Vierge allaitante II :
Chapelle Notre-Dame de Kergoat, Quéméneven:
I. LES VITRAUX .
Si la chapelle actuelle date du XVIe siècle, date à laquelle elle fut reconstruite, elle conserve en baie 5, 8 et 11 des vitraux du XVe siècle venant du sanctuaire antérieur.
Si la chapelle actuelle date du XVIe siècle, date à laquelle elle fut reconstruite, elle conserve en baie 5, 8 et 11 des vitraux du XVe siècle venant du sanctuaire antérieur.
Vers 1600, une première redisposition des panneaux eut donc lieu lors de la construction de la chapelle, puis en 1841 Guillaume Cassaigne, peintre et vitrier de Quimper (dont on trouve aussi le nom sur le buffet d'orgue) modifia les verrières au goût du jour (souvent on les trouvait trop sombres -avant l'électricité !) en remplaçant les vitres du choeur par des verres vivement colorés, et en transférant les vitraux anciens dans les fenêtres des collatéraux de la nef, insérés dans de larges bordures façon Cassaigne. En 1901, l'atelier parisien de Félix Gaudin restaure les vitraux du coté nord (impairs) et en 1922-23 l'atelier Labouret se charge des verrières sud (paires). Les vitres sont toutes démontées et mises à l'abri en 1942, puis remises en état et replacées en 1954 par J.J. Gruber.Le résultat est un pèle-mêle compliqué encore par les pertes et les bris, et l'utilisation de verres bouche-trous.
En 2009-2010, l'atelier Anne Pinto de Tussau (Charentes) qui se charge de restaurer et surtout de protéger les vitraux. En effet, ceux-ci s'altèrent avec le temps : soit la peinture s'efface, soit la condensation (air froid extérieur, air chaud intérieur) ruisselle sur la face interne et lessive la peinture, soit celle-ci facilite le développement de micro-organismes (lichens et algues) qui rongent le verre.
La protection mise en oeuvre par l'atelier Pinto consiste en la pose d'une verrière de protection à la place du vitrail, lequel est décalé de 3cm vers l'intérieur pour créer une ventilation : c'est désormais sur la face interne du verre de protection que l'eau de condensation se forme et s'écoule. En outre, le vitrail est désormais à l'abri des garnements qui lancent des pierres, de la grêle, du vent ou de la pollution.
Mais l'atelier a aussi procédé à la restauration du vitrail lui-même. Des verres avaient été brisés ; certains fragments avaient été fixés par des "plombs de casse", plomb ficelle ou aile de plomb, qui, s'ils sont trop nombreux, finissent par altérer le dessin d'origine. Les soigneurs de vitraux en ont compté en moyenne 750 par verrière ! Ils les ont déposé au profit d'un collage bord à bord par résine silicone.
L'accumulation de poussières et de lichens avait encrassé les panneaux, en les noircissant ou les verdissant. Pire peut-être, la masse du verre se trouvait piquée de taches blanchâtres ou noires, surtout les bleus du XVe, alors que ceux du XVIe résistaient mieux. Un nettoyage au pinceau puis au coton-tige. Et puis l'ancien mastic très dur a été retiré, les verres bouche-trous ou les lacunes ont été remplacés par du verre soufflé maintenu par des cuivres Tiffany.
J'ai appris tout cela en lisant les panneaux exposés dans la chapelle et réalisés par l'atelier Anne Pinto http://www.pinto-vitrail.com/
Les baies sont numérotées avec des chiffres pairs pour la partie droite de la nef, impairs pour la gauche : nous partirons du choeur sur la droite vers le fond (6 à 10) , et nous reviendrons par le collatéral gauche du fond vers le choeur ( 11 à 5).
Source : Corpus Vitrearum, Françoise Gatouillat & Michel Hérold, PU Rennes, 2005 (avant restauration).
Baie 6, les Saints
Datation : milieu XVIe siècle.
- Tympan : Dieu le Père bénissant daté vers 1500? sur fond moderne. Les écoinçons sont remplis par des fragments ( soldats ).
- lancette de gauche : en bas,saint-évangéliste écrivant ; au dessus, saint-évêque.
-lancette de droite : en bas, Saint Michel en cuirasse maîtrisant le dragon. En haut, ce serait Saint Barthélémy.
