VIERGES ALLAITANTES IV
Église Saint-Germain à Kerlaz,
Des vitraux édifiants :
Deuxième partie
première partie : Vierges allaitantes IV, Kerlaz, église Saint-Germain, les vitraux, 1ère partie..
III. Baie 3, transept nord : la légende de Saint Even.
"Don de Mlle Floch"
a) Tympan : 3 ajours dont le soufflet central montre une procession au XIXe siècle (paysans en bragou braz) à la fontaine de Saint-Even.
b) deux lancettes cintrées de trois panneaux légendés:
- Saint Even chassé de la maison paternelle à cause de ses sentiments religieux.
- Saint Even après avoir érré plusieurs jours se présente au manoir de Lezascouët.
- Le seigneur de Lezascouët l'accueille dans son manoir comme pâtre.
- Frappé par ses qualitès, le seigneur de Lezascoët lui donne sa fille en mariage.
- Saint Even précipité par son oncle dans la mer gagne le monastère de l'Île Tristan.
- Saint Corentin apparaît à Saint Even et lui dit de réintégrer son manoir. Il meurt à son arrivée.
A l'occasion de la découverte de la statue de St Even dans cette èglise Vierges allaitantes IV : Kerlaz, les statues et inscriptions. , j'ai présenté la version de Mr Pouchous sur la vie de Saint Even ou Ewen. Celle-ci est assez différente, et j'ignorais quelle en était la source : peut-être l'histoire que Henri Le Floch a pu recueillir de ses parents ou autour de lui à Kerlaz ?
b1 A propos de Lezascoët:
Lezascoët ou Lezaskoed (lieu de naissance de Germain Horellou) est actuellement un lieu-dit de Kerlaz. Sous la forme Lezharcoët attestée en 1332, c'est l'un des plus anciens toponymes de la commune, où on reconnaît la racine -lez (dont j'ai discutée à propos de Pontlez Vierges allaitantes III : Quillidoaré, la légende du Marquis de Pontlez et l'histoire.) qui signifie " cour seigneuriale" du haut Moyen-Âge (avant Xe siècle) , racine -lez qui est associée au patronyme -Harcoët lui-même dérivé du vieux-bretonhoarn, "fer" et skoed, "écu, bouclier" pour désigner un guerrier au bouclier de fer. http://www.ofis-bzh.org/upload/travail_fichier/fichier/69fichier.pdf
L'existence d'un domaine seigneurial à Lezascoët est donc parfaitement plausible. Mieux, le Père Grégoire de Rostrenen déclare avoir trouvé en 1701 les pierres de taille de ce chateau, marquées des caractères "d'un ancien alphabet des bretons d'Armorique". Plus exactement, l'histoire, que je découvre alors que je rédige ce texte, est la suivante, selon, toujours, Germain Horellou qui en a écrit 28 pages (pp. 204-232) : Ce manoir de Lezarcoët a été le fief d'Olivier de Lezarscoët cité en 1332 dans le Cartulaire de Quimper, puis des Languéouëz, puis de Jacques de Guengat (voir Plogonnec: Les vitraux de Plogonnec I : Saint Sébastien ), puis de René de Kergorlay du Cleuzdon (voir Buhat-Pestivien : Les vitraux de Bulat-Pestivien : les Anges Musiciens.) et du Cleuz du Gage (id), des de Roquefeuil et de Quemper de Lanascol jusqu'à la Révolution. Mais le manoir a disparu, ne laissant que les murs de cloture, une petite ferme nommée Koz-Maner et une éminence nommée Plas-ar-Maner. Un baron du Fretay y a fait des fouilles en 1895 et a dégagé un édifice de 58m sur 14, datant du XVe siècle selon P. Peyron avec réemploi de pierres d'un édifice médiéval. Julien Maunoir aurait été le premier en 1658 à être frappé par les inscriptions curieuses, où il aurait vu un alphabet breton ancien ; l'abbé Grégoire les retrouve en 1702, Dom Le Pelletier donne dans son dictionnaire deux spécimens d'alphabet celtique ancien d'après ces signes, et finalement le chanoine Peyron, le fameux auteur des Notices du Bulletin Diocvesain y reconnaît.... des marques de tacheron que les tailleurs de pierre payès à la tache utilisent pour identifier leur travail ! Voir Abgrall & Peyron, Notice sur Kerlaz, 1915, http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=36.
