Légende des Dix mille martyrs :
Alain de Coëtivy et le reliquaire de Folgoët. (1456).
Voir aussi :
Les faits ne me sont connus que par quelques mots trouvés dans Les Papes et les Ducs de Bretagne, essai sur les rapports du Saint-Siège avec un État, B-A. Pocquet du Haut-Jusse, Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, Paris 1928, Tome 2, p.672. Il s'agit en réalité d'une note en bas de page, note 5, accompagnant la phrase : "On raconte que le cardinal [de Coëtivy] fit de là un pélerinage à la jolie collégiale de Folgoët 5" :
" Note 5 : La collégiale possédait un autel de Coëtivy ; les armes de cette famille s'y voyaient en plusieurs endroits. Cette même année, [1456] Alain envoya "de Rome un magnifique reliquaire renfermant les restes de dix mille martyrs conservés au monastère de saint-Anastase des Trois-Fontaines". On a reconnu le cardinal dans une statue de pierre à genoux tenant le bâton de pélerin et le chapeau à cinq houppes. Miorcec de Kerdanet, Nouvelle notice sur Notre-Dame du Folgoët, Brest, 1853 ".
Miorcec de Kerdanet ne dit pas, dans cette citation, si le reliquaire est toujours conservé au Folgoët en 1853, mais, en réalité, la trace de ce reliquaire s'est très vite perdue.
Pour exploiter ce mince filet de renseignement sur le culte des Dix mille martyrs en Bretagne et tenter d'éclairer l'énigmatique présence d'un autre reliquaire de ces martyrs à Crozon (29), il me faut découvrir qui fut Alain de Coëtivy, et faire semblant, en présentant mes découvertes, d'être bien savant.
Ma lecture de sa biographie sera centrée par ma recherche, et par les données que j'ai collecté sur la Légende des Dix mille.
Alain de Coëtivy, "l'évêque d'Avignon".
ll fut Cardinal et Archevêque d'Avignon et Evêque commendataire de Nimes, d'Uzès et de Sabine, prévôt de Toulouse, de Vertou, abbé de Redon.
Alain IV de Coëtivy (1407-1474) appartient à la famille de Coëtivy, une grande famille de la noblesse bretonne, dont il est l'un des membres les plus illustres, et qui trouve son fief d'origine à Plouvien, paroisse du Léon au nord de Brest et à 11 km du Folgoët. Elle porte "Fascé d'or et de sable de six pièces" et sa devise est : "Bepret" ( « toujours » )
Il est l'un des quatre (ou cinq) fils d'Alain III (1370-1425), qui commanda les troupes du Connétable de Richemont, et de Catherine du Chastel, et, à ce titre est le neveu du grand capitaine Tanguy III du Chastel, favori de Charles VII.
Ses frères sont fort illustres également : Prigent VII de Coëtivy (1399-1450), amiral de France et grand favori de Charles VII, héritier de Gilles de Rais par son épouse, Olivier de Coëtivy (1418-1480), sénechal de Guyenne, et Christophe de Coëtivy, écuyer, Guillaume de Coëtivy.
Entré dans les ordres, il reçu le canonicat du Léon le 5 juillet 1436 et il le cèda le 30 octobre 1437, lorsqu'il fut nommé évêque d'Avignon le 30 octobre 1437 par le pape Eugène IV. Il restaura le palais épiscopal d'Avignon : ce petit Palais des Papes construit en 1335 et transformé en citadelle avait en-effet subi des bombardements pendant le grand schisme. Il fut aussi 46e évêque d'Uzès de 1442 à 1445.
Il est confirmé cardinal au titre de Sainte-Praxède le 20 décembre 1448 par Nicolas V, (après avoir été nommé in pectore par Eugène IV).Évêque commendataire de Nîmes le Ier avril 1454 par transfert de son cousin Jean du Châtel, à Carcassonne, Evêque administrateur de Dol* le 18 juin 1456, il devint, comme cardinal, évêque de Palestrina — alors nommé Preneste ou Prenestin— (7 juin 1465) puis de Sabine (11 décembre 1472). Il devint abbé commendataire de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon en 1468. Retenu souvent à Rome en raison de la confiance que lui témoignaient les papes, il mourut à Rome en son palais du Campo del Fiori le 3 mai 1474 âgé de soixante-six ans, et fut inhumé dans l'église de Sainte-Praxède.
