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13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 23:02

 

L'histoire des noms français des papillons : introduction.

 

Plan : 

Préambule.

I. La chasse aux papillons et les premiers collectionneurs.

II. Liste des auteurs principaux et de leurs ouvrages. 

III. Dénomination vernaculaire des papillons : les Hollandais et les Anglais nous précèdent.

IV. Étude des noms (Zoonymie) des papillons : moyens et sources.

 

Préambule.

L'ambition d' écrire une histoire des noms vernaculaires français des Lépidoptères dépasse très largement les moyens de ce blog. Je donne plutôt ici les éléments que je réunis à ma propre intention pour marquer les jalons de mes recherches.

   Cette histoire repose pour l'essentiel sur trois auteurs:

                          - Étienne Louis Geoffroy qui publie les deux tomes de son Histoire abrégée des insectes en 1762.

                          - Jacques Louis Engramelle, dont les 8 volumes des Papillons d'Europe paraissent de 1779 à 1792.

                          - Jean-Baptiste Godart, qui n'achève pas son Histoire Naturelle des Lépidoptères parue de 1821 à 1842 et terminée par Duponchel.

  Étrangement, ces auteurs qui jouèrent un rôle majeur dans l' étude française des Lépidoptères semblent méconnus, si on en juge par exemple sur le fait qu'une Histoire des entomologistes français 1750-1950 par Jean Gouillard (Boubée éditeur, 1991 et 2004) ne mentionne pas leur nom. De même, les noms français que nous donnons aux papillons sont souvent mésestimés, qualifiés de noms vulgaires, communs ou triviaux, et l'effort de création presque littéraire auquel nous les devons a fait place au XIXe siècle à une production en série de noms calqués sur les noms scientifiques. Pire, ils cessèrent même de recevoir des noms dans notre langue.

  En 1912-1921, Charles Oberthür et Constant Houlbert, dans leur Faune armoricaine, utilisent les noms scientifiques pour désigner leurs rhopalocères ; néanmoins, la légende des photographies mentionnent un nom vernaculaire et son auteur, en priorité Geoffroy.

Au troisième tiers du XXe siècle, un guide anglo-saxon comportant les noms vernaculaires en langue anglaise fut adapté en français, et cette traduction  imposa de forger des noms français pour les espèces qui en étaient dépourvus, et de choisir parmi les anciens. Il s'agit de  A field guide to the butterflies of Britain and Europe, Collins, 1970 de Lionel George Higgins et Norman Denbigh Riley. Les trois adaptations françaises datent de 1971, 1975 et 1988, la plus citée étant celle de 1988 : Higgins (L. G.) et Riley (N. D.).  Guide des Papillons d'Europe : Rhopalocères. Troisième édition française. traduction et adaptation par Th. Bourgoin, avec la collaboration de P. Leraut, G. Chr. Luquet et J. Minet. Delachaux et Niestlé édit., Neuchâtel ,1988, 455 pages. 

 Ce sera le mérite de ces auteurs, et notamment de Gérard Christian Luquet de forger un nouveau répertoire, à la fin du XXe siècle. Cet auteur, actuellement Maitre de conférence au Muséum national d'histoire naturelle, département Écologie et Gestion de la Biodiversité le fera à l'occasion de traductions, comme celle du Guide de Higgins et Riley qui indique dans sa troisième édition :"Pour chaque espèce, au moins un nom vernaculaire est mentionné. Sauf exceptions, ces noms correspondent à la liste et aux recommandations du Dr G. Luquet (1986, Linn. belg.. 10 (8)". Il sera aussi le traducteur de Quel est donc ce papillon, de Heiko Bellman, et c'est donc lui qui établira le nom vernaculaire des papillons présentés. C'est aussi lui qui traduit (et donc adapte) Papillons et chenilles de Thomas Ruckstuhl, 1997. De même, cet auteur supervise en 2007 Les papillons de jour d'Île de France et de l'Oise d'Y. Doux et C. Gibeaux. 

 

 

   Aussi singulier que cela puisse nous paraître, les papillons n' ont pas reçu de noms pendant des siècles, et dans la première moitié du dix-huitième siècle, voici moins de trois cent ans, les noms manquaient pour les désigner. Les premières collections connues datent de 1565 (Gessner), et ce sont ces collections qui ont mené à établir des catalogues descriptifs. Les papillons étaient alors désignés par une phrase descriptive en latin, d'une part, et par la référence d'une illustration dans un ouvrage. Voici comment, en 1762, Geoffroy désigne celui qu'il va baptiser le Myrtil :

Myrtil-geoffroy.jpg

 

    Réaumur, dans son Histoire des Insectes de 1734 n'utilise même pas cette méthode, mais il renvoie à ses propres illustrations par un commentaire tel que " les figures 4 & 5 sont celles d'une chenille qui vit sur le prunier, et surtout sur le prunier sauvage, dont la femelle a de si petites ailes qu'on a peine à les apercevoir. ". Et il est surprenant de constater que c'est par la description, et l'élevage, des chenilles que l'étude des papillons a débuté pour les auteurs français (Réaumur et Engramelle notamment). 

    Lorsqu'ils n'étaient pas désignés par la phrase descriptive latine mais par un terme français, ils recevaient des noms descriptifs tels que "le papillon blanc veiné de vert", ou "le grand papillon du chou", et ce sera encore l'usage longtemps au XIXème siècle.

 

   C'est dire à quelle révolution paradigmatique Linné convia ses contemporains lorsqu'il se donna pour tache de donner à chaque espèce une dénomination faite de deux noms latins, et , notamment pour les lépidoptères, de leur  attribuer des noms parfaitement arbitraires, tiré du fond culturel gréco-latin tels que " Ulysses", "Agamemnon", "Diomedes". La date de ce séisme est fixée à l'année 1758. Et c'est en 1762 (Geoffroy) et en 1779 (Engramelle) que deux publications donnent, pour la première fois en langue française, des noms propres à nos papillons. Avant de présenter ces deux ouvrages, je vais les placer dans le contexte de l'entomologie de l'époque, et dresser une liste des publications importantes dans l'histoire de cette science naissante qu'était la lépidoptèrologie.

 

   Publier, au XVIII et XIXème siècle, un ouvrage sur les papillons requiert deux choses :

              • une collection.

              • une riche bibliothèque

  Commençons par parler de la chasse aux papillons et des collectionneurs, car de même qu'en ornithologie j'ai eu à m'intéresser à la taxidermie et aux collections pour comprendre les progrès de cette science, c'est par l'étude des collections au sein des Cabinets de curiosité que débute celle de l'histoire de la lépidoptérologie.

  

 

I. La chasse aux papillons et les collectionneurs de papillons.

 

    Il est deux méthodes principales pour constituer une collecte de papillons : la recherche de chenilles, que l'on élève, ou bien la chasse. Les papillons diurnes se chassent au filet en les recherchant sur les sites qu'ils fréquentent, ou parfois en les appâtant. Les papillons nocturnes sont chassés en utilisant des sources lumineuses qui les attirent ou en enduisant des troncs d'arbre ou des supports d'une "miellée" sucrée, fermentée et alcoolisée. Enfin Engramelle conseille d'utiliser les femelles pour appâter les mâles.

 

    Les collections de papillons se sont développées parallèlement à la constitution des cabinets de curiosité, puis de Muséums d'Histoire Naturelle, de façon concomitante avec la réalisation des herbiers, des collections de minéraux, d'animaux conservés par taxidermie, et des collectes d'autres insectes, et on en connaît l'existence depuis le seizième siècle et l'apogée au dix-neuvième siècle. Je citerais les noms que j'ai pu retrouver :

• Leonard Plukenet (1642-1706), 140 planches de 1700 spécimens entomologiques séchés, récoltés en Angleterre.

 

• The Society of Aurelians de Londres a été fondé par un groupe de passionnés réunis autour de l'illustrateur Joseph Dandridge (1664-1746) pour prospecter la région de Londres. C'est l'un des plus anciens clubs de zoologie, qui tire son nom d'Aurélian _ terme archaïque désignant les lépidoptérologistes_ de aurelia, ae, la chrysalide (les deux mots, latin et grec et issus de aureum/ chrysos, renvoient à l'aspect doré des nymphes).

   Leurs trouvailles allèrent enrichir les collections de  John Ray .

Cette Société eut une fin dramatique en mars 1748 dans l'incendie d'un ruelle de la City, Exchange Alley : déclaré chez un perruquier, il se propagea à une centaine de maisons, et si aucun des "Aurelians"ne périrent, ils perdirent leur bibliothèque et toutes leurs collections.

 

James Petiver (1663-1718) et son Musée, racheté par Sir Hans Sloane pour rejoindre le fond du Natural History Muséum.

 

• Lady Eleanor (Aliénor) Glanville (v.1654-1709) fut considérée comme une excentrique, presque une folle pour s'être livrée à sa passion, la chasse aux papillons, mais trois spécimens de sa  riche collection sont encore visibles au Natural History Museum, et le papillon que nous nommons Mélitée du plantain, Melitatea cinxia, porte pour les anglophones le nom de Glanville Fritillary pour la venger des quolibets, et à travers elle donner à tous les manieurs de filets dans les buissons une revanche sur  les regards ironiques des passants.

 

• Dru Drury (1725-1804) réunit une collection entomologique de 11 000 insectes, dont 240 sont représentés dans Illustrations of hatural history(1173) avec des planches de Moses Harris.  J.C. Fabricius se rendit à Londres pour découvrir cette collection, et se lia d'amitié avec Duru Drury, à qui il dédiera plus tard un microlépidoptère.

 • Edme-François Gersaint (1694-1750), marchand d'art sur le Pont Notre-Dame à Paris, éditait un Catalogue d'Histoire naturelle très prisé.

• Pieter Cramer (1721-1776) est un marchand de laine à Amsterdam, qui  constitue une importante collection notamment de papillons récoltés par les commerçants ou les colons hollandais au Surinam. Cramer souhaite pouvoir catalogue sa collection, aussi engage-t-il le peintre Gerrit Wartenaar  pour dessiner ses spécimens. Cramer demande aussi à Wartenaar d’illustrer les papillons détenus par d’autres collectionneurs dans les Pays-Bas.

Caspar Stoll (?-1795) trouvant la qualité de ses illustrations si bonne, qu’il encourage Cramer de publier une série de dessins. Commence alors la publication de Die uitlandische Kapellen voorkomende in de drie Waereld-Deelen Asia, Africa en America. Papillons exotiques des trois parties du monde l’Asie, l’Afrique et l’Amérique en 1775. Trente-quatre fascicules, regroupés en quatre volumes, paraissent jusqu’en 1779. Cramer meurt avant que la publication ne soit achevée, celle-ci est conduite à terme par Stoll qui fait également paraître un supplément en 1782.

De Uitlandsche Kapellen est une étape importante dans l’histoire de l'entomologie. Magnifiquement illustré par des gravures colorées à la main, il est le premier livre sur les papillons exotiques ordonné suivant le nouveau système développé par Linné. Plus de 1 650 espèces sont décrites, souvent pour la première fois. (Source : Wikipédia).

  Cabinet du Roi, au Jardin du Roi : "Le cabinet du roi est le cabinet de curiosités créé à la suite de l'achat en 1633 d'une propriété par Louis XIII. Elle deviendra le Jardin du Roi, puis le Jardin des plantes et enfin l'actuel (Muséum national d'histoire naturelle) et à l'origine, un jardin de plantes médicinales. Ce cabinet de curiosité comprenait de vastes collections de d'insectes, de plantes, de fossiles, de concrétions, squelettes de monstres, habits de plumes à l'usage des sauvages ou des « Amériquains ». L'origine de toutes ces pièces est diverse : cadeaux faits au Roi de France comme gage d'alliance de la part des peuples "rencontrés", dons de collections entières comme celle de Joseph Pitton de Tournefort ou René-Antoine Ferchault de Réaumur, de botaniste, de naturaliste et de voyageurs, qui viennent enrichir, sous Louis XIV et Louis XV les collections du Cabinet du Roi. Ces collections deviendront la base des collections actuelles du Muséum national d'histoire naturelle de Paris, et du musée de l'Homme." (Wikipédia)

 • Collection d'Étienne-Louis Geoffroy (1725-1810), elle même débutée par son oncle Claude-Joseph Geoffroy. 

• Collection de Jean Gigot d'Orcy (1733-1793), Receveur Général des Finances de Champagne, qui rassembla en son Cabinet une riche collection minéralogique et entomologique. Après avoir fait décrire ses papillons par Engramelle dans Papillons d'Europe, il engagea Guillaume-Antoine Olivier (1756-1814) pour décrire les autres insectes, et compléter sa collecte par des prospections aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et dans d'autres pays. On sait que G.A.Olivier, rédacteur important de l'Encyclopédie Méthodique (1789-1825), rassembla lui-même lors d'un voyage au Moyen-Orient une très belle collection entomologique, conservée au Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris.

• Collection de Charles Devillers ou de Villers (Rennes, 1724-1810) : source Wikipédia "Il est membre de l’Académie des sciences belles-lettres et arts de Lyon de 1764 à 1810. Possesseur d’un riche cabinet de curiosités et enseigne la physique et les mathématiques." J'ignore si cette collection comportait des lépidoptères, mais de Villers est l'auteur en 1789 de Caroli Linneai Entomologia.

• Collection de M. Mauvé, à Sceaux : "superbes papillons", beaux coquillages, oiseaux empaillés, (Almanach du voyageur, 1784)

• Collections entomologiques du Marquis de Fouquet, de M.Pâris, de Geoffroy de Villeneuve, de Poissonnier rue des Vieilles Audriettes (signalées par Olivier dans son Entomologie de 1789).

 

• Collection de Jean-Chrétien Gernig (1745, Francfort sur le Main-1802), composée de 40 000 papillons récoltés en Europe pendant un demi-siècle. Par celle-ci, Gernig contribua notablement au travail d'Engramelle (Papillons d'Europe) et selon une source datée de 1836, en rédigea la grande partie du texte et donna un grand nombre de figures.

 

• Collection de Ernst: l'illustrateur de Papillons d'Europe, qui avait été formé à l'étude des chenilles et des papillons par la lecture des Mémoires pour servir à l'Histoire des insectes de Réaumur, possédait sa propre collection à laquelle Engramelle puisa.

•Collection de MM. Dufresne et Valenciennes : citée par P.A Latreille, Encyclopédie méthodique 1819, Avertissement page 6.

Collection de J.B. Godart, citée également par P.A. Latreille, Encyclopédie méthodique 1819, Avertissement page 6 : "Une des plus belles collections de Paris".

Collection de P.A Latreille, acquise par...

• Collection du Comte P.F.M. Auguste Dejean (1780-1845), spécialiste des coléoptères et notamment des Carabidae. Il réunit la plus grande collection privée avec un catalogue de 22000 spécimens. Elle fut dispersée à sa mort, et partiellement rachetée par Charles Oberthür.

 

• Collection de Jean-Baptiste Dechauffour de Boisduval (1799-1879), médecin normand passionné de botanique et d'entomologie qui devint le conservateur de la collection Dejean. C'est l'auteur de Europaeorum lepidopterum index (1829).

 

• Les collections de - Achille Guenée (1809-1880),

                                     - J.B. Bellier de la Chavignerie (1819-1888),

                                     - Adolphe de Graslin (1802-1882)

                                     - Constant Bar (1817-1884)

                                     - Henry Walter Bater (1825-1892)  ... furent toutes rachetées par :

• Charles Oberthür (1840-1924).

 

 

 

II. Les auteurs importants.

 

   Geoffroy, Engramelle, de Villers ou Godart connaissent parfaitement les auteurs contemporains ou ceux qui les précèdent, et disposent d'une vaste bibliothèque (posséder l' Encyclopédie Méthodique dite Encyclopédie Panckoucke publiée de 1782 à 1832 , c'est disposer de quinze mètres linéaires de rayonnage pour disposer 210 volumes).

 

Aristote (384-322) ne donne dans son Histoire des animaux que 47 noms d'insectes.

• Pline l'Ancien (23-79) ne consacre que de rapides lignes aux papillons, citons, sur le bombyx, Histoire Naturelle, XI, chap.25 à 27  http://remacle.org/bloodwolf/erudits/plineancien/livre11.htm

• Isidore de Séville et Albert le Grand traitent d'entomologie.

• Le premier auteur notable est Conrad Gessner, mais il est emporté par la peste avant que le  sixième volume de son Histoire des animaux, consacré aux insectes, ne paraisse ; son assistant Thomas Penny avait pris des notes manuscrites, mais il mourut à son tour en 1589 en n'ayant publié qu'un seul livre.  Le manuscrit passe à son ami anglais Thomas Mouffet (1553-1604) qui le complète mais échoue à le faire publier à La Haye. A sa mort, l'ouvrage reste dans la famille de Mouffet sans être publié avant qu'en 1634 Sir Théodore Mayerne puisse le faire paraître, hélas dans un petit format,  sur un  papier médiocre et des gravures sur bois de piètre qualité. C'est sous le nom de Mouffet que le travail de Gessner est cité par les auteurs ultérieurs :

• 1634 :  Thomas Mouffet (1553-1603) : Insectorum sive minimorum animalium theatrum, Londres. avec 535 figures en xylographie.

• 1602 : Ulisse AldrovandiDe Animalibus insectis libri septemcum singulorum iconibus ad vivum expressis,Bologna : G.B.Bellagamba .

• 1657 : John JonstonHistoria naturalis, Amsterdam.

• 1658 : Edward TopsellHistory of four-footed Beats and serpents, avec en appendice la traduction anglaise de l'insectorum de T. Mouffet.

 • 1662-1667 : Jan GoedartMetamorphosis et historia naturalis. 105 planches gravées et coloriées à la main.

