La baie 40 de la Chapelle de Vendôme des
vitraux de la cathédrale de Chartres.
Les vitraux de la chapelle de Vendôme de Chartres ont suscité mon intérêt après mon étude de la baie 217 du transept nord de la cathédrale du Mans, et après avoir constaté de nombreux parallèles entre les deux baies, celle de Chartres datant de 1418 et celle du Mans vers 1430-1435. L'une et l'autre célèbrent le Couronnement de la Vierge tout en faisant état du Jugement Dernier, mettent en scène, discrètement à Chartres et théâtralement au Mans, les douze apôtres, et présentent les deux saints évêques tutélaires de la monarchie, Denis et Rémi. Dans les deux cas, la baie a été réalisée par des Armagnacs pendant que les Anglais, alliés aux Bourguignons, occupaient les villes. Les donateurs appartiennent dans les deux cas aux familles de Bourbon et de Laval. Enfin, les rapprochements stylistiques sont constatés, comme par exemple dans les fonds damassés inspirés des soieries de Lucques et parsemées de boules de couleur. Le rapprochement des deux verrières permet-elle d'approfondir la compréhension de la Rose du Mans ? Au préalable, il fallait décrire dans ses détails la baie 40 de Chartres.
Voir : La Rose du transept nord de la cathédrale du Mans. et
Le vitrail du Credo apostolique de la cathédrale du Mans, ou baie 217 du transept nord.
La chapelle de Vendôme de la cathédrale de Chartres : Vœu et donation.
Cette chapelle qui porte le nom de son fondateur est adjointe à la cathédrale suite au vœu qu’avait fait Louis de Bourbon, comte de Vendôme le 31 mai 1413 : prisonnier de son frère Jacques de Bourbon comte de la Marche, partisan des bourguignons, et libéré le jour de l'Annonciation le 25 mars 1413, il se rendit en pèlerinage à Notre-Dame de Chartres comme il l'avait promis. Il y arriva le 31 mai 1413; ayant rencontré la procession du Chapitre de la cathédrale du mercredi des Rogations près du lieu de Mautrou , il mit pied à terre, lui et toute sa suite, qui était composée de plus de cent chevaliers et écuyers, et convoya la procession. Le lendemain, jour de l'Ascension il se rendit à l'issue de mâtines, presque nu, en chemise et tenant un cierge à la main devant la porte royale où le clergé vint le recevoir. Il accomplit dévotement son vœu à l'autel de la Vierge-Noire et fit don au chapitre, par donation du 2 juin, de soixante livres tournois de rente sur les comtés de Vendôme et les chapellenies de Montdoubleau et d'Epernon à la charge d'une messe à chacune des cinq principales fêtes de l'année. Par acte capitulaire du 2 décembre 1414, les chanoines permirent au duc de Vendôme de bâtir la chapelle hors d'œuvre qui porte son nom.
Les travaux ne sont réellement entrepris par Geoffroy Sevestre en style gothique flamboyant qu’en 1417, entre les deux contreforts de la cinquième travée, alors que Louis de Bourbon a été fait prisonnier en 1415 à Azincourt. La clef de voûte de la chapelle Vendôme est décorée aux armoiries du commanditaire : écartelé au 1 et 4 d’azur semé de fleurs de lis d’or, au 2 et 32 au lion de gueules et à la bande de lions de gueules brochant sur le tout. Si, en 1446 le duc de Vendôme fut inhumé en l'église saint-Georges de Vendôme, son cœur fut amené à Chartres et déposé dans sa chapelle. Celle-ci était autrefois décorée des statues du duc et de son épouse Blanche de Roucy, adossées au mur en face de l'autel.
La chapelle reçut aussi le nom de Chapelle de l'Annonciation (en souvenir du jour de sa délivrance) mais aussi celui de Chapelle des martyrs, car une armoire creusée dans le mur y renfermait deux chasses avec les ossements de saint Piat et ceux de saint Taurin évêque d'Evreux, ainsi que plusieurs autres saints. De temps immémorial on invoque à Chartres, disait le guide Joanne, saint Piat pour obtenir de la pluie, et saint Taurin pour retrouver le beau temps.
