Les vitraux anciens de l'église d'Ergué-Gabéric (29).
La Maîtresse-vitre ou Baie 0.
Mesurant 6,60 m de haut et 2,70 m de large, elle est constituée de quatre lancettes trilobées de 4m sur 0,52 m, organisées par cinq barlotières par lancettes en trois registres et douze scènes, et d'un tympan de 14 ajours de 3,20 m de haut, composant deux fleurs de lys.
Elle est datée grâce à une inscription sur un cartouche à droite : CESTE VICTRE FUT FECTE L'AN MIL VccXVJ [...] et // POUR LORS FABRIQUE.
Classement Mh au titre d'objet : 25/07/1898/
Des verres authentiques (1517) peu restaurés.
Elle a été vraisemblablement été restaurée au XVIIIe (les comptes de fabrique mentionnent alors la remise en état de tout le mobilier) et lors de son classement MH en 1898, et/ou, pour les auteurs du Corpus Vitrearum,"autour de 1900", sans que ces travaux ne soient documentés. En 1942, ils furent déposés et mis à l'abri au musée départemental de Quimper, avant d'être replacés en 1949 par l'entreprise Labouret après nettoyage à l'eau claire. Mais dans l'ensemble, peu de pièces neuves ont été introduites dans les lancettes, à la différence du tympan où presque tous les fonds et une bonne partie des blasons ont été refaits. Plus récemment, la verrière a été nettoyée en place par le maître-verrier Le Bihan de Quimper.
Cette authenticité fait tout son intérêt, mais la rend plus difficile à lire et à apprécier à un visiteur qui ne prend pas le soin d'une lecture approchée et que les verres rongés des taches sombres de corrosion peuvent rebuter : tout le contraire de sa jumelle, la Passion de Lanvénégen, restaurée avec zèle par Eugène Huchet au XIXe et dont l'avenante clarté se fait au dépens de la conservation des verres anciens.
Des Passions bretonnes issues d'un même atelier.
Car cette Passion ressemble par de nombreux points aux Passions ou Vie du Christ de Plogonnec, de Guengat, de Penmarc'h et de Lanvénégen, et provient selon Roger Barrié d'un même atelier, sans-doute celui des quimpérois Laurent et Olivier Le Sodec. Le recherche de ces points communs et des différences propres à chaque paroisse rehausse considérablement l'intérêt de son étude. J'ai donc mis en parallèle les panneaux communs aussi souvent que possible.
Voici les autres verrières contemporaines du Finistère, avec lesquelles existent des rapports de similitude (mêmes cartons), de thème, d'histoire (même influence des familles nobles) ou de comparaison. Tous ces éléments sont issus de la thèse de Roger Barrié :
- 1510 : Penmarc'h, Vie du Christ. Les vitraux de l'église Saint-Nonna de Penmarc'h (29).
- 1510 : Guengat, Vie du Christ. L'église de Guengat (29) : I. Les vitraux.
- 1515 : Lanvenegen, Passion. Le vitrail de la Passion de Lanvénégen (56).
- 1516 : Ergué-Gabéric, Passion-Vie du Christ.
- 1516 : Kerdévet , Les Évangélistes.
- 1516, Le Faouet, Transfiguration.
- 1520 : Plogonnec, Passion Le vitrail de la Passion (Maîtresse-vitre) de l'église St-Thurien de Plogonnec (29).
- 1520 : Clohars-Fouesnant, Saint Christophe.
- 1520 : Kerfeuten : Arbre de Jessé Le vitrail de l'Arbre de Jessé de l'église de la Sainte-Trinité à Kerfeunteun :
- 1525 : Guengat , Jugement Dernier. L'église de Guengat (29) : I. Les vitraux.
- 1525 : Pluguffan, Christ.
- 1525 : Kergoat, Christ bénissant. Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, les vitraux.
- 1530 : Dinéault, Chapelle St Exupère (au Musée Dal de Quimper)
- 1539 : Peumerit (22) Docteurs d'Occident.
