Le "Lièvre aux pattes croisées de fatigue"
de Per Jaïn.
Exposition l'Art brut à l'Ouest à la Bibliothèque d'Étude de Brest ; commissaire Françoise Daniel.
Merci aux organisateurs pour cette belle exposition, et merci à la famille de Pierre Jaïn pour leur autorisation à publier ces images de leur collection.
1. "Le Lièvre aux pattes croisées de fatigue".
Lui, fatigué ? Bien qu'il soit malséant d'utiliser à propos de ce lièvre un terme qui rappelle celui de renard, je le décrirais plutôt comme goguenard. Oui oui, c'est vraiment Le Goguenard, avec tout ce que le mot, qui vient, paraît-il, de faire goguette, "se régaler", être en goguette, "être de bonne humeur", et surtout de l'ancien français gogue, "plaisanterie, raillerie", porte avec lui de taquinerie moqueuse.
Monsieur est goguenard, il se marre in petto, c'est, avec son oreille gauche crânement inclinée, ses moustaches gasconnes, un bon vivant dont le meilleur passe-temps est de s'adosser contre le mur de son gîte et de vous regarder. Vous contempler le met en joie. Deviner votre prochaine bévue fait ses délices. Attendre patiemment que vous posiez le pied sur le râteau oublié dans l'herbe, ou que vous vous aperceviez que vous avez encore oublié vos clefs, constitue pour lui un bonheur gourmand et que vous savez renouveler avec, à son goût, un art consommé ; Monsieur est expert, il sait apprécier à sa valeur la manière dont vous vous y prenez pour arroser vos plates-bandes alors qu'il sait pertinemment qu'il va bientôt pleuvoir.
Plaisantin, il s'ingénie à vous poser un lapin.
Avec cela, le meilleur voisin du monde.
C'est à dessein qu'il a choisi ce titre : adepte du contre-pied, pour ne pas dire de la contrepèterie, il manie l'humour aussi bien que Magritte avec sa pipe. Et mine de rien, beaucoup de nos poètes farceur, nos Prévert, Dac, Queneau et notre La Fontaine, le jalousent car ils auraient bien aimé avoir le "Lièvre aux pattes croisées de fatigue" parmi les titres de leur catalogue.
Ce Lièvre se suffit bien à lui-même. Qu'ai-je besoin de rajouter autre chose ? Je suis comme ma tante qui a toujours peur que les gens finissent son repas avec un petit creux. Alors je vous ai préparé :
En Deux, et du même auteur, La Femme et le Dragon.
Et en Trois, la Vierge de Victoire.
Cette exposition présente des œuvres de l'abbé Fouré, l'ermite de Rothéneuf, l' auteur des fameux rochers sculptés de Rothéneuf (entre Cancale et Saint-Malo), et des photographies de Gilles Ehrmann, mais je me suis intéressé à ces sculptures d'un agriculteur de Kerlaz (près de Douarnenez) Pierre Jaïn dit Per Jaïn ( 1904-1967), sculpteur sur bois, pierre et os, et connu également pour un petit orchestre de percussions bricolées qu'il avait installées à l'arrière de son jardin dans sa ferme à Kerlaz.
Son lièvre est présenté avec le panneau suivant : Lièvre aux pattes croisées de fatigue, entre 1955 et 1965 ; Bois sculpté, H. 72,5cm. Collection particulière. Animal aux significations multiples, le lièvre ou le lapin est symbole de fécondité, mais aussi de mauvaise augure.Ici, Pierre Jaïn personnifie un ami et voisin, reconnu pour son caractère facétieux et se moqueries (faisait-il "marcher" voire courir les gens ?) "
La Femme et le Dragon : œuvre présentée ainsi : "souche d'arbre sculptèe et peinte (rouge, vert, bleu), H :52 cm. Collection particulière."
La Vierge de Victoire : "entre 1956 et 1965. Bois sculpté et peint (rouge, jaune, bleu). H : 112 cm. Collection particulière. Cette sculpture polychrome est une interprétation très personnelle d'une Vierge de la Victoire, peinture sur verre espagnole du XVIIe siècle reproduite sur une carte-postale couleur détenue par l'artiste. A l'exception de la colombe du Saint-Esprit, on y retrouve des motifs floraux souvent employés par l'artiste".
Je n'ai mis ici que trois tronçons de cette exposition : qu'attendez-vous ? Prenez vos jambes à votre cou et courez à la Bibliothèque de Brest voir la suite !