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18 août 2014 1 18 /08 /août /2014 18:30

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale Notre-Dame de l'Annonciation de Moulins :  remise en cause du modèle de Suger à Saint-Denis ou argumentation de l'Immaculée Conception ?

 Voir dans ce blog lavieb-aile les articles consacrés aux Arbres de Jessé de Bretagne:  

Les sculptures :

Et les vitraux : 

Et en comparaison avec les œuvres bretonnes :


    Après y avoir lu les surprenants mots PANTHER et BARPANTHER, j'ai été étonné, après ma visite de la cathédrale de Moulins, de ne trouver que des descriptions vagues du vitrail de l'Arbre de Jessé : certes j'apprenais dans l'encyclopédie Wikipédia que " le vitrail qui orne l'ancienne chapelle des seigneurs de Lécluse montre, en bas, l'arbre de Jessé, donnant la généalogie de tous les ancêtres de la Vierge et du Christ depuis le roi David. La partie supérieure représente la légende de saint Joachim et sainte Anne". Le document de la série "Laissez-vous conter" du Service du Patrimoine m'informait que "le vitrail est dédié à la Conception Immaculée de Marie ; si le dogme fut défini au XIXe siècle, , la ferveur pour l'Immaculée Conception se manifesta dès le XVe siècle, spécialement chez les Bourbons". 

  Quand au panonceau, certainement assez ancien, placé par le Syndicat d'Initiative devant le vitrail, il n'était guère plus précis.

   Pourtant, une rapide inspection montre que, s'il s'agit bien d'un Arbre de Jessé, celui-ci est tout à fait particulier : il s'agit presque du contre-pied des arbres habituels, et il témoigne d'une réflexion approfondie et d'un parti-pris théologique qu'il est passionnant de découvrir , puisqu'il honore Joseph et Joachim et leurs ancêtres présumés.

 

  Le premier vitrail au monde de l'Arbre de Jessé, celui qui en a créé le prototype, est, on le sait, celui de Suger à la basilique de Saint-Denis en 1144. Jessé y est allongé, surmonté dans un alignement vertical de son fils le roi David, de deux autres rois, de la Vierge et du Christ entouré de sept colombes de l'Esprit, tandis que six prophètes de chaque coté se chargent de faire comprendre que l'Incarnation (Nouveau Testament) est annoncée et préparée par les prophéties de l'Ancien Testament et par le déroulement historique du Royaume de Juda.

  Cet arbre met en effet en image l'affirmation que Jésus est, par la Vierge, de la maison de David, et qu'il réalise les prophéties d'Isaïe  Isaïe Is 11,1, Egredietur virga de radice Jesse, e flos de radice eius ascendet  " Puis un rameau sortira du tronc d’Isaïe, et un rejeton naîtra de ses racines " et Isaïe 7,14  Ecce virgo concipiet et pariet filium "Voici que la Vierge a conçu, et elle enfante un fils".  Ce vitrail, qui éclaire la chapelle axiale de Saint-Denis, occupe la place de choix dans la basilique royale (nécropole des rois de France qui détient les régalia) établit un lien entre les rois de Juda et la dynastie carolingienne et capétienne pour souligner que ces royautés obéissent à un dessein divin; il attribue un rôle capital à la Vierge comme médiatrice et porte à croire que celle-ci est une descendante de Jessé et de David. En résumé, l'abbé Suger y exposait l'importance de la démarche typologique ( le Nouveau Testament s'enracine dans l'Ancien) ; l'importance du culte de Marie ; l'importance de la lignée royale de David dans l'ascendance du Christ.

  L'éviction de Joseph par Suger.

Le motif en est tellement habituel à nos yeux que nous ne percevons plus qu'il repose sur un raccourci, voire un subterfuge : celui qui a consisté a transformer les généalogies de Jésus affirmant qu'il est le fils de Joseph, lui-même "de la maison de David" par la succession des ancêtres dûment énumérés par les évangiles de Matthieu et de Luc, en une généalogie de Marie. Joseph y est purement escamoté, et l'image laisse croire que c'est Marie qui est l'héritière du trône de David, ce qu'aucun texte des Écritures n'affirme. Une infidélité frappante aux textes évangéliques, bien acceptée aux XII et XIIIe siècle, mais qui, à l'aube de la Réforme et dans un siècle qui étudie les textes de près et remonte à leurs sources, nécessitait de devenir plus argumentée.

   Les difficultés d'interprétation des textes évangéliques sur la généalogie du Christ et celle de la Vierge préoccupaient en réalité les théologiens depuis les premiers siècles, et une argumentation longue, complexe voire alambiquée avait été développée par Léon l'Africain, Jean Damascène ou Augustin. Parallèlement, les textes légendaires apocryphes avaient proposé des récits certes non fondés, mais très séduisants pour combler les "déficits" des textes évangéliques et ils avaient attribués avec verve à Marie des parents (Anne et Joachim), une naissance miraculeuse, une enfance vouée à Dieu et une virginité déterminée alors qu'ils attribuaient à Joseph un âge élevé, une profession de charpentier, des fils, tout en en donnant une image dévalorisée. Puisant à ces sources, au culte naissant de Joachim — son nom apparaît dans les martyrologes dès la fin du XVe siècle le 9 décembre,  et sa fête sera instituée le 20 mars en 1510 par Jules II — et aux textes de Damascène lues lors de sa fête, les concepteurs du vitrail de Moulins ont proposé un Arbre de Jessé mieux argumenté.

 

 Ici, à Moulins, l'artiste ou son commanditaire a créé un compromis : tout en maintenant la Vierge à la place centrale entre Jessé et Jésus, il a placé Joseph à gauche du Christ comme l'aboutissement de la généalogie selon Matthieu, et il a placé  à sa droite Joachim, père de Marie, dans une lignée selon Damascène tentant de prouver que Joachim est aussi "de la maison de David".

 


  Loin d'organiser douze rois de Juda sur l'arbre qui naît de Jessé et qui mène au Christ pour en illustrer la généalogie (David, Salomon, Roboam, Abia, etc...),  on observe un axe vertical faisant se succéder Jessé, puis David à cheval, la Vierge et l'Enfant-Jésus, et de chaque coté, outre trois Prophètes ou Patriarches entourant Jessé, cinq personnages à gauche et cinq personnages à droite qui, lorsque leur nom est indiqué, ne correspondent pas à l'ordonnancement habituel.

 En effet, nous trouvons du coté gauche la séquence [Salomon], Roboam, Mathan puis Jacob menant, près du Christ, à Joseph. Celle-ci reproduit la liste de l'évangile de Matthieu Mt 1,7-16 : David - Salomon - Roboam - [ Abia - Asa - Josaphat - Joram -Ozias - Joatham - Achaz - Ézéchias - Manassé - Amon - Josias - Jeconiah - Salathiel - Zorobabel - Abioud - Eliaqim - Azor - Sadoq - Ahim - Elioud - Eléazar ]- Matthan - Jacob - Joseph - Jésus.

   Pourtant, ce coté gauche reste encore assez conventionnel si on le compare au coté droit, où le visiteur déchiffre les noms de (N)athan, Mathat , Panther et  Barpanther, puis Joachim près de Jésus face à Joseph.

 Les premiers noms correspondent sans-doute à la Généalogie de Jésus selon l'évangile de Luc,  Lc 3,23-31, généalogie qui ne suit pas la séquence des rois de Juda à partir de Salomon, mais qui passe par son frère aîné Nathan, autre fils de David :

David - Nathan - Mathatha - Menna - Méléa - Eliaqim - Yonam - Joseph - Juda - Simeon - Lévi - Matthath - Yorim - Eliézer - Jésus - Er - Elmadam - Kosam - Addi - Melki - Néri - Salathiel - Zorobabel - Rhésa - Yoanan - Yoda - Yoseh - Sémeïn - Mattathias - Maath - Naggaï - Esli - Nahoun - Amos - Mattathias - Joseph - Yannaï - Melki - Lévi - Matthath - Heli- Joseph - Jésus.

   Mais cette liste est ici détournée pour devenir une généalogie du Christ par Joachim, père (selon la Loi mais non selon la chair) de la Vierge Marie : il s'agit désormais d'une généalogie de Marie, et non de Joseph. 

Les Arbres de Jessé de Saint-Denis, Chartres, Soissons, Beauvais, Le Mans etc... :

Jésus

Joseph  Marie

Autres rois de Juda (Roboam, Abia - Asa - Josaphat - Joram -Ozias - Joatham - Achaz - Ézéchias - Manassé) 

Salomon

David

Jessé

 

L'Arbre de Jessé de la cathédrale de Moulins :

                   Jésus

Joseph ------Marie--------Joachim

Jacob----------------------- Barpanther

Mathan ---------------------Panther

Roboam --------------------Matthatha

Salomon--------------------Nathan 

                  David

                  Jessé

Trois Prophètes (Isaïe ? Jérémie ?) ou Patriarches (Abraham ? Booz ? Obed ? ).


   Bien-entendu, le commanditaire de Moulins ne pouvait pas faire réaliser un vitrail dans lequel Joseph, digne successeur de Jessé et de douze rois de Juda, aurait figuré, torse nu, en tablier de menuisier, tenant dans ses bras musclés son fils Jésus qu'il aurait présenté avec fierté au monde : "Voilà le rejeton de la racine de Jessé !" Une telle image, pourtant conforme aux textes évangéliques, n'était plus, après Suger, acceptable. 

Pour rendre une place aux hommes (les seuls à compter dans une généalogie valide dans le monde hébraïque), il fallait passer par Joachim, tout aussi effacé que Joseph mais époux de sainte Anne.

  Mais, direz-vous, quels sont ces noms barbares de Panther et Barpanther qui lui servent d'ancêtres? Il proviennent des écrits de Jean Damascène, mais avant de répondre, mes explications étant déjà suffisamment absconses, partons à la découverte du vitrail lui-même.

 


Le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Moulins ou Baie 4 : description.

 Ce vitrail éclaire la chapelle de la Conception fondée en 1474 par le duc Jean II, le thème de l'Immaculée Conception de la Vierge étant cher à deux duchesses de Bourbon, Jeanne et Anne de France.  