 L'invention du microscope et  la mise au point de la gravure sur cuivre, permettant une précision et une exactitude des illustrations, vont permettre un développement de l'entomologie.

• 1666 :  Christofer Merret (1614-1695) : Pinax rerum naturalium Britannicarum.

• 1669 : M.Malpighi,  Dissertatio epistolica de Bombyce, douze planches des détails anatomiques précis sur le Bombyx du mûrier,

• 1669 : Jan Swammerdam (1637-1680) : Historia insectorum generalis.

 1678 : Martin Lister, Historia animalium Angliae, Londres.

• 1679 : Anna Maria Sibylla Meriam, Der Raugen wunderbare wernandlung und sonderbare Blumennahrung.

  • 1695, A. Leeuwenhoek regroupe ses observations microscopiques dansArcana naturae detecta ope microscopiorum, Delphis..

 •1705,  Anna Maria Sibylla MeriamMetamorphosis insectorum Surinamensium 

• Léonard Plukenet laisse à sa mort en 1706 la plus ancienne collection d'entomologie conservée, avec 1700 spécimens pressés et séchés comme dans un herbier.

• 1730 : Anna Maria Sibylla Meriam , Histoire des insectes de l'Europe, trad. du hollandais par J. Marret, Amsterdam.

 • 1710 :  John Ray , Historia insectorum, Londres.

• 1717 : James PetiverPapillonum Britanniae icones...eighty british butterflies ; (et en 1702 son catalogue illustré :  gazophylacii naturae et artis Decades)

• 1720 : Eleazar  Albin,   A natural history of English Insects [...] illustré de 100 planches peintes.

• 1726 : Antonio Vallisnieriobservationes et experimenta circa Historiam naturalem et medicam

• 1734-1742 : René-Antoine Ferchault de RéaumurMémoires pour servir à l'histoire des insectes.  volumes, et 267 planches gravées par Simoneau puis par Dumoutier de Marsilly

• 1735 : Linné, Systema Naturae Ière édition;

1746 : Linné, Fauna suecica.

• 1746-1761 : Roesel von Rosenhof, Die Monatlich herausgegebene Insekten Belustigung

• 1747-1760 : B. Wilkes, English Moths and Butterflies.

•  1752-1758 : K. De GeerMémoires pour servir à l'histoire des insectes.

• 1758 : Linné, dixiéme édition du Systema Naturae.

• 1760 P. Lyonet, Traité anatomique de la chenille qui ronge le bois du saule.

• 1761 : LinnéFauna suecica, 2ème édition

 • 1762 : Etienne Louis Geoffroy Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris, 2 volumes in quatro, Paris.

• 1763 : J.A.ScopoliEntomologica Carniolica.

• 1764 : Linné , Museum Lugdovicum Ulrich...(M.L.U)

 • 1766 : M. Harris, The Aurelian or Natural History of English Insects, namely Moths and Butterflies. puis en 1775 The English lepidoptera, or the Aurelian's Pocket Companion.

 • 1767 : Linné, 12ème édition du Systema Naturae

• 1775 :  J. Caspar Fuessly .  Verzeichnis der ihm bekannten schweizerischen Insekten mit einer ausgemahlten Kupfertafel: nebst der  Ankündigung eines neuen Insecten Werks,  Zürich, H. Steiner,1775. :http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/

http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/65772#/summary


• 1775 : J.C.FabriciusSystema entomologica.

• 1775 : Rottemburg, Naturforscher 6.

• 1775 : Denis et Schiffermüller,  Ankündigung eines systematischen Werkes von den Schmetterlingen der Wienergegend.

• 1776 : Denis et SchiffermüllerSystematisches Verzeichniss der Schmetterlinge

 • 1776 : J.C. Fabricius  Genera insectorum

•  1776 : Otto Friedrich MullerFauna inscetorum Fridrischdaliana.

                                                      Zoologiae Daniace Prodromus.

 • 1777-94 : J.C.Esper Die Schmetterlinge in Abbildungen nach der Natur, 1-5, seconde édition avec additions   par Toussaint von Charpentier en 1829-1839.

• 1775 à 1782 : Caspar Stoll et Pieter CramerDie uitlandische Kapellen : description de 1650 espèces du Surinam.

•1779-1792 :  Jacques-Louis Florentin EngramellePapillons d'Europe peints d'après nature par M. Ernst, gravés par M. Gérardin, et coloriés sous leur direction, décrits par le R.P. Engramelle, religieux augustin du quartier de Saint Germain, À Paris chez Delaguette/ Basan & Poignant, 29 cahiers, 8 volumes.

  • 1778-1794 :  M.B. BorkhausenNaturgeschichte der Europaïschen Schmetterlinge, 1-5

• 1789 : Charles Joseph de Villers (1724-1810), Caroli Linnaei entomologia.

• 1796 : P.A Latreille : Procès des caractères généraux des insectes.

• 1796-1805 : Jakob Hübner, Sammlung europaïschen Schmetterlinge, recueil de planches colorées.

• 1789-1808 : Guillaume Antoine Olivier Entomologie ou Histoire naturelle des Insectes, 6 vol., 363 pl. J. Audebert, D.L. Reinold, J.B. Meunier

• 1798-1804 : F. von Schranck, Fauna Boica 1-3 : première application de la nomenclature linnéenne aux papillons.

• 1802-1805 : P.A Latreille, Histoire Naturelle genérale des crustacés et des insectes.

• 1803 : A.H HaworthLepideptora Britannica.

• 1805-1824 : Jakob HübnerGestchischte europaïscher Schmetterlinge (planches colorées).

• 1806 Jakob HübnerTentamen determinationis.

• 1820-1846 : Godart et DuponchelHistoire Naturelle des lépidoptères ou papillons de France, Paris, Mequignon-Marvis, 18 volumes, y compris le supplément de Duponchel de 5 volumes, 1836-1844.

• 1825-1835 : G.F.Treitsche : Die Schmetterlinge von Europa (commencé par F. Ochsenheimer 1825)

• 1827-35 : J.F. StephensIllustrations of British Entomology : Haustellate, 11 volumes

• 1823-1840 : CurtisBritish Entomology.

• 1832 : J.B de Boisduval , J.P Rambur, A. GraslinCollection iconographique et historique des chenilles, Roret, Paris.

• 1832-34 : J.B. de BoisduvalIcônes historique des lépidoptères nouveaux ou peu connus. Collection des papillons d'Europe nouvellement découverts... (Roret).

• 1834 : A. LucasHistoire Naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris, 20 livres.

• 1839 : P.C. Zeller, publications sur les micromoths.

• 1840 : de BoisduvalGenera et Index methodicus europaecorum lepidopterum.

• 1843-56 : G.A.W. Herrich-Schaffer,

• 1844-46 : Duponchel, Catalogue Méthodique des lépidoptères d' Europe.

• 1844 : E.F. Eversmann : Fauna Lepidopterologia Volgo-Uralensis.

• 1846-1853 : E. Doubleday et J. WestwoodThe genera of diurn lepidoptera.

• 1857 : J. LedererDie Noctuiten Europas

• 1858-1866 : Jules Pierre RamburCatalogue systématique des lépidoptères de l'Andalousie.

• 1876-1902 :Charles Oberthür, Études d’entomologie (21 volumes) illustrées de 1 300 figures en couleur

• 1904-1924 : Charles Oberthür : Études de lépidoptérologie comparée (22 fascicules) illustrées de plus de 5 000 figures

 • 1912 Charles Oberthür Faune entomologique armoricaine. Lépidoptères (premier fascicule). Rhopalocères, avec Constant Houlbert, impr. Oberthur. In-8°, 260 p. réimprimé en 1922. Supplément du Bulletin de la Société scientifique et médicale de l'Ouest.


 

 

III. Lépidoptèronymie vernaculaire : les Hollandais et les Anglais nous précèdent.

 

  La première évidence qui apparaît en consultant la liste que je viens de donner est l'absence d'auteur français avant Réaumur en 1734 ( si on oublie le Père Bonnami), et surtout la préséance des auteurs britanniques. Aucune catalogue des papillons présents en France n'est disponible avant Geoffroy (1765), alors que :

-Thomas Mouffet décrit en 1634  18 espèces ( européennes, puisque venant principalement des collections et des notes de Gessner de Zurich, Suisse, ramenées en Angleterre par Thomas Penny) . Ces espèces ne sont pas nommées, mais on reconnaît plus ou moins le Machaon, le Flambé, l'Apollo, le Citron, le Souci, le Gazé, les Pièrides du Chou, de la Rave et du Navet, l'Aurore, l'Azuré de la Bugrane, le Vulcain, la Belle-Dame, la Petite et la Grande Tortue, le Paon-du-jour, le Robert-le-diable, le grand Nacrè, le Tircis et la Mégère. La description de l'Azuré établit une comparaison entre ses ocelles, et les cent yeux répartis sur le corps du géant Argus : bien que le nom Argus ne soit pas écrit, il s'agit là, indirectement, de l'origine de ce nom, sans-doute sur une idée de Gessner.

- En 1662, Jan Goedart crée en hollandais (néerlandais) dans Metamorphosis naturalis le premier nom vernaculaire d'une espèce de lépidoptère, Pauew ogg ("Oeil de Paon), traduit dans lson édition latine en oculus pavonis que Linné reprendra en 1746. C'est l'origine de notre Paon-du-Jour. (Goedart créa d'autres noms, comme Gulsigaert "Glouton"  pour Aglais urticae et Klok-luyer pour Vanessa atalanta).

- Christophe Merret donne en 1666 la première liste de 20 espèces britanniques , sans les nommer.

 

- John Ray indique en 1710  48 papillons diurnes et 300 papillons de nuit, décrits par une courte phrase latine sans nom propre, ou reprenant le nom donné par Petiver.

 

- James Petiver est le "Père" des papillons de Grande-Bretagne, puisque non seulement il décrivit les deux-tiers de la faune britannique actuellement connue, mais que c'est lui qui leur donna pour la première fois un nom propre, en langue anglaise. Auparavant, aucune dénomination n'était disponible, y compris en latin où, au mieux, pouvait être utilisés les premiers mots de la phrase descriptive ( papilio major nigricans pour le Vulcain, Papilio alis laciniatis pour le Robert-le-diable, etc...). Cette diagnose est complétée par les références des illustrations des  auteurs décrivant la même espèce. 

Ces noms de papillon apparaissent dans le Musei petiveriani (1695-1703) et dans le Gazophylacii (1702-1706) parmi d'autres descriptions de plantes, fossiles, œufs, reptiles, coquilles et autres spécimens, auxquels est également attribué un nom propre, pour les espèces autochtones (Grande-Bretagne) essentiellement. Tous les noms sont construits sur le même canevas, qui a d'abord été utilisé pour les noms botaniques, en anglais par John Gerard (1597) et John Ray (1660), mais initialement par le hollandais Robert Dodoens en 1554 dans son Herbal. Un nom principal (par exemple Rritillary, qui est employé pour un ensemble de plantes aux pétales tachetés, puis appliqué par Petiver aux papillons aux ailes en damier) est décliné par adjectifs de taille, de couleur, de forme, géographiques, etc.  Ainsi Petiver crée-t-il The greater silver-spotted Fritillary,The greater silver-streaked Fritillary, The April Fritillary, The May Fritillary,  Mr. Vernon's small Fritillary, Darbrown Marsh Fritillary, The Lincolnshire Fritillary, Our brown Marsh Fritillary et Mr Dandridges Marsh Fritillary, et, dans la série des Argus,  The blue Argus, The pale blue Argus, The mixt Argus et The edg'd brown Argus.

 Ces noms sont encore descriptifs, ils sont des formes abrégées des phrases descriptives. Deux noms font exceptions, The Admiral, et The Royal William.

  Les noms vernaculaires des papillons apparaissent donc en Angleterre entre 1695 et 1717, soit un demi-siècle avant que des noms soient disponibles dans notre langue, ce qui veut dire que les naturalistes français utilisent les phrases latines, ou se référèrent aux auteurs anglais et aux noms anglais pendant plus de cinquante ans : cette précession n'est pas sans conséquence sur notre vocabulaire, et nous avons emprunté à nos voisins, par exemple, les noms d'Argus, de Petite et Grande Tortue ( Small Tortoiseshell et Large Tortoiseshell), de Belle-Dame ( Painted Lady).

Linné 1758.

La révolution en matière de nom vient de Linné. Non seulement en adoptant dans son Systema Naturae de 1758 la dénomination binominale (un nom pour ce qui deviendra le genre, un nom pour l'espèce), mais, pour les 192 papillons de jour qu'il nomme Papiliones, en rompant radicalement avec l'intention descriptive du nom et en optant pour un Nom Propre arbitraire, choisi dans la Mythologie ou les Belles-Lettres et n'ayant aucun rapport avec le papillon qui le porte : papiliones apollo, machaon, podalirius, semele, etc. 25 d'entre eux sont néanmoins nommés selon leur plante nourricière. 


Geoffroy, 1762.

En 1762, Étienne-Louis Geoffroy, docteur-régent de la faculté de Paris, crée à son tour, pour décrire les Insectes qui se trouvent aux environs de Paris, 48 noms de papillons de jour : nos premiers noms vernaculaires français. 

   Ainsi Geoffroy baptisa-t-il le cinquième de notre faune de rhopalocères*.  38 de ces zoonymes sont toujours en usage, parmi les plus courants : outre Morio, Paon-du-jour, Grande et Petite Tortue, Demi-Deuil, Belle-Dame, Argus bleu, Demi-Argus, Argus brun, Argus myope ou Argus vert (adaptés et traduits de noms de Petiver ou de Linné) il crée d'une part  Robert-le-Diable, Vulcain, Silène, Tristan, Bacchante, Tircis, Myrtil, Satyre, Amaryllis, Procris, Céphale, Mars. Et d'autre part  Tabac d'Espagne, Grand et Petit Nacré, Collier argenté, Damier,  Flambé, Bronzé, Miroir, Bande noire, Plein-Chant, Grisette, Gazé, Aurore, Citron, et  Souci. J'ai séparé ces deux groupes en fonction de deux sources d'inspiration, les Belles Lettres pour le premier, et les matériaux évocateurs de couleurs et d'aspect, pour le second. 

* Lafranchis décrit en 2000 près de 250 espèces de France et de Luxembourg ; en 1986, Luquetdonne une liste de 413 noms de rhopalocères français.

 Geoffroy crée non seulement ces noms propres bref, en un seul mot, arbitraires (première série) ou métaphoriques (deuxième série), mais reprend à son compte la façon descriptive héritée de la botanique pour huit espèces : Le Grand papillon à queue, du fenouil ;Le grand papillon blanc du chou ;Le Petit papillon blanc du chou ; Le Papillon blanc veiné de vert ; Le Porte-queue bleu striè ; Le Porte-queue bleu à une bande blanche ; Le Porte-queue fauve à deux bandes blanches ; Le Porte-queue brun à deux taches blanches.

Engramelle, 1779.

En 1779, Engramelle, dans ses Papillons d'Europe, reprend la plupart des noms de Geoffroy, et crée à son tour 44 noms de rhopalocères :

-Le Point-de-Hongrie :  Erynnis tages.

- L' Échiquier  : Carterocephalus palaemon.

- l' Apollon : Parnassius apollo.

- Le Petit Apollon : Parnassius phoebus.

- Le Semi-Apollon : Parnassius mnemosyne.

- La Diane : Zerynthia polyxena.

- La Proserpine : Zerynthia rumina.

- Le (papillon blanc ) Veiné de vert : Pontia daplidice.

- L' Aurore de Provence : Anthocharis euphenoides.

- Le Solitaire : Colias palaeno.

- Le Candide : Colias phicomone.

- Le Soufré : Colias hyale.

- L' Argus satiné : Lycaena virgaureae.

- Le Protée : Maculinea alcon.

- L' Azuré ( actuellement Azuré du mélilot) : Polyommatus dorylas.

- L'Argus Bleu-nacré : Lysandra coridon.

- L'Argus Bleu-celeste : Lysandra bellargus.

- L'Échancré : Libythea celtis.

-Le Némusien : Lasiommata maera.

- Le Moelibée (le Mélibée) : Coenonympha hero.

- Le Mysis (le Misis) : Hyponephele lycaon.

- Le Franconien (le moiré franconien) : Erebia medusa.

- Le Grand Négre des Bois : Minois drias.

- Le Mercure : Arethusana arethus.

- Le Petit Agreste : Arethusana arethusa.

- L' Hermite : Chazara briseis.

- Le Faune : Hipparchia statilinus.

- L' Agreste : Hipparchia semele.

- Le Petit Sylvestre : Hipparchia alcyone.

- Le Sylvandre : Hipparchia fagi.

- Le Grand Mars changeant : Apatura iris.

- Le Petit Mars changeant : Apatura ilia.

- Le Cardinal : Argynnis pandora.

- Le Chiffre : Argynnis niobe.

- La Grande Violette : Brenthis ino..

- Le Pales : Boloria pales.

- Le Petit Collier argenté : Clossiana selene .

- L' Alezan : Clossiana titania.

- La Petite Violette : Clossania dia.

- Le Grand Sylvain : Limenitis populi.

- Le Petit Sylvain : Limenitis camilla.

- Le Sylvain azuré : Limenitis reducta.

- La Carte Géographique : Araschnia levana.

  - Le Grand Damier: Melitaea phoebe.

