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20 août 2013 2 20 /08 /août /2013 22:26

Le Musée d'histoire naturelle de Brest (suite) : les autres collections de l'hôpital maritime Clermont-Tonnerre et la bibliothèque : un complexe dédié à l'instruction des élèves de l'École de médecine navale..

 

 Plan :

Prologue.

Le musée d'anatomie.

La collection d'instruments.

La bibliothèque.

Le Droguier.

 

Prologue

   Le Musée d'histoire naturelle de l'hôpital maritime de Brest ne devait pas sa présence au hasard de collections accumulées, mais relevait d'une volonté déterminée de doter les hôpitaux de la Marine et surtout les Écoles de médecine navale qui s'y trouvaient d'un ensemble cohérent de formation. Cet ensemble pédagogique doit être compris comme un système, réunissant dans le même lieu des outils connectés entre eux, parmi lesquels je citerai :

  • Le jardin botanique, bien-sûr, avec ses dépendances (serres, orangerie,)
  • L'apothicairerie ou laboratoire pharmaceutique et son droguier,
  • L'amphithéâtre et la salle de démonstration,
  • Le Musée d'histoire naturelle,
  • Les collections anatomiques,
  • Les collections d'instruments médicaux ("arsenal" chirurgical)
  • La bibliothèque.

  L'unité de ce système est démontré par trois arguments :

a) Ces différentes parties sont retrouvées dans chaque École de médecine navale, à Brest, Rochefort (qui conserve et expose encore ses collections), et Toulon.

b) Elles sont, topographiquement, reliées entre elles et concentrées dans le même lieu.

c) Elles sont soigneusement énumérées lors du Projet de construction du nouvel hôpital Clermont-Tonnerre en 1822, tel qu'il est rapporté (en ligne ici) par Reibell dans un Cours de M.J. Scanzin, Inspecteur des Travaux Maritimes :

"Programme ou résumé des leçons d'un COURS DE CONSTRUCTIONS de feu M.G Scanzin, Inspecteur général des ponts et chaussés et des travaux maritimes des ports militaires, T3, 1841.

Appendice n°6. Documents relatifs aux hôpitaux des arsenaux maritimes p. 383.

Document n°1. Programme dressé au port de Brest en 1822, pour servir à l'établissement du nouvel hôpital Clermont-Tonnerre, conformément aux règlements alors en vigueur. :

...Enseignement des élèves.

L'enseignement, aux termes du règlement du 19 pluviôse an VI comprend : la médecine, la chirurgie et la pharmacie. Les cours au nombre de dix, sont faits par sept professeurs, dans les salles et à l'amphithéâtre. Ce service exige :

  • 4 salles de cliniques, choisies parmi les salles de l'hôpital, avec deux pièces contiguës pour les leçons et les opérations,

  • 1 amphithéâtre pour les cours d'anatomie, d'hygiène navale, de pathologie, d'histoire naturelle, de chimie et de pharmacie pratique. Il devra communiquer avec les salles et les cabinets de dissection,

  • 2 cabinets de professeurs, ou 4 si le local le permet,

  • 1 galerie pour la conservation des pièces d'anatomie humaine et comparée,

  • 1 galerie d'histoire naturelle dont l'entrée doit être voisine de la bibliothèque,

  • 2 cabinets de dissection pour les professeurs,

  • 1 salle des morts ayant deux issues, l'une sur l'hôpital, l'autre sur la cour des salles de dissection,

  • 2 latrines pour les élèves, dans la cour des salles de dissection et dans le jardin botanique.

  • 1 jardin botanique avec cabinet à feu pour le professeur d'histoire naturelle,

  • 2 serres chaudes et bâches pour les plantes exotiques,

  • 1 serre d'orangerie,

  • 1 dépôt d'outils de jardinage, de caisses, treillages, etc...

    1 dépôt pour les fumiers, terreaux, etc."

     

 

Un autre document précise bien que, à la différence des autres hôpitaux militaires, les trois hôpitaux d'instruction doivent disposer d'installations spécifiques à leur mission, installations énumérées dans le Document n°4 :

"Considéré comme hôpital d'instruction à Brest, Rochefort et Toulon :

  • Une aile pour les séances de conseil de santé,

  • Un cabinet pour les archives,

  • Un cabinet d'histoire naturelle,

  • Un cabinet pour le dépôt des pièces anatomiques,

  • Un cabinet pour le dépôt et la conservation des instruments de chirurgie (arsenal de chirurgie),

  • Un amphithéâtre pour les cours,

  • Une bibliothèque,

  • Un jardin botanique."

.

  On ne peut donc, en toute logique, décrire, et encore moins comprendre, l'une des parties (jardin botanique ; musée ; etc...) sans considérer les autres parties.

C'est pourquoi je dois compléter mes articles précédents  Le jardin botanique de l'Hôpital Maritime à Brest.     Le Musée ou Cabinet d'histoire naturelle du jardin botanique de Brest 1800-1944. par la description des autres collections.

  Le Médecin Général Charles Laurent en témoignait lorsque, en 1964, il décrivait au pluriel les musées de l'hôpital militaire de Brest (Revue des corps de santé, 5, 3, 1964 p. 335-343) pour décrire les collections d'histoire naturelle, mais aussi celle d'anatomie.

 

I. Les Collections anatomiques.

Voici la description qu'en donne le Médecin-Général Charles Laurent :  

"Le second musée faisait partie de l'amphithéâtre d'anatomie de la rue Fautras : quelques bâtiments, dans un jardin ombragé de grands ormes, , où l'on ne pénétrait qu'après avoir franchi de multiples portes et montré patte blanche. A droite, un pavillon en rotonde contenait la salle de cours et les bureaux. A gauche, les salles de dissection pour les étudiants et leurs annexes ; après la libération, lors de la démolition des ruines, les ouvriers trouvèrent des cuves de pierre où macéraient des cadavres dont les entrailles apparemment suspectes posèrent des problèmes à la police.

Au premier et au second étage, il y avait le musée. Une très belles collection d'ostéologie comparée remplissait les longues vitrines de squelettes d'hommes et d'animaux. Tous disparurent lors des bombardements à l'exception de celui d'un nain que l'on retrouva, m'a-t-on dit, dans un urinoir auprès de la porte Fautras, sans que l'on ait pu s'explique ce qu'il y était allé faire."

  De quand dataient ces collections ? Un fond existait déjà du temps de Chardon de Courcelles ( directeur de l'École de 1742 à 1775) car on connaît le souci pédagogique de l'auteur du Traité d'anatomie ; en outre, le règlement de 1740 mentionne que l'amphithéâtre de la nouvelle école devrait disposé de "armoires vitrées pour conserver les poupées, les squelettes, et les préparations d'anatomies sèches ou injectées " (Hamet, p. 178).

   Un autre chirurgien de Brest y a sûrement contribué, il s'agit de Pierre Duret (1745-1825), qui fut nommé à Brest en 1776 vice-démonstrateur d'anatomie. En effet, Yves Le Gallo décrit comment, nommé premier chirurgien en chef au décès de Billard, il fit reprendre aux étudiants le chemin de l'amphithéâtre et de la salle de dissection, selon des principes chers à Chardon de Courcelles. "L'on rapporte qu'il conservait les pièces anatomiques avec le plus grand soin et faisait représenter par le dessin et la peinture celles qu'il ne pouvait préserver d'une prompte destruction. Il rassembla ainsi, soit dans son cabinet, soit dans de gros registres qui étaient connus sous le nom de "grands livres", toute l'iconographie des cas anatomiques pathologiques observés dans les hôpitaux de Brest" (Hamet, 1924). Y. Le Gallo ajoute que Duret était non seulement un savant doublé d'un opérateur prestigieux, mais aussi un collectionneur (je souligne) passionné de singularités et d'anomalies et fouillant les reliquaires des enclos paroissiaux pour accroître sa collection.

  Je trouve confirmation de cette hypothèse en découvrant le contenu du dossier de manuscrits MSS 13 de l'Ecole de Santé, conservé au Service historique de la Marine à Brest : une lettre (s.d) est adressée à Jean René Constant Quoy, alors président du Conseil de santé (de 1838 à 1848) : Monsieur le Président, j'ai l'honneur d'offrir à l'école au nom de madame Miriel [la fille ou la petite fille de P. Duret] une collection de pièces d'ostéologie concernant la pathologie et l'anatomie comparée. Ces pièces faisaient partie du Cabinet d'anatomie de Mr Duret, père. Plusieurs d'entre-elles m'ont paru interessantes. J'ai pensé être agréable à mes collègues en les adressant au musée d'anatomie de Brest [le musée existait donc avant ce dépôt]. Signé Charuel. 

La fille de Pierre Duret, Marie-Perrine Adèle Duret  épousa le Dr Jean-Joseph-Yves Miriel (1779-1829).

Leur fille Adèle Jeanne Marie Miriel (1823-1905) épousa Jules Charuel (1809-1895), médecin de première classe.

 

 

 

I bis. Les collections de phrénologie.

Image

   "Pour finir, une seconde série de moulages de têtes de forçats s'y voyait aussi. Doublait-elle ou continuait-elle celle de l'hôpital ? Je ne le sais. En tout cas, grâce à un catalogue, la plus grande partie en était facilement identifiable. On avait dû y adjoindre les crânes eux-mêmes, mais il n'en restait que très peu , les manquants ayant sans-doute tenté les étudiants qui en cherchaient pour les études d'anatomie. En même temps qu'eux, avaient également disparu les vénérables reliques qui y avaient été déposées après avoir été saisies à titres d' »idoles » par les commissaires de la première République ; parmi elles, le crâne du saint patron de la paroisse de Gouesnou, que l'on reconnaissait à l'enfoncement dû au coup de marteau qui le tua.

   Vers 1927, faisant ranger et nettoyer le musée, j'avais photographié certains de ces lugubres souvenirs, ceux du moins dont les noms me paraissaient les plus connus. Il est certain que l'hôpital maritime possédait alors une iconographie dont ceux qui écrivirent l'histoire des criminels célèbres ignoraient l 'existence, et dont les photographies que j'ai prises sont probablement les seuls vestiges (1). Les trois moulages représentés sont ceux de Baudelet, Delacolonge et Coignard.

Baudelet, le premier à gauche, était un ancien attaché aux cuisines du duc d'Orléans et un excellent cuisinier. Aubergiste à Strasbourg, il avait été condamné au bagne en 1833 pour le meurtre de sa femme. Affecté à la cuisine des officiers de l'hôpital, son ivrognerie lui valut des sanctions, et, un jour, il trancha la gorge de la sœur Saint-Malch qui dirigeait la cuisine et à qui il en voulait. Il fut guillotiné le 10 avril 1838.

Delacolonge était un ancien ecclésiastique accusé d'avoir assassiné sa maîtresse . Son cas avait fait du bruit, et il était l'une des célébrités du bagne dont les visiteurs ne manquaient pas de demander à le voir.

Plus célèbre encore était Pierre Coignard, dit le Comte Pontis de Sainte-Hélène, l'un des aventuriers et des cambrioleurs les plus extraordinaires qui eussent jamais vécus. Domestique, bagnard évadé, lieutenant-colonel, sa vie a été maintes fois racontée, en particulier dans le livre d'E. Massard et de G. Dallier : « Pierre Coignard ou le forçat colonel » (Albin-Michel).

Tel étaient ces jardins et ces musées, non-seulement précieux pour ses collections qu'ils contenaient, mais qui formaient en même temps les archives émouvantes du Corps de santé de la Marine.

 (1) Le Dr A. Corre avait préparé une étude d'anthropologie criminelle avec de nombreux schémas dessinés d'après ces moulages et ces crânes. J'en possède quelques fragments, mais je n'ai pas pu savoir où et quand ce travail avait paru."

(Charles Laurent, p.90-91)

Cet article de Charles Laurent appelle les commentaires suivants :

—a) Les références des travaux du Dr Armand Corre sont actuellement connues :

CORRE et ROUSSEL, " Étude d'une série de têtes de criminels conservés au musée d'anatomie de l'école de médecine de Brest ", Revue d'Anthropologie, 1883, pp. 70-89.

CORRE (Armand) "Étude d'une série de têtes de criminels conservées au Musée d'Anatomie de l’École de Médecine de Brest "— Bulletin de la Société d'Anthropologie de Paris, 2e série, tome VI, 1883, p. 70-89).

—b) Yves Le Gallo précise que Baudelet, comme d'autres condamnés à la décapitation (Rognon en 1824, d'autres en 1850 et 1851, les marins du Foederis Arca en 1866 ) furent l'objet, immédiatement après leur mort, d'un transfert à l'amphithéâtre pour des expériences de galvanisme réalisés par Marcellin Duval devant ses élèves ; les stimulations sont appliquées aux corps sans tête, qui se dressent brusquement, gesticulent avec force, ou aux têtes qui grimacent horriblement ou mordent les crayons qu'on placent entre les dents. Ces expériences sont soigneusement préparées et se vantent d'être réalisées en moins de sept minutes après que la guillotine n'ait fait son œuvre, sur la Place Fautras, à "260 pas de l'amphithèâtre". Les médecins publièrent les résultats de six expériences, en détaillant celles réalisées sur Auguste François le 20 juin 1850 et Jean-Pierre Envesaille le 26 mars 1851 : Duval M, Rochard J, Petit A. "Observations physiologiques sur les cadavres de suppliciés". Gazette médicale de Paris, 12 juillet 1851, p. 436-459 , en ligne à la BIU.


  —c) On consultera avec le plus grand profit l'article de Marc Renneville : Marc RENNEVILLE , photos Jean-Claude VIMONT : Phrénologie à Rochefort, L’école de médecine navale et le bagne, 17 mars 2011, publication en ligne du site Criminocorpus,.

 

 

 


II. Les collections d'instruments chirurgicaux.

"L'arsenal de chirurgie est placé dans une salle attenant à la bibliothèque et comprend la riche collection d'instruments historiques réunis par les soins et aux frais de nos prédécesseurs." (Rapport d'inspection générale du Médecin Général Jules Rochard en 1876.)

"On voyait aussi une collection d'instruments anciens de chirurgie, l'une des seules de France. Elle avait été commencée envers 1840 par le médecin-résident de l'hôpital —on disait alors le prévôt — qui, si je ne me trompe, était le docteur Hombron*. Il écrivait dans la préface de son catalogue que, membre de la commission des remises, il voyait souvent condamner et détruire des instruments anciens et périmés, mais qui lui paraissaient pouvoir, avec le temps, devenir des curiosités. Et, en effet, cette collection assez bien continuée dans la suite contenait-elle un outillage extrêmement précieux. Seul de nos hôpitaux maritimes, celui de Rochefort a pu conserver la sienne, moins importante, mais néanmoins précieuse." (Charles Laurent)

*Hombron figure bien dans l'Almanach Royal et national,  comme Chirurgien de 1ère classe de l'hôpital de Brest en 1843 et 1850. En, 1852, il préside le Conseil de Santé au Sénégal. Il peut s'agir d'un homonyme de Jacques-Bernard Hombron (1798-1852), célèbre, comme naturaliste, pour avoir participé comme chirurgien au voyage à bord de L’Astrolabe et de la Zélée à l'expédition de Dumont d'Urville de 1837 à 1840, et d'avoir décrit de nombreuses plantes et animaux avec Honoré Jacquinot.

 Néanmoins, Prosper Levot indique que ces collections ont été plutôt constituées "en très grande partie par H. Delaporte*, premier médecin en chef de la marine, mort à Brest le 19 février 1853" 'Hist. Brest p. 274).

Henri Delaporte était le second de Duret, dont nous avons vu qu'il était à l'origine des collections anatomiques.

Voir les travaux de l'Université de Lyon :http://histoire-medecine.univ-lyon1.fr/ ou encor http://spiral.univ-lyon1.fr/files_m/M4337/WEB/Histoire%20de%20la%20chirurgie%20%C3%A0%20travers%20ses%20instruments%20P.pdf

On peut y ajouter, comme en témoigne actuellement le musée de l'ancienne école de Rochefort, la collection de prothèses et orthèses. Sa présence est signalée lors de l'inspection de Jules Rochard en 1865. L'hôpital actuel en conserve cet exemple de casque :


DSCN5078v.jpg

 

      III. Un Cabinet de physique.

  Son existence est mentionnée par Prosper Levot, mais aussi par un État des objets et instruments relatifs au cabinet de physique et d'électricité de la marine de Brest, contenus dans le dossier Ms 14 du Service Historique de la Marine. 

On y décrit une Machine électrique composée des pièces suivantes :

  La grande machine à plateau de cristal dite machine positive, ; La table ; Ses deux montants ou châssis en bois ;Le disque ou plateau de verre muni de son arbre, sa manivelle, ses 4 coussins ou frottoirs et la pièce de fer pour démonter l'écrou ; son 1er conducteur en cuivre est à arc, et ses deux supports en cristal Un deuxième conducteur grand et volumineux de 4 à 5 pieds de longueur

  Une Autre grande Machine (dite négative) composée des pièces suivantes : sa table ; les montants ou châssis en bois et son plateau non (maisuré) ; un grand conducteur en fer et deux supports en cristal, et une peau de renard pour …

  Une Petite machine électrique dite anglaise à cylindres positive et négative composée des pièces suivantes […]

   Une autre machine électrique portative dite de Volta ou Electrophore. 

Un excitateur à manche et de verres également en cuivre, dont deux avec une chaîne chacune.

1 Excitateur courbe et brisé en cuivre

2 pointes d'acier d'un pied et ½ de long. Quarrée et d'un pied de diamètre, suspendues et isolées pour l'expérience deet démonstraation des feux positifs et négatifs.

Un tiroir ou batterie electrique composée de Cbles et des fonds en cuivre.

Deux tablettes garnies des colonnes de cristal, garnies de viroles et de pièces d'étain et d'un pivot pour les expériences des étincelles brillant dans l'obscurité.

 

Deux colonnes garnies de viroles et boutons de cuivre sur leur copie en bois pour le même usage.

Deux cadres ou tableaux magiques … d'un pied garni en étain avec leurs  chaînes pour l'expérience des conjurés de Franklin,

Deux grosses foudres armées de leurs pièces en étain, dont une est pourvue d'un électromètre de Mr Lasne. [Lane]

Une moyenne bouteille de Leyde armée de son electromètre du même auteur pour..les degrés

Sept moyennes bouteille de Leyde.

Un électromètre portatif armé de sa pointe en cuivre.

L'appareil pour les affections particulières au sexe composé d'une tige en bois percée de plusieurs trous et surmontée d'une tige en cuivre boutonnée et de son excitateur et manche de cristal.

Appareil pour embraser la poudre consistant en une tablette de bois et en deux montants et des deux tiges en cuivre.

Deux plateaux en cuivre pour faire danser des pantins où démontrer les attractions et les répulsions des corps l(egers) pour les corps électrisés.

D'autres précisions sont données, moins lisibles 3 tiges de métal formées d'un anneau d'un bout, et d'une pointe...manche de verre pour les maladies de la... selon la méthode d'un savans suédois. Deux autres tiges de métal d'un pied de long..et garnies de leurs viroles de cuivre..servant pour les maladies de... selon la méthode de l'Abbé J...physicien français. Trois fauteuils et leurs tablettes ayant...

Certifié exact par Deschamps le 8 ventôse an 10.

 

 

. Je ne vois pas de mention du "baiser électrique" de Bose, où les amoureux voient une étincelle repousser leurs bouches concupiscentes. L'expérience des conjurés de Franklin date de 1748 : elle consiste à réaliser un condensateur entre une plaque de verre recouverte à la face postérieure de dorure et portant un portrait du roi sur l'autre face, et une couronne mobile posée sur la tête du monarque. Le condensateur-portrait est électrisé par la machine, puis, tous ceux qui, tenant la dorure d'une main, cherchent à ôter la couronne se voient punis par une forte commotion.

Wikipédia Electrophore


  Je peux illustrer l'intérêt porté au galvanisme par cette note extraite de la biographie de Girardot, le premier conservateur de la bibliothèque de l'École de médecine en 1804 : "Il étudia avec soin les effets du galvanisme sur le corps vivant, et en fit une heureuse application aux malades". (Annales de la médecine physiologique, Volume 3 p. 166). Il me reste à dresser la liste des ouvrages acquis par la bibliothèque sur le sujet de l'électricité médicale.

  Les malades s'en portèrent-ils bien mieux ? On ne sait, mais on ne peut douter que les médecins, eux, ont dû beaucoup s'amuser. 

IV. La Bibliothèque.

   "La bibliothèque de l'école se compose de 14 000 volumes et reçoit 38 journaux de médecine ou revues scientifiques. Ses dimensions sont devenues insuffisantes, bien qu'on l'ait accrue, il y a quatre ans, en disposant pour recevoir des livres, le grenier qui la surmonte. Lorsqu'on aura pris à l'égard des instruments de chirurgie, les mesures dont j'ai parlé, on pourra se servir des grandes armoires qui les contiennent et approprier à la même destination le cabinet contigu à la salle qu'occupe l'arsenal et dans lequel se trouvent aujourd'hui les appareils et les moyens de prothèse. La bibliothèque est très fréquentée et les deux tables qu'elle possède ne suffisent pas au nombre de lecteurs. Elle est ouverte de 8 heures du matin à 4 heures du soir, et, par une faveur dont l'École de Brest est seule à jouir, elle rouvre le soir de 7 heures à 9 heures pendant toute la durée de l'année scolaire. Elle n'a qu'un seul gardien et malgré son zèle il ne peut suffire..." (Rapport d'inspection générale du Médecin Général Jules Rochard en 1876.)

   Elle avait été fondée en 1804 par le préfet Caffarelli « jaloux de contribuer à l'instruction des jeunes gens qui se destinent à l'art de rendre la santé, il a fait extraire de la bibliothèque de l'ancienne Académie de marine* tout ce qui avait rapport avec la science médicale et chirurgicale, et en a fait présent à l'école. Sensibles à un tel bienfait, et reconnaissants d'un pareil service, les officiers de santé du port de Brest lui ont témoigné leur gratitude en plaçant son buste, très bien exécuté par monsieur Collet, sculpteur en chef du port, au milieu même de la salle de lecture ».(Jean-Louis Dauvin Essais topographiques, statistiques et historiques sur la ville, le château, 1816).

  ( *La partie restante du Fonds de l'ancienne Académie royale de marine de Brest est conservée au Service Historique de la Défense à Vincennes sous les cotes Ms 64 à Ms 110 : http://www.academiedemarine.com/PJ1_InventaireacademieroyaledeBrest.pdf )

 P. Levot en 1865 confirme et précise cette information : "Au-dessus des bureaux du Conseil de santé (à l'Hôpital de la marine), est placée la bibliothèque de l'École de médecine navale. Formée, en l'an XI, par M. le préfet maritime Caffarelli, au moyen d'environ 800 volumes d'ouvrages spéciaux qui existaient dans la bibliothèque du port, elle s'est rapidement accrue depuis plusieurs années  et se compose aujourd'hui [1865] de 10.000 volumes d'ouvrages spéciaux. Cet accroissement est dû en partie aux achats faits directement par le conseil de santé, au moyen de versements qu'effectuent les officiers de santé, soit à l'entrée à l'école, soit lors de leurs avancements successifs. Dirigée par M. Berdelo*, ancien chirurgien de première classe de la marine, en qui ses confrères, comme ses plus jeunes élèves, rencontrent un dévouement éclairé et un empressement égal à faciliter leurs travaux, elle est d'une utilité qu'on apprécie chaque jour d'avantage" ( P, LEVOT, Histoire de la ville et du port de Brest (Paris, 1865, in-8°), t. II, p. 318 ).

* Vincent-Louis-François-Marie Berdelo, né à Saint-Pol-de-Léon le 9 septembre 1801 et décédé en 1869 avait été nommé chirurgien de première classe en 1839. Il était conservateur de la bibliothèque, mais aussi trésorier de la Société académique de Brest. P. Levot écrivit sa nécrologie dans le Bulletin de la Société Académique de Brest - Volume 5 - Page 628 http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2075318/f210.image.r=berdelo.langFR 

    Abel Hugo cite le chiffre, peut-être moins fiable, de 20000 volumes dans sa France pittoresque: ou description pittoresque, topographique et statistique ...1835.

  Vers 1825, dans le projet de construction du nouvel hôpital, une bibliothèque pouvant contenir 5000 volumes était envisagée, ce qui indique probablement le contenu de la bibliothèque de l'époque.

 En 1907, Charles de la Roncières dénombre encore 18 000 volumes environ, dont une quarantaine de manuscrits dont il donna une liste complète dans le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France (cf. biblio). Il décrit ainsi ces manuscrits : "Plus de la moitié de ceux-ci sont des rapports remis par les officiers de santé au retour de leurs campagnes, entre autres, par le chirurgien de l'escadre de l'amiral Linois, durant la longue croisière de l'an XI à l'an XIV. Pièces d'archives plutôt que manuscrits, j'ai compris néanmoins ces rapports dans mon catalogue, en raison de leur présence à la bibliothèque de l'École de santé". On trouve cette liste en ligne ici http://archive.org/stream/cataloguegnr00fran#page/412/mode/2up

Actuellement (2013), l'Hôpital Inter-Armées conserve encore plus de 4000 ouvrages (XVIe-XIXe siècles) dont prés de 300 intéressent la botanique.

 Par comparaison, le musée de l'ancienne école de médecine navale de Rochefort est aujourd'hui riche de 25000 volumes.

 Voir mon début d'inventaire : Inventaires de la Bibliothèque de l'École de médecine navale de Brest.

V. Le Droguier.

On appelle droguier une salle où a été placée une collection de plantes séchées rangées dans un ordre méthodique et placées généralement dans des bocaux en verre.

"Le droguier annexé au jardin renferme 1200 bocaux contenant des échantillons bien choisis de toutes les substances qui intéressent la médecine. Des étiquettes très détaillées en rendent l'étude facile" (Rapport d'inspection générale du Médecin Général Jules Rochard en 1876.)

  On peut encore voir, pour imaginer à quoi pouvait ressembler ce droguier et mesurer l'importance de sa perte, deux collections :

a) celle de Montpellier :http://www.univ-montp1.fr/patrimoine/musees_et_collections/le_droguier qui mentionne 80 000 échantillons en 1921 

b) celle du Musée de Matière médicale de l'UER Paris René Descartes et ses 25 000 échantillons :http://www.pharmacie.univ-paris5.fr/pharmacognosie/musee.htm

c) celle de l'École de Rochefort caractérisée par de nombreuses substances d'origine exotique: 1200 échantillons. 

Droguier détail.jpgphot

 

 

 

      VI. ANNEXE : Description du Musée de l'École de médecine navale de Rochefort.

Sources : Wikipédia et Le Quotidien du médecin.

 

"Sur trois niveaux, le musée présente aux visiteurs tout ce qui servait à enseigner et à pratiquer la médecine. Les objets, les ouvrages, les modes de présentation, de classement et de mise en scène du savoir sont ceux qu'ont souhaités savants et médecins d'il y a 150 ans.

La collection d'anatomie comporte ainsi de très nombreuses fioles où sont conservés des tissus humains, des squelettes, des fœtus dans du formol et est composée de nombreux supports à l'enseignement de la médecine navale tels que les panneaux d'artériologie, les crânes phrénologiques, les caisses de chirurgie9...

Les autres collections, beaucoup moins impressionnantes ou spectaculaires mais cependant fort instructives, sont consacrées à l'ethnographie et à l'histoire naturelle.

L'École bénéficie d'une bibliothèque scientifique ouverte au public et qui est riche de 25 000 ouvrages dont le fonds Lesson qui est constitué de volumes spécialisés dans l'ethnologie des peuples de l'océan Pacifique au xviiie siècle.

Le musée de l'Ancienne école de médecine navale de Rochefort offre au public comme aux chercheurs les étonnantes collections rassemblées par les officiers de santé navale depuis le début du XVIIIe siècle. Géré par le musée national de la Marine depuis 1986 et aujourd'hui restauré, cet ensemble musée-bibliothèque apparaît comme l'un des derniers cabinets de curiosités sauvegardés en France dans son intégralité et son lieu d'origine.

Un musée qui revient de loin.

Lorsque l'hôpital de la marine de Rochefort ferme ses portes en 1983, personne ne sait encore ce qu'il va advenir des bâtiments construits à partir de 1783 sous la direction de l'ingénieur Touffaire et inaugurés en 1788. A l'entrée de l'hôpital de la Butte, comme on l'appelle, sur la gauche, un pavillon de deux étages où s'est installée l'école d'anatomie et de chirurgie. Celle-ci est fermée depuis 1963. Mais ses locaux abrite un musée et une bibliothèque. Après des années d'incertitude, le pavillon est cédé à l'établissement public national du musée de la Marine avec mission de gérer les collections. Un curateur est nommé en la personne du médecin-général Niaussat auquel a succédé M. Romieux, professeur de pharmacie, en tant que conseil scientifique. Le musée de la Marine commence à investir dans la restauration des locaux et des collections avec le concours du Conseil général et de Ville de Rochefort. L'idée est de jumeler ce patrimoine médical et naval à celui du musée de la Marine de Rochefort, rénové en 1993. Deux visites complémentaires.
Nous voilà donc revenus en 1788, lorsque la première école de médecine navale créée en 1722 pour suppléer à l'ignorance chronique des chirurgiens-navigants, par Jean Cochon-Dupuy, premier médecin du port de Rochefort en 1712, vient de déménager dans ses nouveaux locaux. 
Au rez-de-chaussée, les salles des Actes et du conseil de Santé, ornées des portraits de médecins attachés à l'histoire de la médecine deRochefort, ont retrouvé leur état d'origine pour accueillir des réunions.

25 000 ouvrages

Au premier étage, la bibliothèque, dont l'accès était réservé aux étudiants et officiers de santé de la Marine. Riche de 25 000 ouvrages (parmi lesquels plusieurs imprimés antérieurs à 1500, accessibles à tous sur simple rendez-vous), elle connut son heure de gloire dans la seconde moitié du XIXe siècle qui vit la réalisation d'un répertoire et d'un catalogue. Centrée sur les maladies exotiques, les récits de voyage, les ouvrages de botanique, dépositaire de nombreux manuscrits de médecins embarqués, elle reste très fréquentée par les chercheurs. Privée de moyens depuis la fermeture de l'école en 1963, elle ne s'enrichit plus, d'ailleurs, que de leurs mémoires et de leurs thèses. Quelques belles pièces comme l'« Opera medicinalia » de Johanes Mesue (Lyon, 1478) ou une édition de 1647 des « Méditations métaphysiques » de René Descartes.
Au second, les collections de médecine et d'histoire naturelle, constituées dès l'origine en musée destiné à l'enseignement des élèves. Dès 1727, les injections au mercure et les préparations anatomiques deFrançois Monségur puis de Jean La Haye, forcent l'admiration du comte de Maurepas, ministre de la Marine. Les préparations anatomiques (panneaux d'artériologie et de névrologie humaines notamment) côtoient l'arsenal de chirurgie des XVIIIe et XIXe siècles ; de grands vases àthériaque en étain de 1701 et le droguier général de plus de mille composants rappelle l'importance accordée à la pharmacopée dans l'enseignement des étudiants.

La galerie des crânes

      L'impressionnante « galerie » de crânes des différents types humains témoigne de l'essor de l'école phrénologique de Rochefort au XIXe siècle. A l'époque du bagne (1766-1851) les médecins disposaient en abondance de malades et de cadavres pour leurs études... L'école de chirurgie rochefortaise s'illustre avec Pinsonnière, Pierre Tuffet et Jean-Baptiste Clemot.

Le cabinet d'histoire naturelle date du XIXe siècle. Les médecins embarqués font office de naturalistes et rapportent de leurs expéditions toutes sortes de curiosité : coquillages, végétaux, minéraux, animaux. Dans les vitrines ethnographiques, on distinguent les casses têtes océaniens déposés par Quoy et Gaimard (voyage de l'Uranie 1817-20), un manteau de chef tahitien rapporté par Lesson (voyage de la Coquille 1822-25), les statuettes, la tête en roche volcanique et la bâton de commandement recueillis par le Dr Aze sur l'Ile de Pâques vers 1870. Devant les difficultés de conservation, un certain nombre de pièces furent déposés en 1927 et 1928, aux Muséum de Paris et de La Rochelle et au musée Pierre Loti."

 

 

Sources et liens.

    

CORRE et ROUSSEL, " Étude d'une série de têtes de criminels conservés au musée d'anatomie de l'école de médecine de Brest ", Revue d'Anthropologie, 1883, pp. 70-89.

CORRE (Armand) "Étude d'une série de têtes de criminels conservées au Musée d'Anatomie de l’École de Médecine de Brest "— Bulletin de la Société d'Anthropologie de Paris, 2e série, tome VI, 1883, p. 70-89).

DUVAL (M), ROCHARD (J), PETIT (A). "Observations physiologiques sur les cadavres de suppliciés". Gazette médicale de Paris, 12 juillet 1851, p. 436-459

HAMET "l'École de chirurgie de la marine à Brest (1740-1798)", Archives de médecine et de chirurgie navale, T.114, 1924.

KERNEIS (Jean-Pierre), "L' École de médecine navale de Brest de 1850 à 1890",  La Santé en Bretagne, Hervas, Paris 1992 pp.

LE GALLO (Yves), "L'École de médecine navale de Brest dans la première moitié du XIXe siècle", La Santé en Bretagne, Hervas, Paris 1992 pp. 243-256. 

Marc RENNEVILLEPhrénologie à Rochefort, L’école de médecine navale et le bagne, 17 mars 2011, publication en ligne du site Criminocorpus,  http://criminocorpus.hypotheses.org/4416

 

DE LA RONCIÈRE, (Charles) 1907  "MANUSCRITS DE LA BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE DE SANTÉ DE LA MARINE A BREST" in Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Bibliothèques de la Marine. Paris, Plon-Nourrtit et cie 1907 pp. 413-439 : http://archive.org/stream/cataloguegnr00fran#page/412/mode/2up

LAURENT (Médecin Général Charles) "les musées de l'hôpital militaire de Brest" (Revue des corps de santé, 5, 3, 1964 p. 335-343)

ROMIEUX (Yannick) "Histoire de l'École d'anatomie et de chirurgie navale de Rochefort (1722-1964)" Revue d'histoire de la pharmacie   2001  Volume   89  No   332  pp. 489-500 : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pharm_0035-2349_2001_num_89_332_5282  

REIBELL  Programme ou résumé des leçons d'un COURS DE CONSTRUCTIONS de feu M.J Scanzin, Inspecteur général des ponts et chaussés et des travaux maritimes des ports militaires, T3, Paris, 1841.

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Published by jean-yves cordier
20 août 2013 2 20 /08 /août /2013 21:39

 

 

Le Musée ou Cabinet d'histoire naturelle du jardin botanique de Brest 1800-1944.

 

        Sur un sujet analogue, voir mes articles 

Taxidermie et collections ornithologiques au XVIIIème et XIXème sièces. (1)

Taxidermie et collections ornithologiques au XVIIIème et XIXème siècle (2)

Taxidermie et collections ornithologiques au XVIIIè et XIXè (3)

Cet article fait suite avec celui-ci :

Le jardin botanique de l'Hôpital Maritime à Brest.

 

Introduction.

 Cela fera bientôt soixante dix ans que le Musée d'histoire naturelle de Brest et ses collections de botanique, de zoologie, de minéralogie et d'objets exotiques ont été détruits par les bombardements américains d'août et septembre 1944. Curieusement, une certaine indifférence entoure la disparition d'un monument réputé qui anima la vie sociale et scientifique brestoise  pendant près de 150 ans : à ma connaissance, aucun livre n'a été consacré spécifiquement à ce Musée, aucune tentative d'inventaire de ses collections n'a été dressé, aucun travail universitaire ne s'est attaché à en retracer l'histoire. 

  Ce Musée appartenait au Jardin botanique de l'hôpital maritime et un notable travail de documentation sur le musée a été réalisé par Claude-Youenn Roussel dans son ouvrage de 2004 consacré à ce jardin. C'est la meilleure source bibliographique disponible. Néanmoins, le choix du sujet (botanique) a conduit l'auteur à ne pas privilégier la description du musée.

  On parvient à trouver dans les revues spécialisées du XIXe siècle quelques articles donnant des informations sur les collections, et des inventaires partiels y sont indiqués. 

  Cambry en 1794 dans son Voyage dans le Finistère en dressa le premier tableau, puis dans son Histoire de la ville et du port de Brest, volume 2, Prosper Levot donna en 1865 une description du musée.  Souvestre en 1836 se contente de signaler son existence.

  Nous disposons du récit paru en 1927 de la visite du musée que fit au Jardin et au musée le médecin-principal  Louis Charpentier. Après la Seconde Guerre, deux médecins, Bellec et Laurent, ont décrits, dans les Cahiers de l'Iroise, leurs souvenirs des visites du musée avant la guerre : leur témoignage apparaît désormais essentiel, tant les informations sont rares. 

 

  C'est dire que l'ébauche d'une histoire du Musée d'histoire naturelle de Brest, à laquelle je vais me livrer en tout amateurisme, devra être prise pour ce qu'elle est : une tentative.

 

I. Éléments d'une histoire du Musée d'Histoire naturelle de Brest. 

 

  1. Sa création en 1793-94.

   Alors que le Jardin botanique de Brest, précédé par un jardin des simples en 1694, s'était développé sous la direction d'Antoine Laurent à partir de 1771,  le Cabinet d'Histoire naturelle de Brest n'est apparu qu'à la Révolution, créé sous la Terreur an II (1793-1794) par un arrêté de Bréard : "Qu'un Cabinet d'histoire naturelle, destiné à l'instruction publique, serait fondé au Jardin botanique de la Marine, à l'aide de tous les objets provenant des maisons d'émigrés et du dépôt de coquilles et de minerais qui se trouvait dans un magasin de la maison où se tenait l'administration du district" (Brest et le Finistère sous la Terreur, Armand Du Chatellier page 29).  A ce fond s'ajoute, selon P. Levot, un ensemble d'oiseaux amenés sur les côtes bretonnes par un hiver très rude en 1788-89, collectés par les médecin et chirurgien de marine  Dubreuil et Billard : outardes, cygnes, spatules, canards et harles. 

  Cet arrêté de Bréard indique que des collections privées existaient à Brest au XVIIIe siècle. La méthode et la classification des espèces n'étant apparue en histoire naturelle que depuis le Systema Naturae de Linné (1758), il s'agissait certainement, comme c'était l'usage, de rassemblement d'objets insolites, de Curiositas mélangeant des monnaies, des antiquités, des coquillages et des spécimens zoologiques naturalisés ou de tableaux de papillons. On pense, par-exemple, à la collection du Président de Robien en son château de Saint-Thuriau de Quintin, collection qui fut elle-aussi saisie à la Révolution et actuellement partagée entre deux musée et l'Université de Rennes. 

  A Brest, les informations sur les collections réunies sous l'Ancien Régime sont inexistantes. Je ne retrouve que celles de Sartory, de l'abbé Béchennec, de Guillemard et de Despans signalées par J. Cambry en 1794-1795 mais qui avaient peut-être été rassemblées avant la Révolution. En outre, Cambry signale la forte quantité d'oiseaux provenant de Cayenne dans le musée en 1795, laissant supposer qu'un navire d'exploration ait fait escale à Brest de retour de Guyane. 