  Il comporte un tympan illustrant la vie de sainte Anne et de son époux Joachim, et deux lancettes trilobées jumelles, dont seule celle de gauche est ancienne, la lancette droite, moderne, exécutée par Jean Bony en 1956 étant consacrée aux litanies de la Vierge et à sainte Anne portant la Vierge dans son ventre. Toute la lancette droite avait été détruite en totalité, et j'ignore ce qu'elle représentait jadis, et B. Kurmann-Schwarz suggère qu'elle fut détruite à la Révolution parce qu'y figuraient les donateurs et leurs armoiries. Gatouillat et Hérold indique que "selon le conseiller Jacques Imbert de Balorre (1730-1793), la lancette droite contenait au XVIIIe siècle les armoiries des familles Cadier, Petitdé [donateurs de la baie 2 de la Vierge] et Le Tailleur [donateurs de la baie 9 du Calvaire et du Jugement Dernier], probablement regroupés par les soins des vitriers (Du Broc de Segange 1901 p.8) ". 

Il mesure 3,96 m de haut et 1,75 m de large et date de 1480-1456 (Gatouillat, 2011).

      Selon Marie Litaudon (Moulins en 1660), ce vitrail ne proviendrait pas d'une commande personnelle du duc, mais aurait été offert par les descendants de Jean Cadier  et de Marguerite Camus. Plusieurs personnes ont porté le nom de Jean Cadier dans l'entourage proche de duc de Bourbon : Jean Cadier II / Jeanne d'Augère bienfaitrice de l'église de Moulins (encore vivante en 1453) ; Jean Cadier III / Marguerite de Lare ; Jean Cadier, écuyer et trésorier général du duché de Bourbonnois. Le vitrail de la baie 2 a été offert par Nicolas Petitdé, gouverneur général des finances du duc Jean II de 1480 à 1486 : il est le fils de Pierre Petitdé et de Barbe (?) Cadier. Leurs armes sont "mi-parti d’azur à trois pennons de gueules, la hampe d’or, la pointe d’argent,  et d’azur au rencontre de cerf d’or". Leur devise était "Iarait le bout" (J'aurais le bout). 

En 1474, Louis XI est roi de France depuis 1461 ; le  sixième duc de Bourbon  est Jean II le Bon  (1456-1488), époux de Jeanne de France fille de Charles VII dont il fut un favori , grand chambrier de Louis XI, puis connétable de Charles VIII . 

Ajoutons que ce vitrail, comme tout arbre de Jessé, est une mise en image de l'incipit de l'Évangile de Matthieu Mt 1:1 "Généalogie de Jésus, fils de David".


                          131c

 

La lancette de Gauche : l'Arbre de Jessé.

Cette lancette comporte cinq panneaux, mais le dessin s'établit plus irrégulièrement, sur quatre registres. En bas se trouve une inscription, puis Jessé est assis, entouré de trois personnages debout. Au dessus, un roi à cheval est entouré de deux personnages. La Vierge occupe les panneaux sus-jacents, elle aussi entourée de six personnages. Enfin, l'Enfant-Jésus occupe le sommet, au centre de rayons d'or, adoré par deux derniers personnages.

                                118c

I. Premier registre. Inscription ; Jessé entouré de trois personnages.

      "La partie inférieure a subi de graves mutilations. C'est là où le vitrier a introduit une inscription mutilée qui n'a aucun rapport avec l'arbre de Jessé." (Du Broc de Segange) Le visage de Jessé était détruit et a été restauré.

Au centre, Jessé, assis, fait un songe. De sa poitrine naît le tronc vert qui va se développer pour former son Arbre.

   Les deux personnages à sa gauche et celui de droite portent de longues barbes, des bonnets de prêtre juif et des franges rituelles : on peut supposer qu'il s'agit des prophètes Isaïe et Jérémie (qui occupent cette place dans de nombreux Arbres de Jessé), et/ou des Patriarches ancêtres de Jessé comme Abraham. Isaïe (Esaïe) y a sa place en raison des versets 

  • Ésaïe 9:6 "Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, Et la domination reposera sur son épaule; On l'appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix."
  • Ésaïe 11:1 "Puis un rameau sortira du tronc d'Isaï [Jessé], Et un rejeton naîtra de ses racines."

Mais on peut aussi y imaginer la présence du prophète Nathan, car c'est sur sa Prophétie faite à David qu'est née toute la problématique imposant de démontrer que le Christ est bien un descendant de David. 

Nathan et la "Maison de David".

  1. Bethléem "ville de David".

L'histoire commence (Premier Livre de Samuel 1 Sa:16) à Bethléem, où vit Jessé (adaptation du nom "Isaï") qui y fait paître ses brebis. Yahvé y conduit son prophète Samuel afin de désigner pour le trône un successeur pour Saül, qui déplaît souverainement à Dieu. Parmi les huit fils de Jessé, Dieu par Samuel interposé choisit le cadet, le berger David, et il l'oint d'huile. 

C'est donc ce texte qui fixe Bethléem comme berceau de la dynastie de David, et c'est très important car c'est ce qui va imposer aux évangélistes de montrer que Jésus est bien né à Bethléem. D'où l'épisode Luc 2:1-4 du recensement, Marie et Joseph qui habitent à Nazareth en Galilée devant se rendre à Bethléem : "Joseph aussi monta de la Galilée, de la ville de Nazareth, pour se rendre en Judée, dans la ville de David, appelée Bethléhem, parce qu'il était de la maison et de la famille de David,". Voir aussi Mt.2

2. David à l'origine d'une dynastie d'où viendra le Messie.

L'histoire se poursuit dans le second Livre de Samuel 2Sa:7,1-12, où le prophète Nathan reçoit dans un songe un message divin lui demandant d'annoncer à David que si lui-même, Yahvé, n'a pas besoin de maison (il a vécu dans son tabernacle de cèdre sous la tente depuis Moïse, c'est un nomade), il fait la promesse au roi David de lui établir une maison qui perdurera après sa mort. On comprend alors que Dieu joue sur les mots et qu'il parle de "maison" au sens de lignée généalogique — pour un roi, de sa dynastie. Toutes les références de l'évangile ou des textes liturgiques à la "maison de David" prennent ici leur origine, dans ce jeu de mot où la maison n'est plus spatiale mais temporelle. Toute image de l'Arbre de Jessé est basée sur le verset 2 Sa 7:12-13 :

12 Quand tes jours seront accomplis et que tu seras couché avec tes pères, j'élèverai ta postérité après toi, celui qui sera sorti de tes entrailles, et j'affermirai son règne.

13 Ce sera lui qui bâtira une maison à mon nom, et j'affermirai pour toujours le trône de son royaume.

 

Ces versets sont repris pas le Psaume 89 (Ps 89:3 "J'ai fait alliance avec mon élu; Voici ce que j'ai juré à David, mon serviteur" et Ps 89:30 "Je rendrai sa postérité éternelle", mais surtout par le prophète Michée Mi:5,1 :

 «Et toi, Bethléhem Ephrata  la plus petite des villes de Juda, de toi il sortira pour moi celui qui régnera sur Israël! Son origine remonte aux temps passés, aux jours anciens»

On peut citer également les allusions suivantes à cette promesse:

  • Psaume 132:11 "L'Eternel a juré la vérité à David, Il n'en reviendra pas; Je mettrai sur ton trône un fruit de tes entrailles."
  • Luc 1:32 "Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père."
  • Luc 1:69 "Et nous a suscité un puissant Sauveur Dans la maison de David, son serviteur,"
  • Jean 7:42 "L'Ecriture ne dit-elle pas que c'est de la postérité de David, et du village de Bethléhem, où était David, que le Christ doit venir?"
  • Actes 13:23 "C'est de la postérité de David que Dieu, selon sa promesse, a suscité à Israël un Sauveur, qui est Jésus."
  • Romains 1:3  "et qui concerne son Fils né de la postérité de David, selon la chair,"
  • 2 Timothée 2:8 "Souviens-toi de Jésus-Christ, issu de la postérité de David, ressuscité des morts, selon mon Evangile,"
  • Apocalypse 22:16 "Moi, Jésus, j'ai envoyé mon ange pour vous attester ces choses dans les Eglises. Je suis le rejeton et la postérité de David, l'étoile brillante du matin."

Il est donc possible que Nathan figure parmi les trois personnages autour de Jessé.


MG 7344c

 

MG 7341c

 

     Inscription.

L'inscription semble tracée dans la même écriture que les autres inscriptions du vitrail.

a) Les deux premières lignes reproduisent les versets 5 et 6 du Psaume 45 : 

Flúminis ímpetus letíficat civitátem Dei : sanctificávit tabernáculu(m) suum Alt(íssimus). "Il est un fleuve dont les courants réjouissent la cité de Dieu, le sanctuaire des demeures du Très-Haut".  La lignée généalogique de Jessé et de ses descendants, ou "Maison de David" de la Tribu de Juda est-elle assimilé à ce fleuve ?  Non, il faut interpréter ces versets en les appliquent à la Vierge, qui par sa conception immaculée devient "le fleuve qui réjouit la cité de Dieu par ses flots abondants" et dont "le Très Haut a sanctifié [le] tabernacle". Ils appartiennent au IIe Nocturne du Petit Office de la Sainte Vierge (Bréviaire romain après le Concile de Trente), ou à la liturgie de la Fête de la Nativité. (Il sont aussi chanté lors des fêtes des vierges et martyres).

b) la suite du texte, difficile à transcrire et encore plus à traduire, ne correspond à aucune origine scrpturaire connue ; mais les mots "sordescere", "peccati lues", incitent à y voir un commentaire sur l a façon dont la Vierge échappe à la transmission du péché originel comparé à une souillure, une contagion inévitable au genre humain.

Ulla non potuit sordescere*  mansio [domini]

Peccati lue[s]**  mortis originis aut v[ite culpa]-

Quam si pollueret - non flamin--us

Nec si sorderet hec sanctificata (domus)

Is qui adversa docet Recte voc[-] [aret suam] ---

*Sordescere = "être souillé"    de sordesco, "se salir".

