LES ANGES MUSICIENS
Église Notre-Dame de Bulat
à Bulat-Pestivien (22):
La rose de la maîtresse-vitre.
On n'apprécie rien si on ne le contemple pas ;
Ce qui manque au monde c'est la contemplation
(Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique, traduction Maël Renouard, Rivages Poche)
I. PRESENTATION DE L'EGLISE
L'église Notre-Dame de Bulat date de 1463, mais elle succède à un premier sanctuaire fondé par les seigneurs de Pestivien ou Pennstyffyen (de penn, la pointe, et stiv, la source) à la suite d'un voeu réalisé, la naissance d'un enfant (il s'agissait bien-sûr d'un fils). Notre-Dame de Bulat, toponyme dans lequel certains reconnaissent la syncope de buguelat, qui veut dire don d'enfant" (S. Ropartz 1851) ou du verbe breton bugelat, "enfanter", devient ainsi la Vierge protectrice de la Maternité, et on compte parait-il 38 représentations d'enfants dans son église. C'est un important lieu de pèlerinage marial depuis le Moyen-Âge, et son pardon les 14, 15 et 16 septembre de chaque année voyait affluer les pèlerins, mais aussi des dons si généreux que, en 1747, la fabrique fait réaliser une statue de dévotion et de procession en argent par le plus réputé des douze meilleurs orfèvres de Rennes, Jean-Baptiste I. Buchet. Cette Vierge à l'enfant de 55 cm de haut est une pièce d'orfèvrerie exceptionnelle, non seulement par le prix de 561 livres qui fut versé par les fabriciens, mais surtout par sa dimension, et par la finesse des traits altiers de cette figure de maternité peut-être copiée de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle de Rennes (Bonne-Nouvelle étant à entendre comme annonce d'une enfant). Cette statue est toujours vénérée lors du pardon, qui réunit, le dimanche qui suit la fête de la Nativité le 8 septembre, plus de 2000 pélerins. Le soir, c'est le tantad, le grand feu de joie, c'est la bombarde et le biniou,et le lundi suivant, c'est la grande foire aux chevaux de trait instituée depuis 1747 et son concours de poulains qui attire... 8000 visiteurs.
Après avoir découvert les Vierges allaitantes ou Vierges au Lait du Finistère, Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes. je ne m'étonne pas d'apprendre qu'on trouve, dans l'enclos paroissial, une Fontaine des nourrices ou Fontaine au lait, que vénère lors du pardon les futures mères et les mères allaitantes pour obtenir du lait si bon et si nourrissant qu'il fasse rougir de confusion les donneuses de biberon. La petite statue de Vierge qu'on y trouve , en contrebas du cimetière, est peut-être une vierge donnant le sein.
Sous le porche c'est cette statue de pierre blanche que l'on peut admirer : L'Enfant-Jésus est en train de jouer avec sa maman à "Je te tiens-tu me tiens-par la barbichette" mais la Mère reste de marbre.
A l'intérieur de l'église, dans le choeur, on découvre une autre Vierge :
La bannière de procession
Cette bannière est déjà originale par la représentation de l'église qu'elle présente à son verso. Mais elle est surtout marquante par son histoire, puisqu'elle a été offerte à la paroisse par un officier de la guerre de 1870 qui en avait fait le voeu s'il revenait vivant du combat contre les prussiens. Elle a été restaurée en 2011 par Patricia Hood et son atelier L'art et la Bannière d'Audierne pour la somme de 4449 Euros, récoltée par l'association Kleid Bulat.
L'inscription signifie-t-elle Remerciement d'un soldat ?
II. LA MAÎTRESSE-VITRE :
La lecture du Corpus Vitrearum -Vitraux de Bretagne Ed. P.U.Rennes 2005 donne une piètre idée, certainement justifiée pour des spécialistes de la Direction de l'Architecture et du Patrimoine dans une publication du CNRS, des vitraux de Bulat-Pestivien : ceux-ci se trouvent placés dans la rubrique " vitraux réduits à l'état de fragments" (p.105) et l'accent y est mis sur les éléments disparus et les travaux de restauration. Les anges musiciens n'y sont décrits que par la mention "(restaurations)". On apprend que le tympan de la maîtresse-vitre ou Baie 0 (celle qui m'intéresse ici) "appartient bien au vitrage initial" contemporain de la construction du choeur en 1463, et datée des années 1470-1480, mais les lancettes de la baie ont été modifiées en 1852 par l'atelier Le Coq de Guingamp sur des cartons de Peter Hawke (Île de Wight 1801-Tunis 1887) consacrés à la Vierge autour d'un élément central représentant l'Annonciation. La verrière a été restaurée en 1933 par l'atelier Tournel et en 1997-1998 par l'atelier de Jean-Pierre Le Bihan de Quimper.
Pourtant, s'il est doté de jumelles, le visiteur trouve ici matière à régaler ses pupilles, et à s'instruire en histoire (héraldique) et dans sa connaissance des instruments de musique du Moyen-Âge.
Je jette un coup d'oeil aux lancettes avant de me plonger dans la lecture du tympan.
Le tympan est formé de trois coeurs ou pétales : un coeur central en haut, avec seize ajours , et deux coeurs inversés en dessous, avec quatorze ajours. (Un "ajour" est une ouverture obtenue par la forme du réseau de maçonnerie : on le nomme "mouchette" si sa forme asymétrique est celle d'une flamme, "soufflet" si sa forme est symétrique, "écoinçon", souvent dans les coins, si sa forme est triangulaire à trois cotés curvilignes). A ces 44 ajours des coeurs viennent s'ajouter 10 ajours complémentaires, soit 54 verres.