  Loin d'être attribuée seulement à une décision locale d'un révolutionnaire, cette création doit être située dans un mouvement national qui, à Rochefort, à Toulon comme à Brest, se soucie de former des officiers de santé capables de participer au grand projet d'expansion coloniale, d'exploration des voies maritimes et de recensement des richesses des territoires explorés. A la première école de médecine navale à Rochefort (1722) font suite celles  de Brest ( 1731) et de Toulon (1725 ou 1755). Ces écoles doivent être dotées d'un jardin botanique capable de cultiver les plantes médicinales (base principale de la pharmacopée avec les minéraux et quelques espèces animales) pour traiter les malades, mais surtout servir de support à l'enseignement de la botanique. Enfin, Rochefort et Toulon pour accueillir, étudier, classer et conserver les objets ramenés dans les soutes des navires se dotent également de Cabinets d'histoire naturelle, : à Rochefort en 1815, créé par Hubert ; à Toulon en 1814, créé par le contre-amiral Lhermitte. Les pharmaciens et médecins qui servent comme chirurgien de marine sont d'ailleurs formés à la collecte et surtout aux techniques de conservation dans l'alcool, embaumement, dessication et taxidermie des espèces zoologiques, ou aux techniques visant à ramener des plants botaniques ou à constituer des herbiers*. Si les Muséums restent alimentés au XIXe siècle en "curiosités" exotiques et disparates, comme du XVe au XVIIIe siècle, les récoltes sont néanmoins supervisées par le Muséum de Paris (qui se fait communiquer les pièces qui l'intéresse) dans un but scientifique de systématisation des espèces. Des progrès thérapeutiques découlent souvent des observations des pharmaciens et médecins auprès des "indigènes" : nous verrons ici, puisque les brestois y ont joué un rôle, l'exemple du Niaouli, et celui du curare. Enfin, ces musées servent à la formation et à la sensibilisation des élèves-médecins de marine, comme Victor Ségalen dont l'éveil à cette "esthétique du divers" de l'exotisme connut ses premiers frémissements dans les salles du Musée d'histoire naturelle de Brest.

 * Instruction pour les voyageurs et employés des colonies sur la manière de recueillir, de conserver et d'envoyer les objets d'histoire naturelle; Annales maritimes et coloniales vol.3, 1818 pp 634-672. Ce texte détaille longuement, région par région, les espèces animales et végétales que le Muséum souhaite obtenir.

Instruction sur les moyens de préparer et de conserver les objets d'histoire naturelle à envoyer au Cabinet du Roi à Paris, Annales maritimes et coloniales vol.3, 1818 pp 673-679.

P. LESSON, Manuel de taxidermie à l'usage des marins, Annales maritimes et coloniales, vol.2, Paris 1819 pp 47-63.

  Plus généralement, le mouvement civique qui incita les villes à fonder, lors de la Révolution, des Musées d'Histoire naturelle à partir des cabinets privés s'observe à Paris avec le création du Muséum le 10 juin 1793. A Nantes, la collection Daubusson fut rachetée par la municipalité en 1810. A La Rochelle, c'est en 1782 que Clément La Faille lègue sa collection de 15 armoires et de 12 vitrines, ses 4000 coquillages et ses oiseaux empaillés à la ville. A Grenoble, Gagnon, le grand-père de Stendhal suscite la fondation vers 1775 d'un Cabinet public d'histoire naturelle autour des collections du père Étienne Ducros. Etc...

 

2. Son développement sous la direction des jardiniers-botanistes Antoine Laurent,  et Ferdinand Paugam.

  J'ignore où ce Cabinet (ou Musée, les deux termes étant employés) était alors installé, l'hôpital maritime ayant été détruit par un incendie en 1776, et s'étant installé provisoirement dans l'ancien Séminaire des Jésuites devenu caserne militaire. Pourtant, le Musée d'histoire naturelle de Brest fonctionna bien dès le début du XIXe siècle, sous et après l'Empire, puisque les navires de la marine y déposaient leurs découvertes (Géographe, 1800 ; Cybèle 1817, Golo, 1819 etc...), et que le directeur du jardin botanique, et directeur alors du musée, Antoine Laurent, qui le créa, put écrire qu'il en avait assuré seul le développement, et en avait enrichi les collections. Son successeur en 1820, Ferdinand Paugam a certainement poursuivi cette tache. A partir de 1822, un nouvel hôpital est construit (sa première pierre est posée par le Ministre de la Marine et des Colonies  Aimé Marie Gaspard de Clermont-Tonnerre,, adjacent au jardin botanique, et comportant le cabinet d'Histoire naturelle et ses quatre salles. L'hôpital Clermont-Tonnerre fut achevé en 1835, 

 

Nicolas Broca, pharmacien de marine de 1ère classe  en dressa l'inventaire des 1334 pièces du musée en 1808 , "non compris les insectes et papillons", ou l'inventaire de ses 2000 espèces en 1817.

 

3. Le Musée sous la direction du corps médical dans la seconde moitié du XIXe siècle.

  A partir de 1843 ?? , on substitue, pour le poste de Directeur du jardin botanique, un officier de santé au jardinier-botaniste. Ce médecin, chirurgien ou pharmacien devient alors aussi directeur du musée. 

En mars 1851, un décret stipule que la responsabilité des collections du musée d'histoire naturelle reviendra au pharmacien-professeur (qui a aussi en charge le jardin) pour les herbiers et des collections de minéralogie et au médecin-professeur, pour le reste des collections (zoologie et objets ethnographiques).

  En 1862, on nomma en outre un conservateur attitré du Musée.

       Ce poste, confondu avec celui de jardinier-chef jusque à l'Empire, fut ensuite dévolu, parmi les médecins, chirurgiens et pharmaciens de la marine de l'École navale de médecine, au Professeur de botanique, qui dirigeait le jardin, mais aussi le Cabinet d'histoire naturelle, ou Musée, avec ses collections d'insectes, de mammifères ou de reptiles, d'oiseaux ou de plantes. Les officiers de santé se répartissant en médecins-chef, chirurgiens-chef et pharmaciens-chef, médecins-professeurs, chirurgiens-professeurs et pharmaciens-professeurs, par un décret  de mars 1851, le médecin-professeur fut chargé du cabinet d'histoire naturelle, et le pharmacien-professeur du jardin botanique, des herbiers et des collections de minéralogie.

Liste des différents directeurs et conservateurs du Musée :

 Éd. Vincent, pharmacien, docteur en médecine (Paris 1838), et spécialiste de la botanique de Guadeloupe. Il dirigea le jardin de 1843 à 18??.  (Je trouve ces informations que je ne suis pas parvenu à vérifier dans Comptes rendus du Congrès des sociétés savantes de Paris 1966 Volume 91 Page 115). On signale en 1817 un Vincent, chirurgien de 1ère classe à Brest, et/ou Vincent, chirurgien à bord de l'Euryale lors de sa campagne aux Antilles en 1816).

 Gilbert Henri Cuzent (Brest, 13-12-1820/Brest,14-08-1891), l'historien des hôpitaux de Brest (L'Hospice civil et les hôpitaux de Brest, S.A. d'Imprimerie, 1889 et  In-8, 437 p. (pi.). Brest, Imp. Dumont. Il rédigea aussi Archipel des îles Marquises in Bulletin de la société académique de Brest, Vol. 8, du 1882-1883 (30/12/1883) ; Archipel des Pomutu (Paumotu-Tuamotu)  in Bulletin de la société académique de Brest, Vol. 9, du 1883-1884 (30/12/1884)  ; L'archipel de la Société (l'Annexion de Taïti à la France)  in Bulletin de la société académique de Brest, Vol. 10, du 1884-1885 (30/12/1885) et  Épidémie de la Guadeloupe (1865-1866)  in Bulletin de la société académique de Brest, Vol. 4/1, du 1864-1865 (31/12/1865). Élève en 1839, pharmacien de 3ème classe en 1841, il est embarqué sur la corvette de charge la Caravane  en 1845-1846 et d’octobre 1850 à octobre 1851. Pharmacien de 2ème classe en 1852, il est affecté à Tahiti et se révèle comme un excellent botaniste. Affecté à Pointe-à Pitre de 1863 à 1866, comme chef du service pharmaceutique, il participe activement à la lutte contre l’épidémie de choléra qui sévit à la Guadeloupe. Il quitte l’activité en mai 1867. Membre de la société académique de Brest, conseiller municipal, vice-président de la commission administrative de l'Hospice civil,  Chevalier de la Légion d'Honneur, (Bulletin de la Société Académique de Brest - Tome XVI - 1890-1891)

Fontaine, pharmacien, directeur en 1855.

 Leroy de Méricourt, (1825-1901) médecin-professeur à Brest en 1855. Chirurgien de marine, il avait pris part à la guerre de Crimée, fut nommé professeur à l'école de médecine navale de Brest (1855), et médecin en chef de la Marine, et devint membre associé de l'Académie de médecine. On lui doit de nombreux mémoires sur les maladies exotiques, publiés dans les "Archives de médecine navale", des études d'hygiène navale, et une Histoire Médicale de la campagne de la corvette à vapeur l'Archimède (Station de l'océan Indien, années 1850, 1851, 1852.), 1853.

  En 1862 et au moins jusqu'en 1878, le conservateur du musée est  Édouard Jean-Baptiste Jacques Philippe Brousmiche (Brest 30 août 1810- 20 février 1894), chirurgien de 3ème classe en 1832, de 2ème classe en 1836, chirurgien principal en 1856, nommé officier de la Légion d'Honneur  en 1862 après 28 ans de service effectif, seize ans à la mer, Commandeur de la Légion d'Honneur en 1871, directeur des ambulances de la société de secours aux blessés de Brest en 1871, nous est surtout connu pour avoir publié les mémoires de son père Jean-François Brousmiche (1784-1863), ancien percepteur devenu secrétaire à l'Intendance sanitaire de Brest :Voyage dans le Finistère en 1829, 1830 et 1831.  Sans être le directeur en titre du jardin, il est nommé conservateur des collections scientifiques du musée le 21 janvier 1862, six mois avant sa retraite, et s'occupe activement avec l'aide du pharmacien Yves-Marie Langonné de l'installation et de la conservation des collections. Celles-ci totalisent alors plus de 10 000 espèces, dont 950 oiseaux, 1600 insectes, 2400 mollusques, et 300 armes, parures et ustensiles. Chirurgien à Brest, Édouard Brousmiche (orthographié parfois Brousmiches) a fait deux campagnes en Océanie, la première à bord de la corvette l'Artémise du 28-10-1851 au 10-05-1854. Il dut rentrer en France pour des raisons familiales et financières,  sur  l'aviso Le Phoque du 11-05-1854 au 20-01-1855.. Il est l'auteur d'une Lettre au sujet d'une épidémie de fièvre bilieuse à Taïti, dans le Messsager de Taïti du 9 janvier 1853,  d' Études hygiéniques sur Taïti, ibid du 6 février 1853, de Notes sur l'état actuel de Taïti, dans la revue coloniale de 1856, XVI, p.615, d'une Contribution à la géographie médicale de Sainte-Hélène, topographie médicale, histoire naturelle, III tomes, de De l'état actuel de Tahiti, (Minéralogie, Géologie, Zoologie, Botanique, Météorologie.) Revue coloniale, 1856, tome XVI, p. 645-649. Il fut l'un des informateurs de Souvestre pour son Finistère en 1836.

  Il est difficile de ne pas le confondre avec son fils  Édouard-François-Charles Brousmiche, né à Brest le 13 décembre 1850, aide-pharmacien en 1871, reçu pharmacien en 1874, membre de la Soc. Acad. De Brest en 1877, chef des travaux chimiques à l'école de médecine de Nantes en 1879, et qui a publié Essai sur le mancenillier (thèse de pharmacie), Paris, Moquet, 1874, in-4°, 40 p. Ce serait lui qui fut, sauf confusion, directeur du jardin botanique de Saïgon en 1888, et auteur vers 1890 d'un Aperçu général de l'histoire naturelle du Tonkin.   

 

  Jules Rochard,  (?-1908) chirurgien en chef de la marine puis Inspecteur général du Service de Santé de la marine, Président de l'Académie de Médecine, Grand Officier de la Légion d'Honneur, "cousin du Maréchal Foch". En poste de directeur du Musée en 1871. Ce célèbre chirurgien en chef de la marine, directeur du service de santé de la marine à Brest  est l'auteur de  Observations recueillies dans le service chirurgical du bagne de Brest, de 1854 à 1858 ; de  Sur la marche de la Phtysie pulmonaire, et, surtout, d'une  Histoire de la chirurgie française. Je donne en annexe des extraits de ses inspections de 1876 et 1878 décrivant le musée.

Arthur Bavay (1840-1923) était directeur du Musée en 1884 : ce pharmacien de marine et grand naturaliste est le découvreur de l'essence de Niaouli : Etude sur deux plantes de la Nouvelle-Calédonie (Le Niaouli et son huile essentielle, l'anacardier) Pharm. Paris, 1869. Le Niaouli ou Melaleuca Viridiflora, myrtacée est un arbre commun en Nouvelle-Calédonie et en Australie, proche parent du Melaleuca Leucadendron qui donne l'huile essentielle de cajeput (voir ici la description par Garnier). Son essence, très connue sous le nom commercial de Goménol® et d'huile goménolée, est antiseptique.

  Il s'illustra aussi en parasitologie (décrivant le nématode responsable de l'anguillulose), en malacologie et en herpétologie. A. Bavay est aussi l'auteur de Catalogue des reptiles de la Nouvelle-Calédonie et description d'espèces nouvelles (1872), Notes sur l'hylodes martinicensis et ses métamorphoses (1872), Récolte des mollusques, conseils aux voyageurs (1895), Mollusques terrestres et fluviatiles récoltés par le Dr Neveu-Lemaire (Mission de Créqui-Montfort et Sénéchal de la Grange en Amérique du Sud), (1904), Addition à la faune malacologique terrestre et marine de la rade et des environs de Brest. (Journ. de Conchyl., XXXVII.1889.etc... Il fit don au Musée d'une riche collection de conchyliologie. Il disposait aussi d'une collection de coléoptères, que signale dans son Bulletin la Société Entomologique de France, dont il était membre. Il fut président de la Société Zoologique de France en 1902. Après sa retraite, il s'interessa aux coquillages des sables coquilliers.

  Il fut titulaire du poste de Professeur d'Histoire naturelle à l'École de médecine navale de Brest. Voir  Un grand naturaliste brestois : le pharmacien de marine Arthur Bavay (1840-1923).

 

 

 

(D'autres pharmaciens s'intéressèrent au Cabinet d'histoire naturelle : François Gesnouin (1750-1814), pharmacien en chef, député aux Cinq-Cents, et Mathieu Thaumur (1759-1847), pharmacien.)  

 

  Durant la Seconde Guerre Mondiale, l'hôpital Clermont-Tonnerre est occupé par les Allemands qui y construisent un vaste blockhaus ( Bunker n° 018). Violemment endommagé par les bombardements aériens et les combats de la la Libération, l'hôpital est reconstruit en 1952. Il conserve néanmoins les vestiges de l'hémicycle qui constituait l'entrée principale de l'ancien hôpital : un passage y est aménagé qui donne encore accès à ce qu'il reste de l'ancien jardin botanique.

  Le contenu du musée n'avait pas pu être mis à l'abri, le médecin chef allemand n' autorisant pas l'accès aux collections, et lors des bombardements américains du 12 août au 18 septembre 1944, tout a été détruit. Seuls, un petit nombre d'objets polynésiens et dahoméens, qui n'étaient pas exposés, mais conservés dans des malles sont retrouvés intacts dans le mess des officiers. Ils ont fait l'objet de quelques inventaires et publications, et certains ont été exposés à l'Abbaye de Daoulas en 1993 pour l'exposition Victor Ségalen.

  

4. Origine des collections.

  Au fond d'origine, prélevé comme nous l'avons vu sur les collections des aristocrates brestois exilé, s'est ajouté au XIXe siècle tous les objets que les chirurgiens de marine, les scientifiques embarqués, ou les marins eux-mêmes ramenaient des voyages d'exploration. Les collections du Musée étaient donc principalement exotiques.   Une partie des collections était envoyée au Muséum de Paris, avec lequel le jardin et le Cabinet d'Histoire naturelle de Brest était en relation permanente.

 On peut reconstituer la liste très partielle suivante:

  • le Géographe dans sa campagne de 1800, (signalé par Louis Charpentier (Revue Maritime 1927). Cette mention est néanmoins surprenante, le Géographe, initialement commandé par Nicolas Baudin, puis, après son décès à l' Île de France, par Pierre Milius, avait terminé son voyage en Terres Australes le 25 mars 1804 à Lorient ; La corvette qui avait été accompagnée par le Naturaliste, ramenait 23000 pièces d'histoire naturelle qui enrichirent le Muséum du Havre. Certaines pièces ont peut-être été placées à Brest.
  • La frégate la Méduse en 1814 (A. Le Guevel de la Combe, chirurgien).
  • L'Euryale, 1817, venant des Antilles.
  • la Cybèle dans sa campagne de 1817 au Vietnam, chirurgien Huet (cf liste infra).
  • le Golo en 1819, chirurgien Fouilloy aux Antilles, en Guyane et à Madagascar (cf liste infra). 
  • l'Astrolabe en 1826, selon L. Charpentier.
  • l'aviso la Romanche commandée par Martial en 1882-1883 (1ère année polaire internationale) : collections ramenées par les médecins Philippe Hahn et Paul Hyades, après leur exploration du Cap Horn sous l'égide de l'Académie des Sciences.
  • Don par Arthur Bavay de sa collection de coquillages.
  • Les collections de Jules-Louis-Marie Chaze (1824-1852), pharmacien de 3ème classe ; il a navigué en Océanie entre 1844 et 1847 ; il fit escale aux îles Marquises, d'où il rapporta des objets dont il fit don au musée. Les objets retrouvés sont : une superbe jambe en bois, gravée de motifs de tatouage, modèle de tatoueur; deux colliers de dents de cachalot.
  • Don du capitaine d'infanterie de marine Henry-Martin Lamy (1802-??) : objets des Îles Marquises.
  • Dons de Brousmiche (Tahiti, frégate l'Artémise 1851, et Îles Marquises) .  
  • Collection Jacques Bernard Hombron, chirurgien de Marine sur L'Astrolabe 1837-1840 ; Second voyage de Dumont d'Urville au pôle sud et en Océanie   Don de Hombron après 1850, provenant des îles Carolines : deux ceintures en fibres végétales, un collier de coquillage.
  • un avant de pirogue sculpté rapporté par Dupetit-Thouars (prise de possession des Îles Marquises du 28 avril au 31 mai 1842 sur la frégate la Reine-Blanche accompagnée des corvettes La Boussole et le Bucéphale).
  • Les objets de Chaze, Lamy, Brousmiche constituent une collection océanienne dans laquelle C-Y. Roussel et A. Gallozzi mentionnent aussi, venant des Îles Marquises, un collier de coquillage et cheveux humains, un plat en bois sculpté de Nuku Hiva, Marquises, un plat  avec couvercle en bois, deux ornements d'oreille, deux flutes en bambou, six hameçons en nacre et os. 
  • Dons de l'explorateur Jules Crevaux ? les seules informations que j'ai retrouvées (Nature  1876 Page 91) concernent un fragment de bloc granitique poli.
  • M. de Fréminville avait déposé au Musée de Brest une Vipère fer-de-lance "de la plus grande taille" (Annales Annales des sciences naturelles, Volume 1 1824 p. 95.)

 

Modèle de tatouage de jambe, plâtre. Îles Marquises, Océanie © musée du quai Branly, photo Claude Germain - Cliquer pour agrandir, ouverture dans une nouvelle fenêtre Modèle de tatouage de jambe, plâtre. Îles Marquises, Océanie

  © musée du quai Branly, photo Claude Germain

 

        A ces objets rapportés par les navires, on doit ajouter les échanges entre musées. Ainsi, A. Leroy de Méricourt sollicite-t-il, en octobre 1857, le professeur Duméril du Muséum pour obtenir agrandir les collections brestoises de poissons et reptiles par "210 genres de chéloniens, sauriens, ophidiens et batraciens manquant au Musée d'histoire naturelle de Brest". Cette dernière mention indique que le conservateur ne se contentait pas de recevoir passivement les objets, mais qu'il souhaitait disposer, pour une visée d'enseignement, de collections de zoologie systématisées au même titre que son collègue chargé des herbiers et des plants du jardin s'attachait à pouvoir présenter l'éventail complet des espèces aux élèves de l'école navale de médecine.

Les collections encore conservées à l'Hôpital Inter-Armées de Brest.

 Parmi les objets du musée, certains, non exposés, étaient placés dans des caisses militaires qui ont été retrouvées par le médecin-chef Charles Laurent et placés dans le mess des officiers. Elles contenaient des objets polynésiens et dahoméens. En 1945, Marie-Charlotte Laroche du Musée de l'Homme à Paris initia les premliers inventaires et récolements d'objets océaniens dans les collections françaises et publia  au Journal de la Société des Océanistes un article appelant à l'inventaire de l'ensemble des collections océaniennes : Pour un inventaire des collections océaniennes en France, Journal de la Société des océanistes Volume 1 pp. 51-57. Elle y mentionne les objets du musée de Brest.

   Quelques années après c'est Anne Lavondès, spécialiste des cultures polynésiennes (ethnologue à l' O.R.S.T.O.M. et ancien conservateur du Musée de Tahiti et des Iles), qui inventorie les collections de Cherbourg en 1976 puis celles de l'Hôpital militaire de Brest en 1978. Dans le  Journal des océanistes, É. Bouchard signale en 1997 à Brest un crâne humain aux yeux de nacre, trois étriers d'échasse, deux éventails de vannerie, un fragment de peau d'homme tatouée, mais aussi la jambe de bois, une écuelle en bois, une coupe en bois et les deux boucles d'oreille encore conservés. Puis vinrent les inventaires de Sylviane Jacquemin, de Roger Boulay, et de Sophie Serra.

  La collection a participé à des expositions : en 1993 pour l'exposition Brest, Tahiti, Chine, le musée imaginaire de Victor Ségalen à l'abbaye de Daoulas, ou encore en 2002 à Ouessant pour le Salon international du livre insulaire,sur le remorqueur Malabar.

  

1.  Jambe, modèle de tatoueur.  

Long. (sans tenon) : 61,5 cm -Larg.max. : 14,2 cm -tenon ; 6 cm, bois. Origine : archipel des Marquises ou des Tuamotou (Polynésie Française). Donateur : dr Chaze.

 

Modèle de tatoueur. Commentaire de Anne Lavondès, 6 août 1987 : « La jambe représente certainement un modèle de tatoueur marquisien, mais comme les quelques objets de ce type conservés ailleurs, elle pose un certain nombre de questions :les modèles ont-ils authentiquement été sculptés aux Marquises pour des Marquisiens ? ; sont-ils une représentation théorique des modèles possibles ou bien sont-ils des répertoires organisés pour mémoriser et transmettre un savoir sur les motifs utilisés dans certaines circonstances, dans certaines familles, etc... La littérature du XIXe siècle sur les Marquises paraît peu explicite à ce sujet)".

On y reconnaît des motifs de tatouage comme les tiki, des lézards, etc...

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Idem, détail.

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2. Trois bambous pyrogravés, modèles de tatoueurs.

45,5cm x 3,5cm ; 49cm x 2,5cm ; 62cm x 4. Origine : Archipel des Marquises (Polynésie). Don Dr Chaze.

Motifs  enata, ipuoto, nio peata, motifs végétaux et animaux : raie manta, cent pieds,

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3. Hameçon de cérémonie.

Matériel : os. Origine : Archipel des Marquises. Don du Dr Clavel.

Commentaire d'Anne Lavondès : " ...La tête et le col supérieur de la hampe sont recouvertes d'une ligature ornementale fine en coc tressé... Au sommet sont fixées, du coté externe, deux petites mèches de cheveux repliées sur elle-même et surliées à la base ; du coté interne, se trouve une seule mèche identique. Du coté externe, entre la hampe et la ligature, on distingue encore une petite mèche de cheveux. L'empilage est en bourre de coco tressé."

 Le 'Dr Clavel" serait, ou est sans-doute Charles Clavel, Médecin de 1ère classe et auteur en 1885 de Les Marquisiens, Paris, O. Doin,  Gallica. Il rapporte sa navigation sur le navire hydrographique Le Hugon entre 1881 et 1882.

 

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4. Collier de coquillages.

Collier de coquillages blancs montés sur une cordelette tressée. Origine : archipel des Tuamotu (Polynésie française) ? — Donateur Dr Clavel.

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5. Deux ornements d'oreille.

Ivoire de cachalot. Origine : archipel des Marquises (Polynésie française) Donateur inconnu.

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6. Pectoral et Collier.

Dent de cachalot et fibres végétales.

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7. 

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8. Vase. 

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9. Figures en bois peint, Afrique.

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10. Bol de bois sculpté.

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 11. Plat à couvercle.

45 cm, bois. Origine Nuku Hiva (Marquises, Polynésie Française). Donateur Dr Lamy.

Commentaire de Anne Lavondès : «  Les parties non décorées du plat et du couvercle sont lisses, à surface continue. Le couvercle, qui s'emboîte parfaitement dans le plat lui même est décoré à ses deux extrémités : d'un coté, une tête humaine est sculptée en ronde bosse, perpendiculairement à l'axe du plat, dans le style habituel à ce type d'ustensile. La forme générale est réaliste, avec le crâne convexe, mais les traits du visage sont ceux , stéréotypés, du tiki : des yeux très grands, presque circulaires, nez et bouche larges, oreilles en double spirale, motif en croissant des deux cotés de la bouche. La tête , située à l'extrémité opposée, est sculptée horizontalement dans l'axe du plat, en faible relief . Le visage est très semblable au précédent, mais la bouche est entrouverte laissant apparaître les dents bien visibles et séparées, ce qui est rare sur les motifs en tiki.

Chacune des surfaces latérales du plat est décoré de petits personnages entiers sculptés sans détails en haut relief, bras levés et jambes écartées, relevant le motif simplifié enana, représentant l'homme aux Marquises.3 (Enata : l'homme vivant, le descendant en chair et en os, par opposition à l'ancêtre déifié qu'est le tiki. Le motif regroupe toutes les représentations humanoïdes qui ne sont ni Tiki, ni Poi'i.)

Masque.

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12. hameçon de nacre.

10,5 cm. Origine Îles des Tuamotu. Donateur inconnu.

Ces hameçons de nacre, véritable travail de patience signalés par les voyageurs ( Ile des Pins, Lifou, à Tahiti par Cook en 1770, par James Morrisson), ont disparus en 1880,  remplacés par les hameçons européens en métal. En 2008, l'ethnologue Jean-Michel Chazine a découvert, sur l'atoll de Takaroa aux Tuamotu un véritable atelier de fabrication d'hameçons.

  La coquille était d'abord débitée en pièces carrées avec un autre coquillage. Des limes de corail étaient utilisées pour entamer l'ébauche de l'hameçon et le dégrossir, puis le finissage se faisait à l'aide de radioles d'oursins (Mery, Charpentier, 1997). La nacre provenait des huitres perlières.

La nacre possède un pouvoir attractif sur les poissons, qui fait qu'elle est encore utilisée pour réaliser des leurres dans la pêche aux bonites ou aux rougets (Eric Conte).

Valeur symbolique de la nacre.

Pour Roger Boulay (Abbaye de Daoulas, 2011), "Lumière, blancheur et brillance éclatantes sont interprétées comme des reflets du sacré. dans les cosmogonies polynésiennes, ombre et lumière s'opposent, la seconde étant la constitution même des dieux. En effet, avant les dieux, le jour et la clarté (Ao) prirent la place des ténèbres du temps des origines (Po). Cela explique la grande place de la nacre de coquillage dans la société ancienne (costume de deuilleur, masques de deuilleur, coiffures, pectoraux, colliers, etc.)". Outre cet usage symbolique, la nacre servait aussi d'ustensile de cuisine pour nettoyer et couper les aliments.

 

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13. Pectoral en fibres végétales tressées et collier de dents de cachalots.

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14. Plat rond ko'oka.

Diam. 25 cm, bois. Donateur inconnu.

 

Commentaire d'Anne Lavondès : " La surface externe est entièrement sculptée de motifs traditionnels répétés. Une cordelette de suspension est fixée par une perforation".

 Cet objet reproduit des motifs rappelant le tatouage.

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                        Documents.

 

1. Description par Jacques Cambry en 1794.

1a. Description du musée d'histoire naturelle.

 CAMBRY ( Jacques), Catalogue des objets échappés au vandalisme dans le Finistère : dressé en l'an III (Nouv. éd.)  par Cambry ; publ. par ordre de l'administration du département H. Caillière (Rennes) 1889, pages 124-132, en ligne sur Gallica.


Cette description détaillée fait suite à celle du Jardin botanique entretenu par Antoine Laurent, et elle est précédée page 116 de cette phrase : "Le citoyen Laurent, sans frais, à l'aide de forçats qu'il dirigeait, fit construire une orangerie, une serre chaude, se procura des châssis vitrés, fit élever une galerie pour y placer des plantes desséchées, et le pavillon qui renferme les objets d'histoire naturelle, qu'il sut se procurer à force de demandes, de recherches et d'intelligence."

 

 

  "Cabinet d'histoire naturelle.

C'est encore au citoyen Laurent qu'on doit les pièces qui composent le Cabinet d'Histoire naturelle annexé au jardin des plantes ; avec quelque secours il eût pu l'augmenter. Tel qu'il est, il peut donner à ses élèves une connaissance étenduen des minéraux, des coquillages et des produits si variés de la nature.

A la destruction de l'école des gardes de marine, des pièces qui décoraient leurs salles ont été portées au citoyen Laurent qui les a conservées avec ce soin, cet amour pour les sciences que démontrent sa conduite, sa conversation, l'ordre de tous les objets confiés à sa surveillance.

Dans un cabinet qui précède le grand salon, on voit un tableau donné par le ci-devant roi en 1787 à Lamothe Piquet, lieutenant-général qui sortit du fort de la Martinique avec trois de ses vaisseaux pour couvrir l'entrée d'un convoi français, et combattit l'escadre d'Angleterre composée de treize vaisseaux. Elle était sous les ordres de l'Amiral Hideparker, le 18 décembre 17798. C'est encore une copie d'un tableau fait par le Marquis de Rossel en 1787. Ce tableau historique dont l'action, le cadre et le trophée qui le surmonte, font tout le mérite, servirait de pendant à celui que j'ai décrit au commencement de cette notice.

Le premier plan présente les glassis du fort de la pointe aux nègres. M. de Bouillé commande et les canons sont disposés pour protéger les français.

Les vaisseaux de Lamothe Piquet couvrent le second plan. L 'escadre anglaise, des montagnes qui se perdent dans le lointain, en adoptant la teinte jaunâtre du ciel, garnissent le fond du tableau.

2°) Une gravure sous verre à cadre doré, c'est le combat de la Surveillante et du Québec. Georges Carter pinx. Jean Caldivall sculp.

3°) Deux belles pendules en cuivre de Ferdinand Berthoud dont les tambours ont cinq pouces de diamètre.

Passons au Cabinet d'Histoire naturelle.

Les premières armoires renferment environ cinq cents volumes. L'encyclopédie, Buffon, les voyages de Cook peuvent avoir quelque rapport avec les objets renfermés dans ce cabinet. Il serait à souhaiter qu'on y joignit des livres de botanique, de conchyliologie, de métallurgie qui ne s'y trouvent pas, et qu'on fit transporter à la bibliothèque du district le reste des ouvrages précieux qui s'y rencontrent, on ne sait pourquoi. Ils traitent de matières étrangères à l'histoire naturelle.

Ce sont des atlas.

Des principes sur le mouvement et l'équilibre.

Le Neptune américo-septentrional, du Groenland jusqu'au golphe du Mexique inclusivement.

Un recueil des combats de du Gai-trouin, dessiné par Ozanne,

La description géographique des Antilles possédées par les Anglais.

Les éléments d'astronomie de Cassini.

Les tables astronomique de la Hire, etc., etc.

Je ne vous conduirai pas d'armoire en armoire. Je vous éviterai la lecture des notes que je mets sous vos yeux ; mais selon l'usage dont je ne peux m'écarter, je vous parlerai des morceaux les plus curieux de votre collection d'histoire naturelle.

1°) On y voit des vases, des instruments industrieusement exécutés par des Sauvages.

2°) Des plantes marines, des bois pétrifiés, des mousses.

3°) Des Fossiles des environs d'Angers.

4°) Des cristaux spastiques assez brillants.

5°) Une belle suite de coraux blancs.

6°) Un morceau de cristal de Madagascar d'un pied de long sur huit pouces de large.

8°) Quelques boites de petits coquillages de toute espèce. Des pinnes marines, palourdes, bouches d'argent, des vis, des porcelaines, de forts jolis cardans, de belles harpes, l'arabique, la souris, une porcelaine rare, brune, veinée, d'un blanc terne, en zig-zag, mêlée de jaune, très curieuse, des oreilles de malabares, bonets chinois, le tigre.

9°) Des spaths calcaires, des ardoises herborisées, chargées de pyrites, ardoise sur laquelle est imprimée la forme d'un poisson. Ces objets viennent d'Angers.

10°) Plusieurs morceaux de mines de fer, de plomb, des cristaux, plomb gris, prismatique, stéatite avec marcassites cubiques, des pierres de quadry.

11°) Des montres d'agathe, de marbre, de lapis lazuly, d'aventurines, de jaspe et de sables, des lépas, des huîtres épineuses bien conservées.

12°) Manches de couteaux, becs de canard, le manteau ducal, beau morceau ; concha veneris, moule perlière, des peignes, de beaux marteaux, l'hirondelle, des araignées, corail blanc sur une huître feuilletée, couleur de chair, joli accident ; nid curieux de guêpes de Caienne, des cœurs, des rochers, l'arche de Noé, tête de bécasse, la pavillon frangé, des tonnes, crabes, casques, nautiles, des oursins, etc.

 

Les basses armoires du cabinet contiennent des animaux et des poissons.

1°) La mole.

2°) Une morue à laquelle on a prêté la forme d'un dauphin, charlatanisme de marin.

3°) Une vache marine.

4°) Un requin, une mâchoire de requin ; elle a quinze pouces de diamètre.

5°) Le marteau, poisson.

6°) La flutte.

7°) Un lézard, un caméléon de deux pieds dix pouces de long.

8°) Plusieurs serpents ; un d'eux a douze pieds de longueur, deux serpents corails.

9°) Des caymans.

10°) Le paresseux.

11°) Des animaux plus communs empaillés.

12°) Une chauve-souris de vingt pouces d'envergure.

Une chauve-souris de quinze pouces, la peau du crâne et la chevelure d'un orang-outan dont on a fait un bonnet ; il a huit pouces de diamètre.

Vingt-cinq phioles à l'esprit de vin contiennent des bizarreries d'histoire naturelle, des poulets d'inde à deux tête, un poulet à quatre pattes, un petit monstre humain à tête de singe, dont la bouche est fendue jusqu'aux oreilles.

 

Passons aux oiseaux contenus dans le même cabinet.

Ces oiseaux en général ne sont pas dans un bon état, je ne connais que deux collections de ce genre qui méritent des éloges : je n'en excepte ni celle du Muséum national, ni celle du Muséum de Londres. Spreugly de Bern et le chevalier Aston Levers en Angleterre ont su conserver seuls un air de vie, l'éclat de leurs couleurs aux oiseaux, aux animaux qu'ils ont fait empailler.

Les oiseaux dont je vais vous parler viennent en grande partie de Cayenne.

1°) Le petit pipit bleu ; ainsi nommé de son cri ; il est de la pus jolie forme, le noir, le bleu, le bleu de ciel se mélangeant agréablement sur ses ailes, sous sa gorge ; le dessus de ses ailes est d'un gris soyeux ; son ventre est d'un beau jaune ; il a cinq pouces six lignes de long.

2°) Le grand colibri à ventre de feu ; une nuance d'or et d'émeraude lui sert de gorgeret ; le rubis n'a pas l'éclat de sa palatine ; le brun, le vert doré forment le reste du plumage de ce bel oiseau ; il a six pouces de long. J'oubliais quelques plumes blanches éparses avec ménagement sur la totalité de ce brillant animal, et surtout cette bande noire qui sépare le gorgeret d'une teinte violette qui se mêle au feu de sa palatine.

Parmi dix espèces de colibri, je n'en décrirai que cinq :

3°) Le colibri à gorge blanc de neige, au dos vert ; ses ailes sont diaprées de gris, de bleu, de noir, sans que ces couleurs soient tranchantes. Quatre pouces six lignes de longueur.

4°) Le rubi topase, couleurs brillantes, que des plumes d'un gris foncé font ressortir. Trois pouces neuf lignes.

5°) Un autre colibri ; sa gorge est d'un vert-d'eau doré, son ventre d'un violet éblouissant ; ces deux couleurs se fondent sur le dos, les ailes et la queue sont d'un brun varié. Quatre pouces six lignes.

6°) Un petit colibri ; toutes les couleurs se mélangent sur sa robe.

On peut, en rapprochant ces cinq espèces, se procurer une arriette d'un concert du père Castel (qu'on me pardonne cette expression) et voir un abrégé des plus vives couleurs du microscope solaire. Je les ai vues quelque fois réunies à S[aint]. Domingue.

7°) Le petit louis, espèce de bouvreuil, mais plus léger, plus délicat de forme que ce dernier oiseau ; il a le ventre jaune et le dos bleu ; entre ses yeux, plein de vivacité, est une touffe d'un jaune ocre. Il a quatre pouces six lignes.

8°) Le mannequin à tête rouge, le mannequin à tête jaune.

9°) Deux grimpereaux, l'un à pattes rouge, l'autre à pattes jaunes ; ils diffèrent peu des colibris ; le noir, le violet, le bleu de ciel, se nuancent sur ces oiseaux. Cinq pouces de long.

10°) Le flamand, l'aigrette, le grand penicoptère des indiens ; cinq variétés de contingas des cayennes ; des toucans ; le ramier pintade de Cayenne ; le paon des palétuviers , le plumet blanc de Cayenne parent cette collection.

13°) Le plus singulier de ces animaux est le camoucle de Cayenne ; il est fort et robuste comme un grand aigle, et de la couleur de cet oiseau, mélangée de blanc et de brun ; il porte sur le front une corne de neuf lignes de long, ses ailes sont armées de deux défenses, placées le long de sa poitrine ; elles ont un pouce de long, six lignes de large et sont triangulaires ; le cou de cet animal est trop gros, il a quatre pouces de diamètre et un pied de long ; sa tête est petite, c'est celle du dindon ; il n'annonce pas plus d'intelligence ; les armes dont il est pourvu ne peuvent nuire ; il paraît trop lâche, trop stupide pour les employer ; ses pates sont longues et fortes, et ses griffes peu recourbées, c'est en général un mélange, une caricature de la force et de la faiblesse ; il a deux pieds sept pouces de bec en queue, trois pieds de haut ; sa poitrine, sans y comprendre l'épaisseur des ailes, a dix pouces de large ; sa tête n'a pas un pouce de diamètre et son bec est sans caractère.

Je ne vous parle pas de quelques squelettes, de nids qui se trouvent épars dans les différentes armoires de ce cabinet.

On y voit encore quatre globes, deux octans, six lunettes, deux graphomètres, etc...

Tels sont les objets renfermés dans le Cabinet d'Histoire naturelle du jardin des plantes."

