Vierges allaitantes VII
Chapelle Notre-Dame de Lannelec à Pleyben.
Chapel Itron Varia Lanneleg
Les vitraux
I. Les vitraux du XVIe siècle restaurés en 1992.
1. Sources :
- Les vitraux de Bretagne, Corpus Vitrearum, F. Gatouillat, Michel Herold, Presses Universitaires de Rennes 2005 pp 154-155.
- La maîtresse-vitre de la chapelle Notre-Dame de Lannelec en Pleyben, Guy Leclerc, Bull. Société Archeol. Finistère 2006 pp 281-290.
- Pleyben, une commune riche en vitraux, Jean-Pierre Le Bihan, overblog 2008, ici :link
- Pleyben in Églises et chapelles du Finistère, Chanoine Peyron, Bull. Société Archeol. Finistère, 1910 T 37 pp. 183-184,(2 lignes sur les vitraux...), ici :link
- la chapelle de Lannelec, Notice de Pleyben, Henri Pérennés, Bull. Dioc. hist. Archéol. Bdha 1938, pp. 246-247, ici : link
L'article de Guy Leclerc, le plus récent, semble le document de référence aujourd'hui.
http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=59 : 1938
http://catholique-quimper.cef.fr/opac/doc_num.php?explnum_id=60
http://jeanpierrelebihan.over-blog.com/article-16919163.html
http://famille-vittecoq.net/Kerguelen.htm
Les vitraux de Lannelec ont été posés dès l'origine de l'édification de la chapelle, laquelle est datée par une inscription de 1499. Ils sont donc datés de 1500. Plus tard, le réseau de la maîtresse-vitre fut modifié, ce qui entraîna une modification des panneaux. Ils étaient altèrés déjà au début du XXe siècle, et on lira la description qu'en donne Henri Pérennés en 1938 dans la Notice du Bulletin Diocésain ici :link . Ils furent déposés en 1963 pour être restaurés, les verrières étaient conservées par les Monuments Historiques, et le projet confié initialement (Selon Gatouillat et Herold) à Hubert de Sainte Marie sera réalisé par l'atelier de Jean-Pierre le Bihan, ce maître-verrier de Quimper au blog passionnant dont je ne cesse de rencontrer les réalisations depuis que je parcours le Finistère.
Restaurés et posés en 1992, les panneaux anciens de la maîtresse-vitre sont associés à des créations de novo. Dans les autres baies, il ne subsiste en Baie 2 et 4 que quelques éléments anciens fragmentaires, et on admire les créations récentes de Le Bihan.
1. Les armoiries et les données historiques.
L'historien restera sur sa faim car les éléments conservés sont partiels et font l'objet de supputations. Le Corpus Vitrearum décrit des fragments "où reviennent plusieurs fois les couleurs de la famille le Boutteville ou de Montafilant (?) d'argent à cinq fuseaux de gueules", mais signale que Abgrall, puis Couffon et Le Bars avaient reconnuent les armes de Kergoët parti du Dresnay, et enfin que l'on trouve aussi celle des Berrien.
Les éléments à étudier sont :
- Un fragment d'inscription en gothique en baie 0 sous la Vierge : Lan mil guergelé ou guergele dont le e serait doté d'un tilde. On recherche donc un patronyme Guergelé ou Guergelen : Guy Leclerc a retrouvé un Jehan de Guerguelen dans les Archives du diocèse de Quimper, en 1536 lors d'un procès entre les paroissiens de Pleyben et le seigneur de La Boixière. Je trouve Dom Jehan Guerleguen cité parmi la liste des Vassaux ayant rendu l'hommage à l'évêque de Cornouaille du 11 mai 1562. Archives départementales du Finistère, 1 G 366/4. 1 pièce, papier, 12 folios, transcrit par Norbert Bernard, 2003, en ligne sur Tudchentil.org, consulté le 7 mars 2012,
www.tudchentil.org/spip.php?article51.
- le réseau de la maîtresse-vitre : il est composé outre deux écoinçons, de cinq soufflets.
