Les papillons décrits par Aldrovandi en 1602. Étude des noms propres.
Résumé.
Les premiers noms propres scientifiques d'espèces de papillon sont créés en 1602 par Ulysse Aldrovandi dans De Papilionibus, Livre II chap. 1 de De Animalibus insectis : parmi ces treize noms grecs ou latins, un est encore en usage, l'épithète spécifique polychloros (Nymphalis polychloros Linnaeus, 1758). C'est l'occasion détudier les onze Planches et leur 118 illustrations décrivant 102 espèces de rhopalocères et d'hétérocères : un ouvrage fondateur de l'Entomologie.
Préambule.
Ulysse Aldrovandi (1522-1605) est un naturaliste italien de Bologne qui a été initié à la botanique par Luca Ghini, puis à la zoologie par Guillaume Rondelet. Docteur en médecine et en philosophie en 1553, il commence à enseigner à l'université de Bologne en 1554. En 1556, Aldrovandi commence à développer ses études botaniques sur la base de l'examen des organes reproducteurs, et, cette même année, il commence à enseigner la botanique médicale. En 1559, il devient professeur de philosophie et, en 1561, il devient le premier professeur d'histoire naturelle à Bologne (son cours s'intitule lectura philosophiae naturalis ordinaria de fossilibus, plantis et animalibus). En 1568, il crée le Jardin botanique de Bologne.
Grand collectionneur, il constitue un vaste Cabinet d'histoire naturelle, riche de 18 000 pièces, complété par une bibliothèque de 3600 volumes imprimés et environ 300 manuscrits et d'un herbier de plus de 7 000 spécimens.
Il publie de 1559 à 1605 les quatre premiers volumes d'une Histoire naturelle (dont De Animalibus insectis en 1602 qui constitue en fait son Livre sept) qui en comptera quatorze, les autres étant publiés après sa mort (dernier volume paraissant en 1668) par sa veuve et quatre de ses successeurs. Accordant une place capitale à Aristote dans sa classification des animaux, et compilant les auteurs de l'Antiquité comme Strabon et Pline, il instaure néanmoins comme règle fondamentale l'observation attentive, des spécimens, leur reproduction fidèle par l'illustration et leur description objective , initiant ainsi une démarche scientifique moderne.
Comme la plupart des philosophes, des médecins et des collectionneurs de naturalia pendant la Renaissance, Ulisse Aldrovandi conçut son propre Theatrum Naturae à partir de son propre exemplaire de Pline l'Ancien de "Naturalis Historiae" (1553), sur lequel il annoté chaque ligne avec ses propres observations. Aldrovandi introduit ni une nouvelle Systema Naturae, ni une approche révolutionnaire de la science, mais plutôt il a été le premier professeur d'histoire naturelle de l'Université, et dans une période dans laquelle les Cabinets de curiosités se créaient dans les toutes les cours européennes, son cabinet de curiosités naturelles a été le premier musée d'histoire naturelle ouvert au public. Il a été largement influencé par ses "collègues" - Guillaume Rondelet, Pierre Belon, Luca Ghini, Conrad Gessner, Pier Andrea Mattioli entre autres - et par la tradition antique et médiévale. Sa riche bibliothèque comprenait des œuvres de Pline, Dioscoride, Theophraste, Galien et tous les livres les plus importants sur l'anatomie et de la médecine, y compris le célèbre livre de Vésale »De humani corporis fabrica" (1543), le premier atlas moderne du corps humain, avec le frontispice dessiné par Titien et les tableaux anatomiques par Jan Stephan Van Calcar. (Delfino et Ceregato, 2007)
Dans De Animalibus insectis, ou Livre 7, le Liber secundus est consacré aux papillons. Surpris de ne trouver aucune étude sur cette publication, j'y consacre cet article.
I. Titre et frontispice.
https://archive.org/stream/deanimalibusinse00aldr#page/236/mode/2up/search/papilio
Commençons par donner le titre complet du Livre sept : De animalibus insectis libri septem, cum singulorum iconibus ad vivum expressis, Autore Ulysse Aldrovando, in almo Gymnasio Bonon : rerum naturarium professore ordinario. Bonon [Bologne] apud Joan Bapt. Bellagambam an 1602.
Frontispice.
Je donne ici la copie de cet exemplaire, certes abimé mais en couleur :
Je note de haut en bas :
- un blason couronné central, présenté par quatre putti. Les armoiries sont composées, mi-parti, de celles qui sont représentées en dessous.
- deux muses ou Allégories dont l'une tient une sphère armillaire et l'autre un miroir.
- Deux femmes tenant le drap blanc où est inscrit le titre. Les jambes de ces femmes sont singulières, traitées comme des écorces d'arbres, comme s'il s'agissait de Dryades.
- une épigraphe : semper honos nomenque tuum laudesque manebunt. C'est une citation de Virgile, Énéide Livre 1 vers 609 : Énée s'adressant à Didon. "toujours subsisteront et ta gloire et ton nom et tes louanges". Rappelons que le livre est édité à titre posthume, et que cet éloge est bien légitime de la part de sa veuve.
- Deux blasons sur les supports latéraux.
- Sur le panneau du centre, la déesse Artémis (arc et croissant de lune) entourée de dix nymphes dansant une ronde.
- une signature : Il Valesio im.
Ulysse Aldrovandi était le fils d'un comte. L'armorial de Rietstap donnent pour son nom les blasons suivants, dont aucun ne correspondent :
- Aldrovandi Bologne - Écartelé aux 1 et 4 d'azur à une écharpe d'or ployée en cercle les bouts noués en sautoir aux 2 et 3 palé d'argent et de gueules
- Aldrovandi Bologne - De gueules à trois fasces d'or à la bande d'azur brochant sur le tout
- Aldrovandi Bologne - D'azur au chevron soutenant une fasce en divisé surmonté d'une rose le tout d'or
- Aldrovandini Bologne - D'azur à la bande bretessée de trois pièces chaque brétesse clouée d'une seule pièce de sable à la bande côtoyée de six étoiles le tout d'or.
Comparée au frontispice du volume de l'Ornithologia de 1599, on constate que les références à Pline et à Aristote, dont les noms figuraient sur deux piliers, ont disparu.
Le Portrait d'Aldrovandi.
http://amshistorica.unibo.it/31
On y trouve :
- des armoiries azur et or en haut à gauche, surmontées d'un griffon. Elles correspondent cette fois à la description D'azur au chevron soutenant une fasce en divisé surmonté d'une rose le tout d'or
- des armoiries en haut à droite avec la devise Sensibus haec imis res est non parva reponas issue de la Troisième Églogue des Bucoliques de Virgile, vers 54 : Damète à Palémon : "Il ne s'agit pas de peu de choses. Sois attentif à nos chants", traduit aussi ainsi :"La chose est d'importance, laisse-toi pénétrer par ceci". Le blason comporte un coq tenant dans la patte gauche une branche.
- Dans le cartouche autour de l'ovale, «Ulysse Aldrovandus Bononiensis Anno Aetatis LXXX" ("Ulysse Aldrovandi de Bologne dans l'année de ses 80 ans" ...donc en 1602;
- Dans le cadre au pied de l'ovale, les vers composés par Giovanni Cornelio Uterverio*: "Aldrovande tuam tam parvo pictor aere Effigiem potuit pingere non animi: Dotes mirificas, namque harmonumenta Loquuntur vestra vir Eolis Cognite et Hesperiis".
*Johannes Cornelius Uterverius (ou Wterwer ou Wertwer) né à Delft aux Pays-Bas, s'installa à Bologne en 1592, et obtient en 1594 le titre de docteur en médecine, il se consacre à l'étude de le Botanique et de l'histoire naturelle. A la mort d'Aldrovandi, en 1605, il a été nommé par le Sénat de Bologne et son successeur Conservateur du Museum et de la Bibliothèque d'Aldrovandi. C'est lui qui mis en ordre et publia trois volumes d'Aldrovandi à titre posthume, et qui dressa l'inventaire de toutes les plantes du Jardin public. Il mourut à Bologne en 1619 et a été enterré dans l'église de Notre-Dame de Galliera .
L'éditeur.
Joannes Baptista /Giovan Battista Bellagamba (1596-1613 ; imprimeur)
Typographe de Bologne, actif entre la fin des années 1500 et au début des années 1600, aux cotés de Vittorio et Alexandro Benacci, Domenico Maria Pulzoni, Giovan Paolo Moscatelli, ou Fausto Bonardo. Bellagamba était un imprimeur qui a commencé modestement, mais a réussi à améliorer rapidement son équipement technique, de manière à être en mesure de publier des ouvrages de qualité. Ses premiers produits étaient deux compositions ludiques de GC Croce: Diporto piacevole (1597), et en août de la même année , Il solennissimo trionfo dell'abbondanza. En 1599, il a publié Vita della b. Caterina da Bologna de Cristoforo Mansueto; puis en 1600 des œuvres de Ippolito Grossetti, Nicomaco Filateleo, Joseph Rosaccio, Lodovico Zuccolo et Michele Pancotto.