* ne pouvant résider à Dol, il fit placer à Dol d'abord Ambroise de Cambrai, évêque d'Alet, qui devint par la suite chancelier de l'université de Paris ; le 16 janvier 1460 Alain résigna en faveur de Gabriel du Chastel, son jeune cousin évêque d'Uzes, qui fut transféré à Dol. Quand cette translation fut annulée en 1462 —Gabriel du Chastel mourra en 1463 et fut enterré à Saint-Praxède dans la même basilique que son oncle—, le cardinal reprit sa commende et résigna une seconde fois en faveur de son neveu Christophe de Penmarc'h, qui fut pourvu le 7 février 1474.
Il possédait en Bretagne d'importants et nombreux bénéfices : les archidiaconés de Rennes, et du Désert ; les paroisses Saint-Armel de Ploërmel—qu'il céda suite à un procès— , de Marsac près de Redon, —qu'il résigna en 1451 à la prière de Pierre II de Bretagne —, de Noyal-Pontivy ; les prévotés d'Aix, archi diaconé de Léon et paroisse de Lannilis; la commende de l'abbaye de Villeblanche ; les prieurés de Saint-Nazaire, de Sainte-Croix de Nantes, de Vertou, de saint-Martin de Lamballe ; de Saint-Sauveur de Béré ; et, hors de Bretagne, des bénéfices de saint-Clément de Craon, ou la prévosté de Restigné, dans le diocèse de Tours.
Il comptait parmi ses familiers de nombreux bretons, et utilisa ses relations avec le Vatican pour les favoriser, tout comme il fit profiter ses neveux de son influence : Le Bulletin Diocésain de Quimper a relevé (BDHA 1914) les décisions suivantes de différents papes :
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7 janvier 1461 : Pie II nomme Alain de Coëtivy, qui a donné sa démission d'évêque d'Avignon, évêque de Saintes, (BDHA 1914 p. 79) .
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16 septembre 1464 : Guillaume de Dresnais, proche d'Alain de Coëtivy, obtient la possession de l'église paroissiale de Cast par décision du pape Paul II. [N.B : Charles du Dresnay fut recteur de Crozon en 1442]
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janvier 1465 : Alain de C. fait nommer un de ses proches, Alain Guirieuc, recteur de l'église d'Argol (Presqu'île de Crozon).
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avril 1465 : Yves de Boutteville, clerc proche d'Alain de C. est recommandé aux chapitre de Quimper et Vannes.
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Guillaume Marhec, clerc de Léon, commensal d'Alain, est recommandé, etc
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sept 1466 : Christophe de Penmarc'h, neveu d'Alain de C. est nommé recteur de Lannilis
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juillet 1467 : Louis de Penmarc'h, neveu et commensal d'Alain, est nommé recteur de Ploegar
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sept.1467 : Christophe Monfort, chapelain et commensal d'Alain est nommé recteur de Plouvien
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février 1470 : Yves Torchen devient recteur du Drennec.
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avril 1470 : Guillaume Kerguen, neveu d'Alain de C. nommé recteur de Landunvez
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mars 1473 : Geoffroy Treanna clerc de Quimper familier commensal d'Alain de C est dispensé pour bénéfices incompatibles. N.B : Geoffroy Treanna était archidiacre du Mans et recteur de Crozon de 1486 à 1496, et chanoine de Quimper en 1494. En 1476, il est vice-chancelier et commensal du cardinal Rodrigue Borgia, évêque d'Albano.
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avril 1474 : Jean de Pleuc, agé seulement de 17 ans, mais neveu d'Alain de C. est nommé recteur de Ploeuc (diocèse de St-Brieuc). Il bénéficiera en 1474-1475 de dispense d'incompatibilité.