En supériorité se trouve à gauche un blason factice composé de bouche-trous et à droite les armes couronnées de Bretagne. En dessous, nous trouvons le blason couronné mi-parti de France et de Bretagne.
Ce sont les deux blasons de droite et de gauche qui peuvent donner une indication Ils sont tous les deux à parti.
1. A droite ce sont les armes des Kergoët en alliance avec celles du Dresnay :
a) famille de Kergoët : armoiries d'argent à cinq fusées rangées et accolées de gueules, accompagnées de quatre roses de même.
b) famille du Dresnay : d'argent à la croix ancrée de sable accompagnée de trois coquilles de gueules
2. à gauche, un blason non identifié, parti d'argent aux fusées de gueules et au chef d'or, et
d'autre part d'argent fascé à deux jumelles de gueules. On suppose des modifications altérant le sens lors de restauration antérieures.
- Baie 2 : ajour : blason présenté par deux anges ; ce sont les armoiries de la famille Berrien, d'argent à trois jumelles de gueules au franc-canton d'or chargé d'un loin de sable. Le Corpus signale l'emploi de verre gravé pour ce blason. L'ange de droite porte un phylactère avec l'inscription O DE BERYEN (Corpus, qui donne une date de 1500), alors que je lis bRIEN RL O DE.
Deux données iconographiques peuvent désormais être commentées, le blason Kergoët/Dresnay et le blason Berrien
La famille de Kergoët.
Elle est originaire de Saint-Hernin et s'est divisée en une branche aînée, fondue dans Quellennec, Tronjoly en Gourin, et la branche du Guilly, village de Lothey. Ses armoiries déjà citées sont aussi, à Clohars-Fouesnant ou à Cleder, "emmanché d'argent et d'azur". La devise est En christen mad, me bev en Doue, "en bon chrétien, je vis en Dieu".
Sauf erreur, la famille qui nous concerne serait issu de la branche du Guilly, Lothey étant une paroisse proche de Pleyben.
Ils possédaient sur Pleyben la seigneurie de Keranclanff, attestée en 1426 lors de la Réformation de 1426 en même temps que six autres domaines nobles.. Il y est fait mention de Jean de Kergoët et son fils". La terre est nommée Keranclauff lors d'un aveu de 1666, puis on la trouve sous le nom de Kerlann, et c'est sous ce nom qu'apparaît sur la carte IGN(Kerlann) ou la carte de Cassini (Kerlan) le hameau situé à 800mètres à l'est de la chapelle de Lannelec. En 1751, d'après le rôle de contributions la seigneurie s'étendait sur 18 villages de Pleyben (les autres seigneuries de la paroisse sont majoritairement placées en son sud, vers la vallée de l'Aulne aux riches terres agricoles). On trouve aussi la graphie Keranch'lan, prononcée Ker an Klaon qui signifie "le village des malades" car il y aurait eu une léproserie fondée par les templiers (Maurice Cornec 2005)
Entre 1513 et 1520, Jean de Kergoët intervient à plusieurs reprises dans un conflit qui oppose les paroissiens de Pleyben à leur recteur Hervé de Lezongar en raison de sa prétention à bénéficier des dons et offrandes reçus par la dite-paroisse. Nous verrons qu'il ne faisait que reprendre les exigences déjà condamnées par le pape en 1498, de son prédécesseur Rolland de Berrien. Hervé de Lezongar fut définitivement débouté par une bulle du 1519 de Léon X qui confirmait celle d'Alexandre VI.
En 1530, Yves ou Yvon de Kergoët eut des démêles avec Derrien, seigneur de la Boissière en Pleyben : c'est l'Affaire de l'Escabeau de Pleyben*.
Yves de Kergoët épousa Catherine du Dresnay, ce qui explique le blason en alliance de ces deux familles.