Le duc de Bourbon-Vendôme fut fait prisonnier à la bataille d'Azincourt en 1415 et enfermé dans la Tour de Londres. Mis à cent mille écus de rançon, il ne put en payer que cinquante quatre mille comptant et y demeura jusqu'en 1422. Délivré, il s'engagea auprès de Jeanne d'Arc, était présent à la première entrevue entre Jeanne d'Arc et Charles VII, participa à la libération d'Orléans, commanda le siège de Jargeau, assista au sacre du roi à Reims où il faisait fonction de pair, et était présent à la paix d'Arras en 1435. Il épousa en premières noces le 21 décembre 1414 Blanche de Roucy fille de Hugues II de Roucy et Blanche de Coucy et qui mourut le 22 août 1421 sans postérité, puis se remaria le 24 août 1424 à Rennes avec Jeanne de Laval-Campzillon, fille de Guy XIII de Montfort, sire de Laval, dont il eut un fils Jean VIII (1428-1477), comte de Vendôme.
La chapelle a été restaurée – et repeinte en 1866-1873. Les vitraux étaient déjà endommagés avant le XVIIIe siècle, ils furent partiellement restaurés en 1592. Ils ont disparu en grande partie au moment de la Révolution, en particulier les membres de la famille de Louis de Vendôme. La baie fut mutilée en 1816, avec insertion de panneaux étrangers à la verrière, puis restaurée par Coffetier de 1868 à 1872. Les personnages ont été refaits en 1920 par le peintre-verrier Albert-Louis Bonnot avec retrait des panneaux étrangers et restitution de panneaux manquants, en s'inspirant des dessins de la collection Gaignières. (François Roger de Gaignières, (1642-1715) est un généalogiste français, antiquaire et collectionneur qui commença très jeune à constituer une collection de matériaux originaux pour servir l'Histoire, en particulier sur l'Église et la Cour de France. La plus grande partie est conservée à la Bibliothèque Nationale dans la Collection Gaignières, et à la Bodleian library d'Oxford.) d'après les dessins de Gaignières, restaurée par Bonnot en 1918
Elle fut encore restaurée dans les années 1980.
DESCRIPTION.
Verrière composée de quatre lancettes trilobées et tympan à quatorze ajours. Pour des raisons de cohérence, je décrirai les registres inférieur et intermédiaire ensemble.
REGISTRES INFÉRIEUR ET INTERMÉDIAIRE. DONATEUR ET SA FAMILLE.
Louis de Bourbon-Vendôme, donateur et fondateur de la chapelle, est représenté à droite dans la quatrième lancette, accompagné de son épouse. Ses parents Jean de Bourbon et Catherine de Vendôme (portraits posthumes) trouvent place dans la deuxième lancette, son frère Jacques de Bourbon et son épouse Jeanne de Naples dans la première, et sa sœur Charlotte de Bourbon, reine de Chypre dans la troisième avec son époux Janus de Chypre. Ils sont agenouillés à leur prie-dieu et sont présentés par un saint : saint Denis, saint Jacques, saint Louis, et saint Rémi, trois de ceux-ci se référant directement à la monarchie de France.
1. Première lancette : Jacques de Bourbon et Jeanne de Naples.
1a : Armoiries
— Les armes de Jacques de Bourbon, écartelés des armes de Bourbon et de Naples , se blasonnent écartelé en 1 et 4 tiercé en pal en 1 fascé d'argent et de gueules de huit pièces, en 2 d'argent à la croix potencé d'or et en 3 d'azur semé de fleurs de lys d'or et au lambel de gueules, et en 2 et 3 d'azur à trois fleurs de lys d'or à la bande de gueules. (Wikipédia)
— Fond damassé vert à rinceaux et oiseaux (lampas de Lucques)
—Architecture en grisaille: à gauche l'apôtre Paul ou Matthieu (un glaive) et ?
1b : registre intermédiaire : Jacques II de Bourbon et Jeanne de Naples présentés par saint Denis.
Jacques II de Bourbon, comte de La Marche, et son épouse Jeanne, reine de Naples, présentés par saint Denis.
Louis de Bourbon-Vendôme n'est pas rancunier et n'a pas l'esprit de parti, puisque c'est ce frère Jacques qui est responsable de sa captivité une première fois en 1407 et de 1412 à 1413. D'autre part, Jacques de Bourbon (1370-1438) avait choisi le parti des Bourguignons et s'était alliè à Jean Sans Peur, duc de Bourgogne. Il soutiendra Charles VII contre les Anglais en 1428.