- Mai 1474 : Jean Le Guirhiec, recteur d'Argol, familier d'Alain de Coëtivy est autorisé à retenir la paroisse de St-Nic (Presquîle de Crozon).
Ces noms de ses familiers et commensaux doivent être complétés par ceux de Tangui de Porzmoguer, fait chanoine de Saint-Brieuc ; Alain de Saint-Goeznou, qui obtient la paroisse de Machecoul ; Christophe de Languenoez, qui obtient à vie l'aumonerie de Sainte-Catherine de Quimper ; Olivier de Rosmadec, qui obtient dispense pour incompatibilité ; Pierre Monfort, chapelain à Tréguier ; Olivier Noblet, curé de Braspart ; Alain de Penmarc'h, recteur de Ploudaniel puis qui obtint le canonicat de Léon ; Guillaume Ruffi, clerc de Quimper gratifié d'une expectative ; Guillaume du Dresnay, (cf supra) recteur de Ploumoguer en 1469 ; Jean Racine, dispense d'incompatibilité ; Jean Genor, Guillaume Aufredi, Jean Bailli ; Guillaume Barbier, Charles de Boutteville, recteur de Cast en 1458 ; Pierre Carion ; Bertrand de Coattanezre ; Jean Guegou ; Yves Mallou ; Olivier de la Moussaye ; Alain de Penquelenec ; Yves Torieuc ; André Vitalis.
Enfin, pour montrer jusqu'où s'étendait sa puissance, il obtint pour son frère Prigent, l'amiral, "indults du confesseur et de l'autel portatif", et, essentiel pour un breton, "la permission d'user du beurre comme en son pays au lieu de l'huile comme en France", par décision de 23 août 1442.
La légation papale.
Ce cardinal était venu en France pour solliciter, de la part du pape, le roi Charles VII de porter du secours aux Grecs contre les Turcs qui assiégaient Constantinople, dont ils ne tardèrent pas à s'emparer. Doué d'une élocution facile et brillante, il persuada au roi d'entrer dans les vues du pape; mais la mort du pontife, qui arriva peu de temps après, empêcha l'exécution de ce projet. Ce fut le cardinal de Coëtivy qui s'opposa, dans le conclave où se fit l'élection de Callixte III, à ce que le cardinal Bessarion, Grec très savant et très recommandable, fût élevé au souverain pontificat. Choisi par le pape Callixte III pour remplir les fonctions de légat en France et en Bretagne, il fut envoyé de Rome vers la France pour stimuler les ardeurs des princes et ducs à l'égard de la croisade contre les Turcs, dont le départ était fixé pour le 1er mars 1456.
La canonisation de Vincent Ferrier.
Vincent Ferrier etait un dominicain espagnol , grand évangélisateur qui avait été appellé en 1418 en Bretagne par le duc Jean V : avec le zèle qui lui était propre, il sillonna le duché de ville en ville jusqu'à sa mort à Vannes en 1419.. Le duc jean V avait imposé que le corps du saint demeura dans le choeur de la cathédrale de Vannes, mais s'était réservé le droit de faire délivrer des reliques. Au vu des miracles accomplis par ses reliques, une enquête de canonisation fut confiée à trois cardinaux, dont le cardinal Alphonse Borgia : dès son avènement comme pape sous le nom de callixtre III, il chargea le cardinal de Coëtivy de prendre sa place, et le breton ne se fit pas prier, tant et si bien que la canonisation fut prononcée le 29 juin 1455. Callixte III désigna Alain de Coëtivy comme légat pour procéder à la levée du corps saint. La cérémonie se fit à Vannes le 5 avril 1456, et c'est à son décours qu'Alain de Coëtivy se rendit en pélerinage à la collégiale de Folgoët. Le 2 mai 1456, il se trouvait à Rennes, puis il quitta la Bretagne et arriva à Tours en juin.
