Église Notre-Dame de Brélès :
anges musiciens
et Isidore en costume breton.
Présentation.
L'église Notre-Dame de Brélès, en forme de croix latine a été fondée par les seigneurs de Kergroades au XIVe ; elle était initialement simple chapelle dédiée à Notre-Dame, puis devint église tréviale de Plourin-Léon. une bulle d'indulgence lui est accordée en 1381. Vers 1408, Olivier du Chastel frappe ses armoiries sur le portail ouest. Les vitraux portaient les armoiries des familles nobles de la paroisse, comme les Kergroades, les Kergadiou ou les Kerdalaez, et ces seigneurs possédaient droit de sépulture à l'intérieur du sanctuaire.
L'église est remaniée au XVIIe puis largement reconstruite et agrandie en 1855. Elle comprend une nef avec bas-cotés de cinq travées et deux chapelles latérales qui forment un faux transept.
De part et d'autre du choeur, sur un fond blanc frappé du monogramme marial, les armoiries de l'évêque et du pape en fonction lors de la cérémonie de dédicace de l'église, que l'on peut dater de 1887 à 1892.
Armoiries épiscopales de Mgr Lamarche, évêque de Quimper et de Cornouailles de 1887 à 1892 : d'azur à la croix d'or au chef d'hermine. Cri : Doue hag ar vro (Dieu et Patrie) ; devise Ama et confide "Aime et garde confiance".
Armoiries papales de Léon XIII (1878-1903), D'azur au cyprès de sinople planté sur une plaine de même accompagné au francs quartier d'une comète d'or et en pointe de deux fleurs de lys d'argent, à la fasce d'argent brochant sur le tout. Devise : Lumen in coelo.
Au sommet du portail gothique en kersanton un ange présente les armoiries en alliance d'Olivier du Chastel et de Jeanne de Ploeuc, mariès en 1408. La famille du Chastel porte fascé d'or et de gueules à six pièces et la famille de Ploeuc porte d'hermine aux trois chevrons de gueules.
Notre-Dame de Brélès
Statue du XVIe siècle
Notre-Dame de Brélès est la patronne de la paroisse depuis au moins le XIVe siècle.
La position de l'index de l'Enfant n'est pas heureuse, peu physiologique, et laisse suspecter une erreur lors de la restauration du bras, dont on voit le raccordement au tronc.
Le mouvement de drapé du manteau de la Vierge est enlevé ; Notre-Dame tient une fleur de lys, tandis que l'enfant joue avec le globe crucigère.
Sainte Anne, Éducation de la Vierge
Sainte Anne est vêtue de son inusable robe rouge. Dans l'iconographie, Anne porte toujours le voile, et sa fille est tête nue : c'est comme ça. Marie apprend à lire sur son livre de lecture ouvert à la page 2 : la leçon du jour porte sur le Gloria. Les plus assidus des Proustophiles pourraient penser qu'il s'agit d'une page de Sodome et Gomorrhe de la Recherche du temps perdu, celle où M. de Charlus dit "Vous allez prendre quelque chose avec nous, comme on dit, ce qu’on appelait autrefois un mazagran ou un gloria*, boissons qu’on ne trouve plus, comme curiosités archéologiques, que dans les pièces de Labiche et les cafés de Doncières".
Certains Proustomanes réfutent l'idée que la Vierge puisse lire Sodome et Gomorrhe et trouvent dans La Bible d'Amiens sous la plume de Ruskin traduite par Jeanne Weil, la conviction que la jeune fille parlait certes hébreu, en bonne fille de Joachim, mais aussi latin, langue de l'occupant. Aussi pensent-ils qu'elle a sous les yeux Du coté de Guermantes, lorsque le duc cite Robert de Saint-Loup : "je ne connais pas d'exemple de Sic transit gloria mundi** plus touchant".
Mais il s'agit, selon toute vraisemblance, plutôt de l'incipit de la prière Gloria in excelcis deo, Gloire à Dieu au plus haut des cieux.
* gloria : café mélangé d'alcool qu'Alphonse Daudet nomme, lui, un "champoreau" dans Les Lettres de mon Moulin.
** Sic transit gloria mundi : ainsi passe la (vaine) gloire du monde.
Anges musiciens
Au sommet des angles des deux chapelles latérales et de la nef, quatre anges musiciens du XVIIe jouent du haut de leur blochet respectif qui de la cornemuse, qui des cymbales, qui de la bombarde et qui du tambourin.
La disposition générale des musiciens du quatuor est la suivante : à gauche, cymbales et cornemuse, à droite (au dessus des fonts baptismaux) tambour et bombarde :
1. Le joueur de cymbales :
Serait-il là pour permettre au prédicateur d'illustrer le fameux premier verset du chapitre 13 de la Lettre aux Corinthiens "Quand je parlerais les langues des hommes et des anges, si je n'ai pas l'amour, je suis un airain qui résonne, ou une cymbale qui retentit"?
