L'Orchis mâle Orchis mascula (L.), L. 1755
Lieu : Rostellec (Le Fret) ; falaises de Postolonnec.
Origine du nom :
I —Nom scientifique:
Linné, Flora suecica ed.2 1755 p. 310 n° 795 : Orchis (mascula).
Du latin mascŭlus, a, um : - 1 - mâle, masculin, de sexe masculin. - 2 - digne d'un homme, viril.
Synonyme ou Basionyme :Orchis morio var. mascula L., 1753 : Linné ayant décrit O.mascula comme une variante de O. morio en 1753 dans Species Plantarum avant de le décrire comme espèce propre en 1755, la nomenclature place deux fois le nom de Linné, la première fois entre parenthèses : Orchis mascula (L.) L. , ou (Linnaeus) Linnaeus. Ce transfert à deux ans d'intervalle montre la proximité des deux espèces chez les botanistes contemporains.
La discussion sur l'origine de ce nom a dèjà été développée à propos de l'Orchis morio : L'Orchis Bouffon Orchis morio à Crozon. En effet depuis les descriptions de R. Dodoens, on associait deux formes proches sous les noms de Testiculus morio mascula et Testiculus morio foemina, qui deviennent ensuite Orchis morio mascula et foemina, avant de se simplifier avec Linné en Orchis mascula, et Orchis morio. Avec Linné, l'Orchis mâle perd son épithète de morio, "fol (de cour), bouffon" qui faisait allusion à la forme en bonnet de fou de sa fleur.
— Nom vernaculaire :
Orchis mâle : simple traduction du nom scientifique Orchis mascula.
On la nomme aussi Satyrion, Satyrion mâle, et Pain de couleuvre (nom qui désigne aussi l'Hellébore fétide, ou l'Actée rouge), Herbe à la vipère, Herbe à la couleuvre, Mâle fou, Testicule de prêtre [et ses variantes régionales coulho de piétré, (Haute Vienne) coulhou dë pétr (Creuse), mais dont je n'ai pu vérifier qu'elles s'appliquent à cette espèce ], Queue de renard. On trouve aussi "pentecôte".
Dans d'autres langues :
- Early Purple Orchid, (Anglais) : l'orchidée pourpre précoce ; Male fool-stone.
- De mannetjesorchis (Nederland)
- Das Männliche Knabenkraut , ou Stattliches Knabenkraut, Manns-Knabenkraut et Kuckucks-Knabenkraut , Allemagne (l'orchidée mâle, l'orchidée élégante, l'orchidée coucou)
- Sankt Pers nycklar, N. St. Persnökler, (Suéde)
- o orchidea maschile (Corse)
- orchide maschia (Italie)
- en Bretagne elle est surnommée "bokedou koukouk" fleur-coucou .
- En Bretagne (Flore de Douarnenez) on signale le nom Galligot.
L'onomastique de cette plante est donc déterminée par trois de ses caractères : sa couleur d'une part ("purple"), son apparition précoce en avril d'autre part ("early", "pentecôte", "coucou, kuckucks", "koukouk"), et enfin la forme de ses bulbes ou tubercules souterrains qui a suscité les noms orchis ("testicule"), mascula, "mâle", "satyrion", et autres dérivés.
L'Orchis mâle est, parmi les orchidées, celle qui est la plus liée à cette évocation testiculaire. C'est Théophraste (372-287), élève de Aristote et père de la botanique qui a utilisé le premier le nom grec όρχις grec «orchis» dans son livre "De historia plantarum" (L'histoire naturelle des plantes), en s'inspirant de la forme des tubercules.
Une étude d'ethnobotanique dans le département de la Manche par Alain Rongier en 2005 a permit de montrer la fréquence respective des dénominations vernaculaires ("pentecôte", "vipère", "jacinthe", mais aussi "coucou", "mouron", "pied-de-loup", "clochette", "orchidée tachetée"), qui témoigne tout autant des confusions et méconnaissances du public interrogé sur un marché et à qui on présente un plant fleuri d'O. mascula, que de la dénomination vernaculaire.
Le nom "herbe à la vipère" est aussi utilisé pour désigner la vipèrine, Echium vulgare, "car on attribuait jadis aux racines la propriété de paralyser le venin de la vipère" (A. Cariot 1865). Le même nom désigne aussi Dactylorhyza maculata et D. incarnata
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ANNEXE : TEXTES ANCIENS.
1. Carl von Linné.
Flora suecica 1755 p. 310 n° 795 : Orchis (mascula).
a) Les auteurs cités sont :
- Bauhin, Pinax Theatri botanici page 81,
- Olof Rudbeck (celui du Rudbeckia) :Reliqui] Rudbeckian], Sive, Camporum Elysiorum Libri Primi, Olim AB Olao Rudbeckio Patre Et Filio, Upsali] Anno 1702 Editi, Qu Supersunt, Adjectis Nominibus Linn]anis. . Cura Jacobi Edvardi Smith.
- Sébastien Vaillant et de son Botanicon parisiense de 1727. Je vais donc m'interesser en second lieu à cet auteur français.
- Joachim Camerarius le Jeune (1534-1598), De Plantis epitome Matthioli Senensis 1586. La page 624 décrit Testiculi species IV de Matthioli, qui est reconnu comme le lectotype de.
b) Linné précise les différences avec Orchis morio, sa plante jumelle : Je tente de traduire (sous réserve) par : "tige deux fois plus haute ; fleurs plus nombreuses ; les deux pétales dorsaux sont relevés, au lieu de se réunir ensemble en casque (galeam) ; lobes intermédiaires (latéraux?) du labelle plus petit". Le reste de la description initiale (bulbis indivis, nectarii labio quadrilobho crenulato ; cornu obtuso) est commune aux deux espèces.