** peccati lues : "fleau, contagion du péché"

(partiellement inspiré de la transcription de J. Clément, La cathédrale de Moulins, 1923 page 21, et de M.E. Bruel 2011)    

      Jessé.

La tradition iconographique a d'abord représenté Jessé couché, au XII et XIIIe siècle, avant de le représenter assis, mais toujours dans l'attitude du Songeur Inspiré, les yeux clos et la tête inclinée supportée par la main droite. Ici, il est vêtu comme un roi (doublure d'hermine), alors qu'il n'a jamais accédé au trône comme son fils David. Le tronc vert de son arbre généalogique part de sa poitrine (et non d'un peu plus bas comme dans les premiers Arbres).

MG 7342c

 

Deuxième registre Le roi David à cheval et deux personnages.

Au centre, le roi David (tête refaite), couronné, tenant le sceptre, vêtu d'un manteau rouge à revers or doublé d'hermine, chevauchant un palefroi de parade blanc à l'harnachement et aux éperons d'or. Le sabot antérieur gauche est posé sur la fourche de l'Arbre de Jessé. Inscription DAVID en lettres onciales. Le manteau se déploie  sur les deux coté en larges pans qui sont retenus par les deux autres personnages.

A gauche, personnage dont le nom n'est pas inscrit (ou a été détruit). Il n'est pas couronné, mais porte un sceptre qui incite à y voir Salomon, le fils de David et son successeur sur le trône de Juda. Il porte un manteau royal bleu doublé d'hermine.

A droite, inscription  (N)ATHAN. Celui-ci porte le manteau royal bleu doublé d'hermine identique à celui de son vis à vis, sur un plastron d'or damassé.

Les trois têtes sont dues au restaurateur Chigot.

MG 7345c

 

MG 7343c7

 

 

Troisième registre : la vierge et six personnages.

La Vierge de l'Apocalypse*, longs cheveux recouverts d'un voile, manteau bleu, mains jointes, posture légèrement hanchée, les pieds posés sur un croissant de lune. On notera que la Vierge n'est donc pas posée sur une branche de l'Arbre, dont les branches s'écartent vers les deux lignées latérales. Visage restauré.

 On peut la comparer à la Vierge du fameux Triptyque du Maître de Moulins (vers 1501) commandée par le duc Pierre II : il s'agit aussi d'une Vierge de l'Apocalypse, avec son croissant de lune, mais qui est couronnée et entourée d'étoiles, avec l'inscription   Hæc est illa de qua sacra canunt eulogia, sole amicta, Lunam habens sub pedis, Stellis meruit coronare duodecim (  Voici celle que chantent les louanges sacrées, enveloppée de soleil, la lune sous les pieds, elle a mérité d’être couronnée de douze étoiles ) Apocalypse XII, 1

La Vierge de ce vitrail, dont la tête a été brisée et refaite, n'était-elle pas aussi couronnée pour souligner le lien avec la lignée de David ?

Mulier Amicta Sole : Une femme de l’Ancien Testament a été interprétée par l’exégèse comme une préfiguration mariale : la Femme de l’Apocalypse (Ap. XII, 1-7) : elle est décrite habillée de lumière, un croissant de lune sous les pieds et sous le point de mettre au monde un enfant, dévoré par le Dragon du Mal. L’enfant est emporté jusqu’au trône de Dieu et la Femme part se réfugier dans un autre lieu. L’iconographie montre en général une femme dans une mandorle rayonnante, en raison de son habit de soleil, qui marche sur un croissant de lune et parfois couronnée par douze étoiles. Cette dernière peut être seule ou avec l’Enfant. Cette figure féminine a été employée pour désigner la Vierge symbolisant l’Église ou la Vierge de l’Assomption, mais elle a pu aussi servir comme représentation de sa conception immaculée. Toutefois, il n’est pas forcément aisé de déterminer avec certitude quand cette signification apparaît. Dès le XVe siècle, les artistes parisiens choisissent cette iconographie dans les livres d’heures pour la prière importante de l’Obsecro te, adressée à la Vierge. Á la fin du Xve siècle, cette iconographie est devenue très populaire et inspirera les peintres espagnols de la Contre-Réforme pour représenter la Vierge immaculée. Colloque L'Immaculée Conception...2009 page 17. 

 

MG 7346c

 

Les personnages latéraux sont, eux, bien situés sur les branches de l'Arbre, et émergent de fleurs de lys très épanouies dont les  pétales blancs portent leurs noms.

Sur le coté droit de bas en haut : Mathat-- , Panther et  Barpanthe(r).

Les deux premiers tiennent dans la main droite des feuillets alors que Barpanther, coiffé d'un somptueux turban et vêtu d'un manteau bleu-roi doublé d'hermine,  désigne de l'index la page d'un livre. 

 

                             MG 7347c

 

Sur le coté gauche de bas en haut :  Roboam, Mathan puis Jacob. 

le visage de Roboam est effacé ; il semble désigner de la main la Vierge. Mathan la montre de l'index. Jacob est royalement vêtu d'un manteau d'or et d'hermine et d'une robe rouge, et coiffé d'un somptueux bonnet. Il tient des deux mains la branche de l'Arbre.

                                MG 7348c

 

 

Quatrième registre : l'Enfant-Jésus et deux personnages.

L'Enfant Jésus, nu, tient un objet ( pomme ? globe ??) dans la main gauche et trace une bénédiction de la main droite. Il donne naissance à un cercle de rayons de lumière dorée qui irradie ses deux voisins Joseph et Joachim.

MG 7351c

 

 

Du coté droit, Joachim au dessus de son père Barpanther.

Joachim, époux de sainte Anne qui est la mère de la Vierge, est tête nue, la capuche de son vêtement rejeté en arrière. Il porte une besace. Il est tourné vers l'Enfant.

 Le dessin de Joachim est quasi identique à celui de l'élément central du tympan.

                     MG 7350c

 

 

 

 

Du coté gauche, Joseph fils de Jacob fils de Matthan.

      Joseph est représenté comme un homme âgé, voûté dans une posture humble ou rustre, la tête coiffée d'un capuchon ; son buste n'émerge qu'à moitié de la fleur sommitale  de l'Arbre. Il est de profil, totalement tourné vers son Fils. Rien dans son attitude ou dans ses vêtements ne souligne l' ascendance royale qu'illustre pourtant le vitrail, et son allure contraste avec celle de Jacob. 

 

                                        MG 7349c

 

 

Tympan : la vie de sainte Anne et de saint Joachim.

 

 

      Le tympan est composé de quatre mouchettes latérales organisées autour d'une mouchette centrale.

MG 7360c

 

A gauche, apparition d'un ange à Joachim.

Celui-ci a quitté Jérusalem après que son offrande ait été rejeté par le grand prêtre, la stérilité du couple qu'il forme avec Anne passant comme un signe d'indignité. L'ange annonce à Joachim que son épouse va être enceinte, et l'engage à revenir auprès d'elle.

L'inscription  Quare non reverteris ad uxorem tuam / angelus dei ego sum est extraite de l'évangile du Pseudo-Matthieu :

 

    In ipso autem tempore apparuit quidam juvenis inter montes ubi Ioachim pascebat greges suos et dixit ad eum : « Quare non reverteris ad uxorem tuam ? (…) Angelo dei ego sum, qui apparui hodie flenti et orenti uxori tuae et consolatus sum eam, quam suis ex semine tuo concepisse filiam. Haec templum dei erit et spiritus sanctus requiescet in ea, et erit beatitudo super omnes feminas sanctas, ita ut nullus dicat qui fuit talis aliquando ante eam, sed et post eam non erit similis ei. Descende ergo de montibus et revertere ad conjugem tuam et invenies eam habentem in utero. Excitavit enim deus semen in ea et fecit eam matrem benedictionis aeternae.  

    Je suis l’ange de Dieu, qui est apparu aujourd’hui à ta femme au milieu de ses larmes et de ses prières, et je l’ai consolée. Sache qu’elle a conçu une fille de ta semence. Celle-ci sera le temple de Dieu, et l’Esprit saint reposera sur elle, et elle sera bienheureuse plus que toutes les saintes femmes de telle sorte que personne ne puisse dire qu’il y eut jamais une telle femme avant elle, mais aussi après elle, et n’y en aura pas de semblable à elle. Descends donc de la montagne et retourne auprès de ton épouse, et tu la trouveras enceinte, car Dieu a suscité auprès d’elle une postérité et l’a rendue mère de l’éternelle bénédiction.

 On remarque que l'ange dit que Anne "a conçu" . 

 la Légende dorée CXXXI De Nativite beatae Mariae virginis reprend sous une autre forme ce récit.

       

                                     MG 7358c

 

      Au centre : Rencontre de Joachim et d'Anne sous la Porte Dorée de Jérusalem

...et échange d'un chaste baiser (Anne est déjà enceinte, ou le devient à cet instant) :

 Évangile du Pseudo-Matthieu : "Alors, après avoir marché trente jours, ils approchaient de leur but, un ange du Seigneur apparut à Anne qui était en prière et lui dit : « Va à la porte qu’on appelle « dorée », à la rencontre de ton mari, car il reviendra vers toi aujourd’hui. » Et elle, tout en hâte, partit avec ses servantes et se mit, à la porte même, à prier et à attendre longuement. Et alors que, par suite de cette longue attente, elle défaillait presque, élevant son regard, elle vit Joachim qui arrivait avec ses troupeaux. Anne courut vers lui et se suspendit à son cou, rendant grâce à Dieu et disant : « J’étais veuve et voilà que je ne le suis plus, j’étais stérile et voilà que j’ai conçu. » Et toutes leurs connaissances et leurs proches se réjouirent, de sorte que tout le pays et les gens d’alentour les félicitaient de cette bonne nouvelle."

 

 

                                    MG 7355c

 

 

Joachim est vêtu d'un manteau rouge aux revers d'or, d'un capuchon violet, d'une robe bleue ; il porte une aumônière à la ceinture.

Anne est vêtue d'une robe bleue et coiffée d'un bourrelet orné d'une broche et rabattu autour du menton par une barbette.

MG 7354c

 

 

 

   Anne reçoit la visite de l'ange.