- 1550 : Plogonnec, chapelle Saint-Théleau, Résurrection.
- 1560 : Kergoat, Jugement Dernier. Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, les vitraux.
Le début du XVIe siècle.
Le vitrail est daté de 1517 :
— Clergé : On ignore le nom du recteur en poste, mais en 1534 il s'agira de Guy de Keraldanet. L'évêque est Claude de Rohan de 1501 à 1540, mais ce simple d'esprit est incapable d'exercer sa charge et c'est l'abbé de Daoulas Jean du Larguez qui administre le diocèse.
— Le Duché est dirigé par Anne de Bretagne de 1488 à 1514. Elle a épousé Charles VIII en 1491, et celui-ci a obtenu l'administration du duché. A la mort du roi en 1498, Anne reprend son titre de duchesse et retourne en Bretagne et Louis XII en 1499.
— Le roi en 1517 est François Ier (1515-1547). Les Guerres d'Italie, débutées en 1494, et auxquelles participe la noblesse bretonne, ouvre nos provinces à l'infliuence des arts et de la culture de la Renaissance.
—Les Grandes Heures d'Anne de Bretagne enluminé par Jean Bourdichon date du tout début du XVIe siècle.
—En 1514, Alain Bouchart publie les Grandes Croniques de Bretaigne
REGISTRE INFÉRIEUR.
J'ai repris les descriptions de Roger Barrié (R.B) et du Corpus Vitrearum (C.V) en les complétant de mon modeste grain de sel.
I. Nativité.
"Enfant restauré au début du XVIIe." (C.V).
"Autour du berceau d'osier, la Vierge en prière et saint Joseph dans l'attitude de l'émerveillement se détachent devant une masure ruinée, couverte de chaume ; on ne voit que les têtes de l'âne et du bœuf. L'étoile se détache sur un fond rouge damassé." (R.B)
"Même carton à Guengat en a3" (R.B) : mêmes couleurs des vêtements et du fond, même étoile (gravée à Guengat), et jusqu'au bouton identique à l'encolure du manteau de la Vierge. (Cliquez pour agrandir).
II. Circoncision.
"Enfant restauré au XVIIe siècle." (C.V)
"La Vierge présente l'enfant dénudé sur un autel couvert d'une nappe au mohel qui, tenant le sexe de l'enfant, ajuste le couteau. Ce dernier est richement habillé : mitre à cabochon, camail en pointe décoré de même, dalmatique damassée, tunique rayée de brocart. Entre eux, un diacre, les cheveux courts, présente un livre ouvert ; à l'arrière plan, on distingue dee gauche à droite les têtes d'une femme agée, de saint Joseph penché en avant, d'un homme à longue chevelure et coiffé d'un grand chapeau, et celle d'un homme à bonnet rond. A la fin du Moyen-Âge, le thème est contaminé par celui de l'imposition du prénom, d'ou le registre ouvert, ainsi que par celui de la présentation au temple, ce qui explique l'assimilation du mohel au vieillard Siméon et la présence de la prophétesse Anne. Fond vert damassé. Sur le galon de la manche gauche de la dalmatique, on lit : VICTORIAC... et sur ceux de la fente latérale AVIDE...AEVNX et CA." (R.B)
"Le même carton se trouve à Guengat (b3) et à Penmarc'h (c1) avec quelques différences dans l'habillement du mohel et le nombre des personnages secondaires." (R.B)
III. Baptême du Christ.
"Bien conservé, plomb de casse" (C.V)
"Saint Jean verse l'eau baptismale avec une cruche sur la tête du Christ immergé et recueilli pendant qu'une colombe se penche au dessus de sa tête. Fond damassé rouge." (R.B)
"La position des personnages est identique à Guengat (c3) et Penmarc'h (d2)" (R.B)
IV. Entrée à Jérusalem.
"Bas de la tunique du Christ restauré" (C.V)
"Le Christ, monté sur l'ânon et suivi des apôtres dont on voit trois visages, est acclamé à la porte des remparts par un groupe de quatre hébreux ; des deux premiers, adolescents en tunique courte, selon le texte de l'évangile apocryphe de Nicodème, "pueri Hebraeorum" , l'un bat des mains et l'autre tient un rameau. Au fond, un personnage adulte se décoiffe. Fond bleu damassé. (R.B)
REGISTRE MÉDIAN.