Veuf de Béatrice d'Évreux (ou de Navarre) puis de Marguerite de Blois, il épouse Jeanne de Naples en 1415 et devient roi consort de Naples. Jeanne de Naples était la fille de Charles III roi de Naples, de Sicile et de Hongrie. Mais les mésententes conjugales conduisent Jacques II à regagner la France en 1419. Il se fit cordelier à Besançon où il décéda en 1438. Ne laissant pas d'héritier, la branche des comtes de la Marche s'éteint avec lui.
Dans la longue tradition de fidélité à la royauté et de lutte contre les Anglais de la maison de Bourbon (Louis Ier, Jacques Ier de Bourbon-La Marche, Jean Ier), Jacques II dénote aussi par son alliance avec les Bourguignons.
— Intercesseur : saint Denis (inscription S DENIS). Saint Denis, premier évêque de Paris et patron de la Basilique Saint-Denis qui est la nécropole des rois de France est étroitement lié au pouvoir royal.
— Le relevé effectué par Gaignères :
— Fond damassé rouge.
— Architecture en grisaille: deux apôtres.
2. 2ème lancette : Jean de Bourbon et Catherine de Vendôme.
2a: Armoiries
— Fond damassé vert à rinceaux et oiseaux (lampas de Lucques)
— Architecture en grisaille: à gauche l'apôtre Pierre (la clef) et à droite un personnage (un livre).
2b : Jean de Bourbon et Catherine de Vendôme présentés par saint Jacques [Sainte Catherine].
Ce sont les parents du donateur : Jean de Bourbon (1344-1393), comte de La Marche, avec Catherine de Vendôme (v1350-1412), comtesse de Vendôme et de Chartres, avec saint Jacques.
Comme l'indique le site cathédrale-chartres.fr, c'était sainte Catherine, avec l'épée et la palme de son martyre, qui présentait à l'origine les deux époux, comme en témoigne les relevés de Gaignères; mais pour une raison incompréhensible, Coffetier lui substitua, lors de sa restauration, ce personnage en qui on reconnaît saint Jacques parce qu'il tient un bâton, mais qui n'en détient aucun des autres attributs. A la différence de Jacques, sainte Catherine d'Alexandrie avait, comme fille de roi, sa place dans ce vitrail consacré au couronnement.
A l'inverse, Coffetier a gratifié d'une couronne Jean de Bourbon et Catherine de Vendôme, alors qu'ils ne sont pas roi et reine, et alors que Gaignères les représentent sur son calque lui coiffé d'un bonnet à bords roulés en bourrelet et elle d'un hennin à cornes.
— Fond damassé rouge pourpre à larges rinceaux.
— Architecture : apôtres ? (Livre et ) et ? (hampe ou manche)
3. Troisième lancette : Janus de Lusignan et de Charlotte de Bourbon.
3a : Armoiries.
L'ange de gauche tient les armoiries des rois de Chypre et de Jérusalem écartelé, en 1 et 4 d'argent, à la croix potencée d'or, cantonnée de quatre croisettes du même et en 2 et 3 burelé d'argent et d'azur de huit pièces, au lion de gueules, armé, lampassé et couronné d'or, brochant sur le tout. Ce sont les armes de 1268 à 1393, car Janus de Lusignan était roi de Chypre, de Jérusalem et d'Arménie et portait écartelé, en 1 d'argent, à la croix potencée d'or, cantonnée de quatre croisettes du même, en 2 burelé d'argent et d'azur de huit pièces, au lion de gueules, armé, lampassé et couronné d'or, brochant sur le tout, en 3 d'or au lion de gueules, armé, lampassé et couronné d'azur et en 4 d'argent au lion de gueules, armé, lampassé et couronné d'or. (Wikipédia)
Le blason de Charlotte comporte le blason des comtes de la Marche qui est d'azur à trois fleurs de lys d'or à la bande de gueules chargée de trois lions léopardés d'argent
— Fond damassé vert à rinceaux et oiseaux.
— Architecture : à gauche, un apôtre tenant un couteau (Barthélémy) ou le manche d'un ?. A droite ?
3b : registre intermédiaire : Janus de Lusignan et de Charlotte de Bourbon, présentés par saint Louis.
