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29 août 2012 3 29 /08 /août /2012 21:42

   

   Seigneur de Ste-Marie du Mont, et ami de Henri IV :

     "mon cousin" Henri-Robert Aux-Épaules.

              

 

  La vie est ainsi faite : vous entendez parler dans votre famille d'un lointain ancêtre mythique au drôle de nom, "des épaules", vous portez sur vos épaules à vous assez d'hérédité pour ne pas aller les charger d'un olibrius pareil, vous avez tout juste suffisamment de goût pour la généalogie pour vous intéresser aux Arbres de Jessé mais pas assez pour aller vous aventurer comme un baron perché dans le chêne inversé qui vous ramènerait au bon père Adam,  et puis vous entrez dans une église et vous vous trouvez nez-à-nez avec un seigneur qui porte ce nom saugrenu: Henri-Robert Des-Épaules. Non seulement vous voyez son nom, mais le bougre a trouvé le moyen de poser en chair et en os, ou du moins en marbre blanc, grandeur nature comme au Musée Grévin, et c'est le Choc : heurter, de front, la Réalité et l'Histoire comme Freud, sur l'Acropole le jour de son Malaise,; cela peut faire mal.

  C'est qu'il en impose, Henri-Robert ! Une vraie statue de Commandeur !

                         ste-marie-du-mont 5725c

 

  Approchez, je vais vous présenter : Euh, Henri-Robert ?

Il n'écoute pas, il est un peu sourdat ;  tenez, voici sa carte de visite :

ste-marie-du-mont 5719c


  A l'eternelle mémoire de Missire Henry Robert Aux Espaulles, Seigneur et patron fondateur de Ste Marye du Mont, Baron de Gye, Sr de Lieurré, L'Isle Marye et Le Chef Du Pont, Conseiller du roi en ses conseils d'estat et privé, Chevalier de son ordre, Gentilhomme ordinaire de sa chambre, Capitaine de Cinquante Hommes d'Armes de ses ordonnances, Lieutenant de sa Majesté aux Baillages de Rouen, Caux, Gisors etr Caen, Bailly et Gouverneur de Rouen, Carentan et Valongnes. Lequel, dés son enfance nourry au service de très invincible prince Henry le Grand IIIIe roi de France et de Navarre, l'assista en tous les sièges, rencontres, et batailles qu'il donna pour le recouvrement de son estat. sans avoir souillé ses mains, dans le sang froid, ny dans les injustes butins, ordinères durant le cours de ceste guerre civille. Ainsi sa valeur le rendit l'amour de son roy, et sa vertu les délices de sa patrye. Ce qui luy fist mériter que ce monarque honora sa fin, d'une longue suite de ses larmes, et qu'il aye continué depuis à le regretter, non avecq les parolles d'un maistre, mais avecq les plaintes d'un amy. Il Mourut dans le logis de sa Majesté à Fontainnebleau le dernier jour de novembre 1607 aagé de 46 ans et repose icy. Priés Dieu pour luy.

ste-marie-du-mont 5728c

  C'est l'occasion rêvée pour étudier de près le costume d'arme d'un gentilhomme de la Renaissance tardive. La fraise, typiquement Henri IV, et qui amorça son déclin vers 1579 ; elle est ici à plis serrés, touffus et non à godrons cousus en 8 réguliers. L'armure, et la façon dont elle se fixe avec de petits crochets latéraux (qui ne permettent pas, à la différence des sangles, les réglages ou la prise de poids...); ou la manière dont elle est aménagée à l'arrière, laissant apparaître la culotte... On peut comparer avec la tenue portée par Henri IV telle qu'on peut la découvrir au Louvre peinte par Pourbus :

                                         http://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Henry_IV_of_france_by_pourbous_younger.jpg


Pour la partie supérieure, elle se compose

  • d'un plastron pour le torse, très busqué au niveau de l'arête centrale ce qui est une caractéristique de la fin du XVIe siècle afin de mieux résister aux armes à feu. Depuis Henri III  la pointe de l'arête descend plus bas vers la ceinture et s'accuse d'avantage.
  •  d'une dossière ;
  •  le plastron est recouvert autour du cou d'un gorgerin   fait de quatre éléments rivetés ensemble.
  •  Les épaules d'Aux-Épaules sont protégées par des spalières dont les pièces se chevauchent pour permettre les mouvements.
  •  Les cubitières protègent les coudes, puis l'avant-bras (peut-être avec des canons d'avant-bras très fins et ajustés) se termine, au poignet par des dentelles en fraises identiques à celle du cou.