I. Communion des apôtres.
"Restauré : drapé de la nappe d'autel, tête d'un apôtre." (C.V)
"Le Christ debout tient un calice et présente l'eucharistie à saint Pierre agenouillé au premier plan ; huit têtes d'apôtres sont étagées à sa droite. une table recouverte d'une nappe blanche damassée, avec dentelles, en occupant le centre comme [dans] la Circoncision, sépare les protagonistes et donne de la profondeur à une composition délicate. Le calice est figuré comme une pièce d'orfèvrerie gothique à pied et nœud polygonaux. Fond vert damassé". (R.B)
Comme on le voit, ni les auteurs du Corpus ni Roger Barrié ne s'interrogent sur l'originalité de ce thème. Surtout, ce dernier, si attentif aux ressemblances à l'intérieur du groupe d'œuvres issu de l'atelier de Quimper (c'est l'objet principal de sa thèse) s'abstient de souligner l'existence d'une scène analogue à Lanvénégen, encore plus rare, la Communion de Judas.
Choisir de représenter une Communion des apôtres en lieu et place d'une Cène (c'est à dire l'allégorie d'un sacrement plutôt que la simple mise en image du récit évangélique) suppose un choix de nature théologique, dont la détermination mériterait d'être étudiée, dont les sources (homélies, travaux de théologiens, iconographie) attend d'être précisée. De même, l'inversion de sens entre une Communion de saint Pierre d'Ergué-Gabéric —la Cène comme institution de l'Eucharistie— et une Communion de Judas de Lanvénégen — achoppement possible de la doctrine, mais débat sur le libre-arbitre — ne peut être occultée.
II. Le Christ au Jardin des oliviers.
"Avec Dieu le Père figuré à l'identique du Fils (peu restauré)." (C.V)
"Le visage du Père, tel un reflet de celui du Fils, apparaît au Christ en prière pendant que les apôtres dorment ; le lieu est symbolisé par un arbre et par une clôture de branches tressées. Alors que Jacques et Jean dorment la tête dans la main ouverte et appuyée sur l'avant-bras dressé c'est-à-dire dans la position traditionnelle du sommeil depuis l'art roman au moins, Pierre est couché de tout son long en travers de la scène, enveloppé dans un grand manteau rouge qui couvre même la tête et d'où ne dépassent que le profil, la garde du glaive et les pieds nus. Sol parsemé de plantes à tiges et fond violet damassé ." (R.B)
On comparera avec Lanvénégen. (dans les deux cas, le verre rouge doublé, rongé par la corrosion, et particulièrement mince sans-doute, perd sa couleur)
III. Le Baiser de Judas.
"Presque intact" (C.V)
"Le Christ recolle l'oreille de Malchus assis à terre avec lanterne et hache pendant que Judas l'embrasse en cachant sa bourse et que Pierre rengaine son glaive. Deux soldats à droite, dont l'un en armure avec hallebarde. Les cimeterres de Malchus et du soldat sont sur le même modèle, avec fourreau damasquiné, comme celui du Portement. Fond damassé bleu." (R.B)
Comparons avec Lanvénégen :
IV. La Flagellation.
"Panneau inférieur complété" (C.V)
"Il convient d'intervertir cette scène avec la suivante au registre supérieur pour conserver la cohérence du récit. Les bas de chausses du bourreau de droite sont tombés au cours de l'effort ; l'autre bourreau tient la corde qui attache le Christ à la colonne par la taille ; il porte un bonnet enfoncé jusqu'à l'oreille au lobe de laquelle pend un grelot. Ces détails pittoresques relèvent de l'iconographie courante au XVe siècle principalement dans l'art flamand. Pavage du sol constitué de cercles et de losanges alternés comme dans la Comparution devant Pilate. Fond rouge damassé." (R.B)
"Carton identique à Penmarc'h" (R.B). on comparera aussi avec Lanvénégen, sur un carton inversé, où la même boucle d'oreille s'observe.
