Vierges allaitantes VII
Chapelle Notre-Dame de Lannelec à Pleyben.
Chapel Itron Varia Lanneleg
Première partie :
Présentation ; La Vierge.
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Je reprends un article de 2012 en le complétant de commentaires et de photos de 2019.
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1°) Cet article appartient dans ce blog à la série des Vierges allaitantes (avec 4 articles consacrés à Lannélec):
- Virgo lactans ou miss Néné ? Les candidates du Finistère. Les Vierges allaitantes.
- Vierges allaitantes I : N.D de Tréguron à Gouezec, la chapelle et ses saints.
- Vierges allaitantes I : Notre-Dame de Tréguron à Gouezec: les Vierges.
- Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, la chapelle
- Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, les vitraux.
- Vierges allaitantes II : Kergoat à Quéméneven, la Vierge.
- Vierges allaitantes III : Chapelle de Quillidoaré à Cast, la Vierge..
- Vierges allaitantes III : Quillidoaré à Cast, la chapelle et les vitraux.
- Vierges allaitantes III : Quillidoaré, la légende du Marquis de Pontlez et l'histoire.
- Vierges allaitantes IV : Kerlaz, la Vierge.
- Vierges allaitantes IV : Kerlaz, les statues et inscriptions.
- Vierges allaitantes IV, Kerlaz, église Saint-Germain, les vitraux, 1ère partie..
- Vierges allaitantes IV, Kerlaz, église Saint-Germain, les vitraux, 2eme partie
- Vierges allaitantes IV, Kerlaz, église Saint-Germain, les vitraux, 3ème partie.
- Vierges allaitantes IV, Kerlaz, église Saint-Germain, les vitraux, 4ème partie.
- Vierges allaitantes V : Saint-Venec à Briec. Notre-Dame de Tréguron et les autres statues.
- Vierges allaitantes V : Saint-Venec à Briec : sainte Gwen Trois-mamelles et ses fils
- Vierges allaitantes VI : Kerluan à Chateaulin, la chapelle, inscriptions.
- Vierges allaitantes VI : Kerluan à Chateaulin, vitraux et statues.
- Vierges allaitantes VI : Kerluan à Chateaulin : la Vierge ressuscitée
- Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, la Vierge.
- Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, Ste Barbe.
- Vierges allaitantes VII: Lannelec à Pleyben (3) mobilier et statues.
- Vierges allaitantes VII : Lannelec à Pleyben, les vitraux
- Vierges allaitantes VIII : Pleyben, la statue enterrée.
- Vierges allaitantes IX : Chapelle de Bonne-Nouvelle à Locronan.
- Vierges allaitantes X : La chapelle St-Denis de Seznec à Plogonnec.
- Chapelle Sainte-Marine à Combrit : la Vierge allaitante et la bannière Le Minor.
- Vierge allaitante : Notre-Dame de Kergornec à La Forest-Fouesnant.
- La Vierge allaitante de la chapelle de la Présentation, cathédrale de Burgos.
- La Vierge allaitant de la chapelle de Languivoa à Plonéour-Lanvern (29).
- Vierges allaitantes : le bandeau de cheveu.
- La Vierge allaitante de l'oculus des vitraux de Chartres.
- La Vierge allaitante de la chapelle de Notre-Dame-du-Tertre à Châtelaudren.
- La Vierge allaitante de Saint-Vénec au château de Kerjean (29).
- La Virgo paritura de Plomeur (29).
- Vierges allaitantes : Nostre-Dame de Joye à Guern (56).
- La chapelle Notre-Dame de la Roche à Saint-Thois.
- Le retable de Notre-Dame-du-Bon-Secours, église de La Roche-Maurice (29).
2°) Il appartient aussi à la série consacrée à Pleyben et ses chapelles :
L'église
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La charpente sculptée de l'église de Pleyben (1571) par le Maître de Pleyben : le transept sud.
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Le sacraire (bois polychrome, deuxième moitié du XVIe siècle) du chœur de l'église de Pleyben.
Les chapelles :
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La chapelle Notre-Dame de Lannelec à Pleyben. Deuxième partie : Sainte-Barbe .
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La chapelle Saint-Laurent en Pleyben. L'édifice (XVIe, 1662, 1731, 1776, 1808,...).
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La chapelle Saint-Laurent à Rozalghen en Pleyben. Le calvaire (Bastien Prigent, vers 1555).
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La chapelle de la Trinité (An Dreïnded) de Lanridec en Pleyben.
