Zoonymie (étude du nom) du papillon le Brun des pélargoniums, Cacyreus marshalli Butler, 1898.
La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).
Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.
— Cacyreus Butler, 1897. L'auteur de ce genre en a expliqué la formation : voulant décrire l'espèce sud-africaine Hyreus linceus, il écrit : "Le nom générique de Hyreus étant préemployé chez les Oiseaux, je renommerai ce genre Cacyreus". En effet, Hyreus est un genre créé par Hübner en 1819, mais qui est précédé dans la classe Aves par son homonyme Hyreus, Stephens, 1816. Butler construit donc son nom en précédant Hyreus du qualificatif grec kakos, "mauvais" ou, ici, "invalide", soit kakos-hyreus abrégé en Cacyreus.
— marshalli, Butler, 1898. La description originale de cette espèce vient d'un article dont le titre est "On three consignments of Butterflies collected in Natal in 1896 and 1897 by Mr. Guy A. K. Marshall" qui décrit 667 spécimens adressés de la Province du Natal (le bush des Bushmens puis des Zoulous, en Afrique du Sud) juste avant la guerre des Boers, par le jeune Guy Marshall . Revenu à Londres, celui-ci deviendra directeur du Commonweath Institute of Entomology et créera deux publications scientifiques: le Bulletin of Entomological Research et la Review of Applied Entomology. Sir Guy Anstruther Knox Marshall (1871- 1959 ) est donc l'un des fondateurs du CABI, une organisation internationale d'expertise entomologique et mycologique très attentive aux maladies propagées par les espèces envahissantes (pest diseases) : un comble puisque le papillon à qui il donne son nom appartient désormais à ces espèces préoccupantes.
— L'espèce qui n'est apparue en France qu'en 1997 dans les Pyrénées-Orientales, et en 1999 dans le Var, n'a reçu un premier nom vernaculaire qu'en 2000 dans "Les papillons de jour de France Belgique et Luxembourg et leurs chenilles" de Tristan Lafranchis. En 2007, Gérard Luquet créa "l'Argus des Pélargoniums" dans l'ouvrage "Les papillons de jour d'Île-de-France et de l'Oise" de Doux et Gibeaux, 2007. En 2013, Gérard Luquet (Dupont & al. 2013) utilise la forme "Brun des Pélargoniums". l'INPN mentionne pour sa part, et avec cet emploi des majuscules, les formes "Brun du pélargonium" et "Argus des Pélargoniums".
Le nom s'explique par la couleur uniforme de la face supérieure des ailes ("brun") et par le genre de la plante-hôte (les géraniums). Le nom "Argus" se justifierait plutôt sans-doute par le souci d'inclure cette espèce dans un groupe dénominatif, car les ocelles qui sont le propre des "Argus" (Argos étant un géant aux cent yeux) sont absents ou réduits ici à une rangée de minuscules lunules blanches. Le genre Pelargonium est celui des plantes-hôtes sauvages et su-africaines de cette espèce, plantes qui ont été exportées du Cap depuis le XVIIe, et dont les cultivars répandues en Europe dans les jardinières sous le nom de "géraniums" sont les victimes de la chenille qui s'en prend aux bourgeons floraux.
I. Nom scientifique.
1. Famille et sous-famille.
a) Famille des Lycaenidae, William Elford Leach, 1815. Les Lycénides ou Lycènes.
Leach, William Elford, 1790-1836 "Insecta" pp. 329-336."Entomology". pp 646-747 in D. Brewster éditeur, Brewster's Encyclopaedia Edinburgh, [Edinburgh, volume 9, 1, 04/1815 pp. 57-172 : selon Sedborn 1937] [Philadelphia, E. Parker,1816? selon BHL Library] page 718. [ Article publié anonymement et attribué à Leach, qui avait annoté son propre manuscrit]
La famille Lycaenidae tient son nom du genre Lycaena de Fabricius (1807). Elle comprend les Blues ou Azurés, les Coppers ou Cuivrés et les Hairstreaks ou Thécla, et nos Argus :
- Sous-famille des Theclinae Butler, 1869 : [Thiéclines : Théclas ou Thècles et Faux-Cuivrés].
- Sous-famille des Lycaeninae [Leach, 1815] : [Lycénines : Cuivrés].
- Sous-famille des Polyommatinae Swainson, 1827 : [Polyommatines : Azurés, Argus et Sablés].
b) Sous-famille des Polyommatinae Swainson, 1827.