Bien que cette boucle ressemble, à Ergué-Gabéric, à un grelot en raison d'un trait noir en partie inférieure, cela semble à mon avis un artefact sur une boule ou un anneau.
REGISTRE SUPÉRIEUR.
I. Comparution devant Pilate.
"Bouche-trou remplaçant la tête du chien." (C.V)
"Carton exactement identique à ceux de Plogonnec (c1) et de Lanvénégen (d2). On distingue bien ici la décoration florale sculptée sur le dessus du trône. Deux lignes de lettres sur la panse de l'aiguière : "VOEAIVRE" ; sur le galon de la tunique courte du serviteur, on lit "E....OV...V..." et sur le camail "NDREIOV". Fond damassé bleu." (R.B)
Comparaison avec Plogonnec et Lanvénégen :
Roger Barrié ne mentionne pas ici le petit chien qui, au pied de Pilate, aboie vers le Christ. Pourtant, il est présent à Plogonnec et à Ergué-Gabéric, et j'ai montré qu'on le retrouvait sur des gravures de Dürer et de Schongauer.
A Plogonnec :
II. Portement de croix.
"Carton identique à celui de Plogonnec (b1) mais la composition est inversé ; seul diffère le sol, ici jonché de cailloux. Fond rouge damassé." (R.B)
III. Crucifixion.
"Manteau du cavalier de droite restauré" (C.V)
"Carton exactement identique à celui de Plogonnec (a2) et partiellement à celui de Lanvénégen (b3). Fond damassé rouge." (R.B)
Plogonnec :
Lanvénégen :
IV. Résurrection.
" peu restauré" (C.V)
" Carton exactement identique à celui de Plogonnec (d2) ; mais le sépulcre est ici curieusement orné de curieuses baies trilobées inscrites dans des ouvertures rondes, le tout comme déformé par un rendu maladroit de la perspective. Fond damassé bleu" (R.B)
Plogonnec :
LES DAIS ARCHITECTURAUX.
"Têtes de lancettes : dais plus élevés, ornés de colombes et de statuettes d'anges jouant de la flûte et du tambour" (C.V)
Voilà la description de Roger Barriè : attention, morceau de virtuose !
"Dans l'encadrement des scènes, on retrouve de nombreux motifs Renaissance rencontrés à Plogonnnec, constituant des structures identiques ou très voisines, dans le même esprit ornemental. Aux soubassements des lancettes a et d ; les consoles cantonnées de pattes ailées délimitent des niches creusées dans un stylobate mouluré ; des angelots munis d'une cornemuse se dressent dans ces niches à tenture et à pavage régulier. En d, le bas de la console est interrompu par une inscription en minuscules gothiques, aujourd'hui masquée par la prédelle du retable baroque et assez mutilée ; nous la restituons ainsi : « Ceste Victre. fut. fecte ./ (en). lan.mil.Vcc. et ./ (esto) et. pour. lors.fabriq/ue. - - jeh - -al - - - - » ; le millésime est indubitable. En b, le stylobate est encadré de pilastres dont les panneaux figurés et la corniche sont semblables à ceux des soubassements a et d de Plogonnec."