Janus de Lusignan (1375-1432), roi de Chypre de Jérusalem et d'Arménie se maria en 1411 avec Charlotte de Bourbon (1388-1422), sœur du fondateur.
Saint Louis a été qualifié de "figure tutélaire de la maison de Bourbon" (Françoise Perrot, Exposition Espérance, le mécénat religieux à la fin de Moyen-Âge, Souvigny 2001). En effet, la Maison de Bourbon est issue de Robert de Clermont (1257-1318), sixième fils de Louis IX, dit Saint Louis.
D'autre part, Louis est le prénom du donateur, prénom très usité dans la famille de Bourbon à coté de ceux de Jean et de Charles.
— Fond damassé vert à motif inspiré des lampas de Lucques (oiseaux).
— Architecture en grisaille: deux apôtres (attributs cachés par la barlotière)
4. Quatrième lancette : Louis de Bourbon-Vendôme et Blanche de Roucy.
4a Armoiries.
-Armoiries de Louis de Bourbon-Vendôme : écartelé, aux 1 et 4 de France brisé d'une bande de gueules chargée de trois lionceaux d'argent, qui est Bourbon-La Marche, aux 2 et 3 d'argent au chef de gueules, au lion d'azur brochant armé et lampassé d'or, qui est Vendôme.
-Armoiries de Roucy : d'or au lion d'azur lampassé de gueules
—Fond damassé pourpre à feuillages et oiseaux affrontés inspiré des lampas de Lucques.
— Architecture en grisaille: personnage à gauche (tenant un livre) et apôtre Thomas à droite.
4b: registre intermédiaire : Louis de Bourbon-Vendôme et Blanche de Roucy présentés par saint Rémi.
Les fondateurs, Louis de Bourbon et sa première épouse, avec saint Rémi.
Louis Ier de Bourbon-Vendôme (1376-1446), cousin du roi Charles VII, comte de Vendôme, de Chartres (titre reçu en 1425 mais jamais confirmé), de la Marche en 1438, seigneur de Mondoubleau, d'Epernon et de Rémalard, Grand Chambellan de France en 1408, souverain maître d'hôtel du roi en 1413, gouverneur de Picardie, de Champagne et de Brie, épousa le 14 décembre 1412 Blanche de Roucy, décédée sans postérité en 1421., fille de Hugues II Comte de Roucy et de Blanche de Coucy, puis en 1424 Jeanne de Laval, fille de Guy XIII Sire de Laval et de Anne de Laval, mariage dont il eut un fils, Jean III comte de Vendôme (1428-1477) et fidèle de Charles VII. Son descendant Henri de Bourbon duc de Vendôme deviendra le bon roi Henri IV.
Saint Rémi est, comme évêque de Reims où les rois de France sont sacrés et oint, le principal tutélaire de la monarchie française. La présence de saint Denis, tutélaire de la nécropole des rois et de saint Rémi, tutélaire de leur sacre, place cette donation sous le signe du combat mené par les Armagnacs pour conduire le dauphin Charles au trône (ce dernier sera roi sous le nom de Charles VII en 1422).
Le dessin est entièrement du au restaurateur, y compris la sainte ampoule que présente saint Rémi, et sans-doute l'inscription S. REMY. La sainte ampoule était censée contenir l'huile qui avait sacrée Clovis et qu'une colombe avait apporté au saint.
— Fond damassé bleu à motif floral large.
— Architecture : apôtre André à gauche (la croix) et ? à droite.
La relevé effectué par Gaignères :
REGISTRE SUPÉRIEUR .
Couronnement de la Vierge et Christ Sauveur, entourés de saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Évangéliste. Leur présence est sans-doute due au prénom du père de Louis de Bourbon-Vendôme, Jean de Bourbon la Marche.
Première lancette : saint Jean-Baptiste.
— Fond damassé bleu à fleurs larges et fleuron vert (jaune d'argent).
— Architecture : à gauche, l'apôtre Thomas et ? tenant un bâton ou une hampe.
Deuxième lancette. Couronnement de la Vierge.
— Fond damassé vert selon le style des lampas de Lucques à oiseaux ; boules à étoiles rouges.