Note sur les noms de coquillage.

  Les  "pinnes marines, palourdes, bouches d'argent, vis, porcelaines, cardans, harpes, l'arabique, la souris, les oreilles de malabares, les bonnets chinois, le tigre ; Manches de couteaux, becs de canard, le manteau ducal, les concha veneris, moule perlière, peignes, marteaux, l'hirondelle, des araignées,  casques, nautiles, des oursins", etc... sont des noms de coquillage, que l'on retrouve en partie dans le Catalogue raisonné des minéraux, coquilles et autres curiosités naturelles d'Étienne-Louis Geoffroy (1753) pages 42 et suivantes, ou dans La conchyliologie, ou histoire naturelle des coquilles de mer, d'eau douce d'Antoine d' Argenville, 1780. Dans le texte qui va suivre, on retrouvera d'autres noms encore (oreille, soleil levant, la musique, le firmament, la tulipe, des moules de Magellan, des vis, des harpes), comme celui de "salle polonoise", coquillage nommé par Geoffroy Selle anglaise ou polonaise (objet 281). Les "oreilles de mer" sont des coquilles d'ormeaux, évoquant les oreilles des Malabares, peuple d'Indoustan se distinguant par des oreilles longues et percées. La "Musique à quatre raye, appelée par certains le Plein-chant", s'y découvre sous le n° 297. La "Gourgandine" est une coquille du genre Vénus, la Vénus flexueuse, bivalve. Le "marron rôti" est une sorte de bigorneau, le "parasol chinois" un bivalve très plat, les "lepas" sont les anatifes, les "Rochers Musique" et les "Pavillons d'Orange" sont des olives ou des buccins, etc...

 

  1b. Les cabinets privés d'histoire naturelle de Brest, origine probable du musée.

a).  Le Cabinet d'histoire naturelle de M. Sartory, est mentionné par Jacques Cambry, Voyage dans le Finistère ou Etat de ce département en 1794 et 1795, Volume 2 page 140 :

"Sartory, peintre-décorateur, artiste italien, réside à Brest. Ses connaissances en mécanique, son imagination ardente feraient souhaiter que des travaux multipliés, un théâtre plus vaste le sortissent d'une espèce d'apathie dans laquelle il existe malgré les sollicitations de ses amis. Il possède une grande quantité d'estampes et de

dessin des maîtres les plus renommés. Son cabinet d'histoire naturelle et de curiosités étrangères, renfermé dans un très petit espace, mais disposé avec l'intelligence d'un homme de goût, d'un artiste, frappe plus au premier coup d'œil, arrête plus dans les détails, que les vastes amas de minéraux et de coquillages que des princes ou de riches particuliers entassent dans de vastes emplacements.

 

Il n'a pas suivi d'ordre précis, les classes inventées par les naturalistes ; le goût seul présidait aux rapprochements qu'il a faits, aux faisceaux d'instruments, , d'ornements, de plumages qu'il a si joliment groupés, au mélange heureux de couleurs produites par ses papillons de la Chine, ses insectes de Surinam, et ses coquilles de l'Asie.

La principale armoire, qui reçoit d'une fenêtre à verre de Bohême un jour brillant et lumineux, contient des salles polonaises, perlées de la Cochinchine, de sept pouces de diamètre, dont la nacre éclatante est nuancée de diverses couleurs. Une oreille de sept pouces de diamètre, le soleil levant, la musique, le firmament, la tulipe, des moules de Magellan, des vis, des harpes, des tonnes, un superbe manteau ducal, des tonnes vertes à bouches opposées, des cœurs, des bouches d'or et des boches d'argent, la grande hirondelle, le choux, le pavillon d'Orange, le marron rôti très rare, espèce de rocher ; des grimaces blanches, des cadrans, le bonnet chinois, des huîtres à longues épines, des oreilles de Malabar, des coraux noirs et rouges, des chevaux-de-frise, poires, rouleaux, araignées, marteaux, etc... ; tous ces objets du plus beau choix, de la plus parfaite conservation.

Le morceau d'histoire naturelle qui 'a le plus frappé a pour base du spath calcaire, mélangé de talc, de mica, croisés dans tous les sens par des morceaux de schorls noirs, fauves, bleuâtres ; ces schorls ont quelquefois 15 lignes de long sur 4,5 ou 6 lignes de diamètre ; ce morceau précieux a 5 pouces de long sur 4 de largeur. Un négociant de la même ville en possède un de la même nature, mais beaucoup plus volumineux.

   J'ai vu parmi les minéraux de Sartory, un bloc de cinabre qui ferait honneur au plus riche cabinet.

Il a dans ses tiroirs les gourgandines , le dormeur, un superbe cœur à tuyau, la cuirasse, des peignes, le parasol chinois, espèce de lepas ; une très jolie harpe à 18 cordes, une huître à robe, d'un blanc mat et luisant, à talon strié, tacheté, d'un beau violet très rare.

Je ne vous parle pas d'animaux empaillés, d'insectes conservés dans l'esprit de vin, d'un millier d'objets curieux réunis dans ce cabinet."

 

   Dans l'édition du Voyage de Cambry complété et annoté par le chevalier de Fréminville (J.B. Le Fournier, Brest 1836), celui-ci indique en note 41 : "La meilleure partie du cabinet d'histoire naturelle de Sartory avait été, par les soins de M. Laurent, acquise pour le cabinet d'histoire naturelle de Brest". Plus précisément, Selon Dany Guillou-Beuzit, auteur d'une édition critique du Voyage de Jacques Cambry, le ministre de l'intérieur écrivit le 28 ventôse an VIII, soit le 19 mars 1800 à l'administration centrale du Finistère pour attirer son attention sur la riche collection de Sartori : « J'ai pensé que cette collection, fruit de trente années de recherches, pourrait contribuer aux progrès de l'instruction publique dans une école centrale. Peut-être regarderez-vous comme avantageux d'entrer en arrangement avec le citoyen Sartori. Sa fortune n'est pas assez considérable pour faire croire qu'il n'entre pas volontiers avec vous en composition. Je pense donc que vous pourrez demander communication des catalogues, ou engager un professeur à se rendre de Quimper à Brest pour examiner ce cabinet et vous en rendre compte » (Arch. dép. Finistère 16L12). Mais les comptes de l'Ecole centrale de Quimper ne font pas apparaître cette acquisition, et le cabinet de Sartori revint à Brest.

   Selon le Dictionnaire des marins francs-maçons, gens de mer et professions connexes de l'Association ponantaise d'histoire maritime 2011  ‎page 474, "SARTORI Ange-Michel, peintre, né le 29 septembre 1744 à Bologne remplace Babron au service de la marine et auprès de la communauté de Brest. C'est un homme d'imagination ardente selon son frère Jacques Cambry qui décrit sa maison dans son Voyage en Finistère. Outre son atelier d'artiste, il possède un cabinet de curiosité qui rassemble des pièces rares venues de tous les continents. Il aime aussi partager ses passions, et c'est ainsi qu'il réunit régulièrement chez lui une sorte d'académie. Il s'était affilié à L'Heureuse Rencontre brestoise le 20 novembre 1798."  Il était maître-peintre de la marine depuis le 1er novembre 1784. Prosper Levot signale que ce "décorateur de la ville jusque sous l'Empire" avait peint en 1792 divers faits d'armes sur un autel érigé pour célébrer la fête de la Fédération, avant que cet autel ne soit renversé sous la Terreur pour être remplacé par la Sainte Guillotine.

  Il me semble, en toute hypothèse que l'on puisse deviner entre les lignes que ce cabinet excitait des convoitises, et qu'il fut d'abord inventorié par Cambry envoyé en repérage, avant que l'on puisse en déposséder Sartori à bon compte.  

  

 

b). Plus loin, J. Cambry écrit :  « Le citoyen Bechenec* possède une jolie collection de coquillage ; quelques morceaux d'histoire naturelle classés avec l'intelligence et l'ordre qui le caractérisent. Son marteau blanc est rare et parfaitement conservé . Le citoyen Guillemard** […] a dans son cabinet de fausses améthystes,[...] il a trouvé de beaux cristaux de roche, des cristaux spastiques, des spates étoilés près de Kerouriou, [...] On peut encore examiner, à Brest, la collection d'histoire naturelle du citoyen Despans, rue de Siam. ».

 

  * peut-être l'abbé Bechennec, 1726-1805, naturaliste à Brest, et responsable du dépôt de bibliothèque de Brest. (rappel : selon Pol de Courcy, en 1864 Brest dispose d' « une société d'émulation ; d'une société académique publiant des travaux historiques sur le département ; trois bibliothèques publiques, celle de la ville de 26000 volumes, celle du port de 18000 vol., et celle de l'école de santé de la marine de 10000 vol. ; un jardin botanique et un cabinet d'histoire naturelle.» Selon un document 2076 de l'enssib.fr/bibliothèque de 2005 la Bibliothèque municipale de Brest,  comme toutes les bibliothèques publiques municipales, se constitue juridiquement à la Révolution en 1789. Les collections de la Bibliothèque trouve leur origine dans les saisies révolutionnaires qui regroupent des fonds provenant de l'abbaye de Saint-Mathieu, des Carmes et des Capucins de Recouvrance. Le 2 novembre 1789, les biens ecclésiastiques sont confisqués et sont déclarés "biens nationaux". En 1795, des commissaires sont nommés "pour assurer à la République la possession de ces objets précieux et remédier autant que possible aux ravages des dégradations…". C'est Jacques Cambry qui est nommé pour le Finistère. Sur les 123 000 volumes qu'il a recensés dans le département, 26 000 sont localisés à Brest. En l'an III, la Convention crée par un décret le dépôt de Brest. Les livres sont alors ventilés entre la Marine (bibliothèque du port) et la ville. On assiste alors à un éparpillement du fonds. Toujours en l'an III, une école centrale du Finistère fut créée ; 638 volumes furent prélevés pour y monter une bibliothèque. En 1801, l'abbé Bechennec, responsable du dépôt de Brest, fut autorisé par le maire, Monsieur Pouliquen, à prendre 22 volumes pour lui tenir lieu d’appointements. En 1802 les biens confisqués sont confiés à la municipalité, puis au fil des ans, le fonds s'enrichit des dons et d’achats effectués par la Ville). 

— Le chevalier de Fréminville indique en note au sujet de la collection d'histoire naturelle de l'abbé Béchennec  : "Le coquillier de Mr l'abbé Béchence (sic) était en effet très beau, mais il a été dispersé après sa mort. Brest possède aujourd'hui deux riches collections de coquilles classées avec intelligence et dignes d'être citées sous tous les rapports. Ce sont celles de feu M. le colonel Kindelan, et celle de son beau-frère M. Riou-Kerhalet, négociant de cette ville". Le colonel Ferdinand Gusman de Kindelan décéda à Brest en 1837, à l’âge de 45 ans. Ce baron espagnol fils d’un général allié à Napoléon avait épousé en 1823 la fille d’un riche négociant et armateur de Brest, Jean-François Riou-Kerhalet. Sa belle chapelle funéraire est visible au cimetière Saint-Martin de Brest.

** Louis-Nicolas Guillemard : né à Rouen, ce secrétaire de l'intendance de la marine à Brest  est aussi poète, et a traduit de l'anglais la tragédie en V actes d'Addisson Caton d'Utique. On lui attribue aussi l'Odyssée ultramontaine (1791), le Dervis et le Loup (1795) et Epître d'un père à son fils prisonnier en Angleterre (1802).

1c. Le commentaire du chevalier de Fréminville sur le Musée d'histoire naturelle en 1836.

 Dans le Voyage dans le Finistère de Cambry édité et annoté par Fréminville, celui-ci indique, en note n°39 : "Le cabinet d'histoire naturelle , dont le local était joint à ce jardin, devrait être un des plus riches de France, en raison du grand nombre d'objets qui y ont été donnés par des officiers de marine et des officiers de santé du même service, au retour de leurs campagnes lointaines. Mais toujours mal soigné, mal classé, négligé, faute d'avoir été mis sous la direction d'un naturaliste  entendu, ce cabinet a été souvent dilapidé et il n'y reste guère que ce qu'on n'a pas voulu en emporter. Un tel désordre a dégoûté ceux qui se plaisaient à l'enrichir, dans l'intérêt public, et depuis longtemps les navigateurs préfèrent garder pour eux  les collections recueillies dans leurs voyages, plutôt que de les livrer à un pillage révoltant. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas à Brest un professeur de zoologie et d'anatomie comparée, qui serait en même temps spécialement chargé du classement et de la surveillance du cabinet d'histoire naturelle ?Il n'y a qu'un professeur d'histoire naturelle médicale, dont les fonctions se bornent uniquement à faire, tant bien que mal, pendant deux ou trois mois de l'année, un cours de botanique".  Ce point de vue sera repris par Besnou en 1868, qui parle d'une "quasi-spoliation légalisée" par le Muséum entre 1820 et 1833 : cf infra.

2. Description par Prosper Levot en 1865.

 Histoire de la ville et du port de Brest, volume 2 :

   "Au jardin est annexé un musée où la botanique, la zoologie et la minéralogie sont représentées. La galerie consacrée à la botanique contient une riche collection d'échantillons bien choisis des divers organes des végétaux, ce qui permet d'étudier en tout temps la morphologie végétale. Elle possède, en outre, un immense herbier où l'on trouve non seulement les plantes d'Europe, mais encore celles des principales parties du monde, recueillies par les médecins et les pharmaciens de la marine dans leurs laborieuses navigations.

  La collection zoologique a été commencée pendant l'hiver de 1788 à 1789. Les grands froids de cet hiver avait amené aux environs de Brest beaucoup d'espèces d'oiseaux qu'on n'y observe qu'à de longs intervalles, telles que les outardes, les cygnes, les spatules, plusieurs espèces de canards, des hurles, etc. Ce fut l'apparition de ces oiseaux qui suggéra à MM. Dubreuil, premier médecin en chef, et Billard, premier chirurgien en chef, la pensée de créer une collection. Mais les moyens imparfaits de taxidermie qu'on employa n'assurèrent pas une longue conservation aux individus primitivement rassemblés, et il n'en reste qu'une grande outarde en fort mauvais état. Pendant plusieurs années, une seule salle contint ce commencement de collection ; c'est celle qui forme l'entrée du musée. A la paix, les nombreux voyages que firent nos bâtiments dans les diverses parties du monde enrichirent le musée, par suite des dons des officiers de santé et de vaisseau. En 1824, on ajouta une seconde salle que rendirent bientôt insuffisantes les envois du muséum de Paris et les offrandes privées. Lors de la construction de l'hôpital, deux galeries nouvelles furent établies. Dès qu'elles furent prises, M. Léonard, pharmacien professeur, chargé alors du musée (1834) demanda à M. Foullioy, président du conseil de santé, le concours de plusieurs personnes pour le classement des collections. M. Crouan, aîné, pharmacien civil et naturaliste des plus distingués, se chargea de la détermination des mollusques, et Paugam, actuellement jardinier botaniste en chef, de celles des mammifères, des oiseaux, des reptiles et des poissons ; M. Langonné, pharmacien de la marine, disposa les échantillons de minéralogie, formant le noyau alors restreint de la belle collection actuelle. En 1843 , M. Ad.Vincent, pharmacien professeur, conçut un projet d'installation des galeries de botanique, de minéralogie,et de géologie. Ce projet, approuvé par M. Foullioy, fut réalisé sous la direction de son auteur, par MM. Ed Vincent et G. Cuzent, pharmaciens de la marine, après deux années de travaux préparatoires. Là ne s'est pas bornée la sollicitude de M. Ad. Vincent pour le musée. Par ses dons personnels comme par sa vigilante attention à procurer de judicieuses acquisitions, , il est, à bien dire, le créateur de la collection de minéralogie et de géologie qui, avant lui, se bornait à quelques échantillons contenus dans une montre. En 1858, les galeries avaient besoin d'urgentes réparations. Le temps et l'humidité avaient détérioré un grand nombre d'individus des collections zoologiques. M. Lefèvre, directeur du service de santé, ayant obtenu les réparations nécessaires, toutes les collections furent classées à nouveau par les soins de M. Courbon, alors chirurgien de 2ème classe, sous la direction de M. Leroy de Méricourt, médecin professeur, chargé du musée de zoologie.

Le musée comprend quatre salles. La première contient, outre des curiosités exotiques de différentes nations, une collection d'insectes, peu nombreuse, mais bien classée. La seconde, qui est la plus grande, renferme les oiseaux, les reptiles, les poissons et les mollusques. La troisième est consacrée à la minéralogie, à la géologie et à la botanique.

En 1863, l'accroissement des collections a déterminé le ministère à en charger un conservateur, et M. Ed Brousmiche, ancien chirurgien principal de la marine, a été nommé à ces fonctions."

 

 

 

3. Inventaire du Musée d'histoire naturelle de Brest en 1808. 

Il s'agit, tel que le mentionne le pharmacien Besnou en 1868, de l' Inventaire de 1808 par Broca, pharmacien de marine à Brest. (Pharmacien de 1ère classe en 1827, et alors en poste à Fort Royal).

  • Pièces anatomiques diverses : 14.
  • Mammifères : 48 (espèces ?).
  • Oiseaux : 283.
  • Amphibies : 24.
  • Poissons : 30.
  • Testacés (31 genres, 2097 échantillons) : 229.
  • Crustacés : 11.
  • Insectes « Collection nombreuse ».
  • Zoophytes : 17.
  • Antipates : 17.
  • Gorgones : 29.
  • Madrépores : 30.
  • Nullipores : 8.
  • Éponges : 15.
  • Objets dans l'alcool : 26.
  • Nids et œufs : 19.
  • Fruits de l'Asie et de l'Amérique : 32.
  • Collection de bois : 67.
  • Échantillons de minéralogie : 282.
  • Objets d'ornements, ustensiles, armes : 52.

Total : 1334, « non compris les insectes et papillons espèces, sans compter les doubles ».

Le musée, écrit L. Besnou, "continua à s'enrichir, de nouveautés et de raretés, à tel point qu'en 1817 l'inventaire s'en élevait à plus de 2000 espèces. A deux reprises différentes, la réputation dont il jouissait attira l'inspection de naturalistes et de savants de Paris, à la suite de laquelle (de 1820 à 1832 ou 1833), il fallut concéder pour les établissements de la capitale des sujets rares ou précieux que les savants commissaires avaient le plus remarqués. Après cette quasi-spoliation légalisée, le zèle des donateurs se ralentit. Mais grâce à un subterfuge, on est parvenu, depuis une vingtaine d'années [donc vers 1848] à réchauffer le zèle, et les dons affluent chaque jour. Voici comment on s'y est pris pour se mettre à l'abri des inspections : un tableau des donateurs est affiché dans l'une des salles, et, dans les vitrines ou armoires, chaque objet porte avec son étiquette le nom du donateur, de telle sorte que l'objet n'est considéré que comme mis en dépôt par le donateur. L'on se croit ainsi à l'abri de convoitises nouvelles ou de cessions forcées dans l'avenir."

 

 

 

 

4. Enrichissement des collections du Musée en 1817 au retour de campagne de l'Euryale.

 Collections décrites par Vincent  comme chirurgien sur la corvette l'Euryale commandée par le capitaine Fleuriau, de retour de sa campagne aux Antilles. 

Annales maritimes et coloniales année 1817 volume 2 pp 317-319 : N° 65. NOTE sur divers objets d'histoire naturelle, apportés récemment au Jardin royal des plantes à Brest.

   " Dans l'enceinte du jardin royal des plantes, au port de Brest, on a aussi commencé à former un cabinet de zoologie, qui déjà renferme un assez grand nombre d'individus des diverses familles du règne animal. Cette collection devient chaque jour plus nombreuse par les soins des marins en général, et plus particulièrement par ceux des chirurgiens de la marine, qui se font un devoir d'y déposer les objets curieux et instructifs qu'ils se sont procurés dans le cours de leurs campagnes.

"M. Vincent, chirurgien de la corvette du Roi l'Euryale, commandée par M. le capitaine Fleuriau, a récemment apporté de la Martinique des oiseaux , des vers, des graines, etc... que la collection de la marine ne connaissait pas encore. De ces différents objets nous citerons seulement :

  • L'ANI DES SAVANNES, Crotophaga Ani (Linné), oiseau grimpeur et entomophage qui habite les Antilles, et particulièrement les hautes régions de la Solfatare de la Guadeloupe.(image Wikipédia)Description de cette image, également commentée ci-après

 

  • LE COHÉ ou ENGOULEVENT à lunettes, Caprimulgus Americanus, oiseau nocturne qu'on regarde dans l'archipel des Antilles comme de mauvais présage, opinion vulgaire qu'ont fait naître ses formes et ses mœurs qui se rapprochent de celles du chat-huant. Il ne sort de son trou que vers le crépuscule et fait entendre alors un cri rauque et lugubre. Les pêcheurs croient qu'il annonce la tempête et le naufrage, et ils donnent aussi le nom de Cohé, qui vient des Caraïbes, à certains endroits des côtes où les pirogues courent quelques dangers : telle est l'entrée du Lamentin, dans la baie du Fort-Royal de la Martinique.[Chordeiles minor  Forster,1771 ] ChoMinS_001.jpg

 

  • LE TAMATIA, Bucco Tamatia (Linné). [ Tamatia tacheté Bucco tamatia Gmelin 1788] Description de cette image, également commentée ci-après

 

  • Le TYRAN ou TITIRY, Lanius tyrannus Linné, c'est la pie-grièche des Antilles. [C'est actuellement le Tyran Tritri, tyrannus tyrannus Linné 1758, 220px-Tyrannus-tyrannus-001.jpg

 

  • UN LOXIA qu'on croit être le Loxia indicator, espèce nouvelle décrite par Moreau de Jonnès. [ in Journal de médecine, chirurgie, pharmacie, Volume 36, 1816, page 356 :  le Cici de la Martinique, sorte de bruant vert-olive]
  • L'ANOLYS, Anolius striatus (Baudin), espèce de lézard.
  • LA GRANDE VIPÈRE FER-DE-LANCE, Vipera lanceolata (Lacépède), Trigonocephalus lanceolatus (Moreau de Jonnès).Bothrops lanceolatus (Bonnaterre, 1790)]  

Si ces animaux n'ont pas le mérite d'être nouveaux ou très rares, ils sont néanmoins peu connus, et doivent rentrer dans une collection qui, par les mêmes moyens, peut devenir, en quelques années, assez considérable et assez riche pour exciter l'intérêt des naturalistes, et pour concourir avec les autres monuments qui décorent le port de Brest, à embellir de plus en plus ce magnifique entrepôt d'une des parties les plus essentielles de la force publique, et de la puissance du monarque."

 

 

5. Enrichissement des collections du Musée en 1818 au retour de campagne de la Cybèle. 

 La  Nomenclature des objets d'histoire naturelle recueillis, préparés et conservés par les soins de M. le Dr Huet,  chirurgien- major de la frégate la Cybèle commandée par M. de Kergariou, capitaine de vaisseau, et déposés dans le cabinet du Jardin royal des plantes à Brest parue dans les Annales maritimes et coloniales de 1819 (autre titre : Observations faites de 1816 à 1818, par CV De Kergariou, commandant de la frégate du Roi, la Cybèle, durant sa navigation dans les mers des Indes et de la chine, côte méridionale de l’île d’Haïnan, île Montanha, îles de Taya, de Tinosa, du Tigre, baie de Gaalong.) est un document extrêmement précieux car c'est l'une des rares sources (avec la liste du Golo) précisant avec exactitude l'identification des espèces rapportées, et que le musée va conserver.

Cette campagne avait été ordonnée pour appuyer les armateurs français dans leurs efforts d'expansion commerciale en Extrême-Orient : le Capitaine de Vaisseau Achille de Kergariou était chargé de montrer le pavillon français, et de porter des cadeaux de Louis-Philippe à Gia-Liong, qui avait pris le pouvoir au Vietnam en 1802 et établi la capitale du pays unifié en la cité impériale de Hué. Partie de Brest le 16 mars 1817, la frégate gagna Pondichéry, Malacca, Manille et Macao, et enfin Tourane (près de Hué) pour y séjourner du 30 décembre 1817 au 22 janvier 1818. Hélas, Kergariou ne put obtenir une audience avec Gia-Long. A défaut de succès diplomatique et commercial, il rapporta des renseignements géographiques et économiques sur la Cochinchine et l'Extrême-Orient. (La mission de la Cybèle en Extrême-Orient, 1817-1818: journal de voyage du capitaine A.de Kergariou , E. Champion 1914, 248 pages, en ligne Gallica)

L'auteur est le chirurgien-major (Jean) Huet.

La liste étant passionnante, essentielle, mais longue, je me contenterai d'en donner le récapitulatif des 900 objets, en renvoyant pour le détail au lien suivant : Annales maritimes et coloniales 1819.

 

  • Quadrupèdes : 7 espèces.
  • Oiseaux : 119.
  • Nids d'ingénieurs : 13.
  • Reptiles : 9.
  • Poissons : 18.
  • Coquilles : 423.
  • Insectes : 251.
  • Crustacés : 7 espèces.
  • Pièces fossiles d'un crustacé : 9.
  • Zoophytes : 8 espèces.
  • Morceaux de bois fossiles : 4.
  • Graines : 26.
  • Échantillons de marbres : 3
  • Dent molaire d'éléphant : 1,
  • sans oublier une paire de pantoufles chinoises et un parasol chinois.

L'auteur signale dans cette liste les espèces remarquables suivantes que le muséum de Brest ne possédait pas:

  • Le singe douc. Celui ramené par la Cybèle mesure 3 pieds 2 pouces. Le singe  douc, ou douc à pattes grises (Pygathrix nemaneus) est un singe que l'on ne trouve qu'au Vietnam et au Laos. (image Wikipédia)
  •  290px-Red-shanked_Douc_at_the_Philadelph

 

 

  • La colombe à coup de poignard.
  • La colombe verte.

 

  • L'oiseau de paradis. [Paradisier]                               Paradisiers

 

  • Deux Loris (perroquets),
  • Une pie-grièche rouge et noire,
  • Un gros-bec dit Calfat, et trois du même genre. Gros-bec Padda :1 par Roussin (Source)cardinal_roussin001.jpg
  • Un caméléon bifide,
  • Un serpent python "de vingt pieds de long, et assez bien conservé",
  • Un serpent d'eau d'une espèce très rare,
  • dans les Crustacés, deux marteaux blancs,

En outre M. Huet signale d'autres espèces moins rares, mais que Brest ne possédait pas :

  • Quatre écureuils palmistes [ Écureuil d'Ebi, Écureuil des palmiers ; L'Écureuil palmiste (Epixerus ebii) est un écureuil que l'on trouve au Ghana, en Guinée, en Côte d'Ivoire, au Libéria, en Sierra Leone.]   Image http://www.planet-mammiferes.org
    EpixEbi1.jpg

 

  • Un chat-tigre, [Oncille (Leopardus tigrinus)] image :http://touslesfelins.free.fr/oncille.htm                 oncille.jpg

     

  • Un albatros, des corbeaux, des mainates, une (sic) coq des bois, une caille de Manille,
  • une espèce de tortue que Brest ne possédait pas,
  • un tupinambis, 
  • parmi les poissons, un pégase, deux anthias, un suchet,
  • parmi les coquilles, deux casques, assortis; Deux peignes rares et estimés ;
  • dans les insectes et papillons, plusieurs espèces que le port ne possédait pas.

 

 

 

      6. Enrichissement des collections au retour de campagne de la flûte Le Golo, 1819.


Nomenclature des Objets d'histoire naturelle recueillis, préparés et conservés par les soins de M. le Docteur FOUILLOY, Chirurgien-major de la flûte LE GOLO,, commandée par M. le Baron DE MACKAU, Capitaine de frégate, et déposés dans le cabinet du Jardin royal des plantes à Brest.

 

 n.b : Fouilloy était assisté du chirurgien en second Cornus. De Mackau, appelé en 1818, au commandement de la corvette Le Golo, quitta Brest le 23 mai 1818, "portant à sa destination M. Milius commandant et administrateur pour le roi de l’île Bourbon" se porta aux îles du cap Vert, au cap de Bonne-Espérance, à Madagascar, à Cayenne, aux Antilles françaises et à la Jamaïque . Chargé d'exécuter des travaux hydrographiques et de recueillir des renseignements sur les nouveaux états de l'Amérique méridionale et de l'ancienne colonie de Saint-Domingue, , il explora la côte de Madagascar. Il rentra à Brest le 13 juin 1819.

Liste détaillée en ligne sur google books

  • Mammifères : 13 spécimens (dont 4 makis, 2 mangoustes, 1 fourmillier, 1 stérope)
  • Oiseaux : 168  (dont perroquet noir, promerops, touraco, todier organiste, guépier vert, albatros, frégate, manchot).
  • Amphibiens : 1 (desséché).
  • Boa devin (1), tupinambis ou cordyles (2) : 3 animaux empaillés (cordyle sauve-garde ; cordyle cordyle ; cordyle à deux carènes).
  • Reptiles : 12 animaux conservés dans l'alcool (lézards, stellion, iguane, couleuvre, gecko ; scinque algire ;  caméléons cornus ou bifides) .
  • Squelettes de caméléons : 3 .
  • Mollusques : 1 calmar.
  • Coquilles : 162 .
  • Insectes : 120 spécimens, dont 5 papillons.

TOTAL : 483 pièces.

  • Humérus, Cubitus, radius et première cervicale de baleine.
  • Crâne malgache.
  • Squelette d'agami crepitans.(agami trompette, Amazonie)Description de cette image, également commentée ci-après
  • Griffe d'aigle.
  • Substances végétales : 22. (Feuilles de l'hydrogeson fenestralis, Cannelle, vanille, muscade sauvage, muscade du Para, résine du Comnier, noix de Tonquin, féve de Tonquin ; Résines d'acajou oriental, de spondias, de l'hymenea [courbaril], ; Fruit d'Ouapa, encens de Cayenne, écorce du mimosa bourgoni, girofle, écorce de giroflea surinamensis, plantes aquatiques, graines de bibace, fruit et fleur de l'asclepias de Nouvelle-Guinée, coton jaune, bouteille contenant du lait de caoutchouc, un régime de raphia)
  • Substances minérales : 5.
  • Instruments de musique : une lyre malgache ; un violon malgache.
  • Armes ; une sagaie.

 

7. Inventaire du Musée de Brest en 1868.

Brest par Monsieur Besnou, ancien pharmacien en chef de la marine:  Annuaire des sociétés savantes de France et des congrès scientifiques 1870  page 306-311.

  Depuis le décret de 1862 organisant le corps des officiers de santé de la marine, un conservateur a été nommé : si le  professeur d'histoire naturelle est chargé de la surveillance du musée, l'installation et la conservation des collections relève d'un conservateur, qui est, cette année là, le docteur Brousmiche. Celui-ci fait appel à des collaborateurs spécialisés dans les collections de minéralogie, paléontologie ou géologie, comme le pharmacien Langonné.

   Le musée possède alors plus de dix mille objets « parfaitement classés, étiquetés avec détail et le plus grand soin, pour en faciliter l'étude et propager le goût de l'histoire naturelle ».

ZOOLOGIE.

  • Mammifères (suivant Cuvier) : 250 espèces.
  • Oiseaux (d'après Orbigny) : 950 espèces.
  • Reptiles (Duméril) : 290 espèces.
  • Poissons (Valenciennes) : 280 espèces.
  • Insectes ( comte Dejean) : 1600 espèces.
  • Crustacés (Milne Edwards) : 225 espèces.
  • Mollusques (Lemark) : 2400 espèces.
  • Zoophytes et tuniciers (Desjardin) : 222 espèces.
  • Nids et œufs : 150 espèces appartenant presque tous aux espèces du pays.

 

MINERALOGIE.

  • Paléontologie (d'Orbigny) : 500 échantillons.
  • Géologie (Coquand) : 400 échantillons.
  • Minéralogie  (Dufresnoy) : 1600 échantillons.
  • Roches finistériennes, collection très riche.
  • Types de cristallographie nombreux.

 

OBJETS DIVERS (ETHNOGRAPHIE).

  • Armes, ustensiles, parures : plus de 300.

8. Les singes anthropomorphes du Musée, mensurations par Armand Corre (1882).

CORRE (Armand), "Quelques mensurations de crânes chez des singes anthropomorphes", Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris 1882- Page 392-397.

 

L'article débute ainsi "J'ai l'honneur de communiquer à la Société le résultat de quelques mensurations extérieures, pratiquées sur quatre crânes de gorilles et un crâne de chimpanzé du musée d'histoire naturelle de Brest." et donne les mensurations des crânes de :

  • deux gorilles mâles, parvenus à leur complet développement".
  • un gorille femelle adulte,
  • une espèce particulière, que le défaut d'ouvrages ne me permets pas de déterminer".
  • un chimpanzé adulte.

 

9. Ostéologie de cétacés et tête d'une Baleine australe, 1868 et 1880.

Cette tête est mentionnée page 37 de l' Ostéographie des Cétacés vivants et fossiles de Beneden et Gervais, Paris, A. Bertrand (1880) : "Les musées qui conservent des restes de Balaena Australis sont [...] 4° Une tête sciée transversalement et deux paires de mandibules sont conservées au Musée d'histoire naturelle de Brest".

 On la trouve aussi mentionnée dans la liste publiée par P.J. Van Beneden, « Les squelettes de cétacés et les musées qui les renferment » Bulletin de l' Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique 37è année, 2ème série, T. XXV., Bruxelles 1868 p. 95.

"Brest.

Balaena australis. Tête.

Pterobalaena rostrata. Rostre avec fanons en p)lace.

Kyphobalaena du Cap. Vertèbres et bras.

Physeter macrocephale. Maxillaire ninférieur, jeune.

Delphinus tursio. Squelette.

Pseudorca ? Tête.

Delphinus rostratus. Tête.

Delphinus dubius. Tête.

Delphinus delphis. Tête."

 

10. Bulletin du Muséum, 1901.

 

Le Bulletin du Muséum, vol. 7 de 1901 page 360, dans un article sur le Jade ascine de Nouvelle-Calédonie  signale ceci : "L'hôpital maritime de Brest, dans une collection créée et alimentée par MM. les officiers du corps de santé de l'armée de mer, avait, eu 1878, quelques spécimens taillés d'une variété compacte de jade calédonien d'un vert olive très foncé (hache canaques)"

11. Inventaire de 1908 dans la revue L'Homme Préhistorique.

Revue L'Homme Préhistorique, Revue mensuelle illustrée d'archéologie et d'anthropologie préhistoriques Mai 1908 page 160.

 "Musées départementaux.

Musée d'histoire naturelle, à l'hôpital maritime (Cons. Léonard). Ce musée, très riche, est malheureusement peu connu ; il contient une des plus belles séries ethnographiques françaises remontant à une époque déjà lointaine.

Zoologie : Bonne collection d'étude ; riche déjà en reptiles.

Ethnographie : Afrique, Chine, Japon, Indes, Alaska, Nouvelle Calédonie, Fidji, Salomon, Samoa, Australie, Nouvelle-Zélande, marquises, Nouvelles-Hébrides, (idoles en tronc de fougères arborescentes, Dr Jenevin*), Taïti (vêtement de fête de la reine Pomaré, contre-amiral Penhoät*) ; vêtements de fête de vahinés ; proue sculptée d'une pirogue, Dr Brousmiche, etc.

Préhistorique.

— Jardin botanique, à l'Hôpital maritime.

— Musée d'anatomie, à l'Hôpital maritime (Cons. : Condé).

 —Musée, à l'Arsenal."

* Dr Jenevin, médecin de la marine à Brest, en poste au Sénégal en 1872. Il figure ensuite  parmi l'État-major de La Vire en 1874 comme médecin de 2ème classe sous le commandement de Jacquemart dans le cadre de la mission dit du Passage de Vénus à l'île Campbell (Nouvelle-Zélande) et en rendit compte dans les Archives de Médecine navale 1875 n° 23 : Passage de vénus. Mission de la vire à l'île Campbell. Par H. Jenevin... / Conditions géographiques, Hydrologie, Végétation, Faune, Climatologie, Pathologie. Les poteaux de case en fougère arborescente et les éffigies sont bien connues des oceanistes :Jean Guiart  "Les effigies religieuses des Nouvelles-Hébrides" Journal de la Société des océanistes 1949 Volume 5 pp. 51-86  

** Jérome-Hyacinthe Penhoat (Roscoff, 1812-Paris 1882) était Major général à Brest en août 1864. Promu contre-amiral, il  prit en novembre 1866 le commandement de la Division navale du Pacifique avec pavillon sur la corvette cuirassée La Belliqueuse, premier bâtiment de ce type à partir en campagne lointaine. Il gagna le Pacifique par le cap Horn, effectua en avril 1869 une mission au Japon et rentra en France par l’océan Indien en bouclant ainsi un tour du monde qui démontra la bonne endurance des bâtiments cuirassés." (fr.scribd.com/doc/50399/Amiral-Penhoat-ne-a-Roscoff-1812‎). Le passage à Tahiti de Penhoat daterait donc de 1869-70, alors que la reine Pomaré IV s'était soumise au protectorat français.

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      Portrait de la reine Pomare IV peint par Charles Giraud, 1851 : RMN-Grand Palais, Musée du Quai Branly 

 

 

 

      12. Extrait du rapport d'inspection générale du Médecin Général Jules Rochard en 1876.

     J'accorde de l'importance à ce document notamment parce que c'est le seul qui me procure l'emplacement qu'occupait le Musée : dans la cour Crevaux (Cour du Conseil de Santé), au premier étage, et donc par déduction au dessus de la salle du Conseil de Santé. C'est dans le même bâtiment que se trouvait la bibliothèque, sans-doute au troisième étage.

plan hôpital marine brest 1866 détail-copie-1

 

    "Les collections de zoologie, de minéralogie, de géologie et de botanique occupent presque tout le premier étage d'un des bâtiments qui forment la cour d'entrée. Des galeries spacieuses, bien disposées, renferment les collections les plus riches et les plus complètes de nos écoles. Elles sont bien classées et bien entretenues, mais l'humidité du climat détériore rapidement les pièces et nécessite des soins constants. 

  Un seul gardien est affecté à ce service et il ne suffit point à entretenir dans un état convenable de propreté des salles aussi vastes et des vitrines aussi nombreuses. Il serait à désirer qu'un journalier lui fût adjoint au moins pendant deux jours de la semaine. La demande en a été faite par le directeur du Service de santé et appuyée par le préfet, mais elle a été repoussée parce que Brest est le seul port qui se soit plaint de l'insuffisance de son gardien.

  Or, les collections réunies de Rochefort et de Toulon n'égalent pas l'importance de celles de Brest. Les objets d'histoire naturelle s'y conservent d'eux-même, et à Brest il faut s'en occuper sans cesse. Enfin, les galeries d'histoire naturelle sont, ainsi que le jardin botanique, ouvertes au public tous les jeudis pendant l'été. C'est un but de promenade et un objet de distraction pour une ville qui n'en a guère ; aussi la foule y afflue-t-elle au grand détriment de la propreté des tapis et du parquet qu'il faut nettoyer à fond le lendemain."

 

  Un rapport d'inspection du même auteur date de 1878 :

  "L'École de Brest est favorisée entre toutes par l'importance de ses collections, et la variété des sujets d'étude que lui assure son grand mouvement de malades.