3°) Voir aussi :
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En 1990, Madame Philomène Le Douzen, paroissienne émigrée aux États-Unis, laissa à la commune un legs important qui permit la restauration des six chapelles tréviales de Pleyben. Depuis, les fonds récoltés par l'Association de sauvegarde lors des pardons, et les soins dont ils entourent leur chapelle permettent de découvrir un sanctuaire qui met remarquablement en valeur les trésors qu'il renferme. Je remercie ces bénévoles de l'accueil qui a rendu possible ma visite en plein mois de janvier 2012.
Le pardon a lieu le troisième dimanche de septembre.
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I. Présentation
Voir : Florent Maillart, Chapelle de Lannelec, Pleyben, Inventaire général du patrimoine, 2009 link
: idem, Calvaire, link
La chapelle Notre-Dame de Lannelec, la plus grande de la paroisse de Pleyben, est l'ancienne "trève de l'évêque", trefnescop, ce qui correspondrait (sans aucun élément probant) à un ancien prieuré de Landevennec ; elle date du XVe siécle (une date mentionne sur la dernière colonne du coté droit :lan mill CCCCXX et X ( 1490) fut fondée ceste église) et sa position surélevée indiquerait qu'elle fut bâtie sur une ancienne motte féodale arasée, bien que d'autres (H. Pérennés, Bdha 1938) parlaient d'ancien camp romain.
Le toponyme peut faire envisager la présence d'un de ces moines irlandais qui ont émigré pour évangéliser la Bretagne au V et VIe siècle : un certain Eleg aurait fondé ici son ermitage, Lann.
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Sur cette trève se trouvait, ou régnait, le manoir de Keranclanff, dont le seigneur, Thomas le Roy, fonda en 1473 une chapellenie à Lannelec. (un chapelain, prêtre qui vivait au village, desservait la chapelle et percevait une rémunération).
Dans la première partie du XVIe siécle, le fief appartient aux de Kergoët, dont le berceau est à st Hernin. Ils blasonnaient d'argent à 5 fusées rangées et accolées de gueules, accompagnées en chef de quatre roses de même. Leur devise était : en christen mad me bev en Doué.
En 1553, la terre passe dans la famille du Bouëtiez de Kerorguen, dont le berceau était près d'Hennebont. Ils blasonnaient d'azur à deux fasces d'argent accompagnées de six besants d'or.
Jean du Bouëttiez prit une part si active et si violente à la Ligue que le duc de Merceur lui fit couper la tête, pour les nombreux méfaits dont il se rendit coupable sur la paroisse voisine de Guengat.
Rappellons que la guerre de la Ligue opposait le duc de Merceur, soutenu par les paysans et qui représentait le parti catholique, contre les "royaux" d'Henri IV, récent roi de France et recemment converti au catholicisme, mais soutenu par les Réformés ou protestants. Parmi ces derniers appartenait Jacques de Guengat, homme de guerre. Le jeune Du Bouëttier aidé de vingt-cinq à trente brigandeaux, se saisit du château de Guengat, où il se retrancha. Il pilla, ravagea, faisant des prisonniers, violant et tuant comme s'il eût été en terre de conquête, tant que les ligueurs de Quimper furent contraint de l'assiéger. Il capitula à condition d'avoir la vie sauve. En ce siège mourut grand nombre de paysans ainsi qu'Allain de Marhallat. (Chanoine Moreau, Histoire de Bretagne, chap. V)
D'après le rôle des contributions de 1751, la seigneurie de Keranclanff s'étendait sur 18 villages de Pleyben.
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La chapelle comprend sous une forme en tau une nef centrale à quatre travées, deux bas-cotès, deux transepts, une abside droite, une sacristie. Elle renferme cinq autels de pierre.
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Le CALVAIRE.
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Voir CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère Pleyben 1474
http://croix.du-finistere.org/commune/pleyben.html
Voir aussi
http://patrimoine.bzh/gertrude-diffusion/dossier/calvaire/7f8828b9-e51d-48f2-96c9-6cf5fc2eacf6
Ce calvaire du XVIe siècle de 5 m. de haut associe emmmarchement en moellon de grès arkosique et de schiste à un degré, un soubassement en pierre de taille de grès arkosique, un socle carré en grès arkosique, un fût chanfreiné en granite, et une croix, et des parties sculptées en kersantite.
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Sur la croix à fleurons-boules, le Christ est entouré de deux anges hématophores, recueillant dans leur calice le sang s'écoulant des plaies des mains et du flanc.
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Le Christ a la tête incliné et les yeux clos, il est couronné d'épines aux brins parallèles, les cheveux tombent en mèches devant les épaules, les bras en V étirent les côtes à l'horizontale, le nombril est en bouton, le pagne à olis croisés est noué à gauche par un nœud volumineux, tous critères relevant du style de Bastien et Henri Prigent de Landerneau, sans que cela suffise à leur attribuer ce calvaire bien qu'ils aient été fort actif à Pleyben dont ils sculptèrent le calvaire de l'église en 1555.