Elle tient son nom du genre Polyommatus créé par Latreille en 1804; "Tableau méthodique des Insectes" in Nouveau Dictionnaire d'Histoire naturelle appliqué aux arts, principalement à l'Agriculture et à l'Économie rurale et domestique, par une Société de naturalistes et d'agriculteurs ; avec des figures des trois Règnes de la Nature, Paris : Deterville, an XII [1804] 24 (6) p. 185 et 200, espèce-type: Papilio icarus Rottemburg.
Polyommatus vient du grec polus "beaucoup", et omma, ommatos, "œil" : c'est un qualificatif du géant Argos qui disposait de cent yeux, dont cinquante étaient toujours ouverts. C'est lui que la jalouse Héra envoya surveiller Io, transformée en génisse après ses amours avec Zeus.
Ce nom est en rapport avec les nombreux ocelles des ailes des papillons bleus.
Cette sous-famille contient, en France, 18 genres :
- Leptotes Scudder, 1876
- Lampides Hübner, [1819]
- Cacyreus Butler, 1897
- Cupido Schrank, 1801
- Celastrina Tutt, 1906
- Maculinea Eecke, 1915
- Pseudophilotes Beuret, 1958
- Scolitantides Hübner, [1819]
- Iolana Bethune-Baker, 1914
- Glaucopsyche Scudder, 1872
- Plebejus Kluk, 1780
- Aricia [Reichenbach], 1817
- Plebejides Sauter, 1968
- Eumedonia Forster, 1938
- Cyaniris Dalman, 1816
- Agriades Hübner, [1819]
- Lysandra Hemming, 1933
- Polyommatus Latreille, 1804.
2. Nom de genre : Cacyreus, Butler, 1897.
a) Description originale :
— Description :
Cacyreus lingeus, Cramer « The generic name of Hyreus being preoccupied in Birds, I will rename this genus Cacyreus, taking C. lingeus as type. »
— Type spécifique: Papilio lingeus, Stoll, [1782] ; in Cramer, Uitl. Kapellen 4 (32-32): 176, pl. 379, fig. F, G. Lingeus est un papillon du Cap de Bonne-Espérance se trouvant selon Cramer "dans la collection de Mr. le Ministre E.F Alberti". Cette collection est citée plusieurs fois dans la publication de Gaspar Stoll.
Ericus Franciscus Alberti (1724-1788) était un pasteur luthérien d'Amsterdam (prédicateur à Zieriksee 1744-1746) dont la collection a apparemment été vendue, peut-être aux enchères. On connaît une publication de lui, Leerredenen opentlyk gehouden te Amsterdam in de Luthersche Oude Kerk, den 22sten en 25sten van den maand November 1767, 62 pages Uitgave Amsterdam: de Wed: David Weege en J. Weege, 1788 ; voir aussi ici, et son portrait par Jacob Houbraken au Teylers Museum d'après une peinture de J. de Buis 1769.
b) caractéristiques. J.N Eliot 1973.
- ailes antérieures à 11 veines et 12 espaces libres.
- androconie sur l'emplacement habituel, de type "battledore" : les écailles androconiales ont nommées "battledore" par comparaison avec une raquette du jeu de Volant depuis Nabokov, ou plutôt depuis John Watson, "On the battledore Scales of Butterflies", Monthly Microscopical Journal Août 1, 1869 pp. 73-80 Planche 21 . La raquette de tennis ou de badmington fait aussi l'affaire, pourvu qu'on imagine l'écaille implantée sur l'aile par le manche.
- Une queue à l'aile postérieure, ou un lobe vestigial
- Yeux et palpes velus
- caractères des genitalia
Origine et signification du nom Cacyreus.
—Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 194 :
Cacyreus : étymologie non élucidée.
Discussion.
Hyreus (Hyrieus, Hyriée) est, dans la mythologie (Ovide, Fastes, V, 495-535), un pauvre berger de Béotie, à qui Jupiter, Neptune et Mercure demandèrent un jour l'hospitalité. Il n'hésita pas à tuer l'unique bœuf dont il disposait. Impressionné, Jupiter lui fit choisir de demander ce qu'il voudrait ; Hyreus répondit qu'il voulait un fils, mais que, veuf, il ne voulait pas se remarier. Les trois dieux firent naître Orion de la peau du bœuf dont ils s'étaient régalés, et de terre détrempée d'eau.
Hübner a créé en [1819] le Coitus [Genre] Hyreen, Hyrëi (Hyreus) dans la seconde Tribu des Gentiles, Stirps 1 des Agrodiatei, Famille A des Adolescentes, Coitus n°9. Il est définit ainsi : Die Flügel unten marmorähnlich gefleckt. Il comprend trois espèces n°692 à 694, Hyreus Lingeus Cramer, Hyreus Palemon Cramer, et Hyreus Misenes Cramer.