 


      Godart, 1819-1821

En 1821, Jean-Baptiste Godart, dans son Histoire naturelle des Lépidoptères décrit 94 espèces de rhopalocères "qui se trouvent autour de Paris et à plus de cinquante lieues à la ronde", auxquelles se rajouteront 85 espèces qui seront décrites en 1822 et qui correspondent aux  "départements méridionaux". Soit 179 espèces et autant de noms. Godart, dans un souci de taxonomie appliquée à l'onomastique vernaculaire, adopte le système binominal en utilisant les noms français de Genres créés par Latreille. Les noms de Geoffroy et d'Engramelle seront majoritairement repris, précédés de leur Genre : le Citron deviendra ainsi Le Coliade Citron, le Grand papillon blanc du chou deviendra La Piéride du Chou, et le Tabac d'Espagne L'Argynne Tabac d'Espagne entrainant un allongement et un alourdissement du nom propre qui perdra son caractère lapidaire. Mais pour certaines espèces de ses prédecesseurs, et pour toutes les nouvelles espèces, Godart, plutôt que de créer de nouveaux noms, aura recours au nom scientifique : Le Grand Nacré de Geoffroy deviendra l'Argynne Aglaé (papilio aglaia de Linné), le Grand Damier d'Engramelle l'Argynne Phoebé, l'Actéon d'Engramelle deviendra le Satyre Actaea (papilio actaea d'Esper et Hübner), l'Ariane et le Némusien d'Engramelle deviennent le Satyre Maera (papilio maera de Linné), etc. Ce procédé sera bénéfique pour les longs noms descriptifs comme le Porte-Queue fauve à deux bandes blanches qui devient le Polyommate du bouleau, traduction du papilio betulae de Linné.

Ces noms seront repris à l'identique par Hippolyte Lucas dans son Papillons d'Europe (1834), ou par Duponchel dans l'iconographie et histoire naturelle des chenilles de 1849, mais leur usage sera abandonné par Boisduval et al. dès 1833 dans Collection historique des chenilles. Alors que les Anglais resteront fidèles à l'usage de leurs noms vernaculaires et les feront progresser et s'accroître au fil des découvertes, les auteurs français vont les abandonner dans la période 1850-1950, ou ne les citeront, comme Oberthür, qu'incidemment. 

Gérard Luquet 1986.

Au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, des éditeurs mettent à la disposition du public des Guides de format réduits permettant l'identification des espèces de papillons d'Europe, notamment en Angleterre et en Allemagne, mais leur traduction en français révèle vite un problème de taille : comment "traduire" les noms vernaculaires étrangers dans notre langue pour toutes les espèces qui, depuis Godart, n'en n'ont pas reçu, chacun faisant éventuellement usage selon son goût de tel ou tel nom dans la plus grande confusion ? Gérard Luquet, confronté à ce travail de traduction, va créer en 1986 une liste de noms vernaculaires couvrant l'ensemble des espèces de rhopalocères de France.   

 

 

IV. L'étude des noms de papillons ou Zoonymie : outils et sources.

  Le terme zoonymie ou étude des noms des animaux est construit sur le modèle de termes comme anthroponymie, ou toponymie. Ce dernier est défini par le CNRTL comme "A Ensemble, système formé par les noms de lieux d'une région ou d'une langue. B. − Étude linguistique des noms de lieux, d'une région ou d'une langue, du point de vue de leur origine, de leur transformation, ou de leur signification." Nous pouvons aussi entendre le terme zoonymie comme "le système formé par les noms d'animaux" (dans un souci de collecte de noms), ou comme "Étude des noms d'animaux du point de vue de leur origine, de leur transformation, ou de leur signification". C'est partiellement une branche de l'onomastique (étude des noms propres).

  De même que la toponymie peut trouver des sous-divisions en hydronymie ou oronymie, le terme de zoonymie peut se décliner selon toutes les divisions du règne animal, en coléoptéronymie, herpétonymie ou lépidoptéronymie ; mais laissons-en l'usage éventuel à de tout aussi éventuels scientifiques, et contentons-nous des termes : zonnymie des coléoptères, des reptiles ou des papillons.

 Cette étude  est donc très différente de l'étymologie, au sens de "rapport de filiation établi à propos d'un mot donné et expliquant sa constitution", et l'étymologie du nom vulcain ne permettrait en rien de comprendre l'origine et la cause de la dénomination de ce papillon de jour.

  Le champ d'étude de cette science est donc large, incluant le suivi de l'évolution du nom depuis son état le plus anciennement attesté, l'identification de cette première occurrence (date et auteur de la publication), la découverte des auteurs, le variations d'orthographe, et tout l'empan sémantique des allusions historiques, personnelles, anecdotiques, familiales, qu'il peut contenir.


 1. Zoonymie des noms scientifiques des lépidoptères.

  Il n'existe pas de publication en langue française.

C'est très simple :  après quelques travaux, un auteur a publié une somme qui restera la référence définitive : il s'agit de A. Maitland Emmet. Son livre est une somme, donnant les références bibliographiques et la signification des 2496 espèces présentes en Grande-Bretagne

EMMET (A. Maitland), The scientific names of the Britih Lepidoptera, their history and meaning, Colchester, Essex, England : Harley Books, 1991. 288 p. : ill. ; 25 cm.

 Son travail restera inégalé, mais pourra bien-sûr être complété et précisé, et aussi être mise à jour pour les espèces nouvellement dénommées. Surtout, le travail peut être poursuivi pour les espèces qui ne sont pas observées en Grande-Bretagne. Il est précédé d'une très précieuse Histoire de la nomenclature scientifique.

Il avait été précédé par deux publications, dont il cite et critique les résultats dans son livre : 

1) Celle de Macleod ; 

 MACLEOD (Roderick Donald) Key to the names of British Butterflies and moths, 86 pp. Londres 1959.

 2). Celle d'Arnold Spuler, dans Les Papillons d'Europe. Ses "étymologies" sont signalées en ligne sur le site Lepiforum.

SPULER (A.) Die Schmetterlinge Europas 1-4, Stuttgart 1903-1901. En ligne sur BHL:http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/9477#/summary

  Heureusement, A. M. Emmet n'a pas tout cueilli, et m'a laissé un —tout petit— espace où placer mon grain de sel. Dans son appendix 3, il cite, comme des cases de mots croisés (la comparaison est de lui, p. 13) ses 35 Unresolved names, et parmi ceux-ci, 7 noms d'auteurs français, Spaelotis de Boisduval, Hyppa de Duponchel, Tircis de Godart, et Hellula, manihotalis, Plodia et Ligdia de Guenéé. Il n'est pas difficile à un amateur français de résoudre Tircis, créé par Geoffroy :  Zoonymie du papillon Tircis Pararge aegeria.

 

 

2. Zoonymie des noms vernaculaires des lépidoptères.

  Cette science peut se décliner en autant de langues du globe. En France, nous pouvons étudier la zoonymie vernaculaire française, mais aussi les formes des langues régionales et les formes dialectales. Je m'en tiendrai, sous ce titre de Zoonymie des noms vernaculaires français des lépidoptères, à l'étude des noms employés dans les ouvrages de référence en langue française. Une liste des noms vernaculaires est proposée sur Wikipedia.

  Je n'ai pas trouvé de publications sur ce sujet, hormis cet article de Gérard Luquet dans Alexanor : 

LUQUET (Gérard), "Les noms vernaculaires français des Rhopalocères d'Europe", Alexanor, suppément, t. 14 fasc.7, 49 pages, 1986. (non consulté hélas)

LERAUT P. : "Liste systématique et synonymique des lépidoptères de France, Belgique et Corse". - 2ème édition 526 p. Suppl. à Alexanor. (source non consultée).

 

 

 

Il me restait donc à initier, par des ébauches, des recherches en zoonymie vernaculaire de nos charmants papillons, avant de passer le filet à quelqu'un d'autre.

 


  

   


 Sources et liens :

 

           I.  Zoonymie des lépidoptères :

ARRIZABALAGA (Antoni ) & al. 2012   "Proposta de noms comuns per a les papallones diürnes (ropalòcers) catalanes",  Butll. Soc. Cat. Lep., 103: 5-28. En ligne 

http://www.museugranollersciencies.org/uploads/arrizabalaga-et-al-butlleti-103.pdf 

— EMMET (Arthur Maitland) 1991. The Scientific Names of the British Lepidoptera: Their History and Meaning, Colchester, Essex, England : Harley Books, 1991,  288 p. : ill. ; 25 cm.

— GLASER L, 1887 Catalogus etymologicus Coleoperum et Lepidopterum. Erklärendes und verdeutschendes namensverzeichnis der Käfer und Schmetterlinge fûr Liebhaber und wissenschaftliche Sammler, R. Friehändler : Berlin 1887, 396 pages. BHL Openlibrary.

— GLASER, L, 1882 "Zur Nomenklatur des deutschen Tagfalter, in Entomologischen Nachrichten, Stettin 1882  pages 303-317,

  https://archive.org/stream/entomologischena81882berl#page/310/mode/2up/search/lycaena)

— Gozmány, László: Vocabularium nominum animalium Europae septem linguis redactum2 vols. Budapest: Akadémiai Kiadó, 1979. 

— JERMYN  L.: The Butterfly Collector's Vade Mecum: or a Synoptical Table of English Butterflies. 1824. http://archive.org/stream/butterflycollect00jerm#page/n6/mode/1up

 

  — HELLER (John Lewis) - 1983 -"Studies in Linnaean method and nomenclature", Marburger Schriften zur Medizingeschichte, Bd.1983;7:1-326.Frankfurt am Main ; New York : P. Lang,

—HÜRTER Hans-Arnold 1988 Die wissenschaftlichen Schmetterlingsnamen, Herleitung und Deutung, Bottrop ; Essen : Pomp, 492 pages.

— ISAAK (Mark) Curiosities of the biological nomenclature, en ligne.

— JANSENN (August) 1980, "Entomologie und Etymologie der Namen der belgischen Tagfalter"; in : Phegea, driemaandelijks tijdschrift van de vereniging voor Entomologie van de Koninklijke Maatschappij voor Dierkunde van Antwerpen, Jgg.8 Nr.2, 1980.

 — KEMPER Heinrich 1959 Die tierischen Schädlinge im Sprachgebrauch, Berlin : Duncker & Humblot 1959. Google books.

— MACLEOD (Roderick Donald) 1959 Key to the names of British Butterflies and moths, 86 pp. Londres.

— RAMANN (Gustav) 1870-76, Die Schmetterlinge Deutschlands und der angrenzenden Länder in nach der Natur gezeichneten Abbildungen nebst  erläuterndem Text, 4 Bände, Band 1, Arnstadt 1870-1876. 

— SODOFFSKY (W), 1837. "Etymologische undersuchungen ueber die gattungsnamen der Schmetterlinge von W Sodoffsky, in Riga", Bulletin de la Société impériale des naturalistes de Moscou, n° VI, Moscou : imprimerie d'Auguste Sémen, 1837, 167 p. Archiv.org.

 — SPANNERT (Anton), 1888, Die wissenschaftlichen Benennungen der Europäischen Großschmetterlinge mit sâmmtlichen anerkannten Varietâten und Aberationen, Karl Duncker : Berlin,1888, 239 pages.

 —SPULER  (Dr Arnold), 1901-1908, Die Europas Schmetterlinge, . Vol.1. Allgemeiner Teil —Spezieller Teil. I-CXXVIII + 1-386 + [1]-[6], 265 fig. dans le texte, E. Schweizelbart'sche Verlagsbuchhandlung, Nägele und Dr Sproesser édit., Stuttgart, Allemagne. En ligne sur BHL. 

 

— Numen. The Latin lexicon :  http://latinlexicon.org/index.php

Dictionnaire raisonné de zoonymie :http://editra.ca/DEMZ/text/index.html

 

— DOUX (Yves), GIBEAUX (Christian), 2007, Les papillons de jour d'Île de France et de l'Oise,Collection Parthénope, Edition Biotope, Mèze, ; Muséum national d'Histoire naturelle, Paris, 2007, 288 p. Préface, index et supervision scientifique de Gérard Chr. Luquet.

— DUPONT (Pascal), DEMERGES (David), DROUET (Eric) et LUQUET (Gérard Chr.). 2013. Révision systématique, taxinomique et nomenclaturale des Rhopalocera et des Zygaenidae de France métropolitaine. Conséquences sur l’acquisition et la gestion des données d’inventaire. Rapport MMNHN-SPN 2013 - 19, 201 p. http://www.mnhn.fr/spn/docs/rapports/SPN%202013%20-%2019%20-%20Ref_Rhopaloceres_Zygenes_V2013.pdf

 

— HIGGINS (L. G.) et RILEY (N. D.) 1988. Guide des Papillons d'Europe : Rhopalocères. Troisième édition française. Traduction et adaptation par Th. Bourgoin, avec la collaboration de P. Leraut, G. Chr. Luquet et J. Minet. Delachaux et Niestlé édit., Neuchâtel ,1988, 455 pages.

 

 — LERAUT (Patrice) 1997 "Liste systématique et synonymique des Lépidoptères de France, Belgique et Corse" (deuxième édition) Alexanor, 20, Supplément hors série : 1-526, 10 illustr., photog, 38 fig.

 

— PERREIN (Christian) 2012 , Biohistoire des papillons, Presses Universitaires de Rennes 2012.

— SALMON (Michael A.) 2000, The Aurelian legacy, British butterflies and their collectors, University of California Press, 2000.

 

Geoffroy BHL :1762 :http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/51067#page/9/mode/1up

Godart BHL :http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/38004#page/256/mode/1up

Duponchel, chenilles 1849 : BHL : http://www.biodiversityheritagelibrary.org/bibliography/9410#/summary

 

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Published by jean-yves cordier
13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 19:01

 

 

 Noms des Papillons diurnes (rhopalocères)

créés par Linné dans le Systema Naturae de

      1758 et dans la Fauna suecica de 1746

 

      Liste complétée par ceux de la 12e édition de 1767, et si besoin de la Fauna suecica de 1761..

 

 

 

      I. Carl Linné, nouvel Adam ou premier concepteur d'un Monde Virtuel.

Carl Linné fut sans-doute le premier à concevoir un monde virtuel, parallèle au monde naturel (j'allais écrire "au notre", mais le notre est désormais celui qu'il a créé et sur lequel nous nous sommes établis) et qu'il nomma son Systema Naturae, Système de la Nature.

 Bien qu'il se soit prétendu "un nouvel Adam", par référence à la Genèse où Adam attribut un nom à chaque chose,et bien qu'on le compare à un "nouvel Apollon", ce n'est pas dans le passé même mythique que l'on peut trouver des modèles de Linné : il fut le premier.

  Face à l'écran blanc du Monde à créer, il bâtit trois Royaumes (nos "Règnes" nous font oublier le sens du terme), Minéral, Végétal et Animal, ou plutôt Animal, Végétal et Minéral.

 Ces Royaumes furent divisés en Classes, Ordres, Genres et Espèces. Le Règne Animal fut, pour la première fois depuis la création, divisé en six Classes, Quadrupèdes, Oiseaux, Amphibiens, Poissons, Insectes et Vers. La Classe des Insectes (S.N. page 341) se vit aussitôt répartie en six Ordres, à quatre ailes (Coléoptères, Hémiptères et Lépidoptères), à deux ailes (Diptères) et à zéro ailes (Aptères).

 Après cette création des Insecta, Linné, pour se reposer et juger que tout cela est bon, cite un petit poème :

Quaeso ne haec legentes

quoniam in his spernunt multa

etiam relata fastidio damnent

cum in contemplatione natura

ni[hi]l possit videri supervacaneum Pline

 Si le lecteur recherche, comme l'auteur l'espère, la référence de cette citation, il parvient au début de Livre XI de  Histoire naturelle de Pline. C'est un fragment d'une phrase :

Turrigeros Elephantorum miramur humeros,taurorum colla, et truces in sublime jactus, Tigrium rapinas, Leonum jubas, cum rerum natura, Nusquam magis, quam in miniimis, tota sit. quapropter quaeso ne haec legentes quoniam in his spernunt multa etiam relata fastidio damnent cum in contemplatione natura nihil possit videri supervacaneum.

Je trouve la traduction sur Itinera Electronica :

Nous admirons les épaules des éléphants chargées de tours, le cou des taureaux, leur force [pour] lancer en l'air ce qu'ils saisissent, les déprédations des tigres, les crinières des lions, tandis que la nature n'est tout entière nulle part plus que dans les êtres les plus petits. En conséquence, je prie les lecteurs, malgré le mépris qu'on a pour beaucoup de ces insectes, de ne pas condamner et dédaigner ce qui est rapporté ici : dans l'observation de la nature rien ne peut paraître superflu.  

Si le lecteur curieux lit le début du paragraphe, il constate que Linné s'en est inspiré pour sa classification des Insectes ; et, sil est entomologiste, il savoure un très beau passage sur la défense des petites bêtes :

 

[11,1] (I.) <1> Les Insectes sont nombreux et de diverses espèces, et leur vie est celle des animaux terrestres et des oiseaux. Les uns sont ailés, comme les abeilles; les autres sont ailés et sans ailes, comme les fourmis ; quelques-uns manquent et d'ailes et de pattes. Tous ces animaux ont été appelés avec raison insectes, à cause des divisions qui les coupent tantôt au col, tantôt à la poitrine et à l'abdomen, en segments réunis l'un à l'autre seulement par un conduit ténu. <2> Chez quelques insectes la division n'est pas complète ; un repli l'enveloppe, et les commissures s'imbriquent soit à l'abdomen, soit à la partie supérieure du corps. Nulle part la nature n'a déployé plus d'habileté. (II.) Dans les grands animaux, ou du moins dans les animaux plus grands, le travail fut facile et la matière obéissante ; mais dans ces animaux si petits, si voisins du néant, quelle sagesse, quelle puissance, quelle perfection ineffable ! Où a-t-elle pu mettre un aussi grand nombre de sens dans le cousin? et il y a des animaux encore plus petits! <3> Où a-t-elle placé la vue en sentinelle? où a-t-elle appliqué le goût? où a-t-elle inséré l'odorat? où a-t-elle disposé l'organe de cette voix farouche et relativement si forte? avec quelle subtilité n'a-t-elle pas agencé les ailes, prolongé les pattes, disposé une cavité affamée, espèce de ventre, et allumé une soif avide de sang, et surtout de sang humain? avec quelle adresse n'a-t-elle pas aiguisé l'arme propre à percer la peau, et, comme si elle était au large dans cet appareil si ténu qu'on peut à peine l'apercevoir, n'y a-t-elle pas créé un double mécanisme qui le rend pointu pour perforer, et creux pour pomper? <4> Quelles dents a-t-elle données au taret pour percer les planches de chêne avec un bruit attestant son action destructive, et trouver sa principale nourriture dans le bois ? (Trad. Itinera Electronica).