 En dessous,

  • les tassettes ou gardes des flancs se prolongent par des cuissots aux lames articulés comme la carapace d'un homard.
  • les genouillères, fixées aux cuissots
  • les jambes semblent porter des bottes de cuir, qui remontent au dessus des genoux, 
  • et qui descendent comme des guêtres sur les souliers. Mais l'article "Houseaux" de Wikipédia me révèle l'existence de surbottes, dites "housseaux complets sans avoir pied", et du coup c'est moi qui perd pied.

Ajoutons une épée, ou une dague, qui pend au coté gauche, suspendue par une sangle de cuir travaillé.

 


 

  Le monument est-il d'époque ? Pendant la Révolution, il fut mis à l'abri par M. Frigoult de Liesville. On décrivait alors une tombe, surmontée de la statue de Aux-Épaules en capitaine entourée de deux Suisses. En 1842, le curé de Ste-Marie, l'abbé Louis, sollicitait la Société Française d'Archéologie pour faire refaire les statues des Aux-Épaules dans le choeur : l'oeuvre que nous admirons daterait-elle des années suivantes ?  

 

ste-marie-du-mont 5726c

 

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             Le heaume avec son panache est si semblable à celui du bon roi dont on connaît le "Ralliez-vous à mon panache blanc" que l'on peut se demander s'il n'a pas servi de modèle au sculpteur du XIXème. Je nomme ce casque "heaume" mais cet accessoire a évolué depuis le Moyen-Âge pour prendre le nom de bassinet, de barbute, (fin XIVe)  d'armet, puis de salade (fin XVe), de bourguignotte (XVIe) et enfin de polonaise

ste-marie-du-mont 5722c

      Les gantelets : les doigts sont séparés depuis le XIVe siècle.

ste-marie-du-mont 5721c

 

  Si Henri-Robert Aux-Épaules a droit à son monument funéraire dans le choeur de l'église, à gauche, le coté noble, le "coté de l'évangile", c'est que les seigneurs de Ste-Marie-du-Mont y étaient certainement prééminenciers et y avaient  droit d'enfeu, et aussi sans-doute droit de banc, d'escabeau, d'accoudoir, ou d'inscrire leurs armoiries sur les vitraux. Car "Sainte-Marie" (c'est ainsi qu'on désignait le seigneur du lieu) portait d'or à la fleur de lis de gueules. Henri-Robert avait fait construire un vaste château aux deux ailes très longues ; Henri IV, ayant souhaité en voir les plans, eut ce mot qui est resté en mémoire à Ste-Marie-du-Mont : Ventre-saint-gris, mon cousin, cela ressemble à une paire de hauts-de-chausses! (Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie vol.1 p.14, 1825)  Cette demeure servit  de prison sous la Terreur pour le district de Carentan avant d'être démoli peu-après par le sieur Le Cauf qui en avait fait l'acquisition.


  Pourtant, cette famille, traditionnellement établie dans cette commune après qu'un chef viking ait fait le voeu de se convertir au catholicisme s'il réchappait à une tempête, fut l'une des premières qui embrassèrent le protestantisme, et à fournir des chefs au parti des Huguenots dans le Cotentin. C'est le père de Henri-Robert, Nicolas, qui fut le premier à adhérer aux thèses réformées ; il s'engagea dans la conjuration d'Amboise de mars 1560 où des gentilshommes tentèrent de s'emparer du roi François II afin de le soustraire à l'influence du Duc de Guise. Le complot fut déjoué et les conjurés furent arrêtés, noyés dans la Loire, pendus ou massacrés par la foule, la répression faisant près de 1500 morts, mais le Capitaine Sainte-Marie échappe aux pièges et revient, avec les contentinois qu'il guidait, chez lui. 