Le genre Hyreus Hübner [1819] n'étant plus valide selon le Code International par préemploi dans la classe des Oiseaux par Stephens en 1816 (in Shaw, Gen. Zool., Aves 9 (2) : 337) selon la loi d'Homonymie, Butler, qui veut décrire ce genre et y placer une nouvelle espèce, se voit contraint de créer un nouveau nom de genre : il le forme sur le squelette de l'ancien nom déchu -yreus, en le précédant du suffixe Cac-, qui procède peut-être du grec kakos, "mauvais". Cet adjectif doit sans-doute être compris plutôt ici comme "invalide" : Cacyreus serait alors à interpréter comme kakos Hyreus, "Hyreus devenu invalide".
Puisque Butler ne donne pas de description de son genre Cacyreus, on peut rappeler la description du genre Hyreus de Hübner :
a) Stirps Agrodiates : Die Streichler kalschnauzig, die Wangen weiß geränget, die Ohren ziemlich kurz, langkolbig. Die Stutzen, vorzüglich, die Aerme, kurz.
b) Familia A : Junge, Adolescentes. Die Ohren ziemlich dickfolbig. Die Flügel rundlich stumpf, oben blau, unten blatz. (Les antennes en bulbe assez épais. Les ailes émoussées de façon arrondie, bleues au dessus, pâles en dessous.)
c) genre Hyreus : Die Flügel unten marmorähnlich gefleckt. (La face inférieure des ailes tachetées et comme marbrées.)
Addendum : le genre Harpendyreus, Heron, 1909.
3. Nom d'espèce : Cacyreus marshalli, Butler, 1898.
a) Description originale
Differs from C. palaemon in its squarer form, the costa of the primaries being shorter and the secondaries with shorter abdominal margin. Owing to the bronze-brown colouring of the upper surface, the white spots on the fringe appear more conspiscuously : the primaries below have larger but less sharply defined white spots on the outer border ; the secondaries have narrower bands, that from the middle of the cell to the abdominal margin being more interrupted but grey and indistinct (so that the wing appears to be crossed by a broad belt of greuish white), the dark discal band curves upwards at its abdominal extremity, the last spot composing it being small and heart-shaped ; the anal area is filled with a qudrate patch of pale sandy brown, forming the outer part of the usual whitish irregular blotch,which is more acutely indented on its outer margin ; lastly, the two usual black spots show little (often no) metallic green scaling. Expanse of wings 20-28 millimeters.
Escourt, 4000 feet, 2nd, 14th, 15th and 18th October, 22nd, 3323 rd, 28th, and 29th November, and 13th December ; Frere, 3800 ft, 2nd and 4 th December, 1896.
Planche 50 (Fig.4 = C. palaemon. Fig.5 = C. marshalli.)
b) L'auteur et son article : Arthur Gardiner Butler et Sir Guy Marshall.
b1. Arthur Gardiner Butler, né le 27 juin 1844 à Londres et mort le 28 mai 1925 à Beckenham dans le Kent, est un zoologiste britannique. Il a grandi à Londres à Chelsea Cheyne Walk. Il était le fils de Thomas Butler, un employé du British Museum qui devint en 1857 secrétaire adjoint de Antonio Panizzi, le Directeur de la Bibliothèque du British Museum. Il travailla au British Museum et fit paraître de nombreux travaux de taxinomie sur les oiseaux, les insectes et les araignées.
Il fait paraître, en entomologie :
- Catalogue of diurnal lepidoptera of the family Satyridae in the collection of the British Museum (1868)
- Catalogue of Diurnal Lepidoptera Described by Fabricius in the Collection of the British Museum (1870)
- Lepidoptera Exotica, or, Descriptions and illustrations of exotic lepidoptera (1869-1874),
- Tropical Butterflies and Moths (1873),
- Catalogue of the Lepidoptera of New Zealand (1874),
- The butterflies of Malacca (1879).
Butler était membre de la Royal Entomological Society, de la Linnean Society of London, de la Zoological Society of London et de la British Ornithologists’ Union.
b2. Sir Guy Anstruther Knox Marshall (20 Décembre 1871 à Amritsar, au Pendjab - 8 Avril 1959 à Londres), était un entomologiste britannique d'origine indienne qui fut un spécialiste des Curculionidae.