Un monastère est suspecté sur l'Île Tristan en vertu d'un texte du XIIe siècle où Robert, evêque de Quimper, fait don au monastère de Marmoutier de l'ïle de St Tutuarn, qu'on assimile à Tristan.
b2. A propos de cette version
Je découvre page 212 de mon livre de chevet que cette version de la légende est issue d'un gwerz sant Even, dont "l'original appartenait à une personne de Douarnenez. La traduction fut faite par le chanoine Millour [ mentionné à Plonevez-Porzay au grand pardon de 1895 où il bénit une cloche] à la prière de M. du Fretay.". L'abbé Horellou explique que cette vraie légende où le héros est saint Even a été pillée au profit d'un autre héros, le seigneur de Pramaria, et publiée par le Pére Maunoir dans sa Vie de Catherine Daniélou , puis reprise par le chanoine Peyron dans le Bulletin diocésain d'histoire et d'Archéologie Bdha de 1909. Effectivement, cette référence est exacte :http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1099887/f252.r=catherine+danielou+peyron.langFR
Henri Le Floch a très bien pu lire en 1910 la publication du chanoine Peyron, qui a pu lui rappeller la légende qui se racontait à propos de saint Even à Kerlaz, et décider de l'illustrer par un vitrail.
Dans la version de Kerlaz rapporté par Horellou page 215, le saint est chassé en raison de sa foi chétienne par sa mère "païenne et dénaturée". Il est recueilli comme pâtre chez le Sr de Lezascoët, qui le marie avec sa fille. Mais le frère du seigneur, l"oncle", est jaloux du jeune héros et lors d'une partie de chasse, le jette du haut des falaises de Lanévry. Il gagne l'Île Tristan, y reste 4 ans, puis saint Corentin lui apparaît pour lui demander de retourner auprès de son épouse qui se languit de lui. Il revient chez lui et meurt subitement.
Dans la version beaucoup plus détaillée de P. Peyron, c'est le père qui prend en grippe son fils ainé, Joseph-Corentin de Coetanezre et le chasse, avec l'accord de son épouse. C'est ensuite une succession de dévotion à la Vierge et à Saint Corentin, nommémént dèsignés comme substitut de la mère et du père, qui lui apparaissent sous des formes diverses, qui le secourent miraculeusement, pendant que le jeune homme suit la trame de l'histoire précédente, épouse la fille du seigneur de Lezascouët, est poussé dans la mer par l'oncle, accoste sur l'îlot Trévinec, revient cinq ans plus tard chez lui où , il doit verser le prix des miracles dont il a bénéficier : sa vie, et celle de son fils.
IV. Nef : baie de deux lancettes cintrées : éducation de la Vierge
Don de Mlle le Floch (soeur du T.R.P.Le Floch)
Sous ce titre d'allure banale, les commanditaires placent dans le programme de vitrail une référence capitale pour leur foi, et pour toute la région du Porzay : celle du sanctuaire de Ste-Anne la Palud, et de son Pardon.
Ce sanctuaire a tant d'importance que ce sera lui qui, avec Krelaz, bénéficiera des efforts du Très Révérend Père Le Floch. En effet, alors qu'en 1913 il avait déjà aidé à obtenir le couronnement de la statue de Sainte-Anne, c'est par l'utilisation de son influence dans les spères romaines qu'il obtint de la basilique romaine Saint-Paul-hors-les-Murs un fragment de côte et de l'église d'Apt un fragment de doigt de Ste Anne, reliques qui seront transférées en grande pompe à la Palud en août 1922. Cela plaçait le sanctuaire à l'égal de Ste-Anne d'Auray, qui possédait déjà des reliques d'Apt.
Cette importance s'accroit aux yeux de la famille Le Floch car c'est à Ste Anne La Palud que l'abbé réfractaire Garrec, recteur de Kerlaz et arrière grand-oncle, a continué à exercer son sacerdoce après la fermeture de la chapelle de Kerlaz.
On peut aussi penser que Henri Le Floch ayant perdu sa mère quand il avait 9 ans, ce sont ses grands parents qui ont participé à son éducation.
