Vierges allaitantes V :
Chapelle Saint-Venec à Briec :
Première partie : Notre-Dame de Tréguron ; les statues des saints ; le calvaire.
Préambule : quelques considérations géographiques et historiques.
Balzac n'avait pas tort, lorsqu'il imposait à ses lecteurs ces fameuses entrées en matière fastidieuses avant de présenter les personnages de sa Comédie, tant il est vrai que l'on ne comprend bien une situation que si on en a appréhendé le contexte. Mais si 90% lecteurs des Chouans ou du Pére Goriot sautent allégrement le ruisseau de son préambule, 99% des lecteurs de ce pauvre blog sont déjà partis vers les images qui suivent.
J'ai fait de même, prenant d'abord les clichés, pour ne regarder que longtemps après la carte IGN de Briec, pour situer cette chapelle Saint-Venec entre Porzay et Poher, sur les pentes qui séparent le Menez Roc'h Meur (231m) des vallées des affluents du Steïr et de leurs moulins, à cinquante mètres de la route nord-sud Chateaulin-Quimper.
Un simple compas, réglé pour un rayon de 15km, encerclerait dans son empan toutes les Vierges allaitantes de Cornouaille : Trèguron en Gouezec au nord-est, Kerluan en Chateaulin au nord, Quillidoaré en Cast au nord-ouest, Kergoat en Quéménéven, Bonne-Nouvelle en Locronan et Kerlaz à l'ouest, Seznec en Plogonnec au sud-ouest. Lannelec en Pleyben restait à peine plus loin. Et tout-près, Notre-Dame des Trois-Fontaines parlait encore de culte de la fécondité.
L'histoire m'appris que la paroisse de Briec était jadis divisée en trèves et en frairies dont l'organisation était compliquée par le fait que le territoire de Landrevarzec séparait les paroissiens de leur église-mère : au XVIIIe siècle, ce que l'on nommait l'enclave de Briec encerclait en machoire Landrevarzec, qui ouvrait elle-même sa gueule sur Briec-même: il suffit de regarder la carte du site Tudchentil.org:http://www.tudchentil.org/spip.php?article30
Saint-Venec, et les lieux-dits Jubic, Ty Venez Jubic, Guinnigou, kermenguy, Kerveguen, Kerrouzic, Ty spern, Stang Yen, etc.. appartenaient à la frairie de Trebozen (Trebozen Huella et Izella). Lorsque Landrevarzec devint commune en 1873, seule la partie orientale de Trebozen resta attribuée à Briec, sous le nom de Trève de Saint-Venec, Trev Sant Veneg.
Puisque ce sont les vierges allaitantes qui me mènent ici, et que nombreux sont ceux qui voient là une resurgence de cultes païens comme ceux qui, en Égypte, liaient la montée de lait à la crue des eaux ou comme ceux de l'antiquité gréco-romaine ou celte, il n'est pas non plus indifférent d'apprendre qu'à 500 mètres au sud-ouest de la chapelle, à Kertiles, une villa gallo-romaine fut découverte en 1935 (Bull. Société Arch. Finist.), avec une sépulture du IVe siècle d'un adolescent dans un sarcophage de plomb. C'est que nous sommes ici le long de la voie romaine Carhaix-Douarnenez (Vorgium-Leones), Hent Pesket, bel odonyme de la route des poissons qui menait le garum et les salaisons de Douarnenez vers la capitale des Osismes ( notre Finistère, peu ou prou), noeud routier de huit voies de communication au IIIe siècle de notre ére.
Le passé gaulois peut d'autant pus être pris en compte que le nom de Briec vient d'un toponyme gallo-romain Brithiacum dont l'origine gauloise Brithiacos est indiquée par le suffixe "-acos".
Jusqu'où irons-nous dans les spéculations ? Évoquerons-nous un ancien culte d'Isis, auquel on relie parfois aussi la fameuse Venus de Quinipily de Baud ? Oui, pour le plaisir de prononcer ce theonyme (je voulais placer mon sceau, mon gago in, sur ce néologisme, mais ce n'en est pas un : voir Cyril Aslanov, l'onomastique divine et humaine, indice de la confusion entre transcendance et immanence). Irons-nous mentionner les grandes déesses nourriciéres des Panthéons gallois et irlandais ? Pourquoi pas, puisque nous allons pénétrer dans un sanctuaire dédiè à Venec, fils d'un roi d'Irlande.
La chapelle de Saint-Venec, comme toutes les chapelles et du moins comme toutes celles qui abritent une vierge allaitante, possède sa fontaine de dévotion, particulièrement soignée et contenant une statue du saint : Le culte gaulois des sources n'est pas loin, avec ses divinités de la fertilité.
