
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Elle allie la voûte d'ogives et des voûtains très plats, et son décor peint est entièrement consacré à l'emblématique d'Anne de Montmorency, alliée aux emblèmes royaux de François Ier et Henri II.
On la comparera à celle de la chapelle de Chantilly.
https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/article43.html
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" Le 10 février 1538, devant la cour réunie au palais ducal de Moulins, Anne de Montmorency reçoit l'épée de connétable des mains de François Ier, récompense de ses succès militaires et plus encore de son action à la tête d'une grande partie des affaires du royaume. Tout comme sa nomination comme Grand Maître de France et son mariage avec Madeleine de Savoie, fille de son prédécesseur et nièce de Louise de Savoie, l'avait amené à rénover son château de Chantilly, le nouveau connétable décide de reconstruire entièrement son château d'Écouen afin de marquer son rang et sa place à la cour."
" Le château est conçu pour recevoir le roi, la reine et la cour. Son plan, moderne et audacieux, quadrangulaire avec quatre pavillons saillants et une distribution intérieure innovante, porte l’ambition de mettre en valeur le protocole et la dignité de ses invités, car Montmorency, également grand maître de France, a la charge d’organiser la vie de la cour. Hélas pour lui, en 1541, alors que l’édification du château est commencée depuis trois ans, le connétable est disgracié par François Ier sur des querelles de politique étrangère et sur des intrigues de cour. Durant les six années de disgrâce, Montmorency partage sa vie entre Écouen et Chantilly, sans reparaître à la cour."
"Il lui faut attendre la mort du roi en 1547 pour qu’Henri II le rétablisse dans toutes ses prérogatives. Dès lors sont modifiés les façades du château et les escaliers qui mènent aux appartements du roi, et les cheminées reçoivent leur décor peint, exécuté vers 1550 par l’équipe de Jean Cousin. Le style d’Écouen présente une transition entre l’art très orné des châteaux de la Loire et la période classique, très respectueuse des canons de l’architecture antique selon Vitruve, en vogue sous le règne d’Henri II. Après Fontainebleau, Ancy-le-Franc et Oiron, Écouen est l’un des châteaux peints les mieux conservés de la Renaissance française." (T. Crépin-Leblond)
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Au centre : les armoiries d'Anne de Montmorency, pleines vers l'est (fenêtre) et mi-parti de Savoie-Montmorency, de Madeleine de Savoie, vers la tribune d'orgues.
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Anne de Montmorency : d'or à la croix de gueules cantonnée de seize alérions d'azur ordonnés 2 et 2.
Madeleine de Montmorency : mi-parti Montmorency et Savoie, de gueules à la croix d'argent.
Suite à une restauration au siècle dernier, les armoiries d'Anne de Savoie ont été inversées.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Madeleine_de_Savoie
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Sur l'une des clefs de voûte, l'écu armoirié d'Anne de Montmorency, couronné, entouré du collier de l'Ordre de Saint-Michel et encadré de l'emblème d'Anne, l'épée en dextrochère .
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La couronne n'est pas conforme au modèle des barons, premier titre d'Anne de Montmorency, mais ce n'est pas non plus la couronne ducale. En 1551 le roi élève la baronnie de Montmorency en duché-pairie, la considérant comme la première de France.
Avec ses créneaux, elle se rapproche de la couronne de la capitale. Ces approximations sont certainement liées aux restaurateurs du XIXe siècle.
https://www.wikiwand.com/fr/Baron_(noblesse)
Le collier est celui adopté par François Ier après son avènement en 1515. Le premier collier institué par Louis XI représentait des « doubles las » comme des aiguillettes formant des doubles nœuds, alors que le second alterne les coquilles avec une double cordelière. Ce dernier motif renvoie à la cordelière des franciscains (ordre de saint François) ou à celle de la maison de Savoie, d’où est issu sa mère Louise de Savoie. À ce collier est suspendu un médaillon où saint Michel terrasse le dragon. Saint Jacques n'est pas oublié avec les coquilles, bien que celles-ci renvoient aussi au pèlerinage du Mont-Saint-Michel.
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L'ensemble est porté par un cartouche à cuir découpé enroulement, motif d'origine italienne qui apparaît en France dans le décor de la Galerie François Ier du château de Fontainebleau après 1539., et appartient ensuite au vocabulaire de la Seconde Renaissance.
Anne de Montmorency était un habitué du château de Fontainebleau où il avait ses appartements.
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Sur l'autre clef de voûte, l'écu armoirié de Madeleine de Savoie, couronné, entouré de la cordelière franciscaine et présenté par un ange.
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La cordelière est un peu l'équivalent pour les femmes du collier d'un Ordre, qui aurait été fondé par Anne de Bretagne en l'honneur de la dévotion de son père François pour son saint patron et pour l'Ordre des Franciscains. On la trouve souvent autour des écus féminins. Mais c'est aussi, et surtout ici, un hommage à Louise de Savoie, tante de Madeleine et mère de François Ier.
À nouveau, les armes de Madeleine de Savoie sont inversées, les armes du mari (Montmorency) étant en règle à notre gauche.
Voir à la chapelle de Chantilly les armes correctes.
https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/article45.html
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Les voûtains.
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On y trouve de chaque côté le "chiffre" d'Anne, les initiales A et M entrelacées, traversées par l'épée propre au rang de Connétable (chef des armées), encadrées par les alérions de ses armoiries, et sommé par la couronne.
