22 mars, dunes de l'Aber à Crozon : les petits sentiers qui parcourent la dune sont, à certains endroits, envahis par des centaines d'abeilles des sables. Au total, certainement plusieurs milliers d'hyménoptères peu agressifs mais très actifs.
Mais prendre en photo une des danseuses du ballet s'avère difficile. heureusement, je repère un accouplement :
Quelles sont ces abeilles? Si ce sont des abeilles à langue courte, j'ai le choix entre Andrenidae, Colletidae, Halictidae. Pour être si précoces, ce sont peut-être des andrénes Andrena vaga, ou bien des Colletidae, Colletes cunicularius, par exemple. Et pour bien les différencier, il faut que je recherche la nervation alaire :
Est-elle caractéristique des Colletes :
- la deuxième cellule submarginale plus grande que la troisième,
- la nervure basale relativement courte; "importante le long de la cellule discoïdale et plus courte le long de la cellule cubitale".
- la deuxième nervure récurrente en forme de S .
... ou bien cette fameuse deuxième récurrente est-elle droite comme chez les andrènes ?
Allons-y voir :
La deuxième cellule submarginale me paraît en effet légèrement plus grande que la troisième. ( J'ai indiqué aussi le ptérostigma, dont je découvre l'existence chez les abeilles après l'avoir rencontré chez les libellules.)
Et voilà ce que l'on nomme la deuxième récurrente :
Pour moi, cette deuxième récurrente est droite : je baptise mes abeilles Andrènes, et comme il y a des saules en fleur à moins de 300 mètres, j'en fais, allez, pourquoi pas, des Andrena vaga Panzer, 1799. Sous toute réserve et en attendant qu'un gentil correcteur vienne redresser mes erreurs. Cela va me permette de donner l'étymologie du joli nom d' Andrène, qui vient du latin scientifique andrena lui même issu du grec anthrênê, "frelon".
• Le genre Andrena a été décrit par J.C.Fabricius en 1775 dans Systema entomologiae, sistens insectorum classes, ordines, genera, species, adiectis synonymis, locis, descriptionibus observationibus, Libraria Kortii, Flensburgii et Lipsiae, 832pp, page 376. Le type est Apis helvola Linnaeus , 1758.
• L'espèce a été décrite par Georg Wolfgang Franz Panzer (1755-1829) dans Fauna insectorum germanicae initia, oder Deutschlands Insecten,VI, P.64, T.18, 1799 . (publié à Nuremberg :Felsecker 1792-1823 et illustré de 2600 gravures coloriées à la main par Jakob Sturm )
Georg Panzer était un médecin allemand exerçant à Hersbruck. Botaniste et entomologiste, il constitua un herbier réputé, et une très vaste collection d'insectes.
Andrena vaga fut aussi nommée Apis pratensis Müller, 1776; Andrena ovina Klug, 1810; Andrena nitidiventris Blanchard, 1840;Andrena leucothorax Herrich-Schäffer, 1840; Andrena nitidiventris_homonym Dufour, 1841; Andrena atricula Bischoff, 1922.
• l'andrène vague est une abeille solitaire qui vole exclusivement de mars à mai : le pic d'activité des femelles correspond avec la floraison des saules (Salix sp) qui fournit le pollen nécessaire à l'alimentation des larves. Les saules ne doivent pas être distants de plus de 245 mètres du nid.
Elle construit son nid dans le sol sablonneux souvent en légère pente, en situation sèche et ensoleillée. A l' entrée du nid le sable évacué forme un petit cône. Ces nids sont toujours individuels mais se regroupent en "bourgades" parfois importantes (plusieurs milliers de nids, une cinquantaine par mètre carré). La galerie principale descend à la perpendiculaire du sol jusqu'à 25 à 50 cm, et se divise en couloirs accessoires encore plus profonds avant de s'élargir sur la chambre .
• C'est une grande abeille (13mm : 11-16mm) au thorax couvert de poils denses gris-blancs et à l'abdomen à peine velu et noir brillant. Les mâles sont plus petits et se remarquent par leur belle moustache grise et par leurs mandibules supérieures en forme de sabre.
• Seule la femelle récolte le pollen, grâce aux poils très denses dont sont équipés ses fémurspostérieurs. ( ces brosses de poils à la base des fémurs des troisièmes pattes sont nommées floccus) Elle dépose dans le nid un mélange de pollen et de nectar qui servira au couvain.
• Les oeufs éclosent en larves qui se nourrissent du mélange nectar-pollen, grossissent jusqu'à la fin du printemps et forment un cocon , se nymphosent, et émergent en abeilles adultes qui attendront le début du printemps pour sortir du nid.
• Ses sites de nidification sont semblables à ceux deColletes cunicularius [ cunicularius: "mineur, sapeur, pionnier", creuseur de galerie ], aussi rencontre-t-on souvent les deux espèces en étroit voisinage.
• comme d'autres, cette abeille possède son "abeille coucou" : c'est Nomada lathburiana Kirbi,1802, une abeille aux allures de guèpe avec son abdomen rayé jaune et noir et ses pattes rougeâtres. elle pratique le cleptoparasitisme en venant pondre ses oeufs dans les nids des Andrènes. Sa larve, dont l'éclosion est un peu plus précoce que celle de sa victime se dirige dans le nid et se nourrit du pollen accumulé, au dépens de la larve d'andrène.
Un autre parasite serait Bombylius major, le Grand Bombyle, un diptère ressemblant à une abeille et doté d'une très longue trompe. On cite aussi Sphecodes gibbus (qui parasite les halictes)comme parasite probable.
Si bien même ce n'est pas un couple d'Andrena vagaque j'ai photographié, j'aurais du moins appris quelque chose...