Réseau : soufflet central, scène devant la chapelle de Sainte-Anne-la-Palud, des femmes font l'aumone à un mendiant. Costume masculin : bragou braz, sabots, chapeau rond à deux guides. Costume féminin : châle, coiffe courte (penn sardin ?)
Lancette
Mention:"Éducation de la très sainte Vierge".
Sainte Anne donne des conseils à Marie.
V. Baie sud : St Hervé
une lancette
Mention "Saint Hervé bénissant les fidèles"
Mention : Gl Léglise Paris 1918.
Là encore l'abbé Horellou nous donné une prècision : "Cest la reproduction sur verre, aussi exacte que possible, du groupe en granit qui a disparu de l'église il y a une vingtaine d'annèes."Effectivement, la Notice des chanoines Abgrall et Peyron de 1903 sur Kerlaz mentionnait la disparition d' "un groupe en pierre, très curieux et très primitif représentant saint Hervé, le chanteur aveugle guidé par son petit compagnon Guic'haran qui conduit le loup traditionnel et le menace d'un fouet armé de gros noeuds. Sous couleur que c'était une oeuvre de style un peu barbare, on a cédé pour une destination profane cette statue qui avait été vénérée pendant quatre siècles par les paroissiens de Kerlaz. Ce groupe provenait de la chapelle de Saint-Mahouarn de Lezoren (Plonevez)."
Saint Hervé est un saint breton dont l'hagiographie a été écrite par Albert Le Grand au XVIIe siècle : né vers 520, aveugle de naissance, il est souvent représenté avec un loup et un petit garçon. Celui-ci est son guide, du nom de Guic'haran, et l'histoire est celle-ci : un jour, l'oncle de Saint-Hervé, saint Wiphroëdus, qui l'heberge en son petit monastère, doit partir en voyage et confie à son neveu et à l'enfant le soin de labourer le champ et de veiller sur son âne. Mais "le loup, l'ayant trouver à son avantage, le dévora". Guicharan crie, appelle son maître, mais Hervé se contente de prier avec ferveur le Bon-Dieu d'épargner cette perte à son oncle Wiphroëdus. (si vous ne comprenez pas à la première lecture qui est l'âne, le loup, l'oncle, le champ et l'aveugle, et qui a mangé qui, c'est que je ne suis pas le seul ). Or donc " Comme il prioit ainsi, voilà venu le loup à grand erre; ce que voyant Guiharan crioit au saint qu'il fermast la porte de la Chapelle sur soy ; mais le saint lui répondit : "non non, il ne vient pas pour mal faire, mais pour amender le tort qu'il nous a fait ; amenez-le,& vous en servez comme vous faisiez de l'Asne", ce qu'il fit".
Et maintenant, la phrase que je préfère ( certainement celle que le petit Henri Le Floch demandait à sa grand-mère : "encore, Mamm Goz, encore là où le loup traîne la charrue!"):
" & estoit chose admirable de voir ce loup vivre en mesme estable avec les Moutons, sans leur faire de mal, traîner la charrue, porter les faix et faire tout autre service comme une beste domestique". (Albert le Grand, les Vies des saints de la Bretagne Armorique, Ed J. Salaün, Quimper 1901 p. 234)
Et sûr que Mamm Goz n'omettait aucune esperluette, aucun "estoit chose admirable", et qu'elle disait Asne au lieu d'"âne", mesme estable au lieu de "même étable" beste au lieu de "bête", et sûr que le petit Henri rigolait sous ses draps d'entendre une grande personne massacrer l'orthographe et sûr encore qu'il se disait qu'estoit chose admirable que ce fut permis.
En ce temps là, le martinet avait dèjà été inventé, et Guiharan en menace Messire Loup en lui disant "au pied". Et Saint Hervé bénit avec trois doigts, en signe de la Sainte Trinité, guérissant à l'aveugle les maladies des yeux (sauf la sienne), les peurs et les angoisses, les dépressions majeures caractèrisées et les dépressions masquées qu'il démasquait sans le DSM-IV, les possédés des démons, les chevaux vulnérables et les grenouilles, à condition qu'elles coassassent. Car il leur disait, je crois "croissez pour peu que vous ne coassassiez ".
A SUIVRE, LES VITRAUX DE KERLAZ : TROISIEME PARTIE :