Baie 8 : Enfance du Christ et Passion.
Datation : fin XVe et début XVIe.
-Tympan: Buste de la Vierge à l'enfant, (1500-1510); Écoinçons : deux anges (XVIe)
- lancette de gauche : en bleu, sainte abbesse (?, pas de crosse), ou Sainte Anne lisant (vers 1480) Auréole en verre rouge gravé. Au dessus, scène de Nativité avec une sage-femme tenant la tête de l'enfant, des anges en chape épiscopale et deux bergers (vers 1500-1510). Le Corpus signale "nombreux plombs de casse" : on peut évaluer la restauration.
- lancette de droite : en bas, le baiser de Judas et l'agonie du Christ au jardin des Oliviers (4e quart XVe)
Baie 10 : Saints et anges
Datation : 2e moitié XVe et XVIe
Tympan : Christ montrant ses plaies; écoinçons : fragments d'anges.
-lancette de gauche en bas: Saint Jean-Baptiste avec l'agneau.
au milieu : saint diacre ; Saint Laurent selon Abgrall 1914.
- lancette de droite en bas : Saint Pierre (fin XVIe). Le verre rouge gravé fait symétrie avec celui du panneau de gauche (Jean Baptiste) et les deux scènes semblent correspondre. Elles étaient à l'origine les ajours d'un tympan, et ont été environnées de débris pour réaliser un panneau rectangulaire.
- en haut : deux anges tenant des couronnes présentant les instruments de la Passion.
Baie 11 : Histoire de Joseph.
Datation : vers 1500 et fin XVIe.
- Tympan : Christ de la résurrection (XVIe). Écoinçons : deux anges musiciens.
- lancette gauche : En bas, Joseph et la femme de Putiphar. Genèse, 39 : " Un jour qu'il était renté dans la maison pour faire son ouvrage, et qu'il n'y avait là aucun des gens de la maison, elle le saisit par son vêtement en disant : Couche avec moi! Il lui laissa son vêtement dans la main, et s'enfuit au dehors". Nous la voyons qui sort en tenant sur son épaule le vêtement rouge de Joseph, grâce auquel elle va l'accuser, et il sera jeté en prison.
: au milieu, Joseph vendu aux marchands. Genèse, 37, 28 : "ils tirèrent et firent remonter Joseph hors de la citerne ; et ils le vendirent pour vingt sicles d'argent aux Ismaélites, qui l'emmenèrent en Égypte."
: en haut, Joseph explique un songe à ses frères. C'est ce qui va attiser leur jalousie : Genèse 37, 7 "Nous étions à lier des gerbes au milieu des champs ; et voici, ma gerbe se leva et se tint debout, et vos gerbes l'entourèrent et se prosternèrent devant elle"
- lancette droite : en bas : fragment d'un Roi d'un Arbre de Jessé. Pendant longtemps, je croyais qu'il s'agissait d'une vieille bretonne en coiffe avec le penn bazh ! Mais c'est un roi couronné tenant le spectre et un phylactère que j'enrage de ne pouvoir déchiffrer.
: au milieu, les frères de Joseph rapportent à son père Jacob la tunique ensanglantée. Genèse 37, 1 : Ils prirent alors la tunique de Joseph, et, ayant tué un bouc, ils plongèrent la tunique dans le sang. Ils envoyèrent à leur père la tunique de plusieurs couleurs, en lui faisant dire Voici ce que nous avons trouvé ! reconnais si c'est la tunique de ton fils, ou non. Jacob la reconnut, et dit : C'est la tunique de mon fils! une bête féroce l'a dévoré! Joseph a été mis en pièces!
: en haut, Joseph est descendu dans le puits par ses frères, avant qu'ils ne se décident à la vendre à une caravane de marchands. Genèse, 37,24.
Le vitrail décrit le costume paysan de la fin du Moyen-Âge : une chemise de lin ou de chanvre, un caleçon de toile ou braies longues ou courtes qui deviennent collantes au XIIe siècle, une tunique courte (mi-cuisse) serrée à la taille par une ceinture, une pèlerine à capuchon, et sur la tête un chaperon savamment enroulé autour de la tête pour retomber sur les épaules, ou un bonnet évoquant un bonnet phrygien proche peut-être de celui que portaient les marins pêcheurs du Finistère. Le chaussage associe des chaussures qui paraissent souples et des chausses entourant le pied par une étrivière. Ces chausses sont retroussés sous le genou en un large revers. Les couleurs sont certainement dictées par les impératifs esthétiques du maître-vitrier et ne reflètent pas la réalité d'un costume souvent gris ou écru.