 

Ce thème, et ce passage, sont chers à Linné, puisque on le retrouve déjà à la fin de sa Préface du Fauna suecica de 1746 page . Il y est précédé du début du Livre XI (chapitre I paragraphe 2) de Pline, dans cette citation :

In magnis corporibus facilior officina sequaci materia fuit ; in Insectic vero tam parvis atque tam nullis, quae ratio ? Quanta vis ? Quam extricabilis perfectio ?

...citation que Linné avait déjà elle-même employé en 1749 dans ses Dissertations Amoenitates academicae Volume I, chap. Sponsalia plantarum page 72 en la poursuivant. Découvrons la traduction : 

 Livre XI de Pline Les Insectes : I, 2 :

 

   "Dans les grands corps, ou du moins dans ceux qui sont plus grands, la matière obéissait et se prêtait sans peine à ses desseins ; mais pour façonner ces êtres si petits, que d'intelligence ! quelle puissance, quelle inconcevable perfection ! Où la nature a-t-elle placé tant de sens dans le moustique ? Et bien d'autres sont plus petits encore. Mais enfin, dans cet insecte, où a-t-elle placé l'organe de la vue ? Où a-t-elle fixé le goût, insinué l'odorat ? D'où fait-elle partir cette voix terrible et prodigieuse en raison de la petitesse de l'animal, avec quelle dextérité a-t-elle attaché les ailes, allongé les pattes, disposé en forme d'estomac cette cavité qui sent le besoin des aliments, allumé cette soif avide de sang, et surtout de sang humain ? "

 

Mais ce divertissement m'éloigne de mon propos.

  Linné n'est pas un joueur sur écran vidéo, et son matériau n'est pas le bit : c'est le vocabulaire. Son monde virtuel est tout entier une création sémantique bâtit sur des définitions emboîtées en poupées gigognes du plus vaste vers le plus petit, l'espèce. Il doit donc concevoir, en utilisant son fameux système binominal nom de genre-nom d'espèce, des dizaines de milliers de noms. Comment va-t-il les trouver ? Pour les noms botaniques, il s'est donné (et il a donné à ses successeurs) des règles très précises détaillées ici page 200 "Les Noms", qui débute par cet adage fondamental : "La connaissance des chose périt par l'ignorance des noms" : Noms forgés en grec ou en latin, sans nom de personne hormis les naturalistes, sans référence religieuse (la Gentiane : "Lève-toi et marche" , le Cyperus "Pater noster"), sans nom double ( Bella dona ; Dent de Lion), sans désinence-oïde (règle non respectée), etc.

 Où va-t-il trouver les noms nécessaires ? Son idée la plus fréquente est d'aider la mémoire du naturaliste en utilisant un qualificatif d'un caractère physique distinctif de l'animal, ou, notamment pour les insectes, de préciser la plante hôte. Il honore aussi ses collègues ou prédécesseurs, et s'est permis une vengeance personnelle en nommant le genre Sigesbeckia , une petite herbe rampante qui pousse dans la boue, du nom d'un de ses ennemis, Johann Siegesbeck.

 Il aura à nommer 691 Coléoptères, 193 Hemiptères, 551 Lépidoptères, 56 Neuroptères, 228 Hymenoptères, 185 Diptères et 205 Aptères : soit trouver 2109 noms d'insectes ! (à l'erreur de comptage près). [Pour info : 1691 insectes dans le Fauna suecica de 1761]

 Mais pour aucune autre des six Ordres d'Insectes, Linné ne conçut un système (pas d'autre mot) aussi élaboré que pour celui des Lépidoptères.

Pour illustrer le chemin parcouru, je présenterai d'abord la liste des papillons diurnes du Fauna suecica de 1746.

 

 

 

I. Onomastique des Papillons de jour de la Fauna suecica de 1746. 

 Par rapport au "Grand Opéra" qui va se déployer 12 ans plus tard dans la 10ème  édition du Systema Naturae, avec ses 194 papillons de jour, la liste (certes réduite à la faune suédoise) des 35 espèces de la Fauna suecica (Faune de Suède) va permettre de constater les premières tentatives d'élaborer un système de dénomination permettant de s'affranchir de la lourdeur de la "phrase spécifique". Linné place timidement, à la fin de sa description un nom latin qu'il fait précéder de la mention vulgo dont je ne sais s'il faut la traduire par "de façon vulgaire, non scientifique", ou par "familièrement". Ce nom n'est jamais écrit en italique.

Surtout, on voit Linné tester des thèmes et des séries onomastiques : 

  • Liée à la hiérarchie aristocratique d'une Cour royale : Amirallis ; Imperator ; Rex ;Principissa ; Princeps ; Comes. (Amiral, Empereur, Roi, Princesse, Prince, Comte).
  • Liée à la poésie bucolique : : Faunus ; Satyrus; Coridon ; Alexis.
  • Séries binominales soit à partir des plantes hôtes  ( Brassicaria latis venis ; minor;  vulgaris),soit à partir d'une figure mythologique décrivant les ocelles des ailes (Argus oculatus,  fuscus,  myops, caecus.), soit par une description de couleur (Butyracea vulgaris.)
  • tentatives diverses : Papilio canicularis. P. hyemalis,  Aurora,  Alpicola.

Néanmoins, la première place est donnée à la phrase spécifique, écrite en italique, dont je donne quelques exemples pour les premières espèces. 

La traduction entre guillemet du nom vulgaire est de moi.

 

 

 

I. PAPILIO 

 Les espèces sont numérotées depuis la première page (n° 1 : Homo sapiens). Le premier insecte porte le n° 337 ; les Lépidoptères vont du n° 772 à 922 (150 espèces), les Papilio ou papillons diurnes de 772 à 808 (36 espèces).

Carl Linnaeus, Caroli Linnaei medic. & botan. prof. Upsal ... Fauna Svecica, sistens animalia Sveciae regni : Quadrupedia, Aves, Amphibia, Pisces, Insecta, Vermes, distributa per classes & ordines, genera & species, cum differentiis specierum, synonymis autorum, nominibus incolarum, locis habitationum, descriptionibus insectorum. Stockholmiae :Sumtu & literis Laurentii Salvii,1746. page 232-248.

 


n° 772 : Papilio tetrapus  ; alis angulatis nigris : margine postico albido.  Morio. "Le Bouffon. ou "le Noir""

773 à 775 : pas de nom "vulgo". 

776 : oculus pavonis. "Œil de Paon".

777 Amirallis. "L'Amiral"

778 : Bella donna. "La Belle Dame"

779 : Imperator. "L'Empereur"

780 : Rex. "Le Roi". 

781 :Principissa. "La Princesse".

782 : Princeps. "Le Prince".

783 : Comes. "Le Comte".

784 : Faunus. "Le Faune".

785 : Satyrus. "Le Satyre".

786 : Coridon. "Corydon", berger des Bucoliques de Virgile .

787 : Alexis. "Alexis", beau berger dont Corydon est amoureux (2ème Églogue).

de 788 à 794 : pas de nom "vulgo".

...

795 : Papilio canicularis :  "Le Caniculaire".

796 : P. hyemalis : du grec hiems, "hiver".

797 : Brassicaria latis venis :  "du chou aux grandes veines"

798 : brassicaria minor :  ("le petit du chou")

799 : brassicaria vulgaris :  ("le papillon du chou commun")

[800 : papilio hexapus alis rotundatis albis immaculatis.]

801 : Aurora.

802 : Alpicola. "Alpin", de Alpes et verbe latin colo, "habiter"

803 : Argus oculatus. "Argus ocellé".

804 : Argus fuscus. "Argus brun".

805 : Argus myops. "Argus myope"

806 : Argus caecus. "Argus aveugle"

807 : Butyracea vulgaris. "Le Beurré —couleur de beurre— commun"

808 : Butyracea albo-maculata. "Le Beurré à tache blanche".

 

 Faunus, Satyre, et surtout Alexis et Coridon font référence à la poésie bucolique initiée par le grec Théocrite, mais surtout développée par le latin Virgile : dans le nouveau système de 1758, toute la nomenclature sera fondée sur la mythologie (et non plus sur les bergers et bergères) et sur le monde grec. Si Virgile apparaît, c'est pour son épopée l'Énéide, non pour son œuvre bucolique.

Le qualificatif "vulgo" ne doit pas laisser croire que Linné rapporte une dénomination courante vernaculaire, et tous ces noms sont en latin, langue des savants et des clercs. Linné ne cite pas non plus sauf exception (Oculus Pavonis, Ammiralis, Bella dona) des noms devenus courants entre naturalistes après avoir été créés par l'un d'eux. Il est lui-même le créateur de ces noms, dans une tentative de se libérer du lourd système de la phrase descriptive et des citations bibliographique qui aboutira en 1758 à la dénomination binominale. On le voit proposer un qualificatif, débuter une série sur la Cour royale, puis une série mythologique, reprendre des noms descriptifs, et terminer par une métaphore (beurre = jaune).

 

 

II. L'Onomastique des Papilio du Systema Naturae : Présentation.

    La dixième édition du Systema Naturae est un livre écrit par Charles Linné, publié en deux volumes à Stockholm en 1758 et 1759, et qui marque le point de départ de la Nomenclature Zoologique. Linné y applique en effet au règne animal la nomenclature binominale qu'il avait utilisé pour les plantes dans le Species Plantarum de 1753.

Auparavant, les animaux étaient décrits par les scientifiques par une phrase spécifique plus ou moins longue, mais difficile à mémoriser, à classer, ou à comparer.

Le règne animal est divisé en six classes, celle des Insectes étant la cinquième.

La Classe des Insectes est divisée en six Ordres, selon les caractéristiques des ailes : Coléoptères, Hémiptères, Lépidoptères, Neuroptères Hyménoptères Diptères, Aptères.

L'Ordre n° III, celui des Lépidoptères, est défini par la phrase latine caractérisant les Ailes, la Bouche et le Corps :  Alae IV, imbricatae squamis, os lingua involuta spirali, Corpus pilosum.(Quatre ailes à écailles imbriquées: Bouche : langue enroulée en spirale. Corps couvert de poils).

 

Les Lépidoptères sont eux-mêmes divisés en Papilio, Sphinx et Phalaena, correspondant aux Papillons de jour, Papillons crépusculaires et Papillons de nuit.

Les Papilio sont au nombre de 192 (numérotés) à 194, et classés eux-mêmes en six"phalanges", selon une magnifique vision d'ensemble de la dénomination des espèces.

John Lewis Heller, se fondant sur l'étude de quelques 200 noms donnés aux espèces  du genre Papilio du Systema Naturae, montre que Linné les a puisé principalement dans deux sources, les Fabulae de Gaius Julius Hyginus (disponibles pour lui dans les éditions de 1681 et de 1742) et les Syntagmata de Deis de Giraldi (dans les éditions de 1548, 1696, et autres), l'étude de ces sources lui permettant de détecter avec certitude certains cas dans lequel Linné a commis quelques erreurs de copie et d'autres plus rares  où il a entrepris de forger de nouveaux  noms.

L'un des apports des Syntagmata de Giraldi est lié à son intérêt pour les épithètes des dieux et déesses : on y trouve, Cinxia pour Junon, et Paphia pour Vénus  

 

Quand Linné se mit à la tâche de préparer la dixième édition de Systema Naturae il décida d' appliquer aux Animaux autant qu'aux plantes  les principes d' un nouveau système binaire de nomenclature qu'il avait expérimenté dans plusieurs travaux précédents. La réforme , très simple, mais très originale consistait à trouver pour chaque espèce un mot singulier de reconnaissance, ou « nom trivial  », qui était alors imprimé dans la marge en face du numéro et du nom générique et spécifique, de la créature. Auparavant, les espèces n'étaient pas désignés par un nom, mais par , mais une phrase diagnostique comprenant  souvent huit ou neuf mots. Le nouveau "nom trivial" se révéla ainsi très précieux par sa concision et remplaça vite les "phrases spécifiques" et bientôt vinrent remplacer les expressions de diagnostic, jusqu'à ce que les naturalistes estiment  nécessaire de donner seulement deux mots qu'ils appellent les noms génériques et spécifiques pour identifier les espèces décrites dans leurs manuels.

 

On notera aussi, si on se rapporte à l'édition de Linné, que tous les noms spécifiques sont écrits avec une majuscule, à quatre exceptions près (polychloros, similis, dissimilis, assimilis) : cela indique que les noms sont empruntés soit à des personnages (mythologiques ici), soit aux Plantes hôtes. L'emploi de ces majuscules a été supprimé dans la taxonomie actuelle. Cet emploi majoritaire chez les Lépidoptères, est par contre très rare, par exemple, chez les Coleoptères, nommés selon leur aspect, leur habitat mais exceptionnellement placés sous le patronage de la mythologie.

 

      Papiliones dividuntur in VI Phalanges :

A. Equites. Alis primoribus ab angulo postico ad apicem longioribus, quam ad basin ; his saepe antennae filiformes

— Trojane, ad Pectus maculis sanguineis (saepius nigri) 1-17.

— Achivi, pectore incruento, ocello ad angulum ani :

- Achivi alis absque fasciis : 18-19.

- Achivi fasciatis : 20-40.

B. Heliconii alis angustis integerrimis striatis : primoribus oblongis : posticis brevissimis : 41-51.

C. Danai, alis integerrimis 

— Candidi, alis albidis : 56-74.

— Festivi, alis variegatis : 75-87.

D. Nymphales, alis denticulatis :

—Gemmati, alis ocellatis : 

- Ocellis in alis omnibus : 88-103.

- Ocellis in alis primoribus : 104-106.

- Ocellis in alis posticis : 107-110.

— Phalerati, alis caecis absque ocellis : 111-144.

E. Plebeji parvis : larva saepius contracta.

— rurales, alis maculis obscurioribus : 145-161

— urbicolae, alis saepius maculis pellucidis : 162-168.

F. Barbari, corollarii loco adjecti, ad ordines non relati : 169-192.

 

Traduction (sous réserve).

Les papillons sont divisés en 6 phalanges;

A. Les Chevaliers. Ailes antérieures plus longues au coin arrière de l'apex qu'à la base, antennes souvent filiformes

- Troyens, (souvent noir) au thorax marqué de taches rouge-sang 1-17.

- Achéens ou Grecs, sans thorax ensanglanté,, avec un ocelle vers le coin de l'angle anal :

- Achéens aux ailes sans rayure, 18-19.

- Les Grecs, aux ailes striées, 20-40.

B. Les Heliconiens, ailes  étroites entièrement striées, les antérieures allongées, les postérieures courtes, 41-51.

C. Les Danaiens [Grecs de la guerre de Troie], aux ailes integerrimis ("intègres", interprété comme "complétement arrondie, sans queue, proéminences ou creux" par Emmet 1991) de couleur unie

- Les Blancs, ailes blanches, 56-74.

- Les Joyeux, aux ailes colorées, 75-87.

D. Les Nymphes, aux ailes dentelées;

-Les porteurs de joyaux, aux ailes ocellées;

- aux ocelles sur toutes les ailes, les ailes et tout, 88-103.

- Ocelles sur les ailes antérieures, 104-106.

- Ocelles sur les ailes postérieures: 107-110.

- Les harnachés, aux ailes aveugles (sans ocelles), 111-144.

E. La Plèbe, les petits , aux chenilles de forme souvent courte et ramassée.

- Les ruraux, aux ailes assombries de taches plus foncées: 145-161

- Les villageois ou urbains, dont les taches des ailes sont transparentes: 162-168.

F. Les Barbares, ajoutés ici en complément, sans ordre, 169-192.

 

Ce système onomastique particulièrement original crée une unité cohérent qui s'oppose aux dénominations faisant référence, pour les autres classes d'insectes ou les autres ordres animaux, à un épithète décrivant une caractéristique morphologique ou général (Homo...Sapiens), ou la plante hôte, ou honorant un naturaliste par la forme latine de son nom.

Curieusement (ou, du moins, sans que j'en ai lu l'explication), dans la douzième édition du Systema Naturae (1766-1768), alors même que la note de bas de page p. 744 stipule que les Papiliones sont divisés en VI phalanges, celles-ci sont énumérées de a) à e), avec disparition de la dernière phalange f) des Barbari. Tous ces Barbari de 1758 étaient des espèces venant de l'Inde. Ainsi, Idas, dernière espèce n°192 dans cette liste des Papiliones de 1758, disparaît en tant qu'espéce indienne, mais son nom est utilisé dès le Fauna suecica de 1761 parmi les plebeji rurales, et dans la 12e édition du S.N comme nom de la femelle du papilio argus, toujours dans les Plebeji.

 


III. Liste des Rhopalocères du Systema naturae de 1758 (complété par le S.N 12é éd.).

 


I. Papilio (Rhopalocères, Papillons diurnes).

 

N.B : j'ai supprimé pour faciliter la lecture le nom générique Papilio, commun à toutes les espèces.


A. Première phalange . Eques ou Chevaliers.

1. Equites Trojani,  Les 17 Chevaliers troyens.  1 à 17.

Ils reçoivent donc les noms des héros troyens de la Guerre de Troie dans l'Iliade.