Le père de Guy, le colonel Charles Henry Tilson Marshall (1841-1927) et son oncle, le Major-général George Frederick Leycester Marshall (1843-1934), étaient tout deux des naturalistes qui ont publié des livres sur les oiseaux et les papillons de l'Inde, de la Birmanie et de Ceylan.
Marshall a fait ses études en Angleterre à Margate où il a commencé une collection de papillon, puis a transféré ses attentions vers les coléoptères lorsqu'il entra à Charterhouse, Surrey (l'une des neuf Public schools les plus prestigieuses alors en Angleterre). Après qu'il eut échoué à l'examen d'entrée à la fonction publique indienne, son père l 'envoya en 1891 dans la Province de Natal en Afrique du Sud pour se former à l'élevage des moutons. Il alla ensuite en 1895 à Salisbury (colonie de Rhodésie du Sud, actuelle Harare, Zimbabwe), où il dirigea la Salisbury District and Estates Company et où il posséda deux fermes. Il y collecta des espèces dans le Mashonaland. Il ne retourna pas à Londres avant 1906.
Marshall correspondait dès 1896 avec l'éminent darwinien Edward Bagnall Poulton, Hope Professor de zoologie à l'Université d'Oxford et auteur de The Colours of Animals (1890). Poulton exhorta Marshall à étudier la couleurs d'insectes sur le plan du mimétisme et du camouflage. Tout au long de ce projet de recherche Marshall mis en place une collection de spécimens de plantes d'Afrique australe. Ses résultats ont été publiés en un document commun (Five years' observations and experiments (1896-1901) on the bionomics of South African insects ) dans Transactions of the Entomological Society of London en 1902.
Poulton aida ensuite (1907) Marshall à obtenir un poste au Sarawak Museum de Bornéo. Marshall, cependant, est tombé malade lors d'un séjour à Londres, d'une maladie contractée en Afrique. Lorsque certains de ses articles sur les charançons ont été publiés, on lui a offert un poste en tant que secrétaire scientifique du Entomological Research Committee (Tropical Africa), et il est resté à Londres. La fonction du Comité était de réunir un entomologiste de terrain en Afrique de l'Ouest et un autre en Afrique de l'Est pour étudier les insectes nocifs pour les humains, les cultures et les animaux, et envoyer des échantillons au Muséum d'Histoire naturelle de Londres pour identification. Sous la direction de Marshall, la commission s'est développé en un corps puissant et efficace.
En 1913 Sir Guy Marshall fonda l' Imperial Bureau of Entomology (1913-1933) qui devint l'Imperial institute of Entomology (1933-1947), dont les principales fonctions sont l'identification des insectes ravageurs et la rédaction d'un périodique mensuel donnant des résumés de toute la littérature entomologique actuelle. Cet organisme fut nommé The Commonweath Institute of Entomology, puis finalement, tous les services d'information agricole furent fusionnées en 1947 dans le Commonwealth Agricultural Bureaux (CAB ou CABI) Marshall a créé le service de contrôle biologique à Farnham House (entre Londres et Southampton), donnant naissance à un réseau mondial de laboratoires et la création de deux publications scientifiques: le Bulletin of Entomological Research et la Review of Applied Entomology.
L'organisation de Marshall endossa l'énorme tâche de rédiger la division 'Insectes » du Zoological Record. Il a été élu membre honoraire de la Royal of Entomological Society de Londres, élu à la Royal Society, à l'Académie américaine des arts et des sciences, à la Royal Society de Nouvelle Zélande, l'Indian Institute of Science, la Société royale belge d'entomologie, et de la Société entomologique Russe.
Le travail d'identification de Marshall à l'institut a mené à sa connaissance approfondie de taxonomie des insectes. Sa spécialisation dans les Curculionidae était née par accident plutôt que par choix, car ils étaient le seul groupe laissé intact après un voyage en Angleterre en 1896. Au total, il a décrit quelques 2300 nouvelles espèces dans quelque 200 documents. Après sa retraite, le Museum d'Histoire Naturelle mis à sa disposition un bureau pour son travail taxonomique, qu'il a poursuivi jusqu'à peu de temps avant sa mort.
b3. L'article en commun.