Alain de Coëtivy et la Collégiale du Folgoët.
http://fr.topic-topos.com/groupe-du-cardinal-de-coetivy-le-folgoet
Pour la raconter brièvement, l'histoire de l'église Notre-Dame du Fologoët remonte au XIVe siècle. Selon la légende relayée par les historiographes bretons de la fin du Moyen Âge puis par Albert le Grand, l'édifice est construit vers 1360 à l'emplacement de la tombe de l'innocent Salaün. Ce dernier n'avait été capable dans son existence de ne réciter que l'Ave Maria. A sa mort, un lys pousse miraculeusement sur sa tombe et porte sur ses pétales ces mots d'or : Ave Maria. Le miracle est à l'origine d'un pèlerinage local et régional important et donne son nom à l'édifice (" Ar Foll Coat " ou le " bois du fou "). Rapidement, les ducs Montfort exploitent cette dévotion nouvelle et soutiennent le culte. Si la présence du jeune Jean V en 1404 comme le rapporte Jean de Longoüeznou n'est pas assurée, une inscription commémore encore son rôle dans l'érection de l'édifice en collégiale en 1423. Les travaux de construction et d'agrandissement durent dès lors une grande partie du XVe siècle et sont marqués par le poids du commanditaire ducal et de la tradition architecturale régionale. A bien des titres, la collégiale Notre-Dame du Folgoët constitue un véritable "lieu de mémoire" du duché comme en témoigne par exemple le pèlerinage qu'Anne de Bretagne effectue ici en 1505.
Selon Albert le Grand, les armes de Coëtivy figuraient sur un vitrail "auprès de celles du seigneur de Kermaon", et en 1837, Miorcec de Kerdanet, dans une note de La vie des saints de la Bretagne", indique qu'elles s'y trouvaient encore. Parmi les vitraux actuels, qui datent de la fête du couronnement de 1888, le vitrail du portail ouest représente le cardinal de Coëtivy, à coté du duc Jean V et d'Anne de Bretagne
L'édifice a été frappé par la foudre en 1633, puis incendié en 1708, et enfin saccagé complétement à la Révolution et vendu comme Bien National, les statues étant décapitées et le mobilier en bois détruit.
Voir : R.P. Cyrille Pennec, 1825, Le dévot pélerinage...
En conclusion la basilique du Folgoët conserve le souvenir du cardinal de Coëtivy, elle n'a conservé aucune trace, ni actuelle ni passée, de ce reliquaire des dix mille martyrs, et aucun culte ne s'est développé dans les suites du splendide privilège que lui procura le cardinal d'Avignon. Or, ceci est fort étrange, car il n'est pas fréquent qu'un sanctuaire qui reçoit l'insigne honneur de pieuses reliques n'en organise pas le culte, par processions, par cantiques, par confréries, par une chapelle votive, par des manifestations le jour de la fête du dit martyr, d'autant que la présence de ces reliques est souvent associée à l'attribution d'indulgences.
Le texte de Miorcec de Kerdanet est la seule origine de cette information, mais cet auteur ne cite pas sa source (ou, du moins, je ne l'ai pas découvert).
Différentes reflexions autour du thème des dix mille martyrs.
1. Alain de Coëtivy, "sabinensis".
Le cardinal d'Avignon est qualifié d' "évêque de Sabine", en latin, episcopus sabinensis. Le diocèse de sabine fait partie de l'un des septs diocèses suburbicaires de Rome, diocèses "sous la ville" et situés dans la périphérie de Rome: ainsi la ville de Poggio Mirteto, siège épiscopal du diocèse de sabine, est située à 60 kms de Rome, et celle de Magliano-Sabina, où se trouve la co-cathédrale est à quelques 70 kms. Le point important est que ces diocèses appartiennent au diocèse romain (dont l'évêque est le pape lui-même), et qu'ils sont décernés en titre (honorifique) aux cardinaux-évêques, les cardinaux les plus hauts placés dans l'ordre protocolaire, et les plus proches du pape, l'administration réelle du diocèse étant confiée à un évêque auxiliaire.