  Henri-Robert adopte les convictions paternelles avant d'abjurer en 1600, suivant avec retard son royal ami puisque Henri IV avait abjuré solennellement le protestantisme le 25 juillet 1593. Voici ce qu'écrit Pierre de l'Estoile (Journal des choses mémorables advenues durant le règne de Henry IV, Vol.2 p. 274 : 

  "Il avait toujours fait profession de la religion protestante, mais en 1598, il s'opposa formellement au dessein que Mrs de Bouillon, de La Trimouille et du Plessis avaient eu de faire comprendre l'église de Sedan parmi celles du Royaume : ce qui montrait bien qu'il n'avait guères d'union avec les principaux d'entre les Réformez. Or en l'année 1600, il résolut d'abandonner ouvertement la religion, soit que les promesses du roi eussent achevé de l'ébranler ou que sa vie libertine dont il ne voulait pas se corriger l'avertit de quitter de lui-même une Communion de laquelle il courait risque d'être retranché bientôt s'il ne l'était déjà. Cet homme se résolut donc à changer de religion [...] Sainte-Marie de Mont mourut à Fontainebleau le dernier jour de novembre 1607, et le roi qui, par un effet de l'amitié qu'il lui portait, lui avait donné un Emploi non nécessaire, et apparemment fort à charge à ses finances, ne voulut pas lui donner de successeur. Nous apprenons de la vie du Duc d'Epernon que Ste-Marie du Mont avai été Capitaine de Chevaux Légers jusqu'en 1589." Et encore : "Le Baron de Ste-Marie du Mont, d'ancienne Maison et allié dès 1487 dans celle des Comtes de Dreux, avait accompagné le nouveau roi Henri IV a son voyage de Dieppe en septembre 1589 à la tête de son Régiment d'Infanterie et s'était trouvé tôt après au siège du petit Andely, dans la Normandie." link

 

       

  Le patronyme Aux-Épaules.

   Ah, Ventre-saint-gris, c'est ce nom-là qui m'intrigue, et j'aimerais en savoir plus.

  A défaut de trouver une étude onomastique le concernant, ce sont les généalogistes nqui me procurent les clefs nécessaires : l'anthroponyme de mes aïeux serait une forme francisée du nom danois ou germanique ancien de l'ancêtre viking qui, un jour de 900, accosta avec son drakkar au Grand-Vey, bras de mer séparant la manche du Calvados à l'aiselle de la presqu'île du Cotentin. Ce nom est VIEUL "SCHE SULKEN". Le chef danois épousa la fille du Comte de Cotentin, la jeune Baudour, en 910, et fit souche ; le premier de ses descendants dont on trouve la trace est Albinus Ad Humeret, forme latine de "Aux-épaules" . Puis ce nom se transforme en DESHUMERES avec Roger Deshumères (existe en 976), et c'est au XIe siècle que le nom AUX-ÉPAULES est en usage. On note  la préposition Aux- suivi d'un terme anatomique avant un nom de noble, au lieu de la préposition "de" suivie d'un toponyme, et si habituelle qu'on la désigne sous le nom de "particule nobiliaire". Pourrions-nous trouver d'autres patronymes nobles construits avec "à, "au" ou "aux" ?

  La régle est de ne pas mettre en majuscule la particule "de" , mais ici nous écrivons

"Aux-Épaules" et non "aux Épaules".


 Brève généalogie d'Henri-Robert (Aux-Epaules) et de Jean-Yves (Cordier) son cousin.