Puis viennent des dextrochères (bras ou ici poignet droit, protégé par l'armure et tenant l'épée) au dessus des fourreaux de ces épées, munis de leur baudrier.
Au centre, deux cartouches emblématiques, l'un honorant le roi et l'autre le connétable, entourent l'épée.
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Le cartouche honorant François Ier (la salamandre et la devise NUTRISCO ET EXTINGUO).
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Ce qui m'intéresse ici n'est pas cette salamandre, ou la devise qui l'accompagne et la commente (Je nourris et j'éteins), mais le cartouche.
En effet, c'est une évolution tardive, complexe et marquée par l'orfèvrerie ou la ferronnerie du modèle initial, le cuir , imitant une peau tannée avec l'enroulement de ses bords et les découpes des membres. Il n'en garde que quatre rouleaux de courbures inversées. Nous passons donc à des cartouches qui imitent le travail du métal.
Le fond est un ovale, découpé à ses sommets, et où se superposent deux bras imitant le bronze doré, soutenus par deux termes anthropomorphes, et complétés en bas par une anse à coquille. En haut et en bas, nous retrouvons les alérions emblématiques du connétable.
J'ai consacré de multiples articles aux cartouches Renaissance, et aux termes, cariatides et atlantes tant prisés par les ornemanistes de la Seconde Renaissance.
Les vitraux d'Écouen datant de 1550-1555, associés aux emblème de Henri II, en fournissent de beaux exemples.
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Le cartouche honorant Anne de Montmorency: sa devise APLANOS.
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Nouvel exemple de ces cartouches "métalliques" (je dirais presque "de quincaillerie"), mais enrichis ici de rubans factices à glands de passementerie.
L'épée du connétable est au centre, ses alérions sont présents. Deux allégories tiennent une palme et une fine couronne.
La devise (le "mot") APLANOS signifie "tout droit, sans dévier".
Les collections du Musée contiennent une serrure où un cartouche renferme le même "mot", mais avec un N retrograde.
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Voir aussi ce vitrail :
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Le cartouche honorant Anne de Montmorency: sa devise APLANOS associée aux 3 croissants emblématiques de Henri II, ajoutés secondairement.
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Le roi Henri II possédait à Écouen sa chambre, où on admire encore son chiffre et ses trois croissants peints sur les poutres du plafond.
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Cartouche présentant la sentence FIDUS ET VERAT IN IUSTICIA IUDICAT ET PUGNAT.
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"Celui qui fiable et véridique en justice juge et combat".
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Les quatre docteurs de l'Église.
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Aux quatre angles de la chapelle, à la retombée des voûtes, des niches abritent les statues de quatre Pères de l'Église. Ces statues en pierre et terre cuite polychrome mesurent 1, 50 m. de haut, elles sont presque de taille réelle.
Chaque personnage est placé sous l'attribut de l'un des évangélistes.
Le site du Musée soulève l'hypothèse que ces statues puissent être l'œuvre des Juste, venus de Florence.
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Saint Jérôme sous le lion ailé de saint Luc.
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Il tient un livre, la Vulgate ou traduction de la Bible dont il est l'auteur, et les fiocchi de son chapeau de cardinal, de façon anachronique. ("En 383, le pape Damase Ier le choisit comme secrétaire et lui demande de traduire les quatre Évangiles en latin. La marque de confiance que le pape lui avait accordée à cette occasion explique que la tradition et l'iconographie lui reconnaissent la qualité de cardinal, bien que l'institution cardinalice n'ait pas encore reçu, à l'époque, la définition précise que lui conférera au XIe siècle la réforme grégorienne.")
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Saint Augustin.
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Sous l'aigle de Jean , il tient ses écrits (la Cité de Dieu, ses Confessions, ...) alors que sa mitre d'évêque d'Hippone est posée à ses pieds.
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Saint Grégoire.
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Il a perdu la crosse d'évêque de Nysse.
L'ange de saint Matthieu est au dessus de lui.
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Saint Ambroise.
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Il est dominé par le Taureau ailé de saint Marc. Il tient sa crosse d'évêque de Milan.
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La Vierge à l'Enfant, mosaïque de Davide Ghirlandaio, Florence 1496.
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https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/tour4.html
Inscription : DOMINUS JOHANNES DE GANAY PRESIDENS PARISIENSIS P[ARLAMENTI] ATTULIT DE ITALIA PARISIUM HOC OPUS MOSAICUM
"Le seigneur Jean de Ganay président du Parlement de Paris a ramené cette œuvre de mosaïque d'Italie à Paris."
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La Vierge à l'Enfant entre deux candélabres de l'atelier d'Antonio di Matteo.
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Ce bas-relief en stuc peint et doré a été réalisé à Florence dans la deuxième moitié du XVe siècle.
https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/article8.html
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Lautel et le retable de la Passion
https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/tour4.html
https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/article3.html
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Portrait d'Anne de Montmorency.
https://musee-renaissance.fr/portrait-du-connetable-anne-de-montmorency
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Orgue positif.
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La Cène de Marco d'Oggiono en 1506, copiée de la Cène (1498) de Santa Maria delle Gracie de Milan par Léonard de Vinci.
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On préférera à mes photos approximatives celle, zoomable à volonté, du Musée.
https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/article10.html
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SOURCES ET LIENS.
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https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/index.html
Chapelle de Chantilly
https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/tour3.html
chapelle d'Ecouen
https://musee-renaissance.fr/sites/renaissance/files/complement/chapelle/tour4.html