On remarque que les deux familles, et donc les deux armoiries, sont associèes aussi en la chapelle de Saint-Sébastien en Saint-Ségal, à quelques 15 km à l'ouest de Lannelec (Renè-François de Kergoët marié le 26-10-1688 à Marie du Dresnay)
La fille et héritière d'Yves de Kergoët épousa le 10 octobre 1553 Jean du Bouëtiez de Kerorguen, famille dont le berceau était près d'Hénnebont et qui portaient d'azur à deux fasces d'argent accompagnées de six besants d'or. C'est ce Jean du Bouëtiez qui se conduisit pendant les guerres de la Ligue comme un second La Fontenelle en pillant et occupant le château de Guengat tant et si bien que le Duc de Merceur lui trancha la tête.
* L'affaire de l'Escabeau : Dans le choeur de l'église de Pleyben se trouvaient deux tombes ; Derrien, seigneur de Boissière prétendit qu'elles lui appartenait et décida d'y construire un escabeau et un accoudoir pour lui et sa femme afin d'ouïr l'office divin. Les paroissiens et les seigneurs de Tréviguidy et de Kergoët estimaient cette prétention contraire au droit et aux us et coutumes, et intentèrent une action en justice auprès de l'Officialité de Quimper; Derrien en appelle au roi qui le maintient dans ses prétendus droits en attendant la décision de Quimper. Mais les esprits échauffés n'attendirent pas le jugement pour échanger fortes paroles et même se livrer à des voies de fait, tel ce dimanche de 1530 où, lors de la grand-messe, (Derrien voulant sans-doute ouïr l'office en son escabeau), les gens du sieur de la Boissière et ceux du sieur de Kergoët en vinrent aux mains, sortir leurs armes si bien que Yvon de Kergöet "subit une mutilation en ses membres au cours de la mélée qui de l'église passa au cimetière contigu. Le sang coula dans l'église et le cimetière qui se trouvérent du coup profanés et exécrés. Il fallut procéder le 6 juin 1531 à la réconciliation de l'église et du cimetière et à la reconcécration des six autels, en présence de Mgr Jehan du Largiez, évêque d'Avernes en Thrace et coadjudicateur de l'évêque de Cornouaille. Derrien fut sommé d'ôter son escabeau en vertu de la régle qui n'autorise pas la présence d'un femme dans le choeur. On lui accorde la propriété des tombes sous condition qu'il n'y place ni marque ni armoirie, mais ses gens se rendent nuitamment placer ses armoiries. Dès le lendemain elles sont martelées, détruites à la masse et jetées au cimetière. Le procès reprit, et dura jusqu'en 1579 ! Un arrété du Parlement de Bretagne condamne Derrien à démonter son escabeau, et à le placer si cela lui chante en un bout de la chapelle Saint-Sébastien.
La famille de Berrien.
C'est armoiries sont actuellement celles de la commune de Berrien (29).
Rolland de Berrien était vicaire perpétuel de Pleyben de 1492 à 1498. Il est le commanditaire d'un vitrail de l'église de Brennilis qui dépendait alors de la paroisse de Loqueffret; la constuction de cette chapelle a débuté en 1485 .
Cette inscription reculerait de quelques années la datation des vitraux qui pourraient être du XVe siècle et dater de 1498.
Rolland de Berryen ou de Beryen entra en conflit avec les fabriciens de Pleyben car il estimait que les offrandes, dons et legs faits à l'église rentraient dans ses revenus. Un accord fut trouvé avec les paroissiens, accord confirmé pour 25 ans par une bulle papale d'Alexandre VI le 15 août 1519. C'est sous son rectorat que la chapelle de Lannelec fut construite.
On trouve aussi le blason des Berrien sur les sablières de l'église de Plonévez-du-Faou, et sur le vitrail de la Passion de 1556 dans la chapelle de Saint-Herbot.
Selon Yves Pascal Castel cité par J.P. Le Bihan, l'inscription RE O DE est la devise en breton "ils en ont trop eu (donnez leur).