Les seules descriptions récentes disponibles sur Internet sont celles du blog du maître-verrier quimpérois Jean-Pierre Le Bihan, http://jeanpierrelebihan2.over-blog.com/categorie-10530858.html.
Il y a compté 35 anges musiciens, jouant de dix instruments différents. J'y ajoute 7 armoiries, 2 anges à phylactère, 2 fleurs trilobées, 8 bouche-trous violets, et j'obtiens bien 54 verres. Ils sont numérotés de bas en haut et de gauche à droite pour les désigner, mais je me perds dans ce décompte et je les localiserai dans les trois coeurs, supérieur, inférieur droit et inférieur gauche.
I. LES ARMOIRIES.
Fou l'homme qui embrasse un nuage !
Fou, toi qui te fais joie de vaine gloire !
Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique, op.cité.
1°) Les prééminences d'églises, les droits de prééminence et de supériorité.
Le coeur supérieur est dominé par les armoiries de la famille de Bouteville, qui se trouvent ainsi en prééminence.
Les seigneurs possédaient des droits seigneuriaux, et pour signifier leur possession sur leurs terres, leurs biens (château ou manoirs, colombier, four, moulin ) ou les édifices de leur fief (calvaire, église, chapelles) ils y apposaient leurs armoiries. En effet cela leur donnait des droits à recevoir des honneurs ou à bénéficier de privilèges. L'église a été un lieu où l'émulation ou la rivalité entre seigneurs pour affirmer leur domination s'est exercée de manière cruciale, et ce que l'on nomme les Prééminences d'église ont du être définis avec minutie. Ceux-ci étaient souvent accordés à la suite d'une donation effectuée au profit du sanctuaire, notamment par donation d'un vitrail. Ces droits se répartissaient en :
-majores honores ou droits majeurs :
- armoiries en façade ou dans les vitraux.
- droit de banc : posséder son banc-coffre ou son banc à queue dans la nef au premier rang, ou mieux dans le choeur, et surtout du coté de l'évangile (coté gauche en faisant face à l'autel). [ à distinguer du banc d'oeuvre, pour les membres de la fabrique, du banc de choeur pour les enfants de choeur ou les ministres inférieurs du culte quand ils ne se contentent pas de tabouret de chantre , ou du banc, de la banquette ou des stalles de confrérie, privilège des membres des confréries religieuses donatrices]. Le droit de banc peut être, à défaut, un doit d'escabeau avec accoudoir.
- droit de sépulture ou droit d'enfeu (niches creusées dans la muraille avec tombe plate et parfois gisant), près du choeur.
- droit d'oratoire : conférant l'usage d'une chapelle privée et parfois close.
- droit de litre lors des funérailles, donnant droit lors du décès au tracé à l'extérieur et l'intérieur de l'église d'une frise peinte, la litre ou lisière.
- Droit de patronage permettant de nommer les desservants des églises.
Minores honores ou droits mineurs :
- droits de procession pour venir accueillir le seigneur, droit d'être premier servi en pain bénit ou de recevoir l'eau bénite de la main du prêtre, droit d'être encensé, droit de prière publique pour être nommé dans les intentions de prière,
En matière de vitrail, une série de blasons indiquaient les différents degrés de parenté ou d'alliances de la famille fondatrice ou donatrice dont les armoiries étaint placées au sommet de la vitre, "en supériorité".
Le respect de ces droits, et notamment du maintien du vitrail et de ses armoiries est surveillé jalousement par les ayant-droits et des Procés-verbaux en fixent la description : l'étude de ceux-ci permet de donner un descriptif d'une verrière à une date donnée.
2°) les conflits de prééminence à Bulat-Pestivien.
Les Bodilio ("bouquet de lierre"), vous connaissez? Les Bulatois les connaissent bien, parce ce furent les principaux seigneurs de Pestivien à partir de la Renaissance, et parce que nombre d'anecdotes courent à leur propos et à celui d'ar Combouten, les Combout, les douze fils de la châtelaine de Bodilio qui, après son veuvage, eut toutes les peines à maîtriser ces mauvais garçons. Lorsqu'ils échappaient à sa surveillance, elle faisait sonner les cloches du manoir pour avertir les fermières du voisinage à qui elle signifiait ainsi: Ma zud vad, diwallet ho pellizi, ma c'higi'zo e-mez ! "bonnes femmes, gardez-bien vos poulettes car mes coqs se sont échappés".