La chapelle Saint-Venec :
"A quatre lieues de Quimper sur le bord de la route de Chateaulin on découvre au milieu de grands arbres qui la cachent presque entièrement aux regards une petite chapelle dédiée à Saint Venec. tout auprès est un beau calvaire en granit, à soubassement triangulaire, qui porte la date de 1556. Parmi les nombreux personnages, pittoresquement groupés sur les angles, autour des deux croix qui y sont plantées, on remarque les douze apôtres tenant des cartouches à demi-déroulés, sur lesquels sont gravées les paroles du Credo. Un peu plus loin est la fontaine du saint, aussi vieille que le calvaire mais plus richement ornée que ne le sont ces édicules, accessoire obligées de toute chapelle bretonne. L'église construite au XVIe siècle sur le plan d'une croix latine, n'offre, à l'extérieur rien de remarquable, et on est péniblement surpris quand on y entre de l'état de délabrement dans laquelle elle se trouve".
Ces lignes ont été publiées en 1874 dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère par M. Le Men restent parfaitement actuelles. Sans-doute le délabrement s'est-il seulement accentué, l'incurie a entraîné la disparition d'une niche gothique, mais nous pouvons poursuivre la lecture du texte, depuis près de 150 ans, rien n'a changé :
Au bas de la nef est une tribune à panneaux vermoulus grossièrement sculptés ; au milieu pend une lampe en fer [...] ; quelques sièges à moitié brisés et un ou deux confessionnaux sans porte complètent son ameublement. Cependant les débris de verre de couleur* qui restent encore dans les compartiments flamboyants de ses fenêtres, et les sculptures qui décorent les clefs de voûte et les poutres de sa charpente sont des indices certains que la pieuse sollicitude des fidèles qui l'ont fait construire n'avait rien négligé pour rendre le monument digne du saint à qui il est dédié".
*En 1905, on voyait encore des débris de vitraux avec deux anges tenant une banderolle, puis une sainte vierge et un saint sébastien.
L'impression que ressent le visiteur, lorsqu'il découvre, à gauche du maître-autel, "du coté de l'évangile", sur un fort cul-de-lampe, la délicate statue de la Vierge allaitante se détachant sur le mur aux moellons déchaussés, au crépi décrépi souillé par des ruissellement pisseux, au salpêtre verdâtre, est celle de rendre visite dans un hospice ou en sa prison à une ancienne Reine déchue qui met toute sa dignité à relever sa robe et à se préserver des eaux de sanie et des immondes fanges.
1) Notre-Dame de Tréguron :
Lorsque l'abbé Abgrall, ou le chanoine Peyron, lui rendirent visite en 1904, elle était abritée par une niche en bois, "de style de la fin de la période gothique", où une statue en bois de Sainte-Anne l'accompagnait. A l'époque, ils pouvaient lire sur le socle l'inscription NOTRE DAME DE TREGVRON, "le même vocable que la vierge de la chapelle de N.D de Tréguron en Gouezec, où elle est priée surtout par les mères et les nourrices qui ont besoin de lait pour leur nourrisson". Les services des Monuments Historiques nous procurent une photographie (de 1994 ?) de cette niche et des statues sur la base Palissy qui laisse rêveur : mais comme les droits en sont réservés, voici le lien : link On nous indique une restauration par M.Mainponte en 1956 (les ateliers Mainponte de Mondoubleau travaillent pour les Monuments Historiques depuis plus de 50 ans) . Les deux statues, rehaussées par un socle simple pour Ste Anne, un socle double pour la Vierge, retrouvent tout l'équilibre de leurs proportions .
J'ose espérer que cette niche a été de nouveau confiée à un restaurateur et que la disposition désordre que je constate n'est que temporaire.
L'inscription : NOBLE.DAME.MERE.DV.REDEMPTEVR.1592 est sculpté sur le cul-de-lampe en majuscules dont les A, à chevron, et les M sont ornés.
En 1592, Henri IV est roi de France depuis 3 ans, et il cherche à soumettre le duc de Merceur, gouverneur de Bretagne qui se révolte contre l'ascension au trône d'un ancien protestant, et qui a obtenu le soutien de Philippe II roi d'Espagne. Les paysans soutiennent majoritairement le duc de Merceur, et en 1590, lorsque la ville de Carhaix a été totalement incendiée par le Sr de Liscoët au nom du roi, les paroisses de la région, y compris Briec, se sont mobilisés pour la défendre. Henri IV ne mettra un terme à la Ligue bretonne (1588-1598) en soumettant le duc de Mercoeur qu'en 1598, puis il signera l'Édit de Nantes.
Cette statue de Vierge allaitante est la cinquième que je découvre. Elle possède des points communs avec les précédentes ou les suivantes, comme la longue chevelure lactiflue aux boucles dorées, le manteau bleu dont un pan revient sur le coté gauche, ou le corselet ouvert en V sur le sein allaitant, mais c'est la seule à ne pas être grandeur nature. Sa facture est plus gracieuse encore que les autres, son visage rayonne de tendresse, sa pose hanchée est sinueuse mais digne. Elle est la seule à donner le sein gauche, sinistre. La seule aussi à ne pas tenir le sein pour le présenter à l'enfant, mais à offrir de la main droite, comme un double du sein tété, un fruit, une figue ou plus certainement une pomme d'or qui englobe dans sa rondeur métaphorique le fruit des Hespérides, celui du serpent de l'Eden, la grenade de Perséphone et celle du Cantique des Cantiques (tu fais jaillir un paradis de grenades avec des fruits exquis, du nard et du henné, IV,13), et enfin le globe terrestre. Une interprétation théologique me paraît être de voir Notre-Dame tendre généreusement à l'humanité la même nourriture dont elle a allaité l' enfant Jésus et répondre par ce geste de maternité sprirituelle à la prière de Saint Bernard Monstra te esse matrem, "Montrez-vous notre Mère".