L'usage des cymbales sera condamnée par Pie X, dans son Motu propio de 1903 Tra le sollecitudini sur la restauration de la musique sacrée : "L'usage du piano dans l'église est interdite, comme aussi celui des instruments bruyants ou légers comme le tambour, la grosse caisse, les cymbales, les clochettes etc...Il est rigoureusement interdit à ce qu'on appelle fanfare de jouer dans l'église."
Saint Pie X peut être tranquille : l'ange est doté actuellement de disques de bois qui, au mieux, produiraient ce son de la simandre de Koutloumousiou (c'est sur le mont Athos), inventée par les moines orthodoxes lorsque les turcs leur interdirent les cloches.
Addict de facebook, je mets un "j'aime" au gland de clef que l'artiste a su faire pendre au coin du pagne de pudeur du chérubin. Ce petit accessoire de passementerie négligemment appendu à un simple morceau d'étoffe se paye le luxe d'entrer en écho avec le mince bandeau qui ceint la chevelure artiste de la divine créature : un chic fou. Et il le sait, le bougre !
2. Le joueur de cornemuse (biniou kozh):
Catherine et Jean-Luc Matte, qui recensent toutes les représentations de leur instrument fétiche, décrivent ici "un bourdon d'épaule de taille identique à celle du hautbois, et un porte-vent cylindrique".
Nous sommes alors amenés à apprendre qu'une cornemuse est composée d'un sac étanche en cuir, d'un tuyau pour le remplir avec la bouche et qui s'appelle le porte-vent (sutel en breton), de tuyaux qui produisent le son et dont l'un, ne disposant pas de trous, produit un son continu et est nommé "bourdon", alors que l'autre, nommé tuyau mélodique ou "hautbois", est percé de trous comme une flûte et d'une anche double.
Le "bourdon" est, ici, celui qui repose sur l'épaule de l'ange, alors que les petits doigts agiles du putto courent d'un trou à l'autre du "hautbois".
A défaut de savoir en jouer, je commence à me débrouiller avec le vocabulaire, non ?
Le biniou, c'est la bête noire des recteurs, l'instrument ventripotent et cornu par lequel le Malin débouche les garçons et les filles. Et on cite un bas-breton qui portait la bannière de procession, et qui plaqua tout pour aller danser, sans même quitter le surplis, lorsque les sonneurs attaquèrent la gavotte dans le pré voisin : diabolique.
Même lorsque c'est un ange qui en joue, c'est encore la corne-musette qui mène la danse.
3. Le joueur de tambour (coté sud).
Si la cymbale est un idiophone, qui fait du bruit par lui-même, le tambour est un membranophone, qui suppose que la membrane de peau soit tendue sur un cadre.
De sa première paire de baguette, il ne conserve qu'un morceau qu'il tient encore collé sur la main gauche, l'olive de la baguette bloquée sur la première commissure.
Si les fanfares n'étaient pas en odeur de sainteté auprès du pape, par contre, les tambours étaient indispensables pour mener les processions des pardons. Ils formaient souvent un duo fifre-tambour, tout le long du XIXe siècle et jusqu'en 1930. Et même à l'intérieur de l'église, au moment de l'élévation, "les tambours battent aux champs, remplissant la nef d'une rumeur formidable : c'est le salut au grand roi descendu sur l'autel" (Un pardon en 1905, Henri Morice,
http://carmes.alvinet.com/historique/pardon.html)
Joua-t-on un jour du tambour, des cymbales ou de la cornemuse dans l'église de Brélès ? Sans-doute pas. Mais là-haut, au ciel, les anges ne se privent pas, et certains jours, j'ai pu les entendre distinctement.
4. Le joueur de flûte (coté sud) :
Pour les uns, ce serait une bombarde (tenue ainsi verticalement?), pour d'autres une flûte. Mais pourquoi pas un chalumeau, ou chalémie, instrument médiéval de tonalité haute et à anche double utilisé en plein-air pour accompagner la cornemuse ?
5 et 6 les anges du choeur.
Muets, ils se contentent d'écouter leurs collègues, ou de mimer le jeu des castagnettes.
Anges musiciens du tympan de la maîtresse-vitre:
Selon J.P. Le Bihan la verrière néo-gothique du chevet peut être datée entre 1855 et 1872 par un reste d'inscription P. PRE, verrier d'art, Abbé Bervas, recteur. Elle est consacrée à la vie de la Vierge avec Annonciation, Visitation et Nativité.
Cette verrière donne à voir en son tympan deux anges joueurs de harpe et deux joueurs de rebec, comme sur un vitrail médieval.
Encore un ange : l'ange-lutrin.
C'est une très belle oeuvre, qui vient compléter ma collection de lutrins : Bulat-Pestivien : lutrin anthropomorphe en costume breton. Guiscriff : un lutrin anthropomorphe en costume breton. Un ange serpentiste : le lutrin de l' église Saint-Louis, Brest. C'est même un ange qui porte deux lutrins, un lutrin sur ses ailes et l'autre lutrin dans ses bras. Voilà qui change du train-train.
Notez qu'il n'a pas l'air contrit de ne pas jouer du tambourin. Chevauchant son cumulus préféré, qu'il monte pied-nus, sans étrier, irradié par les tons citrins et purpurins des vitraux, il fonce dans l'immobilité éternel, absorbé par le concert ravissant des sphères célestes qui préfigure l'harmonie des âmes. Il est aux anges.