2. La Baie 0 ou maîtresse-vitre.
Elle est formée de quatre lancettes A à D en ogive de cinq panneaux, dont les vitres anciennes (XV-XVIe) seront décrits de gauche à droite.
La lancette A :
La Vierge en compassion se recueille devant la Croix : inscrite dans une niche gothique, se détachant sur un fond rouge, elle est vêtue d'un manteau blanc bordé d'un galon d'or à motifs ronds, d'une robe bleu qui laisse apparaître les chaussures rouges. Le manteau sert de voile qui dissimule les cheveux.
Le sol, jaunâtre, est encombré de cailloux : Marie se trouve sur le Golgotha.
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Nous retrouvons l'inscription L an mil..guergele(n), sans-doute Jehan de Guergelen, probable chanoine et peut-être chapelain attitré des seigneurs de Kergoët : le commanditaire du vitrail.
Une vierge à l'enfant moderne reprend l'encadrement et le fond. La Vierge, couronnée, est habillée de son manteau bleu traditionnel.
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Lancette B : Crucifixion et Pieta :
Sous la même architecture gothique, le Christ crucifié est bouleversant : tout détail, toute mise en scène ont disparu au profit d'une vision mystique du Corps Eucharistique , de l'illustration du texte évangélique (Matthieu 26, 26-28) : "Prenez, mangez, Ceci est mon corps". Corps supplicié par la couronne d'épine, corps écartelé par la Croix, corps affligé, épuisé, donné, livré. Corps dans la brutalité livide de la mort, sans l'éxagération du rétable d'Issenheim.
La tradition des Passions des vitraux du Finistère au XV-XVIe siècle rompt avec tout réalisme en utilisant des ciels rouges : la croix se détache sur un pur symbole, celui de la souffrance, du sacrifice et du sang versé
Le vitrail mérite un examen rapproché : Le sang versé, voilà le sujet véritable, et ce Précieux sang jaillit des plaies en ruisseau généreux, donné à pleine main et recueilli par trois anges dans de grands calices : "Il prit ensuite une coupe, et après avoir rendit grâce, il leur donna en disant :
Buvez-en tous, car ceci est mon sang, le sang de l'alliance qui est répandu pour beaucoup pour le pardon des péchés".
Guy Leclerc signale que le thème des anges et du Précieux Sang trouve son origine dans une estampe que j'avais admirée et photographiée au Musée Unterlinden de Colmar, réalisée entre 1475 et 1480 par Martin Schongauer, la Crucifixion aux quatre anges, et dans l'oeuvre de Van der Weyden.
On le retrouve ensuite dans toute l'Europe et notamment sur les calvaires de Bretagne, notamment sur celui de Lannelec :
Néanmoins, le vitrail apporte une vigueur supplémentaire par l'emploi de la sanguine qui accentue la métaphore entre la couleur rougeâtre et le sang, d'autant plus que ce pigment est utilisé aussi pour les teintes de la chair, des plaies sanguinolentes, de la rousseur des cheveux ou de la barbe : tout le corps du Christ, rosé par la sanguine, s'écoule dans les calices pour être donné.
Un troisième ange recueille le sang qui s'écoule des pieds du Christ :
Dans d'autres représentations, le sang s'écoule le long de la Croix et pénètre dans le sol où est enfoncée la poutre pour atteindre Adam, le Golgotha ou champ du crâne étant alors considéré comme l'endroit où Adam a été enterré: c'est alors le rachat de la faute originelle qui est illustrée, et l'avènement du Nouvel Adam (Paul 1, Co 45)
La Pietà
Le thème de la Mater dolorosa est développé entre 1350 et 1500, très lié avec les épidémies de peste, les famines et les guerres qui dévastent l'Europe. Il accompagne le développement des Stabat Mater de Josquin des Prés, Palestrina, Roland de Lassus, qui dépeignent les souffrances de marie au pied de la Croix..
L'économie de la mise en plomb, résultat du travail de restauration, souligne particulièrement par ses courbes le dessin.