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Sur le croisillon à droite du Christ, Dimas ou Dismas (du grec dysme, "crépuscule"), le bon larron, les bras liés à la traverse d'une crux comissa, lève son regard vers le Crucifié. Cf Luc 23:42-43. Ce fut le premier à entrer au Paradis, il fut canonisé.
Son pagne est lisse, sans plis ni nœud.
Les jambes sont fléchies, selon une tradition générale à la Bretagne et qui rappelle que, dans l'évangile de Jean 19:31-32, les larrons eurent les jambes brisées (afin de s'assurer de leur mort et pour éviter que les corps restent en croix un jour de sabbat particulièrement solennel).
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Le mauvais larron Gesmas baisse la tête et tire la langue au Christ.
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g. k. s. 5 m. XVIè s. Soubassement élevé. Fût à pans, griffes. Croisillon, consoles, gibets des larrons (deux statues manquent). Croix, fleurons-boules, crucifix, anges aux calices, Vierge à l’Enfant, écu muet. [YPC 1980]
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Sur l'autre face, tournée vers l'est, est représenté un Christ au lien, comme à Saint-Sébastien de Saint-Ségal, au calvaire de Saint-Ségal, ou à la chapelle Saint-Laurent de Pleyben.
Curieusement, Yves-Pascal Castel décrit ici en 1980 une Vierge à l'Enfant.
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Le nœud du calvaire (entre les croisillons) a dû être mal orienté au remontage, car sur cette face orientale se trouvent les deux anges recueillant le sang des pieds du Christ crucifié de la face occidentale. Inversement, le nœud qui devait se trouver sous le Christ aux liens est un blason, muet.
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LES INSCRIPTIONS DE DATATION (par ordre chronologique).
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1°) Inscription de fondation : 1490.
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Une inscription en français en caractères gothiques, placée sur le premier pilier sud-est, nous apprend l'époque où fut construire la chapelle : LAN . MILL . CCCC . IIIIXX . ET. X FUT . FONDE . CESTE . EGLISE.
"lan mill CCCCIIIIXX et X fust fondé ceste esglise ».
Cette date est proche de la mention en 1473 d'une chapellenie (cf. supra) .
On peut regretter qu'un peintre zélé l'ai badigeonné au blanc, quand on connaît la beauté du grain de kersanton, sa faculté à prendre la lumière et avec un estampage, à augmenter sa lisibilité.
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Il faut attendre 50 ans pour les datations suivantes.
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- 1546, MATER : DEI : ORA : PRO: ME (Mère de Dieu priez pour moi) : panneaux sculptés de l'ancienne porte nord. Un donateur est agenouillé devant le prie-dieu face à la Vierge à l'Enfant et adresse à elle sa prière..
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- une inscription disparue sur cette porte (dont deux panneaux sculptés ont été conservés et sertis dans un encadrement moderne) est citée par Guy Leclerc : 1546 FUST/ FAICT P G FAVENNEC. Or, on lit actuellement sur une pierre placée dans le mur intérieur d'un transept : V. C PAVENE.I ( un Jacques Favennec né en 1610, est attesté à Pleyben) .
On pense à Germain FAVENNEC, maçon et architecte avec son frère François, mais ceux-ci intervinrent à Pleyben en 1718.
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- la statue de sainte Barbe est datée par inscription de 1578 . Celle de Notre-Dame de Lannélec relève approximativement de la même date.
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Puis s'écoulent près de cent ans avant la pose de deux statues d'apôtres en 1667, celles de (St André) et de St Matthieu..
La chapelle de Lannélec reçut au cours des âges des restaurations et des embellissements : les sablières et les blochets les statues, les autels portent diverses dates : 1578, 1619, 1664, 1667, 1742.
- 1742 sur la porte de sacristie
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Puis :
- F. FAIRE PAR F. LE ROUX Fabriqve LAN MDCCLXIV (1764) au dessus de la porte nord.
- F (fait) fair par M. Léon, recteur : de : Pleiben : M. : Guillaume : Le : Born. Gan : Palant : Mathias : Direson : fabric : fait lan 1772. Yves Rioual fabric. sur les lambris de l'un des transepts. Le recteur Guillaume Léon a aussi mis son nom au confessionnal de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal.
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La sacristie de 1741.