On peut voir ces différences sur le site Florealpe.com.
Je me fais cette réflexion : dans la description princeps de Rembert Dodoens, le bonnet de fou qui justifie le nom de testiculus morio, puis orchis morio, fol mâle et folle femelle est composé d'une corne (l'éperon), d'un casque (les sépales convergents) et de deux oreilles burlesques (les sépales relevés). Or l'une des deux espèces, O. morio (ou Anacapmtis morio) est caractérisée par son casque, et l'autre, O. mascula, par ses deux oreilles : finalement, aucune n'a le bonnet de bouffon complet. Ou bien, je n'ai rien compris.
2. Sébastien Vaillant (1669-1722), exerça d'abord le métier de chirurgien, mais, passionné de botanique, devint élève de Tournefort, secrétaire de Guy Fagon et fut ensuite en charge du Jardin du roi. Il réunit alors un immense herbier de la région parisienne qui fait l'objet duBotanicon . Il fut le premier en France à démontrer le caractère sexué des plantes, et Linné rendit hommage par la suite à ses dons d'observations et son habileté à établir des genres. En 1726, il identifie les hybrides naturels Orchis purpurea x Orchis militaris et Orchis purpurea x Orchis simia, alors même que l'idée de l'hybridation naturelle n'était pas reconnue..
Premier observateur de la pollinisation et par là précurseur de la classification naturelle des végétaux, Sébastien Vaillant a laissé un manuscrit publié en 1727, le Botanicon parisiense édité par Herman Boerhaave sur les notes de l'auteur.
Il est l'auteur du Botanicon Parisiense ou Dénombrement par ordre alphabétique des plantes, qui se trouvent aux environs de Paris compris dans la Carte de la prévôté & de l'élection de la dite ville par le sieur Danet Gendre année 1722. Avec une description des plantes, leurs synonymes, le tems de fleurir et de grainer et une critique des auteurs de botanique. A Leide & à Amsterdam, chez Jean & Herman Verbeek et Balthazar Lakeman, 1727. On y trouve des planches dessinées par Claude Aubriet « peintre du Cabinet du roy » et gravées par Jan Wandelaar.
Il donne la présentation suivante :
Orchis morio mas, foliis maculatis. C.B.Pin 81 & orchis morio foliit sessilibus maculatis 2 C.B Pin 82 [...] Satyrion apuleii Bry. Couillon de chien mâle à feuilles étroites Fuschse chap. CCX.
2. Dictionnaire universel de médecine, de chirurgie, de chymie - Volume 5 - Page 179 -Robert J. James, Julien Busson, Michel-Estienne David ((Paris)) - 1748 :
"Cet Orchis est le Satyrion commun des herboristes ; il a deux racines ovales, à peu près de la grosseur d'une petite olive, d'une couleur blanchâtre, pleine d'un suc bourbeux ; au lieu que toutes les autres plantes ont différentes fibres qui croisent autour d'elles. De ces racines au contraire part une seule tige pleine de suc, environnée de trois feuilles luisantes, unies, semblables à celles du lys, et marquetées de noir. Ses fleurs croissent au sommet des tiges en un épi long ou en tyrse ; elles sont d'une couleur purpurine. Chaque fleur a une forme irrégulière, est composée de six feuilles & presque en forme de casque avec un bout d'oreille dressé de chaque coté et des lèvres larges marquetées de taches obscures. Ses semences sont fort petites et sont contenues dans une longue capsule triangulaire ; cette plante croît dans les près humides et fleurit en avril. Ses racines sont les seules parties qu'on emploie.
" On dit qu'elles sont aphrodisiaques ou qu'elles provoquent à l'acte vénérien, qu'elles fortifient les parties génitales, qu'elles favorisent la conception, et que c'est par cette raison qu'on les fait rentrer dans l'électuaire qui porte le nom de cette plante. Appliquées extèrieurement en forme de cataplasme elles dissolvent les tumeurs dures et les enflures.
"L'électuaire dont nous venons de parler est la seule préparation qu'on en tire. [...] Sa vertu principale consiste selon Schroder à fortifier les parties destinées à la génération, effet qu'elle produit tant sur les hommes que sur les femmes. Ce qui a fait dire qu'elle favorisait la conception."
3. Planche du XIXe siècle : peinte par Turpin et gravée par Lambert dans Flore médicale, Volume 5 p. 45 par François-Pierre Chaumeton, Jean-Baptiste-Joseph-Anne-César Tyrbas de Chamberet,Ernest Panckoucke,Jean Louis Marie Poiret,Pierre Jean François Turpin - 1818 , Google books :
4. Autre Planche : adresse :http://runeberg.org/nordflor/401.html
Liens :
http://www.lekermeur.net/~jmlucas/pages/orchis_mascula.htm
Pollinisation et anatomie des organes reproducteurs : je recommande les beaux schémas du Dictionnaire de F. Ramade p.420.
Linnaean sources and concepts of orchids Charlie Jarvis and Phillip Cribb, Ann Bot (2009) 104 (3): 365-376.
http://www.tela-botanica.org/page:Etymologie_orchis_morio_orchis_bouffon
Penacion Dioscoride Anazarbeen :
Historio-biologie des orchidées