Or, il se trouve que la légende des Dix mille martyrs, dans sa première rédaction par Anastase, le bibliothécaire du Siège Apostolique, est adressée à un certain Pierre (ou Père) Petro egregio sanctae Sabinensis ecclesiae episcopo, " illustre évêque de l'église de Sainte-Sabine".
Et il se trouve aussi que la lettre que ce même Anastase le Bibliothécaire adressa à Charles le Chauve pour lui présenter sa traduction latine des œuvres de Saint-Denis (en fait le Pseudo-Denys) était portée par un légat du pape, un Léon, cardinal sabinensis.
Comme ces répétitions sont vaines ! Comme elles se rient de mes tentatives de leur donner un sens ! Comme ces occurences savent prendre l'allure de précieux indices, et s'évanouir comme des mirages, des miroirs pour les alouettes de lavieb-aile ! Nous sommes en mars : je les traquaient depuis octobre.
2. Alain de Coëtivy et le monastère des Trois Fontaines.
C'est mon deuxième miroir aux alouettes.
Miorcec de Kerdanet a bien écrit qu'Alain de Coëtivy a ramené ses reliques des Dix mille martyrs du monastère des Trois-Fontaines. Celles du reliquaire de Crozon en proviennent-elles aussi ?
L'Abbazia delle Tre Fontane , anciennement Acquae Salviae était jadis un monastère de type greco-arménien du VIIe siècle situé dans un frais vallon de la via Laurentina du sud de Rome. Selon la tradition, c'est aux Acquae salviae ancienne cure thermale des romains, que l'apôtre Paul aurait été décapité le 29 juin 67, sa tête ayant rebondi trois fois aurait entrainé l'apparition de trois fontaines. Un premier édifice du Ve siècle rendait hommage au saint.
Au même endroit, de nombreux soldats chrétiens furent martyrisés autour de leur tribun Zénon entre 298 et 304, par Dioclétien et Maximien Hercule. Plus exactement, ils étaient 10203 chrétiens, que l'empereur condamna d'abord à des sortes de travaux forcés en leur faisant construire ses Thermes de Dioclétien, avant de les exterminer aux Acquae Salviae. Zénon est fêté le 9 juillet. Les Romains horrifiés par cet acte barbare recueillirent les reliques des martyrs auprès d'une fontaine que, comme jamais elle ne se tarissoit, ils nommèrent Gutta jugiter manans. [On reconnaîtra l'adjectif latin jugiter, "en coulant toujours", venant de jugis, e : "qui coule toujours, intarissable", et on se méfiera de l'article Wikipédia qui donne Gutta jugiler manans : et si on aime le latin, on lira ce récit des decem mile ducenti e tres ici.].
On trouve aussi ces reliques des constructeurs des Thermes à Rome dans la basilique Santa Maria degli Angeli e dei Martyri, près de la gare Termini.
Durant la seconde moitié du VI e siècle, un monastère est construit par des moines grecs, ayant peut-être fui leur pays lors de l’invasion arabe de la Cilicie. Un empereur d’Orient, Heraclius, leur fait l'offrande de la tête de saint Anastase, moine perse mis à mort par Khosro II en 624. Au VIIe siècle, un monastère gréco-arménien est attesté car un vénérable abbé Georges de Cilicie, d'un monastère proche des Aquae salviae participe au synode de 649 convoqué par le pape Martin I. De cette époque date une première église dédiée à la Vierge, là où se dressera celle que l'on nommera Santa Maria Scala Coeli, Sainte-Marie de l'Echelle des Cieux après une vision de Saint Bernard en 1138.
Revenons sur Saint Anastase pour préciser que s'il perdit la tête, c'est que Magundat (c'est son vrai nom) fut martyrisé le 22 janvier 628 avec 72 autres martyrs par le roi Chosroes à Césarée en Palestine.
Un guide de pèlerinage datant de 650 indique l’itinéraire à suivre pour visiter le monastère Ad Aquae salviae où « se trouvent les reliques de saint Anastase et où fut décapité saint Paul ». On parle également de miracles.