— Architecture en grisaille : apôtres Jacques ?? (bâton) et Philippe (croix latine à hampe)
Comparer avec la Rose de la baie du Mans :
Troisième lancette. Christ Sauveur.
— Fond : damassé vert selon le style des lampas de Lucques à oiseaux ; boules à étoiles rouges.
— Architecture en grisaille : personnage à gauche et Jacques le mineur (bâton de foulon) à droite.
— Le Christ Sauveur qui tient le globus cruciger et trace sa bénédiction sur le Monde est couronné.
Comparer avec la Rose de la baie du Mans :
Quatrième lancette : saint Jean l'évangéliste.
— Saint Jean, imberbe, nimbé de rouge, vêtu d'une robe rouge et d'un manteau bleu à revers vert tient la coupe de poison d'où sortent la tête et la queue de deux serpents.
— Fond damassé rouge à feuillages stylisés à gros motif et parsemé boules à motif d'étoile rouge.
— Architecture : personnages non identifiés.
Récapitulatif des apôtres : Pierre, Paul ou Matthieu, André, Thomas, Philippe, Jacques le mineur, Barthélémy.
TYMPAN.
Composé de douze ajours et de 18 écoinçons, il associe dans le registre inférieur les trois quadrilobes d'une Passion à des scènes d'un Jugement Dernier, et dans le registre supérieur un Christ ressuscité au sommet, adoré par la Vierge et saint Jean tandis que deux anges sonnent à droite et à gauche l'heure du Jugement de leur trompette.
Registre inférieur.
Au centre du tympan, le Christ en croix sous le soleil et la lune et le titulus INRI : il est couronné d'épines et ceint du perizonium. Deux anges recueillent le Précieux Sang et trois autres (en bleu) le vénèrent.
A sa gauche, Marie-Madeleine et la Vierge (toutes les deux en manteau damassé) et saint Jean ainsi qu'une Sainte Femme.
Scènes de résurrection lors du Jour du Seigneur : deux hommes sortent du tombeau, mains jointes ou bras écartés. Plus près de la croix, un pape coiffé de la tiare à trois couronnes se dresse également.
Rose du Mans (cliquez pour agrandir): scènes de résurrection des morts :
A droite de la croix, suite de la Passion : pas moins de neuf personnages parmi lesquels on tente de reconnaître le Bon Centurion qui prononce les mots inscrits sur la banderole : Vere Filius Dei est hic, "Vraiment celui-ci était le Fils de Dieu". Chacune des coiffures est curieuse à détailler.
Un cardinal, nu en dehors de la pourpre cardinalice de son galero, sort du tombeau. Une femme au longs cheveux, vêtue d'un linceul, se dresse également.
Le Christ ressuscité, au nimbe crucifère, assis sur un arc-en-ciel, présente les plaies de ses mains, de son flanc et de ses pieds; il est encadré par trois anges dans la mouchette, et par quatre anges dans les ajours, dont deux présentent les instruments de sa Passion.
Comparez au Christ de la Rose du Mans : là aussi le Christ porte un nimbe crucifère et est assis sur un arc-en-ciel ; il présente les plaies de ses mains.
Mécène, donateur, commanditaire ou concepteur : le thème iconographique.
S'il est bien attesté que Louis Ier de Bourbon-Vendôme est le fondateur de la chapelle, rien n'indique si d'autres donateurs ont participé à l'établissement de la verrière. Surtout, rien n'indique non plus qu'il ait choisi l'iconographie de cette dernière. En captivité depuis 1415, il n'a pu être consulté lors de la construction de la chapelle en 1417.
Il est donc probable que le choix de faire figurer à ses cotés d'autre membres de sa famille, et de consacrer la verrière au thème central du Couronnement de la Vierge complété dans le tympan à une Passion et un Jugement Dernier, soit imputable aux chanoines de la cathédrale de Chartres par leur Chapitre.
Deux interprétations au moins sont envisageables :
Soit la famille de Bourbon-Vendôme souhaite souligner ses liens avec l'essence de la royauté comme signe de l'élection divine, rappeler qu'elle descend de saint Louis, en lequel fusionne les deux valeurs de royauté et de sainteté, ou qu'elle comprend parmi ses membres des têtes couronnées sur le royaume de Jérusalem (nouveau lien avec le divin), de Naples, de Sicile et de Hongrie. Ce sentiment d'élection divine ou de sang royale lui impose une exigence d'excellence religieuse et morale et elle élève ses enfants à cette "escolle de vertu et de perfection" (1505, Suzanne de Bourbon). La verrière se lit alors en considérant les huit donateurs irradiés par la grâce diffusée par la scène princeps du Couronnement de Marie et du Christ-Roi, et revendiquant à travers leurs pieuses attitudes le privilège de cette proximité avec Dieu, la Vierge et ses saints.