Le titre de cet article peut se traduire par "Sur trois lots de papillons expédiés du Natal en 1896 et 1897 par Guy Marshall". En 1896, Butler avait 52 ans et Marshall ...25 ans. L'article de Butler débute ainsi :
"Depuis son retour en Afrique du Sud, M. Guy A.K. Marshall a plus que généreusement tenu une promesse qu'il m'a faite en Angleterre lorsqu'il récoltait des lépidoptères pour le Museum : en effet, les envois se sont succedés si rapidement qu'il a été impossible de monter les spécimens aussi vite qu'ils étaient réceptionnés. Les notes qui accompagnaient la plupart des espèces sont d'un intérêt considérable pour les lépidoptéristes en général: donc, comme les trois premiers lots, composé de 667 spécimens, sont maintenant réunis ensemble, je crois qu'il est préférable de traiter déjà de ceux-ci, laissant la description d'un lot supplémentaire juste reçu pour une publication ultérieure.
M. Marshall est un collectionneur admirable et infatigable, et il connaît si bien les Papillons sud-africains qu'il a été en mesure d'ajouter de nombreux spécimens à la Collection nationale [britannique], certains d'entre eux étant, comme mon ami M. Trimen* me l'assure, d'une rareté considérable , et un ou deux n'ont été soit que récemment découverts soit étaient encore inconnus de la faune d'Afrique du Sud.
A propos de son premier envoi, M. Marshall écrit (Estcourt, Natal, le 20 Octobre 1896): - «Je vous fais parvenir ce courrier par un petit échantillon des papillons que je ai pris depuis mon arrivée à Natal, et j' espère que vous trouverez quelques spécimens intéressants et utiles parmi eux."
* Roland Trimen (Paddington, Londres, 29 octobre 1840-25 juillet 1916 à Londres) était un entomologiste (spécialiste des lépidoptères sud-africains) et naturaliste britannique et sud-africain. Il fut conservateur du South-African Museum au Cap de 1872 à 1895, succédant à ce poste à Edgar Leopold Layard (1825-1900).
Nous sommes donc amenés à imaginer les relations amicales nouées entre Butler, responsable des collections de papillons au British Museum, et le jeune Guy Marshall lors de ses études à Chaterhouse, soit plutôt lors d'un retour en Angleterre après son arrivée en Afrique du Sud en 1891.
Alors qu'il est né au Penjab, il peut sembler curieux que Marshall soit envoyé en Afrique du Sud par, ou sur le conseil de son père. Mais la Province du Natal était alors une colonie de l'Empire britannique : "En 1856, les 10 000 colons du Natal obtiennent l'autonomie législative. L'économie de la colonie est alors centrée sur la culture de la canne à sucre. Refusant de faire appel aux Africains confinés dans les réserves territoriales de la colonie, le gouvernement britannique fait appel à ses colonies indiennes et asiatiques pour qu'elles fournissent la main d'œuvre suffisante au développement économique des plantations de cannes à sucre. Entre 1866 et 1911, plus de 150 000 travailleurs sous contrat, originaires principalement de Madras et de Calcutta en Inde, débarquèrent au Natal auxquels s'ajoutèrent plusieurs milliers d'Indiens gujarati qui s'établirent librement comme commerçants. En 1893, le Natal devient une colonie à part entière de la Couronne britannique, dotée de son propre gouverneur. En 1897, le Zoulouland est annexé au Natal." (Wikipédia) Il existe donc des liens étroits entre l'Inde et le Natal.
Le Natal en rouge, la colonie du Cap en bleu :
Il est aussi important d'avoir à l'esprit le climat politique de cette région qui va être concernée par la Guerre des Boers deux ans après les excursions entomologiques de Marshall :
Les Boers étaient les descendants des premiers colons d'origine néerlandaise, allemande et de huguenots chassés de France, arrivés en Afrique du Sud aux xviie et xviiie siècles. Le terme de Boer (paysan), qui désignait principalement les habitants des républiques boers, laissera, au xxe siècle, la place à celui d'Afrikaner pour désigner l'ensemble de cette communauté blanche d'Afrique du Sud.
Des gisements d'or furent progressivement découverts dans les montagnes à l'est du Transvaal, qui attirèrent rapidement divers aventuriers originaires des colonies britanniques environnantes.
La guerre fut déclarée le 11 octobre 1899, et les Boers attaquèrent les premiers en envahissant la Colonie du Cap et la Colonie du Natal entre octobre 1899 et janvier 1900. À l'ouest, dans la colonie du Cap, la première confrontation intervint le 12 octobre à Kraaipan, remportée par les Boers sur la route de Kimberley. La première bataille au Natal se tint à Talana Hill le 20 octobre, et se conclut par une victoire illusoire des Britanniques. Il s'ensuivit quelques succès militaires des Boers contre le général Redvers Buller.