Jean-Pierre Le Bihan a remarqué que le même carton a servi pour la Pietà du vitrail de Clohars-Fouesnant ; mais ce dernier, qui a été estimé dater de 1525 par Roger Barrié qui se fonde sur les armoiries, se place sous un dais Renaissance plus tardif que la niche gothique de Lannelec : cela confirme que le vitrail de Lannelec date du tout début du XVIe siècle. A cette date, Hervé de Lezongar est à la fois recteur de Pleyben et de Clohars-Fouesnant, ce qui rend logique la circulation des cartons ou des artistes entre les deux chantiers.
Lancette D : sainte Barbe.
Elle est vêtue d'un manteau blanc galonné d'or semblable à celui de la Vierge, mais qui ne dissimule pas la longue chevelure blonde non retenue dans laquelle je vois un symbole de fécondité lactogène. Un simple rang de perle lui sert de bandeau. Comme ces hommes de plume ou ces femmes d'État qui posent assis à leur table de travail devant le photographe elle feint de consulter un ouvrage savant, oeuvres complètes de Tatien le Syrien ou florilège de Méliton de Sardes pour disputer d'un point de patristique, ou de patrologie. Derrière elle, la tour martelle de ses triples ouvertures le slogan trinitaire. Rien ici ne contrarie les dogmes, et on s'étonne qu'elle s'autorise un leger déhanché qui risquerait d'être lascif. La tour prend garde à sa rectitude.
La robe pêche par élégance, par outrance de manches qui abusent de leur béance bleue. Col droit, certes, mais aussitôt contredit par la ceinture bleue trop peu serrèe.
Secrètement, elle regarde sur un calendrier combien de jour la sépare du 14 février.
La palme du martyr, la tour plus trigéminée qu'une névralgie, le Codex rendraient une inscription superflue mais l'artiste a néanmoins écrit dans le marbre l'invocation que nos lèvres déjà murmuraient, sancta barbara ora pro nobis. Nous savons depuis le dernier article Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, Ste Barbe. qu'elle est surtout là pour aider les mères à avoir des enfants, à les allaiter, à les soigner et à les supporter. Elle est très invoquée.
II. Les vitraux créés par J.P. Le Bihan.
Les vitraux, créés ou restaurés en 1992 par J P Le Bihan de Quimper :les nouveaux vitraux représentent : au nord saint Guénolé fondateur de l’abbaye de Landévennec et saint Corentin premier évêque de Cornouaille dont relevèrent les terres de Lannélec, l’adoration des bergers et des mages ; au sud, la dormition (mort) de la Vierge et son couronnement puis saint André et saint Matthieu.
I. Maîtresse-vitre : Saint-Christophe :
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Baie au nord : saint Corentin et saint Guénolé.
L'un est le premier évêque de Cornouaille et l'autre premier abbé de l'abbaye de Landevennec, dont Lannelec aurait été une propriété. St Corentin est représenté bien-sûr tenant le poisson que Dieu lui procurait chaque matin dans le bassin que le saint avait creusé près de son ermitage, et qui est représenté ici.
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L'Adoration des Mages et des bergers.
Dans le soufflet, les deux anges tiennent le blason de la Bretagne avec un phylactère mentionnant RESTAURATION L'AN MCMXCII. (1992).
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Au sud : Dormition et Couronnement de la Vierge :
C'est un rappel du retable du Maître-autel. A droite, la Sainte Trinité est réunie autour des deux lettres α et Ω, qui annoncent la citation de l'Apocalypse je suis l'Alpha et l'Oméga, le commencement et la fin.
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Les deux apôtres Matthieu et André :
Les statues respectives de Matthieu et André se trouvent dans la chapelle et chacune est datée de la même date de 1661 : Matthieu est représenté avec la balance qui rappelle qu'il était collecteur d'impôt et qu'il devait peser l'or.