Baie 9, Jugement dernier et donateur :
Datation : vers 1540 et vers 1560.
-Tympan : trigramme du Christ entouré de séraphins. Écoinçons ornés d'anges et de chérubins.
- Lancette de gauche : en bas, donateur présenté par un ange. Ce personnage à la barbe et moustache de taille très particulière et très élaborée est vêtu comme un ecclésiastique, avec court surplis, courte soutane noire, chape orfrayée présentant les douze apôtres, barrette posée à coté du livre d'heures, présente sur son prie-dieu des armes reconnaissables, celles de Henri (de) Quoetsquiriou, recteur de Quéménéven.
A la montre de 1481 en Cornouaille, la noblesse de Quéménéven est représentée par Riou de Quoetsquiriou, seigneur du dit lieu,archer en brigandine, et Olivier de Quoetsquiriou par son fils Hervé.
Le toponyme Coat Squiriou figure sur la carte IGN au sud-est de Quéménéven, alors que la carte Cassini de 1750 mentionne "coasquiriou" avec l'indication d'un hameau. Il y existerait une parcelle dite "ar ch'astellic" avec reste d'une motte féodale (Ann. Bret. n°1 à 2, 2008). Le toponyme est construit avec les mots coat-, "bois", et -squiriou, "éclat de bois".
C'est par un aveu de 1566 indiquant ses armes, "un chesnier glanné chargé au pied d'un lépureau ou connil et sommé d'un héron" ( Mémoires de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne volume 24 et 25, 1944) que le chanoine Pérennès est parvenu à identifier ce recteur.
: en haut, sous les trompettes de la résurrection dont on ne voit que les pavillons, et sous les chérubins rouges et les nuages blancs, un ange à la chape avec orfroi brodé aide un ressuscité tonsuré à s'extraire de terre alors qu'un démon griffu lui dispute cette proie à l'âme peut-être pas irréprochable. D'autre élus émergent de leur linceul.
-lancette de droite : en bas, la gueule du Léviathan, conforme à de nombreuses iconographies semblables, notamment sur les calvaires. Un malheureux damné déjà lacéré et transpercé continue à être frappé par la masse d'arme d'un démon, alors qu'il crache un animal (classiquement un crapaud). Ce corps, et les deux visages près de son ventre, est d'un artiste du XVie, alors que toute la partie gauche avec la tête du monstre date... de 1922, travail d'un artiste de l'atelier Labouret particulièrement doué pour l'imitation illusionniste de l'ancien.
: au milieu, les élus, avec une première rangée de saintes et bienheureuses, et parmi elles Sainte Marie-Madeleine qui libère les effluves de son flacon de parfum. Au dessus, les saints, avec Saint Pierre (les clefs) et Saint Jean (le calice).
: au sommet, les trompettes de l'Apocalypse.
Baie 7 : Jugement dernier
Datation: vers 1540. Proviendrait du transept
Tympan : Christ présentant ses plaies au sortir du tombeau. Deux anges.
- lancette gauche : en bas, un bel ange "buccinateur", utilisant ses muscles du même nom (musculus buccinatorius que les joueurs de buccin et autres cuivres nomment "muscle trompetteur") pour annoncer haut et fort que l'heure du jugement est sonnée.
: au dessus, l'assemblée des élus se congratule d'en être. J'avais reconnu Saint François, toujours prêt à montrer ses stigmates, mais le personnage en rouge m'intriguait, avec ses oreilles de Mickey ou son bonnet à pompon sur sa tonsure ; en outre, il présentait de la main droite un champignon ou un chou à la crème (un Saint-Honoré sans-doute) dont il conservait une bonne réserve sous le coude.
Je ne connaissais pas encore ce tableau de Giotto :
Il vient du Horne Museum et représente, selon http://rouen.catholique.fr/spip.php?article1269, Saint Etienne. Mais pourquoi donc? pour représenter tant bien que mal les pierres dont il fut lapidé.