Sur l'histoire des Pestrivien et des Bodilio, Sigismond Ropartz 1851 : :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1107255/f196.image.r=annuaire%20cote%20du%20nord%20p%C3%A9lerinage%20bulat.langFR
On dispose du Procès-verbal des prééminences de Notre-Dame de Bulat (16 et 17 septembre 1620) par une copie d'un manuscrit des archives du Marquis de Kerouatz : il est établi pour départager les demandes d'une Dame du Cleuzon, de la famille de Kergorlay, d'une part, et de Messire Allain de Combout, sieur du dict lieu, d'autre part. Les armoiries des Pestivien figurent à Bulat "de temps immémorial", et cette famille se plaint de ce que le Sr de Combout a récemment fait apposer deux écussons. "Et nous a montré et avons veut au hault de la principale vitre de ladicte chapelle au pignon du grand autel un escusson escartellé le premier et troizièsme quartier d'or à un lion de gueule rampant armé, couronné et lampassé d'azur qu'il a dict estre les armes de Pont-L'Abé le second quartier d'argent à ermines sans nombre et trois barres de gueules qu'il a dict estre les armes de Pont-l'Abé et Rostrenan dont estoit autrefoys ladicte seigeneurie de Pestivien ce qui démontre que les dicts seigneurs de Pestivien sont fondateurs et supérieurs de ladicte chapelle comme ladicte maison de Pestivien ayant sorti desdictes maisons." Sont ensuite décrits deux blasons placés en dessous : à gauche "du costé de l'évangille" celui de Pont-l'Abbé, et à droite "du costé de l'espitre" celui de Rostrenen, comme décrit au dessus. Encore en dessous, à gauche, les armoiries litigieuses d'argent à six feuilles de lierre de sinople et à droite de gueule à un lion rampant d'argent posées récemment par Dame du Combout et qui sont les armoiries des Bodilleau (Bodilio) et Combout. Mais celles-ci, à la différence des trois premières, ne sont pas présentées par un ange, et on voit encore la chaux d'un scellement récent !
Enfin vennaient en dessous, à gauche les armes des Pestivien, d'argent vairé de sable, et à droite celles des Seigneurs du Faouët d'argent à cinq fusées de gueules.
Les armes des Pestivien et des seigneurs du Faouët, frappées sur des boiseries ou retrouvées sur une pierre tombale témoignaient de ce que les seigneurs de Pestivien étaient bien fondateurs de l'église.
La famille de Bodilio-Combout n'avaient été seigneur du fief de Pestivien que de 1610 à 1616, et on comprend que les nouveaux acquéreurs, les Kergorlay Sr de Cleuzdon, ait été choqué de voir qu'ils avaient en si peu de temps remplacés les armoiries des seigneurs prééminenciers par les leurs !
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56002160/f33.image.r=bulat-pestivien.langFR
3°) Le fief de Pestivien
Le château de Pestivien était construit dans un étang où on a retrouvé les soubassements de sa double enceinte. Il joua un rôle important lors des guerres de succession de Bretagne, fut pris en 1363, par le capitaine anglais Roger David, repris et rasé par Bertrand du Guesclin la même année.
Le fief de Pestivien fut tenu chronologiquement par les :
- Pestivien
- Rostrenen
- Pestivien
- Molac par mariage de Jeanne de Pestivien, (fille de Bizien de Pestivien, seule héritière) et de Guy V de Molac fin XIVe
- La Chapelle par mariage, en 1412, d'Aliette de Molac et d'Olivier III de La Chapelle
- Rohan par mariage de Pierre de Rohan et d'Isabeau de La Chapelle
- Kervéno en Plumiliau à partir du XVI°
- Combout par acquisition, le 04/09/1610, par Alain de Combout
- Kerc'hoënt de Kergournadec'h par un retrait lignager, de François de Kerc'hoënt de Kergournadec'h
- Kergorlay de la branche cadette de Cleuzdon ou Cludon (Charles de Kergorlay, aussi parent des Kermeno, l'échangea, le 14/01/1616, entre celle de Kerandraoul qu'il venait d'acquérir)
- Cleuz du Gage à partir de 1725, par mariage, de Claude de Kergorlay et de Julien du Cleuz
- Kerouartz, famille dans laquelle s'est fondue la famille précédente en 1785.
La possession de la baronnie de Pestivien fut troublée par Renée le Rousseau, femme très procédurière d'Alain de Combout, mais les Kergorlay eurent gain de cause. L'épisode des armoiries du vitrail nous en donne une illustration.
http://ns203268.ovh.net/yeurch/histoirebretonne/terre/teneur/P/Pestivien.htm
4°) Les armoiries actuelles :
Actuellement, on constate 1. les armes en supériorité des Bouteville (décrites dans le texte précédent comme les Seigneurs du Faouët), puis celles 2. de Rostrenen et 3. de Pont-L'Abbé, puis celles 4. des Kergorlay et 5. des Pestivien, et enfin celles 6. des Pestivien et 7. des Guengat en alliance avec celles de Rostrenen. Les armes contestées, celles des Bodillo et des Combout, ont disparu, remplacées par celles des Kergorlay et des Pestivien. Cette description est identique à celle donnée par P. Chardin (Recueil de sculptures et peintures héraldiques, Bulletin monumental de la Société d'Archéologie, Paris, 1891), ainsi que celle donnée par l'abbé E. Daniel en 1864 (Notre-Dame de Bulat-Pestivien, Annuaire des Côtes du Nord 1864 p. 3-8) ce qui assure que les restaurations du XXe siècle ne les ont pas modifiées.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k310731.image.langFR.r=bulat%20%20chardin
1. Armoiries de Bouteville d'argent à cinq fusée de gueule en fasces. Présentées par un ange, et entourée du collier de l'Ordre de Saint-Michel.