André est représenté dans sa barque en train de remonter son filet. Mc 1, 16-18 raconte que Jésus longeait la mer de Galilée (qui n'est autre que le lac de Tibériade) lorsqu'il vit deux pêcheurs en train de jeter leur filet dans le lac "car ils étaient pêcheurs. Jésus leur dit : Suivez-moi, je vous ferez pêcheurs d'hommes" (s'il les avait vu en train de chasser, il aurait dit "chasseurs de tête"): c'était Simon (le futur Saint Pierre) et son frère André (le futur Saint André). La scène se passait donc au nord du lac, car les deux fils de Jonas sont natifs de Bethsaïde, et Pierre habite avec sa femme à Capharnaüm.
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Le soufflet représente Sainte Véronique présentant la Vera Icona à laquelle elle doit son nom et où s'est imprimé le visage du Christ après qu'elle l'ait essuyé lorsqu'il gravissait les pentes du Golgotha. C'est la patronne des photographes, et l'utilisation de la sanguine sur le vitrail évoque les vieux clichés sepia. C'est un des fragments conservés du XVIe siècle.
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Marie de Miséricorde :
On se souvient que c'est le nom qui figure sur le galon de la robe de la statue de Notre-Dame de Lannelec, la Vierge qui donne le sein à son petit enfant gauche de l'autel : Notre-Dame de Miséricorde. Le terme issu du latin misereri, "avoir pitié" et cor, "coeur", peut faire penser à ,la bonté divine qui accorde généreusement son pardon : la Clémence d'Auguste, en quelque sorte, un grand coeur qui ne retient pas à charge la faute commise.
Mais ce vitrail illustre ce sentiment marial de Miséricorde d'une tout autre façon en le plaçant hors de toute référence à la faute et à la culpabilité : et la bonhomie légèrement naïve du trait de Jean-Pierre Le Bihan fait ici merveille pour rendre l'atmosphère de gentillesse familiale que suscite le regard maternel de la Vierge :
Vêtir ceux qui sont nus. Visiter les malades. Abreuver ceux qui ont soif. Nourrir les affamés. Rencontrer les prisonniers. Loger les sans-abris.
Il s'agit là d'une illustration du texte évangélique de Matthieu 25, 33-46 :
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la création du monde. Car, j'avais faim, et vous m'avez donné à manger, j'avais soif, et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger, et vous m'avez accueilli ; j'étais nu, et vous m'avez habillé ; j'étais malade, et vous m'avez visité ; j'étais en prison, et vous êtes venus jusqu'à moi !"
Alors les justes lui répondront : "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu ? tu avais donc faim, et nous t'avons nourri ? Tu avais soif, et nous t'avons donné à boire ? Tu étais un étranger, et nous t'avons accueilli ? Tu étais nu, et nous t'avons habillé ? Tu étais malade ou en prison... quand sommes-nous venus jusqu'à toi ?"
Et le Roi leur répondra : Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l'avez fait à l'un de ces petits qui sont mes frères, c'est à moi que vous l'avez fait".
Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : "Allez-vous en loin de moi, maudits, dans le feu éternel préparé pour le démon et ses anges. Car j'avais faim, et vous ne m'avez pas donné à manger ; soif, et vous ne m'avez pas donné à boire ; j'étais un étranger, et vous ne m'avez pas accueilli ; j'étais nu, et vous ne m'avez pas habillé ; j'étais en prison, et vous ne m'avez pas visité."
Alors ils répondront, eux aussi : "Seigneur, quand est-ce que nous t'avons vu avoir faim et soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?
Il leur répondra : Amen, je vous le dit : chaque fois que vous ne l'avez pas fait à l'un de ces petits, à moi non plus vous ne l'avez pas fait."
L' Arbre de Vie :
Sous un Christ en croix qui affirme Je suis l'alpha et l'oméga, l'arbre de Vie dresse ses douze rameaux. C'est l'arbre de Vie de Genèse 2, 9, celui d'Ezechiel 47, 6-12, mais surtout ici celui de l'Apocalypse
Puis nous lisons : De part et d'autre du fleuve de Vie il y a des arbres de vie.