Donc, nous avons affaire à Saint Étienne et Saint François
: au dessus, la Vierge et Saint Jean-Baptiste.
- lancette de droite : en bas, une jeune femme qui vient de ressusciter cherche à échapper au triste sort que lui a valu ses péchés (la luxure, certainement la luxure vu la longueur de ses cheveux) et tend les bras vers un gros ballon rouge qui ne lui sera d'aucun secours.
: au milieu, l'assemblée des saints se poursuit. Saint Sébastien s'est laissé pousser la barbe mais n'a toujours pas oté ses flèches et à l'arrière, son voisin proteste qu'il a failli être éborgné. Ce n'est autre que Saint Laurent, qui en a vu d'autres, lorsqu'il grillait sur le barbecue de ses bourreaux. Il a beau n'être que le diacre de Saint Sixte, il lui a volé la vedette.
: en haut, d'autres saints et apôtres, dont saint Paul tenant l'épée de sa décollation.
Baie 5 : Credo apostololique et prophétique
Datation : 4e quart du XVe et XXe.
—Tympan : buste du Christ bénissant et globe crucifère. : écoinçons: 2 rois d'un Arbre de Jessé, couronnés, dotés du sceptre, tenant le phylactère indiquant leur nom : Ezechias et Lechonias (4e quart XVe)
— lancettes : fragment d'une verrière consacrée à un Credo où les huit figures, soit apôtres, soit prophètes de l'Ancien Testament, tiennent une phylactère où est inscrit leur nom et un article du Credo.
-lancette de gauche : panneau inférieur : Saint André et Baruch.
: panneau supérieur : Saint Jacques le Majeur (avec son chapeau portant la coquille, son bourdon ) et un prophète;
-lancette de droite : panneau inférieur : Malachie et un apôtre, Philippe, tenant une croix
: panneau supérieur : Saint Pierre et Jérémie (têtes modernes)
Le thème du "Credo apostolique et prophétique" et son illustration sur le vitrail de Kergoat.
J'ai décrit cette baie 5 d'après le éléments de bibliographie disponibles, et notamment du Corpus Vitrearum de 2005 rédigé avant la restauration de l'atelier Pinto. Je vais reprendre cette description à la lumière de mon propre examen des images une fois restaurées, et de l'étude du thème iconographique, assez original sur les vitraux du Finistère puisque je le rencontre pour la première fois.
Je découvre ainsi que cette iconographie s'est développée au XIIIe siècle à la suite de réflexions théologiques montrant que les articles du Credo trouvent leur fondement dans le Nouveau Testament, par des références à des textes des Évangiles, des Épîtres et des Actes des Apôtres, mais aussi dans l'Ancien Testament par des citations des Prophètes, ce qui fonde le Credo non pas sur tel ou tel Concile, mais sur la parole de Dieu.
a) Le Symbole des Apôtres
Ce Symbole des apôtres, souvent appelé Credo comme celui de Nicée, était récité quotidiennement par les clercs dans la lecture de leur bréviaire, et, depuis le Missel Romain de 2002, il peut être récité à la place du Credo lors de la Messe.
Il est la traduction, latine puis française, d'un texte grec. On le reconnaît dès le premier article qui dit Je crois en Dieu le Père tout-puissant (Credo in Deum, Patrem omnipotentem) alors que le Credo énonce Je crois en un seul Dieu, le Père tout-puissant (Credo in unum deum ).