  Les collections et les musées n'ont pas subi de changement. Les collections sont toujours entretenues, avec le même zèle et le même talent, par le conservateur M. Brousmiche, et c'est toujours avec la même peine qu'il parvient à maintenir l'ordre et la propreté [...] Les instruments historiques, qui constituent une collection scientifique de premier ordre, sont restés dans les vitrines qu'ils occupaient sous la surveillance du conservateur du musée. Les instruments en service courant ont été rangés dans des armoires qu'on a installées dans la pièce principale du logement du médecin résident. On en a dressé le catalogue et il en a pris charge." 

 

13. Le témoignage de Louis Charpentier (Revue maritime 1927).

 

   "Au delà des plates-bandes , une charmille de gros arbres protégeait l'eau calme et limpide d'un petit bassin, tandis qu'une haie de fuchsias et de camélias précédait l'entrée d'un petit musée. L'étonnement ne s'y pouvait plus contenir dès qu'apparaissaient tant de richesses scientifiques, tant de trésors que personne ne gardait, que rien n'annonçait. Et l'impressionnant silence qui régnait en ces petites salles invitait mieux que quiconque au respect des collections. Il semblait que l'esprit de tous ceux qui avaient concouru à les former flottait partout dans la pénombre, guidant nos pas, attirant nos regards, et attisant nos pensées. Dans le jour doux et tendre, brillait l'or fané des papillons exotiques, les couleurs toujours vives des oiseaux, et la laque ternie des étiquettes, rappelant toutes, orgueilleusement, les multiples souvenirs d'un grand passé. : ...Campagne de la Cybèle, 1817...Campagne de l'Astrolabe, 1826...puis d'autres noms également célèbres, Le Géographe...Campagne de 1800. Les formes les plus étranges, les teintes les plus variées s'unissaient pour révéler derrière les vitrines tout un monde inconnu de mammifères, d'oiseaux, de poissons, de coquillages, tout un arsenal insoupçonné d'armes, de vêtements, de livres et d'objets de toute nature.

14. Le récit du médecin-principal Charles Laurent en 1963.

       " Ils ne sont plus, hélas, qu'un mélancolique souvenir pour ceux qui les ont connus, et les nouvelles générations ignorent même qu'ils ont existé. Mais ils sont restés bien présents à la mémoire de ceux qu‎'y menaient leurs promenades d'enfants. 

Ils étaient deux, mais les visiteurs n'étaient admis que dans un seul, celui qui se trouvait dans l'enceinte de l'Hôpital. Il était ouvert une ou deux fois par semaine, et on y accédait par la grande porte du Jardin Botanique, rue Lannouron. Un jardin délicieux, planté dans un rempli des vieux remparts de Vauban, enclos de grands murs et disposés en trois terrasses ; la plus haute était dominée par ce que les enfants appelaient pompeusement le labyrinthe, et qui n'était qu'un sentier en spirale montant sur une butte et menant à un petit kiosque ombragé de beaux arbres dont un gingko biloba dont le nom nous amusait autant que la forme curieuse de ses feuilles. Il y avait plusieurs pièces d'eau ; dans l'une d'elles s'était noyé un jeune garçon et on nous mettait en garde contre ses dangers ; tout à coté, un petit cours d'eau sur lequel passait un pont rustique ombragé de hauts bambous aboutissait aux bacs des plantes aquatiques . Partout des fleurs, partout des grands arbres : nous savions que parmi eux se trouvaient des espèces extrêmement rares en Europe, mais notre science n'allait pas jusqu'à savoir lesquelles. Les plates-bandes où se cultivaient autrefois les « simples » destinées aux soins des malades étaient encore ceinturées de leurs buis. Tout en bas, deux énormes serres étaient adossées au mur d'enceinte, une chaude et une froide, où poussaient des plantes exotiques dans une odeur moite de terre humide : des fougères, des orchidées, et au centre un grand bananier qui menaçait de percer la voûte de verre. Dans ma petite enfance j'y avais vu un singe, mais on avait dû s'en séparer parce que, paraît-il, il mordait les visiteurs.»

 

«  Du jardin, on allait au Musée, enchantement pour nos yeux, nous livrant tous les trésors des pays exotiques : cinq salles remplies de souvenirs des campagnes lointaines, curiosités d'ethnologie ou d'histoire naturelle. Le point de départ en avait été les collections saisies chez les émigrés, mais il s'était considérablement augmenté au cours des ans. Au temps de la marine à voile,n les campagnes pouvaient atteindre sept ou huit ans d'absence ; les escales étaient longues et, pour les occuper, les marins d'autrefois avaient tous un violon d'Ingres. Quel que fut le corps auquel ils appartenaient, quel que fut leur grade, la plupart s'intéressaient aux sciences naturelles et formaient une collection d'insectes ou de coquillages, de pierres ou d'oiseaux. On m'a parlé de l'un d'eux dont la spécialité était de recueillir lui-même et de demander à tous ses camarades des petits sacs de sable ramassés dans chacune de leurs escales . Et il passait sa vie à trier ces sables venus de tous les coins du monde, pour y chercher de minuscules coquillages (1). […] Les enrichissements du Musée venaient de sources moins impures, comme en témoignait la longue liste des donateurs écrite sur un tableau. Les marins sont, par définition, des gens instables et errants. Peu d'entre eux possédaient dans Brest, qui était une ville d'appartements en location et non d'hôtels particuliers , les greniers familiaux où chaque génération peut déposer les souvenirs de la précédente. Quand l'un d'eux mourait, les héritiers ne pouvaient conserver ces encombrantes collections, et, s'ils ne les vendaient pas ou ne les faisaient vendre à la « Foire aux Puces » de la place de la Liberté, ils les offraient au Musée. Le nouveau Brest est d'ailleurs bâti sur le même type, sauf qu'il n'y a plus de Foire aux Puces, ni de grenier pour la fournir, ni d'ailleurs de collectionneurs de coquillages pour emplir les greniers.

Peu à peu les vitrines s'emplissaient et débordaient au gré des décès et des dons ; la dernière entrée, peu avant la dernière guerre, fut, si je ne m'abuse, celle d'un fou de Bassan. Leur importance était grande et bien connue des spécialistes, aussi recevaient-elles les visites des savants du monde entier.

Mais si nous n'étions pas des savants, nos yeux ne s'émerveillaient pas moins devant les trésors qu'on nous montrait : des momies dans leurs sarcophages couverts d'inscriptions incompréhensibles, un kaiak esquimau, une anguille pêchée à Kerhuon et qui vécut quarante ans dans un aquarium ; elle avait pour voisine des axolotls rosâtres et nus, aveugles venus de quelque grotte de l'Amérique Centrale, et qui se traînaient lentement d'une pierre à l'autre. Plus loin, une procession annamite, des bouddhas, un morceau de pain, souvenir du siège de Paris en 1871, des balafons, des idoles en fougères arborescentes. Puis des lions empaillés, un peu rapés parce que les petits visiteurs les prenaient comme montures, encadrant l'énorme squelette d'un gorille, tué, si j'ai bonne mémoire, par l'amiral Réveillère. Plus loin, des vitrines combles d'oiseaux naturalisés, de papillons et de coléoptères aux couleurs splendides, de pierres merveilleuses, de crustacés, de coquilles de toutes tailles et de toutes formes. Au plafond, des serpents, des tortues marines . Une vitrine contenait un mannequin revêtu d'une robe de la reine Pomaré, en fines lanières végétales disposées en couche épaisses et drapées à la mode du second empire, avec un petit chapeau de même matière dans le style de ceux de l'impératrice Eugénie : on est loin du légendaire tuyau de pipe que lui accorde généreusement la chanson.

Mais nous étions peut-être encore plus impressionnés par de longues vitrines garnies de bustes de plâtre blanc, rangés comme pour une dernière inspection, aux têtes rasées et figées, moulage qu'un médecin disciple de Gall avait pris au temps de Louis-Philippe sur tous les cadavres de forçats qui défilèrent à l'amphithéâtre.

Lorsque je revins à Brest en 1945, après sept ans d'absence, tout avait brûlé. Restaient seulement deux à trois caisses contenant quelques vestiges d'ethnologie polynésienne ou dahoméenne. La belle robe de la reine Pomaré avait flambé comme les oiseaux de paradis, comme les colibris. Je fis tamiser les déblais tombés au rez-de-chaussée, mais on ne récupéra que quelques haches préhistoriques. Lorsque je demandais au second maître chargé des travaux si l'on avait conservé quelques-uns des moulages, il me répondit après mûre réflexion et un bon accent brestois : « Ah, vous voulez parler des médecins généraux ! Eh bien, ils ont tous disparu. ». "

(1). Ce savant qui demandait aux naturalistes de collecter des échantillons de sable coquillier  n'est autre qu'Arthur Bavay, qui passa les dernières années de sa vie à trier les minuscules coquillages, au laboratoire de Malachologie du Muséum de Paris.   

15. Le récit du docteur Robert Bellec en 1977.

       " Notre visite commençait, presque rituellement, par le petit musée édifié en contre-bas, dans l'Ouest du jardin. Obéissant à une simple et claire injonction apposée sur le perron d'entrée, mon père insérait sa canne, ma mère son ombrelle, dans les orifices numérotés d'un caillebotis prévu à cet effet.[...]

  Le fond des collections provenait d'échantillons curieux des trois règnes de la Nature, et de témoins anthropologique rapportés des cinq continents par de longues générations de Médecins de marine et d'Officiers de vaisseaux. L'hôpital maritime et le laboratoire d'anatomie de l'École-Annexe de Médecine navale y avaient aussi apporté leur contribution.

[...] On y trouvait un pêle-mêle un peu naïf, un capharnaüm sans façon, sans pédantisme mais non sans charme, où chacun pouvait trouver pâture selon le niveau de ses connaissances, et la couleur de son esprit. […]

   Au centre de la première salle, dans un aquarium stagnant et trouble, gisait une anguille énorme et caoutchouteuse que l'on disait centenaire, et que je n'ai jamais pu voir sortir de sa morne léthargie.

   Au fond, dans une pénombre peu rassurante pour l'âme timide de l'enfant que j'étais, reposait dans une vitrine basse une longue série de visages blafards et décharnés, semblant échappés des pages des « Misérables ». C'étaient des moulages mortuaires fixant le dernier rictus des plus marquantes vedettes de l'ancien bagne de Brest : le pseudo Colonel, Comte Pontis de Sainte-Hélène (alias Coignard), et bien d'autres forçats condamnés à temps ou à vie pour des crimes célèbres dans les annales des siècles précédents.

   Les masques funéraires de criminels suppliciés à Brest, tels les mutins assassins du Fœderis Arca, avoisinaient une curiosité d'un ordre un peu différent mais aussi peu plaisant : la face hideusement déformée d'un « conscrit réformé pour laideur extrême (don du Servie de Santé de la Marine).

   Une sorte de placard vitré, au ras du plancher, recèlait une momie d'origine imprécisée, obscure forme humaine, presque indéchiffrable sous ses bandelettes poudreuses.

   Je n'appréciais guère le coté « Musée Dupuytren » de ces collections-là. Par contre, l'ouverture que le musée offrait sur les mystères de la nature et les énigmes du vaste monde m'attirait irrésistiblement. Aussi recherchais-je autant que je le craignais l'indéfinissable et délicieuse peur que je retrouvais, chaque fois, derrière le seuil de cette salle.

   Par l'entrée dans la salle suivante, l'œil était inévitablement sollicité vers le plafond, où était suspendue, tels d'insolites ex-voto, une foule compacte de formes sombres d'où pendaient, au bout de ficelles, des étiquettes jaunies.

     Tortues de terre et de mer, squales divers, un énorme poisson lune (Orthogoriscus mola* disait l'étiquette), et même un « organe mâle de cachalot », trophée dérisoire qui suscitait, depuis plus d'un siècle, peut-être, un évident amusement chez les adultes et la perplexité des enfants. Premier contact avec l' "esprit carabin".

Iguanes des Antilles, crocodiles d'Afrique et de Madagascar, caïmans et alligators des Amériques. Et des serpents, des serpents des serpents. De toute grosseur, de toute longueurs et de toutes nuances dans la gamme des bruns. Naturalisés, bien-sûr — on disait alors « empaillés » — et figés en des attitudes rectilignes assez peu évocatrices de la vie . Ils n'en remplissaient pas moins d'admiration les âmes enfantines alors très candides et réceptives car pas encore prématurément blasées par l'audiovisuel.

Une place de choix avait été faite, dans cette même salle, à une vitrine verticale, groupant en un ensemble un peu arbitraire la carcasse d'un grand orang-outan, un petit squelette d'enfant (« Mort à l'âge de 7 ans », précisait une inscription manuscrite qui me donnait le frisson), le crâne démesuré d'un nouveau-né hydrocéphale et — pourquoi dia

ble ? — plusieurs œufs d'autruche.

[…] Je glissais donc au plus vite, dis-je, devant ces tristes dépouilles, pour aller contempler une série de bocaux où macérait dans l'alcool une longue file de caméléons et de lézards. J'avais un faible (les enfants ont de ces attirances incompréhensibles) pour un petit lézard d'Amérique Centrale, rayé de bandes transversales bleuâtres et rose passé..[...]

On entrait — enfin ! Dans le réceptacle des Merveilles. Du moins la dernière salle recélait-elle, à mon regard d'enfant, les plus admirables trésors du monde.

Les murs en étaient recouverts de cadres vitrés, contenant une foule des plus beaux insectes ou arachnides des cinq continents. Coléoptères cornus couleur de cuivre oxydé, scorpions d'acier bruni, mygales énormes et velues, et, surtout, papillons multicolores au milieu desquels resplendissait l'éclair bleu des grands « morphos » des forêts guyanaises.

Des vitrines basses regorgeaient, telles des coffres de corsaires, de tous les coquillages des mers chaudes dont les formes, contournées et griffues, chatoyaient de toutes les irisations des nacres. D'autres ployaient sous des fragments de minéraux rares, de cristaux ?. D'autres présentaient des spécimens de coraux et de gorgones. D'autres encore des pirogues, des sampans, des jonques en réduction.

Dans toutes les encoignures, des totems, des statuettes polychromes d'Afrique Noire, des masques guerriers, des tikis polynésiens sculptés dans des troncs de fougères arborescentes.

Ailleurs, les reflets sombres de bois poli ou de fer patiné des pagaies tahitiennes et des armes « de sauvages » : sabres dahoméens, casse-têtes canaques, boomerangs, lances hérissées de dents de requin, sagaies barbelées, kriss malais, évoquaient irrésistiblement les « flèches empoisonnées, n'y touchez pas ! »  deTartarin de Tarascon — et fleuraient un cannibalisme très authentique.

Parmi les colliers tahitiens couleur de cire et des oiseaux-mouches sans globe, l'évocation réduite, en moelle de jonc aux tons d' ivoire jauni, d'un temple cingalais et de ses palmiers.

 

Enfin, la merveille des merveilles : une robe d'apparat, en pâles et fines lanières végétales, offerte jadis en souvenir, à quelque jeune et bel officier par la dernière reine Pomaré.

* Ou Orthragoriscus mola : Mémoires de l'Académie royale des sciences, des lettres et des ..., Volume 38, 1871, page 84 : le musée de Brest conservait deux poissons lunes. (Observations sur la physique, sur l'histoire naturelle et sur les ..., Volume 16, 1789, page 58 : Description du poisson nommé Lune ou Mole, pêché à Brest.)

 

      N.B. A coté du jardin botanique de Brest et de son musée, deux autres villes disposaient d'un jardin rattaché à l'hôpital maritime, et d'un musée d'histoire naturelle : Toulon, et Rochefort, dont le musée est attaché à la mémoire du naturaliste Lesson. Les trois villes se dotèrent aussi d'un observatoire. On comparera avec intérêt cette histoire à celle, très documentée celle-là, du musée d'histoire naturelle de Metz : http://shnm.free.fr/collectionsH.N.METZ.html

 

Miscellanées :

Annales  Société Académique de Nantes et du Département de la Loire-Inférieure - 1888 - Volumes 59 à 60 - Page 329 :"... au Musée d'histoire naturelle de l'hôpital de la Marine à Brest, un Syrrhapte paradoxal mâle, n° 651 du catalogue, sur l'étiquette duquel on lisait : « Tué par M. Sallerin à Guilers [Finistère), hiver de 1865. Il est à craindre qu'il y ait eu erreur"

  

 

 Bulletin de la Société préhistorique française 1911 Volume 8  Page 535 : « Il existe, au Musée d'Histoire naturelle de l'Hôpital maritime de Brest, une hache océanienne, ayant cette même forme lenticulaire ; mais j'ignore si elle est pourvue de quelque particularité, ne l'ayant entrevue, ily a une trentaine d'années, »

 

A votre tour de visiter, grâce à ces descriptions, le Musée ressuscité :

Le Mola, Diodon mola, la Lune:

[Illustrations de Ichtyologie ou histoire naturelle générale et particulière des Poissons] / Krüger, J. F. Hennig, Pater Plumier... [et al.], dess. ; Ludwig Schmidt, G. Bodenehr, J. F. Hennig... [et al.], grav. ; Marcus Elieser Bloch, aut. du texte - 128

 

 

Le singe douc :

[Illustrations de Histoire naturelle générale et particulière avec la description du cabinet du roy, t. XIV] / De Sève, Buvée L'Amériquain, dess. ; Louis Le Grand, Chevillet, C. Baquoy, grav. ; Georges-Louis Leclerc Buffon, aut. du texte - 43

      L'Agami :

[Illustrations de Histoire naturelle des oiseaux, t. IV] / De Sève, dess. ; De Lignon, Guyot, C. Baron... [et al.], grav. ; Georges-Louis Leclerc Buffon, aut. du texte - 25

 

Le Tupinambi :

[Illustrations de Histoire naturelle des quadrupèdes ovipares et des serpens, t.I]. Tome premier / De Sève, dess. ; Leroy, Chevillet, veuve Tardieu, grav. ; Bernard-Germain-Etienne de Lacépède, aut. du texte - 20

       Un Lori.

  [Illustrations de Histoire naturelle des oiseaux, t. VI] / De Sève, dess. ; Le Villain, Mansard, Haussard... [et al.], grav. ; Georges-Louis Leclerc Buffon, aut. du texte - 8

Le Palmiste, dessin par de Seve :

[Illustrations de Histoire naturelle générale et particulière avec la description du cabinet du roy, t. X] / De Sève, Buvée L'Amériquain, dess. ; Louis Le Grand, Baron, C. Baquoy... [et al.], grav. ; Georges-Louis Leclerc Buffon, aut. du texte - 28

 

L'Oiseau de paradis (Oiseaux et plantes peints à la gouache, avant 1800)

Oiseaux et plantes peints à gouache - 25

 

L'Ani "ou bout de tabac" :

[Illustrations de Histoire naturelle des oiseaux, t. VI] / De Sève, dess. ; Le Villain, Mansard, Haussard... [et al.], grav. ; Georges-Louis Leclerc Buffon, aut. du texte - 21

 

 

Nota Bene :

On ne confondra pas ce musée avec celui de la Société Académique de Brest (active de 1858 à 1913) ; mais il peut être intéressant à certains esprits curieux d'en trouver ici l'inventaire paru en 1896 :

 

MINISTERE DE L INSTRUCTION PUBLIQUE  : ANNUAIRE DES MUSEES SCIENTIFIQUES ET ARCHÉOLOGIQUES DES DÉPARTEMENTS PREMIÈRE ANNÉE 1896 PARIS ERNEST LEROUX, EDITEUR

 "BREST : Collections scientifiques et archéologiques annexées au Musée de peinture, place de la Halle.

Histoire naturelle. — Métallurgie, minéralogie régionale, marbres, coquilles d'Océanie (recueillies par Dumont d'Urville, dans l'expédition au pôle Sud), Oiseaux du pays ; tête humaine trouvée dans le désert de Suez.

Ethnographie. — Armes asiatiques, cambodgiennes, cochinchinoises et océaniennes. Instruments d'observation maritime.

Archéologie. — Antiquités préhistoriques et celtiques : silex, bronze, poteries. Collection gréco-romaine provenant du Musée Gampana. Antiquités romaines et franques : meules, armes,poteries. Collection lapidaire du Moyen Age et de la Renaissance provenant des abbayes de Découlas et de Landévennec ; tombe d'abbé du xiie siècle ; écusson du xvi* siècle ; gargouille du xveme siècle, etc. Meubles. Fragment de colonne en granit et autre sculpture provenant d'un palais du Cambodge.

Numismatique : deux collections, Tune de pièces de toute nature non classées, provenant de la Société académique; l'autre de 20,000 monnaies, médailles commémoratives, effigies d'hommes illustres, jetons de villes et de corporations, monnaies seigneuriales et obsidionales, essais monétaires, etc. La collection des monnaies françaises commence à Louis IX.

Conservateur. M. Henri Hombron, q A. Ouvert tous les jours, de midi à 4 h. Pas de catalogue."

— En 1908, la revue L'Homme Préhistorique en donnait le descriptif suivant :

"Musée de la ville de Brest, galeries de la salle des fêtes fondé en 1877. Il contient des collections intéressantes, malheureusement très mal ou pas du tout classées et installées de la façon la plus défectueuse, sans ordre, éparpillée aux quatre coins des salles.

Géologie et minéralogie du Finistère et des Côtes du-Nord (Coll. Barillé)

Oiseaux du Finistère (Coll. Mériel)

Palethnologie et archéologie locale.

 

 

 

Ethnographie : Bonnes pièces africaines et océaniennes (Delorissa et Dr Carof). Riches collections de l'Inde, Cocinchine et Chine de l'amiral Reveillère. Très belle série des Marquises (Coll. Barbeau-Vieillard)."

 

 

Sources et liens.

 Revue L'Homme Préhistorique, Revue mensuelle illustrée d'archéologie et d'anthropologie préhistoriques Mai 1908 page 160.       

  • ABBAYE de Daoulas, Ségalen et l'exotisme, Rencontre en Polynésie, Somogy 2011.
  • BELLEC (Robert), docteur «  Requiem pour un paradis perdu », in Les Cahiers de l'Iroise 24ème année n°1, janvier-mars 1977, pp 30-37.
  • BENEDEN, Van (.P.J ) « Les squelettes de cétacés et les musées qui les renferment », Bulletin de l' Académie royale des sciences, des lettres et des beaux-arts de Belgique 37è année, 2ème série, T. XXV., Bruxelles 1868  p. 95.
  • BENEDEN, van (Pierre Joseph), 1809-1894 ; GERVAIS, Paul, 1816-1879 Ostéographie des Cétacés vivants et fossiles, comprenant la description et l'iconographie du squelette et du Système dentaire de ces animaux, ainsi que des documents relatifs à leur histoire naturelle Paris, A. Bertrand (1880) page 37.  
  • BESNOU L. "Travaux des Sociétés savantes pendant l'année 1868", Annuaire des sociétés savantes de France et des congrès scientifiques, Paris 1870 pp. 306-311.
  • BOULAY(Roger), Annuaire des collections publiques françaises d'objets océaniens : base Joconde (Roger Boulay est conservateur au Musée des arts d'Afrique et d'Océanie etChargé de mission pour les collections océaniennes auprès de la Direction des Musées de France : http://www.culture.gouv.fr/documentation/joconde/fr/decouvrir/expositions/oceanie/oceanie-texte.htm)
  • BOULAY (Roger), Le bambou gravé kanak Editions Parenthèses 1993,77 p. Google book.
  • BROCA (Nicolas) et PICHON "Catalogue raisonné ou tableau analytique et descriptif des plantes cultivées à l'École de Botanique du Muséum impérial maritime du Port de Brest, classées suivant le système sexuel de Linné" , corrigé par Joh. Frid. Gmelin, avec concordance des familles naturelles de Jussieu; précédé d'un Abrégé du système du premier de ces Auteurs et de notes explicatives des différentes parties des plantes, et des abréviations employées dans l'ouvrage, Brest 1811, in-8° 3ff et XIV 10 -571 pp. Voir catalogus Nantes
  • CAMBRY (Jacques), Voyage dans le Finistère ou État de ce département en 1794 et 1795.  378 pages, Edition du Layeur  2000.
  •  CAMBRY ( Jacques), Catalogue des objets échappés au vandalisme dans le Finistère : dressé en l'an III (Nouv. éd.)  par Cambry ; publ. par ordre de l'administration du département H. Caillière (Rennes) 1889, pages 124-132, en ligne sur Gallica.
  • CHARPENTIER (L.) Médecin-Principal, "Les jardins botaniques de la marine", Revue maritime, 1er semestre 1927, pp 6-30. 
  • CORRE (Armand), "Quelques mensurations de crânes chez des singes anthropomorphes", Bulletin de la Société d'anthropologie de Paris 1882- Page 392-397.
  • FOUILLOY, Chirurgien-major "Nomenclature des Objets d'histoire naturelle recueillis, préparés et conservés par les soins de M. le Docteur FOUILLOY, Chirurgien-major de la flûte LE GOLO,, commandée par M. le Baron de MACKAU, Capitaine de frégate, et déposés dans le cabinet du Jardin royal des plantes à Brest " in  Annales maritimes et coloniales 1819 pages 720-727.
  • HECKEL, Edouard  "Etude sur le Gorille du Musée de Brest." Revue d'Anthrop., 1876, t. V., pp. 1-20, pl. i. 45. ou - Paris : E. Leroux, 1876, 20 p. (Édouard Marie Heckel est un botaniste et un médecin français, né le 24 mars 1843 à Toulon et mort le 20 janvier 1916 à Marseille ) 
  • HUET  "Nomenclature des objets d'histoire naturelle recueillis, préparés et conservés par les soins de M. le Dr Huet, chirurgien- major de la frégate la Cybèle commandée par M. de Kergariou, capitaine de vaisseau, et déposés dans le cabinet du Jardin royal des plantes à Brest", in  Annales maritimes et coloniales: publiées avec l'approbation du ministre 1819, pages 39-45.
  • JACQUEMIN Sylviane, L'exploration des collections d'objets d'Océanie, OCIM, PDF http://doc.ocim.fr/LO/LO060/LO.60(5)-pp.23-27.pdf

  • KAN (Anne-Gaelle), Le jardin botanique deBrest au XVIIIe (1694-1820) thèse sous la direction de Sylviane Llinares. Publié  en 2000. 1 vol. (120 f.) : ill. en noir et en coul. ; 30 cm + 1 CD-Rom
  • LAURENT (Charles), Médecin-Général, « Les Musées de l'Hôpital Maritime de Brest », Les Cahiers de l'Iroise 10ème année n°2, 1963 p. 87-91.
  • LAVONDÉS ( Anne) Les collections ethnographiques de l'Hôpital militaire de Brest  Paris : Musée de l'Homme 1978. (Anne Lavondès est ethnologue, ingénieur de recherche ORSTOM et ancienne conservatrice du Musée de Tahiti et des Îles).
  • LESSON René-Primevère, chirurgien de marine à Rochefort , Manuel de taxidermie à l'usage des marins, Annales maritimes et coloniales, vol.2, Paris 1819 pp 47-63.
  • LEVOT (Prosper) Histoire de la ville et du port de Brest, vol. 1 : La ville et le port jusqu'en 1681, Brest, 1864, 387 p.
  • LEVOT (Prosper)Histoire de la ville et du port de Brest, vol. 2 : Le port depuis 1681, Brest, 1865, 387 p.
  • ROUSSEL Claude-Youenn, GALLOZZI Arièle Jardins botaniques de la marine en France : mémoires du chef-jardinier de Brest Antoine Laurent (1744-1820); avec la participation d'Yves-Marie Allain, Olivier Corre et Yannick Romieux ; préfaces de Pascale Heurtel et Catherine Junges ; reportage photographique original d'Hervé Ronné [Spézet] : Coop Breizh, impr. 2004 1 vol. (315 p.) : ill. en noir et en coul., couv. et jaquette ill. en coul. ; 30 cm.
  • VINCENT Pharmacien de marine, : " NOTE sur divers objets d'histoire naturelle, apportés récemment au Jardin royal des plantes à Brest". Annales maritimes et coloniales année 1817 pp 317-319.
  • Instruction pour les voyageurs et employés des colonies sur la manière de recueillir, de conserver et d'envoyer les objets d'histoire naturelle; Annales maritimes et coloniales vol.3, 1818pp 634-672.
  • Instruction sur les moyens de préparer et de conserver les objets d'histoire naturelle à envoyer au Cabinet du Roi à Paris, Annales maritimes et coloniales vol.3, 1818 pp 673-679.

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Published by jean-yves cordier
11 août 2013 7 11 /08 /août /2013 19:00

 

Desseins et dessins de l'ancien Jardin botanique de l'hôpital de la marine (1694-1944) à Brest.


 

       Le dessin d'un jardin dépend d'abord de sa fonction, qu'il reflète. Puis il dépend des concepts et des modes de son époque. Les fonctions successives ou simultanées de l'ancien Jardin botanique de la marine à Brest, ces concepts et ces modes vont inscrire dans son architecture des empreintes, évidentes ou non, qu'il est encore possible de lire lorsqu'on parcourt le jardin actuel. Cette recherche des traces en rend la visite aussi palpitante qu'un jeu de piste.

  — La première fonction fut économique : la production de plantes médicinales, par les soins des Frères de la Charité et Sœurs de la Sagesse.

— La seconde fonction fut scientifique : l'enseignement de la botanique, liée au nom de Chardon de Courcelles, le premier directeur de l'École de chirurgie.

— La troisième fonction fut aussi scientifique : la collection et l'acclimatation de plantes en collaboration avec le Jardin des Plantes, liée aux noms de Antoine Laurent, jardinier-chef à Brest, et André Thouin, jardinier-chef à Paris.

— La quatrième fonction fut une surprise, car elle est liée à l'Art : art paysager qui fait son apparition en 1835 dans ce temple de la Rigueur militaire, médicale et scientifique, sous forme d'un Belvédère coiffé d'un kiosque. Un nom apparaît en filigrane, celui de Gabriel Thouin, le frère d'André Thouin.

  

 


  1. Jardin des simples, jardin d'apothicaire : à partir de 1694, la Nécessité.

   Le jardin de l'hôpital maritime de Brest fut d'abord un jardin des Simples, donc un jardin destiné à la production d'une centaine de plantes médicinales : il devait être découpé en carrés ; on lui demandera de renfermer les plantes médicinales usuelles, telles qu'elles seront plus tard énumérées dans les Codex. On le comprend, ces carrés de culture vont refléter le savoir médical, et se modifier au gré des découvertes. Ils s'inspirait donc des premiers jardins médicinaux médiévaux. 

  •   "Au début du IXe siècle, le jardin idéal de l'abbaye médiévale est codifiée par le plan de l'abbaye de Saint-Gall. Outre l'espace réservé au jardin du cloître, le plan différencie trois jardins : le jardin des simples, le potager, le verger. Les jardins des simples sont structurés en carré et les allées bien dégagées facilitent l'accès aux plantes pour la cueillette et l'entretien. Les plates-bandes sont rectangulaires et divisés en damiers. Ces damiers ont plusieurs avantages, ils réchauffent le terre beaucoup plus vite et protègent une grande partie des racines l'hiver ; de plus, à la manière des paillis, ils maintiennent l'humidité du sol." (Site Le Jardin des simples,  Conseil Général Val de Marne.)

  Ce jardin répond à la nécessité : développement du Port, mais surtout, arrivée régulière massive d'escadres débarquant des milliers ou dizaines de milliers de matelots et soldats malades et dénutris dans une région touchée par les disettes. Cet afflux provoque à son tour dans la population (à l'échelle de la ville ; du Léon ; et de toute la Bretagne) des épidémies dramatiques, telles que la "Maladie de Brest", typhus de 1741 (escadre du Marquis d'Antin) et l'épidémie du siècle en 1758 (escadre de Dubois de la Mothe). Typhus, typhoïde, dysenterie, scorbut, voilà les pathologies auxquelles les médecins ou plutôt chirurgiens, recrutés à la hâte de toute la région, doivent faire face, associant aux saignées des applications externes (cataplasmes, onguents, etc.) et des administrations internes (tisanes, loocks, lavements) de drogues contenant, à 80%, des plantes.

  A la fin du XVIIIe siècle, grâce notamment aux mesures d'hygiène et d'alimentation des gens de mer, ces épidémies se firent plus rares et moins importantes, cette fonction de production de plante devint moins cruciale. Lorsque, au cours du XIXe siècle, les médicaments cesseront d'être produits localement, et de faire majoritairement aux plantes, cette fonction cessera.

  Cette fonction productive place le jardin à l'intérieur d'un système qui comporte :

  • l'obtention de graines ou de plants : donc des
  • liens et échanges avec le Jardin des Plantes (à Paris) et avec son jardinier-chef ; liens avec les autres jardiniers ; liens avec les capitaines ou chirurgiens des navires.
  • des cueillettes et récoltes en milieu naturel.
  • une apothicairerie, lieu de transformation des plantes et d'élaboration des remèdes (avec son matériel : pilerie et ses mortiers, chaudron, alambics, verrerie diverses)
  • un droguier, lieu de conservation des bocaux de remèdes.
  • une bibliothèque renfermant des ouvrages descriptifs des plantes (Flore médicale), des herbiers, des ouvrages descriptifs de l'usage des plantes et des recettes (Matière médicale), des Formulaires et un/le Codex.
  • On y ajoutera un certain nombre de cabanes, de baraques, de fosses, pour le fumier, les terreaux, les engrais, le remisage des outils et arrosoirs, tuteurs et échelles. Un document de 1850 signale par exemple que le jardinier Paugam en avait installé contre le mur extérieur du jardin. 

  Ces plantes, et les remèdes élaborés par les apothicaires, n'étaient pas seulement destinées à l'hôpital. Au contraire, une part importante servait à composer les "coffres de mer" la pharmacie de bord des vaisseaux de la marine pour ce que l'on nommait "le service à la mer". En outre, l'hôpital fournissait aussi la population locale.

   Toutes les plantes médicinales ne venaient pas du jardin, et certaines étaient récoltées dans la nature. Ainsi le règlement du Directoire concernant les jardiniers herboristes, en 1832, mentionne : "Article 1er : Il sera affecté au service général de la pharmacie un jardinier destiné à entretenir le jardin des plantes usuelles, à parcourir la campagne pour y ramasser celles qu'une grande consommation ne permet pas de cultiver dans le dit jardin". (Roussel et Gallozzi p. 271).

  On oublie trop que ces jardins des hôpitaux étaient aussi des jardins-potagers, chargés d'approvisionner la soupe et le repas des malades. A Brest, le jardin fut longtemps tenu par les Frères de la Charité. Sous le ministre Berryer, les religieux eurent même la charge complète du jardin botanique, mais devant le mécontentement général, Choiseul rendit le Jardin aux soins du Jardiniers-chef et de ses garçons-jardiniers. Les Frères de la Charité, dirigés par un Père Prieur, s'occupèrent pourtant de l'Hôpital Saint-Louis jusqu'à la Révolution.

  Le plan de 1867 montre encore un Jardin des Sœurs : depuis 1687, les Filles ou Sœurs de la Sagesse (congrégation fondée par Grignon de Monfort en 1716, maison principale à Saint-Laurent-sur-Sèvre en Vendée)  avaient obtenu  le service de l'hôpital (débat 1790) ; elles étaient 44 en 1794, qui avaient refusé de prêter serment ; ce sont elles qui assurèrent le service du nouvel hôpital Clermont-Tonnerre, comme elles furent aussi chargées en 1817 de l'hôpital maritime de Toulon, de celui de Lorient, et comme elle composèrent le personnel infirmier de l'île de Trébéron, le lazaret de Brest. Elles furent expulsées de l'hôpital maritime en 1903. Elles occupaient des fonctions importantes, comme Sœur Eugénie (Marie Hervy), qui fut chargée en 1790 de la pharmacie de l'hôpital avant de devenir la Supérieure des Sœurs qui desservaient l'hôpital de Rochefort.

  

      Combien de plantes médicinales sont-elles  nécessaires ?

Le jardins des simples de l'abbaye de Saint-Gall, archetype du jardin abbatial, en contenait 33. Charlemagne, par le Cartulaire de Willis, imposait aux domaines royaux la culture de 94 plantes, dont 73 herbacées, 16 arbres fruitiers, 5 plantes textiles et tinctoriales.

 Sur les 33 plantes des jardins de Saint-Gall, 32 sont validées par le Cartulaire de Willis.

 33 plantes médiévales :

Absinthe, Artemisia absinthum

Aneth odorant Anethum graveolens.

Artichaut Cynara scolymus. Bérigoule.

Bardane Arctium lappa. Parduna

Camomille Chamaemelum nobile. Camomèle, Camomiole odorante

Carvi, Carum carvi, Careium

Cerfeuil Anthriscus cerefolium

Chardon de Marie, Sylibum marianum .

Ciboulette, Allium schoenoprasum, Civette, petite ciboule.

Concombre cornichon, Cucumis sativus, Cucumère.

Coriandre, Coriandrum sativum.

Echalotte, Allium ascalonicum.

Estragon Artemisia dracunculus. (Dragantea, Dragon, targon, serpentine)

Fenouil bronzé, Foeniculum vulgare.

Fenugrec Trigonella foenum-graecum.

Garance, Rubia tinctorum.

Houblon humulus lupulus.

Hyssope, Hysopus officinialis.

Lin, Linum usitatissimum.

Menthe coq, balsamita major.

Menthe pouliot, Mentha pulegium.

Menthe verte, Mentha viridis.

Moutarde blanche, Sinapis alba.

Oseille, Rumex acetosa.

Panais, Pastinaca sativa.

Pastel Isatis tinctoria.

Persil, Petroselinum crispum.

Romarin Rosmarinus officinalis.

Roquette Eruca sativa.

Santoline petit cyprès Santolina chamaecyparissus.

Sauge officinale Salvia officinalis.

Sauge sclarée Salvia sclarea.

Souci Calendula officinalis.

Le jardin des simples  (des remèdes simples, composés d'une seule drogue, par opposition aux remèdes composés) de Brest de 1694-1738 comprend une centaine de plantes. En 1771, il cultive 200 plantes indigènes environ. On doit avoir là le nombre de ce que les médecins appellent alors les "plantes usuelles", dont ils usent pour traiter les malades. Mais ce nombre ne comporte-t-il pas déjà des plantes potagères (certainement) et des plantes ornementales? Comment connaître le nombre de plantes nécessaires pour traiter la plupart des maladies courantes ? En consultant les livres de remèdes ? En examinant l'inventaire des coffres de bord ? Mais certains remèdes ne sont pas fabriqués sur place, et font appel à des plantes étrangères à la Bretagne, ou au Royaume. Dans le coffre de mer du navire corsaire la Sirène,  dont A. Corre donne la composition, on trouve 87 produits, mais les "Drogues simples"  ne sont que 27, et, parmi celles-ci, rares sont les plantes indigènes.

Drogues simples du coffre de mer de La Sirène (je note Br. pour les plantes qui me semblent de production locale):

  • Graine de lin Br
  • Manne fine
  • Quinquina
  • Rhubarbe fine choisie Br ?
  • Réglisse et, plus loin, Suc de Réglisse Br
  • Safran fin
  • Squine
  • Saxafras
  • Gayac rapé,
  • Semences froides Br
  • Semen-contra
  • Senné
  • Sucre candy blanc
  • Tamarin du Levant
  • Thérebentine
  • Camphre
  • Capillaire du Canada
  • Amandes douces
  • Rappure de corne de cerf
  • Rappure d'yvoire
  • Jalap en poudre,
  • Mercure crud
  • Casse en bâton
  • Poudre résolutive
  • Huile d'anis
  • Huile de girofle.