"Les scènes du premier et du second registre sont séparés par des arcatures reposant sur des culots ornés, sans liaisons avec les socles ; leur dessin est obtenu par la juxtaposition de portions de cercles de centre différent. En a et de, le profil de l'arcade est constitué 'une corniche à oves, avec enroulements ; des oiseaux portent dans le bec une guirlande de feuillages qui, s'attachant à la clef de voûte saillante, retombe en pendentif ; par contre, en b et c, deux éléments composés chacun de feuilles d'acanthe liées, motif déjà relevé à Plogonnec, dessinent l'arcature avec guirlande de perles et pendentif, devant une architrave. Dans ces deux types d'arcature, reviennent des détails ornementaux du soubassement : cabochons en carré concave, fleurs d'attache des guirlandes de perles, et corniche à petites feuilles plates.
"La même symétrie dans la décoration des lancettes différencie les couronnements. En a et d, deux anges tenant une cornemuse sont assis sur le dos de l'arcade en plein cintre, ornée de godrons et de cinq guirlandes ; la clef de vote est occupée par un musicien profane, debout sur le pendentif, jouant de la flûte à bec et du tambourin. Surmontant le tout, un entablement supporte un candélabre où se combinent, de la base au sommet, la console et trois paires de pattes ailées. En b et c, la même arcature, plus chargée de guirlandes et de rangs d'oves, est timbrée d'un cartouche où figure en caractères gothiques le sigle de Jesus Hominum Salvator (1), et porte les motifs d'acanthes, ici garnies de poires. Au dessus, un entablement convexe, cantonné de pilastres à panneaux figurés, a pour fronton une paire de pattes ailées et un couple de dauphins aux angles ; il est terminé par un bourgeon naissant qu'enserre une couronne ducale très semblable à celle des blasons de tympan, des candélabres à Plogonnec et des anges du tympan à Penmarc'h."
" (1) Dans sa hâte à déchiffre partout des dates et des signatures, Couffon (1952, p14) a pris pour une date de restauration 1728, imaginaire mais fort plausible au demeurant, la forme contournée de ces minuscules gothiques agrandies ainsi que l'abréviation par suspension [tilde] du mot hominum, soit I.~H.S" (Roger Barrié page 19)
Du grand art, que je compléterai seulement en signalant que le musicien joue du "galoubet" ou "flûte de tambourin" indissociable du tambourin suspendu au poignet gauche; il s'agit d'une flûte à bec qui se joue à une main (la gauche), la main droite étant occupée à frapper le tambourin (cf joueur de la lancette d, mieux lisible). On voit que la flûte, évasée à son extrémité, est dotée de deux trous près de l'embouchure et d'un autre au-dessus. Le tambourin est ici de faible hauteur, mais la peau est tendue par un laçage en X comparable aux tambourins provençaux. Une barre divise le cadre en deux.
Cet instrument que l'on associe à la Provence et à la Gascogne n'est pas rare en Bretagne à la Renaissance, et figure sur le tympan de l'église de Bulat-Pestivien ou celui de la Passion de St-Armel de Ploermel:
Les vitraux de Bulat-Pestivien : les Anges Musiciens.
Les vitraux de l'église Saint-Armel de Ploërmel.
Mais Roger Barrié a pu montrer que ce personnage était copié d'une gravure du successeur du Maître E.S, Israhel van Meckenem La danse à la cour d'Hérode, 1er état vers 1490, Paris, RMN musée du Louvre, collection Rothschild et v. 1500, gravure, National Gallery of Art, Washington
Détail :
L'exactitude de la reproduction (même coiffure, mêmes chaussures, même large pli d'encolure, même manche gauche évasée...permet non seulement de suspecter, mais d'affirmer que le cartonnier breton s'est inspiré des gravures rhénanes, gravées une vingtaine d'années auparavant. D'autres détails (enjambement du tombeau par le Christ dans la Résurrection, "grelot" à l'oreille du bourreau du Couronnement d'épines, pied d'ancolie, ...) indiquent aussi cette source d'inspiration germanique auprès des graveurs de la première génération (1430) ou de la deuxième génération (1460 :Maître E.S, dit encore Maître de 1466) précédant Schongauer et Dürer, eux-mêmes cités par la présence du petit chien.
Quand aux quatre cornemuses (deux autour de chaque joueur de flûtet), elles comportent un réservoir, un porte-vent, un hautbois et un bourdon d'épaule.