  A droite, Anne reçoit, comme son époux, la visite de l'ange qui lui annonce qu'elle va enfanter et l'incite à se rendre à la Porte Dorée . Inscription Quae dum fleret : Noli timere,  Anna quoniam  in consilio dei  germen fuit. selon le conseil "Pendant qu'elle pleurait en priant [un ange apparut et lui dit] "Ne crains pas, Anne, puisque ton enfant à naître est dans les vues de Dieu" : il s'agit d'un extrait du Libri de nativate Mariae Pseudo-Matthaei evangelium ou Evangile du Pseudo-Matthieu, qui précède le texte se rapportant à Joachim.  

Quae dum fleret in oratione sua et diceret : « Domine jam quia filios non dedisti mihi, virum meum quare tulisti a me ? Ecce enim quinque menses fluxerunt et virum meum non video, et nescio ubinam mortuus sit vel sepulturam eius fecissem (…) Et dum ista dicit, ante faciem eius apparuit angelus domini dicens : « Noli timere, Anna, quoniam in consilio dei est germen tuum, et quod ex te natum fuerit dabitur in admirationem omnibus saeculis usque in finem. Et cum haec dixisset, ab oculis eius elapsus est .

 Et elle pleurait, tout en priant et disait : « Seigneur, tu ne m’as déjà point donné d’enfants, pourquoi m’as-tu enlevé mon mari ? Voilà cinq mois passés et je ne vois pas mon mari, et je ne sais pas s’il est mort ni où je puis faire sa tombe. »(…)

 Tandis qu’elle parlait ainsi, devant elle apparut un ange du Seigneur qui lui dit : « Ne crains pas, Anne car ta postérité est dans le dessein de Dieu, et ce qui naîtra de toi sera un objet d’admiration pour tous les siècles jusqu’à la fin du monde. »

 

 

 

 

                    MG 7359c

 

 

     Anne et  Joachim font l'aumône aux pauvres.

Au dessus, un ange joue de la viole.


                                   MG 7356c

 

Anne et Joachim s'acquittent de l'offrande au Temple.

Les futurs parents offrent chacun un agneau ; des lettres sont inscrites sur le livre ouvert : MO/NT/EF / UX/NT/LE. Au dessus, un ange joue de la flûte.

                         MG 7357c

 

 

Discussion.

        La source de ce vitrail pourrait bien reposer sur les seuls écrits de Jean Damascène, (VIIIe siècle) tels qu'ils apparaîtront dans la liturgie. 

1. L'Homélie pour la Nativité de la Vierge Marie développe en effet le thème de la Virginité rédemptrice de Marie, trouvant ses prémisses et ses fondements dans la naissance miraculeuse de la Vierge elle-même, la chasteté d'Anne et de Joachim étant le biais permettant de résoudre par la grâce la stérilité du couple. Cette stérilité, critère de réprobation divine pour les Juifs, se transforme donc, jointe à la chasteté, comme un critère de pureté (et le passage par le corps et la sexualité comme la marque infamante et impure propre au genre humain peccamineux). Marie est vouée à Dieu dès avant sa naissance, par gratitude, et donc vouée à la virginité. 

 On remarquera la mention de Jessé par Damascène :

Neuf mois étant accomplis, Anne mit au monde une fille et l'appela du Nom de Marie. Quand elle l'eut sevrée, la troisième année, Joachim et elle se rendirent au Temple du Seigneur et, ayant offert au Seigneur des victimes, ils présentèrent leur petite fille Marie pour qu'elle habitât avec les vierges qui, nuit et jour, sans cesse, louaient Dieu. [...]

 Puisque la Vierge Marie devait naître d'Anne, la nature n'a pas osé devancer le germe béni de la grâce. Elle est restée sans fruit jusqu'à ce que la grâce eût porté le sien. En effet il s'agissait de la naissance, non d'un enfant ordinaire, mais de cette première-née d'où allait naître le premier-né de toute créature, en qui subsistent toutes chose. Ô bienheureux couple, Joachim et Anne ! Toute la création vous doit de la reconnaissance, car c'est en vous et par vous qu'elle offre au créateur le don qui surpasse tous les dons, je veux dire la chaste Mère qui était seule digne du Créateur.

Aujourd'hui sort de la souche de Jessé le rejeton sur lequel va s'épanouir pour le monde une fleur divine. Aujourd'hui Celui qui avait fait autrefois sortir le firmament des eaux crée sur la terre un ciel nouveau, formé d'une substance terrestre ; et ce ciel est beaucoup plus beau, beaucoup plus divin que l'autre, car c'est de lui que va naître le soleil de justice, celui qui a créé l'autre soleil...

... Fille de la stérilité, elle sera la virginité qui enfante.


 (Saint Jean Damascène, Première homélie pour la Nativité de la Vierge Marie)

 

2. Le second texte de Damascène, également lié aux parents de la Vierge, se trouve dans De fide orthodoxa, texte qui ne parvint, dans une traduction du Burgundio, aux théologiens occidentaux qu'au milieu du XIIe siècle mais qui exerça une influence majeure sur le développement de la christologie de l'époque auprès de Pierre Lombard, Thomas d'Aquin ou Albert le Grand. L'ouvrage était imprimé au début du XVIe siècle, y compris le passage qui nous intéresse, par Jacques Lefèvre d'Étaples en 1512 en ligne .

C'est un passage beaucoup plus complexe, dans lequel saint Jean Damascène (Père de l'Église, 676-749) est en effet à l'origine de la lignée Panther (ou Panthar) / Barpanther (ou Barpanthar) / Héli qui apparaît sur le vitrail de Moulins comme généalogie de Joachim, et donc de la Vierge. Il développe cette explication dans le Livre 4 de son De Fide orthodoxa, chapitre 15  de Domini genealogia et sanctæ Dei Genetricis : 

  

 De la souche donc de Nathan, fils de David, Lévi engendra Melchi et Panther. Panther engendra Barpanther (c’est ainsi qu’on l’appelait). Barpanther engendra Joachim, qui fut père de la sainte Mère de Dieu. Revenons en arrière : de la souche de Salomon, fils de David, Mathan eut de son épouse Jacob, et à la mort de Mathan, Melchi, issu de Nathan, fils de Lévi et frère de Panther, épousa la veuve de ce même Mathan, laquelle était mère de Jacob ; de son second mariage naquit Héli. Jacob et Héli étaient donc frères utérins ; le premier était de la lignée de Salomon, le second, de celle de Nathan.

   Or Héli, qui était de la descendance de Nathan, mourut sans enfants ; ce qui fit que Jacob, de la lignée de Salomon, épousa la veuve de son frère et en eut un fils nommé Joseph. Selon la nature, Joseph était fils de Jacob et tirait son origine de Salomon, mais aux yeux de la loi, son père était Héli, et sa race, celle de Nathan. Les choses étant ainsi, Joachim s’unit par le mariage à Anne, femme supérieure et digne des plus hauts éloges. Semblable à cette Anne d’autrefois, qui, affligée par l’épreuve de la stérilité, dut à sa prière et à son vœu de donner naissance à Samuel, celle-ci obtint du ciel, par des supplications et des promesses, de mettre au monde la Mère de Dieu ; en cela donc aussi elle ne le cède à aucune des mères illustres. Ainsi donc c’est la grâce, (telle est la signification du nom d’Anne) qui engendra la Souveraine (c’est ce que signifie le nom de Marie). Elle est, en effet, devenue la souveraine de toute la création, quand elle fut élevée à la dignité de Mère du Créateur.

  Ce texte doit être "corrigé" en tenant compte (Calmet) que le texte utilisé par saint Jean Damascène, Julius Africanus, saint Irénée, saint Ambroise, saint Grégoire de Naziance a omis les deux générations qui séparent Heli de Melchi.   Melchi doit donc être remplacé par Mathat, comme c'est le cas sur le vitrail. 

 Le raisonnement est basé sur la filiation selon le lévirat, type de mariage où où le frère d'un défunt épouse la veuve de son frère, afin de poursuivre la lignée de son frère. Les enfants issus de ce remariage ont le même statut que les enfants du premier mari. Joseph, fils biologique  de Jacob selon la généalogie de Matthieu, peut également être en même temps le fils de Héli selon la Loi hébraïque (Deutéronome XXV,5), afin de suivre la généalogie de l'Évangile de Luc. 

L'hypothèse avait été imaginée par Jules l'Africain au IIe siècle dans une Lettre à Aristide, puis rapportée par Eusèbe de Césarée dans son Histoire ecclésiastique I, VII,8. La grand-mère de Joseph, Estha aurait épousé d'abord Matthan, le descendant de Salomon selon Matthieu, dont elle aurait eu Jacob ; devenue veuve, elle aurait épousé Matthat, le descendant de Nathan selon Luc dont elle aurait eu Héli qui se serait marié et serait mort sans enfant. Sa veuve aurait épousé Jacob son frère utérin, selon la règle du lévirat. Joseph serait alors le fils légal de Héli selon Luc et le fils biologique de Jacob selon Matthieu.

 Au 4ème siècle, saint Augustin avait adopté les thèses de Julius Africanus.

Ceci permettait certes d'accorder les deux généalogies évangéliques, mais la conclusion en était que Joseph était un descendant de la glorieuse Maison de David. Jésus était alors à son tour de la maison de David par son père adoptif Joseph. Certes saint Bernard avait insisté sur la valeur et l'authenticité du statut de père que méritait Joseph, mais ce lien avec David restait un lien faible et indirect. Saint Paul (Romains 1,3) affirmait que Jésus était descendant de David "selon la chair". Pour lui donner tout son faste, et affirmer avec suffisamment d'autorité que le Christ était bien le Sauveur de la Maison de David qu'annonçaient les Écritures vétéro-testamentaires, il fallait démontrer que c'était Marie elle-même qui , comme l'exposait le vitrail de Suger à Saint-Denis, descendait de Jessé, de David et de la lignée royale de Juda. En outre, les images de Couronnement de la Vierge s'en trouveraient renforcées. 