Les coffres embarqués pour l'expédition de La Pérouse en 1785, La Boussole et l'Astrolabe, ont été conçus et fabriqués par l'apothicairerie de Brest. Ils comprenaient 61 drogues simples. 

 Sous l'impulsion du jardinier Laurent, le nombre d'espèces va passer, en 1825, à 1019, soit 3250 plantes (Roussel et Gallozzi) : ce chiffre n'est plus représentatif des plantes médicinales et comporte (2ème et 3ème fonction) des plantes de collection, exotiques, d'intérêt botanique.

  Les jardins médicinaux du Moyen-Âge comprenaient une quarantaine de plantes différentes. Pour répondre, avec mes petits moyens, à ma question, je vais estimer que le jardin médicinal a besoin au XVIIIe siècle de moins d'une centaine d'espèces pour soigner les malades des hôpitaux et remplir les coffres de médicaments des navires. J'attends les commentaires plus avertis.


  Cette première fonction (production de plantes médicinales et production potagère) a pu s'opposer à celles imposées par l'enseignement, ou la constitution de collections. Ainsi, lorsque le premier médecin Pépin reçut, en 1742, les graines nécessaires au développement du Jardin, il se plaignit d'y trouver "beaucoup de graines et plantes plus curieuses qu'utiles". Ce passage de l'Utilité à la Curiosité fut celui de la transition entre la première fonction, et la seconde.

  A défaut de plans, on peut imaginer ce premier jardin des simples ressemblant à l'actuel Jardin médicinal de l'Abbaye de Daoulas. 

jardin-abbaye 9807c

 

  Cette première fonction est productive, économique, exigeant un travail manuel et des soins. Elle sera le lot (ce que j'argumenterait dans un autre article) des Frères et Sœurs. Il me semble qu'une dichotomie va s'établir entre cette activité de Tâche et de Soin, qui va rester liée au Religieux, et les activités suivantes, qui seront, elles, du domaine du Médical en particulier, de la Science en général, liée au mouvement des Lumières, à la laïcité, ou à l'influence, très forte à Brest, des Francs-Maçons. Une meilleure connaissance de l'histoire de l'hôpital et de son jardin montrerait peut-être qu'une division s'était établie entre le Jardin des Sœurs, productif, et le Jardin botanique, scientifique (alors qu'on oublie souvent l'existence du premier pour considérer que le jardin botanique cumulait toutes les fonctions.

 

 

 

  

 2. Jardin botanique, jardin d'École : 1742-1890, l'avènement de la Curiosité et de la Science.


  La seconde vocation du jardin apparut lors de la création de l'École de chirurgie navale de Brest, en 1731. Tout en maintenant une activité de production de plantes médicinales, ce jardin servait au professeur de botanique à effectuer des démonstrations afin que les élèves apprennent la botanique (c'est-à-dire la majeure partie de la pharmacopée) plante en main. La disposition du jardin de l'École de Botanique devait refléter la systématisation des plantes, selon la doctrine alors en usage, et cette disposition devait changer si la doctrine changeait.

  A Paris, le Jardin des Plantes avait ainsi disposé les plantes de son École de botanique selon la classification de Pitton de Rochefort, décrite dans ses Éléments de botanique de 1694 ; puis cette École de botanique fût replantée en 1774 selon la méthode naturelle de Antoine-Laurent de Jussieu ; en 1824, René Louiche Desfontaines fait replanter entièrement le jardin, et en 1842, Alphonse Brongniart suit sa propre Méthode riche de 296 familles.

  Mais les jardins de la Marine (Rochefort, Brest, Toulon) furent d'abord organisés selon les principes de Pitton de Tournefort, avant d'adopter la systématique du système sexuel de Linné ( selon le nombre et la disposition des étamines et du pistil) en 1798. On voit ainsi apparaître sur les plans du jardin de 1767 une École de Linné.

  A Rochefort le premier directeur de l'École de chirurgie, Cochon-Dupuy, avait choisi de classer les espèces selon leur propriétés médicinales (Y. Romieux).

Là encore, cette fonction place le jardin à l'intérieur d'un système cohérent :

  • bibliothèque contenant les cours de botanique de l'enseignant, lorsqu'il les a publié ; et les ouvrages scientifiques de botanique et de systématisation : les 3 volumes des Éléments de botanique ou méthode pour connaître les plantes de Pitton de Tournefort (1694), Systema naturae et Species plantarum de Linné (1753) ; et, comme pour la fonction précédente, les Matière médicales (de Nicolas Lémery, de Tournefort, Traité de Matière médicale de Geoffroy surtout puisque c'est De Courcelles, le directeur de l'École qui l'a édité en 1741, les Formules pharmaceutiques de Chardon de Courcelles, l'Abrégé de Maistral (1770), etc...).
  • Comme pour la fonction précédente, Apothicairerie et surtout Droguier où les élèves voient, à travers des flacons transparents, l'apparence ou la consistance, l'odeur et les caractéristiques des drogues enseignées.
  • Collections anatomiques et phrénologiques.
  • collections d'instruments de chirurgie.

 Comme la collecte des plantes médicinales, leur étude ne se limitait pas au périmètre du jardin, et des sorties botaniques étaient organisées aux alentours comme le signale Chardon de Courcelles en 1763 : lors du cours de botanique, dont il était chargé, "Je ne le bornais pas uniquement à démontrer tous les étés des plantes usuelles dans le jardin botanique. Quand le temps et mes occupations le permettaient, je faisais encore des herborisations à la campagne pour apprendre aux jeunes chirurgiens à reconnaître les plantes dans toutes sortes d' états" 

  Le déroulement de cet enseignement est décrit par le règlement du 30 janvier 1740 :

 " art.12 [Le premier médecin] fera dans le printemps les démonstrations des plantes usuelles dans le jardin de l'hôpital, et il en expliquera les vertus aux seconds, et élèves qui seront tenus d'y assister".

 Ces dispositions sont reprises par le nouveau règlement du 1er mars 1768 , qui reprend dans son article 8  l'article précédent mais ajoute : 

 " Titre 9 : Dans une chambre attenante au jardin ou dans une salle de l'École, il leur fera pareillement la démonstration de toutes les drogues simples exotiques dont il aura soin de faire une collection, il en expliquera les propriétés dans les maladies tant internes qu'externes, la manière d'en faire usage, la préférence que mérite les unes, les précautions qu'exigent les autres ; il indiquera pareillement leurs différentes combinaisons et préparatoires."

 Cette fonction prit fin en 1890, lorsque l'École de médecine navale fut transférée à Bordeaux ; mais déjà, la suprématie de la chimie sur les plantes dans la pharmacopée faisait passer au second plan l'enseignement de la botanique dans les études de médecine. 

 


3. Jardin d'acclimatation, jardin de colonisation: 1750-1920.

  La troisième fonction des jardins de la marine est de réussir à faire pousser et à faire se reproduire les plantes qui sont récoltées par les capitaines, les savants ou les chirurgiens des vaisseaux du roi, ou de la Compagnie des Indes, ou des expéditions d'exploration. Les buts sont multiples : accroître la pharmacopée ; disposer de nouveaux fruits (fraisier, caféier, mûrier, ...); enrichir la flore d'agrément de nos parcs et jardins ; satisfaire l'ambition scientifique d'inventaire des espèces botaniques existantes, etc...

  Lorsque le jardinier Antoine Laurent adresse au Jardin des Plantes ses listes des plantes qui manquent au jardin botanique de Brest, raisonne-t-il comme un collectionneur, ou bien songe-t-il seulement aux demandes que lui font les pharmaciens ou les chirurgiens ?

A cette troisième fonction peut s'ajouter la mission d'enseigner aux élèves chirurgiens, pharmaciens et médecins de marine comment collecter, pendant leurs explorations maritimes, les plantes, mais aussi tout objet de connaissance susceptible d'intéresser les savants ; et non seulement de collecter ces objets, mais de les naturaliser (animaux), de les maintenir (plantes), de les préserver de la sécheresse de la pourriture ou des insectes (graines), de les étiqueter, d'assurer leur transport. Mais, avant tout, de savoir percevoir leur intérêt pour la science. 

Là encore, le jardin botanique n'est qu'un élément d'un système cohérent, qui associe :

  • le Jardin des Plantes de Paris, qui reçoit les plantes une fois acclimatées, ou qui envoie au contraire au jardinier les plants manquant à ses collections.
  • Les capitaines de vaisseaux, soumis par décret royal à l'obligation de déposer dans les jardins des hôpitaux maritimes les plants ramenés de leurs navigations,
  • les serres et orangeries.
  • les bâches, couches froides, etc..
  • Une ménagerie (bien spécifiée sur le plan de 1867) et, plus tard, une cobayerie encore active dans les années 1960. 
  • Un Musée d'Histoire naturelle et ses collections de zoologie, minéralogie, ethnologie.
  • Une bibliothèque rassemblant autour des ouvrages de botanique ceux de zoologie (herpétologie, entomologie, conchyliologie) de géologie et d'ethnologie, et réunissant les diverses Relations de voyage de découverte, ainsi que les collections des bulletins des Sociétés savantes.
  • l'enseignement lui-même, avec ses cours de botanique et d'histoire naturelle.

4. Jardin microcosme : après la Nécessité et la Curiosité, le Symbolique et l'Art 1835-1944.

Tout jardin est, ou peut être, une représentation symbolique du monde, une mise en scène des représentations mentales que l'homme se fait, alors, du monde qu'il habite. C'est, comme la source où Narcisse se mire, son miroir. Et, sans cette fonction, une part importante de nos jardins  échappe à notre compréhension. Références aux quatre éléments, au Continents, références à un lieu utopique de l'Eden ou du Paradis, références à une mission d'appropriation de la Nature, thèmes religieux ou scientistes, thèmes  de la Franc-maçonnerie (très influente à Brest), thèmes militaires, etc...

  On pouvait penser que dans le jardin botanique de Brest, les missions médicinales et botaniques seraient si prégnantes qu'elles occulteraient ce dernier aspect : ma surprise est de découvrir que, précisément, il n'en est rien. Il faudrait lire  la partition des carrés et leur prédominance sur les cercles,  la circulation de l'eau, la présence des escaliers comme couloirs d'initiation, les chiffres et les rythmes, le jeu du centre et de la périphérie organisé par des rayons, l'opposition de l'ombre et de la lumière, de l'humide et du sec, etc...

   Mais s'il faudrait apprendre à le lire dans les premiers dessins du jardin de Brest, c'est dans son dernier achèvement, dessiné lors de la création de l'hôpital Clermont-Tonnerre en 1825-1835, qu'il apparaît avec le plus d'évidence : dans cet hôpital conçu de façon parfaitement rationnelle, par des polytechniciens, le jardin contient une Butte-labyrinthe coiffée d'un kiosque, butte à laquelle on ne peut trouver aucune justification rationnelle. Dans cet hôpital dicté par la technocratie et voué au Progrès de la Médecine, de l'Hygiène et des Découvertes, un espace sommital mais inutile vient se poser en Temple. Je développerai ce point en fin d'article, par un paragraphe consacré au Belvédère.

4 bis. Fonction d'affiliation.

  Le jardin de Brest se place en situation de filiation par rapport au Jardin des Plantes : il a été ensemencé, à sa création puis à plusieurs reprises par les graines procurées par les jardiniers parisiens. Le Belvédère, précisément et avec certitude, honore et célèbre cette filiation. Saurions-nous lire d'autres signaux d'allégeance?

4ter Fonction d'Exposition.

   Jardin-vitrine pour la population brestoise, faisant valoir les capacités de son jardinier, mais aussi les compétences exceptionnelles de l'ensemble des pharmaciens, chirurgiens et médecins de la marine en matière d'Histoire naturelle.

5. Un jardin sans fonction ? : l'"espace vert" de l'Hôpital Inter-armées, 1985-2010.

  Le bombardement américain de 1944 vint anéantir un jardin qui avait déjà perdu ses fonctions principales de production pharmaceutique, d'enseignement botanique, d'acclimatation des espèces exotiques, et d'animation d'une communauté. Dés lors, il perdit son nom de Jardin Botanique, nom que reprit, dans le vallon du Stang Alar, le Conservatoire. Il n'eut même plus de nom du tout, et cette anomie témoigne de la dissolution de ses rôles. Même sa fonction de parc d'agrément pour les brestois disparut, de même que celle de promenade et de détente pour les malades, tant ses espaces verts étaient désormais insoupçonnables derrière des haies-écrans.

  Il set donc urgent, pour peu que l'on soit attaché à la mémoire d'une ville, de lui donner un nouveau nom, et une nouvelle fonction. J'ai proposé le nom de Jardin maritime Antoine Laurent, et sa fonction évidente est celle de témoignage des aventures médicales, pharmaceutiques, botaniques et d'exploration maritime du Port de Brest.

 

LA LECTURE DES PLANS : DESSINS ET DESSEINS.

   

1. Le Plan de 1749.

On y voit un grand parterre en quinconce ponctué d'arbustes (en pots), et des plates-bandes. 


DSCN3543c

 

 

2. Le plan de 1750.

A  : Remparts de la ville. 

E. Rue de l'Hôpital.

K. Réfectoire des chirurgiens, Buanderie, Boulangerie.

L. Cuisine.

N : Amphithéâtre.

O. S... de démonstration.

P. Emplacement du projet (d'augmentation de l'hôpital)

S. Maison que...démolie

H. Entrée de l'Hôpital.

Y. Jardin loué par le roy pour les plantes us[uelles] de l'hôpital.

On voit que le jardin médicinal  (Y) s'adosse (au nord-ouest) aux remparts.

DSCN3549c

 

 


2. Le plan de 1783.

A.N mar /B2 429.

On y lit les ensembles et les  inscriptions suivantes :

—en haut à droite : "ancien jardin appartenant au sieur Le Bris du Rumain et consorts", de 20 toises de large. C'est une parcelle où s'alignent deux rangées de treize plate-bandes rectangulaires .

— en dessous, dans ce qui apparaît comme une cour en contrebas du jardin précédent (on y accède par un escalier), intégré dans des bâtiments désignés par les lettres B, C, D, E, F : Jardin au sieur Le Bris du Rumain et consorts affermé au sieur Leyrot". Il s'agit de deux parterres grossièrement carrés et divisés en un carré central et quatre plates-bandes périphériques. Des arbres symbolisés sont indiqués à chaque angle de ces parterres.

— en haut et à gauche, délimité par un bâtiment A à gauche, un ensemble globalement trapézoïdal de trente toises de large indiqué "Nouveau jardin de botanique appartenant au sieur Listand". Il se compose de quatre sous-ensembles dont deux sont divisés en plate-bandes rectangulaires, l'un comporte des carrés (deux groupes de 12 carrés et deux bandes) évoquant les carrés médicinaux des jardins de simple, et l'un enfin est dessiné "à la française" autour d'un bassin ou d'un rond central, comme un jardin d'agrément.


II. Le plan-relief de 1813.

(Musée des Plans-reliefs des Invalides, photo Ph; Carlet in Roussel et Gallozzi 2004 p. 316).

 On voit bien la façade de la maison qui sert de logis au jardinier Laurent, et qui donne sur la rue de l'Hôpital de marine, future Rue de la Mairie d'avant-guerre ; on visualise mieux l'étagement des terrasses ; je retrouve aussi la rampe qui monte depuis la rue de l'hôpital vers le jardin (actuellement dans la cour Crevaux) ; mais je suis surpris par les nombreux autres bâtiments que je n'identifie pas sur les plans.

plan-relief-hopital-marine-brest-1813-detail.jpg


      III. Le plan de 1829. (laboratoire de cartographie Bordeaux III, Marie-Thérèse Cloitre, Atlas des villes de France)

 

DSCN3516c

 

Ce plan ne renseigne que sur les deux terrasses supérieures :

La terrasse supérieure est divisée géométriquement en trois espaces rectangulaires ou trapézoïdal. La butte-labyrinthe n'est pas visible.

La terrasse intermédiaire est centrée par un grand parterre carré divisé par quatre allées en huit triangles ("quinconce"). De chaque coté, deux parterres  sont partagés en quatre plate-bandes rectangulaires.


Plan de masse vers 1825, S.H.M. Brest in Roussel et Gallozzi 2004 p. 268.

 Il s'agit d'un projet (Plan général du projet de l'hôpital à construire) et il montre :

—la terrasse inférieure est centrée par le bassin. Une allée centrale mène du logement du jardinier vers l'escalier donnant accès aux terrasses hautes. Quatre autres allées découpent le parterre en divisions géométriques.

— la terrasse intermédiaire : laissée en blanc

— la terrasse supérieure centrée à sa base inférieure par un hémicycle, le futur bassin-rocaille.

 Il est conforme à ce que nous allons découvrir sur le plan de 1867, hormis le belvédère, qui n'y est pas représenté.



 

III. Plan de 1867 par A. Lefevre.

  C'est le plan le plus précis

 

 


plan hôpital marine brest 1866

 

plan-hopital-marine-brest-1866-detail-copie-1.jpg

 

On distingue du sud au nord (de bas en haut sur le plan) quatre ensembles principaux :

— Un jardin d'Eté, à droite de la maison du jardinier ; à sa droite un petit Jardin de l'aumônier.

— la terrasse inférieure centrée par un bassin , et divisé en deux parterres. Mention Ecole Botanique. En haut à gauche, sous les Serres, deux rectangles marqués Bache ("les plants qui lèvent sont repiqués en pots, sous une bâche, à l'exposition du sud-est; on les habitue peu à peu à l'action de l'air et du soleil". Le bâchage est "une technique de semi-forçage permettant de recouvrir les plantes à plats sous une bâche semi-perméable", complémentaire des serres.)

— Séparée de la précédente par un escalier, la terrasse intermédiaire plus petite, divisée en deux parterres, avec la même mention Ecole Botanique. Le bord interne du parterre gauche est frangé par un dessin sinueux pouvant correspondre à un ruisseau ?

— La terrasse supérieure est centrée, en bas, par un dessin en hémicycle. A l'extrême droite, un parterre rectangulaire est mentionné Plantes médicinales. Au centre, dans un dessin " à l'anglaise", sinueux, l'Ecole de Linnée. Au dessus, d'autres massifs sinueux. Le plan montre aussi le belvédère et son "labyrinthe" en colimaçon.

A droite, une Ménagerie. En juin 1825 et jusqu'en septembre1827, le Jardin reçut en transit de Toulon avant de les faire parvenir au Jardin des Plantes, des alpagas . La Société Impériale d'Acclimatation, lorsqu'elle reçoit des animaux de vaisseaux qui font relâche à Brest, les confie au Jardin botanique en attendant de les convoyer à Paris : un lama ou Guanaco sauvage femelle en 1859, 3 poules de Macao en 1860, etc....

— En haut et à gauche, le grand Jardin des Sœurs, et ses quatre allées convergeant vers un bassin ou plate-bande ronde. Deux parterres sont divisés en éléments ovalaires ou irréguliers.


Les différents plans urbains de Brest (L. Magado 1855 ; G. Hérodote 1901 ) ne donnent que la forme globalement trapézoïdale du jardin et sa découpe en trois terrasses et un espace ouest correspondant au Jardin des Sœurs.

DSCN3797c

 


 

La Butte-labyrinthe et le dessin du jardin de 1835 .

 

  Nous venons de découvrir le plan le plus précis et le plus récent, celui de 1867. Il est possible, comme le suggère le chapitre Forme et symbolique du jardin de 1773 à 1820 de l'ouvrage de référence de Roussel et Gallozzi Les Jardins Botaniques de la marine,  d'en faire une lecture plus symbolique de ses volumes et de ses axes de circulation.

   En effet, le jardin possède un axe principal parallèle à ce qui est alors la rue du Jardin botanique, orienté Nord-est/Sud-ouest selon l'inclinaison de sa pente . Il est aussi divisé par des murs transversaux en trois terrasses. 

  En partant de son sommet, on traverse successivement :

  • Le belvédère.
  • Une rocaille en demi-lune, échancrant une longue muraille de granit pourvue de deux escaliers latéraux. Une fontaine y libère l'eau qui va s'écouler, traversant le jardin jusqu'au bassin de la terrasse inférieure.
  • L' allée centrale de le deuxième terrasse, parallèle sans-doute à un canal, et  entourée de deux parterres;
  • Un nouveau mur de soutènement, centré par un grand escalier encadré de beaux pieds-droits de granit de l'Aber-Ildut 
  • La terrasse inférieure, avec son bassin d'eau, cercle centrant une étoile d'allées divergentes dessinant dix parterres.
  • La maison de maître, en U.
  • A gauche, la cour Crevaux, où l'eau issue de la rocaille termine son cheminement en jaillissant de la bouche d'un Faune.

Cette description est celle du plan. Dans la réalité, il faut y ajouter, rompant la symétrie excessive  car lassante du dessin, les grands arbres centenaires venant des quatre continents, portant sur leur tronc un écriteau ; et sur ce titulus peint en vert-jardin, l'identification de l'arbre vénérable, en lettres d'imprimerie où l'italique souligne le  nom scientifique. Et puis le réseau capricieux des allées, où se disposent de nombreux bancs publics aux formes désuètes. Et enfin, pour faire plus vrai, la pluie.

 

Archives municipales de Brest.

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     jardin-maritime-brest-archives.jpg 

 

 

Mais qu'importe. Dans tout ce que nous avons vu, tout  possède sa fonction, son utilité, son rôle. 

  Tout, sauf cet étrange belvédère (qui ne procure aucun point-de-vue) isolé au sommet, et qui resterait inexpliqué si nous n'apprenions qu'il est sinon la copie, du moins à rapprocher de la butte belvédère ou Butte du Labyrinthe du jardin des Plantes.

Première piste : le Belvédère du Jardin de Brest, copie de celui du Jardin des Plantes.

      L'un des points remarquables du Jardin des Plantes de Paris, créé en 1635 est son "Labyrinthe", éminence naturelle et complétée, pour le Petit Labyrinthe,  au XVIe siècle  par l'accumulation de gravats calcaires provenant de l'élargissement des rue des faubourgs de la capitale. De son sommet, on voyait Paris et sa campagne à plus de sept lieues à la ronde. Colbert y fit arracher les vignes de la "butte Coypeau", mais lorsque Buffon arriva en 1739 au Jardin du Roi, la butte, que l'on surnommait "Le Labyrinthe", n'était qu'une promenade plantée d'arbres verts mais qui n'offrait aucun agrément, était d'accès difficile et qui fut négligé ; puis des rampes furent construites pour en descendre, des allées sablées furent tracées, et son sol sec favorisa les végétations méditerranéennes : cèdres, pins, érables, ifs.

 En 1788, Edmé Verniquet érigea un kiosque en l'honneur de Buffon à son sommet. C'était un édifice de 4,21 m de diamètre, 8,10 m de haut, exécuté en fer revêtu de cuivre, fabriqué par le serrurier du jardin, Vincent Mille. Huit fers de lance servirent de piliers et supportèrent un couronnement pyramidal. Dans la frise de la corniche fut inscrit Dum lumine et calore sol mundum vivificat, Ludovicus XVI, sapientia et justitia, huminitate et munificencia, undique radiat, MDCCLXXXVI. "pendant que la lumière et la chaleur du soleil donne la vie au monde, la sagesse et la justice, l'humanité  et la munificence de Louis XVI rayonnent de toutes parts, 1786" .La corniche fut surmontée d'un amortissement avec panneaux en mosaïque à jour, puis d'une lanterne composée de petites colonnes avec arcades dont la frise de corniche portait l'inscription Horas non numero nisi serenas ("Je ne compte que les heures sans nuages").

 Au sommet, une sphère armillaire était posée sur un piédouche : dans cette sphère fut placé un mécanisme destiné à sonner midi : un marteau frappait douze coups sur un tambour de cuivre, s'il était mis en mouvement par un contre-poids...lâché par la rupture d'un fil de crin...brûlée par le foyer d'une loupe posée sur l'amortissement de la première corniche. On remplaçait le crin chaque jour. On devait ce savant mécanisme à Edme Régnier, ingénieur de Saumur-en-Auxois.

  Pour le cas où le soleil boudait, on compléta le dispositif par "deux mortiers tirant au méridien".

(Source : Jeanne Pronteau, L'œuvre architecturale d'Edme Verniquet, 1976) .

 On apprend encore que "précédant de 60 ans les œuvres de Victor Baltard, et de plus d'un siècle les réalisations de Gustave Eiffel, la « Gloriette de Buffon » est l'un des plus anciens édifices métalliques au monde. Constitué d'une armature de fer de très haute qualité fabriquée dans les forges de Buffon lui-même, à Montbard, le kiosque comportait des superstructures et des décorations de bronze, cuivre, plomb et or. Malheureusement, l'association des différents métaux transformèrent la structure en une pile polymétallique, et certains éléments se dégradèrent rapidement par électrolyse. Restauré au début des années 80, l'édifice a retrouvé son aspect originel, à l'exception du gong solaire." http://www.jardindesplantes.net/un-jardin-botanique/le-labyrinthe

  Sur ses pentes fut planté en 1734 le premier cèdre du Liban introduit en France par Bernard de Jussieu, et toujours vivant. 

  Notons bien que l'appellation de Labyrinthe ne recouvre en rien une réalité de dédales de sentiers ou de haies destinés, comme dans le parc de Versailles, à égarer le visiteur ou à susciter les jeux amoureux. C'est ici une butte, avec des allées, mais sans dédale. Le terme approprié est Belvédère, de l'italien bel vedere, bien voir, caractérisant un pavillon-point de vue, qui servaient de repos lors d'une promenade et où on jouissait d'une perspective avantageuse. En 1839, un auteur pouvait écrire : "Le Labyrinthe, autrefois très à la mode, et aujourd'hui presque totalement abandonné, peut cependant convenir aux jardins paysagers et symétriques. On le forme également dans le bois, le bocage et le bosquet . Par le moyen de sentiers ou d'allées ingénieusement tracées, se mêlant et s'entre-croisant de mille manières, on embarrasse le promeneur, on l'inquiète, et souvent on le fait revenir sur ses pas, lorsqu'il croyait toujours avancer pour arriver à un but qu'il cherchait (ordinairement une fabrique).[...] Nous ne donnons pas d'exemples de labyrinthes modernes, parce que nous n'en connaissons point, même au Jardin des Plantes de Paris, où l'on appelle encore labyrinthe une butte où, depuis plus de soixante ans, il n'y a plus de labyrinthe" (Traité de la composition et de l'ornement des jardins, avec cent soixante et une planches 1839 p. 97.)

 

 

Le cèdre du Labyrinthe, par Jean-Baptiste Hilair (1794) - Gallica :

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Le belvédère dans le Labyrinthe du Jardin des Plantes au XVIIIe siècle - Gallica :

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Le kiosque, actuellement : 

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   En lisant la description de ce Belvédère, construit alors qu'André Thouin était Jardinier-chef et le bras droit de Buffon, et si on pense aux très nombreuses lettres que celui-ci a reçu et a écrit à Antoine Laurent, lui-même Jardinier-chef de jardin de Brest, on imagine immédiatement que la Butte du Jardin botanique de Brest, et son kiosque à son sommet, ont été commandités par Laurent alors qu'il était en poste, c'est-à-dire jusqu'à sa mort en 1820 : de même que le Kiosque parisien était un hommage à Buffon, celui de Brest rendait hommage au Jardin des Plantes (qui l'avait ensemencé dès sa création) et à André Thouin, et scellait une amitié et des relations épistolaires très solides.

  Mais.

— André Thouin est mort en 1824.

— Antoine Laurent est mort en 1820.

— Le plan-relief de 1813 ne montre pas cette Butte-labyrinthe. Le Belvédère n'apparaît que (je ne l'ai pour l'instant retrouvé que) sur le plan de 1867. Mon hypothèse est qu'il a été conçu lors de la construction du nouvel hôpital Clermont-Tonnerre, et donc imaginé entre 1825 et 1835. 

Il est donc nécessaire d'explorer une autre piste.


Deuxième piste : le Belvédère, élément de l'Art des jardins. 

  Si André Thouin était Jardinier, son frère Gabriel Thouin (1747-1829) était paysagiste, et auteur d'un ouvrage qui parut en 1820, juste avant la planification du nouvel hôpital et de son nouveau jardin : les Plans raisonnés de toutes les espèces de jardins par Gabriel Thouin, cultivateur et architecte de jardins. Ce livre est dédié à son frère, avec qui il avait collaboré pendant cinquante ans. (Nul doute que Antoine Laurent ait eu avec lui les mêmes liens d'amitié professionnelle qu'avec André)

  La caractéristique du nouveau jardin de Brest (plan-projet de 1825 et plan de 1867) est d'opposer au dessin rectangulaire des terrasses moyenne et inférieure le dessin toute en sinuosité de la terrasse supérieure et de sa butte. 

  C'est, précisément, la caractéristique du style d'André Thouin, marqué par "les cheminements sinueux en larges méandres, les croisées de chemin irrégulières ou en fourche, le projet conçu à l'échelle de tout le paysage, les combinaison d'édifices techniques avec les constructions pré-existantes, le recours aux plantes exotiques" (Wikipédia)

 En outre, ses Plans raisonnés sont riches en exemples de kiosques ou gloriettes, pagodes, et clochetons.

  Je laisse le lecteur consulter l'article Wikipédia sur Gabriel Thouin ou les Plans raisonnés disponibles en ligne sur Gallica (mais c'est la première édition, monochrome), ou l'édition proposée sur le site de l'INHA. 

                                              220px-Gabriel_Thouin-_jardins1.jpg


Je peux aussi signaler le belvédère des Buttes-Chaumont, jardin créé en 1865-67 par Barillet-Deschamps : ( L'art des jardins / traité général de la composition des parcs et jardins 1879; par Édouard André, gallica) dont le sentier en colimaçon se rapproche de celui de Brest.

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  Je propose donc de voir dans le Belvédère du Jardin botanique de Brest (qui porta, au XIX et XXe siècle, comme il porte encore, le nom de Labyrinthe) une trace historiquement précieuse de l'Art des jardins des années 1820-1860 et notamment, du style de Gabriel Thouin. Le kiosque qu'il porta jusqu'aux bombardements de 1944 apparaît comme une référence directe à celui du Jardin des Plantes, et à son jardinier André Thouin. Pour nous, qui connaissons les liens étroits établis entre les frères Thouin et les jardiniers de Brest Antoine Laurent puis Paugam, ce belvédère célèbre aussi ces deux jardiniers. 

  Au delà de ces références jardinières, c'est, par cette recherche de Point de vue dominant, un symbole du Siècle des Lumières (dont les médecins et pharmaciens brestois du XIXe siècle furent les fils, dans leur lutte passionnée pour le progrès des sciences naturelles, de l'hygiène et de la santé) et, bien plus largement par ce passage de la ligne droite à la ligne sinueuse, l'annonce d'un autre paradigme, où la remise en cause des certitudes ethnocentriques inaugura l'ouverture au Divers et à l'Autre d'un Segalen.

  Le Jardin des Plantes a su honorer la mémoire de Buffon et de Thouin en restaurant la gloriette parisienne. Fanc'h Le Hir a suggéré de placer un nouveau kiosque au sommet du belvédère brestois. Les enjeux sont tout, sauf anecdotiques.


Sources et liens :

ALLAIN (Yves-Marie), Une Histoire des Jardins Botaniques: Entre Science et Art Paysager , ed. Quae 2012.

ROUSSEL (Claude-Youenn) GALLOZZI (Arièle) , Jardins botaniques de la Marine en France – Mémoires du chef-jardinier de Brest Antoine Laurent (1744-1820), Spézet Coop Breizh, 2004.  

THOUIN (Gabriel), Plans raisonnés de toutes les espèces de jardins par Gabriel Thouin,cultivateur et architecte de jardins, Paris, 1820, 1 vol. 56 pages, 57 planches monochromes ; 46 cm : bibliothèque de l'INHA NUM FOL KO 86. http://bibliotheque-numerique.inha.fr/collection/13114-plans-raisonnes-de-toutes-les-especes-de-jardins/ (3ème édition de 1838 avec 58 planches en couleurs) (Réédité chez Tchou en 2006 avec une préface de Michel Conan)

 

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Published by jean-yves cordier
10 août 2013 6 10 /08 /août /2013 21:53

  L'ancien jardin botanique de l'Hôpital Maritime à Brest.

 

 

Voir aussi :  Le Musée ou Cabinet d'histoire naturelle du jardin botanique de Brest 1800-1944.

 

Le jardin de l'Hôpital d'Instruction des Armées Clermont-Tonnerre

 

  Le Jardin de l'Hôpital d'Instruction des Armées Clermont-Tonnerre  est  situé sur les terrains de l'Hôpital d'Instruction des Armées Clermont-Tonnerre rue du Colonel Fonferrier à Brest. Il est ouvert aux malades, à ceux qui leur rendent visite, et  au personnel, et son entrée est gratuite. Son intérêt principal ne vient pas de sa beauté ou de sa richesse botanique actuelle, beauté et richesse très relative malgré ses cinq cent plans et les efforts du jardinier (CAT des Papillons Blancs) , mais naît de son histoire, car c'est là qu'existait jadis l'un des plus prestigieux jardins botaniques de la marine, depuis sa création en 1694 ; et il faut, en s'y promenant, avoir à l'esprit la grande aventure de la botanique et de la pharmacie, puis de l'exploration et de l'acclimatation des espèces botaniques ou zoologiques ramenés de tous les continents par les vaisseaux qui terminent au port de Brest leurs navigations. Un lent déclin du jardin au XXe siècle , puis sa destruction lors de la Seconde Guerre mondiale et le transfert de quelques plants précieux vers le Conservatoire du Stang Alar rend ce travail d'évocation du passé bien exigeant. La surface initiale de 8000 m² s'est trouvée réduite à 6200 m² après avoir été amputée pour créer le bâtiment de l'Administration et des pavillons médicaux.


  Le brestois, marin ou non, pénètre habituellement dans l'hôpital à vive allure, qu'il se presse vers un rendez-vous, qu'il visite l'un de ses proches hospitalisés, ou que, dans le V.S.A.B des pompiers ou dans son véhicule, il se précipite plein d'angoisse vers l'entrée des Urgences pour réduire sa fracture, suturer sa main passée sous la tondeuse, panser la brûlure occasionnée par son barbecue ou ôter le couteau qu'un voisin de bar lui a planté en un endroit sensible. Bref, il est rare qu'il prête attention aux masses de verdure qui entourent, de chaque coté, l'allée centrale menant vers ces Services médicaux et cruciaux. Et pourtant...

 1. Le parterre d'accueil.

 Et pourtant, s'il adopte,  pour une fois, le pas tranquille du flâneur et du fureteur, s'il donne à ses jambes cette nonchalance bonhomme et désinvolte qui confère à l'âme l'esprit badin, folâtre et capricant, allant à sauts et gambades parmi les bâtiments, le visiteur découvrira, à peine franchie la barrière d'entrée, un premier parterre (moderne) orné d'un mât, d'une ancre et d'une cloche. Ce serait la cloche de la chapelle de l'hôpital de la marine, portant sous des feuilles de saule l'inscription IESU MARIA LAN 1698 , et, entourant une croix, les mots ME FECIT VLIANVS TROVSSEL

  L'ancienne "chapelle du séminaire ou de la Marine" fut édifiée en 1743 sur les plans de Choquet de Lindu et détruite au début du XXème siècle. C'était  est celle des Pères Jésuites après que les Brestois aient racheté leur église Saint-Louis en 1750. Après le départ des Jésuites, la chapelle du séminaire est attribuée aux troupes de la marine. La chapelle est transformée durant la Révolution en hôpital en la divisant en salles au moyen de planches, et accueille alors 600 malades, sous le nom de Temple de la Concorde. (Levot, Hist. port Brest T.4 p.208). Puis elle sert de tribunal révolutionnaire, tandis qu'on inscrit sur son fronton Justice du Peuple. puis de 1800 à 1814 en un magasin à vivres au service de l'hôpital. (Levot, T2 p.243) En 1814, la chapelle est restaurée complètement et on y place dans le chœur un groupe en marbre blanc dû au sculpteur flamand Schiemakers (retable venant de la citadelle d'Anvers). Prosper Levot en donne une description détaillée, mentionnant sa nef est voûtée en pierres de taille, ses arcades formant à l'origine dix chapelles particulières, mais ne dit rien de sa cloche. Le monument est par la suite cédé à la Ville pour permettre la percée d'une rue dans le quartier Keravel et est arasé. 

 

 Il ne faut pas confondre (ce que je fis) cette chapelle de la marine avec la chapelle de l'hôpital, décrite par P. Levot T2 p. 319, avec ses quatre colonnes en granit de l'Aberildut, et qui fut reconstruite par Verrier en 1860. C'est elle qu'on voit sur les photographies anciennes, dans le prolongement du préau, de la rampe et du portique semi-circulaire d'entrée. 

Vignette   Vignette  Vignette

 

Mais la cloche de cette chapelle de l'hôpital, bien décrite par P. Levot, datait de c1860. Au total, je ne suis pas bien sûr de l'origine de cette cloche.

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  Cette inscription permet d'évoquer l'une des familles de fondeur de cloche du Finistère. Julien TROUSSEL, fondeur de cloche à Morlaix, était le fils de François Troussel dit LA CROIX, 1664-avant 1707. Originaire de Normandie mais installé à Morlaix rue du Fil dès 1667, François était l'époux de Marie Le Moing dont il eut 5 enfants baptisés paroisse Sainte-Mélaine à Morlaix : Julien (18-10-1667), Jacques (2-07-1669), Julien (06-11-1671), Anne (28-05-1675), et Bernard (16-03-1678). (Fichier Bourde de la Rogerie).

La date de 1698 est celle de l'achèvement des travaux d'aménagement de l'hôpital et du jardin. Cette cloche est donc une bonne balise d'introduction dans ce jardin qui a été créé en 1694.

 

  Le promeneur découvrira aussi des massifs de Gunnera et de bambous, puis des bassins aux formes contournés ; tout cela serait, si mes informations sont exactes, de construction récente.

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2. Le jardin de l'hôpital maritime.

  Ce qu'il reste du jardin botanique ne débute qu'après avoir franchi les bâtiments du Service du personnel ; un plan en dégage le dessin général : entre la rue Portzmoguer au nord-est, et la rue de Lyon au sud-ouest, trois terrasses se succèdent, traversés comme par un coup d'épée par l'allée qui en détruit la cohérence. La partie la plus haute (en haut à droite sur ce plan) est actuellement occupée par un mini-golf, et par une butte-labyrinthe. A l'extrême gauche, devant le restaurant du personnel (ici, sous le chiffre 7) un long parterre indique la Cour Crevaux, encore en contre-bas par rapport aux terrasses, et centrée par le buste du médecin qui lui donne son nom.


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Voici la description que donnent de ce jardin Claude-Youen Roussel et Arièle Gallozzi (2004):

      « La terrasse supérieure aux sept parterres est peuplée de beaux arbres exotiques ou locaux plantés depuis la Seconde Guerre mondiale, de grosses racines anciennes rampent sur le sol.

      La butte artificielle (plus petite que celle du jardin des Plantes) existe toujours. Son modeste labyrinthe est aujourd'hui étouffé par la poussée excessive des ifs qui délimitaient son tracé. Un Gingko biloba d'après-guerre voisine avec des camélias portant encore les traces des éclats de bombes. M. Gérault [le pharmacien-chimiste en chef Alain Gérault] en signale un remarquable, âgé d'environ cent cinquante ans, et un palmier particulièrement développé, Chamaerops humilis.