Autre particularité, la ceinture dorée qui remonte très haut sous la poitrine.
C'est la seule qui soit couronnée.( Celle de Kergoat l'est également, mais elle est coiffée d'un accessoire ajouté).
A la différence de ces Jésus retouchés par la pudibonderie du XIXe siècle des Vierges de Kerlaz, Lannélec ou Quillidoaré, , celui-ci est aussi mignon et naturel que possible, avec ses cheveux frisés et ses douces menottes.
Aussi cette Notre-Dame de Tréguron-ci est bien à part des autres et ne semble pas issue exactement du même atelier.
Une confidence ? Elle est peut-être ma préférée. Mais chut, ne le leur dites pas, je ne veux pas d'histoires.
La poursuite de la visite de la chapelle
a) les statues :
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle :
C'est une statue en pierre, restaurée par l'atelier Mainponte en 1956 est datée du XVe siècle. En 1994, la photographie MH montre que la tête de Jésus était déjà cassée. Elle est coiffée d'une sorte de casquette à la Charles Bovary, d'où s'échappe en ruisselant de longs cheveux qui l'apparenterait à une Vierge de fécondité (son nom de Bonne-Nouvelle s'y prête), surtout si on interprète l'espèce de pomme de pin qu'elle propose à son enfant comme dans la symbolique chrétienne de l'art roman comme symbole d'éternité (son pignon résiste au feu), de fertilité et de reproduction.
Si on veut, on y verra une grappe de raisin, comme celles qui font une frise sous l'inscription de N.D de Tréburon.
La longue chevelure est, par ailleurs, un signe iconographique de virginité retrouvé chez les vierges Saintes et Martyres.
Sainte Anne :
Sainte-Anne apprenant à lire à Marie. Mais le livre lui est tombé des mains.
Sainte Marguerite :
Statue en bois du XVe
C'est à son propos que les cheveux dénoués sont à lire comme le signe de la virginité de la patronne...des sages-femmes. Elle mérite bien cet honneur (qui est, me souffle-t-elle, plutôt une lourde charge surtout les nuits de pleine-lune) puisqu'elle est experte en maïeutique (Socrate et sa mère la vénéraient) pour s'être extraite, armée d'un simple crucifix, du ventre d'un dragon. En vrai, ce dragon, n'était le diable déguisé pour la convaincre de céder aux avances du préfet d'Antioche Olybrius. En vain, an vain, car la vierge garda la tête froide, avant de la perdre, décapitée par l'Olibrius libidineux devenu fou furieux.
Inscription : Ste Marguerite :P.P.N.
Saint Yves entre le riche et le pauvre :
L'inscription est la suivante : DEVS : QVI : BEATVM : YVONEM : CONFESSOREM Y. MOEZ 1592.
Il s'agit d'un extrait de l'oraison à Saint-Yves : Deus, qui ad animarum salutem et pauperum defensionem beatum Yvonem Confessorem tuum insignem ministrum elegisti : quaesumus, ut ejusdem nos tribuas et caritatem imitari et apud te patrociniis communiri. Per dominum...
"Dieu, pour sauver les âmes et défendre les pauvres, vous avez choisi un ministre en la personne du Bienheureux Yves, votre confesseur : nous vous en prions, donnez-nous d'imiter sa charité et d'être fortifiés auprès de vous par son patronage."
On peut penser que Y.MOEZ corresponde à un Yves Moysan.
Saint-Yves est vêtu d'un surplis blanc sur la soutane noire et d'une aumusse rouge ; au lieu de la barrette, il est coiffé d'un chaperon. Il est assis, accoudé à la cathèdre. L'iconographie de St Yves le représente soit dans sa fonction de juge du tribunal ecclésiastique ou official,en cotte et camail rouge, housse blanche parsemée d'hermines, chaussons violets, barrette rouge, soit dans celle de recteur des paroisses de Tredrez puis de Louannec. C'est donc comme recteur qu'il apparaît ici. Plus exactement peut-être, l'artiste a peut-être tenté de respecter les descriptions authentiques que les témoins ont donné d'Yves Hilory lors de son procès de canonisation en 1330 : ils signalaient "un long surcot et une cotte qui descendait jusqu'aux talons ainsi qu'un capuchon fait d'une étoffe blanche bon-marché", "un capuchon tiré sur les yeux", "une chemise de filasse grossière", laquelle dissimulait le cilice pénitentiel. En tout-cas, il avait abandonné tout signe extérieur d'attachement aux vanités de ce bas-monde, et notamment les toges douillettement bordées d'hermine.