(Je fais remarquer l'orthographe Bouteville et non Boutteville)
Cette famille a une branche établie près de Peronne en Picardie, et une branche normande puis bretonne. Leurs armoiries sont différentes. Selon Amédée de Ternas ( Notice généalogique sur la famille de Bouteville, 1884, :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5532739x/f14.image,) Jean de Bouteville vint de Normandie en 1330 soutenir Charles de Blois dans la guerre de Succesion de Bretagne (ce qui explique que, dans l'église de Bulat, on trouve une statue XIXe de celui-ci, en cotte d'armes). Un autre Jean de Bouteville fut chambellan du duc de Bretagne François II en 1484 ( ce Sr du Faouët servait en 1464 avec sept hommes d'armes et trente cinq archers). Selon le site Infobretagne, la lignée bretonne débuta par Hervé de Bouteville, sénéchal de Ploërmel en 1270; un chevalier Jean de Bouteville participa en 1420 à la retenue de Jean de Penhoët avant d'être fait prisonnier par les anglais au Mont-Saint-Michel. En 1526, Yves, Sr du Faouët était capitaine des gentilhommes et francs-archers de l'évêché de Cornouailles.
Un Yves de Bouteville fut abbé de Langonnet en 1518-1536.
Les seigneurs du Faouët: Les Bouteville étaient seigneurs du Faouët, de Kerjou, Kerjent, vicomtes de Coëtquenan et de Berragan. Leurs armes figurent sur les vitraux des chapelles Sainte-Barbe et Saint-Fiacre du Faouët. Outre ces deux chapelles, ils firent construire également les halles du Faouët. La seigneurie du Faouët fut érigée en baronnie en 1495 par la duchesse Anne de Bretagne. Louis de Bouteville, qui épousa en 1498 Jeanne du Chastel, fut Chambellan de François Ier avant de décéder en 1539. les Bouteville seigneurs du Faouët sont les descendants de Jean de Bouteville dc apr 1340//de Lezivy: ce furent :
- Jean, né vers 1314 // Andrée de la Rivière
- Bizien, -dc avant 1404 // Jeanne de Quelen
- Jean, né vers 1385-dc 1463 // Isabeau de Penhoët,
- Jean, né vers 1405 // Alix de Coëtquénan,
- Jean // 1463 Marie de Kérimerc'h
- Louis, -dc 1539 //1498 Jeanne du Chastel
- Yves après1500-dc 1554 // Renée de Carné
- René né en 1540, sans alliance ni postérité.
2. Armoiries de Rostrenen : d'hermine à trois fasces de gueule. (à droite) présentées par un ange. Devise : Oultres et Si je puis.
Cette famille bâtit un château sur la paroisse de Moëlou à 15 km au sud de Bulat. Celui-ci devint le siège d'une puissante baronnie s'étendant sur les communes actuelles de Glomel, Kergrist-Moëlou, Maël-Carhaix, Paulé, et en partie sur Plévin, Plouguernével, Plounévez-Quintin, Rostrenen et Maël-Pestivien.
En 1440, Marguerite de Rostrenen, héritière, épousa Jean II de Pont-L'Abbé.
Roland de Rostrenen Sr de Brélidy (dc vers 1502) épousa Marguerite de Bouteville, fille de Jean Sr du Faouët et de Marie de Kerimerc'h. Sans postérité.
4. Armoiries de Pont-L'Abbé : d'or au lion de gueules armé et lampassé d'azur (à gauche) présentées par un ange. Devise : Heb chang ("sans rémission")
Jean II (1422-1478) devint en épousant Marguerite de Rostrenen Seigneur de Pont-L'Abbé et de Rostrenen, titres qu'il transmet à Pierre IX (1443-1488) puis à Jean III (dc 1508) et enfin à Louise, dernière héritière de Pont-L'Abbé et de Rostrenen.
4. Armoiries de Kergorlay : vairé d'or et de gueules (à droite) entourées du collier de l'Ordre de Saint-Michel. Devise : Ayde-toi Kergorlay et le ciel t'aidera
Cette famille tire son nom du lieu-dit de Guergorlay en Motreff (au sud de Carhaix). Ce n'est pas la branche ainée, mais la branche cadette, dite du Cleuzdon ou Cludon, qui ajouta Pestivien à ses fiefs.
- Charles de Kergorlay, 1580-1620, chevalier de l'Ordre de Saint-Michel // Charlotte de la Voue ca 1585
- René de Kergorlay (1607-1653), Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel, //mariage le 9-01-1633 Louise de Guengat ca 1615, fille de Jacques de Guengat
- Jacques Claude de Kergorlay (1636-1694),Marquis de Cludon, Comte de Guengat, Baron de Pestivien // Jeanne Pélagie d'Espinay
- René François de Kergorlay (1677-1725), Marquis de Cludon, Mousquetaire du roi de 1694 à 1696, Capitaine général des gardes-côtes de la Capitainerie.
5. Armoiries des Pestivien : vairé d'argent et de sable (à gauche)
signification de "vairé" : en héraldique, hermines et vair sont des "fourrures"; le vair est une succession de motifs en cloche, et de motifs inversés en "pots", les cloches étant d'azur (bleues) et les pots d'argent (blancs). Lorsque ces motifs utilisent des couleurs différentes, on parle de "vairé", comme sur les armoiries précédentes où les cloches d'or alternent avec les pots de gueules.
Dans les armoiries des Pestivien, le vairé est réalisé par des cloches qui ne ressemblent plus à des cloches, mais à un rectangle crénelé. Cela porte néanmoins toujours le nom de "vairé", éventuellement qualifié de billeté ( ? Ou de cannelé ?)