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La sacristie porte l'inscription de sa construction : IAQ : PLASSART : FABRIQVE : 1741
La généalogie de Louis Le Brun indique Jacques PLASSARD, né le 19 février 1717 à Menez Guenn à Pleyben, fils de Jan Plassard et de Françoise LE PAIGE (1687-1733).
https://gw.geneanet.org/zardoz?lang=en&iz=1542&p=jacques&n=plassard
Sauf homonymie, Menez- Guen se trouve à l'est de Lannélec, sur le Cloître-Pleyben
On sait qu'à la suite du Concile de Trente, et surtout d'un édit royal, les églises et chapelles firent construire une sacristie afin de protéger les revenus de la fabrique ou les objets de valeur ; c'est donc une pièce protégée des effractions par des fenêtre à barreaux et une forte serrure. Le conseil de fabrique est tenu de s'y réunir. Elle ne doit pas être trop humide, et doit donc se trouver au sud ou à l'est. Elle doit disposer d'un lavabo et d'un oratoire pour le desservant.
L'église de Pleyben fit construire sa sacristie en 1680-1690 ; elle fut reconstruite en 1719. Celle de Gars-Maria date de 1729. A Lanridec, la chapelle dispose d'une armoire de sacristie datée de 1664.
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On signale aussi :
- le 19 février 1764 fut bénite une cloche baptisée Marie
- La flèche du clocher date de 1883
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L'élément décoratif majeur est le maître autel surmonté de la maîtresse-vitre et encadré par les deux niches gothiques : celle de la Vierge à l'enfant du coté de l'évangile, celle de Sainte Barbe du coté de l'épître.
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Pour conclure cette présentation, je reprendrai la notice de l'Inventaire Général :
"La chapelle a été construite dans une enceinte aujourd´hui arasée qui pourrait se rapporter au Moyen Age. Les parties les plus anciennes de l´édifice datent de 1490 (inscription en lettres gothiques sur le pilier sud-est). Mais, dans son ensemble, la chapelle date du 16e et du 17e siècle ainsi que les sablières, les autels et les verrières (restaurées au 19e siècle). Vestiges de vitraux anciens dans la maîtresse-vitre dont cinq blasons pouvant correspondre à ceux des seigneurs de Ker-an-Claff ou Kerc'hlany, prééminenciers supposés de la chapelle. Elle a été restaurée en 1764 par le fabricien F. Le Roux (date et inscriptions portées au dessus de la porte nord, date également portée sur la cloche). La flèche date de 1883. Sacristie construite en 1741 à l'initiative de Jacques Plassart, fabricien (date et inscription sur le linteau d´une des fenêtres), avec un vantail de porte daté 1742."
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"Édifice de plan en T à chevet plat. Nef à quatre travées séparée des bas-côtés par des piliers octogonaux en arc brisé, moulurés à pénétration directe. Bas-côtés éclairée au nord et au sud par une porte en plein cintre et une fenêtre en arc brisé à réseau. Bras de transept éclairés au nord et au sud, mais aussi à l´ouest par deux fenêtres en arc brisé. Cinq autels sont conservés : le maître-autel, deux dans les chapelles latérales, et deux dans les bas-côtés. Sol couvert de grandes dalles de schiste. Sablières et blochets sculptés (dans le transept et le choeur). Lambris de couvrement. Massif occidental avec chambre de cloches surmontée d´une flèche. Sacristie hors-oeuvre de forme hexagonale."
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II. Notre-Dame de Lannélec
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C'est la Vierge allaitante dont la présence motive ma visite.
Elle est présentée dans une niche à gauche de l'autel en vis-à-vis d'une autre niche dédiée à Sainte Barbe : c'est ce que l'on retrouve encore à Kerlaz (face à Saint-Germain), à St-Venec en Briec (face à Saint Venec), et c'était peut-être aussi le cas à Quillidoaré, voire dans les autres chapelles abritant des Virgo Lactans. Dés lors, je suis amené à penser que Sainte Barbe a été la patronne ou la co-patronne de la chapelle, mais je n'ai pas rencontré cette mention chez les auteurs de monographie.
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La niche et son volet historié.
La niche historiée est l'une des mieux conservées qu'il m'a été donné de voir ; mais seul le volet droit est présent. Elle porte l'inscription NOSTRE. DAME. DE. LANNELEC en un mélange de lettres capitales et minuscules ; les deux N sont conjoints, le C final est sus-inscrit, sans qu'on devine la raison de cette abréviation puisque le calligraphe ne manquait pas de la place nécessaire.
Des pampres de vigne et des grappes de raisin dorées grimpent en bas relief sur les cotés pour atteindre le linteau, décoré de nouvelles grappes peintes et d'entrelacs de feuillage. Au centre, où se trouve souvent un emblème (armoiries, symbole) est peint un personnage en prière, mains jointes.
