Oui, mon premier papillon, mais passant si rapidement dans le ciel bleu de cette journée d'hiver que je n'ai pas pu mettre un nom sur ses ailes noires. Vulcain ?
Mais sur les ajoncs de l'étang du Fret , mes premiers hyménoptères, solaires, glorieux émissaires du printemps :
Le mois de février est tout entier dédié au réveil de la nature, au "Réveil de l'Ours", comme on dit dans les Pyrénées :
-le premier février, on fêtait chez les celtes la fête d'Imbolc, la purification de l'eau assurant fécondité et fertilité. C'était aussi la Sainte-Brigit, abbesse irlandaise de Kildare dont la vache généreuse donnait du lait trois fois par jour!
- Le 2 février, c'est la Chandeleur, la fête de la Chandelle, de la lumière qui revient, victorieuse sur les puissances nocturnes. C'est la fète par excellence de la sortie de l'hiver météorologique, lorsque les jours rallongent de manière sensible, que les bourgeons apparaissent, que les chatons se multiplient en claires suspensions.
Ce jour-là, ou les jours suivants, un dicton relevé dans toute la zone du chamanisme européen de l'ours dit que cet animal sort de son hibernation et de sa tanière, regarde son ombre -juge si l'hiver est terminé et, dans ce cas, descend vers les campagnes chercher de la chair fraîche et répondre à d'autres émois profonds. Mais s' il juge que le printemps est en retard, il se recouche comme un adolescent maussade pour une grasse matinée de quarante jours...
- le 3 février, c'est la Saint-Blaise : "le lendemain de l'hiver, c'est l'hiver qui s'apaise".
Cet évêque de Sébaste en Arménie, guérisseur des maux de gorge (c'est le patron des O.R.L) , martyrisé en 316,
Son nom évoque le mot allemand blasen, souffler, (avec le rôle essentiel du souffle dans les fêtes carnavalesques), le terme anglais blazen, incendie,( dans de nombreuses communes on allume des feux ou des cierges ) ou le breton bleizh , le loup ( et cet ermite qui vivait en sauvage dans une grotte-tanière, nourri par les oiseaux et entouré de bêtes sauvages qui venaient recevoir sa bénédiction, a tous les traits des hommes des forets, hommes-sauvages ou hommes-loups ). Il est souvent représenté avec, outre les peignes-cardes de son martyr, des bougies, un loup, ou des animaux sauvages. Il est invoqué lorsqu'on se trouve en présence d'une bête féroce, ce qui arrive moins souvent que d'avoir mal à la gorge.
- le 5 février, c'est la Sainte-Agathe : A la Sainte Agathe, plante ton oignon, pour un brin tu en auras quatre.
Agathe était une très belle sicilienne du IIIème siècle qui avait décidé de rester vierge pour se vouer au Christ. Mais le préfet Quintanius la désirait; elle l'éconduit et il la condamna à être exposée nue dans un lupanar : le ciel lui-même descendit la protéger. Quintanius lui fit arracher les seins à la tenaille, mais cette fois c'est le grand Saint Pierre qui vint panser les plaies dans son cachot. Alors, lit-on dans la Légende dorée de Jacques de Voragine, l'affreux Quintanius la fit traîner sur des charbons ardents, où elle accepta de mourir.
C'est la patronne de la Sicile, avec Sainte Rosalie, mais c'est aussi la sainte des cloches, et elle est souvent représentée tenant sur deux plateaux ses seins en forme de clochettes. C'est bien-sûr la patronne des nourrices, reprenant le culte romain des Matronalia le Ier mars.
Cette vierge est une sainte de la fertilité agraire, réputée veiller, comme Saint-Antoine et Saint-Blaise, sur les champs et sur les étables.
Comme les fêtes précédentes, elle célèbre le renouveau des forces vitales lorsque la lumière reprend de la vigueur, et le symbolisme du sein nourricier à son stade virginal reprend le thème des promesses de dame nature lorsqu'elle n'a pas encore la générosité floride de Pomone et des Cornucopiae, mais qu'elle est prépare, dans le secret de germinations et des maturations, l'éclatement printanier des bourgeons, l'irruption des plantes et l'éclosion des efflorescences.
Actuellement, la procession de la statue d'argent de Sant'Agata à Catane du 3 au 5 février rassemble paraît-il un million de participants : la sainte est menée en carrosse doré à travers la ville, et on ne s'étonnera pas que cela débute par la procession de la Luminaria, ni que l'on offre à sainte Agathe de la cire de bougie, ni encore que onze énormes candélabres de bois de plusieurs mètres de haut participent aux cérémonies avant d'illuminer le défilé nocturne, et pas d'avantage que cela soit aussi la fête du feu ou des pompiers.Feu, flammes, chandelles, c'est la grande fête du retour de la Lumière et des forces vitales.
C'est dire combien un naturaliste peut considérer son culte comme un témoignage de la manière dont les humains, depuis des lustres, ressentent, honorent et célèbrent les grands évènements cycliques naturels.
La Sainte-Agathe et son culte mammaire reprend une fête du 5 février en Sicile, où on honorait la déesse égyptienne Isis lors d'une procession par des libations de lait dans un vase en forme de sein.
A Catane, des religieuses confectionnent encore des gâteaux en forme de sein, toujours vendus par paire, dont la forme dodue recouverte de sucre glace d'allure opaline est ornée en sa sommité d'une cerise confite. Les nonnes du couvent d'Alcamo, qui conservent la recette authentique, remplissent ces tétins de crème, alors que celles d'un couvent voisin, garante de la vraie recette, garnissent ces nénés de courge confite. Dans les deux cas, ce sont les MINNIDI VIRGINI, ou Agatha's breast, Agatha's nipples :
http://www.iloveagrigento.it/wp-content/uploads/2008/09/minni-di-virgini.jpg
On en trouve la description dans le célèbre roman de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, Le Guépard, en italien Il gattopardo, 1958. C'est lors du bal donné par les Ponteleone : le Prince Salina, Don Fabrizio découvre le buffet :
Il dédaigna la table de boissons qui se trouvait à droite, étincelante de cristaux et d'argenterie, se dirigea à gauche vers celle des gâteaux. Là, d'immenses babas alezans comme la robe des chevaux, des monts-blancs enneigés de crème; des beignets Dauphine que les amandes diapraient de blanc et les pistaches de vert; de petites collines de profiteroles au chocolat, marron et grasses comme l'humus de la plaine de Catane d'où, en fait, elles venaient à travers de longs détours, des parfaits roses, des parfaits champagnes, des parfaits beiges qui s'effritaient en craquant lorsque la spatule les fendait, variations en majeur des griottes confites, tonalités acidulés des ananas jaunes, et "triomphe de la gourmandise" avec le vert opaque de leurs pistaches écrasées, impudiques "gâteaux des Vierges". Don Fabrizio se fit donner deux de ces derniers et les emportant dans l'assiette il ressemblait à une caricature profane de Sainte Agathe exhibant ses seins coupés. "Comment se fait-il que le Saint-Office, quand il le pouvait, n'a pas songé à interdire ces gâteaux ? Les "triomphes de la Gourmandise" (la gourmandise, un péché mortel !), les seins de Sainte Agathe vendus par les monastères, décorés par les fétards ! Bah ! " Traduction de Jean-Paul Manganaro, ed Le Seuil 2007,p.265.
Sources : Nadine Cretin, Inventaire des fêtes de France, Larousse 2003.
Christine Armengaud, le diable sucré, ed de la Martinière 2000.