Mais il est surtout connus pour l'édition des différents volumes de la monumentale Naturalis Historia d'Aldrovandi, qui'il a commencé à imprimer à la suite de De Franceschi en 1590, et qu'il a poursuivi avec les tomes II (1600), III (1603), IV (1604), V (1605) et VI (1612). Ce n'est pas lui, mais Pas lui, mais le tome VII Benacci qui a publié le tome VII, mais il a imprimé le volume Historia omnium quadrupedum bisulcorum de 1613. Cette année est celle de son décés, ou du moins de la fin de ses activités, et le travail est poursuivi par Il cesse alors ses activités, sans-doute Aldrovandi Ferroni et Tebaldini.
Dans tous ses tirages, même les plus mineurs, il a utilisé de beaux caractères et des ornementations de bon goût, en fonction de la noble tradition de l'édition bolognaise. On lui connaît deux marques de typographe, l'une avec la devise "Non comedetis fruges mendacii" (Sorbelli, n. 41) et l'autre avec : "Omni tempore" (Sorbelli, n. 42).
Source . A. Sorbelli, Histoire de l'Impression à Bologne, Milan, 1929, pp. 121, 126.
L'illustrateur.
L'artiste qui a réalisé les planches entomologiques est Cornelius Schwindt (1566-1632), dessinateur et graveur originaire de Francfort. Schwindt était entre 1590 et 1596, l'artiste principal employé par Aldrovandi pour la peinture des spécimens de ses collections et leur copie sur les tablettes de bois. Celle-ci étaient alors gravées par Cristoforo Coriolano.
"Plus que ses collègues, Aldrovandi a compris la fonction pédagogique des images et l'importance de l'exactitude dans la représentation des choses naturelles afin de les décrire objectivement. Il a créé un petit laboratoire à son domicile où, sous sa supervision, plusieurs artistes reproduisaient sur papier les spécimens qu'il récupérait directement ou qu'il obtenait de ses collègues. Jacopo Ligozzi, l'artiste préféré d'Aldrovandi qui a travaillé pour le Grand-ducs de Toscane, mais aussi Giovanni Neri, l'auteur de la plupart des dessins zoologiques, Passarotto Passarotti (fils du plus célèbre Bartolomeo), Lorenzo Benini, et Cornelius Schwindt, produirent environ 3000 peintures a tempera. Cornelius Schwindt lui-même et parfois Lorenzo Benini et d'autres, copiaient les peintures sur les blocs de bois de poirier, puis elles étaient gravées par Cristoforo Coriolano et plus tard par Gian Battista Coriolano. Certains des étudiants d'Aldrovandi ont notés tous les noms connus des sujets représentés non seulement à côté de chaque dessin, mais aussi sur le dos des milliers de gravures sur bois gravés pour illustrer l'édition imprimée de son grand "Historia Naturalis". Malheureusement, Aldrovandi est mort après la publication de la quatrième des treize volumes, mais au moins deux des œuvres posthumes, éditées par son élève Jan Cornelis Wterwer, étaient presque prêtes avant 1605. Toute la collection de peintures a tempera produites sous la direction de Aldrovandi, sont toujours disponibles et conservées dans la bibliothèque de l' Université de Bologne (Biblioteca Universitaria Bolognese). Pour les célébrations du 400e anniversaire de la mort de Aldrovandi, toutes les peintures a tempera ont été numérisées et mises à disposition par l'intermédiaire du World Wide Web (disponible à l'adresse www filosofia.unibo.it/aldrovandi/)." (Delfino & Ceregato, 2008)
Le graveur sur bois.
Cristoforo Coriolano est né un graveur allemand en 1540 à Nuremberg. Installé en Italie, il a changé son nom de Lederer à celui de Coriolano. Selon Vasari, après avoir atteint un certain succès à Venise, il aurait gravé sur bois les portraits des peintres, sculpteurs et architectes, d'après les dessins de Vasari, pour ses Vies des Peintres, d'abord publié en 1568. Il a également gravé la plus grande partie des illustrations des volumes de l'Ornithologie d' Aldrovandi. Il est mort à Venise au début du 17ème siècle. Ses fils Giovanni Battista Coriolano et Bartolommeo Coriolano devenus éminents graveurs à l'époque baroque.
Le Livre second consacré aux papillons.
Le Livre second occupe les page 235 à 341. Il est intitulé Ulyssis Aldrovandi Philosophi et medici bononiensis, historiae de insectis liber secundus, qui est de caeteris anelytris quadripennibus, & primum.
Le texte, en latin avec des inclusions fréquentes de grec, est disposé sur une seule colonne de 58 lignes avec une seule marge latérale où apparaissent les noms des espèces ou autres éléments notables.
SOMMAIRE du Livre II.
Il permet entre autres de voir l'étendue encyclopédique des données présentées, qui dépassent de loin la description entomologique pour englober les domaines sémantiques, ethnologiques, médicaux (ethnomédecine), psychosociaux et religieux. On constate aussi que les chenilles, puis les chrysalides, sont décrites dans des chapitres distincts des papillons, comme des espèces séparées. Mais la description des spécimens, accompagnée de 11 planches, occupe 18 des 26 pages du chapitre I : cette partie, fondée sur l'observation, dépasse celle qui est (seulement partiellement) fondée sur la compilation livresque.
Cap. I De Papilionibus : page 235-261 : des Papillons (diurnes et nocturnes)
- Ordinis ratio. Synonyma page 235
- Differentiae descriptio page 236-253
- Coitus parto generatio page 253
- Locus volatus cibus aetas page 256
- Denominata page 256
- Praesagia page 257
- Proverbia page 258 (:"Non credo alla Rondine ne alla farfalla, Ma bene alla Cicala che mas falla").
- De papilione ad lumina accensa advolitante page 258
- Synonyma page 258
- Mores. Ingenium page 259
- Nocumenta page 260 ("Nuisances").
Cap. III [sic] De Bombylio sive papilione bombycum page 261 : des Bombyx .
- Synonyma
- Generatio et tota historia
Cap. IIII De Erucis vulgaribus page 264 : des Chenilles
- Aequivoca synonyma page 264
- Genus differentiae forma page 265
- Generatio mores victus page 274
- Ut fugentur page 275
- Usus in medicina page 275
- Proverbium
Chap. V. De Chrysalide sive aurelia page 277 : De Chrysalides.
- Forma differentiae
Chap. VI De Bombyce aequivoca
- Synonyma
- Genus differentiae forma
- Bombyces veteribus romanis et graecis fuisse ignotas
- Generatio
- Educatio et quaedam rursus de generatione.
- Denominata
- Moralia
- usus page 295
Cap. VII De serico : de la Soie.
- Synonyma page 295
- Holosericum differe a serico.
- Usus page 297
- Usus in medicina page 298.
Cap. VIII. De Pityocampe page 298 : Chenille processionnaire du Pin
Cap. IX De Curculione page 299 : Curculionidae
- Ordo aequivoca
- Synonyma
- Forma generatioo page 300
- Ut fugantur page 301
- Proverbium. Page 302
Cap. X. De Perlis vulgo dictis. Page 302 : Des Perles = Libellules (odonates)
Cap. XI. De Xylophtoro Page 306 : Trichoptère "perce-bois" nommé Xylophtoros par Aristote
Cap. XII. De Orsodacna. Page 307 : nos Criocères
Cap. XIII. De Cicada page 307 : Cicadidae
- Ordinis ratio
- Aequivoca
- Synonyma eorumque etymum page 308
- Forma descriptio page 308
- Genus differentiae page 309
- Hortus generatio
- Locus
- Cantus eiusque ratio
- Aetas temperamentum et capiendi ratio
- Antipatheia page 321
- Denominata
- Praesagia
- Augura
- Historica
- Mystica
- Moralia page 323
- Cur Homerus senes cicadis comparaveritpage 326
- Hieroglyphica page 327
- Symbola
- Numismata page 328
- Aenigmata et apophtegmata page 329
- Problemata
- Emblemata page 330
- Epigrammata
- Proverbia
- Epitheta
- Fabula
- Apologi
- Usus in cibis page 340
- Usus in medicina page 341
- Usus in variis
LE CHAPITRE I DE PAPILIONIBUS.
1. Classification.
A la première page de l'ouvrage lui-même, le Livre 7 , Aldrovandi, qui suit Aristote, donne le Tableau de sa classification générale. des Insectes, lesquels sont divisés en animaux soit terrestres, soit aquatiques. Les espèces terrestres sont réparties en deux nouveaux groupes, celles qui ont des pattes et celles qui n'en n'ont pas. Ont-elles des pattes ? Les voici divisés selon la présence ou l'absence d'ailes. Compte-t-on deux ailes, ou bien quatre ? Si on en compte quatre, ces ailes sont-elles membranneuses (favifica, qui font des rayons de miel, ou non favifica), ou bien farineuses (poudreuses car formées d'écailles) ? C'est ainsi que nous parvenons au Livre II des Insectes à quatre ailes, sans élytres, c'est à dire des Papillons. L'auteur distingue les papillons Vulgaires, Lucernaires, et Autres (Vulgaris, Lucernarius, & Aliquot). Enfin les chenilles (eruca), au lieu d'être décrites avec les espèces sans ailes mais à 12 ou 14 pattes, sont décrites au Livre II chapitre IV, et les Chysalides ou Aurelia au chapitre V.
2. Dénominations générales et étymologie.
Ces matières sont abordées au paragraphe Synonyma page 235 et Denominata page 256 :
a) Synonyma.
Papiliones "hoc est ventum sive spiritum" : le nom grec pour désigner les papillons est psyché, qui veut dire le souffle ou l'esprit.