Heureux ceux qui lavent leur robes
ils pourront disposer de l'arbre de vie
et pénétrer dans la Cité par les portes.
Sept portes sont représentées.
La référence d'Ezechiel qui n'est pas mentionnée dans le vitrail, est la suivante :
Ezé 47, 12 Sur le torrent, sur ses bords de chaque côté, croîtront touts sortes d'arbres fruitiers. Leur feuillage ne se flétrira point, et leurs fruits n'auront point de fin, ils mûriront tous les mois, parce que les eaux sortiront du sanctuaire. Leurs fruits serviront de nourriture, et leurs feuilles de remède.
Par contre, la référence de l'Apocalypse est indiquée devant les deux personnages "Apocalypse 22-29 et 12-16" (sic)
Je trouve plutôt les références suivante pour l'Apocalypse 7, 14 ; 22,2 et 22, 12-16 :
Apocalypse 7, 14 : Et je lui dis : Mon seigneur, tu le sais. Et il me dit : Ce sont ceux qui viennent de la grande tribulation ; et ils ont lavés leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau.
Apocalypse, 22,1- 2 , description de la nouvelle Jérusalem : Et il me montra un fleuve d'eau de la vie, limpide comme du cristal, qui sortait du trône de Dieu et de l'Agneau. 2 Au milieu de la place de la ville et sur les bords du fleuve sont des arbres de vie, qui produisent douze récoltes, rendant leur fruit chaque mois, et les feuilles des arbres sont pour la guérison des nations.
Apocalypse, 22, 12-16 : derniers versets de l'apocalypse : Voici, je viens bientôt, mon salaire est avec moi, pour rendre à chacun selon ce qu'est son oeuvre. 13 Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. 14 Heureux ceux qui lavent leurs robes, afin qu'ils aient droit à l'arbre de vie ; et qu'ils entrent par les portes de la cité ! 15 Dehors les chiens, et les enchanteurs, et les fornicateurs, et les meurtiers, et les idolâtres, et quiconque aime et pratique le mensonge ! 16 Moi, Jésus, j'ai envoyé mon ange vous attester ces choses pour les Églises. Je suis la racine et la race de David, l'Étoile brillante du matin.
Dans le coin inférieur gauche se trouve la très discrète et humble signature du maître-verrier de Quimper, Jean-Pierre Le Bihan.
C'est ce vitrail qui est repris sur la bannière de pardon de la chapelle, décrite ici : Vierges allaitantes VII : Chapelle de Lannelec à Pleyben, la Vierge.
Conclusion : Essai sur le Don.
Je termine ma visite de Lannelec que j'avais débuter en admirant la Vierge allaitante. Sans-doute influencé par les derniers vitraux, je vois soudain de dégager une grande cohérence iconographique centrée sur le Don : don de la vie et don du lait à l'enfant, don du sang par le Christ, don de soi évoqué par le vitrail de Marie de Miséricorde, don du fleuve de vie et de l'arbre de vie, grande gratuité du flux de vie qui pulse, croît, s'écoule, qui prospère et nourrit, grande chaîne de générosité passant par tous les symboles du sein qui allaite, de la plaie du sacrifié dont le sang emplit les calices, de l'arbre sur la bannière, de l'arbre au coeur de la Nouvelle Jérusalem du vitrail, du fleuve nourricier où les robes sont lavées, don du pain, du sourire, du soin ou de la présence sur le vitrail de miséricorde...
Image très forte du sein maternel.
Image sensuelle et généreuse des chevelures-fleuves de Marie et de Barbe.
Image bouleversante du fleuve de sang jaillissant des mains du Christ.
Toutes ces statues, ces bas-reliefs, ces étoffes, ces verrières outrepassent soudain leur valeur d'oeuvres d'art et retrouvent la haute valeur spirituelle qui les animent : témoigner de l'extraordinaire beauté du don de la Vie et du don de soi ; de la tendre et profuse largesse de la générosité.
Je n'ai plus qu'à confier mes photographies et mon texte à mon blog.
Totalement gratuit.
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