Jadis, la niche était très probablement, comme celle des autres saints de cette chapelle dotée de volets.
Ces trios du Saint, du riche et du pauvre sont apparus dans l'iconographie principalement au XVIe siécle, suscités par des groupes d'Italie (on retrouve à San Gimignano une fresque du Sodoma figurant saint Yves entre les plaideurs), et leur densité est plus importante en Finistère qu'autour de Tréguier. 13 groupes sont dénombrés dans le Finistère au XVIe siècle, 11 au XVIIe et 1 au XVIIIe. Notre trio de 1592 se place donc au choeur de la période de production. Il est destiné, pour répondre aux orientations du Concile de Trente, à répandre l'image du Bon Clergé, consciencieux, évangélique, irréprochable : l'image du Prêtre Juste. Habillé sans ostentation. Indépendant de la noblesse et des marchands. Pratiquant la charité. Régulier dans l'exercice de ses dévotions. Toutes qualités qui paraissent aujourd'hui aller de soi mais qui, à l'époque, avaient besoin d'un peu de publicité.
(Source :Virginie Montarou, Saint Yves entre le riche et le pauvre, in Saint Yves et les Bretons, Culte, images, mémoire (1303-2003), P.U.Rennes/CRBC 2004.)
Le pauvre :
Je regrette que ma photographie soit si pâle mais les couleurs de la statue sont également bien délavées : on voit néanmoins le costume rapiécé du pauvre en un étonnant patchwork multicolore ; on note aussi qu'il porte une sorte d'étole. C'est le détail intéressant, car il s'agit vraisemblablement du sac contenant le placet de sa défense, ici un bissac. C'est ce qui me fait découvrir le rouleau lui-même, que je n'avais point vu sous le bras droit (ou bien est-ce le moignon du bras cassé ?). Le pauvre est surchargé par tous ces dossiers : ces procédures étaient coûteuses et facturées à la ligne manuscrite par les hommes de loi, alors que Saint-Yves plaidait et assistait les plaignants gratuitement.
Le riche
Comme il se trouvait abaissé en étant placé sur un pied d'égalité avec le pauvre, il s'est haussé le col en montant sur un piédestal plus élevé que le misérable faquin : pas bête.
Il s'est mis à droite, du bon coté du Saint. Le plus souvent, l'artiste représente le pauvre à droite, placé sous la protection de saint ; mais dans le groupe que j'ai photographié à Gouezec, pas très loin d'ici, le riche est aussi à droite :
L'état lamentable de l'oeuvre d'art ne fait pas honneur à la magnificence de son costume, composé d'un manteau orfrayé comme celui d'un évêque, d'une tunique au copieux boutonnage, serré par une ceinture, d'une petite fraise , de bas de chausses bleus. Sa coiffure est soignée, courte et bouclée par devant, mi-longue à l'arrière.
Mais c'est bien-sûr son aumônière qui attire mon attention, d'une part parce qu'elle est décorée à la façon des broderies des costumes bretons et que nous avons là un beau témoignage de passementerie de costume du XVIe siècle, et d'autre part puisque c'est dans cette aumonière (qui porte mal son nom ici) que se trouve sans-doute la somme d'argent avec laquelle il comptait soudoyer l'official de Tréguier.
Saint Antoine :
Statue en bois du XVe siècle (M.H )
Il est représenté en tenue monastique, et il porte un livre et un chapelet. Il est pieds nus, et ces pieds sont fort laids. Les antonins ont le privilège de laisser leurs porcs se nourrir en liberté. Les manants n'ont rien le droit de dire, mais ils sont bien contents, lorsque l'ergot de seigle les a contaminés et qu'ils sont torturés par le feu saint-antoine, de trouver l'un des dix mille moines de l'Ordre capable de les soigner.
Saint Sébastien :
Un Saint-Sébastien, c'est un Saint-Sébastien, même quand il lui manque un bras et qu'il a perdu ses flêches : et le van VW garé sur la dune avec le stickers Break the waves, not the Beaches collé sur la vitre et les oakley ou les ray ban aviator derrière la même vitre, c'est à lui. (les clefs sont sous la roue avant-gauche) ; et puis il a mis a sêcher son surfshort Toes on the nose sur son longboard. Il se protège le nez avec de la pâte de zinc. Il renforce ses adducteurs avec un leash venant de Californie mais que son coach lui a donné et dont il entoure ses deux jambes : no worries !
Sur le spot voisin, à la chapelle Saint-Sébastien de gavrinis à Briec, on voit une statue presque identique, mais le bras droit est intact et le saint est à l'abri dans une niche (beach hut) aux volets peints où quatre archers le visent . Mais le malheureux n'a pas du tout the surfer's hair à la Brice de Nice. Tandis qu'à Saint-Venec, c'est blond platine façon Kanabeach!
Seb nous a donné son secret :
_"de l'eau de mer, du vent, des beach-breaks et des reef-breaks, y'a que ça mon gars".
_ et physiquement Seb, comment vas-tu ?
_ Une shape d'enfer!