Aldrovandi donne le nom vernaculaire de ce groupe d'insectes en différentes langues : en italien Parpaplione, parpaglia, farfalla : espagnol mariposa ; allemand pfeiffholter [cf.falter], Sommervögelin, quasi avicula aestivia, Belgique Capellexen, Vlindere, Boterulieghe (cf. Butterfly), Pellarin : Flandris privatim Boterschyte, Gallis Papillon, Polonais Motil, Ungaris Louoldek, Anglis à Butterflie.
b) Denominata page 256.
Papilio sive tentorium
A papilionis volantis similitudine tentorium Papilionem vocari nonnulli volunt. Calepino Homil. In Psal. 14. Graece etiam scribitur papilios, sed eam vocero nullibi reperio. D. Chrysostomus vocem esse tradit Romanam ; apudquem forte cum ille Graece scribi videret, Graecam esse credidit. Chrysostomi verba adiscriberem, sed graeco careo : Latinus factus sic habet : Quemadmodum ergo. Mosis in deserto tabernaculum, erat tigurium in quo congregari poterant, quod Romani vocarunt Papilionem. Italis Apud Plinium ubi habet, Numidae vero Nomades a permutandis Papilionibus, mapalia sua, hoc est, domus, plaustris circumferentes, castigatoria exemplaria habent, a permutandis pabulis.
Papiliones item nominantur maculae illiae, quibus per pestilentes febres cutis suffunditur variis locis, Pulicum aut Cimicum morsui similes, vario saepe colore, pro veneni feritate, & materiae conditione, modo rubrae, modo flavae, subnigrae, violaceae seu purpureae, caerulee, livide, nigrae, et quia fere purpuri sunt coloris, ideo purpurae nomine Gallis intelliguntur.
Lenticulae aliis dicuntur, quod saepe lenticulari colore, & effigie visuntur Ambrosius Pareus (Lib.21 cap.28) Papiliones ideo nominati vult, quia alatorum Papilionum instar varias subito involent corporis velut regiones, nunc faciem, nunc brachia, nunc crura, nunc totum corpus. Ego potius a maculatiis illis Papilionibus pulcherrimis, qui floribus desides perpetuo insident, propter consimillimas maculas ita vocari arbitror.
3. Les onze planches de description des Papillons adultes.
Aldrovandi rassemble sa collection en onze planches (plus une figure isolée page 245), soit au total 118 figures et 102 espèces, classées par taille (Grande-Moyenne-Petite). Les identifications sont sujettes à discussion, car j'en propose certaines de ma seule initiative, et sans compétence entomologique, et d'autres en tenant compte des auteurs comme James Petiver ou Linné lorsqu'ils donnent ces illustrations en référence de leurs descriptions.
Aldrovandi a attribué des noms propres à quelques uns de ses papillons, soit en grec, soit en latin. Ces noms sont repris en marge latérale dans le texte. J'en ai dénombré onze. Certaines pages du manuscrit original, conservé à la Bibliothèque Universitaire de Bologne, sont reproduites dans the Insect and the Images de Janice Neri : elles comportent des noms supplémentaires, qui y auraient été inscrits par fratre Gregoria Cappucino en 1592. Le Père capucin Grégoire, de Reggio-Émilie, loin d'être un obscure plumitif, a reçu les louanges des principaux naturalistes pour ses compétences en Histoire naturelle et notamment en botanique, et G. Olmi pense qu'il devait être l'apothicaire de divers couvents dont celui de Bologne. Son nom apparaît page 236 comme l'auteur d'une illustration. Les illustrations de ces planches manuscrites ont été ensuite découpées et réagencées dans un ordre plus élaboré. J'indiquerai ces noms du père Grégoire par les initiales P.G.
Les descriptions sont précédées par cette présentation générale :
Quanquam plurima sint Papilionum genera, nulla tamen a veteribus descripta reperias.
Aristoteles antennas iis ante oculos praetendi scripsit ; idemque ; ex eo repetiit Plinius, vocans istiusmodi antennas ignava cornicula. Neque aliud quicquam apud ipsos invenire est, quod ad formam corporis extrinsecam Papilionibus pertinet. Sunt autem plerisq ; alae molles, ceu farinae, et fragiles : servantq ; ipsi colorem Erucarum, ex quibus ortum suum duxere. Omnes, quos mihi licuit observare, (observavi autem plurimos), ea quae dixi, communia habebant. Suntque ; aliis diurni, ali nocturni, hoc est tenebrarum amantes. Alii magni, ali parvi, alii mediocres : alii uno tantum praediti colore, alii duobus, alii pluribus, alii maculati, alii sine maculatis. Colorum differentias tetigit Albertus Lib. 26, dum ait. Papiliones sunt Vermes volantes multorum colorum. Quidam enim sunt in alis sicut purpura, quidam albi, quidam hyacinthini, et quibusdam quaedam inest rubedo. Hi sunt qui in autumno coeunt. Sic ille, sed quam diversis aliis coloribus praediti Papiliones reperiantur, ex subsequentibus hic ordine depictis, ac descriptis patebit : inter quos tamen nullus existit aeuleo infestus, quales in India reperiri scribunt, qui Sciscioni vocentur. Qui itaq in priori tabula primo loco sculptus datur, non incongrue ιπποψύχη dicetur. Est enim Papilionum maximus. Vespere potissimum cernitur, interdiu latet. Latus est palmus, et amplius. Alae singule rotundam habent, ac notabilem maculam, oculum diceres, nigrum, sed primo miniaceo, dein candido circulo obductum.
Planche 1
= 6 figures, 5 espèces de grande taille, 4 hétérocères, 1 rhopalocère (dorsal et ventral) .
Une description type, celle du Machaon :
Erupisset Papilio, alis sese fecit conspicuum iis, quos diximus, coloribus prone et supine. Color niger luteus que ; in primis alis intensior est, in supinis remissior. Ale interne, que alias minores esse solent, in hoc animali proceriores sunt, intraque ; serrata serris eisdem coloribus distinctis, ex quibus fere media ceu cauda quedam dependet. Corpus totum pronum atrum est, ad latera, et supinem luteum : eitque pro alarum longitudine admodum exile. Oculi magni nigerrimi. Nigerrime item antenne, que in extremo obtuse sunt, tote subtilissime. In alarum internarum extremis lateribus macula rubra sive rosea conspicitur, rotunda internem semicircularis externem. In summa elegans est Papilio. Conspicitur passim per agros et hortos.
Traduction très approximative : Ce Papillon qui surgit se fait lui-même remarquer, nous l'avons dit, par les couleurs des faces supérieures et inférieures de ses ailes. Ses couleurs noir et jaune, sont plus intenses aux ailes antérieures et moindres sur les postérieures. Les ailes internes, qui sont d'habitude plus petites, sont chez cet animal plus grandes; scies denteles de mêmes couleurs, dont près de la moitié dépend comme la queue. Tout le corps est sombre sur la face dorsale et sur les cotés, et jaune en face ventrale : ... De grands yeux noirs. Les antenne noires également, extrémement éffilés à leur extrémité. . Au bord des faces intérieures des ailes se voient des taches rouges ou roses arrondies en interne et semi-circulaires en externe. En somme, c'est un papillon élégant. On observe ici et là dans les champs et les jardins.
Aldrovandi décrit surtout les couleurs, et plus rarement les formes; Il présente le papillon pronem et supinem, de dessus et de dessous, précisant les couleurs des ailes, du corps, des yeux, des antennes et des pattes. Il conclue par une appréciation globale ("en somme, c'est un papillon élégant") avant de préciser le milieu où vole l'espèce, ici les champs et les jardins. Nous avons déjà ici une description moderne, objective, précise, systématique, qui est articulée avec l'illustration qu'elle commente. En comparaison, voici la phrase spécifique rédigée par Linné en 1758 pour son papilio machaon : alis caudatis concoloribus flavis ; fasciis fuscis ; angulo ani fulvo. "Ailes unies jaunes : bandes fauves ; angle anal fauve". Aldrovandi soutient honorablement la comparaison.
— Identifications :
-Fig.1 : Pavonia pyri, femelle (Bodenheimer p.257)
-Fig. 2 : Daphnis nerii "Sphinx du Laurier-Rose" (Bodenheimer, p.257) : cohérent avec la deénomination Papilio viridis ("papillon vert") d'Aldrovandi.
-Fig. 3 : Acherontia atropos "Sphinx tête de mort"
- Fig. 4 = Grand Paon-de-nuit mâle (Saturnia pyri plutôt que S. pavonia).
- Fig. 5 et 6 : le Machaon Papilio machaon L. identifié par James Petiver sous le nom de Royal William (Musei n° 328 page 35) puis par Linné.
— Noms donnés par Aldrovandi :
La Planche 1 est décrite page 236, sans mentionner de noms propres. On trouve en marge pour la figure n°2 Papilio viridis.
Sur une aquarelle préparatoire, Papilio machaon porte le "nom" ou la mention Papilio luteis "Papillon jaune"( illustration in Bodenheimer Planche X)
Planche 2 page 238.
= 6 figures, 4 espèces de grande taille. 1 hétérocère (ventral et dorsal), 3 rhopalocères.
— Identifications :
-Figure 1 et 2 : Noctua sp.
-Figure 3 : Le Flambé Iphiclides podalirius.
-Figure 5 : Le Morio Nymphalis antiopa. ?
-Figure 6 : Le Tircis Pararge aegeria. ?