 

  • priamus – Ornithoptera priamus : le roi Priam
  • hector – Pachliopta hector : Hector, fils de Priam
  • paris – Papilio paris : Pâris, fils cadet de Priam, qui a enlevé Hélène pour l'épouser.
  • helenus – Papilio helenus Helenus, fils de Priam.
  • troilus – Papilio troilus, Troïlos, fils de Priam.
  • deiphobus – Papilio deiphobus : Deiphobe, fils de Priam.
  • polytes – Papilio polytes, : Polytes, fils de Priam.
  •  pammon – Papilio polytes : Pammon, fils de Priam.
  • glaucus – Papilio glaucus, Glaucus, fils du chef lycien Hippoloque.
  • anchises – Parides anchises : Anchise, père d'Énée.
  • polydamas – Battas polydamas : Polydamas fils de Panthoos et guerrier d'élite.
  • memnon – Papilio memnon, Memnon, fils d'Eos et roi d'Ethiopie, il est tué par Achille.
  • agenor – sous-espèce du Papilio memnon. Agenor, fils d'Anthénor, guerrier d'élite.
  • sarpedon – Graphium sarpedon. Sarpédon, compagnon de Glaucos, et tué par Patrocle.
  • aeneas – Parides aeneas. Énée, fils d'Aphrodite, guerrier de Troie.
  • panthous – Ornithoptera priamus. Panthous, vieillard de Troie.
  • pandarus – Hypolimnas pandarus. Pandare, archer tué par Diomède.

 12eme édition. : Helena passe dans les Trojani.

polydorus  

 

2. Equites Achivi, les 24 Chevaliers achéens (grecs) 18-40. 

Ils reçoivent les noms des héros grecs de la Guerre de Troie dans l'Iliade.


  • helena – Troides helena : Hélène dont la beauté est à l'origine de la guerre de Troie.
  • menelaus – Morpho menelaus : Ménélas, roi de Sparte et mari d'Hélène.
  • ulysses – Papilio ulysses. Ulysse, héros de l'Iliade et de l'Odyssée, roi d'Ithaque.
  • agamemnon – Graphium agamemnon Agamemnon, roi de Mycène et chef de l'armée des grecs.
  • diomedes – Papilio ulysses . Diomède, roi d'Argos ; il blessa Vénus lors des combats. Inséparable de Sthénélos (cf).
  • patroclus – Lyssa patroclus (hétérocère). Patrocle, ami d'Achille, tué par Hector. 
  • pyrrhus – Polyura pyrrhus : Pyrrhus, fils d'Achille, aussi nommé Néoptolème.
  • leilus – Urania leilus (hétérocère). Erreur pour Leitus, signalée par Chompré page 593
  • ajax – [rejeté] : Ajax le grand, le plus fort des guerriers grecs avec Achille.
  • machaon – Papilio machaon : Machaon, médecin du camp grec.
  • antilochus – Papilio glaucus. Antilocus, fils aîné de Nestor.
  • protesilaus – Protesilaus protesilaus
  • nestor – Morpho menelaus   Nestor Roi  de Pylos, le plus âgé des guerriers grecs.
  •  telemachus – Morpho telemachus.  Télémaque, fils d'Ulysse.
  • achilles – Morpho achilles. Achille, roi de Phtyie, fils de la Néréide Thétis.
  •  podalirius – Iphiclides podalirius. Podalire, frère de Machaon et médecin lui aussi.
  •  teucer – Caligo teucer. Teucer, fils de Télamon et demi-frère d'Ajax.
  •  idomeneus – Caligo idomeneus. Roi de Crète et petit-fils de Minos.
  •  demoleus – Papilio demoleus. Demoleos (Virg. Énéide, V,260) ; Quint. 8, 4, 24.
  •  demophon – Archaeoprepona demophon.  Demophon, fils de Thésée.
  •  eurypylus – Graphium eurypylus. Deux guerriers grecs portent le nom d'Eurypyle à Troie, le fils d'Évémon et le fils de Télèphe.
  •  nireus – Papilio nireus. Nirée fils de Charops et roi de Syme.
  •  stelenes – Siproeta stelenes.  Stelenus (var. de Sthelenus et plus correctement Sthenelos) fils de Capanée, compagnon de Diomède dans le Livre IV de l'Iliade.  
  •  philoctetes – Antirrhea philoctetes. Philoctète, compagnon d'Héracles, révéla aux Grecs où était les flèches indispensables à leur victoire.

     

 12 eme édition :

Jason (était dans les Barbari)

Orontes

Xuthus

Podalirus

Phidipus

Jason (bis)

Medon

 

Aegistus

 

B. Deuxième phalange, les 15 Heliconii : ceux du mont Hélicon.

 "Ceux du Mont Hélicon", ce sont les Muses, leur mère Mnémosyne et leur dieu tutélaire, Apollon.


  • apollo – Parnassius apollo, Apollon, patron des Muses.

  • mnemosyne – Parnassius mnemosyne. Déesse de la Mémoire et mère des neuf muses.

  • piera – Haetera piera.  Père des Piérides (autre nom des Muses)

  • aglaja – [rejeté] Aglaïa ou Aglaé, la plus jeune des trois Grâces.

  • terpsicore – [nomen dubium]. Muse de la Danse

  • calliope – Stalachtis calliope. Muse de la Poésie épique

  • polymnia – Mechanitis polymnia. Muse de la Rhétorique

  • urania – Taenaris urania. Muse de l'Astronomie.

  • euterpe – Stalachtis euterpe. Muse de la Musique

  • ricini – Heliconius ricini. PLANTE HÔTE

  • psidii – Thyridia psidii. PLANTE HÔTE

  • clio – Eresia clio Muse de l'Histoire.

  • thalia – Actinote thalia. Muse de la Comédie. 

  • erato – Heliconius erato. Muse de la poésie lyrique.

  • melpomene – Heliconius melpomene. Muse de la Tragédie.

 

 

12eme édition 1767:

Pasithoe : l'une des Nymphes Océanides

Horta

Cepheus

Melite

Mneme

Mopsa

Thallo

Charitonia

Aedea

Euryta

 Crataegi classée ici et non dans les Danai (erreur)

 

 


C. Troisième phalange, Les Danai.

 

De ces papillons, Linné précise en note de bas de page que les Danai blancs ont reçu le nom d'une des cinquante filles du roi Danaos (les Danaïdes) et que les Danai festivi ont reçu celui d'un des cinquante fils d'Égyptos, leurs époux. Les noms de ces personnages varient selon les auteurs anciens, et il s'avère que Linné a puisé parmi la liste dressée par Hygin dans sa Fable. http://en.wikipedia.org/wiki/Daughters_of_Danaus


1. Danai candidi :  les 19 danaiens blancs.

 

  • anacardii – Protogoniomorpha anacardii. PLANTE HÔTE.

  • crataegi – Aporia crataegi, PLANTE HÔTE

  • brassicae  Pieris brassicae, PLANTE HÔTE

  • rapae – Pieris rapae, PLANTE HÔTE

  • napi – Pieris napi, PLANTE HÔTE

  • sinapis  Leptidea sinapis, PLANTE HÔTE

  • daplidice – Pontia daplidice. Une Danaïde.

  • cardamines – Anthocharis cardamines. PLANTE HÔTE

  • euippe – Colotis euippe. Une Danaïde.

  • glaucippe – Hebomoia glaucippe. Une Danaïde.

  • pyranthe – Catopsilia pyranthe. Une Danaïde.

  • arsalte – Heliopetes arsalte. Une Danaïde.

  • hyparete – Delias hyparete. Une Danaïde.

  • damone – [nomen dubium]. Une Danaïde.

  • trite – Rhabdodryas trite. Une Danaïde.

  • hyale – Colias hyale. Une Danaïde.

  • sennae – Phoebis sennae. PLANTE HÔTE

  • rhamni – Gonepteryx rhamni. PLANTE HÔTE

  •  hecabe – Eurema hecabe. Une Danaïde.

 Fauna suecica 1761 :

1045 Arcania : l'une des Danaïdes [parfois nommée Arcadia]

1046 Hippothoë ;  l'une des Danaïdes 

1047 Hero :  l'une des Danaïdes 

12eme édition :

Idea

Helica

Monuste

Demophile

Acasta

Belia

Pyrene

Eupheno

Heleita

Scylla

Eubule

Philea

 

Ecclipsis

 

2. Danai festivi  : les 12 Danaiens bariolés (gaiement colorés).


  • midamus – Euploea midamus. Un fils d'Égyptos.

  • niavius – Amauris niavius. Un fils d'Égyptos.

  • enceladus – [nomen dubium]. Encelade, Un fils d'Égyptos.

  • obrinus – Nessaea obrinus. Un fils d'Égyptos.

  • perius – Parathyma perius. Un fils d'Égyptos, marié à Hyalé.

  • plexippus – Danaus plexipus.Un fils d'Égyptos.

  • chrysippus – Danaus chrysippus. Un fils d'Égyptos.

  • cassiae – Opsiphanes cassiae. PLANTE HÔTE

  • sophorae – Brassolis sophorae. PLANTE HÔTE

  • mineus – Mycalesis mineus. Un fils d'Égyptos.

  • hyperantus – Aphantopus hyperantus. Un fils d'Égyptos.

  • pamphilus – Coenonympha pamphilus. Un fils d'Égyptos.

  • xanthus – Catoblepia xanthus. Un fils d'Égyptos.

 

 

 12eme édition :

Zetes

Caeneus

Pinthaeus

Eribote

Perlus

Misippus

Philomenus

Clytus

Aeropus

Canthus

Hyperbius

 

 

 


D. Quatrième phalange : les Nymphales ou Nymphes.


1.  Les 23 Nymphales gemmati.

  •  io – Inachis io : Io, aimée par Zeus puis transformée en génisse.

  • almana – Junonia almana. ??. Ville de Macédoine, sur l'Axius.

  • asterie – Junonia almana. Asteria,  déesse Titane qui échappa aux avances de Zeus en sa forme d'aigle en se transformant en caille.

  • aonis – Junonia lemonias. Aonides, surnom des Muses tirés des Monts Aoniens en Béotie

  • oenone – Junonia oenone. Nymphe du mont Ida, première femme de Pâris.

  • lemonias – Junonia lemonias. Limnoria, Néréide (Hygin) ? Pour Heller, Le nom Lemonias  ne peut guère s'expliquer que comme un dérivé de l'épithète Lemoniades ( Giraldi 173c). Les Lemoniades sont des nymphes chargées d'inspecter les plaines et les prairies (Cicéron, de la nature des Dieux). 

  • orithya** – Junonia orithya. Néreide (Hygin ; Homère)

  • feronia – Hamadryas feronia : Nymphe Virg. Aen.VIII 564) ; divinité secondaire romaine,  une déesse des sources et des bois, dont le culte était très répandu en Italie centrale, notamment sur le mont Soracte, à Terracine, à Furfo, à Pisauro, ainsi qu'en Etrurie, etc. C'était dans son temple, à Terracine, que l'on affranchissait les esclaves, ce qui explique qu'on l'ait parfois identifiée avec la Liberté (Libertas). http://mythologica.fr/rome/romaines.htm

     

  • maera** – Lasiommata maera, L'une des 50 Néréides.

  •  ligea** – Erebia ligea. Une des Sirènes ou des nymphes (Virg. Georg. IV 336.). Néréide de la liste de Hygins.

  • aegeria – Pararge aegeria, Nymphe, l'une des quatre Camènes

  • galathea** – Melanargia galathea, Galatée, l'une des Néréides (Hygin)

  • cyrene – Salamis anacardii. Nymphe mère d'Aristée Hygin fab.XIV

  • semele – Hipparchia semele, Sémélé, fille de Cadmos et maîtresse de Zeus.

  • Papilio leda – Melanitis leda. Léda, séduite par Zeus transformé en cygne.

  • helie** – [nomen dubium]. Halié, Néreide (Apoll. Homère)

  • jurtina – Maniola jurtina. Erreur pour Juturna, fille de Venilia et déesse des sources.

  • aeropa – Lexias aeropa. Aeropé, fille de Catrée, femme d'Atrée et maîtresse de Thyeste.

  • janira – Maniola janira. Nymphe de l'Océan.

  • cardui – Vanessa cardui, PLANTE HÔTE

  • pipleis – Pour Pimpleis, surnom des Muses habitant Pimplia.

  • lampetia – Cupha lampetia. Fille d'Apollon et de Neaera (Hom. Odyss); une des Héliades dans Ovide (Met.2). Fille d'Helios et de Neaera, sœur de Phaetusa (Hygin 154).

  • iris – Apatura iris. Messagère des Dieux. 

http://www.mythologie.fr/Nymphes_noms.htm 

      ** : voir infra phalerati

 12ème édition

Fidia

Briseis

Megera

Lybie

Hermione

Phaedra

Hedonia

Dejanira

Tulbaghia : Ryk Tulbagh (1699-1771), gouverneur du Cap.  


2. Les 34 Nymphales phalerati.


  • populi – Limenitis populi. PLANTE HÔTE

  • antiopa – Nymphalis antiopa. Reine des Amazones, amoureuse de Thésée.

  • polychloros – Nymphalis polychloros CARACTERE

  • urticae – Aglais urticae. PLANTE HÔTE

  • c-album – Polygonia c-album,  CARACTERE

  • c-aureum – Polygonia c-aureum CARACTERE

  • dirce – Colobura dirce. Femme qui maltraita Antiope Hygin fab.8

  • amathea** – Anartia amathea. Néreide citée par Homère (Iliade XVIII) avec Panope, Galathea, Orythia, Maera, : "comas-pulchra alathea".

  • atalanta – Vanessa atalanta. Héroïne championne de course épouse d'Hippomène. (Hygin Fab.185

  • venilia – Pantoporia venilia. Déesse romaine des eaux douces, parèdre de Neptune, ou épouse de Janus, mère de Juturna et de Turnus (Virgile, Énéide 10 :75). Figure sur la liste des inditamenta.

  • alimena – Hypolimnas alimena . ?? Lieu en Sicile (Salines)

  •  leucothoe** – Athyma perius.Fille du roi de Perse séduite par Helios sous l'apparence de sa mère. OU Néreide dans la liste d'Hygins

  • phaetusa – Dryadula phaetusa. Fille d'Helios et de Neaera, sœur de Lampetia.Hygin F.154.

  • bolina – Hypolimnas bolina. Nymphe dont l'histoire (elle est poursuivie par Apollon et se jette dans la mer)  n'est connue que par Pausanias VII 23, 4, mais qui est nommée par Giraldi dans une liste de nymphes avec Aegeria et Juturna. 

  • clytia – Papilio clytia. Amant malheureux de Leucothoé. Mais on attend ici un nom féminin.

  • neaerea – Pyrrhogyra neaerea. Nymphe ou Oceanide mère de Lampetia et Phaetusa par Helios (Hom. Odyss)

  • acesta – Tigridia acesta. Jeune troyenne mère d'Aceste et femme du dieu fleuve Crimisos . Ou ville sicilienne qui prit le nom d'Aceste (Virg. Énéide, 5)

  • similis – Ideopsis similis CARACTERE

  • assimilis – Hestina assimilis CARACTERE

  • dissimilis – Papilio clytia CARACTERE

  • panope** – Papilio clytia. Panope, Nymphe cité par Homère (Iliade XVIII ). Néréide citée par Hygins, Apollodore, et Hésiode.

  • rumina* – Zerynthia rumina. Déesse de l'allaitement.

  • levana* – Araschnia levana, (génération de printemps). Déesse antique romaine de la reconnaissance de l'enfant par le père.

  • prorsa* – Araschnia levana, (génération d'été). Déesse antique romaine  des accouchements. Parfois couplée à sa sœur Porrima.

  • lucina* – Hamearis lucina. Déesse antique romaine de la naissance ; Épithète de Junon.

  • maturna* – Hypodryas maturna. Déesse antique romaine présidant à la maturité du blé.

  • cinxia* – Melitaea cinxia. Déesse antique romaine de la "nuit de noce" où se dénoue la "ceinture" (cinxia) de la femme, puis épithète de Junon protectrice des mariages .

  • paphia – Argynnis paphia. Epithète de Vénus.

  • cytherea – Adelpha cytherea. Epithète de Vénus.

  • aglaja – Argynnis aglaja. Aglaia ou Aglaé, l'une des trois Grâces avec Thalia et Euphrosyne.

  • lathonia – Issoria lathonia.Lathona, mère d'Apollon et d'Artémis.

  • euphrosyne – Boloria euphrosyne : L'une des trois Grâces. 

  • niobe – Argynnis niobe. Fille de Tantale et épouse d'Amphion (Hygin IX)

  • vanillae – Agraulis vanillae : PLANTE HÔTE

* Nous avons ici une série onomastique de six noms de divinités de l'ancienne Rome, divinités mineures de la vie quotidienne féminine. On pourrait y associer ceux qui figurent sur la liste des indigitamenta comme Venilia

** Série de sept ou huit Néréides répartie dans les Nymphales entre gemmati et phalerati : orythia, maera, galathea, lige[i]a,  [helie], , amathea, leucothoe, panope.


 

 12eme édition

 

 Cydippe ; Néréide

Tipha

Ariadne.

Jatrophae

Canace

Amphinome

Phaerusa (au lieu de Phaetusa 10eme ed). Phéruse, Pheroysa, est l'une des Néréides.

Iphicla

Idmone

Elea

Ancaea

Janassa

Sibilla

Camilla

Dido

Nauplia

Hypermnestra

Nesea

Lena

Dia : 

Niphe

Adippe

 



 

 

E. Cinquième phalange : les 24 Plebeji ou Plébéiens.

Les Plébéiens ou gens du peuple, les petits, les sans-grades reçoivent les noms de musiciens, sculpteurs, artisans, d'un cheval, ou d'un nain devin (Tages).

1. Les 17 Plebeji rurales

  • cupido – Helicopis cupido. Cupidon fils de Vénus.