Saint Isidore en costume breton:
On connaît Saint-Isidore : Statues et retable de l'église d'Élliant (Finistère)., le saint qui porte un nom grec signifiant isi-doros, don d'Isis, comme Pandore (tous les dons) ou Théodore (don de Dieu) : ce patron des laboureurs vient toujours à l'église habillé de son costume du dimanche, avec le bragou braz ou pantalon bouffant de droguet écru et la ceinture de flanelle rouge nommée an turban. Il apporte en offrande une gerbe de blé, qui sera vendue aux enchères par le fabricien après la messe au pied du calvaire.
Le gilet est blanc, fermé, orné de quatre rangs de broderies, et recouvert par une veste (chupenn) courte, ouverte, de drap bleu. Un galon rouge et or en fait le tour y compris à l'encollure, alors que les bords sont doublés d'une bande brodé par un motif floral. Quatre gros boutons de laitons sont là pour la décoration, avec leur boutonnière factice à gauche. Les manches sont soulignés par un galon rouge et or et par une succession de petits boutons dorés. Le col de la chemise est brodée également.
Le costume de Brélés appartient à la "guise" du Bas-Léon ou de Saint-Renan , qui est semblable selon R.Y Creston à celui de St-Pol de Léon avec toutefois un col de veste droit, légèrement montant, des revers moins longs et moins larges et le bas des manches boutonnés. Yann Guesdon (2011) décrit pour le paysan du Bas-Léon du début du XIXe "un costume caractérisé par une longue veste à basques en forme de pourpoint, rappelant l'habit à la française. De drap bleu foncé, plissé dans le dos et munie dans toute sa longueur de boutonnières, elle se portait ouverte sur un gilet noir ou croisé avec des revers de couleur plus ou moins important comme à Ploudaniel. Boutonnée, elle ne laissait apparent que le col montant d'une chemise blanche. Les bragou braz serrés aux genoux par de longs lacets étaient très amples, en droget marron ou noir. Ils se portaient indifféremment avec des bas de laine ou des guêtres à boutons. Pendant les moissons, les paysans portaient une chemise sous un petit gilet croisé sérré par une écharpe (an turban) et des culottes étroites (bragou berr) de toile blanche munie de poches profondes et laissant les jambes nues". (Costumes de Bretagne, ed Palantines)
Cette description ne correspond que partiellement à notre Isidore.
Les guêtres méritent qu'on s'y arrête : fermées par six gros boutons de cuivre, elles sont joliement recouvertes par le ruban rouge qui serre le bragou braz tandis qu' en bas,elles couvrent la chaussure par une pointe soulignée d'un trait rouge.
Saint Sébastien.
devinette : quel est le signe astrologique de Sébastien??
Saint-Michel.
Lui-aussi s'est mis, comme Isidore, sur son trente-et-un, son grand tralala. Il en a seulement un peu trop fait, comme d'habitude.
Saint Jean l'évangéliste
C'est tout-à-fait lui, ou tout-à-fait elle. Saint-Jean tient la coupe de poison d'où, souvent, on voit surgir deux serpents. Voilà, selon Jacques de Voragine et la Légende Dorée, quelle en est la raison :
"Alors le grand prêtre Aristodème souleva une sédition dans le peuple, au point que les deux partis s’apprêtaient à en venir aux mains. Et l’apôtre lui dit : « Que veux-tu que je fasse pour t’apaiser ? » Et lui : « Si tu veux que je croie en ton Dieu, je te donnerai du poison à boire ; et, s’il ne te fait aucun mal, c’est que ton Dieu sera le vrai Dieu. » Et l’apôtre : « Fais comme tu l’as dit ! » Et lui : « Mais je veux que d’abord tu voies mourir d’autres hommes par l’effet de ce poison, pour en constater la puissance ! » Et Aristodème demanda au proconsul de lui livrer deux condamnés à mort : il leur donna à boire du poison, et aussitôt ils moururent. Alors l’apôtre prit à son tour le calice, et, s’étant muni du signe de la croix, il but tout le poison et n’en éprouva aucun mal : sur quoi tous se mirent à louer Dieu. Mais Aristodème dit : « Un doute me reste encore ; mais s’il ressuscite les deux hommes qui sont morts par le poison, je ne douterai plus, et croirai au Christ. » L’apôtre, sans lui répondre, lui donna son manteau. Et lui : « Pourquoi me donnes-tu ton manteau ? Penses-tu qu’il me transmettra ta foi ? » Et saint Jean : « Va étendre ce manteau sur les cadavres des deux morts en disant : l’apôtre du Christ m’envoie vers vous, pour que vous ressuscitiez au nom du Christ ! » Et Aristodème fit ainsi, et aussitôt les deux morts ressuscitèrent. Alors l’apôtre baptisa le grand prêtre et le proconsul avec toute sa famille ; et ceux-ci, plus tard, élevèrent une église en l’honneur de saint Jean." Source : Wikisource :link