— Noms donnés par Aldrovandi :
- fig. 3 page 239 : papilio leucomelanos "Papillon blanc et noir"
- fig. 6 page 239 : papilio polyophtalmos. "Papillon aux nombreux yeux".
-Fig. 2 : Papilio quadruplici colore (?) (P.G.)
-Fig.3 : papilio leucomelanos ex albo nigra cum appendicibus in alaram extremitatibus longissimis.(P.G)
-Fig.4 : papilio niger cum quatuor oculis nigris, et in medio coeruleis.(P.G)
-Fig. 6 : Papilio polyophtalmos (P.G)
Planche aquarellée originale, l'espèce n°5 (Nymphalis antiopa):
Planche 3 page 240.
Dix figures = 8 espèces de taille moyenne.
— Identifications :
-Fig. 2 et 3 : Vanessa cardui ?
-Figure 4 : Vanessa atalanta. Reconnu par Linné qui le donne en référence en 1746 sous le nom de Ammiralis et en 1758 sous le nom de Papilio atalanta.
— Indications et Noms donnés par Aldrovandi :
- fig. 2 et 3 : vue ventrale et dorsale
-fig. 6 Papiliones habentes promuscides. "Papillon ayant une trompe".
-Fig. 8 et 9 : même espèce "toute jaune" en vue dorsale puis ventrale
Planche 4 page 242.
= 11 espèces de taille moyenne.
— Identifications :
-Fig.1 =Écaille chinée (Euplagia quadripunctaria).
— Indications et Noms donnés par Aldrovandi :
La planche est décrite dans la seconde moitié de la page 241.
-La figure 1 est comparée à la lettre delta.
-Figure 2 et 3 : même espèce
-fig.4
-Page 241 fig. 10 : Qui decimus est in hoc ordine propter insolentem vultum, quo Satyrum quam exacte aemulatur σατυρωϰδήσ [Satyroides] dici possit. Corpore toto est flavo, rubro distincto ; alvo bifurcata, alis nigricantibus, & velut stellis candidis elegantissime exornatur.
"Le dixième, parce que son aspect est arrogant (ou Bizarre, inaccoutumé ?), peut être dit littéralement σατυρωκδήσ ["comme un Satyre"]. Son corps est entièrement jaune séparé de rouge, son ventre est bifide, ses ailes noirâtres, et aussi élégamment ornées d'étoiles jaunes."
Ici, un Satyre représenté dans le livre d'Aldrovandi sur les Monstres :
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b23006724/f17.item.hl.langFR
Planche 5 page 243.
= 4 espèces de taille moyenne.
— Identifications :
- 5 : Euplagia quadripunctaria ??
— Noms donnés par Aldrovandi :
- fig.1 et fig. 2 = vue dorsale et ventrale
- fig 3 et fig. 4 = vue dorsale et vue ventrale
- page 244 : fig. 5. λευχόχλωροσ (leucokloros) "Blanc et coloré" ou "Blanc et vert". Papilio λευχόχλωροσ ιεηγς, seu fasciis obliquis insignitus. (P.G)
- Page 244 : fig. 5 et 6 : Papilio cruciger "papillon en forme de croix" Quintum papilionem crucigerum nominavi, quod externis alis complicatis, albis teniis quibus ornatus cernatur, crucem vel potius litteram X exprimat , quanquam id in icone pictor non expressit.
- fig. 7 et 8 : vue dorsale et vue ventrale
Planche 6 page 244
= 4 figures soit 2 espèces.
— Identifications :
Figure 1 et 2 : Lasiommata megera. Linné y reconnaît son Papilio maera nommé Satyrus en 1746. (il donne par erreur la référence "page 244 fig. 12" au lieu de fig. 1-2, erreur déjà présente dans son Fauna suecica de 1746).
Fig. 3 et 4 :
a) Aglais urticae. Linné y reconnaît en 1746 son espèce n° 775 en signalant néanmoins que la figure est mauvaise (mala). Mais il supprime cette référence en 1758. Si on compare cette figure avec celle du manuscrit original, on constate qu'initialement, l'aspect déchiqueté du bord anal des ailes postérieures n'était qu'ébauché, et a été outré dans la figure imprimée. De même, trois taches noires étaient dessinées à l'origine sur le bord interne des ailes antérieures.
b) Polygonia c-album. En 1758, Linné corrige son identification et donne en référence de son papilio c-album le texte et la figure 3-4 page 244. C'est en effet plus en rapport avec l'aspect déchiqueté des ailes, malgré l'exagération de la figure.
— Noms donnés par Aldrovandi :
- Fig. 1 et 2 : Page 245 : en marge : Papilio πολυοφταλμοσ (polyophtalmos) alter. "Autre Polyophtalmos", ou "autre papillon aux nombreuses ocelles."
Papilio πολυοφταλμοσ variegatus proné et supiné (P.G).
Papilionem qui in tabula sexta primo depingitur ordine polyophtalmos nuncupavi, quod in internis alis intus ac extra multis notaretur oculis, qui tamen licet duo tantum in externis exterius, et interius elegantiores sunt. In his enim iris est nigerrima, pupilla alba. Alae supiné ex luteo, et castaneo variant. Internae intus prope corpus primum ceruleae, dein fere amethestinae, in quo colore cernere erat lineas duas transversales, flexuosas, castanei coloris.
Traduction très sommaire "Celui qui est dépeint en premier dans la planche six est nommé le "Polyophtalmate" car on remarque à l'intérieur et à l'extérieur des ailes de nombreux yeux, qui cependant bien que les deux à l'intérieur et à l'extérieur, sont élégants. Car l'iris y est du noir le plus intense, et la pupille blanche. Les ailes en dessous, varient du jaunes au chatain. Le bord interne près du corps est bleu presque violet , dans lesquelles couleurs on peut voir deux lignes transversales sinueuses couleur marron.
- Fig. 3 et 4 : Papilio parte prona subluxeus nigris punctis respersus. / Papilio supina subniger et ad instarfluvii undulatus.(P.G)
Pour cete espèce (considérée comme Polygonia c-album), voila la description de la page 245 :
Sub quarum postrema color subsequitur luteus, deinde rursus amethesthinus, quem lineae percurrunt castaneo colore, atque intra has siti sunt quos dixi, oculi, subcaeruleus cingit circulus. Corpus animantis nigricat. Pedes & antennae lutei. Oculi nigri. Alter alas habet dentatas, rubicundas, ad ferrugineum accedentes, & maculis respersas nigris, in medio rotundis, ad latera oblongis, ac magnis. Alae supine nigricant, & albam fasciam habent, quae vel currentes aemulatur fluminis undas. Corpus supinum cinereum est, pronum nigricat.
Traduction très approximative : Pour ce dernier, couleur jaune-rougeâtre, devenant en arrière couleur violette, traversé de lignes de couleur châtain, un endroit sec, et, comme je l'ai dit que je ai dit, les yeux bleutés entourés d'un cercle. Le corps de l'animal est noir. Pieds et antennes jaunes. Des yeux noirs. L'autre aile est dentelée, vermeil, virant au rouge foncé et teinté avec des taches noires, dans le milieu une ronde, oblongue, sur les côtés, et d'une grande. Vu de dessous, les ailes sont noirâtres avec une bande blanche, semblables à des flammes ou des ondes. Dessous du corps gris cendré, dessus noir.
Planche 7 page 246.
= 13 figures soit 10 espèces.
— Identifications :
- Fig. 2-3 : Linné reconnaît dans Fauna suecica son Phalaena bombyx dicta n°832, nommé Phalaena Bombyx mori en 1758 : le Bombyx du murier.
-Fig. 6 : identifié par Linné en 1746 comme son Papilio hyemalis n° 796 dans la Fauna suecica puis en 1758 comme le Papilio crataegi n° 57: Aporia crataegi, "Le Gazé". Linné épingle la figure 6 d'une mention mala (mauvaise) qu'il ne reprend pas en 1758.
-Fig. 7 : Nymphalis polychloros "La Grande Tortue" : Papilio polychloros pour Linné, qui l'identifie et cite le nom donné par Aldrovandi dans sa Fauna suecica de 1746 n° 773 , ainsi que dans son Systema naturae de 1758, ce qui explique le nom attribué par Linné.
- Fig. 8-9 = Grand Nacré (Argynnis aglaja). Identifié par Petiver sous le nom de Greater Silver-spotted Fritillary Musei 1696 n° 320 page 35 , puis par Linné en 1746 sous le nom de Rex et en 1758 sous le nom de papilio aglaia.
- Fig.12 = Pour Linné, les figures 11-12 correspondent à Phalaena Bombyces caja, Écaille martre Arctia caja.
- Fig. 13 identifié par Linné en 1746 comme son Coridon Fauna suecica n°786 qui devint en 1758 son Papilio jurtina,n° 104 : Maniola jurtina, le Myrtil.
— Indications et Noms donnés par Aldrovandi page 245 :
- fig. 1 :Quorum primus corpore toto niger est, annulos vero habet luteos. Ale omnes candidant, et venis distinguuntur nigricantibus.
-fig. 2 et 3 : Bombyliis sunt, ex erucis Bombycivomis orri, vulgo noti, undique candidissimi, exceptis antennis, que nigre sunt et hirsute. Invicem coeunt, mas est tenuiori corpore, secundo scilicet loco pictu. Inter utrumque : ova appinximus exigua, coloris fere crocei. Alas habent breves, et ad volandum velut ineptas. Horum post privatim trademus historiam.