La terrasse centrale ; limitée par la route axiale, est occupée par un grand parterre rectangulaire et un plus petit arrondi, organisé à l'anglaise. Des arbres buissons et quelques fleurs poussent çà et là. La belle rocaille du XVIIIe siècle en demi-lune et son bassin sont en bon état, mais obturés par des plans sans intérêt.

La troisième terrasse est l'espace le plus agréable, garnie d'un superbe Magnifolia grandiflora, d'un Gunnera manicata, d'un Hibiscus syriacus et de jolies fleurs. Son bassin rond est malheureusement remblayé.

Les terrasses sont séparées de la rue de Lyon par un terrain long et étroit, occupé en son centre par une construction en U très remaniée (l'ancienne maison de Laurent), un jardin clos privé (autrefois le jardin d'été de Laurent), et une cabane à outils près des planches de préparations des plants, à l'emplacement des anciens bassins à sangsues. Enfin, seules les traces au sol des deux serres du XVIIIe siècle subsistent, dans la cour Crevaux et près du jardin clos où la serre était encore indiquée sur un plan de 1997. Celles du XIXe siècle ont complètement disparu». 

  Pourtant, ce qui fut, au XIXe siècle, "le plus beau jardin de la métropole" (C.Y. Roussel, A. Gallozzi) est à l'origine selon A.H. Dizerbo de la présence, dans les jardins privés du Finistère, de l'apparition  de  mûriers et d'orangers, de haies de Fuchsia magellanica (qui viennent du Chili et d'Argentine), de Gunnera du Chili ou de la Scille du Pérou, mais aussi de l'introduction dans l'Ouest de la France de plantes comme les Camélia, les Yucca gloriosa L., le Gynerium argenteum Stapf., l'Auricaria imbricata Pav., l'Escallonia illinata Presl." (A.H. Dizerbo, 1954).



 3. Vues panoramiques successives depuis la terrasse supérieure jusqu'à la partie basse :

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4. Quelques plantes remarquables.

  Parmi les cinq cents plants actuels, certains plants sont identifiés par des bornes vertes. J'en donne la liste.

 

 

A. Terrasses supérieures.

  • Paulownia catalpifola, Catalpa, Scophulariacées, Chine, Corée.
  • Agapanthus africanus, Lis du Nil, Liliacées, Afrique du Sud, Australie.
  • Rhododendron ponticum, R. pontique, Caucase.
  • Liriodendron tulipifera, Tulipier de Virginie, Magnioliacées, Amérique du Nord.
  • Ilex aquifolum, Houx commun.
  • Crataegus laevigata, Aubépine rouge, Rosacées.
  • Taxus baccata, If commun,
  • Castanea sativa, chataîgnier.
  • Colletia paradoxa  Escal.,ou cruciata (Gill & Hook) ??, l'Avion Potez, Rhamnacées, Brésil.
  • Gingko biloba L.,1771, Arbre aux quarante écus, Gingkoaceae, Chine
  • Gunnera manicata Linden, 1867, Rhubarbe du Brésil ou Gunnère du Brésil, Gunnéracées, Amérique du Sud.
  • Chamaerops humilis L., 1753, Palmier nain ou Palmier doum, Arecacées, Pourtour méditerranéen. Il a été introduit en 1850 dans ce jardin.
  • Dracaena australis ou Cordyline australis (Fors.f.) Hook.f.,1860, Cordyline, Agavacées ou Liliacées.

 

   Avant la Seconde Guerre, les brestois avaient libre accès au jardin botanique pendant la belle saison le jeudi (jour de congé scolaire) et le dimanche.

" Par les allées bordées d'arbres dont certains séculaires : magniolias, araucarias, eucalyptus, paulownia, rhododendrons arborescents ("famille des éricacées" précisaient des fiches de tôle peinte), on gagnait les niveaux  supérieurs du jardin. On allait, négligeant dans l'Est du mur d'enceinte un vague sous-bois où rouillaient quelques antiques cages à fauves sans occupants depuis fort  longtemps sans-doute. On montait entre des pelouses en forte pente dont le vent exaltait les tons complémentaires d'un large massif de bégonias* multicolores (orgueil justifié des jardiniers de l'hôpital maritime), et un énorme aloès, si charnu qu'on l'eut cru coulé en bronze patiné. On parvenait alors au labyrinthe. Ce n'était guère qu'un tertre fort modeste, en cône tronqué...Un chemin en spirale le gravissait, bordé de haies vives, taillées au delà de la hauteur d'œil" (Docteur Robert Bellec, 1977).

  *Je rappelle que Michel Bégon (1638-1710), qui a indirectement donné son nom au bégonia, a été commissaire de la marine à Brest en 1680. C'est en 1689 que, nommé Intendant des Îles françaises d'Amérique aux Antilles il emmena un botaniste, le père Charles Plumier, qui dédia cette espèce à son protecteur.

 

   "Un jardin délicieux, planté dans un rempli des vieux remparts de Vauban, enclos de grands murs et disposés en trois terrasses ; la plus haute était dominée par ce que les enfants appelaient pompeusement le labyrinthe, et qui n'était qu'un sentier en spirale montant sur une butte et menant à un petit kiosque ombragé de beaux arbres dont un gingko biloba dont le nom nous amusait autant que la forme curieuse de ses feuilles. Il y avait plusieurs pièces d'eau ; dans l'une d'elles s'était noyé un jeune garçon et on nous mettait en garde contre ses dangers ; tout à coté, un petit cours d'eau sur lequel passait un pont rustique ombragé de hauts bambous aboutissait aux bacs des plantes aquatiques. Partout des fleurs, partout des grands arbres : nous savions que parmi eux se trouvaient des espèces extrêmement rares en Europe, mais notre science n'allait pas jusqu'à savoir lesquelles. Les plates-bandes où se cultivaient autrefois les « simples » destinées aux soins des malades étaient encore ceinturées de leurs buis.» (Médecin-Principal Charles Laurent, 1963)

 

  La butte  et son labyrinthe en coquille d'escargot ; la butte était jadis coiffée par un élégant belvédère, "petit pavillon ouvert à tous vents dont le toit aux angles relevés était soutenus par des colonnettes de fonte "vert-jardin"." (R. Bellec).

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Le mini-golf.

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Chamaerops [Chamœrops] humilis L., 1753, Palmier nain ou Palmier doum, Arecacées, Pourtour méditerranéen. Il a été introduit en 1850 dans ce jardin.

  Seul palmier spontané d'Europe, endémique au sud de l'Espagne, découvert à l'état sauvage à Monaco en 1808, il semble être dans le sud de la France une sorte de relique de l'ère Tertiaire ayant survécu aux glaciations du Quaternaire. Sa base est occupée par un buisson de drageons, d'où émergent chez les individus âgés un tronc de deux mètres et son éventail de feuilles palmées.

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Dracaena australis ou Cordyline australis (Fors.f.) Hook.f.,1860, Cordyline, Agavacées ou Liliacées.

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      Le Palmier à chanvre ou Palmier de Chine Trachycarpus fortuneii (Hook.) H.Wendl., 1863.

  Ses graines ont été rapportées la première fois en Europe vers 1850 de Chusang en Chine par Robert Fortune (1812-1880), et la plante porte donc son nom.

  Robert Fortune n'est autre que "l'espion du thé", celui qui, en 1848, déguisé en chinois avec une longue natte dans le dos, alla prélever à la demande de la Compagnie des Indes Orientales  des plants et des graines de théier et de percer les secrets de fabrication du thé dans diverses régions chinoises, engageant des ouvriers chinois pour venir travailler pour les britanniques. En 1843 lors d'un premier séjour (Trois années d'excursions dans les provinces du nord de la Chine), il avait observé comment les chinois cultivait les théiers, et avait découvert que le thé vert et le thé noir provenaient de la même plante. Forte du plus magistral vol commercial de l'Histoire, la Grande-Bretagne organisa la culture du thé dans ses colonies en Inde, et brisa le monopole chinois du Thé.

  C'est l'un des palmiers qui résistent le mieux au froid, et qui supporte le manque ou l'excès d'humidité ; on a pu croire que le jardin maritime en conservait encore deux  exemplaires de l'ancien jardin, où ils avaient été plantés en 1856-1858 grâce à des envois du Muséum, mais les palmiers actuels sont en fait plus récents.

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      La rocaille et le Gunnera manicata, Rhubarbe du Brésil.

 

"Plus haut  dans le jardin, en bordure d'une autre allée, une vasque très ombragée recevait une petite cascade dont l'eau ruisselait d'une rocaille tapissée de fougères sur des blocs de coraux et des madrépores à fleur d'eau".  (Docteur Robert Bellec) 

  Tout à fait inappropriée pour faire une tarte à la rhubarbe (cette Rhubarbe Géante n'a de rhubarbe que le nom), elle rend hommage par son nom de genre  au botaniste norvégien Johan Ernst Gunnerus, (1718-1773). L'adjectif latin Manicata  signifie "qui a des manches", mais m'évoque surtout la forme de la main de ses grandes feuilles, le mot manica signifiant "gant", " longue manche de tunique couvrant les mains".

 

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Colletia  cruciata (Gill & Hook), Collétie Croix-de-fer, Collétie croisette, l'Avion Potez, en anglais Anchor Plant, Rhamnacées, Brésil.

   Son nom de genre rappelle la mémoire du botaniste magistrat Philippe Collet (1643-1718), qui dressa l'inventaire des plantes autour de Dijon ; l'épithète cruciata, "en forme de croix", est liée à la caractéristique de ce curieux arbre sans feuilles, dont les tiges ont des ramifications aplaties triangulaires qui s'organisent dans des plans perpendiculaires. Cette plante plaisait beaucoup, dit-on, à Henri Potez, propriétaire du domaine austral du Rayol, (Var) et on peut voir dans la silhouette de ses "épines", non pas une ancre, comme les anglais, mais un avion.

  Il donne, en automne, une floraison blanche mellifère parfumée comme la pâte d'amande ou le miel. Humm!


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  Focalisation progressive sur "l'Avion Potez" :

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      On comparera ces vues du jardin avec celle de l'hôpital et du parc avant la Seconde Guerre sur cette Carte postale.

 

 

B. Terrasse inférieure (principale).

  • Ericana lusitanica, Bruyère du Portugal, Ericacées, Sud-Ouest de l'Europe.
  • Camelia japonica "Don Kelarii", Camélia panaché, Théacées, Asie.
  • Phormium Tenax, Lin de Nouvelle-Zélande, Liliacées.
  • Camelia japonica "Implacata rubia", Camélia rose, Théacées, Asie.
  • Camelia blanc "alba plena", Théacées, Asie.
  • Dracaena australis ou Cordyline australis (Fors.f.) Hook.f.,1860, Cordyline, Agavacées ou Liliacées.
  • Trachycarpus Fortuneii, Palmier chanvre, Arécacées, Chine. 
  • Myrthus Luma, Myrte Luma, Myrtacées, Chili.

 

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Myrthus Luma, Myrte Luma, Myrtacées, Chili.

Luma apiculata (est-ce lui ?) se plait particulièrement bien en Bretagne, en zone côtière dont il apprécie le climat doux, mais gèle en dessous de -15°. Certains spécimens atteignent 12 mètres de haut. 

 

Son tronc couleur cannelle qui s'exfolie en blanc crème. Il fleurit en été, se couvrant de petites fleurs blanches à longues étamines ; puis, à l'automne, des petits fruits pourpre sombre, comestibles, sont mangés par les oiseaux avant qu'on puisse en faire des confitures.


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L'écorce vanille et cannelle  de la myrte :

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La floraison de Myrthus luma : 

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  Vue générale :

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 Le bassin.

 

" On remontait vers l'allée principale en contournant un rond-point centré par un petit bassin où des cyprins furtifs glissaient comme des ombres parmi quelques nymphéas et les reflets d'arum et d'herbe de la pampas que le dimanche un jet d'eau modeste paraît d'une poussière de vaguelettes." (Docteur Robert Bellec) 

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Le même au printemps :

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      Plants de Phormium tenax ou Lin de Nouvelle-Zélande :

 

   Ferdinand Noël avait acclimaté ici cette plante (dont on disait que les graines avaient été ramenées par Freycinet de son voyage autour du monde à bord de l'Uranie, 1817-1820, mais les premières graines ont été ramenées par Labillardière en 1793) en espérant en extraire la filasse afin d'en faire des cordages.  Effectivement, les maori de Nouvelle-Zélande la tresse et la tisse pour réaliser des paniers ou des cordes, et les colons anglais avaient établi dés 1797 une manufacture de Phormium dans l'île de Norfolk. Mais en France, les cordages et tissus fabriqués ainsi résistaient très mal à l'humidité et au lessivage. Édouard Vincent, pharmacien en chef à Brest, dans un mémoire à l'Académie des sciences du 29 mars 1847, en donna l'explication : les fibres présentaient des intersections albumineuses que la chaleur humide ou les alcalis détruisaient. En 1848, il proposait une méthode permettant son emploi en association avec le chanvre.

  Les feuilles de cette plante peuvent dépasser deux mètres de long, et servirent longtemps, en Nouvelle-Zélande, de liens pour ceindre les balles de laine exportées vers l'Europe. 

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      Dracaena australis ou Cordyline australis (Fors.f.) Hook.f.,1860, Cordyline, Agavacées ou Liliacées :

 

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Les anciens Camélias.    

  En 1871, E. Vavin les signalait déjà commme des arbres vénérables, dont plusieurs auraient été plantés  par Antoine Laurent dans les années 1810, "les troncs de ceux que j'ai mesurés ont, près du sol, 40 à 50 centimètres. Leur belle et luxuriante verdure en février prouve qu'ils ont supporté bravement les frimas de cet hiver [particulièrement froid en 1870-71 et responsable de nombreuses pertes de plants à Brest]. Beaucoup de ces Camellias sont de véritables arbres ; quelques uns ont plus de 10 mètres de tour et 3 mètres de haut : ils fleurissent tous les ans et donnent des graines parfaitement mûres".

  En 1908, L. Pardé, Inspecteur des Eaux et Forêts, attestait avoir vu dans le jardin de la Marine un Camellia japonica planté en 1811.

  C'est cette acclimatation du Camellia japonica dans le jardin botanique de Brest qui est responsable de la forte densité de camélias en Finistère, et plus largement en Bretagne.

  Selon Fanch Le Hir, conservateur du Conservatoire Botanique du Stang Alar, aucun des camélias présents ne date de de A. Laurent, même s'ils peuvent être centenaires, et être issus des plants d'origine. Ils font eux-mêmes l'objet de reproduction.

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Camelia japonica étiqueté ici "Don Kelarii". C'est le "Donckelaeri", plus couramment nommé "Masayoshi" . Camélia panaché.

      Les fleurs de 10cm, semi-doubles sont rouge-cerise tachetées de blanc. Elles apparaissent de mars à mi-mai. 

Les camélias anciens  du jardin sont recencés par la Société Bretonne du Camellia. Les troncs, blessés et tortueux, portent encore des traces d'obus du bombardement de 1944.

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Camelia japonica "Implacata rubia", Camélia rose, Théacées, Asie.

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 Ce camélia semble faire l'objet d'une reproduction par marcottage aérien :

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Son voisin, aux fleurs panachées :

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Camelia japonica  blanc "Alba Plena": ( ou "Nankin-Shiro").

Fleur double blanc porcelaine de janvier à avril.

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5. La Cour Crevaux : où je découvre un homme mangé par les indiens, et celui qui inspira Hergé pour "l'Oreille Cassée".

         En 1889, O. Pradère écrivait dans son Guide du touriste : "On remarque au milieu du jardin botanique un petit monument en pierre du pays surmonté d'un buste en bronze de Jules Crevaux, médecin de la Marine. Ce monument a été élevé en ce lieu par le corps médical de la marine pour perpétuer la mémoire de cet illustre explorateur. Sur le monument est gravé en creux l'inscription suivante : " À CREVAUX. Le corps des médecins de la Marine. Jules Crevaux, 1846-1882, massacré par les indiens Tobas."

  Ce buste, réalisé par Alfred Daubrée à Nancy, (ville dont le Jardin des plantes abrite un exemplaire identique, car c'était le siège de la Société de Géographie) et sa stèle gravée, occupent aujourd'hui le centre d'un parterre gazonné en face des fenêtres du mess. Heureux (?) les médecins qui peuvent, en se restaurant, méditer sur la vanité passionnante des destins en pensant à leur confrère embarqué sur le La Mottte-Picquet pour explorer de 1873 à 1882 l'Amérique Équatoriale, pénétrant en Guyane, remontant le Magdalena et l'Orénoque. Ont-ils lu ses Voyages dans l'Amérique du Sud, Paris 1883 ? Ou bien En radeau sur l'Orénoque : des Andes aux bouches du grand fleuve 1881-1882 ?

  Combien sont-ils, à l'Hôpital-Inter-Armées, à appartenir aux Amis de Jules Crevaux ?  Le site de cette association me permet de découvrir que le buste de Brest honore, non pas une vieille barbe révolue et oubliée, mais un homme d'actualité, dont le Musée du Quay Branly va présenter en 2014, en outre de l'exposition permanente, son exploration de la Guyane, et auquel le Musée-aquarium de Nancy consacre en juin 2013 une exposition.

  J'étais passé distraitement devant cette Cour Crevaux à la sévérité toute hospitalière, trop rectiligne, au gazon et au buis ennuyeux, à peine fleurie, à peine égayée par un masque de faune que n'anime plus l'eau vive d'une fontaine, et voici que, comme plongé dans L'Oreille cassée, je me retrouve à dix ans, haletant à suivre les aventures de Tintin chez les Arumbayas, ou m'imaginant parti à la découverte des indiens roucouyens, arrouagues et piapocos !

( De la Grammaires et vocabulaires des langues roucouyenne, arrouague, piapoco et d'autres langues de la région des Guyanes par MM. J. Crevaux, P. Sagot, L. Adam, Bibliothèque linguistique américaine, tome 8, Paris, 1882, 288 p.).

Mangé par les Indiens Tobas !

  Qui a rédigé, sur Wikipédia, ce récit passionnant que je dévore pendant que les toubibs avalent leur steak-frites ? J'en fais ici un copié-collé http://fr.wikipedia.org/wiki/Jules_Crevaux:

  "Médecin-major sur le La Motte-Piquet, en 1873, à la division navale de l'Atlantique-sud, il est nommé, l'année suivante, en Guyane et entreprend l'exploration de ce pays dont l'intérieur est encore très mal connu. Revenu en France en 1876, il devient assistant de Ranvier au laboratoire d'histopathologie au Collège de France. Épris d'aventure il se fait nommer à nouveau en Guyane et embarque le 7 décembre 1876. Après avoir soigné les malades de la fièvre jaune aux îles du Salut, il part avec monseigneur Emonet et le père Kroenner le 8 juillet 1877 explorer l'arrière pays de la Guyane. Il remonte le Maroni, étudie les Indiens Galibis puis, seul, pénètre chez les Bonis, anciens esclaves noirs évadés réfugiés dans la forêt, en Guyane hollandaise. Il s'y lie d'amitié avec Apatou qui le suivra désormais, y compris à Paris où il sera acclamé à la Sorbonne. Poursuivant son exploration, il remonte l'Itany, affluent du Maroni, et arrive chez les Roucouyennes où, malade, il doit se reposer. Le 17 septembre il repart par le sentier des Emérillons, passe le sommet de la Serra de Tumucumaque, redescend par l'Apaouani et atteint le 2 octobre le Rio Jari, affluent de l'Amazone. Deux mois plus tard il arrive à Belém après avoir parcouru plus de 1 000 km de fleuves et de forêts totalement inconnus. Il est dans un tel état de dénuement qu'on le prend pour un forçat évadé ; heureusement un Français lui offre le bateau pour la France et le 17 avril 1878 il rend compte de son voyage à la Société de géographie et est fait chevalier de la Légion d'honneur. Il a tout juste 31 ans.

  Son appétit de découvertes n'est pas assouvi et dès le 2 juillet il s'embarque à Saint-Nazaire pour la Guyane et le 24 août 1878 entreprend une nouvelle exploration. Il remonte l'Oyapock presque jusqu'à sa source (qui sera découverte par Henri Coudreau en 1889), franchit à nouveau la Serra de Tumucumaque (où il y a maintenant le pic Crevaux), descend le Rouapir, traverse le territoire des Calayouas et atteint le 10 octobre le Rio Jari. Ne voulant poursuivre sur cet affluent de l'Amazone qu'il connaît déjà, il pousse à l'ouest, trouve le Parou, affluent parallèle, le descend et arrive à Belém où on lui fait meilleur accueil et où il peut se reposer. Quelque temps plus tard il remonte, en bateau à vapeur, l'Amazone jusqu'à Para, et, en pirogue, le Rio Ica jusqu'à Concepción en Colombie puis redescend par le Yapoura et atteint l'Amazone le 9 juillet 1879. Ayant parcouru plus de 6 000 km de cours d'eau et recueilli une masse d'informations botaniques, ethnographiques et anthropologiques, il présente, début 1880, cet impressionnant bilan scientifique à la Société de géographie de Paris qui lui remet sa grande médaille d'or. C'est la gloire.

  Mais l'Amazonie, telle une sirène, l'appelle à nouveau et le 6 août 1880 il repart avec le pharmacien de la Marine Eugène Le Janne à Santa-Fé de Bogota, remonte le Rio Magdalena, en Colombie, franchit la cordillère des Andes et redescend en radeau vers l'Orenoque, par le Rio Guavaiare ou Guyalero qu'il baptise Rio de Lesseps. Arrivé dans le delta de l'Orenoque, après avoir exploré 3 400 km de fleuve en 161 jours et récolté une ample moisson d'objets de botanique, de zoologie et d'anthropologie, le docteur Crevaux est épuisé et doit se reposer quelque temps parmi les Indiens Gouaraounos. Il rentre en France le 25 mars 1881 et est fait officier de la Légion d'honneur.

  Prenant quelques mois de repos, il monte une nouvelle expédition avec l'astronome Billet, le médecin Bayol et le peintre Auguste Ringel ; le but est d'explorer le Rio Pilcomayo qui traverse le Gran Chaco et qui, exploité, servirait de trait d'union entre la Bolivie et l'Argentine. Fin 1881, il embarque pour Buenos Aires. En mars 1882 il arrive à Tarija, en Bolivie, où il doit s'arrêter à cause de l'état de guerre qui règne dans la région. L'équipe alors se sépare, Billet part reconnaître le Tocantins et Crevaux, accompagné de 18 hommes, part rejoindre le Río Pilcomayo. Le 19 avril, il commence la descente de la rivière. Le 27 avril, il est en plein territoire des IndiensTobas qui, excités par un récent combat contre une autre tribu, le surprennent ainsi que ses compagnons et les font prisonniers. Deux membres de l'escorte parviendront à s'échapper et raconteront que Jules Crevaux avait été tué et mangé, ainsi que deux autres compagnons, par les Tobas. Il venait d'avoir 35 ans et laissait derrière lui les récits de ses voyages ainsi qu'un ouvrage intitulé Grammaire et vocabulaire Roucouyennes qui sera publié après sa mort."

  A-t-il vraiment été mangé ? Un témoignage dit qu'il a été frappé par la grande matraque en bois de fer d'un Capataz (chef). C'est ce que Hergé a représenté dans L'Oreille Cassée, où Tintin est frappé par un indien.

 

  En effet, les aventures de Jules Crevaux ont inspiré Jules Verne (qui le cite dans "Le Superbe Orénoque", 1898), mais aussi bien-sûr Hergé pour "l'Oreille Cassée" : il serait, avec d'autres comme Percy Harrisson Fawcett, le modèle du professeur Ridgewell. Hergé aurait, selon D. Heckenberger, repris un dessin de Crevaux (Tour du monde, page 369) pour son dessin de Milou qu'un boa se prépare à dévorer, et les indiens roucouyens de Crevaux seraient très proches des Arumbaya imaginés par Hergé.

  Hergé, lorsqu'il représente les flèches empoisonnées des sarbacanes des indiens (qui les a oubliées ?) se sert aussi des découvertes sur le curare faite par Crevaux (Le Tour du monde, Paris 1860-1914) aidé en 1880 du pharmacien breton Le Janne. Les anesthésistes de l'Hôpital Inter-Armées se remémoreront que ce sont leurs confrères qui ont aidé à percer le secret du curare de Guyane (ils existe plusieurs curares), apprenant à le préparer, grâce au tamouchy Alamoïké et d'un sorcier Piaroa, en obtenant  la recette du curare "l'herbe qui tue tout bas", contre une hache et cinq francs. Certes, le poison amazonien (urari du Haut-Orénoque) avait déjà été ramené en Europe par Raleigh en 1596, décrit par Humbolt et Bonplan en 1819,  depuis 1858 par Milliroux, présenté à l'Académie par Boussingault et étudié par Claude-Bernard qui découvrit son action paralysante, la mort survenant par suffocation induite par la paralysie respiratoire (Son utilisation en anesthésie ne date que de 1942). Mais leur grand mérite a été de permettre d’identifier plusieurs plantes à la base du curare à l’occasion de ses différentes explorations : Strychnos toxifera Schomb.(le plus employé), S. castelveana Wedd., et enfin S. crevauxii Planchon, qui porte le nom de l'explorateur.

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        Si son buste trouve place ici, c'est qu'après avoir commencé des études de médecine à la faculté de Strasbourg, il les avait terminé à l'École de médecine navale de Brest. Nommé aide-médecin (l'équivalent d'aspirant de première classe) le 24 octobre 1768 à l'hôpital maritime de Brest, il rejoignit ensuite Cherbourg avant  d'embarquer en 1869 sur le navire-hôpital Céres pour une croisière de 100 jours au Sénégal, aux Antilles et en Guyane.

  Il avait été l'élève (ou avait fait connaissance du)  

dia.org/wiki/Armand_Corre">Dr Armand Corre, qui avait démissionné de la marine pour s'installer comme médecin civil à Brest  : un article du bulletin de l'Académie de Lorraine fait état page 15 d'un courrier de réponse d'Armand Corre à Jules Crevaux le 5 janvier 1874 où Corre se plaint de s'être fait voler "un travail sur le gorille", avant de donner amèrement ce conseil à Crevaux (qui avait songé à s'installer à Buenos-Aires) : "Ne songez jamais à quitter la marine pour la carrière civile" !

On cite aussi dans ce bulletin un échange de lettres avec le Dr Ch. Guyader, médecin civil à Brest.

  Pendant ses études à Brest, il avait fait connaissance avec le pharmacien de la marine Le Janne (1848-1932) qui l'accompagnera dans son expédition en 1880, et s'installera plus tard à Carhaix après avoir soutenu en 1881 sa thèse "Des curares: de leur distribution géographique et des débris que l'on y rencontre en les examinant au microscope.", Eugène François Marie Le Janne 1881 - 30 pages. C'est à San Fernando, au confluent de l'Atapabo et de l'Orénoque, dans une Mission où Humbolt avait été reçu, que Le Janne fit ses observations sur le curare.


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Le buste porte la signature de G Benoît Godel . Il porte ici la médaille (avec rosette) d'officier de la  Légion d'Honneur qui lui avait été attribuée à titre exceptionnel le 30 juillet 1877 pour sa conduite face à l'épidémie de fièvre jaune qui sévit en 1876 au pénitencier des Îles du Salut, au large de la Guyane. Il fut nommé officier de l'Ordre le 6 juillet 1881. A coté, il porte la médaille d'officier de l'Instruction Publique des Palmes académiques attribuée le 23 janvier 1878. Ses missions auprès des Tumuc-Humac  avaient été commanditées et financées en effet par le Ministère de l'Instruction Publique.

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Le masque de faune jette-eau (céramique):

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Au sommet de la rampe qui rejoint le jardin, un très beau et très ancien camélia, bien visible déjà sur une carte-postale d'avant-guerre. C'est le plus ancien camélia du jardin et nommé "camélia [bi-]centenaire" pour le désigner. Il a été reproduit par les pépinières Sterviniou.

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Le même, en fleurs :

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  La diagonale montante de la rampe d'accés au jardin, et sa division en X maçonnés, culminant vers ce camélia dont les proportions semblent avoir dépassé les prévisions du jardinier, sont déjà visibles sur les photographies anciennes (avant-guerre), et ont donc resisté aux bombardements et aux réaménagements. Il faut savoir imaginer, à gauche, à la place du bâtiment hospitalier et de la grille, les hautes serres tropicales, cathédrales vitrées trop fragiles pour traverser les siècles.

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  Ainsi s'achèverait à peu-près, pour le promeneur, la visite du jardin de l'hôpital, si, attentif aux effluves et aux souffles, aux frémissements et aux demi-silences, il n'avait perçu les soupirs et les frôlements des mânes qui hantent ce lieu. Là comme ailleurs, l'essentiel est invisible, et, pour faire surgir les épiphanies chaleureuses et vigilantes de tous les jardiniers, tous les médecins et pharmaciens de la marine qui s'attachèrent à cette terre, il faudrait, comme dans les jardins de Boboli rythmé par les antiques et les faunes, peupler ces allées de leurs silhouettes taillées dans le marbre. Imaginons...


  6. L'allée (imaginaire) des Jardiniers en chef.

  Il y aurait, en tout premier, le buste d'Antoine Laurent, l'infatigable jardinier-botaniste en chef qui, de 1771 à 1820, créa véritablement ce jardin, faisant venir du Jardin des plantes (où il avait exercé après avoir fait ses débuts au Trianon), de nouveaux plants, veillant sur les trésors que ramenaient les vaisseaux dans leurs soutes, et transformant ce qui n'était qu'un jardin approvisionnant les apothicaires en plantes pharmaceutiques en un vrai jardin botanique acclimatant les plants venus de Nouvelle-Angleterre ou du Canada, des Antilles ou de Guyane, des Canaries ou des Indes, de Grèce et d'Amérique de Nord, avant de les adresser au Jardin des Plantes, ou d'en favoriser la culture dans les jardins bretons. A défaut de ce buste, nous pouvons encore trouver, dans la terrasse inférieure, la plaque funéraire en pierre d'ardoise que voici :

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 On y déchiffre encore, malgré l'usure de la partie centrale l'inscription suivante : CI GIT ANTOINE LAURENT,Jardinier-botaniste du Port de Brest Mort à Brest le 22 août 1820... Guillaume M(ar)ie LAURENT commis de la Marine décédé le 9 Xbre 1843 âgé de 58 ans bon frère N° 9 CT R LO US  REQUIESCAT in pace. Amen

 

  Cette plaque funéraire a été découverte au cimetière Saint-Martin de Brest où elle a échappée aux bulldozers et a été installée, devant le logement qu'occupait jadis Antoine Laurent, en 2012 par un comité de passionnés : Voir Ouest-France 16 septembre 2012.

 Guillaume-Marie Laurent, fils d'Antoine Laurent, était né le 23 octobre 1785 à Brest ; commis de 1ère classe de la marine, il a été muté à Brest après le décès de son père pour venir en aide à sa mère, et a obtenu sa retraite en 1840 après 34 années 3 mois 25 jours de service. En 1811, son père, qui sollicitait pour son fils une place dans un ministère, le jugeait "un bon gros bas-breton qui aura besoin d'être un peu maniéré"!  La suite de l'inscription (bon frère n°9) est incertaine et de compréhension difficile, mais les formules du genre "bon fils, bon frère, ami sincère" se retrouvent sur les cénotaphes contemporains de cette dalle.

 En marchant, j'imagine voir, après ce buste de Laurent, celui de tous les jardiniers en chef de ce jardin se succéder dans une allée. En second, voici celui de Ferdinand Noël, qui succéda à Laurent en 1820, (et jusqu'en 1837 ??) et qui avait été lui aussi formé au Jardin du Roy (actuel Jardin des Plantes) de Paris. Il décida d'enrichir Brest d'une seconde serre chaude, haut et vaste édifice vitré. 

  Puis voici celui de Guillaume Paugam, qui avait débuté ici comme garçon-jardinier. Il avait sous sa responsabilité une collection de 3500 espèces végétales, et un droguier de 1200 bocaux pour les apothicaires. Va-t-il nous raconter comment il fut chargé d'accueillir un Guanaco (lama non domestiqué) ? "Un jour, le 7 octobre 1859, le capitaine de vaisseau Hippolyte Pichon adressa, de retour d'une longue campagne dans le Pacifique et l'Océanie,  un courrier à la Société Impériale d'acclimatation annonçant qu'il confiait à la société un jeune guanaco femelle capturé au Chili l'année précédente et qui avait, selon le capitaine, passé le Cap Horn sans se départir de sa gaieté et de ses gambades ; on me chargea de recevoir l'animal. et de le mener au Havre, puis au zoo de Paris".

 Encore plus loin, près d'un camélia peut-être, m'apparaîtrait celui de Jules-Hippolyte Blanchard (né en 1832), jardinier à Brest de 1865 à 1895.

Le dernier buste serait celui de Y.C.M. Pondaven, sous-chef jardinier en 1883, jardinier jusqu'en 1903, puisque à cette date le poste de Jardinier-chef fut supprimé par le Ministre de la Marine. C'est l'auteur d'un article  du Bull. Soc. Se. N. Neuchâtel Tome 13 1882—1888 Découverte et mœurs d'un Coleóptero du genre Otiorrhynchus dans les feuilles de la Sarracenia purpurea au jardin botanique de Brest.

  A Brest, le Jardinier-botaniste était secondé par un "premier garçon jardinier" et par des "garçons jardiniers" (jusqu'à sept)  ainsi que six à dix "condamnés appartenant au service des hôpitaux" venant du bagne voisin.  

 

7. L'allée (imaginaire) des Directeurs du jardin et du Musée.

  Dans mon rêve, je vois encore, faisant face à l'alignement des marbres des jardiniers, celui des bustes des directeurs du Jardin Maritime de Brest. Ce poste, confondu avec celui de jardinier -chef jusque à l'Empire, fut ensuite dévolu , parmi les médecins, chirurgiens et pharmaciens de la marine de l'École navale de médecine, au Professeur de botanique, qui dirigeait le jardin, mais aussi le Cabinet d'histoire naturelle, ou Musée, avec ses collections d'insectes, de mammifères ou de reptiles, d'oiseaux ou de plantes. Les officiers de santé se répartissant en médecins-chef, chirurgiens-chef et pharmaciens-chef, médecins-professeurs, chirurgiens-professeurs et pharmaciens-professeurs, par un décret  de mars 1851, le médecin-professeur fut chargé du cabinet d'histoire naturelle, et le pharmacien-professeur du jardin botanique, des herbiers et des collections de minéralogie. En 1862, on nomma en outre un conservateur attitré du Musée.

 

 Ainsi, voici le buste de Nicolas Broca, pharmacien de 2ème classe en 1808 lorsqu'il dressa l'inventaire des 1334 pièces du musée, "non compris les insectes et papillons", ou l'inventaire de ses 2000 espèces en 1817. Franc-maçon, il était membre de la loge des Élus de Sully depuis 1797.

   Ou encore, voici  Édouard Vincent, pharmacien, docteur en médecine (Paris 1838), et spécialiste de la botanique de Guadeloupe. Il dirigea le jardin de 1843 à 18??. Son effigie nous raconterait peut-être comment, au retour de sa campagne comme chirurgien sur la corvette l'Euryale commandée par le capitaine Fleuriau, il ramena à Brest pour le jardin une cargaison de graines, et pour être conservés au Musée, l'Ani des savanes Crotophaga ani Linné, oiseau grimpeur de la Solfatare ; un Cohé ou Engoulevent à lunettes Caprimulgus americanus,  oiseau nocturne de mauvais présage aux Antilles,  un Tamatia Bucco tamatia Linné, un Tyran ou Titiry Lanius Tyrannus Linné qui est la pie-grièche des Antilles, un Loxia indicator, une espèce de lézard nommé Anolys (Anolus striatus), et la Grande vipère fer-de-lance Vipera lanceolata Lacépède. (Note n°65 sur divers objets d'histoire naturelle rapportés récemment au jardin royal des plantes à Brest, Annales maritimes et coloniales 1817 volume 2 page 319)

    Puis, c'est le visage de Gilbert Henri Cuzent (Brest, 13-12-1820/Brest,14-08-1891), l'historien des hôpitaux de Brest (L'Hospice civil et les hôpitaux de Brest, S.A. d'Imprimerie, 1889 et  In-8, 437 p. (pi.). Brest, Imp. Dumont. Il rédigea aussi Archipel des îles Marquises in Bulletin de la société académique de Brest, Vol. 8, du 1882-1883 (30/12/1883) ; Archipel des Pomutu (Paumotu-Tuamotu)  in Bulletin de la société académique de Brest, Vol. 9, du 1883-1884 (30/12/1884)  ; L'archipel de la Société (l'Annexion de Taïti à la France)  in Bulletin de la société académique de Brest, Vol. 10, du 1884-1885 (30/12/1885) et  Épidémie de la Guadeloupe (1865-1866)  in Bulletin de la société académique de Brest, Vol. 4/1, du 1864-1865 (31/12/1865), et enfin de Îles de la société Tahiti: considérations géologiques, météorologiques etc... 1860. Élève en 1839, pharmacien de 3ème classe en 1841, il est embarqué sur la corvette de charge la Caravane  en 1845-1846 et d’octobre 1850 à octobre 1851. Pharmacien de 2ème classe en 1852, il est affecté à Tahiti et se révèle comme un excellent botaniste. Affecté à Pointe-à Pitre de 1863 à 1866, comme chef du service pharmaceutique, il participe activement à la lutte contre l’épidémie de choléra qui sévit à la Guadeloupe. Il quitte l’activité en mai 1867. Membre de la société académique de Brest, conseiller municipal, vice-président de la commission administrative de l'Hospice civil,  Chevalier de la Légion d'Honneur, (Bulletin de la Société Académique de Brest - Tome XVI - 1890-1891). Voir la liste de ses publications in Kerviler.

 

Ici, le buste de Fontaine Pharmacien, en 1855.

Là, celui de Leroy de Méricourt, (1825-1901) médecin-professeur à Brest en 1855. Chirurgien de marine, il avait pris part à la guerre de Crimée, fut nommé professeur à l'école de médecine navale de Brest (1855), et médecin en chef de la Marine, et devint membre associé de l'Académie de médecine. On lui doit de nombreux mémoires sur les maladies exotiques, publiés dans les "Archives de médecine navale", des études d'hygiène navale, et une Histoire Médicale de la campagne de la corvette à vapeur l'Archimède (Station de l'océan Indien, années 1850, 1851, 1852.), 1853.