Une solution était d'assimiler Joachim avec Héli, par proximité des deux noms. Joachim n'est qu'une variante d' Eliacim, qui aurait été abrégée  en Eli, avec sa forme Héli.  Héli, Héliacim, Éliacim, Joacim, Joachim sont des formes équivalentes. Cornelius a Lapide a soutenu cette thèse.

Eusèbe de Césarée remarque aussi qu'en Israël, il convenait d'épouser une femme de la même tribu, et que Joseph, de la tribu de Juda, n'avait pu épouser Marie que si celle-ci était aussi de cette tribu. 

Ces questions se posaient avec d'autant plus d'acuité que, pendant toute la période médiévale, Joseph n'était considéré, notamment en iconographie, que comme un vieillard de second plan, fort rustre, un benêt tout juste bon à préparer le potage dans les crèches des Nativités ou à conduire l'âne lors de la Fuite en Égypte, alors qu'au contraire, le culte de Marie se développait et que la Vierge rejoignait le Christ dans sa divinité et sa royauté sur les scènes de Couronnement.

Au XIIIe siècle, la Légende dorée de Jacques de Voragine résume le problème ainsi  dans le chapitre consacré à la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie et expose la thèse de Damascène:

 

   La glorieuse Vierge Marie tire son origine de la tribu de Juda et de la race royale de David. Or, saint Mathieu et saint Luc ne donnent pas la généalogie de Marie, mais celle de saint Joseph, qui ne fut cependant pour rien dans la conception de J.-C. C'est, dit-on, la coutume de l’Écriture sainte de ne pas établir la suite de la génération des femmes, mais celle des hommes. Il est très vrai pourtant. que la sainte Vierge descendait de David ; ce qui est évident parce que  l’Ecriture atteste en beaucoup d'endroits que J.-C. est issu de la race de David. Mais comme J.-C. est né seulement de la Vierge, il est manifeste que la Vierge elle-même. descend de David par la lignée de Nathan. Car entre autres enfants, David eut deux fils, Nathan et Salomon. De la lignée de Nathan, fils de David, d'après le témoignage de saint Jean Damascène, Lévi engendra Melchi et Panthar, Panthar engendra Barpanthar, et Barpanthar engendra Joachim, et Joachim la Vierge Marie. Par la lignée de Salomon, Nathan eut une femme de laquelle il engendra Jacob. Nathan étant mort, Melchi de la tribu de Nathan, qui fut fils de Lévi, mais frère de Panthar, épousa la femme de Nathan, mère de Jacob, et engendra d'elle Héli. Jacob et Héli étaient donc frères utérins, mais Jacob était de la tribu de Salomon et Héli de celle de Nathan. Or, Héli, de la tribu de Nathan, vint à mourir, et Jacob, son frère, qui était de la tribu de Salomon, se maria avec sa femme, suscita un enfant à son frère et engendra Joseph. Joseph est donc par la nature fils de Jacob; en d

escendant de Salomon, et selon la loi; fils d'Héli qui descend de Nathan. Selon la nature, en effet, le fils qui venait alors au monde était fils de, celui qui l’engendrait, mais selon la loi, il était le fils du défunt. C'est ce que dit le Damascène. 

Au total, l'hypothèse de Damascène semble avoir pour principal intérêt de séparer l'identité de Joachim de celle d'Héli, au prix d'un montage généalogique assez hasardeux et d'un écart par rapport au texte de saint Luc, mais qui a néanmoins été retenu comme lecture lors de l'office de la fête de Joachim.

 

 A partir du XVIe siècle, après que le Pape Jules II ait introduit la fête de St Joachim en 1512 et l'eut  fixée au 20 mars, entre la fête de St Joseph et celle de l’Annonciation, ce texte de Damascène était lu au troisième nocturne de l'office ( Bréviaire du dimanche dans l'octave de l'Assomption, fête de saint Joachim). (St Pie V  supprima cette fête, comme la fête de St Anne (26/07) et celle de la Présentation de Marie au Temple (21/11) : dans l’optique de reconquête face à l’hérésie protestante, il fallait exclure de la liturgie romaine ces fêtes issues des évangiles apocryphes. Grégoire XIII la rétablit en 1584 toujours au 20 mars, Paul V établit que tout serait au commun d’un Confesseur (toujours dans l’optique d’éviter les évangiles apocryphes) ; en 1623 Grégoire XV en fit une fête double et la dota d’un nouvel Office (lectures des 2ème et 3ème Nocturnes, antienne de Magnificat et du Benedictus). Clément XII l'éleva au rang de double majeur et la fixa à l'Octave de l'Assomption. Léon XIII, dont St Joachim était le saint Patron, l’éleva au rang de double de seconde classe.)

 

 

 Généalogie de Joseph selon Jules l'Africain :

David                               David

Salomon                         Nathan

...                                      ...

Matthan                          Matthat

Jacob                               Héli 

Joseph par la nature       Joseph  (Jacob étant son par la Loi).

 

Généalogie de Joseph et de Marie selon Jean Damascène :

David                                David

Salomon                           Nathan

...                                     ...

                                         Lévi

Matthan                            Melki (lire Matthan) et son frère Panther

Jacob                                Héli                                               Barpanther

Joseph                             Pas d'enfant                                  Joachim

...                                                                                          Marie.

 

La Généalogie de Marie selon Paulin de Venise.

La base de donnée Mandragore de la Bnf permet de découvrir un tableau généalogique appartenant à la Grande Chronologie de Paulin de Venise, O.F.M, Naples >1329 dans son folio 42. Bnf latin 4939 folio 42

Son intérêt est  que le personnage central, dont le nom est en rubrique, est sainte Anne, avec la Sainte Parenté de ses trois filles Marie Salomé, Marie Cléophas et Marie. Deux colonnes permettent de suivre de haut en bas à gauche Levi, Panther, Barpanther, Joachim et Marie, et, à droite, Eleazar, Mathan, Jacob, Joseph, sans faire l'économie de la complexité des remariages  et de la filiation selon la loi ou selon la nature. 

L'auteur, Paulin de Venise, est un franciscain qui fut ambassadeur de Venise auprès de la cour de Naples, pénitencier apostolique à Avignon puis évêque de Pouzzoles. Sa Chronologia magna est une vaste chronique des origines du monde jusqu'à son temps, largement inspirée du Speculum historiale de Vincent de Beauvais et très riche en tableaux généalogiques.

Barpanther-et-genealogie--Paulinus-venetus--Naples-vers-1.png

 

Conclusion.

Le vitrail de l'Arbre de Jessé de Moulins est l'exemple à ma connaissance unique d'une réflexion critique sur la généalogie davidique de Marie et d'une tentative d'en résoudre les difficultés en une image synthétique et pédagogique incluant Joseph et Joachim. C'est sans-doute aussi l'un des rares exemples de représentation de l'arrière grand-père Panther et du grand-père Panther attribué à la Vierge Marie par Damascène, et repris dans la Légende Dorée.

  Alors que ce vitrail est traditionnellement considéré sous l'angle du développement du culte de l'Immaculée Conception, cela incite à réfléchir aussi à la thématique du Couronnement de Marie, superbement illustré quelques années plus tard par le Tryptique de Moulins, puisque les arguments pour l'ascendance royale de la Vierge à travers la longue lignée des Rois de Juda inscrit ce Couronnement dans une Histoire du Salut déchiffrée dans ses prémisses dans l'Ancien Testament.

 Quoique Joseph y soit présent, il ne me semble pas que l'on puisse y voir le signal d'un basculement de l'image médiévale dévalorisante du père de Jésus, alors que ces signaux sont d'ors et déjà perceptibles dans des Nativités (Campin) et que le Joseph de la Tapisserie de La Chaise-Dieu au début du XVIe siècle soit inégalable de noblesse.  

 

                       ADDENDUM

 

I. Sainte Anne, Jessé et la duchesse Jeanne de France.    

 Ce vitrail éclaire la chapelle de la Conception fondée en 1474 par le duc Jean II et son épouse Jeanne de France.

    Jeanne de France ou Jeanne de Valois (1435-1482) troisième fille de Charles VII  et de Marie d'Anjou mourut sans avoir eu d'enfant en 1482, et fut inhumée dans la Collégiale  Notre-Dame de l'Annonciation de Moulins. Son Livre d'Heures avait été réalisé en 1452, à l'occasion de son mariage avec Jean II de Clermont, qui deviendra en 1456 Jean II, duc de Bourbon. A sa mort, cet ouvrage  appartint ensuite à la seconde épouse du duc, Catherine d'Armagnac - fille de Jacques d'Armagnac, duc de Nemours et de Marie d'Anjou - épousée en 1484. Or, ce manuscrit, enluminé par le Maître de Jouvenel des Ursin et Jean Fouquet, récemment acquis par la Bnf et mis en ligne sur Gallica, contient parmi ses suffrages folio 330v une antienne à sainte Anne qui est la suivante :

 

De sainte anne ant...

Anna pia mater ave / anne nomen est suave / anna sonat gratiam / ave radice jesse floris. / Que celestis dat odoris /perhennem fragrantiam / ave dei mater fete . / dei matris ortu iete. / dei leta unctio . / Ave cuius fuit grata / per te deo presentata virginis oblatio / ave parens stell(a)e maris. Quam tuam nuptam contemplaris / regis regum filio.

Ora pro nobis anna Ut digni efficiamur promissionibus christi.

 "Salut, Anne, modèle des mères dont le nom est si doux, car Anne signifie Grâce. Salut, fleur de la racine de Jessé qui prodigue une odeur céleste, un perpétuel parfum. Salut mère de la Mère de Dieu ..."

On y remarquera le verset  ave radice jesse floris  "Salut, Fleur de la racine de Jessé". Cette qualification, loin d'être propre à ce texte, se retrouve avec une fréquence très élevée dans les hymnes et prières dédiées à sainte Anne, comme on s'en convaincra facilement en consultant "Le Culte de Sainte Anne" de Charland dont les hymnes, antiennes et poèmes liturgiques multiplient les exemples du XIV au XVIe siècle. Anne est la Racine de Jessé  et de David, "descendue de race royale", "arbre fertile", comme l'affirme encore ses Litanies. 