Au VIIIe siècle, le monastère et l'église sont détruits par le feu, puis grâce à Adrien 1er, la reconstruction démarre rapidement.
Au VIIIe siècle comme au IXe siècle, les papes seront généreux vis-à-vis du monastère de saint Anastase, ce qui démontre son prestige et sa popularité.
En 805, suite à une victoire inespérée contre les Lombards, obtenue par l’intercession de saint Anastase, Charlemagne, allié du pape Léon III, fait don à l’abbaye de larges domaines situés dans la région d’Orbetello et Ansedonia (en Toscane).
Un déclin progressif du monastère amène le pape Grégoire VII à y établir en 1080 des moines de Cluny, les monastères grecs étant progressivement repris après le grand schisme de 1054 par des occidentaux.
En 1140, Innocent II confie l’abbaye à Bernard de Clairvaux et aux moines cisterciens. L’ordre de Cîteaux est alors en pleine expansion. Bernard soutient vigoureusement les droits d’Innocent II contre les agissements de l’antipape Anaclet II, soutenu par les moines clunisiens.
Tre Fontane est fille de l'Abbaye de Clairvaux et le premier abbé envoyé par Clairvaux est Pier Bernardo Paganelli (de Pise), disciple et ami de saint Bernard. En1145, il devient pape sous le nom de Eugène III. Connaissant bien l’insalubrité des lieux, Eugène III donne aux moines la permission exceptionnelle de passer les mois d’été au château de Nemi.
Un document de 1161 mentionne pour la première fois les trois églises de Tre Fontane : l’église abbatiale, celle de la décapitation de saint Paul (des trois fontaines), et celle sainte Marie Scala Coeli (commémorant une vision de saint Bernard).
Le XIIe siècle et XIIIe siècles est une période de ferveur et d’expansion. En 1306, l’abbaye est entièrement terminée avec la construction du cloître et de la salle capitulaire.
En 1370 sont apportées du Portugal des reliques de saint Vincent de Saragosse. Dès lors, l’église abbatiale du monastère s'appelle Basilique des saints Anastase et Vincent. Une période de difficulté s’ouvre avec le XVe siècle. En 1408, par décision de Martin V, l’abbaye passe en régime de commende. Comme partout ailleurs, les abbés commendataires s’intéressent peu au bien spirituel des moines et à la discipline monastique. Hors du monastère cependant, l’église de la vision de saint Bernard (‘Maria Scala Coeli’) est reconstruite de 1592 à 1594. Il en est de même pour l’église de la décapitation de saint Paul qui est refaite (1599-1601).
Dans l'actuelle église Santa Maria Scala Coeli se trouve l'inscription décrite ainsi par l'abbé Rolland Chanoine honoraire de Tours, membre de la Société archéologique de Touraine, etc (ROME, ses églises, ses monuments, ses institutions Tours, Alfred Mame et fils, éditeurs, MDCCCLXXXVI) : « Sous le pavé de cette église reposent les corps de dix mille deux cent trois martyrs. Ils furent tués en un seul jour, ayant à leur tête le tribun Zénon. C’est la récompense que leur donnèrent Maximien et Dioclétien, après qu’ils eurent construit leurs thermes. Les fidèles les ont ensevelis dans ce lieu, et sur la porte de la catacombe on lit cette inscription :
HIC REQVIESCVNT CORPORA
S. MARTYRIS ZENONIS TRIBVNI
ET SOCIORVM MILITVM
DECEM MILI{T}VM
DVCENTORVM TRIVM
Ici reposent les corps du saint martyr Zénon le tribun et de ses compagnons et soldats
au nombre de dix mille deux cents trois."
Ailleurs,en 1769 Jérome de la Lande, un visiteur décrit "les souterrains de cette église sont l'ancien cimetière de S. Zénon où furent enterrés plus de dix mille martyrs".