Puisque c'est plus rare, profitons de l'occasion d'en découvrir ainsi un exemple.
6 et 7 : Portées par des anges : Armoiries des Pestivien (à droite) ceintes du collier de l'Ordre de Saint-Michel, et à gauche armoiries des Guenguat d'azur à trois mains dextres appaumèes d'argent en alliance avec celles de Rostrenen, elles-aussi entourées du collier de l'Ordre de Saint-Michel.
Jacques de Guengat, le père de Louise de Guengat, était chevalier de l'Ordre de Saint-Michel.
On remarque que les cloches et les pots du "vairé" de cette version des armoiries des Pestivien ne sont plus, comme en 5, de forme crénelée.
En conclusion cet ensemble d'armoiries a été réalisé vraisemblablement au XVe siécle pour les armes 2, 3 et 6, modifié par les Kergorlay vers 1620 après le procés-verbal contre les Bodilio-Combout pour les armes 4 (Kergorlay), 5 (Pestivien), puis vers 1633 pour 7 ( Guengat) après le mariage de Kergorlay avec Louise de Guengat. Les armes des Bouteville, initialement placées en 7, se sont retrouvées en 1, en supériorité, entre 1620 et 1864, peut-être en 1633 lors de la mise en place en 7 des armes des Guengat.
Tout cela est à prendre comme issu de ma jugeotte, curieuse mais absolument non qualifiée, et avide de remarques.
II. LES ANGES MUSICIENS.
L'âme a deux yeux : l'un regarde le temps
Et l'autre se tourne vers l'éternité.
Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique.
Le théme iconographique apparaît au XIIIe avec l'essor du culte marial, et alors qu'auparavant les seuls anges instrumentistes étaient ceux des Jugements Derniers et des Ressurections avec leurs cors ou olifants puis leurs trompettes, le Concert des anges accompagne alors des Annonciations et des scènes dédiées à la Vierge. Puis il devient vers 1350-1550 un symbole édenique des joies infinies du Paradis, avant de tomber sous le coup des condamnations du Concile de Trente (1545-1563) et de disparaître au XVIIe. Le vitrail de Bulat, daté de 1470-1480, est bien représentatif de cette chronologie.
Dans tous les cas, ce concert sacré illustre l'élévation de la spiritualité, l'harmonie, la grâce, la légèreté, l'innocence propre au monde du divin apparenté à la perfection régulière du Cosmos, ou encore le caractère immaculé de Marie qui s'opposent aux lourdeurs, aux laideurs et aux imperfections du monde terrestre, humain et pécamineux. Je rappelle néanmoins qu'au Moyen-Âge, la musique est condamnée par l'église qui y voit motif à débordements, danses et lutinerie. (cf Catalogue de l'exposition « Instruments du diable - Musique des Anges, Images et symboles de la cornemuse et du hautbois en Bretagne : XIVème-XXème siècle », Dastum, Rennes, 1999.)http://musiques-bretagne.com/Htm/Fete/Exposition/Fete_Exposition_E01S02.htm
Si ce théme accompagne les fluctuations des croyances religieuses et de la pensée théologique, il suit aussi le développement de la musique et la diffusion des oeuvres de Josquin des Prés (1440-1520), Clément Jannequin, Roland de Lassus (1532-1594), Gesualdo ou Monteverdi, ou l'apparition d'instruments. Dés 1420 et jusqu'en 1600, la musique polyphonique se développe au service des maîtrises des cathèdrales dans le nord de la France au sein de l'école franco-flamande
Un exemple illustre mais étrange en est le Concert des anges du rétable d'Issenheim par Mathias Grûnewald (1475-1528). Il réunit un nombre varié de musiciens, 8 à Dives, 24 à Reims, 47 au Mans, parfois en paires (32 à Sens). Les instruments se répartissent en hauts instruments, au son puissant destiné à la musique festive ou à danser jouée à l'extérieur ( trompettes, cornets, cornemuses et hautbois, chalumeaux), et de bas instruments destinés à une musique savante, écoutée dans le silence et l'attention à l'intérieur ( flûtes, rebec et violes, guitares ou harpes). Ce sont ces derniers qui sont représentés à Bulat-Pestivien.
Le théme se décline dans la peinture, la sculpture ou dans les vitraux:
-Peinture et sculptures : je renvois à l'excellent site de Christian Brassy :http://www.instrumentsmedievaux.org/articles/anges.pdf et je ne cite que :
- Memling, anges musiciens 1480, Koninklijk Museum Anvers,
- Memling, Vierge à l'enfant et anges musiciens, Munich
- Fra Angelico, rétable de Fiesole 1430
- En Bretagne, les blochets de l'église de Bréles
-Vitraux:
- Rouen, baie 7, Flûtet, citale, orgue portatif, cymbales, naquaire, guiterne, psalterion, tymbre, harpe.
- Vernon, Collégiale Notre-Dame, fin XVe tympan, 11 anges musiciens
- Cluny, église de la Varenne-Jarcy
- Dives-sur-mer, XIVe, chalumeau-double, cornemuse, viole à archet, flûte de pan, guiterne à 3 cordes, orgue portatif, claquebois, hautbois. Superbe exemple, visible ici : http://www.dives-sur-mer.fr/v2/pdf/egliseexpo.pdf
- Reims, Notre-Dame, grande rose de la facade occidentale, XIIIe, au dessus d'une Assomption : 24 musiciens.