_ Seb, à quoi te sert la rope-malibu autour de tes jambes ?
_Ah, sur ma shortboard j'étais goofy alors sur une gauche j'étais backside mais les regular ils étaient frontside donc...
_ Ah c'est clair ! Où comptes-tu aller cette saison?
_ Seb (jouant avec une dent de requin taillée en pointe de flèche) :Je crois que je vais regagner Paradise, j'ai bien mérité ça.
_G'day Mate!
Christ ressuscité :
Nous l'avons vu, placé à coté de Notre-Dame de Tréguron. C'est une statue de bois du Christ au matin de Pâques sortant de son tombeau, statue grandeur nature dont on voit bien qu'elle n'est pas à sa place, et qu'elle dévalue la sculpture demi-nature de la Vierge. L'ensemble est mal proportionné et incohérent. Elle était placée en 1994 à coté de la statue de saint Antoine (photo MH, link) mais cela donnait alors l'impression que le Christ disait à son saint : "accueille moi un instant sur ton piédestal, je n'ai pas une pierre pour poser ma tête". La statue a bénéficiée également d'une restauration par Mainponte en 1956; elle est estimée dater du XVe siècle.
Saint Jacques le Mineur :
Le fils de Cléophas et de Marie (l'une des Saintes Femmes) porte le bâton de foulon qui serait l'instrument de son martyr. En effet, premier évêque de Jérusalem, il fut précipité d'une tour du Temple, puis lapidé, puis achevé avec un foulon dont on lui fracassa le crâne. Il porte un phylactère avec l'article du Credo qu'il a énoncé le premier. ( Voir Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, les vitraux.)
J'ai cru (je l'avais lu) qu'il s'agissait de Jacques le Majeur, mais celui-ci, qui a perdu la tête, ets resté à l'exterieur sur le calvaire. On peut être égaré, je le conçois, par le fait que le Majeur tienne en main un bâton, mais il ne faut pas confondre le bourdon du Majeur et le bâton à foulon du Mineur. (d'autant que ce bâton à foulon servit, selon la légende dorée, à un juif qui "d'un grand coup brisa la tête de l'apôtre et fit voler au loin sa cervelle". Et puis J- l'écervelé ne porte pas de chapeau alors que J+ porte celui de pélerin de St jacques avec ses coquilles. Enfin, on peut se rapporter à la mention S. IACOBVS MAJ et S. IACOBVS MIN qui peuvent aider les plus latinistes.
Puisqu'il est Mineur, il porte son article du Symbole des apôtres qui est le sixième, Ascendit in caelos ; sedet ad dexteram patris Dei Patris Omnipotentis, qui se résume ici à ASCENDIT AD CE.. dont on peut admirer les belles lettres I, T, A et les N aux empatements ornés.
Il reste à admirer "le grés arkosique employé dans la vallée de l'Aulne". (merci à Yves-Pascal Castel et à son site Chemins de Bretagne) :
La chapelle aux sortilèges.
Quel sortilège dans cette chapelle ? Ai-je dérangé, en plein hiver, par ma visite inattendue, les évolutions joyeuses et enchantées de personnages qui ne feignent de se pétrifier face à un touriste que pour reprendre, une fois que la porte grinçante s'est refermée, une sarabande de chaise musicale où le maître du jeu retire à chaque polka une niche, à chaque ragtime un socle, chaque fox-trot un cul-de-lampe, chaque valse un autel, où le vantail de confessional fait le baryton et la lampe rouillée la mezzo-soprano, le petit cochon de saint-Antoine la basse et le dragon de Marguerite le ténor ? Où, lorsqu'un nouveau touriste survient, Christ sort précipitament de son tombeau, Petit-Jésus cesse de jongler avec la pomme, St-Yves rend à Marguerite le dragon, les petits Jacut, Guénolé et Guennoc arrêtent de jouer à cochon-pendu pour se suspendre chacun au sein qu'il doit têter ? Et tant-pis si, d'une fois sur l'autre, Sainte-Anne s'est trompée de niche, Marguerite est encore en train de faire saute-mouton avec son dragon, Notre-Seigneur est en équilibre instable à coté de Sébastien et si Jacques le Mineur est resté par terre : c'est lui qui s'y collera, au Chat Perché.
Car si on regarde les photos de 1994, on voit qu'aujourd'hui non seulement la niche de la vierge a disparu, que ce grand Christ a sauté du piédestal de Saint-Antoine à celui de la Vierge, que Sainte-Anne n'est plus à coté de Notre-Dame, mais qu'elle est désormais accompagnée de Marie à qui elle apprend à lire ; que le livre qu'elle est censée lire est entre les mains de saint Antoine ; que Notre-Dame de Bonne-Nouvelle, jadis placée à coté de Sainte-Marguerite, s'est déplacée sous la fenêtre ; que St Guennoc dans sa niche n'a plus les deux saint-évêques qui l'encadraient.