Sources : Abbaye des Trois Fontaines http://www.rome-roma.net/abbaye-des-trois-fontaines.php
Dans l'histoire de ce monastère, beaucoup d'éléments nous rapprochent de la légende des Dix mille martyrs : la notion d'un monastère gréco-arménien, puisque c'est en Arménie que les soldats d'Acace furent martyrisés selon la légende ; la notion de milliers de martyrs éxecutés sous Dioclétien et dont les reliques étaient vénérés à Tre Fontana.
3. Alain de Coëtivy, cardinal au titre de Sainte-Praxède, et son tombeau.
La basilique Sainte Praxède (Santa Prassede) a été construite sous le pontificat de Pascal Ier au IXème siècle, à l’emplacement d’un précédent lieu de culte, église ou habitation patricienne romaine (qui abritait souvent une pièce dédiée au culte). Le pape fait transférer à cette occasion les restes de 2 000 martyrs. Une plaque de pierre indique l’endroit où ils reposent.
La basilique abrite dans la chapelle de la Saint-Colonne (qui conserve un fragment de la Colonne de la Flagellation) le très beau tombeau d'Alain de Coëtivy, représenté en gisant, revêtu de ses habits pontificaux. Image : http://commons.wikimedia.org/wiki/File:Tomb_of_Alano_Coetivy.jpg
On lit sur son tombeau l'épitaphe suivante :
Sedente Sixto IV, Alanus, episcopus sabinensis, ecclesiae romanae cardinalis, nobilisima apud Britones Coetivorum gente natus, illustri legatione ad Gallos, pro fide functus, cujus vita exemplum virtutis, actiones autem privatim et publicé salutares fuere, hoc monumento conditus est. Vixit annos LVI, menses VIII, dies XV MCDLXXIV.
Conclusion.
Au terme de cette recherche, je reviens bien bredouille : je ne tiens que l'information donnée par Miorcec de Kerdanet, mais n'ayant pu ni la vérifier, ni l'utiliser pour découvrir d'autres informations, j'en viens presque à la mettre en doute. D'autre part, rien n'indique même que les dix mille martyrs du reliquaire du Folgoët soient ceux qui furent crucifiés sur le mont Ararat, et non pas les compagnons de Saint Zénon : les reliques de ceux-ci étaient bien les plus disponibles en l'abbaye des Trois-Fontaines.
Je ne peux qu'échafauder des hypothèses :
1. La première d'entre elles est la possibilité que le titre de cardinal du diocèse de Sabine, sabinensis, diocèse suburbicaire de Rome, puisse faciliter l'obtention de reliques "des Dix mille martyrs" auprès du monastère de Tre Fontana à Rome.
2. La seconde, très audacieuse car parfaitement infondée, est d'imaginer que les reliques du Folgoët aient été transférées, après 1456 date de leur don au Folgoët, à Crozon où elles aient reçu un nouveau reliquaire, que l'on date du début du XVIe siècle. Cela aurait le mérite d'expliquer qu'aucune mention des Dix mille martyrs ne soient faites au Folgoët.
3. La troisième, est de penser que les reliques de Crozon proviennent elles-aussi de l'abbaye de Tre-Fontana, par l'intermédiaire d'un personnage breton aussi influent auprès du Vatican, s'il en fut, que le Cardinal d'Avignon, ou par le biais de l'entourage d'Anne de Bretagne. En effet, la transcription de la Légende des Dix mille par Alain Bouchart dans ses Chroniques rédigées à la demande de la Duchesse, et la présence d'une oraison et d'une miniature de ces martyrs dans son Livre d'Heures indiquent que ce culte était important autour de la duchesse Anne lorsqu'elle était reine de France.
Pour le reste, je passe la main.
Sources :
Les Papes et les Ducs de Bretagne, essai sur les rapports du Saint-Siège avec un État, B-A. Pocquet du Haut-Jusse, Bibliothèque des Écoles françaises d'Athènes et de Rome, Paris 1928, Tome 2, p.672.
Salvator Miranda Univ; Park Miami : biographie d'Alain de Coêtivy.