 

   En 1862, le directeur du musée est  Édouard Jean-Baptiste Jacques Philippe Brousmiche (Brest 30 août 1810- 20 février 1894),chirurgien de 3ème cl en 1832, chirurgien principal en 1856 , Commandeur de la Légion d'Honneur en 1871, directeur des ambulances de la société de secours aux blessés de Brest en 1871, nous est surtout connu pour avoir publié les mémoires de son père Jean-François Brousmiche (1784-1863), ancien percepteur devenu secrétaire à l'Intendance sanitaire de Brest :Voyage dans le Finistère en 1829, 1830 et 1831.  Sans être le directeur en titre du jardin, il est nommé conservateur des collections scientifiques du musée le 21 janvier 1862, six mois avant sa retraite, et s'occupe activement avec l'aide du pharmacien Yves-Marie Langonné de l'installation et de la conservation des collections. Celles-ci totalisent alors plus de 10 000 espèces, dont 950 oiseaux, 1600 insectes, 2400 mollusques, et 300 armes, parures et ustensiles. Chirurgien de 2ème classe en 1836 à Brest, Édouard Brousmiche (orthographié parfois Brousmiches) a fait deux campagnes en Océanie, la première à bord de la corvette l'Artémise du 28-10-1851 au 10-05-1854. Il dut rentrer en France pour des raisons familiales et financières,  sur  l'aviso Le Phoque du 11-05-1854 au 20-01-1855. En 1862, il est nommé officier de la Légion d'Honneur après 28 ans de service effectif, seize ans à la mer. Il est l'auteur d'une Lettre au sujet d'une épidémie de fièvre bilieuse à Taïti, dans le Messsager de Taïti du 9 janvier 1853,  d' Études hygiéniques sur Taïti, ibid du 6 février 1853, de Notes sur l'état actuel de Taïti, dans la revue coloniale de 1856, XVI, p.615, d'une Contribution à la géographie médicale de Sainte-Hélène, topographie médicale, histoire naturelle, III tomes, de De l'état actuel de Tahiti, (Minéralogie, Géologie, Zoologie, Botanique, Météorologie.) Revue coloniale, 1856, tome XVI, p. 645-649. Il fut l'un des informateurs de Souvestre pour son Finistère en 1836.

  Il est difficile de ne pas le confondre avec son fils  Édouard-François-Charles Brousmiche, né à Brest le 13 décembre 1850, aide-pharmacien en 1871, reçu pharmacien en 1874, membre de la Soc. Acad. De Brest en 1877, chef des travaux chimiques à l'école de médecine de Nantes en 1879, et qui a publié Essai sur le mancenillier (thèse de pharmacie), Paris, Moquet, 1874, in-4°, 40 p. Ce serait lui qui fut, sauf confusion, directeur du jardin botanique de Saïgon en 1888, et auteur vers 1890 d'un Aperçu général de l'histoire naturelle du Tonkin.   

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Jules  Eugène Rochard,  (1819-1896) fut chirurgien-professeur en 1854, chirurgien en chef de la marine, Directeur du Service de Santé de la Marine en 1870 puis Inspecteur général du Service de Santé de la marine en 1875,membre puis Président (en 1894) de l'Académie de Médecine, Grand Officier de la Légion d'Honneur, "cousin du Maréchal Foch". En poste en 1871. Ce célèbre chirurgien en chef de la marine, est l'auteur de nombreux traités d'hygiène, de  Observations recueillies dans le service chirurgical du bagne de Brest, de 1854 à 1858 ; de  Sur la marche de la Phtysie pulmonaire, et, surtout, d'une  Histoire de la chirurgie française au XIXe siècle (Paris, 1874, in 8°).

Arthur Bavay (1840-1923) en 1884 : ce pharmacien est le découvreur de l'essence de Niaouli (  Etude sur deux plantes de la Nouvelle-Calédonie (Le Niaouli et son huile essentielle ; l'anacardier). Pharm. Paris, 1869). Il fit don au Musée d'une riche collection de conchyliologie (coquillages). Membre de la Société Entomologique de France, dont le Bulletin signale sa collection de coléoptères. Voir :  Un grand naturaliste brestois : le pharmacien de marine Arthur Bavay (1840-1923).

 

 

8. Le rond-point (imaginaire) des Naturalistes.

  Il faudrait y rassembler les statues, qui s'animeraient vite pour faire surenchère d'aventures passionnantes, tous ces jeunes chirurgiens et pharmaciens de la marine qui enrichirent la science et l'Europe des découvertes faites outremer. Sans-doute seraient-ils trop nombreux, mais comment ne pas dresser ici un monument à la gloire de Raoul, trop oublié par Brest qui ne lui attribue pas une seule de ses rues alors que la griseline (Griselinia littoralis) des haies de bord de mer a été ramené par lui de Nouvelle-Zélande ? Comment ne pas honorer les frères Crouan, qui n'étaient pas pharmaciens de la marine, mais possédaient leur officine en ville, auteurs d'un des premiers  herbiers d'algues et précurseurs de l'alguologie ? Comment ne pas parler d'Amédée Coutances, pharmacien et botaniste, professeur de l'Ecole de médecine de la marine ?

  Tous ont parcouru ce jardin, y ont appris ou enseigné l'usage des plantes qu'il contenait, la classification, en ont enrichi les collections.

 Étienne Chardon de Courcelles (9 mars 1705- Brest en 1775), est un médecin de marine dont voici la fiche biographique : "Entre au service de la Marine comme second médecin le 1er juin 1742. Envoyé à Brest le 15 juillet 1742 pour prendre la direction de l’école de chirurgie navale.

Affecté, le 2 avril 1746, en qualité de médecin en chef, à l’escadre du duc d’Anville envoyée à Chibouctou (auj. Halifax), il s’efforce de combattre la terrible épidémie de typhus qui décime les marins et les soldats. Rentrant en France sur le vaisseau-hôpital le Mercure, il est capturé en août 1746 dans l’Atlantique nord par le vaisseau anglais de 90 canons Namur.
En 1749, il soigne des centaines de forçats transférés de Marseille à la suite de la suppression du corps des galères de France et arrivés à Brest dans un état de santé déplorable.
Premier médecin de la Marine à Brest en 1756.
En 1757, il joue un rôle déterminant dans l’accueil et le traitement des milliers de malades ramenés à Brest par l’escadre du lieutenant général Dubois de La Mothe.
Rénove et développe le jardin botanique de l’hôpital de Brest, étudie les moyens de dessaler l’eau de mer, la construction de ventilateurs et s’intéresse à la diététique des gens de mer.
Membre libre de l’Académie de Marine le 30 juillet 1752. Membre ordinaire de l’Académie royale de Marine le 24 avril 1769, sous-secrétaire en 1774.
Membre de l’Académie des Sciences, correspondant d’Henri-Louis Duhamel Du Monceau, le 16 juin 1742." (Cths)  

  Si je le mentionne ici, c'est parce qu'il a participé à la publication à titre posthume du traité de Matière médicale du célèbre médecin et chimiste Étienne-François Geoffroy, professeur de chimie au Jardin royal des Plantes. Etienne-François Geoffroy était passé à Brest en octobre 1693 pour un séjour de trois semaines, après son apprentissage comme apothicaire à Montpellier, mais le Jardin de Brest n'était pas encore créé. L'importance de ce traité (Tractatus de materia medica sive De medicamentorum simplicium historia, virtute, delectu, & usu Étienne-François Geoffroy; Étienne Chardon de Courcelles; Louis-Daniel Arnault de Nobleville; François Salerne; Niccolò Pezzana Venetiis : apud Nicolaum Pezzana, 1756-1760) est considérable pour les jardins botanique des hôpitaux, puisque son sujet, la Matière médicale, consiste en l'étude de l'ensemble des matières premières à usage médicale et donc en la description des plantes botaniques. Le Traité de Matière médicale est donc l'ouvrage qui permet l'usage des Herbiers et les Droguiers des pharmaciens des hôpitaux maritimes ou qui guide le jardinier-botaniste dans l'élaboration de son jardin et des plantes qui doivent y figurer. Voir les plantes exotiques décrites dans cette Matière médicale ici (en ligne Bibliothèque numériseée de Göttingen), avec par exemple le chêne-vert ou yeuse, qui, sous l'effet d'un insecte, produit le kermes. "Les semences de kermès, données en substance, depuis un demi - scrupule, jusqu'à un gros, ont acquis beaucoup de célébrité dans ces derniers tems contre l'avortement. Geoffroy assure, dans sa matière médicale, d'après sa propre expérience, que plusieurs femmes, qui n'avoient jamais pu porter leurs enfants à terme, étaient heureusement accouchées au bout de neuf mois, sans accident, après avoir pris, pendant tout le temps de leur grossesse, les pilules suivantes:

Prenez graine de kermès récente en poudre, & confection d'byacinte, de chacun un gros; germes d’œufs desséchés & réduits en poudre un scrupule; sirop de kermès, suffisante quantité; faites une masse de pilules pour trois doses; on donnera à six heures de distance l'une de l'autre, c'est - à - dire en douze heures, avalant par dessus chaque dose un verre de bon vin avec de l'eau, ou d'une eau cordiale convenable.

La graine de kermès en substance, est fort célèbre encore pour rétablir & soutenir les forces abattues, sur tout dans l'accouchement difficile, à la dose d'un gros jusqu'à deux. Le sirop est employé au même usage à la dose d'une ou de deux onces.

L'un & l'autre de ce remède passe pour stomachique, tonique & astringent; les anciens ne lui ont connu que cette dernière propriété.

Quelques auteurs ont attribué à la graine de kermès une qualité corrosive, capable d'entamer la membrane intérieure des intestins; Geoffroy prétend que cette imputation n'est point sondée"

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   Étienne Fiacre Louis Raoul, botaniste né le 23 juillet 1815 à Brest, décédé à Brest en 1852 a été l'un des derniers français à faire une étude botanique de la Nouvelle-Zélande. Fils d’un capitaine de la Royale, il fait des études à l’école de santé de Brest et devient chirurgien de troisième classe en 1836. Il embarque en 1840 à bord de L'Aube sous le commandant du capitaine de corvette Lavaud. Il débarque à la baie des Îles en Nouvelle-Zélande le 11 juillet 1840 et n’en partira que trois ans plus tard à bord de L’Allier après avoir collecté des plantes destinées à enrichir le Muséum d'histoire naturelle. Revenu à Paris, il travaille au Muséum national d'histoire naturelle sous la direction d’Adolphe Brongniart et de Joseph Decaisne au classement du grand nombre de spécimens rapportés de son séjour en Nouvelle-Zélande. 

En 1846, il fait paraître un livre important intitulé Choix de plantes de la Nouvelle-Zélande chez Fertin et Masson. Après un bref séjour vers 1846 en Afrique, il devient médecin-professeur au port de Brest en 1849. En 1851, il fait paraître un Guide hygiénique et médical pour les bâtiments de commerce qui fréquentent la Côte occidentale d’Afrique. Après sa mort, un genre botanique lui sera consacré, le genre Raoulia par Joseph Dalton Hooker. On dénombre une vingtaine d'espèces en Nouvelle-Zélande et plusieurs plantes porteront l'épithète spécifique "Raoulii". 

 Il a ainsi décrit un Gunnera (Gunnera monoica), ou Discaria toumatou Raoul, un Elaeopcarpus hookerianus Raoul, et, je me répète, Griselinia littoralis (Raoul) Raoul, 1846 [basionyme Pukateria littoralis Raoul, 1844].

Les Frères Crouan.

Pierre-Louis et Hippolyte-Marie Crouan sont nés à Brest. Pierre-Louis, le 27-04-1798, Hippolyte-Marie, le 22-11-1802 s'installent à Brest en 1829. Passionnés de botanique, ils herborisent, s'intéressent aussi aux champignons et publient dans les revues scientifiques de l'époque.

A partir de 1833, leurs communications scientifiques se succèdent dans les Archives de Botanique, les Annales des Sciences Naturelles ou le Bulletin de la Société Botanique de France. Ils correspondent alors avec les meilleurs spécialistes des algues d'Europe.

Ils publient, en 1852, à 50 exemplaires, un herbier ou plutôt un alguier en 3 volumes* qui comporte 404 échantillons d'algues du Finistère en remarquable état de conservation. Ce travail est le fruit de plus de 15 ans de récolte méthodique et de préparation des échantillons.

En 1867, ils font paraître une flore du Finistère**, couronnement de leurs recherches et qui est restée longtemps un modèle de flore locale. Depuis 1860, ils avaient abandonné leur charge de pharmaciens pour se consacrer à ce travail. Ils décèdent tous les deux, à deux mois d'intervalle, en 1871. Deux genres, un genre de champignons et un genre d'algues seront nommés Crouania en forme d'hommage. Il est surprenant que dans leur ville natale, aucun nom de lieu ne rappelle leur souvenir.

 Sources : Wikipédia.

*Crouan, P.L.; Crouan, H. (1852). Algues marines du Finistère 3 vol.

 **Crouan, P.L.; Crouan, H. (1867). Florule de Finistère, Contenant des Descriptions de 360 Espèces Nouvelles de Sporogames, des Nombreuses Observations. i-x, 262 pp., 32 col. tabs. Paris & Brest.

      F. Hétet, Professeur d'Histoire naturelle,

Alfred-Émile Borius. Ayant publié l'année précédente (1879) chez J.B. Baillère  Le Climat de Brest, ses rapports avec l'état sanitaire,  ce médecin de première classe est l'auteur, avec Jules-Hippolyte Blanchard, d'un article publié en 1880 dans les Archives de Médecine Navale : Sur l'influence de l'hiver 1879 sur la végétation des plantes exotiques dont l'acclimatation est tentée au jardin botanique de l'École de médecine de Brest.

      Une mention au sujet de Étienne Chardon de Courcelles, professeur de chirurgie à Brest, membre correspondant de l'académie des sciences, auteur d'un Abrégé d'anatomie, Brest 1751, etc...


8. Où j'entre dans les grandes serres d'avant-guerre.

  Je m'étais assoupi sur un banc, un livre à la main, lorsque un fantôme en blouse blanche m'incita à me lever. C'était celui du  docteur Robert Bellec, dont je venais de lire le récit, et qui me guidait vers "les hautes nefs translucides aux vitrages toujours embués  [où ] des calorifères entretient une chaleur moite de chaleur équatoriale. Au prix de mille soins, une flore y reconstitue en toute saison "les colonies". Cactées, Arbres du voyageur, hévéas, bananiers, dattiers, cocotiers, provenant des quatre points cardinaux du vaste Empire francophone s'y acclimatent, y croissent et même parfois y fructifient. Dans la partie la plus chaude où règne une humidité de hammam, des fougères arborescentes tentent de forcer la cime des verrières d'où, dans des caissettes de rondins colmatées de mousse, pendent des lianes aux courbes molles, des cryptogames spongieux et des orchidées bigarrées." Mais voilà l'ombre blanche qui me fait désormais entrer vers " une autre serre plus petite et semi-enterrée,[...], la forcerie où, sur des lits de terreau tiède, resplendissent les teintes des bégonias. Des héliotropes y répandent un parfum pénétrant et vanillé, un peu écœurant par son excès de douceur. "*

  Le jardin disposait en effet d'une serre chaude, où se cultivaient le caféier, le poivrier, les figuiers, cannes à sucre et bananiers (Musa) ou les bambous, les hévéa et les palmiers phœnix, et les orchidées ; d'une serre froide ; d'une serre réservée aux plantes grasses. 

* j'ai mis au présent le récit écrit par l'auteur à l'imparfait. Dans la description du Dr Charles Laurent, on lit : "Tout en bas, deux énormes serres étaient adossées au mur d'enceinte, une chaude et une froide, où poussaient des plantes exotiques dans une odeur moite de terre humide : des fougères, des orchidées, et au centre un grand bananier qui menaçait de percer la voûte de verre. Dans ma petite enfance j'y avais vu un singe, mais on avait dû s'en séparer parce que, paraît-il, il mordait les visiteurs."

 

  Sur un plan de 1867 par Lefevre (in  Roussel et Gallozzi 2004), trois d'entre elles sont visibles (Serre chaude, Serre tempérée, Serre), et on découvre ainsi leurs situations au nord de l'actuelle Cour Crevaux (à l'époque Cour du Conseil de Santé), là où passe actuellement la route qui mène aux Urgences. Elles voisinent les Bâches, qui font office de semi-serres. En 1871, on construisit une deuxième serre chaude, décrite par E. Vavin comme un bâtiment de 40 mètres de long, 9 mètres de profondeur et 8 mètres de large, divisé en deux compartiments, l'un pour protéger simplement les plantes du froid en hiver, l'autre réservée aux plantes tropicales ; les deux parties étaient séparées par un vestibule de 3 mètres de large. Il s'agissait donc d'un grand et haut édifice, arrondi en plein cintre dans sa partie supérieure, divisé en fenêtres qui pouvaient être ouvertes séparéments et dont la composition en petits carreaux devait permettre le cintrage.

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9. Une visite (imaginaire) du Musée d'Histoire naturelle.

  Était-ce la chaleur des serres, était-ce l'enivrante odeur des végétaux tropicaux, ou encore le jeu fascinant des reflets irisés du soleil miroitant à travers les vitres sur les feuilles vernissées des bananiers ? Tous les bâtiments surgissaient du passé, la bibliothèque et la salle du Conseil de Santé, et, devant moi, la porte du Musée d'histoire naturelle. J'y découvrais la première salle, consacrée aux insectes, mais où s'accumulait  des curiosités exotiques de différentes nations. La seconde salle, plus grande, renferme les oiseaux, les reptiles, les poissons et les mollusques. Deux autres salles sont consacrée à la minéralogie, à la géologie et à la botanique. Et, dressé sur ses pattes, un splendide squelette de gorille de un mètre soixante quinze de haut, qui n'a rien a envié à celui du Muséum.

Le Cabinet d'Histoire naturelle de Brest a été créé sous la Terreur an II par un arrêté de Bréard : "Qu'un Cabinet d'histoire naturelle, destiné à l'instruction publique, serait fondé au Jardin botanique de la Marine, à l'aide de tous les objets provenant des maisons d'émigrés et du dépôt de coquilles et de minerais qui se trouvait dans un magasin de la maison où se tenait l'administration du district" (Brest et le Finistère sous la Terreur, Armand  Du Chatellier page 29).

  Il s'est vite enrichi des collections de Chaze, de Lamy, de Brousmiche (Tahiti et Îles Marquises) et possédait un avant de pirogue sculpté rapporté par Du Petit-Thouars. Louis Charpentier  (Revue Maritime) signale qu'il y avait vu les collections ramenés par le Géographe dans sa campagne de 1800, par la Cybèle dans sa campagne de 1817, par le Golo en 1819 ou par  l'Astrolabe en 1827. Le musée reçut aussi celle des médecins Philippe Hahn et Paul Hyades, après leur exploration sous l'égide de l'Académie des Sciences  du Cap Horn à bord de la l'aviso la Romanche commandée par Martial en 1882-1883 (1ère année polaire internationale).

  Une partie des collections était envoyée au Muséum de Paris, avec lequel le jardin et le Cabinet d'Histoire naturelle de Brest était en relation permanente.

Jules-Louis-Marie Chaze (1824-1852), pharmacien de 3ème classe, a navigué en Océanie entre 1844 et 1847 ; il fit escale aux îles Marquises.

 Henry-Martin Lamy (1802-??). 

D'autres pharmaciens s'intéressèrent au Cabinet d'histoire naturelle : 

François, Jean-Baptiste Gesnouin (1750-1814), pharmacien en chef, député aux Cinq-Cents. Biographie par Saint-Sernin.

Mathieu Thaumur (1759-1847), pharmacien.

 

 10. Cauchemar final : je tombe dans le bassin aux sangsues, et je me réveille.

   Encore soumis aux effets narcotiques issus de quelque bocal de thériaque, je descends, en plein XIXe siècle (quelqu'un me crie une date : 1867 ! ) vers le pavillon en U qui donne sur la rue de Lyon et qui sert de maison de gardien, d'habitation pour le jardinier-chef, et de réfectoire des infirmiers. Un homme en uniforme donne des ordres que je ne comprends pas à un garçon-jardinier, et je me mets à suivre un barbu en blouse noire qui tourne à la droite de l'entrée, vers la cour du Conseil de Santé, avant de franchir un portail fermé à clef ; étrangement, je me trouve maintenant avec lui, au bord d'un bassin rectangulaire aux eaux noires vers lesquelles je me penche. Pourquoi dirige-t-il cette épuisette vers moi ? Avec un rictus hideux, il me frappe et je tombe, nageant parmi plus de 5000 bestioles noirâtres et gluantes. DES SANGSUES ! Elles se collent déjà comme des pieuvres sur les jambes, mes bras, mon visage pour un atroce baiser. NON !

  "Je me réveille en sursaut", près de la cabane à outil du jardinier, sur un tas de feuilles mortes collées à mes mollets, là où, effectivement, se trouvait avant la Guerre le bassin et ses tendres pensionnaires :

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  Les sangsues officinales du Sénégal, les noires et les vertes, ou celles de Walo en Sénégambie, ou celles du Fouta, étaient activement recherchées par les pharmaciens de la marine lors des explorations ; mais les mares voisines de l'hôpital fournirent tout ou partie du bassin de Brest. En 1825, le Gléau, chirurgien de la marine à Brest, publia ses observations sur le moyen, en cas de pénurie relative de cet animal si précieux, véritable assistant-chirurgical, de leur faire dégorger de leur sang pour les ré-utiliser sans plus attendre. Le procédé "consiste à traire la sangsue gorgée de sang à peu près comme on trait le pis d'une vache. Pour cela, on saisit la grosse extrémité de la sangsue entre le pouce et l'index de la main gauche, et l'on presse le corps avec les mêmes doigts de l'autre main", etc... 

  Elles survivent deux ans après un seul de leur repas de vampire, mais après quatre mois de jeûne, elles mordent déjà très bien. On s'en servait, dans les pneumonies par exemple, comme une alternative aux "petites saignées" de 300 grammes ; à défaut, les ventouses scarifiées faisaient affaire. Dans la phlogose observée dans l'angine tonsillaire, si elle se limitait à l'arrière-bouche, une cinquantaine de sangsue posées sur la gorge pouvaient vous sauver la vie. Il suffisait de quatre hirudo medicinalis sur l'épigastre d'un petit brestois pour le guérir de sa gastrite. Deux sangsues posées dans les narines faisaient merveille en cas d'épistaxis.

  En 1851, le professeur de botanique de Brest B. Roux signalait que l'aide-jardinier Philippe "s'est occupé avec le plus grand soin de la pêche des sangsues qui ont déjà servi dans les hôpitaux. L'intelligence qu'il a employé dans le triage des annélides au milieu des bassins nous ont permis de faire profiter l'État de notables économies" (Roussel et Gallozzi p.273). On pêchait paraît-il  les sangsues dans les étangs en jetant un cadavre de chien pour les récolter, ou bien les femmes entraient dans l'eau les jambes nues, attendaient d'être mordues puis les ôtaient avec du sel, de la cendre et du jus de tabac. 

  Une sangsue aspire 5 à 10 ml de sang en 20 minutes, ce qui ne représente que le contenu d'une seringue moyenne. Comme elles sont avides de sang veineux désoxygéné, elles permettent de désengorger une région concernée par la stase, ou traiter les varices ou les hémorroïdes. Elles font actuellement merveilles dans l'arthrose du genou* (s'adresser ici).  Mais elles possèdent d'autres talents, et leur salive renferme de l'hirudine et de la caline, anticoagulante, et un puissant anti-inflammatoire, l'égline.

*C. Moser, R. Stange, M. Bühring, « analgeische Wirksamkeit einer lokalen Blutegel-behandlung bei Patienten mit Gonarthose », Health and Medicine 2001 ; 7:31, 52 patients étude en cross-over randomisée et contrôlée, follow-up 9 semaines).

Michalsen et Dobos, Ann Rheum Dis Oct. 2001;60(10):986. et Anni.ntern Med. Nov.2003 4:139(9):724-30

 

S. Andereya, U. Schneider, Acta orthop. Apr.2008 79(2) : 235-43.

Hirudo medicalis, sa doublure H. verbana et sa commère H. mannilensis asiatique furent surtout utilisées  après que Broussais en ait vanté l'usage : 60 millions de sangsues furent alors employées par an. Résultat, ces gentils assistants de nos médecins sont aujourd'hui inscrits sur la Liste Rouge des espèces menacées.

 

  


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détail du Plan de 1867,  emprunté à l'ouvrage de Roussel et A. Gallozzi 2004 .

 

11. Pour flâner encore dans le passé.

  M'écartant (à peine) du jardin, j'explore la partie nord de l'hôpital, adossé à un haut mur (récemment rejointoyé) le séparant de la rue Portzmoguer. Cette rue a été percé au sein d'anciennes fortifications de Vauban au XVIIe siècle, et je me situe alors à l'intérieur de l'ancien Bastion de Saint-Paul, qui prolongeait le Bastion de l'Hôpital (voir plan 1829 infra, réalisé pendant la construction de l'hôpital Clermont-Tonnerre achevé en 1835, et voir documents des Archives Municipales). Cette partie est occupée actuellement par des logements de fonction mais ceux-ci encadrent un bâtiment ancien équipé d'une potence : c'est une ancienne citerne à eau de la marine.

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Fin de la visite :

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                         ANNEXES.

I. Rappel historique.

Pour partir avec des repères simples, je propose de mémoriser cinq périodes pour ce jardin :

1. Le jardin d'apothicaire, 1694-1771 (200 plantes médicinales en1771).

2. Le jardin d'acclimatation d'Antoine Laurent 1771-1820.

3. L'Âge d'or 1820-1880 (3500 espèces en 1876).

4. Le déclin 1880-1940, et la quasi-destruction en 1944.

5. Le jardin actuel depuis 1983.


  (Source : Wikipédia, site de l'ASNOM et site de la ville de Brest sur le jardin des Explorateurs)

   En 1694, un premier jardin est fondé par Desclouzeaux, intendant de la Marine à Brest : "lors de la fondation de l'hôpital en 1694 sous la direction du premier médecin Ollivier, on avait aménagé un jardin des simples derrière l'église Saint-Louis qui était disposé en trois terrasses situées parallèlement à la rivière Penfeld, au dessus de la Corderie neuve. Ce jardin, achevé en 1698, était alors pourvu d'une centaine de plantes médicinales destinées à approvisionner l'apothicairerie de l'hôpital, et à soigner les 6000 matelots, ouvriers et marchands du port. Il connut un grand développement après la fondation de l'Ecole de chirurgie navale en 1731 par le ministre de la marine mais cet essor fut compromis en 1736 par l'effondrement partiel des terrasses. Tout était cependant rétabli en 1738. Une chaire de botanique fut créée à Brest et des cours de botanique donnés aux futurs chirurgiens de marine dès 1742. Ces cours se déroulaient dans le jardin, plante en main, illustrant le second rôle du jardin, celui de support pédagogique de la botanique, base essentielle de la Matière Médicale (pharmacognosie, ou simplement pharmacopée).

En 1757-1758 la grande épidémie de typhus fit 5 000 morts à Brest, au retour de Louisbourg de l'escadre de Dubois de Lamotte. Le jardin ne pouvant subvenir totalement aux énormes besoins du moment, sa gestion fut confiée en janvier 1759 aux frères de la Charité mais les résultats obtenus par les religieux furent si catastrophiques qu'il fallut acheter à l'extérieur les plantes thérapeutiques indispensables.

En novembre 1763, alors que Pierre Poissonnier (1720-1798) venait d'être nommé Inspecteur général de la médecine dans les hôpitaux et ports de la marine, le premier médecin Chardon de Courcelles (1705-1775) sollicita un autre jardin botanique, le précédent étant devenu trop petit depuis son effondrement. Ce n'est cependant qu'en 1768 qu'on lui accorda un terrain proche qui va constituer la première terrasse du nouveau jardin.

Pourtant, lorsqu'en 1772 le jardinier botaniste Antoine Laurent (1744-1820) arrive du Jardin des Plantes pour prendre la direction du jardin, celui-ci ne renfermait que deux cents plantes indigènes. Laurent, en multipliant la culture de plantes locales et étrangères, réussit finalement à réunir plus de 2 000 espèces d'intérêt et constitua un herbier d'une rare richesse. C'est donc grâce à ce botaniste hors pair, à sa compétence et sa détermination, que le jardin botanique de la marine connaîtra une telle renommée qu'il sera considéré comme l'une des merveilles de la Bretagne. Il sera agrandi en 1816 par l'acquisition de terrains voisins qui vont permettre l'aménagement de deux terrasses supérieures tandis que deux serres, l'une chaude, l'autre tempérée, assuraient la culture de plantes variées." (Amicale santé Navale et Outremer, Les jardins botaniques des hôpitaux maritimes)  

  Une ancienne ordonnance du Roi obligeait en effet tous les capitaines de navires des ports de France d'apporter des graines et plantes des pays étrangers afin de former des jardins botaniques. Ce jardin va donc accueillir pour les acclimater les plantes  fatiguées de longues traversées. Les jardiniers vont leurs prodiguer les soins essentiels avant d'aller enrichir prioritairement le jardin du Muséum à Paris puis les compléments vers les jardins botaniques des autres villes (Brest, Rochefort, Toulon, Lorient), faute de place.

  En effet, de nombreuses expéditions maritimes, militaires et scientifiques partaient de Brest à la découverte de terres inconnues. Des savants botanistes parcouraient le monde au péril de leur vie : Philibert Commerson embarque avec Bougainville sur "La Boudeuse" en 1766 (il ramena du Japon l'hortensia), La Billardière et Riche avec D'Entrecasteaux sur "La Recherché" et "L'Espérance" en 1791 à la recherche de l'expédition du Comte de La Pérouse parti de Brest en 1785.

   Au XIXe siècle, le jardin de l'Hôpital Maritime avec ses collections considérables tant en graines qu'en plantes précieuses est ainsi avec Kew Garden à Londres un des jardins botaniques les plus renommés. Il participe à la fourniture des substances et drogues usuelles pour les malades, contribue à la diffusion de la culture et à l'ornementation de plantes rares et exotiques, à la connaissance de la botanique, au développement de l'horticulture et des cultures coloniales, à l'instruction des officiers de santé, à étoffer le patrimoine botanique breton. II va en outre contribué au développement de l'agriculture et de l'horticulture dans le Finistère.

  En raison des hivers rigoureux de 1870-1880, de la fermeture du bagne et de sa main-d'œuvre, de la réorganisation en 1890 du service de santé des armées regroupé à Bordeaux, de la prépondérance des médicaments de synthése sur la phytothérapie dans la pharmacopée, de la suppression du poste de jardinier-botaniste en 1903, des nouvelles gelées en 1917, le jardin déclina au XXème siècle.

Les restes du jardin ont été presque totalement détruits dans la Seconde Guerre mondiale , ainsi que l'hôpital lui-même. Jadis, l'accés au jardin se faisait de manière indépendante de l'hôpital, mais le nouvel hôpital Inter-Armées Clermont-Tonnerre disposa désormais son entrée de telle sorte que la circulation traverse désormais l'ancien jardin entre terrasses supérieures et intermédiaire d'une part, et terrasse inférieure d'autre part.* En 1983, 70 espèces nouvelles furent plantées, et l'entretien du jardin fut confié en sous-traitance au C.A.T. des Papillons Blancs de Ploudalmézeau (Roussel, 2004) ou plus exactement aujourd'hui à une équipe de l'ESAT de Guipavas dépendant des Genêts d'or. Des arbres centenaires et précieux furent abattus, comme, en terrasse inférieure, le plus beau des Ginkgo Biloba, ou l'un des plus beaux chênes verts de Bretagne (Quercus ilex) et un ancien Magniolia.

* Selon Auguste Dizerbo, "A la libération, les murs du jardinet de l'hôpital s'étaient écroulés ici et là, les arbres endommagés. A la fin de 1952, il fut procédé à un remaniement général. L'entrée de l'hôpital fut transférée sur la rue Lannouron, le mur du jardin éventré au niveau de la seconde terrasse dans l'axe des serres chaudes, sacrifiant au passage le tulipier de Virginie, vestige de la guerre d'indépendance américaine et le palmier des Canaries de la serre, tandis qu'au troisième niveau, dans l'ancien jardin des sœurs infirmières du passé, là où se trouvait leur jeu de boules, on aménagea un nouveau pavillon. De nos jours, on traverse l'ancien jardin sans que rien n'attire particulièrement l'attention."

 

 

 

II. Plans.

      Plan de Brest en 1829, détail : l'Hôpital Maritime (en construction)  et * le jardin botanique près des remparts et de la rue de Lanouron. (A noter la mention "Ermitage de Lanouron", inexpliquée pour moi).

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      Plan de Brest en 1901, détail.

(avec une rotation de 90° par rapport au plan précédent) * le jardin botanique :

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III. Document : Prosper Levot, Histoire de la ville et du port de Brest, vol. 2 : Le port depuis 1681, Brest, 1865, 387 p.

Prosper Levot (Brest 1801 -1878), est un bibliothécaire et historien français, auteur de nombreux livres sur l'histoire de Brest, de la Bretagne et de la Marine, qui fut conservateur de la marine à Brest de 1831 à sa mort. Il fut également membre du Bureau d'administration du Lycée de Brest à partir de 1848, examinateur à l'École navale, et en 1858, un des fondateurs de la société académique de Brest et sa région, société savante du XIXe siècle.(Wikipédia)


§17. Jardin botanique et Musée d'Histoire naturelle. (p.293)

      "En 1694, sur la demande de  M. Declouzeaux, il avait été établi dans la cour de l'hôpital et la corderie neuve un jardin aux simples divisé en trois terrasses, pour la culture des plantes usuelles qui seraient employées à l'hôpital. En 1736, ces terrasses s'étant écroulées en partie et menaçant d'écraser la corderie, on rétablit (1738) le jardin qui fut disposé de manière à être approprié à de nouvelles cultures. M. du Fay expédia de Paris, dans ce but, des graines et des plants tirés du jardin du Roi. Buffon ayant fait un nouvel envoi en 1742, on eut ainsi un début d'embryon de jardin botanique où un professeur commença à faire le cours prescrit par le règlement du 11 janvier 1740, qui avait créé l'école d'anatomie, cours dans lequel il exposait les propriétés et le mode d'emploi de plantes cultivées sous sa direction. En 1760, M. Berryer, ministre de la marine, supprima le jardin et prescrivit d'en laisser la jouissance aux religieux de la Charité qui desservaient l'hôpital et qui eurent la liberté de continuer ou de ne pas continuer l'emploi de jardinier, comme de cultiver telles plantes qui leur plairait. Cette lacune importante dans l'enseignement de l'école détermina M. de Courcelles à demander, en 1763, le rétablissement du cours supprimé trois ans auparavant ; mais, comme le jardin était mal situé et trop petit pour qu'on pût y cultiver, sans confusion, toutes les plantes dont on avait besoin, il demanda qu'un terrain convenable fût loué ou acheté dans le voisinage, et qu'un jardinier y fût attaché. Ce ne fut qu'en 1768 que la première partie de ses demandes fut accueillie. Le 1er mars, le ministre prescrivit de faire un cours de botanique, et le 23 juillet, il approuva le bail d'un jardin p

our la culture des plantes, et d'une maison où elles seraient déposées et feraient l'objet d'un cours. Ce jardin et d'autres terrains adjacents nécessaires à son agrandissement, situés au quartier de Lanouron, furent tenus à loyer jusqu'en 1785 que la marine les acheta des héritiers Le Bris du Rumain et Testard au prix de 35,404 livres 18 sols. On construisit alors une orangerie et une serre chaude . De nouvelles acquisitions, consenties, le 31 décembre 1816 par les héritiers Picaud pour 32,077 livres 12 sols, et par M. Riverieulx pour 11,926 francs 58 centimes, ont permis d'accroître successivement le jardin qui, depuis 1769, a été cultivé par MM. Laurent, père et fils, Noël et Paugam. Si, d'un coté, on peut regretter que le jardin ne soit pas de plain-pied, on ne peut méconnaître, d'un autre coté, que sa disposition en terrasses lui donne un aspect plus pittoresque. Les deux terrasses inférieures sont consacrées à la classification botanique des plantes médicinales, et autres, d'après la méthode de M. Ad. Brongniart. La troisième, beaucoup plus petite que les deux autres, contient un arrangement des principaux genres de plantes d'après le système sexuel de Linnée. En outre des végétaux ainsi classés méthodiquement pour l'étude de la botanique, le jardin offre une foule de plantes et d'arbres d'agrément disposés avec l'art du jardinier paysagiste, et qui font de cet établissement, non seulement un lieu d'instruction pour les officiers de santé et les élèves de l'école, mais encore une promenade agréable pour les officiers malades et les nombreux visiteurs qu'attire la réputation méritée de l'hôpital de la marine.

  Le climat de Brest, en raison du très rare abaissement de la température au dessous de zéro, est particulièrement favorable aux tentatives d'acclimatation de certaines espèces exotiques. Les essais ont souvent été couronnés de succès, et une foule de végétaux du Japon et de la Chine, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Cap, de Van-Diémen, des deux Amériques, se sont développés en pleine terre ; quelques-uns y fleurissent et y fructifient. On y remarque encore plusieurs palmiers et une collection des conifères les plus célèbres, tels que cryptomeria, taxodium, secoya, araucaria, etc.

  Des serres servent à la conservation des plantes qui ne peuvent vivre sous notre climat pendant l'hiver, ou qui ont même toujours besoin d'une température supérieure à celle de nos étés moyens. Elles se divisent en serres froides ou orangeries, en serres tempérées et en serres chaudes, où se trouvent réunis les types des principaux genres caractéristiques de la végétation tropicale, rangés avec un goût artistique tel qu'on se croirait dans quelque coin d'une forêt torride. Toutefois, ces serres laissent beaucoup à désirer, tant sous le rapport de leurs dimensions que sous celui de leur construction tout à fait défectueuse. L'extension de terrain que la marine a obtenue au nord du jardin a permis l'agrandissement, en cours d'exécution, du jardin, et fait espérer le prochain déplacement des serres qui pourront alors être reconstruites sur un plan plus en harmonie avec les connaissances modernes, et de manière à contenir, comme à permettre de développer, en plus grand nombre, les plantes exotiques que l'école de Brest est si bien placée pour recevoir de nos colonies tropicales.

Au jardin est annexé un musée où la botanique, la zoologie et la minéralogie sont représentées. La galerie consacrée à la botanique contient une riche collection d'échantillons bien choisis des divers organes des végétaux, ce qui permet d'étudier en tout temps la morphologie végétale. Elle possède, en outre, un immense herbier où l'on trouve non seulement les plantes d'Europe, mais encore celles des principales parties du monde, recueillies par les médecins et les pharmaciens de la marine dans leurs laborieuses navigations.