On note aussi l'alternance de la couleur du fond : rouge-bleu-vert-rouge.
LE TYMPAN
I. Premier registre de quatre panneaux.
Saint Barthélémy. (attribut : le couteau par lequel il fut dépecé).
Jeune homme sans nimbe, tenant une palme.
Saint Michel.
Saint André. (vêtu comme Barthélémy et tenant, comme lui, un livre, à fermail). Il existe à Ergué-Gabéric une Chapelle Saint-André qui date de 1608.
II. Le soufflet.
"De haut en bas, et de gauche à droite, trois blasons timbrés de la couronne ducale, entourés du collier de Saint-Michel, et posés sur un sol jaune herbu :
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écu écartelé au 2 et 3 Bretagne, au 1 et 4 France, bien que les fleurs de lys aient été remplacées par des morceaux de verre bleu.
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écu mi-parti France et Bretagne. ;
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écu plein Bretagne.
Au dessous, deux blasons encadrent une scène figurative ; entours du collier de saint Michel, ils sont posés sur un listel ; sur celui de droite on déchiffre : DEVM ;
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écu de gueules à trois épées d'argent, garnies d'or, les pointes en bas, rangées en bandes, qui est de Coetanezre, famille possédant la seigneurie de Lézergué dans cette paroisse et fondue en 1532 dans Autret, ce qui donne un terminus ante quem pour dater ce vitrail. Ces seigneurs semblent y avoir possédé les prééminences après la Couronne ;
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Père Eternel et crucifié : le Père, assis dans un fauteuil présente le crucifié en tenant les branches de la croix ; même style que dans les lancettes.
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écu mi-parti inconnu.
Au dessous, quatre blasons avec collier et listel, présentés par des anges dont les têtes sont toutes anciennes :
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écu de gueules à la croix potencée d'argent cantonnée de 4 croisettes de même, qui est Lézergué, seigneurie de la paroisse possédée par les de Coetanezre;
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écu mi-parti de Coetanezre et de Lézergué ; sur le listel : CREA..
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écu écartelé au 2 Coetanezre, au 4 Lézergué et au 1 d'un blason très proche de Autret. Il s'agit très probablement des armes de Jean Autret, époux de Marie de Coetanezre qui lui apporta Lézergué.
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Écu mi-parti Coetanezre et de gueules à 3 fers d'épieu d'argent qui est de Lescuz, timbré d'un casque taré montrant une grille à barreaux verticaux et sommé d'un cimier à plumes ; le timbre indique le titre de marquis ; c'est le seul blason totalement ancien. Il s'agit de Jean de Coetanezre et de Catherine de Lescuz.
Au dessous des fleurs de lys dessinés par les meneaux, on a regroupé sans cohérence des morceaux de provenance diverse :
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Saint Bartholomé, en manteau blanc à bordure d'or.
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Mosaïque de pièces anciennes où se détachent une tête masculine et la palme du martyre ;
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Saint Michel terrassant le démon qui est en verre rouge très léger ; tête du saint du XIXe siècle ;
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Saint André, de la même série que le premier, mais le visage a disparu. (R.B page 21)"
Aspect technique.
"Les verres.
Les verres vieux rose, violet et mauve, teints dans la masse, sont les plus minces ; l'épaisseur des rouges et bleus doublés est évidemment plus importante. Une pièce du chapeau de Pilate et une autre de sa robe au niveau des genoux présente des bulles de forte taille, très allongées et parallèles, ce qui indique que le verre a été soufflé en manchon.
La dimension des pièces appelle les mêmes remarques qu'à Plogonnec notamment pour la juxtaposition des faces et profils, comme dans l'Arrestation, et la découpe séparant les visages des coiffures. Seule pièce large (H =14cm ; l = 17cm) avec trois visages dans la même position, les juifs de l'Entrée à Jérusalem, aujourd'hui fêlée.