Au sommet vient se placer un haut élément à trois pans encadrés par des pilastres, des panneaux ajourés comme des moucharabiehs d'or _ des grilles de confessionnal, des claustra_ par des ornements gothiques aux reflets vermeils. Et cet échafaudage culmine en un dernier placard, tout aussi doré, mais dont l'artiste a pris la peine de travailler les ajours pour dessiner des croix enchevêtrées.
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Le volet aux trois panneaux :
1. l'Annonciation
La représentation est classique : l'ange Gabriel trace de la main droite une bénédiction (Tu es bénie, Marie) et prononce les paroles Ave Maria gratia plena Dominus tecum, qui viennent s'enrouler autour d'un sceptre fleurdelisé lui même placé au dessus d'un bouquet de lis martagon placé dans un vase : cet axe médian entre l'espace divin à gauche et l'espace profane de droite est aussi l'axe vertical qui relie Dieu-le-père avec la terre, signifiant sa décision d'incarnation.
Cet alignement surabondant de symboles semble réciter les Litanies :
- le vase : vas spirituale, ora pro nobis, vas honorabole, o.p.n, vas insigne devotionis, o.p.n (litanies de Lorette)
- le lis, emblème de virginité : sicut lillium interspinas, comme le lis au milieu des épines (O Sanctissima, ou Cantique des Cantiques)
- la colonne : Colonne immaculée de notre foi (Litanies de l'Immaculée Conception)
La Vierge, traditionnellement vêtue de bleu, les cheveux sagement couverts d'un voile, recule par stupeur dans un geste et une posture qui parvient à associer l'acceptation et la surprise.
Dieu coiffé de la tiare tient le globe terrestre, et bénit de la main droite tandis que son souffle de lumière divine envoie la colombe de l' Esprit Saint féconder l'Immaculée avec le même entrain qu'un convive de la Saint-Sylvestre soufflant dans une langue de belle-mère.
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2. La Visitation.
La sculpture en bas-relief obéit encore à l'iconographie traditionnelle; l'espace est soigneusement construit par les deux arcades, la ligne horizontale du mur, et l'angle du bâtiment ; la perspective est approximative. Sainte Élisabeth, habillée de sa robe verte traditionnelle, pose sa main sur le ventre de Marie et se réjouit de la naissance à venir sous les yeux de Zacharie, coiffé d'un turban.
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3. la Nativité.
L'image est si conventionnelle qu'il est inutile de la commenter, sauf à considérer les chausses de Joseph, témoin du costume du XVIe siècle, et le pot à feu, symbole de Vie ou de Charité.
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NOTRE-DAME DE LANNÉLEC
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La statue et la niche ont été restaurées en 1977.
Cette statue en pierre polychrome (kersanton, selon Amamiya) mesure 1,86 m.
C'est une Vierge Allaitante tout à fait semblable à celles que j'ai déjà présenté, mais les vêtements de celle-ci sont particulièrement riches et colorés. Les couleurs sont les mêmes qu'à Kerlaz (manteau) ou qu'à Kergoat (robe) : large manteau drapant bleu frappé de motifs dorés, au revers rouge, et dont le pan gauche est retenu par l'annulaire ; corselet doré dont l'ouverture s'entrebaille sur un soufflet de même étoffe : robe largement élargie sous la taille par une sorte de vertugadin, et qui se compose d'une première robe-tablier plus épaisse qui se soulève et fait retour vers la ceinture pour dévoiler un revers soyeux de couleur verte (qu'on retrouve aux manches), et de la robe elle-même qui tombe sur le sol, ne laissant apparaître qu'un bout de chaussure rouge.
Cette vierge est couronnée par un attribut peint sur un ciel bleu constellé et ondoyant.
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L'inscription :
Le long du bord de la robe court une inscription qui a été déchiffrée
- par H. Pérennés comme : Nostre Dame de M.R.I.C.S (miséricorde ?) PE pour nous,
- et par René Couffon comme :Nre : dAME MRCIS PE : POVR,
- par Guy Leclerc comme : N(o)TRE DAME DE M(e)RCIS P(ri)E POUR
- alors que je lis N˜RE : dAME : dE : M˜RICO˜/PE : POVR
Les tildes abréviatifs transforment N˜RE en NOTRE et M˜RIC.. en MISERICOR/PE
Sachant que les D sont ici, comme c'est souvent le cas, écrit en onciale et non en notre D majuscule (voir : dAME), je pense que ce que nous lisons PE est en réalité dE, la lettre d étant verticalisée pour prendre moins de place : donc nous pouvons lire MISERICORdE.
Je lis donc NOTRE DAME DE MISERICORDE POUR (NOUS ?).