Il s'agit ici non pas du Credo à proprement parler, celui qui est récité à la messe et qui est le Symbole de Nicée-Constantinople, mais le Symbole des Apôtres, une profession de foi qui, selon la tradition, proviendrait directement des Apôtres et qui serait donc inspiré par l'Esprit-Saint. La légende développée dès le IVe au VIe siècle veut même qu'à la veille de leur dispersion, chacun des douze apôtres en ait récité un article : il compte donc douze articles de foi. On trouve cette tradition chez Ambroise de Milan (339-397) puis chez Rufin d'Aquilée (345-410), l'auteur qui donne le premier texte latin du symbole. celui-ci écrit dans Commentaire du symbole des apôtres (v.400) " Nos anciens rapportent qu'après l'ascension du Seigneur, lorsque le Saint-Esprit se fut reposé sur chacun des apôtres sous forme de langues de feu, afin qu'ils puissent se faire entendre en toutes les langues, ils reçurent l'ordre de se séparer et d'aller dans toutes les nations pour prêcher la parole de Dieu. Avant de se quitter, ils établirent en commun un régle de la prédication qu'ils devaient faire afin que, une fois séparés, ils ne fussent exposés à enseigner une doctrine différente à ceux qu'ils attiraient à la foi du Christ ; étant donc tous réunis, remplis de l'Esprit -Saint, ils composèrent ce bref résumé de leur future prédication, mettant en commun ce que chacun pensait et décidant que telle devra être la règle à donner aux croyants. pour de multiples et très justes raisons, ils voulurent que cette règle s'appelât symbole."
http://www.patristique.org/Historique-du-symbole-des-apotres.html
Au VIe siècle, à la suite de deux sermons pseudo-augustiniens (Sermon 240 et 241) d'un prédicateur gaulois, chaque article fut attribué à un apôtre particulier : ce point est important , puisqu'il va nous aider à déchiffrer le texte du phylactère si nous identifions l'apôtre. Voici la répartition selon le texte latin, celui qui nous interesse :
1- St Pierre : Credo in Deum, Patrem omnipotentem, creatorem caeli et terrae
2- St André : Et in Iesum Christum Filium eius unicum , Dominum nostrum
3 - St Jacques le Majeur : qui conceptus est de Spirituo Sancto natus est Maria Virgine
4 -St Jean : passus sub Pontio Pilato, crucifixius, mortuus et sepultus
5 -St Thomas : descendit ad inferos, tertia die ressurrexit a mortuos
6 -St Jacques : ascendit ad caelos ; sedet ad dexteram patris Dei Patris omnipotentis
7 -St Philippe : inde venturus est iudicare vivos et mortuos
8 -St Barthélémy : Credo in Spirituum Sanctum
9 -St Mattieu : sanctam ecclesiam catholicam
10 -St Simon : sanctorum communionem, remmisionem pecatoribus
11 -St Jude : carnis resurrectionem
12 -St Matthias : vitam eternam.
Ce Credo apostolique est représenté en Bretagne dans le porche ou sur le calvaire de trés nombreuses chapelles et églises (je citerai le calvaire de Saint-Venec en Briec, l'ossuaire de Sizun, le porche de Saint-Herbot à Plonevez-du-Faou, saint-Mélaine à Morlaix, mais la rencontre de l'alignement de leurs niches est trop fréquente pour qu'une liste soit exsaustive.) Voici par exemple Saint Jacques à Saint-Venec, avec un fragment de l'article ascendit ad c(a)elos :
b) Le Credo prophétique.
Il reléve, sur le plan théologique, de la typologie biblique, ou recherche de la correspondance entre l'Ancien et le Nouveau Testament, conformémément à la phrase de Saint-Augustin dans Questions sur l'Heptateuque,2, 73 "Le Nouveau Testament est caché dans l'Ancien, et l'Ancien se dévoile dans le Nouveau". Cette exègése était particulièrement nécessaire pour le Credo, dont un article du Symbole de Nicée affirme : "Je crois en l'Esprit Saint [...] il a parlé par les prophètes". J'ignore à quelle date les théologiens (pour Emile Male, "quelque théologiens contemporains de St Thomas d'Aquin au XIIIe) ont cherché dans les textes des Prophètes les verset qui préfigurent les articles du Credo, mais dès le XIVe et surtout au XVe siècle, cette correspondance se trouva illustrée soit dans les miniatures et enluminures (Heures du Duc de Berry), les gravures des incunables (Calendrier des Bergers, XVe), les peintures murales (Génicourt, Meuse, XVIe), les stalles (dès 1280-1290 à Pöhlde, Basse-Saxe; consoles de la chapelle Bourbon à Cluny et au XVe à la cathédrale Saint-Claude de Genève, comme à Saint-Ours d' Aoste en Savoie ; "credo savoyard" de la cathédrale de Saint-Jean de Maurienne), les sculptures (portail de la cathédrale de Barmberg, fonts baptismaux de celle de Meersburg, chesse de St Héribert à Cologne, piedroits de la cathédrale Saint-Jacques de Compostelle, fenêtres de la basilique Saint-Rémi de Reims, trumeau et portail nord de Chartres, porche de la cathédrale de Tarragone, déambulatoire de la cathédrale d'Albi, portail du Beau Dieu d'Amiens, portail sud de la cathédrale de Bourges...) et les vitraux (infra).