La ligne de coupe des verres est guidée par une certaine facilité, sans angles aigus ou rentrants très accusés. De même la mise en plombs ne manifeste pas de virtuosité : quelques inévitables piques, ceintures et cordes sont serties mais aucun galon de vêtement ; les plombs servent aussi à creuser des profils comme celui de Jean-Baptiste. La seule concession à l'habileté technique était l'étoile de la Nativité qui, à l'origine, était incrustée dans la pièce de fond, rouge damassée, brisée aujourd'hui. Il n'y a aucune gravure de verre doublé sauf naturellement dans le tympan pour les pièces anciennes des blasons de Coetanezre et de Lézergué, aux meubles sur fond rouge." (R.B)
Les familles nobles.
Famille de Coetanezre : (selon le site grandterrier.net)
Le lieu noble de Coetanezre est situé en la paroisse de Ploaré. En 1517, date de création du vitrail, ce nom peut correspondre à deux personnages, portant le même prénom Jean :
1°) Jean de Coetanezre (acte pour Lesergué en 1497, † après le 6 septembre 1512 et avant 1523) sieur des Salles en 1488/1489, marié avec Catherine de Lescuz (décédée le 4 juillet 1500 et inhumée aux Cordeliers de Quimper).
Il rendit aveu en 1497 pour « un manoir et héritages, de grands et somptueux édifices, plusieurs hommes et sujets », auquel le roi et le duc de Bretagne répondent par lettres patentes.
2°) D'où Jean de Coetanezre, seigneur des Salles (Avant 1494/décédé 11/09/ 1537, inhumé aux Cordeliers de Quimper) marié avec Amice de la Palue
D'où deux enfants
1. Charles de Coetanezre : À la mort de Charles de Coetanezre, en janvier 1548, sa sœur Marie Autret hérite de Lezergué (ADLA, B 2013/1) :
2. Marie de Coetanezre, dame de Lezergué († après 1548) marié en 1532 avec Jean Autret seigneur de Lezoualc'h, sieur de Kervéguen, décédé après 25 mars 1574, fils de Jean Autret, seigneur de Lezoualc'h†1547 et Catherine Le Picart, dame héritière de Kervéguen.
LA BAIE DE LA CHAPELLE SUD OU BAIE 2.
Cette petite baie haute de 1,70m et large de 1,20m située au-dessus de l'autel du bas-côté sud se compose de deux lancettes et d'un tympan en fleur de lys. Sa date est estimée vers 1515 (C.V).
I. LES LANCETTES.
Elles représentent un couple de donateurs agenouillés et présentés par un saint. Le fond damassé est agencé comme une tenture à bordure supérieure et inférieure dorée. Ils sont surplombés par un lourd entablement aux culots supportant deux putti blonds tenant une guirlande. Deux grotesques occupent les oculi centraux, côtoyés par deux visages plus aimables. Dans l'écoinçon losangique entre les lancettes, un Christ séraphique rouge sur fond jaune.
A gauche, sur un fond damassé violet, saint François d'Assise (paumes stigmatisées, nimbe vert clair gravé de pastilles, bure serrée par la cordelière) présente un donateur, François de Liziard, seigneur de Kergonan, agenouillé, les mains jointes, devant un prie-Dieu recouvert, d'un tapis et d'un livre ouvert. Il est revêtu de l'armure de fer, par dessus laquelle il porte une dalmatique à ses armes, d'or à 3 croissants de gueules.
Sur la bordure dorée se déchiffre une inscription .AC....AVOTES
Dans la lancette de droite, la donatrice est vêtue d'un corselet d'hermine, d'une robe bleue (manches) et d'or à 3 croissants de gueules. Elle est coiffée d'un chaperon blanc lui même posé sur une coiffe de linge fin, et surmonté d'une curieuse pièce bleue semblable à un bijou. Un voile, blanc encore, tombe sur les épaules.