- Bourges, cathédrale St-Étienne, chapelle Ste Anne et chapelle Jacques Coeur, par Jean Lescuyer, tympan : luth, harpe, trompette, chalumeau, viole, flûtet et tambourin, , et encore orgue portatif sur un verre daté de 1451.
- Tours, cathédrale St Gatien, rose de la findu XVe, 12 musiciens
- Moulins, Cathédrale XVe,
- Sens, Cathédrale, rose nord, vers 1520 : 32 couples d'anges jouant d'instruments tous différents.
- Mézières en Brenne, Collégiale XIVe
- en Bretagne l'infatigable Pierre-Yves Castel signale les vitraux de Dirinon et ceux de Pouldavid à Douarnenez.
A. Le coeur central
Ses seize verres montrent quatre instruments différents
- deux "chanteurs" à phylactère,
- un tympanon,
- deux flûtes ou chalumeaux
- deux serpents ou tournebouts (qui ne sont pas semblables)
- deux harpes.
Pour les étudier, j'ai fait appel au remarquable site http://www.instrumentsmedievaux.org/pages/depart.html
et à http://ww2.collegeahuntsic.qc.ca/pagesdept/hist_geo/Atelier/Parcours/Muse/instruments.html
1. Les porteurs de phylactère.
Je ne crois en nulle mort ; je meurs à toute heure
Et chaque fois je n'ai trouvé qu'une vie meilleure.
Angélus Silesius, le Pélerin chérubinique, op cité
Des phylactères ! Hélas, je ne suis pas parvenu à les déchiffrer : c'est agaçant !
2. Au centre : le psalterion, ou le tympanon.
Homme, si tu es encore quelque chose,
si tu sais quelque chose,
si tu aimes et détestes quelque chose,
Crois-moi, tu n’en as pas fini avec ton fardeau.
Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique
Le psaltérion : son nom vient du grec psallo, "pincer une corde" puis "chanter avec un instrument à cordes", ce qui a donné aussi "psaume". Apparaissant dans l'iconographie au XIIe siècle initialement en forme de trapèze, ils adoptent ensuite au XIIIe et XIVe celle du "groin de porc". On le joue des deux mains en le posant sur ses genoux, comme ici, ou contre sa poitrine. Il paraît proche d'un instrument vu ici :http://www.vlamarlere.com/article-23325046.html
Sur un psalterion, les cordes sont généralement doubles, et métalliques. Elles sont pincées par une pièce de bois, d'os , de plume ou d'écaille nommé plectre, tenue classiquement entre l'index et le majeur.
C'est précisément ce "plectre " qui me trouble, car j'ai bien l'impression que la tenue de l'objet incurvé que l'ange tient entre la face latérale de la deuxième phalange du pouce et la première phalange de l'index correspond à une technique de frappe, qu'il s'agit alors de mailloches ou baguettes et non de plectres, et que l'instrument est alors plutôt un tympanon qu'un psaltérion.
Le tympanon est/serait apparu plus tard que le psaltérion, au milieu du XVe siècle. Son son très doux la fait nommer dulce melos, doulcemelle puis dulcimer.
Sa forme en T est ici particulièrement soulignée.
3. les joueurs de harpe.
La rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit,
N’a pour elle-même aucun soin, - ne demande pas : Suis-je regardée ?
Angelus Silesius, Le Pélerin chérubinique ou Cherubinischer Wandersmann
La harpe est trés ancienne, elle se compose d'une caisse de résonance, droite, d'une colonne et d'une console souvent en col de cygne. Bien qu'on on ignore beaucoup sur la harpe médiévale, on la décrit comme une harpe triangulaire de 90 cm de haut (ce qui semble la taille de notre exemple), diatonique dont le nombre de cordes varie de 7 à 25 -ou de 21 à 28-,probablement métalliques ; seules 10 sont représentées ici.
4. les joueurs de chalumeau :
"Est-ce une conque? Êtes-vous un Triton?" (Cyrano, tirade du nez)
Est-ce une flûte? Avez-vous un sifflet? Ou une anche, ce serait une muse ! Et si la anche est double, vous jouez du chalumeau. Ou, au féminin, de la chalémie.
Je compte les trous : jusqu'à dix-sept, bigre, qu'est-ce?
J'évalue la taille : presqu'aussi longue que le bras d'un ange, lequel a le bras long : plus de trente centimètres, ce n'est pas l'exilant qui fait tout-juste 17 centimètres, ni même une une musette qui en fait moins de trente.
J'observe que le tuyau s'évase vers son extrémité. Pourvu que tout cela puisse dire quelque chose à un musicologue versé dans l'instrumentarium médièval.
Moi, tant que je peux aligner les mots nouveaux et les ajouter à mon petit répertoire, je suis aux anges. Et, à propos, ceux-ci ne jouent ni de la bombarde, ni du cornet à bouquin, ni du sacqueboute, qui est si drôle à dire mais qui n'a rien à voir, ni du lugubre cromorne, ni du sordone, ni du cocasse cervelas, ni de la douçaine.
"Est-ce une conque? Êtes-vous un Triton?" (Cyrano, tirade du nez)
5. Les joueurs de serpent.
Le ciel est en toi et aussi les tortures de l’enfer :
Ce que tu choisis et ce que tu veux, tu l’as partout.
Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique
Rien n'est plus contraire à l'esprit chérubinique, à la mentalité séraphinique, à l'inspiration archangélique, à la pensée gabriélique, uriélique, raphaëlique et michélique, rien n'est plus étranger au régne des Trônes et des Vertus, des Dominations, des Principautés ou des Puissances, des Intelligences ou des Idées, rien n'est plus éloigné des Messagers blancs comme neige et vêtus comme l'éclair, de la coloratura des chanteurs célestes et de la glossolalie des voix parénétiques ou théophaniques que la forme de cet instrument qui semble échapper des griffes de Samaël et que la bassesse de son timbre; et rien ne trahit plus la droiture de ces âmes pures que l'apparence tortueuse et retorse de ce membre de la famille des cuivres qui trompe son monde en prenant l'apparence d'un bois.
Et pourtant, à moins d'accuser le zéle intempestif d'un vitrier restaurateur, il faut se rendre à l'évidence et constater que ce n'est pas un, ce sont deux joueurs de serpent qui participent au concert spirituel.
Selon l'article Wikipédia, le serpent est un instrument dont l'invention remonterait à 1590 (le vitrail date de 1570-80) et qui était utilisé dans les églises,"pour accompagner les choeurs dont il renforçait les basses durant les offices religieux. Il remplaçait notamment l'orgue dans les lieux où il n'y en avait pas. Il était donc, dans un premier temps, essentiellement vouè à la musique religieuse dans des formations vocales jusqu'au milieu du XIXe siècle où il fut remplacé petit à petit par d'autres instruments pour accompagner le choeur. En Bretagne et en Normandie il est utilisé dans les églises jusqu'à la Première Guerre Mondiale"
En note, l'article donne un extrait de La Maison Tellier de Guy de Maupassant :« Devant le lutrin, trois hommes debout chantaient d'une voix pleine. Ils prolongeaient indéfiniment les syllabes du latin sonore, éternisant les Amen avec des a-a indéfinis que le serpent soutenait de sa note monotone poussée sans fin, mugie par l'instrument de cuivre à large gueule. »
Sur son site, le musicien breton Roland Becker écrit que les instruments de Basse-Bretagne du XVIIIe siècle "existent toujours. Il y avait bien-sûr le biniou et la bombarde ainsi que le tambour, et puis il y avait des instruments moins [?] pittoresques comme le serpent, sorte de gros pipeau avec une embouchure comme celle du trombone, avec six trous. On jouait de cet instrument dans les églises... la Bretagne étant une province très écclésiastique, on a retrouvé des joueurs de serpent qui étaient là pour accompagner les cantiques dans les églises"
http://www.rythmes-croises.org/ethnotempos/articles.item.98/roland-becker.html
Je ne peux manquer de signaler qu'il évolua vers un instrument doté de clefs, l'ophicléide. L'Ophicléide ! Comme quoi il était inutile d'aller chercher parmi les papillons, les libellules ou les oiseaux les jolis noms que je pouvais trouver sans battre la campagne, dans un orchestre militaire, milieu autrement sympathique.
(Source Wikipédia "serpent", libre de droit)
Et si c'était un Tournebout ?
Plus je regarde l'image, plus je doute... c'était trop beau, le serpent avec les anges, l'occasion de citer Maupassant, pourquoi pas Flaubert ou Proust, non, cela ressemble à un chalumeau en trois parties, où les trous sont percés dans les deux premières qui sont droites et non dans les sinuosités... Tout faux, mais j'aurais appris quelque-chose, et je laisse le soin aux gens compétents de faire leur travail.
Je vais quand-même regarder l'autre musicien, celui de droite : je découvre qu'il est différent, avec plein de trous dans les parties courbes, et un appendice rétrograde prés de l'embouchure heureusement souligné au jaune d'argent. Je Joue mon Joker et je fais appel au public.
B. Les deux coeurs latéraux.
Chaque coeur latéral est composé d' armoiries, d'un motif de feuilles de houx, et de 10 anges. Leurs instruments sont de haut en bas:
- deux cornemuses entourant
- deux clavicordes,
- deux flûtes de tambourin entourant
- deux violes
- et encore deux clavicordes.
1. Les cornemuses :
Le soleil n’a pas mal quand tu te détournes de lui
Et Dieu non plus quand tu cours à l’abîme
Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique
Elles sont décrites par Jean-Luc Matte comme "sans bourdon, hautbois conique, court porte-vent."
2. Le clavicorde ?, ou clavicytherum :
Le plus court chemin vers Dieu passe par la porte de l’amour ;
Le chemin de la science t’y mène très lentement.
Angelus Silesius, Pélerin chérubinique
Je découvre un instrument à cordes frappées par l'intermédiaire d'une touche : je compte neuf touches, et autant de cordes ; celle-ci sont tendues au-dessus de la table d'harmonie qui est percée d'une ou de deux rosaces.
Il y a donc deux instruments différents :
2a : le clavicorde à deux rosaces.
Ce que l'on voit, ce sont les touches, les cordes, la table d'harmonie trapézoïdale (triangulaire à l"extrémité tronquée), mais ce qu'on ne voit pas, c'est si les cordes sont frappées ou pincées :
- Frappées, c'est alors une sorte de tympanon doté d'un clavier, une forme précoce ou simple de clavicorde, qui est l'ancêtre du piano-forte.
- Pincées, c'est une sorte de psalterion à clavier, une forme de clavicymbalum, l'ancêtre du clavecin.