À la fin de ce deuxième conflit, les deux républiques boers, l'État libre d'Orange et la république sud-africaine du Transvaal, perdirent leur indépendance et furent intégrées à l'Empire britannique. (Wikipédia)
Les diverses espèces envoyés au Museum par Marshall sont accompagnées du lieu et de la date de leur capture. On peut donc suivre le filet à papillons de Marshall au nord de Dublan, et à l'est des sommets du Drakensberg, sur les sites de Tugela River, Malvern, Estcourt 4000ft, Niginya, 6500 ft, Durban, Ulundi, Chuga's Hill, Weenen, et de la forêt de Karkloof, réserve naturelle aujourd'hui renommée pour ses safaris, ses spas, son papillon Bleu de Karkloof Orachrysops ariadne, parmi les girafes du bush. Ces toponymes ont parfois marqué l'histoire : c'est à Estcourt que Winston Churchill, jeune correspondant de guerre, a été capturé en 1899 par les Boers ; et c'est près de Karkloof que Nelson Mandela a été capturé en 1962. C'est aussi là qu'eut lieu en 1875 le premier vol habité, sur un planeur.
http://www.biodiversitylibrary.org/page/30988066#page/975/mode/1up
c) Localité et description
— Localité-type : Estcourt, province de Natal, Afrique-du-Sud
— Selon Dupont et al. 2013, Cette espèce introduite en Europe accidentellement dans les années 1990 est une espèce envahissante dont les chenilles se développent sur des plantes ornementales (Pelargonium sp.).
Selon Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/Brun_des_p%C3%A9largoniums :
"Le Brun des pélargoniums est un petit papillon d'une envergure de 15 mm à 23 mm pour le mâle, 18 mm à 27 mm pour la femelle, au dessus marron bordé d'une frange blanche entrecoupée de marron, avec aux postérieures une queue et un petit ocelle en position anale. Le revers présente des dessins en lignes dans divers tons de marron, certains très colorés, et la même frange blanche entrecoupée de marron. Les espèces ressemblantes (pour la présence de deux petites queues) sont Lampides boeticus et Leptotes pirithous.
Les chenilles, d'abord de couleur vert tendre changent de coloration, portent des marques roses formant des lignes sur le dos et des poils raides de couleur blanche, ce qui fait qu’on les confond avec les boutons floraux dans lesquels elles pénètrent (phénomène de mimétisme cryptique).
Biologie : Aux Baléares, on compte jusqu'à six générations du brun des pélargoniums par an. En élevage, le cycle biologique dure en France autour d'un mois. Dans les Bouches-du-Rhône, l'adulte peut être observé dès le mois de janvier et jusqu'en mi-octobre en Charente. La plante-hôte de sa chenille sont les Pelargonium et dit-on, les Geranium, Geranium sylvaticum, Geranium pratense, Geranium pyrenaicum,Geranium robertianum. Mais des travaux de l'INRA montreraient que les Geranium indigènes ne seraient pas plantes-hôtes et que seuls les Pelargonium seraient concernés.
Carte de répartition. En vert : présent. En orange : présent dans certaines zones
Le Brun des pélargoniums est présent dans le sud de l'Afrique (Afrique du Sud, Mozambique, Zimbabwe), et a été introduit aux Baléares puis s'est étendue au Maroc, à l'Espagne, à la France et en Belgique. Elle est également repérée en Suisse (Tessin), en Autriche et en 2003 à Palerme (Sicile). En France il est présent dans tout le sud jusqu'en Charente-Maritime, Charente, Dordogne, Lot, Cantal, Loire, Saône-et-Loire et Ain. Il a été signalé en Seine-Saint-Denis et dans le Haut-Rhin. L'espèce étant originaire d'Afrique du Sud, des stades immatures sont, selon toute vraisemblance, introduits accidentellement aux Baléares par transport avec des “géraniums” (Pelargonium). Observée à Majorque en 1988, l'espèce envahit rapidement l'île, puis le reste des Baléares, débordant sur l'Espagne continentale. Dès 1991, un Brun des pélargoniums est capturé à Bruxelles. En 1996, des colonies sont repérées près de Rome. En 1997, l'espèce, déjà présente en Catalogne, au Portugal et au Maroc et dans le sud de la France, est observée à Amélie-les-Bains (Pyrénées-Orientales) ainsi qu'en Grande-Bretagne (Sussex).