Le même sortilège a frappé le photographe des Monuments Historiques, ou du moins sa collection de clichés, link, puisque Saint-Yves s' est échappé, suivi de son riche et de son pauvre, dans la chapelle Saint-Sébastien de Garnilis sous le n° 290000083 et que le cliché de Saint Guénolé sous sa niche est venu illustrer la notice de Sainte Guen (sainte Blanche) et ses trois fils. Il n'est peut-être pas bon que je m'attarde ici...
II. Le calvaire de saint-Venec :
Difficile de ne pas dire, comme partout, que ce calvaire de base triangulaire, daté par une inscription 1556, montre Notre-Dame de Pitié tenant son fils sur ses genoux, Saint-Jean Baptiste, ou les douze apôtres tenant chacun leur article du Symbole. Il faut contourner l'édifice pour découvrir une belle Véronique, patronne des photographes, présentant la Vraie Icône.
Les supports des statues sont formés par des êtres humains étrangement contorsionnés. Tout-en-haut, la Vierge, et une place vide là où on s'attendrait à trouver Saint Jean, qui est à l'étage médian, tenant la coupe du poison dont il a triomphé. A ses cotés, c'est la très belle statue de Sainte Madeleine, mains jointes, la tête saisie par une convulsion de chagrin qui la projette en arrière. De part et d'autre, deux apôtres, Saint Pierre et Saint Jacques le Majeur.
Autour du Christ, trois anges recueillent dans un calice le Précieux Sang.
Bon ou mauvais, les larrons se recroquevillent de douleur sous la morsure des lichens.
La Vierge de Pitié entourée des saintes femmes et Madeleine ulcérée :
On remarque son flacon de parfum qu'elle a posé à ses pieds ; on note son élégance, son col et ses poignets gaufrés ou ruchés ( ah, c'est mon grand regret de n'avoir pu, comme Marcel, bénéficier auprès de la Duchesse de Guermantes de cette initiation à la toilette féminine qui est comme l'adoubement indispensable, le vrai viatique de la vie mondaine, mais qui s'avère tout aussi indispensable à l'exploration de l'art religieux, de n'y avoir pu feuilleter le Petit Echo de la Mode en discutant des volants, des ruchés, des bouillons de dentelle ou des éffilés de jais de la dernière collection avant de pour pouvoir décrire ainsi la robe d'Albertine : "Elle était envahie d'ornementation arabe comme Venise, comme les palais de Venise dissimulés à la façon des sultanes derrière un voile ajouré de pierre, comme les reliures de la bibliothèque Ambrosienne, comme les colonnes desquelles les oiseaux orientaux qui signifient alternativement la mort et la vie, se répétaient dans le miroitement de l'étoffe, d'un bleu profond qui, au fur et à mesure que mon regard y avançait se changeait en or malléable, par ces mêmes transmutations qui, devant la gondole qui s'avance, changent en métal flamboyant l'azur du Grand Canal. Et les manches étaient doublées d'un rose cerise qui est si particulièrement vénitien qu'on l'appelle rose Tiepolo."
Regardez ces manches que Madeleine tend en un geste poignant et écoutez le bruit de l'étoffe , voyez " l'inflexion du corps qui fait palpiter la soie comme la sirène bat l'ombre et donne à la percaline une expression humaine", humez ce parfum et laissez la bergamote de tête se marier à ses notes de fond de santal et d'opopanax... et je vous jure que vous saurez, avec cette certitude bouleversante, que ces manches et ce col magdalenéen vibrent de ce rose cerise qu'on appelle rose "Tiepolo".
Saint Jean :
Le credo apostolique.
Ils ne sont pas si fréquents, les Credo où les apôtres, déroulant leur phylactère, proclament les uns après les autres les douze articles du Symbole des apôtres, et où ces banderoles sont encore lisibles. J'avais découvert cela sur le vitrail de Kergoat, où il se double d'un Credo prophétique mais qui ne montre que Pierre, André, Philippe et Jacques. En sculpture, le plus beau se trouve sous le porche de l'église Saint-Herbot à Plonevez du Faou et date de 1481. Les versets y sont cités intégralement, en utilisant les tildes abréviatifs. Cette citation intégrale que l'on rencontre à la fin du XVe va laisser la place à une citation bréve au milieu du XVIe, comme sur le calvaire de Saint-Venec.
Liste des credo gravés ou sculptés en Bretagne link:
- Plonevez du Faou, èglise St Herbot, porche
- Briec, chapelle Saint-Venec, calvaire,
- Sizun, ossuaire,
- Larmor-Plage, porche.