- fig. 4. Quartus in hac serie totus quoque candidat per alas ETC...
-fig.6 : Sextus totus est candidus corpore scilicet, ac alis, que venas habent nigras, nigros item pedes, & antennas. le sixième a le corps d'un blanc pur, de même que les ailes, qui a des veines noires. Noires aussi sont les pattes, et les antennes.
-fig. 7 Polychloros dici queat propter colorum diversitatem."De plusieurs couleurs" (stricto sensu "de plusieurs verts").
-fig. 8 et 9 : vue dorsale et ventrale.
fig. 11 et 12 : vue dorsale et ventrale
Planche 8 page 247
= 14 figures soit 14 espèces.
— Identifications :
— Noms donnés par Aldrovandi :
Planche 9 page 249.
24 illustrations = 24 espèces.
— Identifications :
Fig. 11- 12 reconnue par Linné comme sa Phalaena ursus (Fauna suecica n°820).
fig. 22 = zygaena sp. Petiver y reconnait (Musei n° 330 page 36) le "Greenish Leopard with 5 scarlet spot" de Thomas Moffet
— Noms donnés par Aldrovandi :Pages 248 et 250
- fig.3 : papilio πολυχλοροσ polychloros minimus. "De plusieurs couleurs, plus petit"
- fig. 13 : papilio lucernarius. ("papillon Porteur de lampe")
- fig. 21. papilio argenteus ("papillon argenté").
- fig. 22 : description : Vigesimus secundus toto corpore aterrimo, alas habet nigra colore ruberimi distinctas ; pedes et antennas longiusculos, nigros. "Le 22 a tout le corps très noir, les ailes noires avec des marques rouges distincets, les pattes et les longues antennes, noires."
Planche 10 page 251.
10 figures = 9 espèces.
— Identifications :
— Noms donnés par Aldrovandi Page 250:
fig. 11 papilio triticiarius ("du froment") = ?? Euxoa tricici
Figure 1 et 2 : Papilio obstreperus cauda lara et pilosa, supinus et pronus (P.G) [obstreperus : "bruyant, qui fait un bruit importun"]
Figure 3 : papilio minor subalbus (P.G)
Planche 11 page 252.
: 10 espèces.
— Identifications :
— Noms donnés par Aldrovandi :
Autres noms cités plus loin.
Hepialos, employé par Aristote, Pyraustae page 259, et Pyrallis.
Les chenilles.
Page 266 Planche 1 = 9 espèces.
Page 268 Planche 2 = 12 espèces. Linné reconnaît son Sphinx vinula
Page 269 Planche 3 = 19 espèces.
Page 271 Planche 4 = 4 espèces.
Page 272 Planche 5 = 9 espèces.
Page 274 Planche 6 = 15 espèces
Page 278 Planche 7 = 6 espèces.
Chapitre VI De bombyce.
Page 280 Planche 1 = 8 espèces.
Page 281 Planche 2.
page 282 Planche 3 = 15 espèces
Cum eam aliquo tempore domi aluissem, telam non texuit, aut folliculum, sed in Chrysalidem immutata Papilionem peperit atro luteum, eum quem in prima Papilionum tabula tertium, exhibuimus. Page 267
"Après l'avoir nourri [la chenille figure 1 Planche 1 page 266] pendant un certain temps chez moi, elle n'a pas formé une toile ou un cocon, mais se transforma plutôt en une chrysalide qui donna naissance à un papillon jaune et noirâtre, précisément le premier de la Planche 3.
Discussion.
Nous sommes ici devant la première description jamais rédigée dans l'Histoire, d'une collection d'insectes, et, pour ce chapitre 1 du Livre II, d'une collection de papillons. Comme le signale l'auteur, certainement avec étonnement, Quanquam plurima sint Papilionum genera, nulla tamen a veteribus descripta reperias : "Bien qu'il existe de nombreuses sortes de papillons, on ne retrouve aucune description donnée par les Anciens".
Explorant depuis trois ans l'histoire des noms de papillons, j'aborde donc ce texte avec l'émotion d'un archéologue, et avec la conviction que des fouilles plus approfondies que ma visite d'amateur s'imposent. Notamment, la traduction du texte latin d'Aldrovandi semble un préalable indispensable.
L'auteur de cette description est, avec Conrad Gessner, l'un des deux Géants précurseurs de l'Histoire naturelle de l' Europe de la Renaissance, et leurs noms seront, pour les entomologistes des siècles suivants, aussi réputés et aussi fondamentaux que ceux d'Aristote ou de Pline dans l'Antiquité. Mais la consultation exhumée de leurs écrits conserve-t-elle un intérêt ? L'article Wikipédia consacré à Aldrovandi comporte ces lignes : "Son œuvre apparaît aujourd'hui, en regard de nos critères, comme totalement désuète et sans intérêt. Georges Cuvier dira d'elle que c'est «une immense compilation sans goût ni génie» et que si on supprimait tous les passages inutiles, il n'en resterait qu'un dixième."
Ma conviction, après cette brève consultation de son travail, est bien différente, et je constate la précision objective des descriptions entomologiques, et l'attention avec laquelle Linné les citera en référence de ses propres descriptions.
Dans une démarche analogue à la mienne, mais avec une toute autre compétence et un tout autre niveau, Delfino et Ceregato ont étudié les données publiées par Aldrovandi concernant les Reptiles. Il est intéressant de lire leur opinion et le résultat de leurs recherches :
" La présente contribution à la connaissance de l'iconographie herpétologique du 16e siècle est largement basée sur l'information disponible, en italien, dans ce livre. Parmi les nombreuses planches réalisées sous la direction de Ulisse Aldrovandi environ 50 dépeignent les amphibiens et les reptiles. Leur nombre et leur qualité permettent de considérer cette collection d'images comme le premier atlas iconographique de l' herpétofaune italienne et méditerranéenne et, sans aucun doute, la première collection d'images herpétologiques réalisées avec des critères relativement modernes. Amphibiens et reptiles apparaissent avec une certaine fréquence dans l'iconographie scientifique du 16e siècle, mais la qualité des images publiés par des auteurs comme Belon, De Bry, Gessner, Imperato, Mattioli ou Ramusio, est loin d'être aussi précise et agréable que les planches de Aldrovandi, planches qui sont remarquables en raison de la richesse et de l' exactitude des données et, surtout, par la présence de couleurs. Bien qu'une comparaison entre les images produites avec des techniques différentes est, évidemment, dangereuse, les gravures publiées par les auteurs contemporains (xylographies habituellement), ou publiés après quelques décennies par Jonston (1650-1653; gravures sur cuivre dans certains cas explicitement copiés à partir d' Aldrovandi), mais aussi ceux inspirés par les mêmes tableaux édités par Aldrovandi puis publié à titre posthume sous son nom, comme les serpents de la "Serpentum et Draconum Historiae" en 1639, sont fortement touchés par un simplification excessive. Sans même parler de l'absence de couleur, une telle simplification les rend non seulement moins agréable, mais infidèles [nonnatural] et parfois inutiles pour préciser les caractères distinctifs d'une espèces. Les 47 planches herpétologiques contiennent au total 75 dessins dépeignant au moins 34 taxons (certains figurés selon deux points de vue); dans les 23 dessins concernant les amphibiens et les 52 concernant les reptiles il a été possible d'identifier, à différents niveaux de précision, 28 espèces (5 amphibiens et 23 reptiles). Vingt et un de ces espèces appartiennent à l'herpétofaune italienne ; les sept autres sont en quelque sorte «exotiques». Dans ces planches contenant plusieurs spécimens, le principe de classification semble être la ressemblance morphologique (comme dans le cas des grenouilles, scinques et les serpents) ou, moins fréquemment, la présence d'anomalies. En fait, bien que dans la plupart des cas, les spécimens représentés ont une morphologie "normale", une attention particulière a été accordée, comme dans toute l'activité de Aldrovandi, aux spécimens «déviants». "
1) Les identifications.
Parmi les 118 gravures sur bois des 11 planches de ce chapitre, et 102 espèces, 11 espèces ont pu être identifiées avec précision par James Petiver (1695-1703) et par Linné (1746 et 1758). Je suggère 6 autres identifications, et ce nombre pourrait sans-doute être augmenté par une évaluation proprement entomologique actuelle. En 1602 dans la première description d'une faune régionale de lépidoptères, 17 papillons sont donc reconnaissables, dont 11 rhopalocères. En voici la liste :
Rhopalocères : Papilio machaon ; Iphiclides podalirius ; Nymphalis antiopa ; Pararge aegeria ; Vanessa atalanta ; Lasiommata megera ; Aglais urticae ; Polygonia c-album ; Aporia crataegi ; Nymphalis polychloros ; Argynnis aglaia.
Hétérocères : Saturnia pyri ; Euplagia quadripunctaria ; Phalaena Bombyx mori ; Arctia caja ; Hyphoraia aulica ; Zygaena sp.
Bien-entendu, ces noms sont seulement suggérés à titre indicatif.
2) L'onomastique.
Là encore, l'émotion est grande, puisque jusqu'alors, aucun nom d'espèce n'avait jamais été créé pour désigner un papillon. Ces insectes étaient nommés par Aristote par les termes grecs psyché ("âme, souffle") ou hepalios (pour les espèces qui s'agitent fébrilement devant une flamme), et les noms vernaculaires dérivaient sauf exception du nom latin papiliones. Les papillons de nuit relevaient du nom grec φ α ́ λ α ι ν α phalaena.