L'une des bases théologiques est le Commentaire du Credo par Thomas d'Acquin.
Deux thèmes iconographiques relèvent de la même analyse typologique, et ces deux thèmes sont organisés autour du chiffre douze: l'Arbre de Jessé, dès le XIIe siécle, avec les douze rois de Juda préfigurant la royauté du Christ. Et les douze Sibylles qui ont prophétisé l'avènement du Christ. C'est ce qui rend bien intéressant la présence des deux rois au tympan de la baie 11, et qui laisse imaginer deux vitraux à Kergoat, l'un consacré au Credo apostolique, l'autre à l'arbre de Jessé.
L'une des plus belles, des plus grandioses et des mieux conservés de ces représentations du credo prophétique se trouve à Sienne, à quelques mètres du célèbre pavement du Duomo consacré aux Sibylles : c'est la voûte du Baptistère, réalisé de 1415 à 1428 par Lorenzo di Pietra dit Vechietta. Les apôtres, portant leur phylactère, sont placés en vis-à-vis de leur précurseur.http://www.viaesiena.it/fr/caterina/itinerario/battistero/articoli-del-credo/articoli-della-terza-campata
Les vitraux ne sont pas en reste : Vitrail de la Sainte Chapelle de Bourges, de la cathédrale de Chartres, de l'église Saint-Marcel à Zetting (57), 2e quart XVe), de la chapelle de la Mailleraye à Jumièges, et en Bretagne celui de Quemper-Guezennec (Cotes d'Armor) datant de 1460-1470 décrites par Jean-Pierre le Bihan http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-35934749.html
A la différence de celle des apôtres, la liste des versets prophétiques n'est pas fixée, mais on retrouve néanmoins une certaine constance. Je m'appuierai sur le relevé de J.P. Le Bihan à Quemper-Guezennec (Q.G) et sur le texte du baptistère de Sienne (B.P)
1-St Pierre : Jérémie : Patrem invocavit qui terram fecit (Q.G) (citation erronée)
2-St André : David : Filius meus es tu ego hodie (Q.G)
= Psaumes, 2, 7 : Domine dixit ad me : Filius meus es tu ego hodie genui te (Vulgate)
"Je publierai le décret : Yahvé m'a dit : Tu es mon fils, je t'ai engendré aujourd'hui".
3-St Jacques le majeur : Isaïe : Ecce virgo concipiet et pariet (Q.G) :
= Isaïe, VII, 14, Ecce virgo concipiet et pariet filium, et vocatibur nomem ejus Emmanuel : "une vierge concevra, elle enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel".
4-St Jean : Daniel : Post LXX hedomadas, accidetur Christus (Q.G)
: Ezechiel : Signa Thau gementium (B.S)
: Zacharie 12,10: Ascipiens ad me, quem confixierunt (Autre)
= Zacharie, 12, 10 : ascipient me, quem confixierunt :"ils tourneront les regards vers moi, celui qu'ils ont percé"
5-St Thomas : Malachie : Et fuit Jonas in ventrem ceti (Q.G)
: Osée, 13, 14 De manu mortis liberado eos...ero mors tua, o mors, ero morsuus tuus, inferno (autre) : "Je les délivrerai de la mort...Ô mort, où est ta peste ? Séjour des morts, où est ta destruction? "
6 -St Jacques : Michée : Ce ... et erit civita gloria (Q.G)
: Amos : qui aedificavit in coelo ascensionem suam (B.S)
7 -St Philippe : Zacharie : Acharias, suscitabo filios tuas (Q.G)
: Joël : In valle Iosaphat iudicabit omnes gentes (B.C)
8 -St Barthélémy : Sophonie : sedebo ut judicui omnes gentus (Q.G)
: Aggée : Spiritus meus erit in medio vestrum (B.C)
9 -St Matthieu : Joel : Spiritus meus erit une medie vestrum (Q.G)
: Sophonie : Hic est civitas gloriosa qui dicitur extre me non est altera (B.S)
10 -St Simon : Osée : Ose, arida audite verbum Dominum (Q.G)
: Malachie : cum hodio abueris dimille ( B.S)
: Malachie : deponet dominus omnes iniquates nostras.(La Mailleraie)
11 - St Jude : Amos : qui aedificat in caelo ascensionem suam. (Q.G) (La Mailleriae)
: Zacharie : Suscitabo filios tuos (B.S)
12 -St Mattias : Ezechiel : Et erit dominus regnum missus.(Q.G)
: Abdias : Et erit domino regno (B.S)
On peut trouver une magnifique illustration sur le Psautier de Jean de Berry (Gallica).