  • betulae – Thecla betulae, PLANTE HÔTE

  • pruni – Satyrium pruni, PLANTE HÔTE

  • quercus – Quercusia quercus, PLANTE HÔTE

  • marsyas – Pseudolycaena marsyas. Satyre joueur d'aulos qui défie Apollon (Hygin CLXV)

  • thamyras – Arhopala thamyras. Joueur de cythare et poète thrace, qui défia les Muses.

  • arion – Maculinea arion. Arion, poète grec du VIIe siècle. [ou : Cheval immortel du roi d'Argos Adraste].

  • argus – Plebejus argus. Géant aux cent yeux.

  • argiolus – Celastrina argiolus DIMINUTIF.

  • rubi – Callophrys rubi PLANTE HÔTE

  • philocles – Mesosemia philocles. Poète tragique, neveu d'Eschyle.

  • timantes – [nomen dubium]. Peintre grec.

  • athemon – Dynamine athemon. Peintre grec

  • caricae – Nymphidium caricae. PLANTE HÔTE.

  • phereclus – Panara phereclus. Constructeur du navire de Pâris dans l'Iliade.

  • lysippus – Riodina lysippus. Sculpteur grec.

  • virgaureae – Lycaena virgaureae PLANTE HÔTE.

 

12ème édition :

-Polybe : grand historien grec auteur des Historia (v. 150 avant notre ére)

-Thero : Théron, nom correspondant à trois héroïnes de la mythologie grecque

-Echion : l'un des cinq hommes de Sparte qui ont aidé Cadmos à fonder la ville de Thèbes.

-Boeticus  : adjectif de couleur brun-roux ? Plutôt, pour Boeoticus, "Béotien", habitant de Béotie, région de Grèce autour de Thèbes, dont les paysans étaient réputés lourdauds et naïfs correspondaient à nos "péquenauds" : de vrais "rurales".

- Thyra : épouse d'un roi du Danemark ? ou plutôt : de Tyr ?. Non résolu.

-Thysbé : le couple de Pyrame et Thisbé, victime d'un drame décrit par Ovide

-Zeuxo nom d'une Océanide dans le catalogue d'Hésiode..

-Philiasus : non résolu

- Pirithous : Fils de Zeus ou d'Ixion et roi des Lapithes

- Tespis Thespis d'Icare, poète et dramaturge grec

- Lara : déesse romaine du silence.

- Pamphilus

-Arcanius : l'une des Danaïdes

-Metis : Océanide, fille d'Océan et de Thétis, personnifiant l'intelligence rusée.

-Neleus : Nélée, fils de Poseidon et de Tyro et frère jumeaux de Pelias.

- Talaus : roi d'Argos, l'un des Argonautes.

- Peleus, héros grec, frère de Télamon et ami d'Heracles.

- Priassus : Priasus, l'un des Argonautes dans la liste d'Hygin.

- Phlaeas : ? Phlias, argonaute / Phloea, surnom de Proserpine.

- Hippothoe : l'une des Danaïdes.

- Hero. Prêtresse d'Aphrodite, qui forme un couple d'amant avec Léandre

 

 

 



 

2. Les 7 Plebeji urbicolae.

  •  comma – Heperia comma. CARACTERE

  • proteus – Urbanus proteus. Dieu Protée qui prend toutes les formes.

  • phidias – Pyrrhopyge phidias. Sculpteur grec.

  • bixae – Pyrrhopyge phidias. PLANTE HÔTE (Bixa = Roucou)

  • polycletus – Hypochrysops polycletus. Sculpteur grec.

  • malvae – Pyrgus malvae, PLANTE HÔTE

  • tages – Erynnis tages. Dieu nain étrusque qui enseigna la divination et les haruspicines.

 

 12ème édition :

Augias : Argonaute, fils du roi Phorbas d'Elide.

Protumnus

Thrax

Butes : Boutes d'Athènes Argonaute, apiculteur

Actorion. Actor, Argonaute

Pitho

Ileus

Niso

Spio

Phaleros : argonaute, archer athénien.

 Caeneus : Caénée le Lapithe, argonaute.


                 Voir Commentaires sur les noms  de la phalange  Plebejus infra

 

 


F. Sixième Phalange les 26 Barbari ou Barbares (Les Argonautes). page 487-488

      Linné écrit en bas de page 487 : Barbarorum nomina ab Argonautis desumsi.

De nombreux noms sont tirés de la liste des Argonautes donnée par Hyginus dans ses Fables chap. XIV "Argonautae convocati"

  •  bates – Colobura dirce. Boutes ? : Argonaute

  •  tiphus – Pyrrhogyra neaerea.Tiphys, argonaute.

  •  jason – [nomen dubium] : Jason, chef des Argonaute

  •  iphiclus – Adelpha iphiclus. Argonautes

  •  hylas – Neptis hylas. Argonaute; écuyer d'Heracles.

  • idmon – [nomen dubium]. Argonaute

  •  ancaeus – Nessaea obrinus.Ancée, argonaute

  •  eleus – Adelpha cytherea . Ele[ct]us, Argonaute Hygin (Hic fuit Eleus)

  •  amphion – Phaedyma amphion. Argonaute (Hygin)

  •  telamon – Cyrestis telamon. Télamon, Argonaute

  •  eribotes – [nomen dubium.  Eribotes, argonaute.

  • eurytus – Pseudacraea eurytus. Eurytos fils d'Hermes, Argonaute.

  •  ceneus – Delias ceneus: Cénée, argonaute

  •  mopsus – Mechanitis polymnia: Mopsos, argonaute.

  •  cepheus – Acraea cepheus: Céphée de Tégée, argonaute

  •  zetes – Acraea zetes. Zétès, Argonaute

  •  priassus – Entheus priassus. Priasos, fils de Cénée, Argonaute

  •  acastus – [nomen dubium]. Acaste, Argonaute

  •  neleus – Hyalothyrus neleus. Nélée, père d'un argonaute, Periclymenos.

  •  encedon – Acraea encedon : ??

  •  pinthous – Moschoneura pinthous : plutôt Pirithous?

  • nauplius – Eresia nauplius : Nauplios, fils de Clithonée, Argonaute.

  • ixilion – [nomen dubium] : argonaute (in P. Chompré)

  •  idas – [supprimé]  : Argonaute

 

      Commentaires.

A. Sur les dénominations par plante-hôte.

Sur les 192 espèces, 25 portent le nom de leur plante nourricière : Aucun Equites, 2 Heliconii (ricini et psidii), 11 Danai (anacardii, crataegi, brassicae, rapae, napi, sinapis, cardamines, sennae, rhamni, cassiae, sophorae), 4 Nymphales (cardui, populi, urticae,  vanillae) et 8 Plebeji ( betulae, pruni, quercus, rubi, caricae, virgaureae, bixae, malvae) ; aucun Barbari.

  Lorsque Linné classe les espèces de sa 5ème Phalange des Plebejus sous-divisions des urbicolae , cela signifie pour lui, dans le cadre onomastique qu'il s'est fixé page 458 du Systema Naturae, qu'il doit lui attribuer le nom propre d'un paysan (plutôt pour les Plebejus rurales) ou d'un habitant des villes de l'Ancienne Grèce : un cadre facile à respecter lorsqu'il s'agissait des Equites ou combattants légendaires de L'Iliade, des Heliconii ou Muses, des Nymphales ou Nymphes et encore des Danaïdes, dont les noms figurent dans de nombreuses compilations de l'Antiquité. Mais les Plebéiens sont, presque par définition, la plèbe des inconnus, des sans-gloires : des anonymes. Linné (ou ses collaborateurs) manquent soudain d'inspiration. Il fait appel à des artistes dont le nom a été conservé par la postérité, comme Philocles,Timantes, Athemon, Marsyas, Thamyras,  Phereclus, Lysippus qu'il place dans ses P. rurales, et comme les sculpteurs Phidias et Polyclète, qu'il place dans les urbicolae. Mais il doit faire appel aux noms des plantes-hôtes pour six de ses 17 rurales (betulae,  pruni, quercus, rubi, caricae , virgaureae), et pour  2 de ses 7 urbicolae,  bixae et malvae.

Parmi ce total de 8 noms de plante-hôte, 4 ne sont pas confirmées comme des plantes nourricières des chenilles :  caricae, virgauraea, bixae et malvae. Quand à Callophrys rubi la Ronce est loin d'être sa plante-hôte principale.

caricae : de Carica papaya ; en réalité la plante-hôte appartient aux Fabacées.

— virgauraea : de Solidago virgaurea ou Verge d'or. En réalité, les plantes-hôtes sont des Rumex, dont R. acetosella.

— bixae : de Bixa orellana L. 1753 = Roucou ; en réalité, la plante-hôte appartient aux Hypericaceae du genre Vismia.

— Malvae : genre décrit par Linné en 1753 et contenant les Mauves véritables comme M. sylvestris ou Grande Mauve, et M. alcea ou Alcée (à ne pas confondre avec l'Alcea ou Rose-trémière du Genre Alcea). En réalité, les chenilles de Pyrgus malvae se nourrissent sur les Potentilles.

Linné indique dans sa description de 1758 deux plantes-hôtes, Malva et Althaea. Althaea est un genre décrit par Linné en 1753, celui des Guimauves avec Althaea officinalis ou Guimauve officinale. 

Ces exemples illustrent les dangers auxquels un nomenclateur expose le nom qu'il crée lorsque celui-ci repose sur des caractères morphologiques ou phénologiques ou sur le nom de la plante-hôte, éléments susceptibles de changement en fonction des données actuelles de la science. Les noms propres mythologiques ou autre indépendant de l'espèce décrite résistent beaucoup mieux au temps qui passe.  

B. Equites et Plebeji.

Les six phalanges crées par Linné pour ses Papiliones (rhopalocères) peuvent être considérés en deux groupes principaux : c'est ce que fera Hübner en 1819 dans son Verzeichniss en ne créant que deux Phalanges, Nymphales et Gentiles, c'est à dire Personnages mythologiques d'une part, et Personnages Humains de l'autre. Parmi ces derniers, se trouvent les Equites et les Plebeji, c'est à dire les deux grands éléments de la nation romaine depuis le VIe siècle av.J.C , les Praticiens issus des Patres, et les Plébéiens. Chez Linné, la phalange V des Plebeji s'oppose à la phalange I des Equites, les phalanges II, III, et IV relevant de la Mythologie surnaturelle, si je puis dire.

Les Plebejii sont eux-mêmes répartis chez Linné en deux sous-catégories, les Rurales et les Urbicolae, ce qui correspond à la Plèbe romaine, constituée de 90% d'agriculteurs, mais dont les membres des villes se répartissaient en proletarii, artisans (tisserands, cadreurs, tuiliers, boutiquires ou tabernarii), et Homines quasi-boni (riches financiers et négociants en gros).

Mais cette classe a laissé dans l'Histoire moins de personnages célèbres ou légendaires, et Linné, pour son onomastique, a souvent fait appel à une dénomination par la plante-hôte, ou aux noms d'artisans-artistes musiciens, sculpteurs, peintres ou architectes.

 

 

 


 

 


Bibliographie, Sources et Liens.

A. Les sources de Li

nné.

1. Pline, Histoire naturelle (1er siècle)

 

2. Hyginus, Fabulae

3. G. G. Giraldi, De Deis gentium. (1548).

Lilius Gregorius Gyraldus ou Giglio Gregorio Giraldi (Ferrare 1479 - Ferrare 1552) De Deis Gentivm Libri Sive Syntagmata XVII 

 

De Deis Gentium varia et multiplex Historia, in qua simul de eorum imaginibus et cognominibus agitur, ubi plurima etiam hactenus multis ignota explicantur, et pleraque clarius tractantur. Ad Herculem Estensem II. Ferrariensem Ducem IV. Lilio Gregorio Gyraldo Ferrariensi auctore, Basileae 1548

 Syntagmata en ligne : http://www.uni-mannheim.de/mateo/itali/autoren/giraldi_itali.html

 

4. Benjamin Hederich  Gründlisches Mythologisches lexicon  (1724)

http://www.zeno.org/Kategorien/T/Hederich-1770

 

B. Étude critique de l'Onomastique linnéenne.

  — HELLER (John Lewis) - 1983 -"Studies in Linnaean method and nomenclature", Marburger Schriften zur Medizingeschichte, Bd.1983;7:1-326.Frankfurt am Main ; New York : P. Lang,


    Ce recueil comporte dix essais , dont les sept premiers d'entre eux ont été réédités de diverses revues avec des illustrations de texte et un registre complexe, discutant des méthodes de Linné de catalogage et de nommer les animaux et les plantes dans le Systema Naturae et d'autres travaux. Ils comprennent une étude (I, 1946) des sources linnéennes pour les noms triviaux mythologiques des papillons, et un autre (VI , 1972) sur ses citations de la poésie classique. Ses méthodes pour cataloguer ces ouvrages sont comparés ( III , IV , V et IX ) afin de clarifier la relation historique entre le système de Linné de la nomenclature binomiale pour les organismes et ses références abrégées et généralement binomiale à des livres ou des articles dans ses synonymies. Les abréviations énigmatiques « Liste . mut . » et « Liste loqu. » sont expliquées dans l'étude II. l'étude VIII montre que « Caput Oculus »  se réfère à une matière médicale chinoise qui avait été présenté à Linné. L''étude X énumère les personnes qui ont été honorés avec des noms triviaux en zoologie.  

 

C Liens.

Listes de noms mythologiques :

— Mythologia. fr : http://mythologica.fr/grec/index.htm      http://mythologica.fr/grec/argonaute.htm

— Hyginus, Fabulae Bibliotheca augustana

— Pierre Chompré  Dictionnaire portatif de la fable, Volume 1 argonautes

 

Linné,

 Philosophie botanique

Systema naturae 1758 BHL


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Published by jean-yves cordier
13 juin 2013 4 13 /06 /juin /2013 18:47

     La colonie de phoques gris de Portsall.

 

  I. Faire connaissance.

  Rencontrer un phoque est toujours un moment d'émotion. On le ressent comme un privilège, et une effraction. Vous les découvrez derrière un rocher, en kayak pour les privilégiés, et même si vous connaissez leurs habitudes, c'est toujours à l'improviste que ces animaux de 2,50 mètres en moyenne surgissent, car leur pelage gris tacheté les confond longtemps avec les rochers qu'ils choisissent pour leur sieste. Farouches, ils progresseront vite vers le bord,  laisseront glisser leurs 200-250 kg sur un toboggan d'algues et vous n'apercevrez plus que leur tête aux narines parallèles et verticales, à moins de la confondre avec une bouée de casier. 

  Ce jour-là, c'était les fous de bassan juvéniles qui nous avaient attirés par leurs piqués de Stuka. Mais le vent avait atteint un bon 6 Beaufort, n'exigez pas trop du photographe essayant de stabiliser son 400mm dans un rude clapot tout en le protégeant des embruns!


phoque-gris 8241c

 

 

phoque-gris 8260c

 

phoque-gris 8242c

 

phoque-gris 8277c

 

 

phoque-gris 8212v

 

phoque-gris 8218v


 phoque-gris 8203v

phoque-gris 8220c

 


 phoque-gris 8230c

 

  Ce phoque qui prend la posture de yoga nommé "cobra" ou bhujagasana nous montre, sur la patte, une belle étiquette bleue numérotée qui nous permet de découvrir la pratique du "baguage". Voir infra.

phoque-gris 8231c

 

     

 

II. Se présenter (zoonymie).


      C'est un "pinnipède", ses membres inférieurs se terminent en forme de palme.

Le phoque gris, ou Atlantic gray seal, atlantic seal, baltic gray seal, gray seal, horsehead en anglais, , Kegelrob en allemand, Foca de gris en espagnol, porte le nom scientifique de Halichoerus grypus (Fabricius, 1791). C'est la seule espèce du genre Halichoerus, créée par le naturaliste suédois Sven Nillson en 1820. Le nom qui vient du grec hali, "mer" et choeres, "cochon" le désigne donc comme "cochon de mer". Quand à l'épithète grypus, il signifie en latin "nez arqué", à partir du grec γρύψ, γρυπός  γρυπός : crochu, recourbé.

 

III. Ne plus se perdre.

1. Photo-identification.

Pour suivre l'état des colonies de phoques gris, les scientifiques utilisent la photo-identification, reconnaissance de l'animal par des caractéristiques apparentes d'une partie du corps. Chez les dauphins, on photographie leur aileron, chez les baleines c’est la nageoire dorsale (la queue) qui est photographiée et pour les phoques c’est bien leur tête que l’on photographie. Les phoques ont un pelage parsemé de tâches plus ou moins claires. Leurs forme et leur répartition sur la tête permet donc de les reconnaître. Parfois ce sont aussi leur blessures que l’on reconnaît. Cette méthode de reconnaissance s’appelle la photo identification.

 Les colonies (Sept-Îles, Archipel de Molène) sont suivies par photo-identification tous les quinze jours, en dehors de la péroide de mue où tous les phoques sont uniformémént brunâtres. 

2. émetteur satellite.

En 1999 puis en 2004, trois chercheurs du Laboratoire de Biologie et Environnement marin de La Rochelle ont placé des émetteurs ARGOS sur la tête de deux femelles, Juliette et Yvonne afin de suivre leurs déplacement. Tous les renseignements, bien-sûr captivants, sur le site suivi-animal  .

3. Le baguage.

Les phoques retrouvés échoués sont amenés dans les centre, comme le Musée de la mer à Biarritz, où ils sont soignés, engraissés puis confiés à Océanopolis de Brest qui les bague et les relache. Ces bagues numérotées sont placées au niveau des pattes postérieures.

 

 

 Liens et sources : 

Le site de la ffessm DORIS est remarquablement complet.