La nouvelle interprétation des prophéties concernant Jessé est affirmé dans le Petit office de Sainte Anne autorisé par Alexandre VI (1492-1503) et confirmé par Clément VIII : 

 

Inclyta stirps Jesse virgam produxit amoenam, de quam processit flos : stirps est Anna, Dei genitrix est virga, flos est Jesus-Christus.  "La célèbre racine (stirps) de Jessé a fait germer une tige (virga) gracieuse, d'où a poussé une fleur (flos). La racine est Anne, la Mère de Dieu est la tige, et la fleur est Jésus-Christ".

   [Mais pour pouvoir affirmer que non seulement Joachim, mais aussi Anne était "de la Maison de David", il fallut encore lui construire une généalogie adaptée : si elle eut pour père Mathan, prêtre de Bethlém, de la tribu de Lévi et de la famille d'Aaron, elle eut pour mère Marie, de la tribu de Juda. Etc...] 

    [Annexe : composition du Livre d'Heures de Jeanne de France :

  • Calendrier (les fêtes du 8 septembre —Nativité de la Vierge— et du 8 décembre —Conception de la Vierge— sont indiquées en lettres d'or Lanostredame) ; 
  • Péricopes (coupures) des 4 évangiles : f13-26
  • Deux oraisons à la Vierge : O intemerata 27-32v ( Obsecro : pages blanches)
  • Heures ou Office de la Vierge : 35-126v : Annonciation, Visitation, Nativité, Annonce aux bergers, Adoration des mages, Circoncision, Fuite en Égypte, Couronnement de la Vierge
  • Psaumes de la pénitence :127-154v
  • Office des morts 155-218v
  • Heures de la Croix ou de la Passion et Heures du Saint-Esprit : 219-234v Crucifixion, Pentecôte,  Crucifixion
  • Office de la Passion : 235-290v Arrestation du Christ, , le Christ devant Pilate, Flagellation, Portement de Croix, Mise en Croix , Crucifixion , Descente de Croix , Mise au tombeau,
  • Quinze Joies de Notre-Dame et sept Requêtes de Notre Seigneur: f291-298 Vierge à l'enfant, Christ en majesté
  • Litanies des saints
  • Suffrages: 299-336 saint Pierre et saint Paul, et autres saints, saint Antoine et saint François et autres saints et saintes. ] 

 

La Médiathèque communale de Moulins conserve 5 Livres d'Heures, dont 3 en ligne, les Ms 79, 80 et 89, parfaitement commentés par  Marie-Élisabeth Bruel, dont on connaît par ailleurs les compétences dans l'étude des vitraux de la cathédrale. J'ai donc consulté à la fois les Calendriers (pour chercher une mention des Dix mille martyrs le 22 juin) et les Suffrages. Sainte Anne figure bien entendu dans les Suffrages des trois livres avec Catherine, Geneviève et Barbe, mais l'oraison est très différente de celle du Livre de Jeanne de France et ne la qualifie pas de "Racine de Jessé". 

 

II. Jeanne de France et l'Immaculée Conception.


 a) la fondation d'une messe quotidienne.

  En mars 1475, Jean II et sa femme Jeanne de France fondent dans la chapelle de la collégiale de Moulins une messe quotidienne en l'honneur de l'Immaculée Conception : (A.D. Allier, 1 G 32 : « Ordonnance de fondation de la messe du duc et des enfants de la Conception» ) Voir Bruel 2007.

b) la traduction du Liber de Innocentia...

C'est sur  blog.pecia.fr, le blog de Jean-Luc Deuffic, que j'ai découvert le Livre d'Heures de Jeanne de France. J'y trouve aussi l'énumération d'une douzaine d' autres manuscrits de la Duchesse. Certains lui étaient dédiés ou avaient été écrits pour elle, comme la Gésine Notre-Dame, une Histoire de Saint Louis, et ... la traduction d'un texte du XIVe siècle sur l'Immaculée Conception.

  Au XIVe siècle en Galice le théologien franciscain espagnol Pedro Tomas (ca.1280-ca.1340) — Pierre Thomas, Petrus Thomae, Peter Thomae— écrivit le Liber de Innocentia Virginis Mariae dédicacée à l'infante Jeanne d'Aragon (1330-1358) dont les convictions immaculistes sont connus. (Aussi signalé sous le titre De immaculata Beatae Mariae Conceptione ). Une confusion est possible avec le Bienheureux Pierre Thomas (1305-1366), carme français qui fut légat du pape et patriarche de Constantinople ; A. P. Paris (voir infra) commet cette confusion dans son texte de 1848.

Séverine Lepape (2009) écrit à propos du Liber de Innocentia :

Son ouvrage sur l’Innocence de la Vierge est constitué de parties thématiques où sont regroupés les différents types de sources qu’il utilise pour démontrer l’Immaculée Conception de la Vierge: la première partie est consacrée à l’Ancien Testament, la deuxième au Nouveau Testament, et la troisième aux docteurs de l’Église. Dans le chapitre portant sur le livre d’Isaïe, la prophétie d’Isaïe est citée comme un élément vétérotestamentaire prouvant que la Vierge est de conception immaculée : 

«Accedat et Isaias et proferat testimonium de conceptione Virginis illibatae: Egredietur virga de radice Jesse et flos de radice ejus ascendet. Glossa interlinealis, Virga, id est Maria, tunc sic; egressus virgae de radice est sine virgae obliquitate, sed conceptio Virginis est sicut egressus virgae de radice secundum Isaiam. Ergo Conceptio Virginis est sine ipsius obliquitate. Confirmatur per Glossam ibidem, sic dicentem per Virginem Mariam intelligimus cui nullum stercus, scilicet peccati adhaesit.»  

 

   Vers 1460*-1480, Antoine de Lévis traduisit pour la duchesse de Bourbon le traité de Pierre Thomas pour la défense de l'immaculée conception sous le titre  Le Defenseur de l'originale innoncence de la glorieuse Vierge Marie, traduit du latin de Pierre Thome  par Antoine de Lévis, comte de Villars, pour Jeanne de France, duchesse de Bourbonnais . Ce manuscrit est conservé à la Bnf sous la cote Ms français 989; il comporte des enluminures qui seraient (M.E. Bruel) l'œuvre de l'atelier de Guillaume Lambert à Lyon au service du duc Jean II.

* Selon Bernard de Montfaucon (1739) Antoine de Lévis, comte de Villars,  vicomte de Lautrec, baron de la Roche et  d'Annonay  à partir de l'année 1440,  mourut avant 1461.

Or, Alexis Paulin Paris donne en 1848 une description de ce manuscrit (Les manuscrits français de la bibliothèque du roi, leur histoire ..., Volume 7 page 402) sous son ancienne cote 7307 : il en donne le titre un peu différent de celui que j'ai cité, de Le Deffenseur de la Conception Immaculée de la Sainte Vierge, traduit de Pierre Thomas par Antoine de Levis comte de Villar, puis le décrit comme un volume in-4° vélin de 191 feuillets, lignes longues, une miniature, vignettes, initiales, XVe siècle avant de décrire la miniature où Antoine de Levis à genoux fait le don de son ouvrage à la Duchesse, selon le stéréotype des dédicaces de l'époque. On me pardonnera de ne pas résister à la gourmandise de le citer :

   ...Pour le costume de Jeanne, il est d'une élégance et d'une grâce inexprimables. Sur ses cheveux dorés brille un large diadème garni de pierres précieuses. Le cou est nu, et sur une jupe de samit ou drap de soie et or, fourré d'hermine, une sorte de casaquin en velours vert, également fourré d'hermine, est attaché sur le devant par une bande dorée, de manière à presser gracieusement la taille. La tête de tous les personnages sont d'une finesse exquise. Il en faut dire autant des mains. 

La vie d'Anne et Joachim en vignettes autour de Jeanne de France. 

 Mais cette miniature me réserve une surprise : je poursuis ma lecture.

...Sur la marge de la même miniature, l'habile artiste a réservé onze petites cases comme dans les tableaux triptyques du XVe. La troisième et la neuvième, dans le milieu transversal, offrent l'un une tige de trois fraises, l'autre les armes de Bourbon parti de France.  

Les autres représentent : 1. Joachim en prières. 2. Apparition d'un ange à sainte Anne. 4. Rencontre de Joachim et Anne. 5. Mariage de Joachim. 6. Joachim et les pasteurs. 7. Vision de Joachim. 8. Naissance de la sainte Vierge. 10. Présentation au temple à l'âge de trois ans. 11. Salutation angélique. Celle-ci occupe la place principale dans la marge inférieure.

                     Jeanne-de-France-et-legende-d-Anne-et-Joachim-Bnfms-fr.-98.jpg

N.B on remarque à droite les armes de Jeanne de France, et à gauche une tige portant trois fraises (des bois, bien-sûr), symbole de mort (M.E. Bruel) mais aussi de tentation.

Le manuscrit Bnf Fr. 989 n'est pas consultable en ligne actuellement : l'enluminure est reproduite dans l'ouvrage dirigé par Françoise Perrot (2001) page 54. Bnf ms fr.989 folio 3.

  Le rapprochement entre 1) les cases de cette miniature entourant la duchesse de Bourbon Jeanne de France dans un livre de défense de l'Immaculée Conception, 2) l'oraison à sainte Anne du Livre d'Heures de Jeanne de France, et 3) le vitrail de l'Arbre de Jessé de la cathédrale de Moulins éclaire la compréhension de ces trois documents autour d'un argumentaire réunissant ce que je pourrais appeler "le mythe de Jessé" (arbre généalogique de douze rois de la dynastie de David fleurissant en la tige d'une mère vierge donnant naissance à un Sauveur), le Protévangile de Jacques (naissance inespérée chez un couple stérile, par une conception chaste — un baiser sous la Porte Dorée de Jérusalem— d'une fille vouée à la virginité et à Dieu), et l'affirmation de la conception virginale de la Vierge, elle-même liée à l'affirmation d'une conception en dehors du péché originel qui est le dogme de l'Immaculée Conception. La date de ces documents incite à rappeler que c'est en 1477 que le pape Sixte IV favorisa la fête de l'Immaculée Conception le 8 décembre en attachant à cet office les indulgences alors réservées à l'office du Saint-Sacrement : la fête se généralisa alors chez les franciscains. 