On constate que les citations sont parfois fautives, souvent multiples. C'est néanmoins à ce matériel que nous allons confronter les textes de nos huit personnages, en les reprenant :
1. Jeremias : patre(m) (in)voca/ .is..et v..me
. S : petrus Credo i(n) deu(m) patre(m)
Nous avons bien affaire au premier article du credo présenté par Saint Pierre préfiguré par Jérémie et sa citation Patrem invocabit qui terram fecit.
2. Andreas : Credo ...filiu(m) ei(us) fragment du deuxième article Et in Iesum Christum Filium eius unicum , Dominum nostrum
(B)aruch : go autius
3 Jacobus. Qui ...natus ..est de : fragment du troisième article qui conceptus est de Spirituo Sancto natus est Maria Virgine
Isaias : Credo virgo co(n)cep...pa(r)iet. fragment de Isaïe, VII: 14, Ecce virgo concipiet et pariet filium
7. Malachias onus inquitate. Il ne s'agit plus de la même écriture, le deux-point a disparu, les abréviations également : ce texte est-il fidèle à l'original ? Le terme iniquitate se retrouve dans Malachie 2:4 Lex veritatis fuit in ore eius, et iniquitas non est inventa in labiis eius; in pace et in aequitate ambulavit mecum et multos avertit ab iniquitate. "La loi de la vérité était dans sa bouche, Et l`iniquité ne s'est point trouvée sur ses lèvres; Il a marché avec moi dans la paix et dans la droiture, Et il a détourné du mal beaucoup d`hommes".
S : Philippe / iudicare vivos et mo... fragment du 7ème article inde venturus est iudicare vivos et mortuos
Dans la salle du Credo des appartements Borgia du Vatican, Philippe est associé à Malachie ascendam at vos in iudicio et ero testis velox ou bien Ascipient in me deum suum quem confixerunt. Ce prophète est aussi associé, dans le même Credo Borgia, à Simon au 10ème article pour le verset Cum odio habueris, dimitte.
En outre, si on observe avec soin, sur le galon de la tunique de St Jacques se lisent les mots :
...nus deus... ANO...???
Nous avons bien affaire à un fragment de Credo apostolique et prophétique où les apôtres sont clairement identifiables, présentant les articles 1, 2, 3 et 7 du Symbole des Apôtres, selon une forme abrégée voire conventionnelle, et selon une graphie gothique qui associe au moins deux styles différents (restauration?). L'écriture la plus difficile à déchiffrer est la plus belle en terme de calligraphie, mais elle multiplie les procédés d'abréviation, les omissions par tilde, les lettres conjointes, les lettres souscrites pour placer un texte de plusieurs mots sur un emplacement réduit. C'est ce qui en fait sa richesse.
Les apôtres devaient être disposés selon deux rangs verticaux, puisque les apôtres des six premiers articles se trouvent à droite, et inversement pour Philippe qui appartient aux six apôtres suivants.
Le Credo prophétique est d'autant plus ardu à décrypter que le verset qui leur est attribué n'est pas fixé, et que les prophètes ne sont pas identifiables, comme les apôtres, par des attributs. Là encore, les autres exemples de Credo de l'iconographie montrent que la réduction du texte peut aller jusqu'à l'omission de mots ou de plusieurs lettres des mots, ce qui rend le déchiffrement du verset trop inaccessible à un néophyte.
Voir : La maîtresse-vitre de l'église de Quemper-Guezennec (22).