Le site de l'Université de Strasbourg suivi.u-animal-strasbg.fr donne une présentation également complète du phoque gris.

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Published by jean-yves cordier
12 juin 2013 3 12 /06 /juin /2013 10:52

           

            Graffiti mural et graffiti minéral :

 Le grand jeu de l'été en Presqu'île de Crozon.

 

1. Question d'histoire :

En quel lieu de la Presqu'île a été prise cette photographie ?


20130622 161918c

 

2. Question de géographie.

En quel lieu de la Presqu'île a été dessinée cette carte géographique de l'Hexagone ?

(Indice : à quelques mètres de l'image précédente)

20130622 162408

 

3. Deuxième indice.

Trop facile !

20130622 164244

 

4. La réponse en image.

20130622 164702c

 

La Pointe des Capucins à Roscanvel.

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Published by jean-yves cordier
10 juin 2013 1 10 /06 /juin /2013 21:59

 

                 L'Épeire à dents de scie 

            Araneus angulatus Clerck, 1758.

 

Lieu : lande (pin, ajonc), vallée du Quillivaron, Lampaul-Guimiliau.

Date : 9 juin 2013, sortie Bretagne Vivante / Mikaël Buord.

Merci à André Fouquet pour son aide à l'identification. Le dessin peu acéré des dents de scie du folium, la présence de la toile à un mètre de haut, dans les ajoncs, en plein jour, alors que l'épeire angulaire est signalée par le fameux numéro 74 de La Hulotte tendre sa toile en hauteur, entre deux branches d'arbres, et n'être bien visible que la nuit, me faisait pencher pour Gibbareana bituberculata, l'araignée dromadaire, mais A. angulatus est de taille supérieure. Hélas, je n'ai pas mesuré ma capture photographique, ni photographié l'épigyne.

103c

 

                          093c

 

085c

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Published by jean-yves cordier
7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 20:36

 

        L'église Saint-Jacques de Locquirec :

           Maquettes et statues.

I. Maquettes.

    Je rappelle que je réserve le nom d'ex-voto à des maquettes ou tableaux  offerts après un nauvrage, portant le nom réél du navire et rappellant les circonstances du vœu formulé. Cette coutume est très ancienne.

 Les maquettes de procession sont plus récentes, correspondant aux efforts du clergé pour affermir la foi des paroissiens par des processions derrière des bannières et, dans les paroisses maritimes, des maquettes portées sur un brancard, mais aussi des cérémonies de bénédiction de la mer et des navires du port. Cette tradition est parfaitement attestée à Locquirec et perdure actuellement. Les navires en question ne correspondent pas à une unité immatriculée, ne sont pas identifiables, ne portent pas de nom, ou un nom de dévotion.

La première maquette, carène rouge et coque noire, est celle qui est portée lors des processions, et c'est elle qui est pavoisée ; elle  ne porte pas de nom. C’est un navire de guerre, un trois-mâts carré "armé de 40 canons de sabord et de 2 canons de retrait" (site ex-voto.net). Elle est équipée d'éléments de fixation destinés à sa suspension à la voûte.

 

 

 

maquettes 6094c

 

 

La deuxième maquette est un trois-mâts carré qui porte le nom de « Saint-Yves ».Une seule batterie de faux sabords sans canons, correspondant à un navire de commerce.Étrave très élancée. XIXe siècle sans-doute.

maquettes 6028c

 

II. Quelques statues.

 

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Christ aux outrages.

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Sainte-Trinité ou Trône de grâce provenant de la chapelle de Linguez.


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Saint Jacques, patron de l'église.

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Saint Kirek, premier patron (chronologiquement) de la paroisse.

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7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 17:52

  L'église Saint-Jacques de Locquirec :

      Le retable de la Passion et l'autel.

 

Suite de  L'Arbre de Jessé sculpté de l'église de Locquirec.


I. Le retable de la Passion.

N.B Le caractère médiocre des photographies est dû à l'opérateur, à la présence d'une vitre de protection, et au respect de la consigne de ne pas accéder sur l'estrade.

 

Retable du maître-autel en bois sculpté du XVIè siècle : les groupes en haut-relief, protégés depuis 1981 par une vitre de sécurité, représentent la Passion : Ecce Homo, Couronnement d'épines, Flagellation, Véronique à la Sainte Face, Rencontre de Marie avec Jésus, le Christ en croix entre les deux larrons, Descente de croix, Mise au Tombeau. (R. Couffon)

 

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Les bas-reliefs de l'autel.

  saint Claude, saint Jean-Baptiste, saint Jacques, saint Mélar et sainte Barbe.

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Sanctus Melorius, saint Méloir ou Mélar.

Son oncle Rivod lui ayant coupé la main droite et le pied gauche, on lui confectionna une prothèse : c'est avec celle-ci  qu'il tient la main qu'il a perdu. 

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Sainte Barbe

avec la tour aux trois fenêtres par lesquelles elle rendait hommage à la Sainte-Trinité et affirmait sa foi.

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Published by jean-yves cordier
7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 12:37

      L'Arbre de Jessé sculpté                                     de l'église  Saint-Jacques de Locquirec (29).

 


 Voir la liste des Arbres de Jessé de mon blog, avec les liens nécessaires, au début de l'article  Le vitrail de l'arbre de Jessé à Férel (56). 

Voir aussi   L'Arbre de Jessé de l'église de Plourin-les-Morlaix (Finistère).


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                   loquirec 6064c

 

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      Commentaires. 

 1.  Le docteur Louis le Thomas (cf. Sources), qui a recensé les Arbres de Jessé de Bretagne et dont je ne me lasse pas de déguster les descriptions soucieuses de s'inspirer de l'anatomie comparée et de l'ontogénèse, le décrit ainsi : 

  "Haut-relief, XVIIe. Formule = Jessé + David + Rois (12) + Vierge-Marie." (Il n'existait en fait que douze rois y compris David, et actuellement onze rois, l'un ayant été volé du coté gauche.)

 " Plan inférieur : Jessé songeant, couché, tête à gauche. Accoudement du même coté. tronc de l'Arbre à implantation thoraco-abdominale."

"Aux pieds de Jessé, à droite, démone, torse dressé. Tête cornue. Visage fruste. Torse tératologique, à thorax et abdomen globuleux. Bras droit très grêle avec Pomme énorme dans une serre tridactyle. Queue anguiforme, spiralée."

  "Rois (12), étagés en deux rangées opposées. David (avec harpe) à gauche. Couronnes et sceptres. "

 "Plan supérieur : Vierge-Mère ("Notre-Dame du Bon-Secours"), hanchée, frustre."

"Au sommet, Ange voletant, avec sceptre fleurdelysé."

"Volets (2) avec panneaux (6)."

  L'auteur classe cette "composition plastique"  dans la catégorie, majoritaire dans son étude, du "type marial surbaissé" avec Vierge incluse dans la ramure, et ordonné selon un T renversé, avec Jessé couché —mais ici les yeux mi-clos— dans l'attitude "destiné à suggérer l'idée de somnolence préludant à un rêve prémonitoire".

Parmi les 19 Arbres sculptés recencés en Bretagne dont 6 en Finistère (outre Locquirec, Plounevezel, Plouzevedé/Berven, Plourin-les-Morlaix, St-Thégonnec, St-Yvi) il appartient au sous-groupe à Démones, comme 13 des 19 Arbres.

  Ces Démones fascinent Louis Le Thomas, qui leur a consacré un article particulier, et les classe en deux figurations anthropomorphiques, celle de Démone-Serpent ou anguiforme, ou ophioure (ou "Echidna"), et celles, plus rares, de Démone-poisson (ou "Néreïde"). Il  voit dans ces formes qui "relèvent d'une gynécomorphie du Serpent de la tentation"  "l'occasion rare, dans l'iconographie religieuse; d'une étude du nu féminin, bustes et torses de démones ayant été, dans les Arbres de Jessé bretons, traités avec une verve évidemment complaisante et un réalisme particulièrement suggestif" car elles ont "pour attribut principal des mamelles orthomorphes, discoïdes, d'un galbe partout très exagéré" dont le mérite est néanmoins de consoler le fidèle des démons et démones de l'iconographie religieuse, très souvent affligées de mamelles pendantes, à titre péjoratif, et d'inspiration probablement monacale". Souvent, hélas, ces "exubérance mammaire a servi de prétexte à une chirurgie iconographique correctrice particulièrement tenace afin, presque partout, de réduire —sinon de supprimer— cette exubérance en pratiquant des amputations, alors qu'aux personnages "cacheurs" de Molière suffisait...le mouchoir".

 Le docteur remarque aussi que ces Démones ne peuvent être figurées entières, pour s'effacer derrière Jessé, et que le sculpteur devant les réduire à un torse ou buste plus ou moins étriqué, à caractère féminin amenuisé, accentue leur galbe mammaire par compensation.

A la question qu'avait posé le chanoine Abgrall (Est-ce Éve ? Est-ce le serpent qui l'a trompé ?), Louis Le Thomas répond : c'est le Serpent, car il tend la pomme plutôt qu'il ne s'en saisit, mais aussi en raison de ses caractères chtoniens : main griffue, tête cornue, animalité.

 

  2. J'ajouterai quelques remarques :

  • l'œuvre est datée du début du XVIe siècle (R. Couffon), avec une réorganisation sur un buffet du XIXe siècle.
  • le caractère arrogant, presque victorieux de la Démone qui brandit la Pomme comme un trophée et qui, détail rare, enserre de la patte gauche en pince de crabe le tronc de l'Arbre.
  • l'absence, à Locquirec, des fameux seins discoïdes de Le Thomas, remplacés ici par une seule sphère dilatée comme le thorax d'un emphysémateux, protubérante, glabre, et qui semble s'offrir avec provocation en symétrie de la Pomme brandie.
  • le geste de certains rois qui désignent la Vierge en signe de reconnaissance.
  • le médaillon à douze perles que porte la Vierge (et que l'on retrouve sur l'un des rois).
  • la position de David, à la même hauteur que la tête de la Vierge et de son Fils, et placé à leur droite.


II. Les volets.

 

Annonciation.

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La Visitation.

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La Nativité.

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La Fuite en Égypte : Vierge allaitante.

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La Présentation au Temple.

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Adoration des mages.

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Sources et Liens.

— Site de l'Association des Amis de l'Art religieux de Locquirec : http://www.3arl-locquirec.com/bonsecours.htm

— Site Topic-topos :http://fr.topic-topos.com/notre-dame-du-bon-secours-locquirec

— Le blog d'une visiteuse :http://moniquetdany.typepad.fr/moniquetdany/2011/09/l%C3%A9glise-de-locquirec.html

— Catholique-quimper.cef (ouvrage de Couffon) :http://catholique-quimper.cef.fr/images/stories/bibliotheque/pdf/pdf-Couffon/LOCQUIRE.pdf

— Chanoines Jean-Marie Abgrall et Paul Peyron, "[Notices sur les paroisses] Locquirec", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie, Quimper, 24e année 1924, p.321-326,

— Site culture.gouv.fr avec photographie de 1952.

— Louis Le Thomas, Les Démones bretonnes, iconographie comparée et étude critique, Bulletin de la société Archéologique du Finistère t. 87 p. 169-221, 1961.

— Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, première partieBulletin de la société Archéologique du Finistère 165- 196, 1963.

 — Louis Le Thomas, Les Arbres de Jessé bretons, troisième partieBulletin de la société Archéologique du Finistère pp. 35-72, 1963.

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7 juin 2013 5 07 /06 /juin /2013 08:27

                  La Vierge ouvrante

          de Notre-Dame-des-Murs à Morlaix :

 

Église saint-Matthieu.

  Elle provient de la Collégiale du Mur qui datait de 1295, fut désaffectée à la Révolution puis démolie, sauf sa tour du XVe.

  Spécialement commandée par la très riche et puissante Confrérie de la Trinité de Morlaix, elle aurait été réalisée dans la région de  Cologne en 1400*. Ouverte du jour de la Sainte-Trinité (entre mai et juin, fête correspondant au motif intérieur) au 8 septembre (fête de la Nativité de la Vierge), elle se referme dès avant l'automne pour faire apparaître alors ses formes extérieures de Vierge allaitante, assez pudique d'ailleurs.

  *En 1988, le père Yves-Pascal Castel soulevait l'hypothèse d'une vierge de construction rhéno-mosane du XIIIe siècle, présente dès la construction de la collégiale en 1295, et revêtue de ses peintures intérieures marouflées cent ans plus tard en 1390, dans la même région germanique avec laquelle les marchands morlaisiens étaient en constante relation de commerce. J'ignore si, en 2012 où la statue fut exposée à Paris au Petit-Palais, les experts nationaux ont repris cette thèse...

 La "confrairie" de la Trinité, fondée en l' église de Saint-Mathieu de Morlaix en 1110 et transférée par Jean II en la collégiale Notre-Dame du Mur, en 1295 était une association de dévotion, de charité, d'entraide aux mourants et devint ensuite une compagnie de commerce, composée des tisserands et des marchands de toiles, principal commerce de Morlaix depuis toujours. Elle disposait d'une chapelle de la Trinité ornée au XVe siècle d'un vitrail comportant leurs marques et insignes. Elle élisait des prévôts  et des "abbés", chargés de surveiller la qualité des toiles et de les certifier par un sceau, avec droit de visites chez les marchands et tisserands et qui percevaient une taxe sur les ventes. La collégiale Notre-Dame du Mur lui doit, outre cette statue, la cloche de son horloge ainsi qu’une bonne part de son argenterie sacrée, marquée d’une navette.  

Faite en bois de tilleul polychrome, elle appartient au 17 "vierges ouvrantes" de France (en Bretagne, citons celle de la chapelle de Quelven en Guern, ou celle de Bannalec. A Paris, celle du Musée de Cluny, qui vient d'Allemagne ; en Île de France, celle d'Alluye ; celles d'Auvergne, de Lorraine, etc...). Toutes réalisées entre le XII et le XVe siècle, elles renferment toutes en leur sein, au sens ici littéral, une représentation trinitaire connue sous le nom de "trône de grâce" : le Christ en croix, tenu par Dieu le Père, et accompagné par la colombe de l’Esprit.

Fruit de la pitié populaire, elles devinrent suspectes après le concile de Trente (milieu du XVIe) qui, réexaminant les bases de la foi, recommanda de ne plus recourir à ce genre de représentations. En-effet, Marie est certes mère de Jèsus et donc Théotokos, "portant Dieu", mais elle ne peut être reconnue mère des trois personnes de la Sainte-Trinité. En 1745, le pape Benoît XIV les classait dans les figurations " non approuvées " de la Trinité. Néanmoins la piété des Morlaisiens, très attachés à leur statue, a permis que celle-ci échappe à la destruction.

  Comme les groupes nommés "Anne trinitaire, où la Vierge et Anne lisent dans les Écritures, à l'Enfant, le destin douloureux auquel il est voué, ces statues montrent ce que la Vierge "gardait dans son cœur" (Luc 3,51), sa prescience de la Passion et de la Rédemption.

  En dehors de cette interprétation religieuse, ces vierges ouvrantes montrent le contraste entre l'innocence tendre de la relation Mère-Enfant pendant l'allaitement, et les angoisses de la mère déjà préoccupée et anxieuse des souffrances inévitables que l'avenir réserve à tout être en développement. 

 

 Sous la Révolution,  la Vierge ouvrante de Notre-Dame des Murs a été sauvée par une couturière, Jacquette Cloarec, qui la cacha à son domicile de la ru des Nobles avant de la remettre au clergé de Saint Matthieu le jour où la paix civile revint.

 

Photographie affichée près de la statue :

                   st-matthieu-vierge-ouvrante 6157c

                        st-matthieu-vierge-ouvrante 6160c


  Je la visitai un 6 juin, ses deux volets ouverts sur Dieu de Père au visage christique, vêtu d'or, surmonté de la blanche colombe et tenant dans ses bras le Christ en croix. Protégée par une vitre, elle ne s'offrait au photographe qu'au prix des désagréables reflets des vitraux et des luminaires, et il fallut faire au mieux.

Le but de ma visite étant de compléter une série consacrée aux Vierges allaitantes du Finistère, je pouvais ranger mon objectif, mais je ne m'attendais pas à découvrir, sur la face intérieure des volets arrondis, de merveilleuses peintures dont la finesse évoquait celle des enluminures.

 Six scènes s'offraient à mon admiration : à gauche et de  haut en bas, l'Annonciation, une Nativité, la Présentation de Jésus au Temple. A droite, une très belle Flagellation, une Réssurection,  et une Descente aux enfers.

A coté, un panonceau m'informait que ces peintures relevaient "de cette forme de peinture gothique courtoise qu'on appelle le "style moelleux" : langage plastique d'un grand pouvoir lyrique, par la musique de ses lignes sinueuses et son modelé suave baigné d'un clair-obscur diffus".  La ville de Cologne est précisément le creuset en Allemagne de ce style enchanté et enchanteur du Gothique internationalOn faisait aussi remarquer "un procédé très curieux : une étroite bande gravée ponctuée de petits cercles accompagne le contour entier de chaque figure". Les fonds dorés sans profondeur et comme abstraits, gravés ou martelés d'arabesques ou de cercles sur lesquelles se détachent les couleurs vives sont également caractéristiques


                  st-matthieu-vierge-ouvrante 6154c

 

L'Annonciation.

     Comme pour les scènes suivantes, l'examen rapproché permet de découvrir la fineese et la précision de la peinture, que ce soit celle de l' inscription Ave gratia plena dominus tecum, ou celle de la colombe venant de nuées bleutées et projetant sur la tête de la Vierge une irradiation de feu fécondant. On constate le geste de Gabriel désignant le ventre de Marie, on découvre le travail de rendu des étoffes avec les délicates nuances de vert, de rose et d'orange de la robe de l'Ange.

                                20130606 163721c

 

La Nativité.