Ce qui n'est pas nommé n'existe pas, et il est ne nous est pas possible de concevoir le monde d'avant les noms. Pas possible d'imaginer qu'un beau papillon noir et rouge vienne se poser, sans pouvoir penser in petto "Tiens, un Vulcain!". Le silence des espaces innominés m'effraient. La Terre et ses habitants au stade de l'infans m'est à peu près aussi inaccessible que la période de ma vie pendant laquelle je n'avais pas acquis la parole. Mais, en 1602, le monde des naturalistes va encore balbutier sans prononcer de vrais Noms Propres pendant encore un siècle et demi. Comme les satellites captant les émissions sonores d'un proto-univers, la lecture d'Aldrovandi nous permet d'assister à la naissance d'un langage archaïque, prémisse de notre Nomenclature Zoologique.
La récolte est d'une pauvreté attendrissante : treize noms grecs ou latins, dont certains se répètent. Cinq désignent les couleurs des ailes, deux désignent le motif des ailes (à croix ou à ocelles), un signale l'existence d'une trompe, et l'un mentionne une plante nourricière, et un seul, Satyroide, crée une métaphore reliant l'aspect général d'une espèce avec un personnage mythologique. Ce sont , dans leur ordre d'apparition sur scène, :
- papilio viridis "papillon vert".
- leucomelanos "le blanc et noir"
- polyophtalmos "aux nombreux yeux"
- Papiliones habentes promuscides "papillon ayant une trompe"
- satyroide "comme Satyre"
- leucokloros "blanc et vert"
- cruciger "en forme de croix"
- polyophtalmos alter "autre aux nombreux yeux"
- ploychloros "de plusieurs couleurs"
- polychloros minimus "de plusieurs couleurs, mais en plus petit"
- lucernarius "le porteur de lumière"
- argenteus "argenté"
- triticiarius "du froment".
Parmi ces treize noms, l'Entomologie en conserve encore aujourd'hui directement un seul, créé par Linné : l'épithète spécifique polychloros qui sert à désigner la "Grande Tortue" Nymphalis polychloros. L'héritage est direct puisque Linné donne ce nom à cette espèce parce qu'il en a reconnu la description par Aldrovandi, qui est, en réalité, l
e véritable auteur du nom de cette espèce.
Un autre nom a été modifié avant d'être repris comme un nom de genre actuel. Polyophtalmos a d'abord été repris par Denis et Schiffermüller en 1775 qui en nomment leur Famille N : Papiliones Polyophtalmi Aldrov. Vieläugichte Falter (Les Argus de Geoffroy) (Wiener Verzeichniss page 281). Mais ce nom sera modifié par Latreille en Polyommatus (même sens) pour désigner en 1804 un vaste genre, actuellement de taille réduite, le Genre Polyommatus de la famille des Lycaenidae. En 1827, Swainson créera la sous-famille des Polyommatinae.
Le nom Satyroide est, bien-sûr, à l'origine du nom Satyrus donné par Linné en 1746 à ce qui allait devenir son Papilio maera (1758) puis le Satyre de Geoffroy (1762). Latreille allait en faire un nom de genre en 1810, qui a donné le Genre Satyrus actuel, parmi les Nymphalidae. Il est peut-être à l'origine de tous les noms apparentés comme le Faunus de Linné, ou parmi nos noms vernaculaires, le Faune de Geoffroy, le Silène, la Bacchante, etc.
Le nom leucomelanos a été utilisé par James Petiver pour désigner en latin son Half-Mourner, Melanargia galathea. Notons que le nom Melanargia créé par Meigen en 1828 est l'inversion du nom leucomelanos dans lequel -argia remplace leuco- pour désigner la couleur blanche.
3) les illustrations.
Les illustrations jouent un rôle fondamental dans la démarche scientifique d'Aldrovandi car c'est par elles qu'il va réaliser un Théâtre de la Nature incluant non seulement une exposition des objets d'Histoire naturelle, mais aussi une mise en scène, c'est à dire une classification.(Aldrovandi avait réuni au total un ensemble de 10 000 peintures et gravures). La copie par peinture des insectes permet leur reproduction objective attentive au respect de la fidélité au modèle naturel, mais la disposition de ces dessins mis en couleur selon des planches permet une réflexion taxonomique, ici basée sur les critères morphologiques (présence d'ailes, de pattes) puis, au sein du groupe défini comme Papiliones, selon leurs tailles décroissantes.
La publication de ces planches permet aussi un partage des collections, au sein de l'Europe des savants, participant à la mise en place d'un Musée virtuel, lorsque d'autres auteurs auront enrichi les rayonnages des bibliothèques de leur propres planches. C'est bien la réunion des éléments de ce Musée virtuel européen qui permettra à Linné d'écrire son Systema Naturae. La réunion des illustrations au sein d'une bibliothèque va réaliser ce dont tout collectionneur peut rêver, posséder touts les spécimens existants de son champ d'investigation.
Ces illustrations sont accouplées avec le texte, qui suit scrupuleusement la Planche, et le numéro d'ordre des espèces dessinées.
Ces gravures sur bois, malgré tout assez grossières comme l'impose la technique elle-même, ne sont pas les premières illustrations des espèces de papillons, ni les plus belles ou les plus réalistes, et ce n'est pas la qualité iconographique qui est précieuse, mais la démarche de collecte, de regroupement, de description et, si balbutiante soit-elle, de dénomination.
Ainsi, Vanessa atalanta et Aglais urtica peuvent déjà être identifiés sur le Jugement Dernier de Hans Memling (vers 1467), ou dans le Jardin des Délices de Jérôme Bosch (1503). Une Piéride du Chou et une Grande Tortue sont parfaitement peints sur les marges du Livre d'Heures d'Hastings (1470). Pisanello a peint entre 1435 et 1449 autour du "Portrait d’une princesse de la Maison d'Este" des représentations identifiables d'un Flambé (à gauche) (Iphiclides podalirius) à gauche, d'un Vulcain (Vanessa atalanta) en vol et de profil à droite et d'un Souci (Colias crocea). À la gauche de "La Vierge au papillon" (musée du Vatican), Francisco di Gentile (xve siècle) peint également un Flambé.
Joris Hoenagel (Anvers, 1542-Vienne, 1600) donne de nombreux exemples de papillons peints avec la plus grande précision, comme ce Melanargia galathea :
Ou bien celle de Vanessa cardui " Belle Dame" :
http://www.bio-creation.com/blog/papillons/migration_de_millions_de_papillons_belles_dames :
https://secretgardening.wordpress.com/tag/joris-hoefnagel/ :
http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0565JorisHoefnagel.jpg
http://www.codart.nl/images/Publications/Brukenthal/0566JorisHoefnagel.jpg
A 19 ans, son fils Jacob Hoefangel (1575-1630) s'est chargé de la gravure des peintures de son père et de leur publication dans Archetypa studiaque Patris Georgii Hoefnagelii publié en 1592 à Francfort.
Dans Gloria crocodilus, une planche illustre la volonté d'une reproduction exacte de ce que l'œil voit, tel un objectif photographique.
Cette collection de 48 planches comprend de façon non limitative, et parfois en plusieurs exemples les lépidoptères suivants (entre parenthèse si douteux) :
Rhopalocères :
- Gonepteryx rhamni
- Vanessa atalanta
- Nymphalis polychloros
- (Plebejus argus)
- Papilio machaon
- (Thecla betulae)
- Aglais io
- Polygonia c-album
- Nymphalis antiopa
- (Antocharis cardamines)
- (Melitaea cinxia)
- Lasiommata maera/megera
- Iphiclides podalirius
- Quercusia quercus
- (Erynnis tages)
- (Aphantopus hyperanthus)
Hétérocères :
- Macroglossum stellatarum
- Agrius convolvuli
- (Zygaena filipendulae)
- Acheronta atropos (larva)
- Smerinthus ocellatus
- Hyles Gallii (larva + nympha + imago)
- Phalaena
- Saturnia pavonia.
- Arctia caja
- Noctua pronuba
- Euclidia glyphica
N.B : j'ai tenu compte des identifications indiquées (fin du XVIIIe ?) sur l'exemplaire conservé à Strasbourg.
En 1630, et donc cette fois-ci après la publication du De animalibus insectis d'Aldrovandi, Jacob Hoefnagel a publié son Diversae Insectarum Volatium icones, l'une des toutes premières œuvres uniquement consacrée aux insectes, et qui comporte 302 insectes dont 72 Lépidoptères, qui viennent du centre et du nord de l'Allemagne.
Dans le cas des peintures et gravures des Hoefnagel, une influence de leur œuvre sur les gravures publiées par Aldrovandi doit être discutée, d'autant que Cornelius Schwindt, peintre d'Aldrovandi, venait de Franfcfort, lieu d'édition des Archetypa.
Mais pour le sujet qui m'occupe, l'histoire des noms, les superbes gravures et les somptueuses peintures des Hoefnagel n'étaient accompagnées d'aucun nom propre ; et, pour l'évaluation de l'aspect novateur du travail d'Aldrovandi, ces dessins n'étaient accompagnées d'aucune description entomologique, et d'aucun souci de systématisation.
4) Les peintures originales.