- Pincées toujours, mais à la table verticale, une sorte de harpe à clavier, c'est le clavicytherium.
2b : le clavicorde bis : une seule rosace
La forme de la table d'harmonie est triangulaire et non trapézoïdale. Le nombre de corde est le même. Le premier modéle montre un clavier au sommet d'un boitier vertical assez haut.
3. Le rebec à trois cordes, ou la vielle à archet qui lui a succédé, aussi appelée viole.
Tu dis : Quitte le temps et rejoins l’éternité ;
Mais y a-t-il une différence entre le temps et l’éternité ?
Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique
Comment vais-je faire, moi qui n'y connait rien, pour différencier le rebec, dont il est dit que l'utilisation est beaucoup plus tardive qu'on ne le pensait, jusqu'au XVIIe siècle, de la vièle ovale ?
- par le nombre de cordes ? Le rebec en compte trois, et la vièle de trois à cinq jusqu'au XIIIe siècle, date où le chiffre cinq a été fixé, dixit Wikipédia. Or le vitrail est du XVe.
- par la forme piriforme du rebec, alors que la vièle est ovale mais a tendance à se cintrer au XVe comme le montrent les représentations de Memling (instrumentsmédiévaux.org) ? Mais il existe des vièles piriformes !
- Parce que le corps du rebec est taillé dans la masse ? Mais le corps de la vièle est chantourné dans une planche épaisse !
- parce que le rebec est monoxyle, taillé dans un seul morceau de bois, alors que le manche de la vièle est un élément rapporté. Ici, il est manifeste que le manche est en continuité avec le corps.
- parce que la table du rebec est plate, et celle de la vièle voutée.
- Mais pas : par le nombre d'orifices : le rebec n'en a qu'un, en rosace, alors que la vièle en a deux, en forme de demi-lune ! mais l'illustration d'instrumentsmédievaux.org donne l'exemple inverse !
Je me décide pour dire qu'il s'agit d'anges joueurs de rebec, cet instrument apparu au XIVe, mais surtout utilisé du XVe au XVIIe, peut-être introduit par l'Espagne musulmane. Il était joué par les menestriers dans les fêtes populaires, et dans les bals et concerts de cour
L'instrument est appuyé contre la poitrine, l'archet est rudimentaire et se résume à un arc tendu de crins, sans manche. Les deux instruments différent par leur chevillier, le premier en crosse vers l'avant se divisant en deux pointes en hameçon, l'autre en crosse arrière terminé en pomme.
4. Le flûtet, ou Flûte à tambourin, proche du galoubet provençal.
Pur comme le plus fin des ors,
ferme comme un roc,
De part en part limpide comme un cristal;
ainsi doit être ton coeur.
Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique.
C'est une flûte à trois trous qui se joue d'une main (ici, indifféremment droite ou gauche) alors que l'autre main se charge de la partie rythmique sur un petit tambourin. Celui-ci apparaît sur ces images fixé par un cordon autour du poignet, ou par une lanière qui s'enroule autour de la commissure de la main.
Je l'ai déjà rencontré à Confort-Meilars sur le vitrail (début XVIe) dédié aux scènes de la Vie de Jésus ; mais la flûte y est beaucoup plus longue, à sept trous, et le tambourin est fixé à la taille:
Confort-Meilars :
Bulat-Pestivien :
Les deux anges suivants sont issus du même carton. La flûte semble constituée de deux parties : un tuyau rond, surmonté d'une partie plate, élargie et percée d'un orifice rectangulaire ; en outre, celle-ci se termine par une dilatation ressemblant à un ballonnet , après le cinquième doigt.
C. Les mouchettes complémentaires :
1. Joueur de harpe :
Je ne sais pas ce que je suis,
je ne suis pas ce que je sais :
Une chose, et pourtant aucune chose,
et petit point et un cercle
Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique
Je remarque que la console est double, ou creusée d'une gorge, à la différence des harpes éxaminées plus haut. Le nombre de chevilles, ou le nombre de cordes, reste de dix
Figure jumelle :Joueur de harpe, vêtu d'un manteau brodé et le front ceint d'un globe crucifère
2. Joueur d'orgue portatif :
Je n'aime qu'une chose et ne sais ce qu'elle est,
Et parce que je l'ignore je l'ai choisie
Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique
Orgue portatif à sept tuyaux
Au XIe siècle, le moine Théophile, bien connu des amateurs de vitraux pour son traité sur les technique du verrier médiéval, a rédigé aussi un Diversarium artium schedula où il décrit toutes les étapes de construction d'un orgue d'église. C'est dire que les orgues, dont la technique se développe du XIIIe au XIVe, sont courant dans les paroisses au XVe siècle. L'orgue portatif, lui, se joue de la main droite tandis que le bras et la main gauche maintiennent l'appareil et actionnent le soufflet. Il peut être joué debout, et accompagner ainsi une procession, en le maintenant par un baudrier, ou bien assis, posé sur les genoux, ou encore, comme dans la tapisserie de la Licorne, posé sur une table.
Le même carton, inversé :
3. Instrument à corde pectoral:
En bas de l'axe de symétrie, un couple d'anges jouent d'une boite où ils semblent pincer des cordes :
Essaie, ma petite colombe, on apprend beaucoup par l'exercice;
Celui qui ne reste pas assis finit par arriver au but.
Angelus Silesius, le Pélerin chérubinique, trad. Maël Renouart, Rivages poches ed.