Le seul vitrail de l'Arbre de Jessé n'illustre pas à proprement parler l'Immaculée Conception, mais seulement la conception virginal.

  Dans son manuscrit, Antoine de Lévis précise clairement son but :

"A la confusion des pervers hereticques et à la confirmation des devots chrestiens ... a été compilé...ce livre ...contre ceulx qui ont voulu et veulent tenir par opinion que ladite glorieuse mère de Jésu-Crist a été conceue en péché original comme les autres hommes et femmes. Laquelle opinion a été condamnée par la saincte Église en notre mère l'Université de Paris, et déclarée hérétique tous ceulx et celles qui ensuivent ladicte opinion."

Enfin il précise que cette traduction lui a été commandée par la Jeanne de France : "Lequel livre à la prière et requeste de vous très haulte et très excellente princesse...".


3. Cycle de Joachim et Anne :  des enluminures comparables dans des Livres d'Heures.

 

a) Heures à l'usage de Paris, vers 1410-1415, Paris, Bibl. Mazarine. ms.0469.

La base liberfloridus donne à voir l'enluminure qui occupe le folio 013 au début de Matines de la Vierge : en marge du texte Domine, labia mea aperies Et os meum annuntiabit laudem tuam et de la scène centrale d'une Annonciationc'est un cycle  qui comporte 1 L'annonce à Joachim (sur le phylactère : qui preparabit ). 2. L'offrande de Joachim et d'Anne refusée : le Grand-prêtre refusant l'offrande. (Source écrite : Protévangile de Jacques). 3. Joachim et Anne chassés du Temple (phylactère : ego mittam..) 4. Joachim et Anne et leur troupeau (phylactère Ego quasi vitis [fructivicavi suavitatem odoris] (Eccles.)  5. Rencontre de Joachim et Anne à la Porte d'or 6. Naissance de la Vierge 7. présentation de la Vierge au Temple 8. Educationde la Vierge tissant.

Il  aurait été commandé par Louis de Guyenne, le dauphin, pour être offert à Charles VI, son père-Longtemps attribué au Maître de Boucicaut, ce manuscrit a été retiré de son oeuvre pour être désormais attribué au "Maître de la Mazarine", nommé d'après ce ms. 

                                          Paris, Bibl. Mazarine, ms. 0469, f. 013 - vue 1

                                   Paris, Bibl. Mazarine, ms. 0469, f. 013 - vue 4

                                     Paris, Bibl. Mazarine, ms. 0469, f. 013 - vue 3

 

                              Paris, Bibl. Mazarine, ms. 0469, f. 013 - vue 5

 

                                 Paris, Bibl. Mazarine, ms. 0469, f. 013 - vue 6

 

b) Livre d'Heures de Vienne (v.1420) et Livre d’Heures du duc de Bedford (v.1414).

    "Ainsi, à partir du premier quart du xve siècle se développe dans le livre d’Heures un cycle d’illustrations consacré à l’Enfance de la Vierge formé de petites vignettes tournant autour de l’image principale, l’Annonciation de Gabriel à Marie. Ce type de mise en page est une invention parisienne des années 1415 et est surtout le fait du Maître du Duc de Bedford et de quelques artistes de sa génération. Nous nous arrêterons sur quelques exemples. Dans un livre d’Heures conservé à Vienne [Vienne, ÖNB, codex 1855, fol. 25v, ca 1420-1422.] , enluminé par cet artiste au début des années 1420, l’Annonciation mariale est ainsi entourée de l’histoire de la conception de la Vierge, qui se lit en registres successifs, du haut vers le bas et de part et d’autre de l’enluminure principale. L’Annonciation à Joachim est ainsi représentée à gauche, tandis que celle à Anne est figurée à droite, à stricte hauteur de l’Annonciation mariale. On note une composition similaire dans le Livre d’Heures du duc de Bedford, Londres, B.L., ms Add. 18850, fol. 32, enluminé à Paris entre 1414 et 1423, aux mâtines, avec un peu plus de désordre dans la manière de présenter le déroulé successif des scènes." (Colloque L'Immaculée Conception 2009)

c) Heures à l'usage d'Autun de Philibert Pillot Autun BM ms 0269 folio 021 vers 1480-1490. Cycle d'Anne et Joachim entourant l'Annonciation.

IRHT_107518-v.jpg  IRHT_107521-v.jpg

 

 

 

III. Les Bourbons et l'Immaculée Conception.

1)  En janvier 1370, Louis II de Bourbon aurait institué à Moulins l'ordre de Notre-Dame du Chardon « en l’honneur de Dieu et de la Vierge immaculée », à l’occasion de son mariage avec Anne, fille de Bérault II, dauphin d’Auvergne. Le jour de la Conception de la Vierge (8 décembre), fête de l'Ordre, et aux fêtes solennelles, ses  26 chevaliers étaient vêtus d'une soutane d'apparat  ceinte d'une ceinture où le mot ESPERANCE (qui deviendra la devise de la Maison de Bourbon) était  brodé.  La ceinture était fermée par une boucle en forme de chardon (il faut y voir un calembour de l'amour courtois liant le chardon au cher don fait par le roi accordant sa fille).

Selon l'article Wikipédia* que je consulte, le grand collier de l'ordre portait aussi le mot ESPERANCE : une image de la Vierge Immaculée y était suspendue, entourée d'un soleil d'or, couronnée à douze étoiles d'argent, un croissant de même sous ses pieds. Au bout de cette médaille se trouvait une tête de chardon émaillée de vert et barbillonnée de blanc. Cet Ordre n'eut qu'une existence très courte, mais il témoigne de l'attachement du duc de Bourbon pour la Vierge de la Conception.

*Laurent Hablot, in Perrot 2011, est moins affirmatif sur l'existence de cette Ordre.


2) Un retable d'Hugo Van der Goes dans la chapelle de la Conception, don du duc Jean II.

Selon un article récent de M.E. Bruel, " à l’image de la plupart des princes de son temps, Jean II de Bourbon  (1456-1488) conçut bien un projet grandiose, consistant en l’édification de plusieurs chapelles dans la collégiale de Moulins, dont l’une, dédiée à l’Immaculée Conception de la Vierge, comportait un grand retable de type royal. La réalisation de ce retable et des vitraux des chapelles fut confiée au célèbre peintre gantois Hugo Van der Goes, alors au sommet de son art, qui consacra la fin de son existence à ce qui devait être son chef-d’œuvre. D’une grande portée théologique, le retable s’avère aussi riche d’enseignements sur les aspirations politiques du duc et l’idée qu’il se faisait du pouvoir princier. D’autre part, il éclaire d’un jour nouveau les relations entre peintures flamande et française, dans le Centre de la France, à la fin du Moyen Age."


IV. Les Bourbons et l'Arbre de Jessé.    

  Nous savons (F. Perrot 2011) que le cardinal Charles II de Bourbon (1434-1488) possédait un lectionnaire bilingue grec et latin marqué de ses armes, et doté de quinze enluminures attribuées par Nicole Avril au Maître de Jacques de Besançon vers 1480-1482. Il est conservé par la Bnf sous la cote ms grec 55. La première page (folio 1), consacré à la fête de la Nativité, IN NATIVITATE BEATE MARIE  montre un arbre de Jessé singulier, car la branche principale issue du tronc/thorax de Jessé serpente vers la gauche puis vers la droite avant de revenir sur l'axe central et donner naissance à une fleur de lys servant d'appui à la Vierge tenant l'Enfant.

26 ancêtres s'alignent sur la branche, chacun tenant un rouleau et comptant sur ses doigts les points d'une argumantation, menant à Joseph qui précède la Vierge. Les seuls noms inscrits sont ceux de Jessé et de Joseph.

Les rinceaux de la  bordure entourent la devise NESPOIR NE PEUR , mais aussi  une épée flamboyante rouge tenue par une dextrochère empenné rouge chargée d’un manipule-palium d’or aux croisettes noires, issant d’une nuée. La devise de Charles de Bourbon est retrouvée aussi sur ses tapisseries de la cathédrale de Sens associée à son monogramme CHS (Charles) et parfois associé.

L'intérêt de cette image est de fournir un exemple d'Arbre de Jessé où figure Joseph, dans la proximité familiale immédiate de Jeanne de France, puisque le cardinal de Bourbon est le frère du duc Jean II.

 

                               arbre-de-jesse-bnf-grec-55-fol.1.jpg

                                 l'arbre de Jessé 

 

      Mais l'intérêt de cette enluminure ne s'arrête pas là. Un rapprochement s'impose avec un autre Arbre de Jessé illustrant la Légende Dorée traduite par Jean de Vignay dans le ms français 245 de la Bnf, folio 84r.

Dans ce dernier, l'Arbre de Jessé est explicitement relié à la généalogie de la Vierge par Anne et Joachim, puisqu'il est placé au dessus de deux scènes. La première est une Nativité de la Vierge (Anne sur son lit d'accouchée alors qu'une servante et une sage-femme donnent le bain à Marie) et l'autre une Sainte Parenté ( Anne assise faisant face à ses trois filles : Marie et son fils Jésus, Marie-Salomé et ses fils Jean l'évangéliste et Jacques le majeur, et Marie-Jacobé avec ses fils Jacob le mineur, Simon, Jude et Joseph le Juste.

  D'autre part, l'Arbre lui-même montre sur sa branche, après 28 rois et 14 autres ancêtres, Joachim et Anne se donnant un baiser sous la Porte Dorée. Cet arbre est par ailleurs si proche du précédent qu'il est évident que l'un a servi de modèle à l'autre, ou qu'ils dérivent d'un modèle commun.

                         Arbre-de-Jesse-Bnf-francais-245-folio-84r.png

Enfin, le texte central, qui est celui de la Légende Dorée de Jacques de Voragine pour la Nativité de la Bienheureuse Vierge Marie, est encore plus clair pour établir que la Vierge est de la lignée de David par Joachim son père : 

 

 Nativité de la sainte glorieuse Vierge Marie. De la lignée de Juda et du royal lignage de David de laquelle Matthieu et Lucas ne descrivent pas la droicte génération mais descrivent celle de Joseph qui fut du tout estrange de la conception Notre-Seigneur. Mais la coustume est telle que l'ordonnance de la génération des femmes n'estoit pas recordée, mais celle des hommes. etc..