Si on considère (édition 1901 de la Vie des saints d'Armorique d'Albert le Grand) qu'il s'agit de l'épouse de François Liziart, Marguerite de Lanros, on en déduit que la sainte qui la présente et dont le seul attribut est "une croix légère, aux extrémités bourdonnées" n'est autre que sainte Marguerite. (Pourtant, cette règle de la présentation par le saint ou la sainte correspondant au prénom est loin d'être de vérification constante). Mais ici, l'identification est cohérente avec l'iconographie qui représente la sainte munie du crucifix par lequel, dévorée par un dragon, elle a réussi une sorte de césarienne de l'intérieur, s'est extraite du ventre immonde et a gagné ses galons de patronne des sages-femmes. On comparera cette Marguerite, par exemple, à celle de saint-Rémi-de Céffonds.
On est alors amené à chercher quelque part le fameux dragon dont elle s'est issu (puisqu'il a fallu qu'elle en issit). Et on le trouve, du moins le bout de sa queue, sous forme de ce huit vert qui, lorsqu'on connaît bien l'animal, est tout à fait caractéristique. Mieux, en cherchant encore, je trouve l'œil, puis le naseau (gauche), ses écailles vertes tachant de se dissimuler à l'arrière de la robe céladon de notre vierge et martyre. Et enfin, là, crevant les yeux désormais, ses crocs venimeux cherchant encore à abuser des vertus moins déterminées.
Comme à gauche, le galon d'or de la tenture porte une inscription AVE C.....TOI. (?)
La famille (de) Liziart.
—Louis François de Liziart et son épouse Marguerite vécurent entre 1481 et 1540. Le lieu noble des Liziart était à l'origine à Rosnoen, mais le fief de Kergonan se trouve à l'extrémité nord-est d'Ergué-Gabéric. Leur fils Jehan succède en 1562 à François, et il est présent à la montre de Quimper.
— "François Lisiard" est mentionné à la Montre de Cornouailles de 1481, mais, mineur, il y est représenté par Louis le Borgne, archer en brigantine. Le 15 mai 1540, François Lyzyard rend aveu pour Kergonan (Archives départementales de Loire Atlantique B 2011/6).
—Les armoiries étaient gravées sur la tombe familiale à enfeu de l'église paroissiale saint Guinal, à droite de l'autel, par droit accordé à François Liziart, sr de Kergonnan par acte prônal du 16 septembre 1495.
—Une pièce d'archive départementale de Loire Atlantique mentionne Marguerite de Lanros :
ADLA B 1215 - Paroisse d'Elliant. Le manoir et lieu noble de Hirberz ou Hilberz possédé par Marguerite de Lanros, tutrice de Germain de Kersalaun son fils, écuyer (1541), laquelle a déclaré aussi le manoir de Treffynec.
— Les armoiries des Liziart sont aussi visibles sur une pierre tombale actuellement conservé au manoir du Cleuyou (Ergué-Gabéric) où une visite organisée pour la Société d'Archéologie du Finistère m'a permis de la photographier (2012); surmonté d'un cimier au cygne majestueux, c'est vraisemblablement la pierre de l'enfeu des Liziart.
Sources :
— Le site grandTerrier.net de Jean Coignard :
- Familles nobles gabéricoises.
- 1426-1562. Les Liziart de Kergonan et leurs armes
- Pierre tombale à enfeu des Liziart
— Werner Preißing, 2013, Le Manoir du Cleuyou
— GATOUILLAT (Françoise) HEROLD (Michel), Les Vitraux de Bretagne, Corpus vitrea rum France recensement VII, Presses Universitaires de Rennes : Rennes 2005 pages 157-159.
— BARRIÉ (Roger) Etude sur le vitrail en Cornouaille au 16e siècle : Plogonnec et un groupe d'églises de l'ancien diocèse de Quimper / ; sous la direction d' André Mussat, 1979 Thèse de 3e cycle : Art et archéologie : Rennes 2 : 1979. Bibliogr. f. 9-32. 4 annexes (vol. 2)