Les plaques d'aquarelle de Ulisse Aldrovandi : Les 18 volumes de tableaux de plantes, fleurs, fruits, animaux, commandées par Ulisse Aldrovandi dans la seconde moitié du XVIe siècle, sont peut-être la plus vaste galerie d'art de la fin de la Renaissance du monde naturel jamais créé. Composé de plus de 2900 peintures, cette collection était à même de fournir une vue précise du Théâtre de la nature que le naturaliste de Bologne avait soigneusement observé pendant plus de cinq décennies. Planche volume 007
Rhopalocères :
Hétérocères :
- Macroglossum stellatarum
- Agrius convolvuli
- (Zygaena filipendulae)
- Acheronta atropos (larva)
- Smerinthus ocellatus
- Hyles Gallii (larva + nympha + imago)
- Phalaena
- Saturnia pavonia.
- Arctia caja
- Noctua pronuba
- Euclidia glyphica
5) les descriptions.
Par l'exemple d'une description type de Papilio machaon, (cf Planche 1 ) nous avons vu qu'il s'agissait d'une description objective, fidèle à son objet dont elle étudie les critères d'identification (en privilégiant fortement les couleurs) de manière systématique et ordonnée où le corps, les ailes, les yeux, les antennes et les pattes, sont examinées. La description est (parfois) donnée succesivement de la face dorsale et de la face ventrale.
Prenons un autre exemple, celui des figures 1 et 2 de la Planche 6 (Lasiommata megera):
fig.1 : Papilionibus quorum primus corpore est nigricans, alvo extrema, et dorso cinereis. Alae externe internis sunt angustiores, ex albo ad viridem nonnihil inclinant, magis tamen viridescunt internae. Utraeque in extremo circumcirca rosei coloris velut circulo ambiuntur. Externae prope finem nigrescunt habentque in medio ferem maculam nigram. Antennae purpureae sunt, in extremo obtusae et albae. fig.2 : Idem secundo loco datur supinus, in quo quod in externis alis prope finem erat, nigricat, hic viridescit ; sed macula tamen nigracolorem retinuit nigrum : internae prope corpus prorsus virides, in fine ad luteum vergunt : cingunturque : eodem circulo roseo estque hoc observatu dignum in externis, quod maculum habeant albam cum circulo ferrugineo, quae extrinsecus non est.
C'est ainsi que se met en place, pour la première fois, le plan de ce qui deviendra la phrase spécifique ou diagnose utilisée par tous les entomologistes jusqu'à Linné, qui la remplacera par la nomenclature binominale.
6) La révolution du "Point de vue entomologiste", ou "concept du spécimen".
Jusqu'alors, les insectes étaient figurés de façon marginale, au sens strict puisqu'ils apparaissaient dans les marges des Livres d'Heures ou des manuscrits, ou au sens figuré lorsqu'ils n'étaient qu'un motif ornemental d'une composition naturaliste (coquillages, fossiles et insectes) ou d'une nature morte (vase de fleurs et papillons, etc. Dürer ne figurera un Lucane Cerf-volant seul sur une planche de gouache qu'en 1505 ; mais c'était encore dans une visée artistique. Aldrovandi est le premier à donner des illustrations d'insectes représentés pour eux-mêmes, et dans un but d'étude scientifique.
Il crée aussi un cadre particulier, associant un texte descriptif dans lequel l'insecte renvoie à un numéro d'ordre, avec une Planche regroupant plusieurs insectes, numérotés. L'insecte est représenté en vue dorsale, et, le cas échéant, en vue ventrale, ou dans ses stades de chenille ou de chrysalide. Dès cette publication de 1602, nous trouvons ces différents éléments descriptifs, mais aussi des imagos in copula, et des œufs.
Les références zoologiques types qui vont être utilisées jusqu'au XIXe siècle associeront donc, depuis le De Animalibus insectis d'Aldrovandi, le nom d'auteur, le titre de l'ouvrage, le numéro de la planche, et le ou les numéros des figures.
Ce "Point de vue du Spécimen", qui s'impose donc alors comme le "point de vue de l'entomologiste" et qui nous semble évident, aurait pu être très différent. Le regroupement en Planche était facultatif (et le sera dès Thomas Moffet), et chaque insecte aurait pu être décrit avec son illustration séparé. La focalisation aurait pu porter sur un biotope, avec une planche consacrée à la prairie, à la mare, à la haie etc.
7) Aldrovandi entre deux siècles : compilateur de texte ou observateur du vivant ?
Michel Foucault a décrit trois épistémês :
- L’épistémè de la Renaissance du 16ème siècle qui sera l’âge de la ressemblance et de la similitude,
- l’épistémè classique, qui sera l’âge de la représentation, de l'ordre de l'identité et de la différence , et enfin
- l’épistémè moderne ou criticisme.
Or, Aldrovandi a été critiqué par Buffon, à propos de son livre sur les serpents Serpentum et Draconum publié en 1640 à titre posthume. Foucault, pour, disons, "prendre sa défense", considère que Buffon et Aldrovandi diffèrent seulement par leur épistèmê. Certes Buffon s'irrite de trouver sous la plume de son prédécesseur « un mélange inextricable de descriptions exactes, de citations rapportées, de fables sans critique, de remarques portant indifféremment sur l'anatomie, les blasons, l'habitat, les valeurs mythologiques d'un animal, les usages qu'on peut en faire dans la médecine ou dans la magie ». Mais Foucault écrit (Les Mots et les Choses,1966 chap. II,4,p.54-55) : Lorsqu'on se reporte à l'Historia serpentum et draconum, on voit le chapitre « du Serpent en général » se déployer selon les rubriques suivantes : équivoque (c'est-à-dire les différents sens du mot serpent), synonymes et étymologies, différences, forme et description, anatomie, nature et mœurs, tempérament, coït et générations, voix, mouvement, lieux, nourriture, physionomie , antipathie, sympathie, modes de capture, mort et blessures par le serpent, modes et signes de l'empoisonnement, monstres, mythologie, dieux auxquels il est consacré, apologues, allégories et mystères, hiéroglyphes, emblèmes et symboles, adages, monnaies, miracles, énigmes, devises, signes héraldiques, faits historiques, songes, simulacres et statues, usages dans la nourriture, usage dans la médecine, usages divers. Et Buffon de dire :"Qu'on juge après cela quelle portion d'histoire naturelle on peut trouver dans tout ce fatras d'écriture. Tout cela n'est pas description, mais légende."
En-effet, pour Aldrovandi et ses contemporains, tout cela est legenda, choses à lire. […] Quand on fait l'histoire d'un animal, inutile et impossible de choisir entre le métier de naturaliste de celui de compilateur : il faut recueillir dans une seule et même forme du savoir tout ce qui a été vu et entendu, tout ce qui a été raconté par la nature ou poules hommes, par le langage du monde, des traditions ou des poètes.
Foucault, pour sa part, considère cette tendance comme typique de l'épistémê du 16ème siècle, tandis que Umberto Eco (De l'arbre au labyrinthe) considère qu'elle caractérise toute idée d'encyclopédie, de Pline à nos jours. La seule différence avec une encyclopédie moderne est que nous distinguons les notions légendaires et les notions scientifiquement prouvées.
Sur une ligne identique, Patrick Dandrey, (La fabrique des fables, 1991, p. 142) considère que la logique d'Aldrovandi reste guidée par un mode d’exposition traditionnel « fondé non sur l’observation et la hiérarchie zoologique, mais sur la notoriété légendaire et les affinités analogiques des espèces ».
Or, l'examen du De Animalibus insectis, ou du moins de son De Papilionibus, montre que la démarche d'Aldrovandi relève, si on veut souscrire aux classifications de Foucault, à l'épistémê du 17ème siècle, qu'elle augure. Elle est fondée sur une Classification (page 1) en arbre, qui rompt avec les descriptions linéaires. Elle documente un dossier descriptif parfaitement objectif des espèces, qui n'est pas parasité par des témoignages extérieurs ou par des "on lit que", "untel écrit que", mais qui se fonde sur la présence réelle d'une collection, par sa description écrite et, comme pierre de touche, sur les représentations qu'en donnent les artistes. Mais elle ne fait pas l'économie d'une étude, à nos yeux parfaitement moderne, de l'écologie, de l'éthologie, de l'ethnologie des insectes, qui, loin de constituer un "fatras", est un extricable complément de l'étude visuelle des espèces.
Cette révolution instituée par l'examen des insectes comme un sujet d'étude en propre, par le mode classificatoire de sa présentation, par la démarche systématique des déscriptions, par la réunion du trio collection / illustration/ description spécifique, est celle qui valorise l'examen visuel par rapport au témoignage de lecture. Focalisée par l'œil, elle est la conséquence de la découverte de la perspective monofocale.
C'est à la Renaissance et en Ombrie que la Perspective monofocale s'est imposée comme mode de figuration pour les peintres, à la suite des figurations du Baptistère de Florence par Brunelleschi* (1415) et du De Pictura d'Alberti (1435). La pensée symbolique laisse alors la place à une pensée scientifique voire mathématique. Le Point de vue est monocentré sur l'œil de l'observateur. Plus tard encore, la pensée scientifique abandonnera, avec Copernic (1530) et Galilée la vision géocentrique du monde.