Les noms de Panther et Barpanther apparaissent à la page suivante sous la graphie Panthen ou Panthem. C'est le texte que j'ai cité plus haut de la Légende Dorée. 


 V.  Les Bourbons et la Rencontre de la Porte Dorée.

Dans le vitrail, dans l' enluminure précédente comme dans les autres documents,  nous voyons la place capitale attribuée à la Rencontre d'Anne et de Joachim à la Porte Dorée, dans la pensée et l'iconographie immaculiste, celle qui voit dans le récit de la conception de Marie narrée dans l'Évangile du Pseudo-Matthieu, et dans cet épisode de la Porte Dorée et des annonces de l'ange à Joachim et Anne la preuve de la virginité d'Anne et, par extension rapide, de la conception immaculée de sa fille.

Cette importance est encore soulignée pour Pierre II de Bourbon et Anne de France, le duc et la duchesse de Bourbon qui succédèrent à Jean II, puisqu'avant même le  fameux Triptyque conservé dans la sacristie de la cathédrale de Moulins, ils avaient commandé vers 1492-1493 à son auteur Jean Hey un premier polyptyque, dans lequel leur fille Suzanne (née en 1491) est encore très petite. De ce retable consacré déjà à l'Immaculée Conception, trois panneaux sont au Louvre, un (l'Annonciation) à l'Art Institute de Chicago, mais celui qui m'intéresse est à la National Gallery de Londres. Il représente, on l'a deviné, La Rencontre de la Porte Dorée et Charlemagne.

 On peut voir les autres panneaux sur Wikipédia Jean Hey : ils représentent l'Annonciation,  Pierre II présenté par saint Pierre, Anne de Beaujeu présenté par Jean l'évangéliste (tiens, pourquoi ?) et Suzanne en poupon en prière. 

 290px-Jean_Hey_-_The_Annunciation.jpg  105px-Hey_Pierre_II_Duke_of_Bourbon_Pres  84px-Hey_Anne_of_France_presented_by_Sai 71px-Suzanne_Bourbon.jpg 

Image copiée ici : Charlemagne et la rencontre de sainte Anne et saint Joachim à la Porte Dorée; Copyright © 1997 National Gallery, Londres  

 

                          Anne et Joachim à la Porte Dorée

Charlemagne honore peut-être les ducs Charles Ier (1401-1456) et Charles II (le cardinal de Bourbon) (1433-1488), et Jean l'Evangéliste  honore peut-être les ducs Jean Ier (1381-1434) et surtout Jean II (1426-1488). Sainte Anne est la patronne de Anne de Beaujeu, et le Baiser devant la Porte Dorée d'Anne et Joachim est peut-être une façon de placer le couple et sa fille sous la sainte protection du couple Anne et Joachim et leur fille Marie, tout en dressant un parallèle entre la généalogie royale (davidique) de la Vierge et la généalogie royale (saint Louis pour les Bourbons, Louis XI pour Anne de Beaujeu) du duc et de la duchesse de Bourbon, régents de 1483 à 1491.

N.B : en 1492, Pierre II a 54 ans et Anne de Beaujeu 31 ans.


VI. Sainte Anne, Joachim et Jessé : d'autres exemples.


1. Cathédrale de Burgos, chapelle de Sainte-Anne dite Chapelle de la Conception. 1477-1488.  L'arbre de Jessé de la cathédrale de Burgos.

L'arbre de Jessé se développe en deux rameaux latéraux où trouvent place les 12 Rois de Juda, mais, au centre, enchâssé dans l'arborescence, se trouve représenté la rencontre de Joachim et d'Anne à la Porte Dorée.

Le rapprochement avec le vitrail de Moulins est d'autant plus intéressant que les deux œuvres sont contemporaines.

arbre-de-jesse 4123v Cliquez pour agrandir

2. L'Arbre de Jessé de la chapelle de Lansalaün de Paule en Bretagne (1528):

Le vitrail de l'arbre de Jessé de la chapelle N.D. de Lansalaün à Paule.

Le thème de son tympan consacré à Joachim et Anne est très proche de celui de Moulins, alors que dans les lancettes la mention d'Ezéchiel 44,1 Porta haec clausa erit, entourée des scènes de l'Annonciation et de la Nativité soulignent le lien créé entre le Mythe de Jessé, la Légende d'Anne et Joachim et la conception virginale par Marie.

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3. Le retable de l'Arbre de la Sainte Parenté de la cathédrale Saint-Sauveur de Bruges (vers 1500).

On y voit sainte Anne  donnant naissance à un arbre très semblable à celui de Jessé et culminant comme lui en une Vierge à l'Enfant, mais dont l'arborescence fleurit en 21 figures de la Parenté d'Anne et de ses trois maris Joachim, Cléophas et Salomé.

Le retable de l'Arbre de la Sainte Parenté de la cathédrale Saint-Sauveur de Bruges.

133cc

                                 

 

                               Restauration du vitrail.

La verrière a supporté les outrages du temps et des hommes. Toute la partie droite a été détruite, en totalité. Dans la partie gauche, réparée à plusieurs reprises, parfois de façon abusive, il manquait la tête de la Vierge, celle de David, ainsi ainsi que toute l'arcature haute. Restauration par l'atelier Chigot de Limoges après la Seconde Guerre Mondiale.

 

C'est trop long ? Je n'ai pourtant pas épuisé le sujet : lire ici la suite !  L'Arbre de Jessé de la cathédrale de Moulins, l'Immaculée Conception : la Rencontre de la Porte Dorée.

Sources et liens.

  —  BRUEL (Marie-Elisabeth ) 2005 "Les Vitraux historiés de la cathédrale de Moulins : mise au point chronologique et historique"  Bulletin de la Société bourbonnaise des études locales Moulins

— BRUEL (Marie-Elisabeth ) 2007 "Un témoignage de l'attachement du duc Jean II de Bourbon et de Jeanne de France à l'Immaculée Conception : la messe fondée en 1475 dans la Collégiale de Moulins" dans Etudes bourbonnaises Société bourbonnaise des études locales 309, 2007, p. 191-199 - (non consulté) 

— BRUEL (Marie-Elisabeth ), Bruel, Jean-Thomas 2014 "La chapelle de Jean II de Bourbon à la collégiale de Moulins : Chef-d'œuvre oublié de Hugo Van der Goes et manifeste du pouvoir princier",  Société bourbonnaise des études locales, Moulins

 —  CALMET ( Augustin) Discours et dissertations sur tous les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament : Dissertation pour tenter de concilier... En ligne 

 — CLÉMENT  Chanoine Joseph Henri-Marie) 1923 La Cathédrale de Moulins : Histoire et Description  Edition de "Entre nous ... les Jeunes", Moulins-sur-Allier dans la collection Collection des Guides Joseph Clément 

— CLÉMENT  (Chanoine Joseph) 1922 La réfection des verrières de la cathédrale de Moulins, Bulletin de la Société d'émulation et des beaux-arts du Bourbonnois, pages 297-298 et 338-344 en ligne Gallica.

— DU BROC DE SEGANGE (Louis) 1876  Notre-Dame de Moulins, guide historique, archéologique et iconographique à travers la cathédrale... par L. Du Broc de Segange,(1808-1885), Éditeur Desrosiers (Moulins): 1876 : In-18, VI-298 p., pl. page 83 Gallica  

— DU BROC DE SEGANGE (Gaston) 1892, Histoire et description de la cathédrale de Moulins Plon, Paris page 89-97 Gallica

 — DU BROC DE SEGANGE (Gaston)  1907 Anciens et nouveaux vocables des chapelles de Notre-Dame de Moulins : Listes des doyens et membres de la Collègiale. Notice sur le doyen Claude Feydeau Impr. Etienne Auclaire, Moulins 

GATOUILLAT (Françoise) HÉROLD (Michel)  Les vitraux d'Auvergne et du Limousin, Corpus Vitrearum Recensement IX, Presses Universitaires de Rennes 2011 pages 80-81.

—GUY, (André) 1951 Petit guide de la cathédrale de Moulins : son tryptique, ses vitraux  Les Impr. Réunies, Moulins

— KURMANN-SCHWARZ (Brigitte) 1988  "Les vitraux de la Cathédrale de Moulins" in : Congrès Archéologique de France, 146e session, 1988 : Bourbonnais, p. 21-49. 29 p. : ill. en coul ; 27 cm

LEPAPE (Séverine ), « L’Arbre de Jessé : une image de l’Immaculée Conception? », Médiévales [En ligne], 57 | automne 2009,  http://medievales.revues.org/5833

LITAUDON (Marie)       Moulins en 1460  et La ville de Moulins en 1660, Moulins 1961, extrait  du "Bulletin de la Société d'Emulation du Bourbonnais" T. 50.  réédité par Chevagnes en Sologne 1999 -

PERROT (Françoise) 2001 Espérance : le mécénat religieux des ducs de Bourbon à la fin du Moyen-Âge, Souvigny.

—  Société d'émulation du Bourbonnais, Société d'émulation du département de l'Allier. sciences, arts et belles-lettres volume 72 Les Imprimeries réunies., 2004  page 393 et suivantes

— « Textes théologiques importants pour l’Immaculée Conception de la Vierge »,L’Atelier du Centre de recherches historiques [En ligne], 10 | 2012, mis en ligne le 05 avril 2012, consulté le 23 août 2014. URL : http://acrh.revues.org/4279 ; DOI : 10.4000/acrh.4279  

— DOSSIER DE PRESSE Colloque L’Immaculée Conception de la Vierge : histoire et représentations figurées du Moyen-Âge à la Contre-Réforme, Les 1er et 2 octobre 2009 Institut National de l’Histoire de l’Art Paris Organisé par Eléonore Fournié et Séverine Lepape avec le soutien de Jean-Claude Schmitt  http://semioweb.msh-paris.fr/Corpus/AAR/2150/DossiePresseIC.pdf

 

 

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