- ( Porte d'entrée du cimetière moderne de Ploaré à Douarnenez : Pierre et Jean)
Ici, à Saint-Venec, il ne manque que Saint Barthélémy, et Saint Jacques le Mineur qui est rentré à l'intérieur. Leur texte est raccourci, allusif ; en voici la liste, telle qu'elle a été publiée par Yves-Pascal Castel dans les Cahiers de l'Iroise de janvier 1991, mais que j'ai trouvé sur le site breton.coatmeal.free.fr ici: link Je la complète par St Philippe et St Jacques et je rajoute l'attribut quand je le peux. Pour l'histoire du Credo apostolique et pour les versets dans leur intégralité, je renvoie à mon article de Kergoat : Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, les vitraux. :
S. PETRUS : CREDO IN DEVM : La clef.
S. ANDREAS : ET IN IESVM : La croix de St André.
S. IACOBVS MA : QVI CONCEPTVS, : Le chapeau, la coquille, le bourdon, la gourde
S. IOANNES : PASSUS SB PONCIO : le vase ; Jean ets imberbe
S. THOMAS : DESCENDIT AD INFEROS : l'équerre d'architecte
S. IACOBUS MI : ASCENDIT AD CE(LOS) : le bâton de foulon
S. PHILIPPE : INDE VENTURUS EST : la croix à double traverse
S. Barthelemy absent :le couteau
S. MATTEVS : SANCTAM ECCL (ESIAM) : la lance
S. SIMON : REMISSIONEM PECCA (TORVM) : la scie
S. IUDE : CARNIS : la massue
S. MATHIAS : VITAM AETERNAM AMEN : la hache ou la hallebarde. Il pourrait aussi avoir la courte-paille, puisque c'est lui qui fut tiré au sort parmi les disciples pour remplacer Judas.
Et, me direz-vous avec votre perspicacité légendaire, l'apôtre Paul alors ? Et bien, Paul est le treizième des douze apôtres, mais s'il demande parfois à ses collègues du Collège apostolique de se serrer pour qu'il s'abrite aussi sous les porches méridionaux de nos églises*, il ne figure pas dans le Credo Apostolique. Avec tous les épîtres qu'il a écrit, ce n'est pas une banderole qu'il tiendrait, mais une de ces "paperoles" que Celestine Albaret collait aux manuscrits de Proust pour compléter une phrase longue comme un jour sans pain par une addition interminable de nouvelles propositions, avant d'en coller une nouvelle, et puis...
* A Penhors, c'est Thomas qui a cédé sa place à Paul :http://www.penhars-infos.com/article-saints-en-bretagne-le-porche-de-treffrin-77708656.html
Je montrerais quelque-uns des bons apôtres de saint-Venec; on admirera les lettres ornées et fleuronnées. Chaque apôtre tient, en plus de son attribut, un livre : non seulement les évangélistes, mais aussi les autres, comme s'ils portaient les Actes des Apôtres.
Saint Pierre tient son phylactère : ST. PETRUS. CREDO IN DEVM
Philippe :
L'apôtre n'a plus toute sa tête mais il tient son phylactère où est inscrit INDE / VENT, suffisant pour décrypter Inde venturus est iudicare vivos et mortuos, "d'où il reviendra juger les vivants et les morts" : c'est donc Philippe, et l'attribut qu'il porte est la croix de son supplice. On le crucifia, à l'age de quatre-vingt six ans, mais on ne le cloua pas à la croix comme son Maître : on l'y attacha, comme on voit le faire pour les larrons.
Outre la croix, il tient un livre dans la main gauche, qu'il ne lit plus beaucoup.
D'après l'abbé Yves-Pascal Castel, c'est durant la dernière guerre que des malotrus visérent les têtes de ces apôtres pour faire des cartons, laissant la trace indélébile de leur confondante Bêtise. L'immonde Bête à sept têtes et à dix cornes, au moins.
Saint Thomas : l'apôtre récite cet article : descendit ad inferos et il omet la fin, tertia die ressurrexit a mortuos.
Il descendit aux enfers, il ressuscita le troisième jour.
L'équerre est bien là, portée sur l'épaule droite,
Saint Mattias : Vitam aeternam Amen.
Il tient le long manche d'une possible hache.
Sources :
Notice sur Briec, chanoines Abgrall et Peyron,, Bull. Dioc. Hist. Archeol. Quimper, 1904, 400-404 :
http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf_notices/briec.pdf
Le Men, Bull SAF 1884 p. 104 : sainte Guen Teirbron , Alba Trimammis.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k207549n/f106.r=teirbron.langFR
Bonus
Les Éditions Lavieb sont heureux d'offrir aux acquéreurs de ce coffret collector "Vierges allaitantes" un bonus qui restait introuvable :
Histoire des apôtres déchaussés.
Les Apôtres aux pieds nus.
On remarquera que les apôtres représentés à Saint-Venec sont tous nu-pieds : selon les codes de l'art statuaire religieux, seuls Dieu, Jésus et les apôtres peuvent être figurés pieds-nus, et en aucun cas la Vierge et les saints (Émile Mâle). Cette tradition iconographique se conforme au verset de l'Évangile de Matthieu 13, 10 : " non peram in via neque duas tunicas, neque calceamenta, neque virgam ; dignum enim est operarius cibo suo."
Le plus simple est de citer le chapitre 10 de Matthieu (Trad:R.P de Carriéres 1840)
- Alors, Jésus ayant appelé ses douze disciples, leur donna puissance sur les esprits impurs pour les chasser, et pour guèrir toutes les langueurs et toutes les maladies.