1) De Sche Sulken à Henri-Robert, sans descendance mâle :

  • Vieul Sche Sulken, vikking, //910 Baudour de Costentin
  • Albinus Ad Humeret, //940 Moraille de la Rivière
  • Roger Deshumères dit Aux-Épaules //976 Laetitia Crespin
  • Rodulphe Aux-Épaules,// 1015 Beatrix de Malletot
  • Michel Deshumères // 1069 Maheut de Manneville
  • Guillaume Aux-Épaules (†1212) // 1160 Jacqueline de Vassy.
  • Albin A († 1254) // Denise de la Haye
  • Richard, Sr de Ste-Marie-du-Mont, existe en 1263 // Luce du Hommet
  • Guillaume, chevalier banneret, // 1309 Jeanne des Moustiers
  • Philippe
  • Guillaume (1346-1395) // Colette de Tilly
  • Guillaume ( - 1395) // Raoulette Tessin de la Roche Tesson
  • Richard ( -1463)  // 1444 Jeanne de Surienne
  • Georges, ecuyer (1450-1524) // Magdeleine de Dreux, descendant des capétiens
  • Charles (1480-1561) // Anne Gousset
  • Nicolas, chevalier (-1577) // 1557 Françoise de Mouchy
  • Henry-Robert (1562-1607) // Jeanne de Bours, dame de Gennes.
  • Judith et Sarah

2) De  Georges Aux-Épaules à Jean-Yves aux frèles épaules mais découvrant qu'il descend d'un viking et d'un capétien !

  • Georges Aux-Épaules, écuyer (1450-1524) //Madeleine de Dreux descendant de Louis VI 
  • Jacqueline Aux-Épaules  (ca 1478-) //1448 Jacques d'Orglandes (1448-1530)
  • François d'Orglandes (1500-1574) // Catherine de Pontbellanger
  • Antoine d'Orglandes (1573-1619) // Marthe de Saucey (ca 1575-)
  • Jacques d'Orglandes (1603-1672) // 1623 Anne de Caignou (1640-1726)
  • Nicolas d'Orglandes (1665-1758) Comte de Briouze // Catherine de Savonnière (1668-1694)
  • Anne-Catherine d'Orglandes (1693-1759) // René-François de Saint-Genys (1673-1738)
  • Charles Anne de Saint-Genys (1724-1797), baron d'Hommeaux // Éléonore de Forsanz (1724-)
  • Sophie de Saint-Genys (1757-1841) // Jean-Baptiste Le Roy de Brée (1745-1796)
  • Frédéric Le Roy de Brée (1789-1876) // Henriette Godart d'Isigny (1788-1849)
  • Françoise Fanny Le Roy de Brée (1818-1892) // Edme Foisil (1806-1875) notaire
  • Henri Foisil (1849-1908) avocat // Louise Guérin (1858-1920)
  • Magdeleine Foisil (1886-1965) // Paul Sourdat (1881-1959)
  • Annick Sourdat // Michel Cordier (1914-1998)
  • Jean-Yves Cordier, qui a ainsi fait la démonstration de ses allégations !

Notes : 

  1. Un sieur  Aux-Épaules Guillaume ?) est cité dans la liste des gentilhommes qui, en 1423, au commencement du règne de Charles VII, se sont immotalisés dans la défense du Mont-Saint-Michel.
  2. La famille d'Orglandes porte d'hermines, à six losanges de gueules, une tête de levrette en cimier. link Elle porte le nom de la commune de la Manche située à 20 km à l'ouest de Ste-Marie-du Mont. François d'Orglandes était Chevalier de l'Ordre du roi, Gentilhomme ordinaire de la Chambre, Capitaine des Vicomtés et Chatelleneries de Carentan et de Saint-Sauveur, Seigneur de Prétot, etc... Son fils Antoine est l'auteur de la branche des barons puis comtes de Briouze, seigneurs de St-Martin-les-Hébert ; il participa aux luttes de la Ligue, défendant Avranches assiégè par les troupes royales puis rejoignant le Duc de Merceur.
  3. Sources :  http://gw1.geneanet.org/garric?lang=fr;p=francois;n=d+orglandes

                             http://geneahist-goupil.over-blog.com/article-14666038.html

                       http://www.wikimanche.fr/Henri-Robert_Aux-%C3%89paules

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Published by jean-yves cordier

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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