Soit le chapitre cathédral de Chartres décide souverainement de l'usage qu'il fait des fonds reçus par donation et choisit le thème iconographique en fonction de ses préoccupations théologiques ou de la défense de ses propres intérêts : tout en rendant hommage aux donateurs, il place au dessus d'eux le Jugement divin, rappelle la vanité des gloires mortelles, et souligne que toute royauté ici-bas n'est qu'une délégation de la Royauté divine. Plaçant les apôtres dans l'encadrement en grisaille des donateurs, il illustre la place de l'Église et le rôle des clercs comme conseillers des princes.
Datation :
La construction de la chapelle ayant débuté en 1417, et Jacques de Bourbon ayant quitté Jeanne de Naples en 1419, les verrières ont pu être réalisées en 1418-1419.
Stylistique :
Je ne dispose pas d'éléments bibliographiques à ce sujet. Le profond remaniement dû aux restaurations successives limitent la portée des constatations faites sur la vitre existante. Je remarque, à mon petit niveau, l'usage des fonds damassés parsemés de boules colorées, beaucoup de ces fonds comportant les oiseaux affrontés qui témoignent de l'influence des soieries de Lucques. A la différence de la baie du Mans, et d'autres vitres contemporaines de l'ouest de la France, les pupilles ne sont pas rehaussées de jaune d'argent.
Rapprochement avec la baie du transept nord de la cathédrale du Mans.
J'ai mené au fur et à mesure ce rapprochement qui concerne la disposition des donateurs, les donations au chapitre, le contexte historique lors de la Guerre de Cent Ans et la présence des Anglais dans les villes ou le conflit entre Armagnacs et Bourguignons. La présence de saint Denis, de saint Rémi et de saint Louis à Chartres m'incite à penser que les deux saints mal identifiés au Mans à coté de saint Louis sont, là aussi, Denis et Rémi. Inversement, le Credo apostolique du Mans me fait observer avec plus d'attention la présence des apôtres avec d'autres personnages (prophètes ?) dans l'encadrement de grisaille. A Chartres, le tympan semble la copie au brouillon de la Rose du Mans, et on mesure combien le thème de la Passion fait perdre de la cohérence à l'ensemble placé sous le signe du Christ Roi, Sauveur et Juge ; mais parmi l'ensemble des couronne dorées de la baie 40, la couronne d'épine souligne le paradoxe de la Croix.
L'une des différences est l'absence à Chartres de toute donnée épigraphique, alors qu'outre les articles du Credo, les versets des Psaumes et les prières qui sont encore déchiffrables sur les livres d'Heures commentent l'état d'âme des donateurs, et que les citations du Gloria et de l'Agnus Dei de la Rose précisent la double dimension de Gloire et de Rédemption du Christ Roi.
Les éléments stylistiques communs que j'ai su remarquer sont ceux qui concernent les fonds damassés. L'étude des visages et des drapés, ou les techniques de peinture dépassent mes compétences, mais, là encore, les verres originaux sont trop rares pour renseigner le chercheur. L'étude des vêtements et des coiffures dans une comparaison avec celle du Mans reste à mener.
Sources et liens.
— Ernest de Buchère de Lépinois - 1858 - Histoire de Chartres volume 2.
— http://vitrail.ndoduc.com/vitraux/htm6101/ND@Chartres_40.php
— http://www.cathedrale-chartres.fr/vitraux/vitrail_chapelle_vendome/index.htm
— Pages perso de Stephane Thomas : Branche des comtes de la Marche
http://stephane.thomas.pagesperso-orange.fr/capetien/bourbon_marche.html
— MONFAUCON (R.P. Bernard de ) Les monumens de la monarchie française qui comprennent l'histoire de France Vol. 3 Page 191
Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Vitraux_de_Chartres#Chapelle_de_Vend.C3.B4me