L'expansion du Brun des pélargoniums, soutenue par le goût des habitants des villes et des villages pour le “géranium” et l'absence de parasites et prédateurs spécifiques, n'a pas été freinée dans les dernières années par sa relative disparition des balcons, du fait des ravages causés par les chenilles de l'espèce qui se nourrissent de toutes les parties aériennes de la plante, notamment des fleurs et des bourgeons floraux. Il semblerait donc que son établissement en France, au moins dans les régions méditerranéennes, soit à présent réalisé. Pour certains, le réchauffement climatique favoriserait cette expansion. Il réside dans les jardins et tous les lieux où sa plante-hôte est cultivée, parcs, balcons et autres. L'espèce est considérée comme nuisible et sa destruction est obligatoire."
c) Origine et histoire du nom marshalli.
— Luquet in Doux et Gibeaux (2007) page 194 :
marshalli : taxon dédié à Sir Guy Anstruther Knol Marshall (1871-1959), qui devint, quelques années après cette dédicace, le premier Directeur de l'Institut Entomologique du Commonwealth.
— Arizzabalaga & al. 2013 :
Dedicada a P. Marshall, entomòleg anglosaxó
Discussion.
Arthur Gardiner Butler, employé au British Museum et très attaché à cette époque à la description de espèces tropicales ou exotiques, rend hommage dans sa description originale de 1897-1898 d'une nouvelle espèce du genre Cacyreus à Sir Guy Anstruther Knox Marshall (1871- 1959 ). Celui-ci, qui deviendra le Directeur du Commonweath Institute of Entomology, créera deux publications scientifiques ( le Bulletin of Entomological Research et la Review of Applied Entomology), et sera l'un des fondateurs du CABI, organisation internationale d'expertise entomologique et mycologique très attentive aux maladies propagées par les espèces envahissantes (pest diseases), n'est encore qu'un jeune entomologiste amateur qui explore la Province du Natal où il songe à s'établir comme éleveur à la demande de son père. En quelques mois de 1896-1897, il adresse 677 spécimens venant de ce paysage de brousse et de forêt, et notamment cette nouvelle espèce provenant de la ville d'Estcourt, au nord de Dublan. Il est donc parfaitement logique que Butler honore Marshall en donnant son nom à une nouvelle espèce de Cacyreus.
II. Noms vernaculaires.
I. Les Noms français.
L'espèce qui n'est apparue en France qu'en 1997 dans les Pyrénées-Orientales, et en 1999 dans le Var, n'a reçue un premier nom vernaculaire qu'en 2000 dans "Les papillons de jour de France Belgique et Luxembourg et leurs chenilles" de Tristan Lafranchis, qui est donc jusqu'à plus ample informé le créateur de ce nom. En 2007, Gérard Luquet créa "l'Argus des Pélargoniums" dans l'ouvrage "Les papillons de jour d'Île-de-France et de l'Oise" de Doux et Gibeaux, 2007. En 2013, Gérard Luquet (Dupont & al. 2013) utilise la forme "Brun des Pélargoniums". l'INPN mentionne pour sa part, et avec cet emploi des majuscules, les formes "Brun du pélargonium" et "Argus des Pélargoniums".
Le nom s'explique par la couleur uniforme de la face supérieure des ailes ("brun") et par le genre de la plante-hôte (les géraniums). Le nom "Argus" se justifie plutôt sans-doute par le souci d'inclure cette espèce dans un groupe dénominatif, car les ocelles qui sont le propre des "Argus" (Argos étant un géant aux cent yeux) sont absents ou réduits ici à une rangée de minuscules lunules blanches.
Pelargonium vient du grec pelargos, "cigogne" en raison de la forme des fruits semblable à un très long bec pointu. Les géraniums sauvages étaient nommés depuis le XVIe siècle au moins Bec de Cigogne, Bec de Grue.
Si les genres Pelargonium et Geranium L. 1753 sont clairement distincts pour les botanistes, il existe une confusion complexe dans l'emploi des noms vernaculaires Pélargonium et Géraniums par le grand public ou les vendeurs de jardineries. On se reportera, comme je l'ai fait, à un remarquable article de Wikipédia http://fr.wikipedia.org/wiki/Geraniaceae dont je reprends ceci :
Alors que les Géraniums sauvages européens avaient été décrits au XVIe siècle ( Jean Bauhin Historia plantarum, 1651), les Pelargonium sont originaires d'Afrique du Sud et ont été introduits en Europe dès le XVIIe siècle et qu'ils sont utilisés comme plante ornementale. La plupart des plantes nommées communément « géraniums » par les fleuristes n'appartiennent pas au genre Geranium (tel qu'actuellement délimité par les botanistes) mais au genre Pelargonium. Ils portent ce nom en français depuis le xviie siècle bien avant que les botanistes ne s'accordent à les classer dans le genre des Pelarganium. Car à l'époque de l'importation des Gerianaceae d'Afrique du Sud, le genre Geranium tel que circonscrit par Linné en 1753 dans Species Plantarum regroupait les espèces qui actuellement sont comprises dans les genres Pelargonium, Erodium et Geranium.