Cette inscription est semblable à celle de N.D. de Bonne Nouvelle à Quillidoaré, mais la dédicace à N.D de Miséricorde est étonnante car cette Vierge n'a aucun rapport avec l'allaitement ou la naissance, que son culte est très rare dans le Finistère ( Monastère de N.D de Miséricorde à Pont-L'Abbé) et en Bretagne.
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L'enfant Jésus, une pomme à la main, tient en l'air par l'opération du Saint-Esprit, car il ne repose pas sur la main de sa mère. L'enfant ne tête pas, comme il le fait à Gouézec ou Saint-Briec, mais sa main droite est posée sur la poitrine recouverte du coté gauche.
Marie présente le mamelon entre le majeur et l'annulaire, dans un geste plein d'élégance et de grâce. Son visage n'a pas la grâce de celui des Vierges de Kerluan, de St-Venec ou de Kergoat, le front est épilé de manière radicale, mais on retrouve la chevelure maintenue par le bandeau occipital de tissu froncé avant de libérer sur les épaules son flux onduleux. La métaphore du Fleuve de lait se poursuit à travers les boucles et les volutes du décor peint en arrière-plan.
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Il faut noter deux détails :
1.. Le corselet ouvert en V selon le modèle désormais habituel présente la particularité d'un laçage entre des oeilletons, très précisément représenté.
2. le pan gauche du manteau est relevé et tendu par les deux derniers doigts de la main.
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Nous avons la chance de disposer de la description donnée par Christiane Prigent dans sa thèse (non diffusée) par l'intermédiaire d'H. Amamiya :
"L'échancrure du corsage laisse passer le sein droit que la Vierge presse entre le medius et l'annulaire de sa main droite. [...] Production d'un atelier probablement installé à Pleyben, utilisant une quinzaine d'années après les modèles de l'atelier de Locronan. La Vierge, datée des années 1578 par comparaison avec la statue de sainte Barbe de même édifice offre de nombreuses analogies avec la chapelle de Quillidoaré, et l'église de Kerlaz . Nous voyons ici la pénétration vers le sud des ateliers morlaisiens et leur rencontre avec un atelier local de sculpture sur pierre."
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Mais ce qui caractérise cette Virgo Lactans parmi toute les autres, c'est qu'elle maîtrise de ses pieds un démon aux allures féminines qui tient la pomme fatale dans la main gauche. Sous le pied de l'Archange, de Saint-Georges ou de la Vierge, les dragons, monstres, démons et autres avatars du Malin ne sont jamais morts, tout-au-plus dominés, mais ils bougent encore, battent de la queue, crient au scandale, et ils relèvent la tête, les impudents ! Les plus optimistes pensent que la vouivre hurle ou grimace de douleur.
Je retrouve dans cette créature habillée d'écaille celle qui apparaissait en dessous de Jessé dans l'Arbre de St Thégonnec : L'arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Saint-Thégonnec.
Nous avons donc une statue qui appartient à la série des Vierges allaitantes, mais aussi à celle des Vierges à la Démone, dont le catalogue a été dressé en Bretagne par Louis Le Thomas puis par Iroko Amamiya.
Les plus proches exemples se trouvent à la chapelle de Gars-Maria en Pleyben (accès interdit par le propriétaire) et de Saint-Sébastien de Saint-Ségal (jadis appartenant à la paroisse de Pleyben):
Voir d'autres Vierges à la démone de Bretagne dans les articles suivants :
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Notre-Dame de Breac-Ellis en l'église de Brennilis. [1485-1575]
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La Vierge à l'Enfant et à la démone de l'église Saint-Louis de Brest.
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L'arbre de Jessé de la chapelle Saint-Guen en Saint-Tugdual (56).
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Arbre sculpté de Locquirec : L'Arbre de Jessé sculpté de l'église de Locquirec.
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L' arbre de Jessé de l'église de Saint-Aignan (56). : XVIe siècle.
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Sculpture de L' arbre de Jessé de l'église de Trédrez (22). : 1520
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Sculpture de L'arbre de Jessé de l'église Notre-Dame de Saint-Thégonnec. (29) : 1610.
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Sculpture de L'arbre de Jessé de la chapelle de La Trinité à Cléguerec (56). :1594
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Groupe de Sainte Anne trinitaire de l'ossuaire de Saint-Hernin (29)
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Chapelle Saint-Pierre à Plogonnec (29) Mari, conçevet hep pec'het. 2ème moitié XVIe
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La Vierge à l'Enfant et à la démone de la Collégiale du Folgoët (29).