  C'est un nouvel exemple de Vierge couchée comme j'en ai découvert les exemples dans les enluminures des Livres d'Heures.  La Vierge couchée (5) dans les Nativités des Livres d'Heures de Rennes.

Comme le souligne l'article de Wikipédia consacré au Gothique international et à ce "style doux" ou Weicher style, "La ligne, tantôt douce et sinueuse, tantôt plus nerveuse et angulaire, prévaut désormais, et les couleurs intenses, conjuguées aux drapés figurant des arabesques compliquées, viennent souligner l'anatomie humaine. Les mêmes figures élancées très stylisées, les vieillards aux longues barbes imposantes, les silhouettes ondulantes, se développent aux quatre coins de l'Europe occidentale et centrale, que ce soit dans les domaines de l'enluminure franco-flamande, avec les frères de Limbourg, de la peinture italienne, par exemple dans l'Adoration des Mages de Lorenzo Monaco (1422), ou de la sculpture.

À côté des débuts d'une représentation profane des personnages sacrés selon une version aristocratique — des saints étant montrés comme des gentilshommes richement vêtus, par exemple dans le Retable de saint Martin, sainte Ursule et saint Antoine abbé du peintre valencien Gonzalo Pérez (vers 1420) —, on note une attention à la réalité quotidienne des classes les plus humbles. Celle-ci est tout à fait spectaculaire dans les enluminures de certains mois du calendrier des Très Riches Heures du Duc de Berry, et offrent un pendant paysan aux scènes courtoises de l'aristocratie des autres mois. Mais c'est surtout avec la figure de saint Joseph que la classe sociale la plus pauvre va devenir une clé d'interprétation des textes sacrés, sinon un repoussoir des figures les plus nobles : ainsi l'époux de Marie est-il représenté comme un humble artisan, avec ses outils de charpentier dans Le Doute de Joseph du Maître rhénan du Jardin de Paradis (vers 1410-1420), ou prépare-t-il la soupe dans la Nativité du Triptyque de Bad Wildungen de Conrad von Soest (1403). " 

 Ici, l'artiste se moque de Joseph en peignant  la pointe de son bonnet dressée dans une suite facétieuse des oreilles de l'âne et du bœuf. Ses cheveux longs aux mêches torsadées sur les épaules et sa barbe à trois pointes lui donnent l'air d'un vieux sauvage, d'un homme des bois. Il n'est pas nimbé, à la différence de Marie et de l'Enfant.

On ne distingue pas tout-de-suite le brasier qui se trouve à ses pieds, et vers lequel il tend les mains, à défaut d'y préparer la cuisine.

La clôture d'osier est aussi tout-à-fait traditionnelle.

On admire le talent avec lequel les plis et les reflets du manteau de la Vierge, étendu en couverture, sont exécutés ; et la chatoyante des couleurs confrontées, jaune, orange, verte et bleue

  Un dernier détail: l'Enfant-Jésus qui met son doigt à la bouche.


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      La Présentation de Jésus au Temple.

  Je retrouve le même soin dans le rendu et le coloris des étoffes. On connaît la scène correspondant au texte de Luc 2,22 dans laquelle Marie et Joseph présente leur fils au Temple pour le "racheter" à l'âge d'un mois en offrant en sacrifice deux tourterelles, que la servante porte dans un panier. Deux petites énigmes cependant : les quatre personnages portent des auréoles. L'homme de droite ne peut donc être le grand prêtre; est-ce Joseph, dont nous avons vu qu'il ne méritait pas de recevoir l'auréole dans l'image précédente ? C'est plutôt Syméon, que Giotto avait aussi représenté nimbé à Padoue, Syméon dont la liturgie reprend le cantique Nunc dimittis servum tuum, Domine, secundum verbum tuum in pace  pendant l'office des complies.

 Mais la servante qui porte le cierge et les tourterelles, et que Giotto n'honorait pas du nimbe, pourquoi porte-t-elle l'auréole ici ? L'hypothèse que je propose en attendant les vôtres et d'y voir Sainte Anastaise, ou Sainte Salomé, l'une des sages-femmes du protévangile de Jacques qui, dans la tradition populaire, resta attaché au service de la Vierge et l'accompagna au Temple.

  Je découvre qu'Émile Mâle (L’art religieux de la fin du Moyen Âge en France, Paris, Librairie Armand Colin, 1925) s'était interrogé lui-aussi sur d'autres œuvres du gothique international, les Très Riches Heures du duc de Berry et le Retable de la Présentation des mages de Gentile da Fabriano (1423) :  « L’Adoration des Mages offre au commencement du XVe siècle, dans les Très Riches Heures du duc de Berry, enluminées par les frères Limbourg, une particularité singulière. On voit derrière la Vierge deux femmes nimbées, dont la présence semble au premier abord inexplicable et que les érudits ne savent de quel nom désigner. C’est qu’ils n’ont pas songé au vieux drame liturgique qui continuait à se jouer dans l’église, pendant que les Mystères se jouaient sur la place publique. Dans le drame liturgique, en effet, les Mages, au moment où ils s’avancent vers l’Enfant, sont accueillis par deux femmes qui sont les sages-femmes des évangiles apocryphes : “Voici l’enfant que vous cherchez, disent-elles aux rois ; approchez et adorez, car il est la rédemption du monde (1).” Ce sont ces deux sages-femmes que les miniaturistes du duc de Berry ont représentées avec le nimbe. En Italie, la scène devait se jouer de la même manière, car, une dizaine d’années après les frères Limbourg, Gentile da Fabriano représenta les deux sages-femmes auprès de la Vierge dans son fameux tableau de l’Adoration des Mages de Florence. On les voit aussi dans son tableau de la Nativité.»

(1) Drame liturgique de la Bibl. d’Orléans. E. du Méril, Origines latines du théâtre moderne, p. 170. Elles prononcent les mêmes paroles dans le drame de Rouen et dans celui de Munich. »


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Flagellation, ou Christ à la colonne.    

   On voit, à la partie extérieure de la statue, la main de l'Enfant-Jésus s'approchant du sein, qui apparaît ici en saillie. Cela résume en une image la caractère pathétique des Vierges ouvrantes, qui, derrière leur aspect  extérieur serein, sont des Mater dolorosa transpercées par l'immense douleur. L'épaisseur seule d'une planche de tilleul sépare ici le sein maternel et la main infantile de l'affliction térébrante du supplice, de la sueur de sang et du Calvaire. Les deux êtres, l'Enfant et le Flagellé, sont tous les deux dans la même nudité. Aux deux extrêmes de la vie, ils ont la même impuissance, la même dépendance, la même soumission à autrui, mais un simple geste, l'ouverture ou la fermeture de la statue, réalise ce basculement du début de la vie à son terme, de la bienveillance maternelle à l'agonie. Image d'une Passion, c'est aussi l'image du tragique de la Vie.

 La scène suivante sera celle de l'espérance réalisée,  de la Rédemption et du cri de Pâques, Il est ressuscité! Mais, juste derrière le cœur maternel, c'est ici encore le temps du Vendredi, celui du Stabat Mater dont on entend les strophes :

Quis non posset contristari, Christi Matrem contemplari, dolentem cum Filio?

Pro peccatis suæ gentis vidit Iesum in tormentis et flagellis subditum.

Vidit suum dulcem natummorientem desolatum, dum emisit spiritum.

Eia Mater, fons amoris, me sentire vim doloris fac, ut tecum lugeam.


 

"Qui pourrait dans l'indifférence contempler en cette souffrance la Mère auprès de son Fils ? Pour toutes les fautes humaines, elle vit Jésus dans la peine et sous les fouets meurtri elle vit l'Enfant bien-aimé mourant seul, abandonné, et soudain rendre l'esprit. Ô Mère, source de tendresse, fais-moi sentir grande tristesse pour que je pleure avec toi."


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 Résurrection

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      Idem, détail.

Les soldats romains gardant le tombeau, mais plongé dans le sommeil, sont représentés en chevalier du Moyen-Âge avec cotte de maille, et bouclier aux armoiries animales fantaisistes, mais qui correspondent aux animaux les plus fréquents du bestiaire héraldique.

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  Descente aux enfers.

Les enfers sont représentés comme un chateau fort gardé par des diables velus, cornus, fourchus ou griffus. Le Christ, (flou ici en raison de la courbure du support) tient de la main droite l'oriflamme blanc à croix rouge de la Résurrection. La hampe de l'oriflamme, garnie d'une plaque fleurdelisée, ouvre la porte des enfers, où les âmes qui attendaient l'arrivée du Messie sortent avec, au premier rang, Adam et Éve.

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Je n'avais plus qu'à visiter le reste de l'église :


1. La bannière du Jubilée de 1895 : 

 Elle porte d'un coté l'inscription en breton ITRON VARIA AR VUR PEDIT EVID OMP, Notre-Dame des Murs Priez pour nous, , et de l'autre 6ème centenaire-15 aout 1295-1895.

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      D'une ville dont la richesse provient du commerce de ses créées ou toiles de lin, et dont les maisons à pondalez ( domiciles des marchands, aménagés à l'intérieur autour d'une cour et d'une galerie pour recevoir les acheteurs) restent encore les points forts d'une visite touristique,  on pouvait attendre que la bannière soit à la hauteur de cette réputation. C'est le cas, et une vue du vieux quartier autour de la Rue du Mur est soigneusement brodée, avec un couple de bretons en sabots de bois.

 

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Chapelle du Saint-Sacrement : Passion.    

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      Sainte Anne, Éducation de la Vierge.

Statue polychrome du XVIe siècle.

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Statue de saint Crépin.

        Son intérêt est enrichi par le mémoire que Thierry Hamon (cf Sources et liens) a consacré en 2002 à la confrérie des cordonniers, dont il est le patron : j'en extrait ces lignes :

 

" il s’agit d’une statue du XVIe siècle  de saint Crépin, martyr romain du 3ème siècle, persécuté pour son prosélytisme chrétien et condamné pour cela par le Gouverneur des Gaules, vers 287, à être noyé dans l’Aisne, à Soissons, en compagnie de son frère Crépinien, une meule de pierre attachée au cou. C’est cependant plus à son métier qu’aux circonstances tragiques de sa mort, que saint Crépin doit d’être honoré à Morlaix : il était en effet cordonnier, ce qui lui valut rapidement d’être pris comme saint patron par tous les membres de la profession. Cette statue est, en fait, le dernier témoignage attestant de l’existence de l’antique Confrérie de Saint-Crépin, qui regroupait depuis la fin du Moyen Age les maîtres cordonniers de Morlaix, et dont le Trésor comprenait également un riche bras reliquaire en argent, renfermant des reliques de saint Jean, aujourd’hui perdu. Cette confrérie était justement desservie dans l’église Saint-Mathieu, où elle avait érigé une chapelle privative entre le troisième et le quatrième pilier de la nef "du côté de l’évangile ", n’hésitant pas à y installer un "banc d’osier" par-dessus quatretombes appartenant à une famille d’écuyers portant le nom de Chrestien.  En 1717, la Confrérie SaintCrépin fait refaire à neuf – au même emplacement, et à ses frais –, un retable doré entouré de balustres de même, le tout surmonté d’un grand tableau, encadré de deux plus petits. L’ensemble a hélas irrémédiablement disparu lors des travaux de 1824, qui emportèrent également le souvenir de la Confrérie du Saint-Sacrement, fondée, quant à elle, par les armateurs et mariniers locaux. A l’aube des Temps Modernes, Morlaix fait ainsi partie des quelques vingt et une villes, petites cités et bourgs ruraux dotés de confréries professionnelles d’artisans ou de commerçants, à l’instar certes, de Nantes et de Rennes, mais aussi de Vannes, Quimper et Lannion… voire même de Lesneven, Châteaulin, Pleyben ou Pont -L’Abbé. A Morlaix, ontrouve d’ailleurs aussi, outre les deux confréries mentionnées, une confrérie de maîtres cardeurs, confirmée par le Duc de Bretagne Pierre II, la Confrérie Saint-Yves unissant les tailleurs d'habits en l’église Saint-Melaine, la Confrérie de Sainte-Croix regroupant les maîtres menuisiers, charpentiers et " rouetiers ", la Confrérie de Saint-Eloi rassemblant les maîtres selliers, couteliers et serruriers, ainsi que deux confréries des maîtres bouchers et des maîtres boulangers, aux saints Patrons mal déterminés. 

Ces confréries artisanales, initialement fondées pour développer la piété et entretenir les vertus chrétiennes de charité et de solidarité entre les membres d’une même profession, ne sauraient, au demeurant, être considérées comme des structures purement religieuses : leurs préoccupations s’étendent en effet aussi à la sphère civile, dans la mesure où les pouvoirs publics ne tardent pas à se décharger sur ces associations professionnelles du contrôle de base de l’activité économique et de la police de détail des métiers, ce qui s’accompagne logiquement de la reconnaissance d’un monopole d’exercice de la profession au profit des seuls membres. A partir du XVIème siècle, le Droit s’efforce d’ailleurs de démêler quelque peu les deux sphères d’activité des différentes associations, en dissociant ce qui continue à relever de la Confrérie (c’est-à-dire, les manifestations à caractère religieux), de ce qui devient de la compétence de la Jurande, terme utilisé par les juristes de l’Ancien Régime en lieu et place de Corporation, mot qui n’entre dans la pratique que tardivement, au milieu de XVIIIème siècle

Jusqu’à la veille de la Révolution, à l'instar de la plupart des autres communautés de métier de la ville, la corporation des cordonniers morlaisiens, bien que constituant officiellement une Jurande reconnue comme telle par les pouvoirs publics, continuera à s’intituler elle-même : "Confrairie de Saint Crépin et Crépinien des Maîtres cordonniers de la ville et fauxbourg de Morlaix". C'est toutefois dans le domaine des titres portés par les dirigeants corporatifs " civils " que la confusion terminologique est la plus frappante, puisque les trois principaux d'entre eux persévèrent, en plein "siècle des Lumières", dans le port des dénominations médiévales surannées de "Père Abbé", "Premier fils Abbé" et "Second fils Abbé".

 C'est en mai 1598 que, profitant de la venue en Bretagne d'Henry IV, les maîtres cordonniers de Morlaix obtiennent du pouvoir royal la reconnaissance officielle de leur confrérie professionnelle, placée sous le patronage de saint Crépin et saint Crépinien. Ils se dotent à cette occasion de statuts détaillés, prenant fidèlement pour modèle la Charte médiévale des cordonniers rennais. Le métier devient ainsi une véritable corporation ou jurande, au plein sens juridique du terme, bien que les cordonniers de Morlaix continuent, jusqu'à la fin de l'Ancien Régime, à faire exclusivement usage de l'expression Confrérie, en dépit du fait que le domaine d'activité de leur organisation dépasse de beaucoup celui d'une simple association de piété. Au dix-huitième siècle, la profession comprend plus d'une soixantaine de maîtres et fonctionne d'une façon régulière, assez représentative de la grande majorité des communautés de métier bretonnes. "

 

 

                             st-matthieu-vierge-ouvrante 6190c

 

 

      Vierge à l'Enfant.

                      st-matthieu-vierge-ouvrante 6195c

 

Sources et liens :

 — Peyron, "Notre-Dame–du-Mur et la Confrérie de la Trinité de 

Morlaix", Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, t. 22, Quimper, 1895, p. 239-266

— J.M. Abgrall, Notice sur la statue de Notre-Dame-du-Mur à Morlaix, impr. de Kerangal, 1899.

— Le 6° centenaire de Notre-Dame du Mur suivi du Panégyrique de Notre-Dame du Mur et d'une lettre de Mgr. Valleau Eugène Pénel ; Chanoine Brettes ; Mgr. Valleau 47 p. Morlaix: A. Le Goaziou, [s. d.

— Thierry Hamon, La corporation des cordonniers à Morlaix, 1598-1791, Mémoire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Bretagne, Rennes, 2002, t.80, pp.53-147, en ligne.

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Published by jean-yves cordier
2 juin 2013 7 02 /06 /juin /2013 21:59

   

    Le Marion Dufresne en escale à Brest.

 

 

  Le navire océanographique et ravitailleur des terres australes et antarctiques françaises (TAAF) nous vient de l'hémisphère sud pour procéder, au 5ème bassin,  à une escale technique de 15 jours au chantier Damen Shiprepair.

  En novembre 2012, à l'ouest de l'île de la Possession dans l'archipel de Crozet, il avait heurté par l'avant bâbord un récif, provoquant une voie d'eau, une avarie qualifiée de grave sans pour autant mettre en péril les passagers qui avaient été rapatriés par le navire câblier Léon Thévenin, alors que le navire océanographique la Curieuse et le patrouilleur Osiris participaient à la desserte des TAAF . Il avait alors été dirigé sur Durban pour les réparations de la trentaine de mètres de tôles concernées par la brèche, puis avait repris fin janvier après deux mois de cale une campagne océanographique.

  Cet accident, qui a généré une facture de quelques trois millions d'euros, ne semblerait pas être la cause directe cette escale brestoise : le navire, le "Mar Duf" deuxième du nom, le plus grand navire océanographique d'Europe, construit en 1995, a besoin d'une mise à sec pour des travaux de tôlerie, une reprise des sabords, le remplacement de l'ancre bâbord, des travaux sur la passerelle, un contrôle de la grue arrière et d'une couche de peinture.

 Il tire son nom d'un explorateur du XVIIIe siècle, Marie-Josephe Marion Du Fresne qui a découvert...les îles Crozet.

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  • : Le blog de jean-yves cordier
  • : 1) Une étude détaillée des monuments et œuvres artistiques et culturels, en Bretagne particulièrement, par le biais de mes photographies. Je privilégie les vitraux et la statuaire. 2) Une étude des noms de papillons et libellules (Zoonymie) observés en Bretagne.
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  • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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