*Filippo Brunelleschi réalise en 1415 l’expérience de la « tavoletta », une planchette de bois percée d’un trou. Brunelleschi se plaça face au baptistère San Giovanni de Florence muni de sa planchette et d’un miroir. Sur l’un des côtés de la planchette se trouvait une vue du baptistère peinte en perspective tandis que l’autre côté, l’envers, était laissé nu. Il plaça ensuite l’envers de la planchette devant ses yeux, en positionnant son œil devant l’orifice pratiqué dans celle-ci. Tout en conservant la planchette dans une main, il tenait de l’autre un miroir, celui-ci étant placé entre le baptistère et la planchette et faisant face au côté peint de la planchette. Brunelleschi constata que la bâtisse et l’image peinte coïncidait exactement pour former un tout : le dessin représentait le « réel ». Pour Alberti, l’œil constitue le point de vue à partir duquel se construit une pyramide visuelle, l’œil étant le sommet et la surface plane du tableau où se forme l’image constituant la base.
Les peintures de Joris Hoefnagel étaient, nous l'avons vu, déjà déterminées par l'obsession de la précision et de la fidélité visuelle. Mais elles restaient ornementales. La même primauté de l'observation visuelle monofocale bascule, avec Aldrovandi, dans le domaine scientifique, me permettant, 400 ans plus tard, d'identifier Nymphalis antiopa parmi les espèces présentées.
Conclusion.
Sur les 26 pages du chapitre I, 18 sont consacrées à la description objective et à l'illustration des spécimens de la collection d'Aldrovandi, et 8 seulement au discours littéraire, incluant l'examen critique des renseignements colligés dans la littérature ancienne et contemporaine sur la reproduction, les synonymes, les lieux fréquentés, les présages, les proverbes, les nuisances et enfin les mœurs. L'auteur fait donc la part belle à l'aspect le plus objectif de son sujet, et procure la première documentation systématique de l'entomofaune européenne. Avant lui, l'esprit curieux ne dispose que de l'exploration des natures mortes ou des tableaux de maître (notamment flamands), où les insectes représentés sont choisis en fonction de buts artistiques ou symboliques et tiennnent à l'écart des espèces moins interessantes.
L'étude des dénominations des papillons, qui était l'objet de mon article dans le cadre d'un biais zoonymique, révèle treize qualificatifs grecs ou latins qui font ici office de noms propres : je les découvre avec l'émotion d'un assyriologue décryptant un passage de l'épopée de Gilgamesh sur les caractères cunéiformes d'une tablette d'argile. L'émotion s'accroit lorsque j'y trouve, comme tenu sur les fonds baptismaux, le Polychloros du Nymphalis polychloros ou "Grande tortue", le Satyroïde évoquant notre genre Satyrus et le Polyophtalmos à l'origine du genre Polyommatus.
Aldrovandi, persuadé que la science devait être fondée sur l'observation, présente le microcosme de sa Collection d'Histoire naturelle comme le Théâtre de la Nature, où la mise en scène confère aux images commentées une valeur pédagogique et permet une transmission d'un savoir désormais structuré comme une architecture .
Liens et sources.
— Il teatro della natura : site de l'Université de Bologne présentant les manuscrits et planches d'Aldrovandi
http://www.filosofia.unibo.it/aldrovandi/
— BODENHEIMER (Frederick Fritz Simon) 1928, Materialien zur Geschichte der Entomologie bis Linné, W.Jung, Berlin, pp. 256-260.
— BOUTROUE (Marie-Elisabeth) 2004 "Le Cabinet d'Ulisse Aldrovandi et la construction du savoir" in Curiosité et cabinets de curiosités , Neuilly, Atlande, 2004, p. 43-63. http://curiositas.org/le-cabinet-dulisse-aldrovandi-et-la-construction-du-savoir.
Voici sa propre bibliographie :
G. Olmi, Ulisse Aldrovandi : scienza e natura nel second cinquecento, Trento, 1976 ;
S. Tugnoli-Pattaro, Metodo e Sistema nel pensiero scientifico di Ulisse Aldrovandi, Bologna, Clueb, 1981 ;
P. Falguières,Invention et mémoire : aux origines de l’institution muséographique. Les collections encylopédiques et les cabinets de merveilles dans l’Italie du xvie siècle, thèse de l’Université Paris I, 1988 ;
G. Olmi, L’inventario del mondo,op. cit.
De nombreuses publications récentes présentent les collections de dessins du musée. Parmi celles-ci on notera :
Hortus pictus dalla raccolta di Ulisse Aldrovandi, Rome, Edizioni dell’Elefante, 1993 ;
G. Olmi, L. Tongiorgi Tomasi, De piscibus : la bottega artistica di Ulisse Aldrovandi e l’immagine naturalistica, Rome, Edizioni dell’Elefante, 1993 ;
AAVV, L’Erbario dipinto di Ulisse Aldrovandi : un capolavoro del Rinascimento, éd. A. Maiorino, M. Minelli, A. L. Monti et B. Neroni, supplemento al periodico mensile Flortecnica, 1995 ; Il Teatro della natura di Ulisse Aldrovandi, Bologne, Compositori, 2001.
Chacun de ces ouvrages présente à la fois une sélection iconographique et des études critiques sur les principaux aspects du musée. Les tables de plantes, le catalogue des manuscrits et un choix de lettres sont aujourd’hui disponibles sous forme numérique à l’adresse www.pinakes.org.
C. Opsomer, Index de la pharmacopée du ier au xe siècle, Hildesheim–Zurich–New-York, 1989, 2 vol.
Jean Ruel, De natura stirpium, Paris, 1536. La question du nom des plantes est traitée au chapitre xx du premier livre, p. 90–117 de l’édition de 1536. Ce texte reprend en les développant les passages du livre xxv de l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien où les mêmes questions sont abordées.
— DELFINO (Massimo) CEREGATO (Alessandro) 2008 "Herpetological Iconography in 16th century : the Tempera Paintings of Ulisse Aldrovandi © International Society for the History and Bibliography of Herpetology", ISHBH Bibliotheca Herpetologica , Vol. 7(2): 4–12, 2008
— EELES (Peter Eeles) 2010 A Brief History of British Butterflies [Online]. Available from http://www.dispar.org/reference.php?id=11
—FALGUIÈRES (Patricia) 2009 « Les inventeurs des choses. Enquêtes sur les arts et naissance d’une science de l’homme dans les cabinets du XVIe siècle. », in Histoire de l'art et anthropologie, Paris, coédition INHA / musée du quai Branly (« Les actes »), 2009 : http://actesbranly.revues.org/94
Résumé : La chambre des merveilles de la Renaissance tardive livrait une vision synoptique de la mimesis : la confrontation, régie par le principe d’imitation – des œuvres de l’homme et des œuvres de la nature. L’art en était la catégorie organisatrice, « savoir produire » ou « habitus factif » commun à la nature et à l’humanité, où les arts (de la peinture, de la sculpture, etc.), qu’on ne dissociait jamais de leur socle technicien, trouvaient leur site. Cette configuration fondamentale du collectionnisme de la Renaissance a ouvert la voie à une anthropologie singulière, ancrée dans une enquête sur les origines des arts ou les inventeurs des choses. Réactivant avec audace un riche corpus antique que la tradition chrétienne avait voulu plonger dans l’ombre, cette exploration de l’ingenium, qui emprunte la voie d’une méditation sur les instruments et les images où s’identifie l’humanité comme telle, s’achève en enquête sur les rites et les cultes entendus comme artefacts.
—FINDLEN P. 1994 Possessing nature : museums, collecting, and scientific culture in early modern Italy, Berkeley, Los Angeles et Londres, numérisé par Google Paula Findlen était Professeur d' Histoire, et Directrice du Programme Science, Technology and Society à l'Université de Stanford.
Résumé : En 1500 quelques Européens ont considéré la nature comme un sujet digne d'enquête. 50 années plus tard, les premiers musées d'histoire naturelle apparurent en Italie, dédiés aux merveilles de la nature. Les praticiens italiens, dont la curiosité était alimentée par de nouveaux voyages d'exploration et la redécouverte humaniste de la nature, créèrent de vastes collections comme un moyen de connaître le monde et d' utiliser ces connaissances à leur plus grande gloire. S' appuyant sur de nombreuses archives des livres de visiteurs, lettres, carnets de voyage, des mémoires, et moyens pour favoritisme, Paula Findlen reconstruit le monde social perdu de la Renaissance et des musées baroques. Elle suit la nouvelle étude de l'histoire naturelle telle qu'elle se constitue depuis les universités vers les sociétés scientifiques des XVIe et XVIIe siècle, des ordres religieux et des cours princières. Findlen soutient de façon convaincante que l'histoire naturelle est alors une discipline floue à la frontière entre les anciens et les modernes, entre la collecte afin de récupérer la sagesse antique et le développement de nouvelles bourses d'études textuelles et expérimentales. Son récit vivant révèle comment la révolution scientifique est née de cette médiation constante entre les anciennes formes de connaissances et les nouvelles.
— NACHTOMY Ohad , SMITH Justin E. H. The Life Sciences in Early Modern Philosophy
— OLMI (Giuseppe) 2014, Lo studio e la raffigurazione della natura all’interno degli ordini religiosi: alcuni esempi dell’età moderna, en ligne http://figura.art.br/revista/dossier/2/8-lo-studio-e-la-raffigurazione-della-natura-allinterno-degli-ordini-religiosi-alcuni-esempi-delleta-moderna/