1 Commençons par un tout petit papillon aux couleurs remarquables : la coquille d'or, ou Nemophora degeerella (j'ai commis une faute sur les clichés). Le mâle a des antennes quatre fois longues comme ses ailes, alors que les antennes de la femelle ne font que 1,5 fois la longueur des ailes.
Super famille des Incurvarioidae, famille des Adelidae, sous-famille des Adelinae, genre Nemophora.
2 Le Demi-deuil
C'est en lisant "l'affaire Saint-Fiacre", de Georges Simenon que je découvris pour la première fois l'expression "demi-deuil" pour qualifier l'association à partie du noir et du blanc. Le commissaire Maigret dîne dans un restaurant de Moulins avec Saint-Fiacre et son avocat. Ils sont servis par le maître d'hôtel dont " on voyait surgir son bras noir terminé par un gant blanc"
" _ Poulet demi-deuil... annonça-t-il comme le maître d'hôtel apportait en effet des poulets aux truffes.
Et sans transition, de la même voix légère :
_L'assassin va manger du poulet demi-deuil, comme les autres ! "
Le demi-deuiln'est pas qu'une recette de volaille bressane aux truffes, c'est aussi la période qui suit, après une durée variable, le deuil lui-même : au Grand deuil,souvent d'une année, en noir, succède le Petit deuil, en mauve, gris ou violet, puis le Demi-deuil. Voici ce que pouvait lire les jeunes-filles du Second-Empire dans Le Magasin des demoiselles, ouvrage de "morale,histoire, sciences, littérature, voyages, beaux-arts, biographies, récréations, économie domestique, modes, petits courriers des demoiselles", dans son tome neuvième, 1852-1853, paru à Paris, rue Laffite :
"Les premiers mois, le deuil se porte tout en laine ; la façon et les ornements doivent être très-simples. Les manches se font justes, avec manchettes et col en crêpe lisse soutaché, ou, ce qui est mieux, ruché de tulle gaufré.[...]Pour le demi-deuil, la soie, les taffetas gris, les baréges de même nuance, les bonnets de dentelle, les garnitures ruchées, les manches blanches et même les chapeaux de paille avec garniture grise ou violette. Les fleurs de demi-deuil sont la scabieuse, la violette, l'héliotrope, le lilas, etc.,etc. "
Le Demi-deuil est, aussi, un papillon de la famille des Nymphalidae : c'est Melanargia galatheaLinnaeus 1758, et coté soieries, dentelles, taffetas, et autres baréges, il n'a pas fait les choses à moitié tout en sachant rester très simple, très nature.
C'est un papillon fatigant à poursuivre de buisson en buisson, d'une touffe d'herbe à une autre, sans cesse affairé, jamais satisfait, mais c'est parce que le mâle ne se plaît pas à séduire les femelles en paradant du haut d'un perchoir, comme tant de Rhopalo-machos, mais doit chercher à les débusquer au berceau, sitôt issues de leur émergence dans les graminées.
A la fin de la journée, j' en trouvais quand-même un qui était aussi fourbu que moi : le voilà :
Une semaine plus tard, le Demi-deuil est visible partout, par dizaines : on se lasse de tout...
La Petite tortue, Aglais urticae.
Papillon classique là encore, mais sa rencontre reste toujours une bonne surprise. C'est la Vanesse de l'ortie, ce qui m'incite à redoubler de négligence dans mon jardin et à laisser pousser des orties qui sont tant appréciées par les vanesses ( Belle-dame, Vulcain, Paon-du-jour ), par le Gamma, par la Carte géographique, entre autre.
Le Tristan, Aphantopus hyperantus.
Lui portait le deuil complet, mais il s'est fait éclabousser de peinture blanche, et ses efforts pour détacher sa tenue a laissé de gros cernes : c'est malin !
A cette plaisanterie douteuse (n'est pas Jules Renard qui veut ), on préférera la jolie description du site Papillons de Poitou-Charentes qui mentionne "des ocelles noires cernées de jaune et pupillées de blanc "
Compère Tristan appartient à la tribu des Maniolini (7 especes en France) : elle tire sans-doute son nom d'un de ses membres, le Myrtil qui s' appelle Maniolia jurtinapour la science. Cette tribu appartient à la grande sous-famille des Satyrinae (dix espèces dans le Finistère , aussi communs que : le Tircis, la Mégère, le Fadet, l' Amaryllis ,...le Demi-deuil, le Myrtil ou comme le Céphale, l'Agreste, l'Ariane. Là encore, je présume que le nom de la sous-famille vient de celui de la Mégère, aussi appelé Satyre, mais cela n'explique rien.
Le Myrtil, Maniola jurtina.
Cela tombe bien, Wikipedia signale qu'on le trouve souvent en compagnie du Tristan.
J'ai hésité avec le Fadet et l'Amaryllis, pour des histoires de nombre d'ocelles : Amaryllis en prend deux, Myrtil un seul, or sur ma photographie j'en compte deux sur les ailes antérieures, si je compte le plus petit point blanc, oui mais je retrouve cela aussi sur les images de Myrtil authentifiés...
L'Amaryllis, Pyronia tithonius.
Il est à la fois bien proche du Myrtil, mais il est bien doté de deux beaux vrais points blancs l'aile antérieure, sans compter les points du verso de l'aile postérieure.
Si la Petite tortue appréciait les orties, l'amaryllis n'aime que les fleurs de ronce... et cela tombe bien, j'en ai aussi dans mon jardin : pour les papillons, je suis vraiment un jardinier modèle.
Le Paon-du-jour, Inachis io.
Il se pose sur un saule, il joue à la feuille morte, il fait la manche dans son vieux blue-jean aux coutures usées, on lui donnerait trois sous.
Il ressemble à un vieux gréement , coque passée au coaltar et calfatée de brai bitumineux, voile tannée par le cachou, au mouillage sur les lieux de pêche.
Qui penserait à un Paon ? Mais où sont les ocelles splendides du Pavon orgueilleux? La robe de soierie et de soirée, les cocardes écarlates, l'éclat et le lustre ?
Mais il lui suffit, comme en baillant, d'ouvrir son éventail : le voilà : Musique !