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Landujen à Duault
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H. Amamiya en donne 35 exemples, et décrit celle de Lannélec page 98 de son ouvrage. Elle décrit la Démone ainsi :
Couchée sur le coté sous le pied droit de la Vierge, tête à droite, buste légèrement redressée. Chauve. Visage très expressif avec un rictus marqué sur la bouche grande ouverte. Son buste nu est plat [retouche d'une poitrine trop provocante par bûchage ]. Une pomme jaune rougeâtre dans la main gauche, la droite posée sur le sol. La partie inférieure du corps a la forme d'une queue de serpent squameuse qui s'enroule une fois sur elle-même avant de pointer vers le haut. Le bout manque."
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La bannière de procession (Le Minor, 2008) de Notre-Dame de Lannélec :
Récemment, le comité de sauvegarde de la chapelle a fait réaliser par les établissements Le Minor de Pont-L'Abbé une superbe bannière. Le qualificatif n'est pas complaisant, et les paroissiens peuvent être fiers d'une telle réalisation dont le carton me semble rivaliser en qualité avec celle, très réputée, des brodeurs. On trouve au verso le nom du cartonnier : J. Derouet, celui ou celle qui a fait preuve ici d'un joli talent.
La Vierge est fièrement campée et affiche crânement sa maternité. L'artiste a été fidèle au modèle, mais il a affiné le visage, et transformé l'enfant Jésus en un petit hercule malicieux et sympathique. La magnificence du costume et de la coiffure est parfaitement rendue. La démone n'en mène pas large.
Un feuillet épinglé dans la chapelle reproduit le Certificat d'authenticité :
"Cette bannière a été brodée en 2008 aux ateliers Le Minor à Pont-L'Abbé par J.M. Perennec d'après un carton de Jackez Derouet à la demande du Comité "La Chapelle de Lannelec", Monsieur l'abbé Guillaume Gonidou étant curé de Pleyben. Le 28 juin 2008."
Jean-Michel Perennec, brodeur chez Le Minor depuis 20 ans, a passé trois mois a réaliser ce travail, utilisant 155 écheveaux pour 22 couleurs.
Je trouve Jakez Derouet cité sur la toile :
- comme représentant de la Ligue Celtique...en 1964,
- comme artiste ayant participé à la conception du blason de Pluguffan,
- comme artiste qui a réalisé le logo de l'association de défense de la langue bretonne Mervent,
- comme concepteur du logo bigouden,
- comme créateur du dragon rouge qui figure sur le drapeau breton du Trégor, sur fond jaune à croix noire,
- étant "de Plomelin", etc...
En juillet 2010, Jean-Michel Perennec a réalisé une autre bannière sur un carton de Jakez Derouet : celle de la chapelle de la Madeleine à Penmarc'h. La première bannière réalisée chez Le Minor avait été dessinée par Pierre Toulhoat pour la Tromènie de Locronan, en 1953. Celle de Lannelec était la 31ème, celle de la Madeleine la 34ème.
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Voir la liste et la description des 45 bannières Le Minor sur mon blog :
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Le verso de la bannière : L'arbre de Vie et l'Apocalypse.
C'est la partie originale, avec un thème qui doit être un hapax en matière de bannière.
Pour une raison que j'ignore, l'artiste ou les commanditaires ont choisi d'illustrer le verso de la bannière par un Arbre de Vie, au pied duquel un couple, à priori le couple originel, émerge des eaux et prend appui sur des formes rouges. Une colombe s'apprête à se poser sur une branche ; le soleil apparaît derrière une porte, qui pourrait être celle de l'arche de Noé.
L'arbre de Vie est celui que mentionne la Genèse 2, 9 :
L'Éternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l'arbre de vie au milieu du jardin, et l'arbre de la connaissance du bien et du mal.
et puis, après la Chute, dans Genèse 3,24 :
C'est ainsi qu'il chassa Adam ;et il mit à l'Orient du jardin d'Eden les chérubins qui agitent une épée flamboyante pour garder le chemin de l'arbre de vie. ( Trad. Louis Ségond)
Il confère l'immortalité, mais il est aussi symbole de vie bien-sûr, donc de croissance, de vitalité voire de fécondité ou de prospérité : placé au revers de la Vierge allaitante, il apparaît alors comme le qualificatif spirituel le plus adapté pour qualifier Maria Lactans, comme dans ces Méditations sur les litanies de la Vierge de 1701 link : Quelles louanges ne devons-nous pas aux excellentes dispositions de votre âme, Ô arbre de vie, qui nous avez donné le véritable fruit vivifiant !
L' olivier est souvent l'arbre choisi pour le représenter, quand ce n'est pas le figuier sycomore.