- Or voici le nom des douze apôtres : le premier Simon, qui est appelé Pierre, et André son frère;
- Jacques, fils de Zébédée, et André son frère, Philippe et Barthelemy, Thomas et Matthieu le publicain, Jacques fils d'Alphée et Thadée;
- Simon Cananéen et Judas Iscariote, et qui est celui qui le trahit.
- Jésus envoya ces douze, après leur avoir donné les instructions suivantes : n'allez point vers les gentils, et n'entrez point dans les villes des Samaritains,
- mais allez plutôt vers les brebis perdus de la maison d'Israël.
- Et dans les lieux où vous irez, prêchez, en disant : que le royaume des cieux est proche
- Rendez la santé aux malades, guerissez les lépreux, chassez les démons : donnez gratuitement ce que vous avez reçu gratuitement.
- N'ayez ni or, ni argent dans votre bourse,
- ne préparez ni un sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni souliers, ni bâton : car celui qui travaille mérite qu'on le nourrisse.
Dom Calmet signale pourtant que St Marc (6, 9) écrit que Jésus autorise des disciples à porter des sandales dans leurs voyages : Sed calceatos sandaliis (Vulgate et Vulgate Clémentine), Sed ut calcearentur sandaliis (Nova Vulgata Vaticanii II) "Allez chaussés de sandales et ne mettez pas deux tuniques". Les sandales/sandaliis de Marc sont-elles différentes des souliers/calceamenta de Matthieu ? Que disent les textes en grecs ? le mot calceamenta de Matthieu est la traduction de ὑποδήματα,et les mots calceatos sandaliis de Marc sont traduits du grec ὑποδεδεμένους σανδάλια.
Mais est le terme prononcé par Jésus, qui ne parlait pas grec, mais araméen ?
Lexique :
- calceatos : du verbe calco, marcher
- calceamen, inis : chaussure, soulier
- calceamentum, i : chaussure, soulier
- Calceatus, us : chaussure
- calceus, i : soulier, brodequin, à larges lanières et lacèes au dessus de la cheville.
- calceolus, i petit soulier, bottine
- caliga : espèce de sandale portée par les soldats romains et souvent ferrée.
- sandalium,ii : sandales (pour les femmes).
Munis de ces éléments linguistiques, pouvons nous conclure? Non, ce serait oublier saint Luc, dont l'Évangile (22, 35) fait dire au Christ : "lorsque je vous ai envoyé sans bourse, sans sac, sans chaussure, (sine sacculo et pera et calciamentis) avez-vous manqué de quelque chose ?"
Jésus lui-même portait des chaussures à courroies, puisque Jean-Baptiste se déclare indigne de les délacer cujus non sum dignus procubens solvere corrigiam calceamentorum ejus, (Marc 1, 7) (Luc, 3,16), ou de les porter, non sum dignus calceamenta portare (Mat, 3,13).
Devant ce point ardu d'herméneutique, Dom Calmet, qui se refuse à donner tort à Marc, qui permet les sandales contre Matthieu qui interdit les chaussures, soutient qu'il faut lire "ne préparez ni un sac pour le voyage, ni deux tuniques, ni (deux paires de) souliers" estimant que, quoique ce soit l'usage dans l'antiquité de faire porter par son esclave une paire de souliers de réserve ( et Jean-Baptiste se déclare alors indigne d'être, ne serait-ce que l'esclave du Christ chargé de cette deuxième paire), les apôtres en auront bien assez d'une seule.
Ne pensons pas que Dom Calmet, s'il ne donne pas raison aux artistes et tailleurs de pierre du Moyen-Âge et de la Renaissance qui s'obstinèrent à laisser les apôtres pieds nus, traite ce sujet par dessus la jambe parce qu'il méconnaît les arcanes de la cordonnerie antique. Que nenni ! Sachez que le père d'Augustin Calmet, bénédictin de la Congrégation de Saint-Vanne et de Saint-Hydulphe et abbé de Senones était maréchal-ferrand ; et que lui-même, loin de se contenter d'écrire le Traité sur les Vampires tant moqué par Voltaire, consacra douze pages (235-247) de son Commentaire sur la Régle de saint Benoît (1734) à l'étude de ce passage du chapitre LV de la Régle Indumenta pedum, pedules et caligas, "ils auront pour vêtement des pieds, des bas et des souliers" et disserta sur les pedules, ou chaussons de laine pour l'hiver, et les caligas, chaussures à semelle de bois ou de cuir attachée par des courroies à la cheville. La calige était une chaussure militaire (proche de notre sandale) , "d'où vient qu'on donna au jeune Caïus, fils de Germanicus, le surnom de Caligula (bottine de soldat) à cause de cette chaussure qu'il portait dans le Camp." On y apprend que les moines de Saint-Vanne recevaient le Jeudi-Saint deux paires de chaussures ( duo paria calceamentorum) et autant de chaussons attachés par derrière (pedules retrorsum) : de quoi faire des envieux chez Pierre, Paul, Jacques et les autres.
Il fallu attendre 1542 et Thérèse d'Avila pour que les Carmes déchaussés renoncent aux chaussures et adoptent les sandales en bois.