En bref, nous nommons géraniums les plantes de nos jardinières qui sont botaniquement des plants de Pelargonium. Comme le Cacyreus marshalli est une espèce inféodée au genre Pelargonium, comme elle a été décrite en Afrique du Sud, et comme son espèce-type C. lingeus a sa localité-type au Cap de Bonne-Espérance, nous ne perdrons pas notre temps à découvrir comment la région de Cap est devenue un centre de diffusion mondiale de Pelargonium
La première plante apparentée aux géraniums que les marchands-navigateurs ramènent du Cap de Bonne-Espérance arriva à Leyde avant 1600 et fut appelée Geranium Indicum puis Geranium triste en raison de la pâleur jaunâtre de ses pétales. Elle fut rattachée aux géraniums. Elle fut enregistrée comme une plante venant d'Inde, probablement parce qu'elle fut rapportée par un navire provenant de ce pays et faisant escale au Cap. D'abord cultivée en Hollande , elle apparaît ensuite dans le catalogue de plantes du pépiniériste parisien René Morin en 1621, puis chez Tradescant à Londres en 1631. La première espèce africaine (Geranium Africanum) fut introduite en Hollande, en France puis en Angleterre au début du XVIIe siècle. Un siècle plus tard, les ancêtres des trois principaux groupes des géraniums horticoles modernes, le Zonal, le Géranium-lierre, et le Regal, étaient arrivés en Hollande. Un jeune collecteur des jardins de Kew, Francis Masson, envoyé au Cap en 1772, fut responsable pendant 20 ans, de l'introduction de 102 nouvelles espèces.
À la veille de la Révolution de 1789, le magistrat et botaniste parisien, Charles L'Héritier, se trouvait à Londres où il put avoir accès pendant un an à l'herbier de Banks sur les géraniums africains. Il y travailla à un grand texte inachevé, intitulé Geraniologia, illustré par plusieurs peintres et graveurs dont Pierre-Joseph Redouté, dans lequel il proposait de séparer le genre Geranium de Linné en trois genres : deux nouveaux genres, appelés Pelargonium et Erodium et le reliquat de l'ancien genre. Le premier regroupant les espèces possédant une corolle irrégulière (zygomorphe*) et le second regroupant les espèces dont les filets des capsules sont barbus et en spirale. Restaient sous le genre Geranium, les espèces à corolle régulière (actinomorphe).
*Zygomorphe : du grec zygon, "joug, balance" donc "accouplé par deux", la corolle ayant une symétrie bilatérale et non une symétrie radiale (en rayons de roue) comme les Geranium). Voir Zygaena, formé sur la même racine grecque).
Les Pélargoniums se divisent en espèces sauvages, et en cultivars qui sont nommés "géraniums des fleuristes". Cacyreus marshalli n'est préoccupant que pour les cultivars (géraniums ornementaux) mais pas pour les plants sauvages
7. Noms vernaculaires contemporains :
—Bellmann / Luquet 2008 : non cité.
— Chinery / Luquet 2012 : non cité
— Doux & Gibeaux 2007 : "L'Argus des Pélargoniums".
— Lafranchis, 2000 : "Brun des Pélargoniums" .
— Tolman & Lewington / P. Leraut 2009 : "Brun des pélargoniums".
— Wikipédia : "Brun des pélargoniums".
III. Les noms vernaculaires dans d'autres pays.
- "Geranium Bronze" en anglais
- "Perlagonienbläuling" en allemand
- "Geraniumblauwtje" en néerlandais
- "Trädgårdsblåvinge" en suédois
- "Taladro de los Geranios" en espagnol
- "Barrinadora dels geranis" en catalan : "Barrinadores" Per les larves endòfites a les tiges de la planta nutrícia "Barrinadora dels geranis" Per l’especifitat de la planta nutrícia, els geranis cultivats (Pelargonium spp.)
- "Effyd ymyl" wen en gallois
Voir aussi :http://www.lepidoptera.pl/show.php?ID=70&country=FR
Bibliographie, liens et Sources.
— Funet : Cacyreus marshalli
— Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) : Cacyreus marshalli
— UK Butterflies : Cacyreus marshalli
— lepiforum : Cacyreus marshalli
Bibliographie générale des Zoonymies : Zoonymie des Rhopalocères : bibliographie.