La conjonction de l' olivier, de la colombe et de l'arche évoque un autre premier jour de l'humanité, Genèse 8, 11 :
La colombe revint à lui sur le soir ; et voici, une feuille d'olivier était dans son bec. Noé connut ainsi que les eaux avaient diminué sur terre (Trad. Louis Ségond)
Alors que l' arbre de Jessé relie Marie à l'arbre de la connaissance, celui du péché originel (c'est le symbole de Notre-Dame de Miséricorde foulant le démon et sa pomme sur la statue de Lannelec) à travers l'arbre de la Croix, le choix de l'arbre de vie tourne le dos à cette problématique du Péché et ouvre l'esprit du fidèle à un monde neuf, primesautier, un premier matin du monde inondé de soleil. Marie Arbre de Vie redonne accès à l'arbre du milieu du jardin de l'Eden.
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L'arbre de vie est celui de la Genèse, mais aussi celui de l'Apocalypse. Or, c'est ce texte de Saint Jean qui est cité en broderie autour et en dessous de la bannière : Apocalypse, 7, 14 :
Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin d'avoir droit à l'arbre de vie, et d'entrer par les portes dans la ville !
Ce verset est précédé dans le texte par celui-ci, qui en explicite le sens :
Je lui dis : Mon seigneur tu le sais. Et il me dit : ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation ; ils ont lavé leurs robes, et ils les ont blanchies dans le sang de l'agneau. (Trad. Louis Ségond)
Il sera suivi de celui-ci :
Au milieu de la place de la ville et sur les deux bords du fleuve, il y avait un arbre de vie, produisant douze fois des fruits, rendant son fruit chaque mois, et dont les feuilles servaient à la guérison des nations. (Apocalypse 22, 2 : id)
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III. La fontaine près de Lannelec, et le culte pour la guérison des enfants.
- En 1910, l'abbé Peyron signale que le pardon se déroule "le dimanche le plus rapproché de la fête de saint-Matthieu" (21 septembre) et qu'à cette occasion " l'on y demande plus spécialement la santé des enfants, et à la procession du pardon, plusieurs mères, le cierge à la main, y conduisent leurs petits enfants. Non loin de la chapelle est une fontaine dite de Saint Vendal où les parents plongent leurs enfants atteints de rhumatismes."
Le chanoine Pérennés donne à cette fontaine le nom de Saint-Venec et signale qu'elle est dépourvue d'édicule.
Les cartes IGN, Cassini ou d'Etat-Major ne signalent pas de fontaine. L'office du tourisme de Pleyben signale cette fontaine Saint-Venec dans son site.
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SOURCES ET LIENS.
.— AMEMIYA (Hiroko) 2005, Vierge ou démone, exemple dans la statuaire bretonne, Keltia éditeur, Spézet. 269 p. page 68-69. Version remaniée de la thèse de 1996.
— AMEMIYA (Hiroko), 1996, Figures maritimes de la déesse-mère, études comparées des traditions populaires japonaises et bretonnes . Thèse de doctorat d'études littéraires, histoire du texte et de l'image Paris 7 1996 sous la direction de Bernadette Bricout et de Jacqueline Pigeot. 703 pages Thèse n° 1996PA070129 .
— COUFFON, René, LE BARS, Alfred. Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988.
http://diocese-quimper.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/PLEYBEN.pdf
Mobilier :
Deux niches à volets historiés avec leurs statues en pierre polychrome du XVIe siècle : Vierge Mère allaitant, portant sur le rebord du manteau l'inscription : "Nre. dAME MRCIS PE. POVR...", sur la plinthe de la niche : "NOSTRE DAME de LANNELEC" ; sur l'unique volet, en bas-relief, l'Annonciation, la Visitation, la Nativité.
— INVENTAIRE GENERAL
— LE THOMAS (Louis), 1961 "Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique", Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221.
— PRIGENT, Christiane. 1981, Etude de quelques sculptures bretonnes influencées par les modes venues des pays nordiques. Dans : Bulletin de la société archéologique du Finistère, t. CVIII, 1981.
— PRIGENT, Christiane, 1982, . Les statues des vierges à l'enfant de tradition médiévale: XVe- XVe siècles dans l'ancien diocèse de Cornouaille Prigent, Christiane. - [Université de Rennes] (1982)
— LECLERC (Guy), 2009, La statuaire de la Vierge au sein, Pleyben, chapelle de Lannelec, Bulletin Société Archéologique du Finistère Tome CXXXVII, 2008-2009 p. 411-412.
PERENNES (Henri ) , 1938, , Notice sur Pleyben , Bulletin Diocésain d'histoire et d'Archéologie 1938:
https://diocese-quimper.fr/bibliotheque/files/original/3c650c05ef86fe15d59ddb6b528d5f93.pdf
Bretagne sacrée :