  La collection zoologique a été commencée pendant l'hiver de 1788 à 1789. Les grands froids de cet hiver avait amené aux environs de Brest beaucoup d'espèces d'oiseaux qu'on n'y observe qu'à de longs intervalles, telles que les outardes, les cygnes, les spatules, plusieurs espèces de canards, des hurles, etc. Ce fut l'apparition de ces oiseaux qui suggéra à MM. Dubreuil, premier médecin en chef, et Billard, premier chirurgien en chef, la pensée de créer une collection. Mais les moyens imparfaits de taxidermie qu'on employa n'assurèrent pas une longue conservation aux individus primitivement rassemblés, et il n'en reste qu'une grande outarde en fort mauvais état. Pendant plusieurs années, une seule salle contint ce commencement de collection ; c'est celle qui forme l'entrée du musée. A la paix, les nombreux voyages que firent nos bâtiments dans les diverses parties du monde enrichirent le musée, par suite des dons des officiers de santé et de vaisseau. En 1824, on ajouta une seconde salle que rendirent bientôt insuffisantes les envois du muséum de Paris et les offrandes privées. Lors de la construction de l'hôpital, deux galeries nouvelles furent établies. Dès qu'elles furent prises, M. Léonard, pharmacien professeur, chargé alors du musée (1834) demanda à M. Foullioy, président du conseil de santé, le concours de plusieurs personnes pour le classement des collections. M. Crouan, aîné, pharmacien civil et naturaliste des plus distingués, se chargea de la détermination des mollusques, et Paugam, actuellement jardinier botaniste en chef, de celles des mammifères, des oiseaux, des reptiles et des poissons ; M. Langonné, pharmacien de la marine, disposa les échantillons de minéralogie, formant le noyau alors restreint de la belle collection actuelle. En 1843 , M. Ad.Vincent, pharmacien professeur, conçut un projet d'installation des galeries de botanique, de minéralogie,et de géologie. Ce projet, approuvé par M. Foullioy, fut réalisé sous la direction de son auteur, par MM. Ed Vincent et G. Cuzent, pharmaciens de la marine, après deux années de travaux préparatoires. Là ne s'est pas bornée la sollicitude de M. Ad. Vincent pour le musée. Par ses dons personnels comme par sa vigilante attention à procurer de judicieuses acquisitions, , il est, à bien dire, le créateur de la collection de minéralogie et de géologie qui, avant lui, se bornait à quelques échantillons contenus dans une montre. En 1858, les galeries avaient besoin d'urgentes réparations. Le temps et l'humidité avaient détérioré un grand nombre d'individus des collections zoologiques. M. Lefèvre, directeur du service de santé, ayant obtenu les réparations nécessaires, toutes les collections furent classées à nouveau par les soins de M. Courbon, alors chirurgien de 2ème classe, sous la direction de M. Leroy de Méricourt, médecin professeur, chargé du musée de zoologie.

Le musée comprend quatre salles. La première contient, outre des curiosités exotiques de différentes nations, une collection d'insectes, peu nombreuse, mais bien classée. La seconde, qui est la plus grande, renferme les oiseaux, les reptiles, les poissons et les mollusques. La troisième est consacrée à la minéralogie, à la géologie et à la botanique.

En 1863, l'accroissement des collections a déterminé le ministère à en charger un conservateur, et M Ed. Brousmiche, ancien chirurgien principal de la marine, a été nommé à ces fonctions."

 

Chapitre 23. L'Hôpital de la marine.

...Au dessus des bureaux du conseil de santé est placée la bibliothèque de l'école de médecine navale. Formée en l'an XI par M. le préfet maritime Cafarelli, au moyen d'environ 800 volumes d'ouvrages spéciaux qui existaient dans la bibliothèque du port, elle s'est rapidement accrue depuis plusieurs années, et se compose aujourd'hui de 10 000 volumes d'ouvrages spéciaux. Dirigée par M. Berdelo, ancien chirurgien de première classe de la marine...

      … Comme complément des moyens d'instruction se présentent ensuite le jardin des plantes et le musée d'histoire naturelle, placés l'un et l'autre à droite du passage dont nous avons précédemment parlé, et accessibles par un escalier établi dans la cour plantée qui les sépare des bureaux du conseil de santé et de la bibliothèque."

 

IV. Une description du jardin en 1868.

Description par Léon Besnou, pharmacien de la marine :

  "Si les collections des trois règnes qui constituent le musée sont riches, le jardin des plantes et son école botanique que dirige mon savant ami et collègue M. Amédée Coutances, ne présente pas une importance moindre pour l'étude. Le jardin a presque complètement transformée depuis la venue de M. Jules Blanchard, digne émule de son prédécesseur, M. Paugam, dont le zèle et le travail a été récompensée à la fin de sa carrière par l'étoile de l'honneur. Par son activité, par ses aptitudes et l'application de ses connaissances théoriques et pratiques, M. Jules Blanchard s'est montré à la hauteur de la réputation qui l'avait précédé. La classification adoptée est celle de M . Adolphe Brongniart.

Le nombre des espèces qui composent l'école dépasse six mille, en y comprenant les plantes de serre. Les espèces sont choisies parmi les genres ayant une utilité réelle et une application propre aux démonstrations du professeur.

Les serres sont pourvues de magnifiques spécimens de la végétation luxuriante des régions équatoriales et tropicales. On peut signaler le trinax argentea, des chamaerops de toute beauté, des pandanus utilis, des dracaena umbraculifera, etc...

Dans les plates-bandes de l'école, on est surpris de la force et de la taille du magnolia grandiflora ; de camélias à fleurs simples ou doubles ayant quatre mètres au moins de hauteur et des têtes arrondies mesurant environ huit mètres de circonférence, des erica arborea, ayant quatre à cinq mètres de haut ; un gunnera scabra, dont les feuilles hérissées atteignent plus d'un mètre de développement ; des yuccas gloriosa, dont le stipe offre un diamètre de près de cinquante centimètres ; et des araucaria imbricata, d'environ huit mètres."

 

 

 

                               VERS UN RENOUVEAU DU JARDIN ? 

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  Quelques passionnés s'attachent à rendre à ce jardin l'âme qu'il a perdu, anéantie par les bombardements puis tranchée par la nouvelle entrée de l'hôpital maritime et la voie d'accès aux services. Outre Claude-Youenn Roussel, on peut citer le lieutenant Christophe Lemagnent, ou le directeur du Conservatoire Botanique du Stang Alar Fanch Le Hir, ou l'historien de la marine à Brest Claude Boulaire. Ce sont eux que Ouest-France nous montrait dans son édition du 16 septembre 2012, lors de la plantation symbolique d'un michelia, "sorte de magnolia à feuilles persistantes et à fleurs blanc crème, parfumées, un arbre né aux confins de la Chine". Est-ce là le Michelia doltsopa de Meghalaya, l'histoire ne le dit pas.

 

 Le jardin de l'hôpital des armées, tricentenaire, accueille un nouveau plant de la famille des magnolias.

 C'était lors des Journées du Patrimoine 2012, mais cette manifestation n'avait pas eu la publicité qu'elle méritait.

Pour les journées du Patrimoine 2013, le Jardin de l'hôpital Inter-Armées a été à nouveau présenté au public, avec, cette fois-ci, une meilleure information ; un plant de Franklinia alatamaha a été planté, venant des collections des pépinières Sterviniou qui offriront aussi trente autres plants de 26 espèces pour les mettre en terre cet automne.

  Franklinia alatamaha, ou Franklin tree, est un arbre (Théacée, comme les camélias) originaire de Géorgie mais qui n'existe plus à l'état naturel depuis 1803 ; Tous les spécimens connus  sont issus de graines recueillies par William Bartram (qui le découvrit en 1791) et propagées au Bartram Garden à Philadelphie.

  C'est un petit arbre aux fleurs blanches parfumées en été et au très beau feuillage rouge-orangé en automne. Il aime les sols sableux acides, mais tolère mal la sécheresse : nul doute qu'il se plaise à Brest.

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      Des perspectives d'avenir.

     Ultérieurement,  Fanch Le Hir a eu la gentillesse de me communiquer le  mémoire de Master 1 Aménagement Développement et Environnement 2007-2008 qu'il a soutenu sur le thème Projet de restauration de l'ancien jardin maritime de Brest. Il y souligne les efforts de restauration effectués, les écueils à éviter mais y développe aussi les possibilités d'aménagements respectueux de l'environnement rendant au jardin une cohérence et une lisibilité plus attractives pour les visiteurs. Il propose notamment d'utiliser les trois terrasses actuelles pour créer trois jardins :

1. En terrasse supérieure autour de la butte, un jardin à l'anglaise rappelerait par le choix d'espèces exotiques les jardins d'acclimatation. On privilégierait l'Asie, et autour du vieux Gingko, l'Abelia et le Catalpa, le Camelia et l' Hydrangea, le Magniolia et le Sarcococca, le Budleya et le Shibatea évoqueraient l'Himalaya et ses lamas, Bouddha ou les magots chinois, car toutes les plantes viendraient de là-bas.

2. En terrasse intermédiaire, pour rappeler le premier jardin des simples et sa vocation thérapeutique, un jardin d'abbaye (comme il en existe à l'abbaye de Daoulas)  ou jardin médicinal, organisé en carré botanique. On y évoquerait les tisanes et les décoctions autour de l'Arnica pour soigner les bleus et de la Grande Camomille contre la migraine, de la Réglisse (contre la toux comme dans Tartuffe acte IV scène 5) et la Joubarbe (pour protéger des orages), du Millepertuis en sevrage du Prozac, du Fragon petit houx pour les varices et de l'Artichaut pour le foie. Mais que saurait-on faire de la Lysimache nummulaire ?

3. à gauche de la route, dont les haies d'escallonia seraient rasées pour rendre le jardin visible, un jardin à la française, aux allées droites rayonnant autour d'un bassin remis en eau et replacé en position centrale. Il accueillerait des espèces végétales de l'hémisphère sud (Chili, Argentine, Australie, Nouvelle-Zélande et Tasmanie).


        On me permettra de faire remarquer que rien n'existe tant qu'il n'est pas nommé. Or ce jardin de l'Hôpital Inter-Armées n'a pas de nom. Des périphrases gênées comme "Ancien jardin botanique" ne conviennent pas, puisque Le Jardin botanique de Brest désigne actuellement le Conservatoire du Stang Alar. A Brest, le Jardin des Explorateurs n'a existé qu'à partir du moment où il a reçu ce nom. Je propose Jardin Maritime de Brest Antoine Laurent . Jusqu'à mieux-disant.

  Quant à imaginer de nouvelles serres, des bustes de jardiniers et de pharmaciens brestois, et Griselinia littoralis pour rendre hommage à Raoul ..., et puis quoi ? Un bassin à sangsues peut-être ?


SOURCES ET LIENS :

 

  La source essentielle, exhaustive, brillamment illustrée, et contenant les échanges épistolaires d'Antoine Laurent, est la suivante :

ROUSSEL (Claude-Youenn) GALLOZZI (Arièle), Jardins botaniques de la Marine en France – Mémoires du chef-jardinier de Brest Antoine Laurent (1744-1820), Spézet Coop Breizh, 2004.  

 

 

       

  • Site Le Jardin des explorateurs à Brest
  •  Achat des terrains nécessaires au jardin : "Un coin de Brest", Société académique de Brest 1888 p. 86 et suivantes.
  • BELLEC (Robert), docteur «  Requiem pour un paradis perdu », in Les Cahiers de l'Iroise24ème année n°1, janvier-mars 1977, pp 30-37.
  • BESNOU L. Travaux des Sociétés savantes pendant l'année 1868, Annuaire des sociétés savantes de France et des congrès scientifiques Paris 1870 pp. 310-311
  •  CAMBRY (Jacques), SOUVESTRE (Émile) Voyage dans le Finistère, revu et augmenté par Émile Souvestre, 1835, Brest , Come Fils ainé et Bonetbeau, fils, imprimeurs-éditeurs rue du Château, et Librairie de Come, Fils Aîné, rampe, 30, coin du Champ-de-Bataille ; 251 p.,27 cm.
  • DIZERBO (Auguste H) Les frères Crouan, botanistes et pharmaciens brestois Les Cahiers de l'Iroise n°5 - 1955, p 36.
  • DIZERBO (Auguste H) : Le jardin botanique de l'hôpital de la Marine à Brest et l'introduction des espèces exotiques. Les Cahiers de l'Iroise n° 174 /. Éd :s.n., 1997 ,p. 63-66 ; 22 cm   

  • HETET F. Liste des plantes qui ont résisté aux froids de l'hiver dans le jardin botanique de la marine à Brest par M. F. Hétet, Annales des sciences naturelles. Zoologie, Volume 20 : XVI, 379.
  • LAROCHE (Marie) Pour un inventaire des collections océaniennes en France,   Journal de la Société des océanistes 1945 Volume 1 pp. 51-57.
  • LAURENT (Charles), Médecin-Général, «  Les Musées de l'Hôpital Maritime de Brest », Les  Cahiers de l'Iroise 10ème année n°2, 1963 p. 87-91.
  • LAURENT (Charles) « Le musée de l'Hôpital maritime de Brest », Revue des Service de Santé des Armées, 1964
  • LE HIR (Fanch), MOUHAMADOU (Lo),   Projet de restauration de l'ancien jardin maritime de Brest, Mémoire de Master 1 Aménagement Développement et Environnement 2007-2008.
  • LEVOT (Prosper) Histoire de la ville et du port de Brest, vol. 1 : La ville et le port jusqu'en 1681, Brest, 1864, 387 p.
  • LEVOT (Prosper)Histoire de la ville et du port de Brest, vol. 2 : Le port depuis 1681, Brest, 1865, 387 p.
  • POTIER DE COURCY (Pol)  De Rennes à Brest et à Saint-Malo: itinéraire historique et descriptif , 1864. 
  • PRADERE (Onésime)  Brest, son château, son port, sa rade et ses environs : guide du touriste Éd : société anonyme d'imprimerie (Brest) 1889 in Gallica.
  • VAVIN (E). Coup d'œil sur le jardin botanique de Brest et les principales cultures maraîchères du Finistère, Bulletin de la Société d'acclimatation, 2ème série tome VIII année 1871, Paris, 1871 pp 131-138 et p.155. En ligne Google books
  •  Bulletin de la Société Académique de Brest, Volume 5 : année 1868-1869. Don au musée de la société académique de la collection d'histoire naturelle constituée par M. Gadreau, par sa veuve et par son fils J.P. Gadreau. Cette collection comprend 1°) une collection d'insectes comprenant environ 400 sujets. 2°) Collection de minéraux comprenant environ 200 sujets , qui, pour la plupart, ont leur étiquettes. 3°) Collection de coquillages comprenant environ 500 sujets 4°) collection de médailles. M. Constantin a fait subir à la collection d'insectes une préparation chimique qui assure la bonne conservation des sujets.
  • Plans de Brest : Bibliothèque Municipale de Brest, Atlas historique des villes de france, Brest en 1829 cote X FB A 30.
  • Plan de Brest et de sa banlieue, 1901, Bibliothèque Municipale de Brest.
  •  

 


Pour D.P. :

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Published by jean-yves cordier
10 août 2013 6 10 /08 /août /2013 09:05

             Un grand naturaliste brestois* :

     le pharmacien de marine Arthur Bavay

                        (1840-1923).

* (d'adoption)


           Arthur-René Jean-Baptiste Bavay est né à Lamballe le 28 avril 1840 de François-Isidore Bavay (Lamballe 1798-Landevennec,1873) médecin à Lamballe, et de Marguerite-Rose Mouésan.

 84 ans plus tard, après avoir enthousiasmé sa vie à chercher les petites bêtes, il n'avait trouvé meilleur passe-temps que d'en chercher de plus petites encore, dans le sable des plages, scrutant les coquillages minuscules et les animalcules dans les sables coquilliers que ses élèves lui faisaient parvenir, du monde entier au Muséum, et s'exclamant devant une coquillette enfouie dans le sable de Ternate (Îles Moluques)  "une Carditella pusilla !". 

  Plus près de nous, parmi la centaine d'articles qu'il écrivit, je citerai celui-ci, par lequel je l'imagine arpentant, nez sur le sable, les plages si familières du littoral brestois :

— 1889. "Addition à la faune malacologique terrestre et marine de la rade et des environs de Brest (Finistère)". Journal de Conchyliologie, XXXVII, p. 363.

 Mais on pourrait l'imaginer aussi "dans le ruisseau de Saint-Adrien, au fond de la baie de Lauberlach (Plougastel), près du moulin", où il découvre un Pisidium casertanum, ou à Morgat et à Douarnenez prélevant sous les pierres un Kellia Mac-Andrewi fixé par un bissus.

  Vous souhaitez le suivre sur la plage ? C'est par ici :

  

  

 

  1. Le pharmacien botaniste.

     J'avais cru d'abord qu'Arthur Bavay était essentiellement, comme la plupart des  pharmaciens de la marine, un fameux botaniste spécialisé dans la flore de Nouvelle-Calédonie, puisque Auguste Dizerbo le présentait comme "le découvreur de l'essence de Niaouli", et que sa publication de thèse sur deux plantes de Nouvelle-Calédonie, l'anacardier Anacardium occidentale (vous connaissez son fruit, c'est la noix de cajou), et le Niaouli (vous connaissez son huile, c'est le Goménol) était bien connue. C'est en effet à partir des travaux de Bavay, alors pharmacien de 1ère classe  que l'on s'intéressa au Niaouli, plante de la famille des myrtacées, et du genre Melaleuca, actuel Melaleuca quinquenervia aux feuilles odorantes et à l'écorce s'exfoliant comme du papier. Il avait conclut son étude ainsi : « Je ne sais si, comme on le suppose, l’essence de Niaouli est appelée à un avenir quelconque, soit médical, soit industriel ; mais à coup sûr, si cet arbre ne devient pas une source d’aisance pour la Nouvelle-Calédonie, cela ne l’empêchera pas d’avoir été une précieuse ressource pour ses premiers habitants » Soixante ans plus tard, la production du niaouli, commercialisé par les laboratoire du Goménol de la famille Prevet,était l’une des plus anciennes industries de transformation et d’exportation de la Nouvelle Calédonie avec celle du Santal et de la viande de bœuf, atteignant vers 1920 une véritable production industrielle. Elle augmente fortement avant la 2ème guerre mondiale, atteignant entre 12 et 24 tonnes par an, avant de chuter et de devenir très faible  très faible à partir de 1990.

  L'usage de l'huile goménolée, appréciée pour ses propriétés antiseptiques, fut si large qu'il occasionna, en lavage nasal chez les enfants, des pneumopathies huileuses.

  Pourtant, je devais découvrir que la réputation d'A. Bavay était en relation avec beaucoup d'autres compétences encore :


 2. L'officier de santé brestois.

   En 1864, il aurait été pharmacien à l'hôpital naval de Port-Louis

Pharmacien  rattaché à l'École de médecine navale de Brest, il occupa des fonctions de Professeur d'Histoire naturelle, et, comme tel, il fut directeur du jardin botanique de l'hôpital maritime. Il avait précedemment exercé les mêmes fonctions à Toulon (nommé Professeur en 1875).

  Il eut alors comme collègues-enseignants sous la direction de Charles Barthélemy puis de Jean-Marie Lucas : le médecin principal Adolphe Duchâteau en Clinique médicale, pathologie interne, pathologie exotique ; le médecin principal Albert Galliot en Clinique médicale, thérapeutique :les médecin en chef Charles Cras,  puis Charles Auffret en Clinique chirurgicale, pathologie externe, chirurgie d’armée ; Charles Auffret en Clinique chirurgicale, médecine opératoire, physiologie ; le médecin principal Francisque Guyot en Anatomie et histologie ; le médecin de 1re classe Adrien Brediam en Hygiène et médecine légale ; le pharmacien de 1re classe Frédéric Bourdon en Physique et pharmacie ; le pharmacien principal Nicolas Chalmé en Chimie, chimie médicale ; et le médecin de 1re classe Louis Vergniaud en Accouchement, maladies des femmes et des enfants. 

En 1871, il fut désigné pour se rendre en Guadeloupe, "en remplacement de M. le pharmacien de 1ère classe Chaze, qui, à son retour en France, servira au port de Brest." Il publie alors des Notes sur l'Hylodes martinicensis et ses métamorphoses Basse-Terre (Guadeloupe), Imp. du Gouvernement, in 8°, 14 pages et pl. 1872. Il s'agit d'une petite grenouille actuellement nommée Eleutherodactylus martinicensis Tschudi, 1838.

Il est nommé Pharmacien en chef en 1883.

Il est nommé chevalier de la Légion d'Honneur le 7 août 1877, officier le 3 mai 1889 (dossier archives).

 

3. Le collectionneur d'insectes.

  C'est en consultant la liste des membres de la Société Entomologique de France que nous y découvrons Arthur Bavay, avec une indication: "collection de coléoptères". En 1901, il figure dans la liste de ceux qui ont procuré des photographies au Bulletin de la Société. En 1904, le bulletin signale à propos de Macrogyrus elongatus Regimbart, 1883 que "Le Muséum de Paris possède une belle femelle très métallique et très irisée, étiquetée « Yahoué (Bavay), 1904."


4. Le parasitologue.

  En 1877, il a décrit le parasite Strongyloïdes stercoralis (Bav.) ou anguillule, nématode responsable d'une parasitose nommée anguillulose ou strongyloïdose que l'on retrouve chez l'homme ou chez d'autres espèces animales. L'anguillule (Strongyloïdes stercoralis) est un ver rond minuscule dont les femelles parthénogénétiques parasites, sont profondément fixées dans la muqueuse duodénale.

5. Le malacologue ou conchyliologue.

  Je savais qu'Arthur Bavay avait une belle collection de coquillages, dont il avait fait don au Musée d'histoire naturelle de Brest. C'était là seulement un fait-divers, car c'est bien comme spécialiste des coquillages qu'Artur Bavay donna la pleine mesure de ses qualités scientifiques.

 Il suffirait pour s'en convaincre de lire la note biographique que rédigea son collègue Ed. Lamy en guise de notice nécrologique dans le  Journal de conchyliologie (Paris)  Volume 68 - Page 172-182, 1923/04 (SER4,T22,VOL68)-1923/06 :

 

« Ce regretté savant avait accompli une brillante carrière dans le corps des Pharmaciens de la marine et son mérite lui avait permis d'y accéder aux grades les plus élevés. Après avoir fait de longs séjours à la Guadeloupe, puis en Nouvelle-Calédonie et avoir ensuite enseigné l'Histoire naturelle aux Écoles de Médecine de Toulon et de Brest, il était devenu Pharmacien en chef et, en cette qualité, fut appelé en 1896 à Paris aux hautes fonctions de Membre du Conseil supérieur de santé.

Malgré ses absorbantes obligations professionnelles, il s'était toujours vivement intéressé à la Science pure. Véritable naturaliste, il avait su faire, au cours de ses lointains voyages, de nombreuses et sagaces observations et recueillir de précieux documents qu'il avait utilisés pour d'intéressants travaux dans différentes branches de la Zoologie : la Parasitologie (1) l' Erpétologie, la Conchyliologie.

 Mais après sa retraite prise en 1904, il se consacra entièrement à cette dernière science.

Son œuvre malacologique peut être divisée en plusieurs chapitres.

Par la description de nombreuses formes nouvelles il a contribué, soit seul, soit en collaboration avec M. Ph. Dautzenberg, à augmenter nos connaissances sur les coquilles terrestres et fluviatiles de l'Extrême-Orient.

Dans les faunes marines, il s'est tout particulièrement occupé, avec M. L. Tillier, de la question des migrations des Mollusques à travers le canal de Suez.

Parmi les Lamellibranches, il s'est spécialisé dans l'étude des Pecten, dont il avait réuni une fort belle collection, en même temps qu'il avait consenti à déterminer et à classer les espèces de ce genre possédées par le Muséum national de Paris.

Dans les Gastéropodes, ce sont les Marginella qui furent d'abord son groupe de prédilection.

Mais dans ces dernières années, il s'était pris d'une véritable passion pour les formes minuscules que l'on trouve dans les sables coquilliers littoraux et même il avait bien voulu rédiger, pour leur récolte, des instructions à l'usage des Voyageurs-Naturalistes du Muséum.

A la suite de cette publication, il se chargea d'étudier tous les sables qui, recherchés d'après ses indications, arrivaient au Laboratoire de Malacologie.

Les initiés seuls peuvent se rendre compte du temps et de la peine qu'il consacra ainsi au travail long et difficile nécessité par l'étude consciencieuse des coquilles microscopiques. Il devait d'abord les trier avec soin à la loupe, puis, après cette besogne patiente, il les examinait minutieusement au microscope et les dessinait scrupuleusement à la chambre claire. Malgré son grand âge, son œil exercé savait découvrir les détails de sculpture les plus infimes et lui permettait d'assumer une tâche de nature à effrayer de plus jeunes.

Son ardeur au travail ne s'est jamais ralentie et elle semblait défier les atteintes de la vieillesse. Trois jours avant sa mort il était encore venu occuper sa place accoutumée au Laboratoire.

Il s'est brusquement éteint,le 13 juillet 1923 dans sa 84ème année, pouvant se rendre ce témoignage qu'il avait terminé une longue vie consacrée toute entière à un labeur incessant.

Sa valeur scientifique et l'aménité de son caractère l'avaient fait élire, pour l'année 1902, prèsident de la Société Zoologique de France, dont il faisait partie depuis 1879. Il avait été nommé en 1909 Correspondant du Muséum. Il était Officier de la Légion d'Honneur et de l'Instruction publique.

Sa perte provoquera d'unanimes regrets : ils seront d'autant plus grands que, s'il laisse une œuvre inachevée, il faut en rendre responsable les scrupules d'une haute probité scientifique qui, seule, l'a arrêté au moment d'entreprendre des travaux d'ensemble sur les groupes sur lesquels il avait acquis une maîtrise incontestée.

[…]

Ed. Lamy. »

 Suit la Liste des publications Malacologique d'A. Bavay  de 1873 à 1922 soit 69 références bibliographiques. Je ne citerai que :

Description de coquilles nouvelles de l'Indo-Chine Arthur Bavay, ‎Philippe Dautzenberg - 1909

Récolte des mollusques: conseils aux voyageurs 1895

Pectinidés Philippe Dautzenberg, ‎Arthur Bavay - 1912

Note sur l'hylodes martinicensis et ses métamorphoses, Arthur Bavay, Impr. du Gouvernement, 1872 - 14 pages

Les lacs des hauts plateaux de l'Amérique du Sud par Maurice Neveu-Lemaire  

Description de coquilles nouvelles de l'Indo-Chine  ( 1899 ) 

Les Lamellibranches de l'expédition du Siboga : partie systématique. 1. Pectinidés par  Ph Dautzenberg (1912) 

Papiers réunis par Arthur Bavay  

Mollusques terrestres et fluviatiles récoltés par le Dr Neveu-Lemaire (Mission de Créqui-Montfort et Sénéchal de la Grange en Amérique du Sud), A. Bavay 1904

Coquilles nouvelles provenant des récoltes de M. L. Levay: dans les rapides du Haut-Mékong, pendant la campagne du Massie, 1893-1894-1895 , 1895, 15 p.

Descriptions de quelques nouvelles espèces du Genre Pecten et rectifications 1904, 10 p.

 

 Voir : http://coldb.mnhn.fr/ScientificName/Helix/duportioir

 

 6. le spécialiste des reptiles ou Herpétologue.

 Il a décrit les reptiles suivants :

 — le Gecko géant de Bavay  Platydactylus chahoua Bavay, 1869 ; synonyme : Rhacodactylus chahoua (Bavay, 1869) : c'est un gecko de Nouvelle-Calédonie, que Bavay affirme avoir avait déposé au Musée d'Histoire naturelle de Brest, alors que Roux ne l'y a pas retrouvé en 1913 (Voir, pour l'holotype, Aaron M. Bauer).

 — Le Gecko de Bavay Eurydactylodes vieillardi Bavay, 1869 [Alt. Vieillard's Chameleon Gecko] , c'est un autre gecko de Nouvelle-Calédonie.

— Le Shink de Bavay Ligosoma arborum Bavay, 1869 (Syn. Lioscincus nigrofasciolatum Peters, 1869)

— le genre de Gecko de Nouvelle-Californie Bavayia Roux, 1913. honore Bavay, le premier auteur traitant des reptiles de Nouvelle-Calédonie.

— Par contre, le scincidé du Vietnam,  Tropidophorus baviensis Bourret, 1939 qui est nommé Bavay's killed Scink, ne porte pas le nom d'Arthur Bavay, mais celui du mont BA VI.


Publications :

Catalogue des reptiles de la Nouvelle-Calédonie et description d'espèces nouvelles. (Extrait du tome XV. de Mémoires de la Société Linnéenne de Normandie.)  Arthur BAVAY 1872 

Catalogue des reptiles de la Nouvelle-Calédonie et description d'espèces nouvelles, par A. Bavay,..F. Le Blanc-Hardel, 1872 - 37 pages  

 


Quelques publications :

Etude sur deux plantes de la Nouvelle-Calédonie, Le Niaouli et son huile essentielle, l'anacardier (Thèse de pharmacie) 1869, in 4°, 30 pages.

 

      Sources et liens:

 KERVILER (René) Répertoire général de bio-bibliographie bretonne. Livre premier, Les bretons. 2,BEC-BER / , page 219.  

LAMY (Ed), Notice nécrologique, Journal de conchyliologie (Paris)  Volume 68 - Page 172-182, 1923/04 (SER4,T22,VOL68)-1923/06 

 

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Published by jean-yves cordier
5 août 2013 1 05 /08 /août /2013 10:36

      Participation à une biohistoire des papillons dans le Finistère: quel est l'auteur du

 "Tableau systématique des Lépidoptères qui se trouvent dans le département du Finistère"  Émile Souvestre, "Le Finistère en 1836" ?

   Recherches sur C.F. Le Borgne de Kermorvan.

 

Introduction.     

  La notion même de biohistoire et de biopatrimoine est toute récente, puisqu'on les doit à Christian Perrein et son équipe, qui l'ont appliqué à l'étude des rhopalocères en Loire-Atlantique (Christian Perrein, Biohistoire des Papillons. Diversité et conservation des lépidoptères rhopalocères en Loire-Atlantique et en Vendée, Presses Universitaires de Rennes 2012)

  Il s’agit en effet de tracer une nouvelle voie de recherches qui tienne compte de la biologie et de l’évolution de l’Homme, aux cotés de l’archéologie et de l’anthropologie. 

  Il s'agit aussi d'éviter la dichotomie nature/culture, par le biais, notamment, des collections d'histoire naturelle, qui gardent le témoignage d'un état des lieux de la biodiversité. Ces collections, ou les carnets d'observation des naturalistes, ou encore le cumul de minuscules indices, permettent ou permettraient disposer d'un inventaire des espèces observées, inventaire capable de quantifier l'érosion des richesses spécifiques et de tenter de comprendre les phénomènes d'extinction. Or, ces collections, ces carnets, ces indices, sont fragiles et menacés eux-même d'extinction, comme le démontre de manière hélas spectaculaire la destruction complète des richesses du Musée d'histoire naturelle de Brest en 1944 après 150 ans d'existence.

  Cette notion de biohistoire peut-elle encore, après ce désastre brestois, s'appliquer encore au Finistère ? Dans ce département, cette science nouvelle n'est pas balbutiante, elle est infante.

  Pour la région Bretagne, un travail princeps a été, en 2012, celui de Maël Garrin dans son mémoire de master 2 d'histoire, Histoire-Société-Culture, Les entomologistes bretons de 1800 à 1939. Après avoir consacré 25 pages (pp 47-72) à Nantes et 10 pages au pôle rennais, l'auteur —universitaire rennais — traite les autres villes bretonnes en 7 pages, Lorient et Brest étant traité en une page avant de parler de Vannes et Morlaix. C'est dire que le Finistère (si on excepte Morlaix) est avec les Côtes d'Armor les parents pauvres de cette étude. Vingt-cinq entomilogistes y sont cités, dont 14 à Brest et 3 à Quimper.

 Quoique, de mon point de vue, la zoonymie (ou étude des noms d'animaux) me paraisse digne d'appartenir à ce concept de biohistoire, notamment pour les noms vernaculaires, j'ai délaissé pour un temps mes études de zoonymie des lépidoptères pour tenter d'enrichir la connaissance de l'histoire des zoologistes du Finistère, et, pour le moins, de Brest, ville dont je suis le plus proche, et de Quimper.

  C'est ce souci qui m'a amené à découvrir l'existence du Jardin botanique de Brest et de son Musée d'histoire naturelle Le Musée ou Cabinet d'histoire naturelle du jardin botanique de Brest 1800-1944. , avec ses richesses, mais principalement exotiques, collections : il y avait à Brest, autour de ce musée et par l'émulation qu'il créait, des passionnés d'histoire naturelle, notamment parmi les médecins et pharmacien de marine. Les pharmaciens brestois Crouan s'illustrèrent dans l'étude des algues, mais d'autres noms restaient à découvrir. Les noms des directeurs du Musée d'histoire naturelle de Brest sont ceux d'autant de zoologistes, voire d'entomologistes potentiels.

 Un autre moyen était de rechercher, parmi les souscripteurs des ouvrages de référence au XIXe siècle pour l'étude des papillons (pour choisir, comme C. Perrein, les lépidoptères comme axe de recherche), quels étaient les souscripteurs bretons. J'obtenais ceci :

Liste des souscripteurs bretons de Papillons d'Europe peints de Jacques-Louis Engramelle, juillet 1782 :

  • Mr de la Bove, intendant de Bretagne.
  • Mme de Libour à Laval.
  • Mme de Luynes à Nantes.

Liste des souscripteurs bretons de Histoire des Lépidoptères ou papillons de France de Jean-Baptiste Godart, Tome I,  1821.

  • Auger, libraire à Brest,
  • Blutel, libraire à Brest,
  • Kermorvan* à Quimper,
  • Lemée-de-Boisléard**, professeur au collège royal de Pontivy.

 * il s'agit de Le Borgne de Kermorvan : les exemplaires en sont encore conservés par la Médiathèque des Ursulines de Quimper.

** Lemée de Boisléard professeur de troisième, est mentionné "professeur d'histoire naturelle" dans le bulletin de la Société Polymathique du Morbihan.

 

 

Souscripteurs bretons du Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle vol.36 1819. (liste incomplète)

  • Auger, libraire à Brest.
  • Egasse, libraire à Brest,
  • Maudhuy, Lieutenant de vaisseau et chevalier de Saint-Louis à Brest [de Mauduit du Plessis ?].
  • Lefournier, et Despériers, libraires à Brest

 

 

L'étude du Tableau systématique des lépidoptères qui se trouvent dans le département du Finistère dans "Le Finistère en 1836" d'Émile Souvestre.  Recherche sur l'auteur de ce tableau.

  Un autre moyen de découvrir les entomologistes finistériens me sembla être d'exploiter le Tableau systématique des lépidoptères qui se trouvent dans le département du Finistère, tel qu'il figure dans Le Finistère en 1836 d'Émile Souvestre.  Mais, tout-d'abord, il fallait considérer la liste elle-même : à défaut de retrouver dans notre département une collection de lépidoptère, cette liste était des plus précieuses pour la comparer à l'inventaire actuel, tel qu'il paraîtra dans le futur Atlas des Rhopalocère de Bretagne. 

Voici donc cette liste, limitée ici aux rhopalocères.


DIURNI.

Première Tribu : PAPILLIONIDES.

1er Genre : Papillon, Papilio : 1 espèce.

  • Papillon machaon.

 

2ème genre : Piérides, Pieris : 4 espèces.

  • Piéride de l'aubépine.

  • P. du chou.

  • P. de la rave.

  • P. du cresson (cardamines).

3ème genre : Coliades : 3 espèces.

  • Coliade edusa.

  • C. hyale.

  • C. du nerprun. (rhamni).



4ème genre : Polyommates : 14 espèces.

  • Polyommate du bouleau.

  • P. du prunier.

  • P. du blanc.

  • P. lyncée.

  • P. boeticus.

  • P. du chêne.

  • P. de la ronce.

  • P. phlaeas.

  • P. xanthé.

  • P. amyntas.

  • P. argus.

  • P. agestis.

  • P. alexis.

  • P. argiolus.



Deuxième Tribu : NYMPHALIDES.



5ème Genre : Limenetes : 1 espèce.

  • L. sybille.



6ème Genre : Argynnes : 7 espèces.

  • A. selene.

  • A. euphrosyne.

  • A. dia.

  • A. lathonia.

  • A. oedippé.

  • A. aglaé.

  • A. paphia.

 

7ème Genre : Mélites, 2 espèces.

  • M. artemis.

  • M. cinxia.



8ème Genre : Vanesses : 6 espèces.

  • V. du chardon.

  • V. atalante.

  • V. io.

  • V. polychlore.

  • V. de l'ortie.

  • V. c-blanc.



9ème Genre : Satyres : 7 espèces.

  • S. semelé.

  • S. lithonus.

  • S. janira.

  • S. maera.

  • S. megere.

  • S. égérie.

  • S. davus.

 



Troisième Tribu : HESPÉRIE.


10ème Genre : Hespéries : 7 espèces.

  • H. alveolus.

  • H. sao.

  • H. tages.

  • H. sylvain.

  • H. linea.

  • H. actaeon ?

  • H. comma.

  Je me permets ces commentaires  :

 

  1. La classification utilisée, en 3 tribus de Rhopalocères, s'inspire, mais ne correspond pas exactement à celle de Latreille qui établissait deux Tribus (Papillionides et Hespérides).nElle ne suit pas exactement celle de Godart 1821 ?

  2. On constate un appauvrissement radical de l'onomastique vernaculaire, tous les noms créés par Geoffroy 1762 ou Engramelle v.1780 étant remplacés par des francisations grossières ou des transpositions du nom scientifique latin.
  3. Curieusement, l'auteur, dans ses notes, signale souvent Lorient et sa région (dans le Morbihan) comme lieu d'observation des espèces mentionnées; il y fréquente la propriété de la famille Guieyesse. Brest est souvent mentionnée aussi (le marché de Brest ; le cours d'Ajot ; la place de la Liberté ; le fort (du) Bouguen). Il s'agit vraisemblablement du même auteur que celui des autres tableaux zoologiques (Mammifères; Oiseaux ; Reptiles ; Testacés) au sujet desquels la même familiarité avec la région de Lorient est observée dans les notes. Cet auteur est chasseur, il parle ou comprend le breton, il connaît les îles bretonnes et les ilôts (Glénans, Beniguet, Tas de Pois).
  4. Les autres Tableaux ne couvrent pas le champ de la zoologie, avec deux absences de taille, celle des Insectes (excepté les lépidoptères) et celle des Poissons, alors que la liste des mammifères est très réduite.

Qui a composé le tableau des lépidoptères ?

Cette liste n'a pas été dressé par Émile Souvestre, qui était un homme de plume ou d'idées, mais ne collectionnait ni n'étudiait les papillons. Or, Souvestre n'indique pas quel en est l'auteur, et ce n'est qu'indirectement que nous trouvons des informations dans sa Conclusion. En effet, il écrit (Voyage dans le Finistère Par Jacques Cambry, Émile Souvestre, 1835 page 251, Conclusion) "Nous avons eu recours successivement aux livres de M. de Fréminville, de M. Kerdanet, à la collection du Lycée Armoricain, à la statistique de M. Duchatellier, mais surtout à de curieuses notes manuscrites de M. Brousmiche, de Brest, a eu la bonté de nous communiquer. Nous devons beaucoup, pour les chapitres spéciaux, à MM. Maingon, chirurgien de la marine, Bourassin de Quimper, DudresnayLe Borgne de Kermorvan, Hesle, Rousseau, Kerzéan, médecin vétérinaire à Landerneau, et à plusieurs autres qui nous ont fourni des renseignements précieux." 

M. de Fréminville, capitaine de vaisseau, archéologue, naturaliste.

M. Kerdanet : Olivier Miorcec de Kerdanet, auteur de notices historiques et d'un dictionnaire.

  Les "chapitres spéciaux" sont ceux qui traitent des "spécialités" : ce sont vraisemblablement les chapitres techniques,  ceux d'Hygiène, de Statistique, de Géologie et d'histoire naturelle. Je rappelle le plan de Le Finistère en 1836:

I. Topographie pittoresque et historique.

II. Mœurs, usages, superstitions.

III. Langue et poèsie.

IV. Hygiène, Statistique Médicale, etc.

V. Histoire Naturelle :

  • Géologie.
  • Botanique et zoologie.

VI Agriculture, Manufactures Commerce.

VII. Administration, Institutions Publiques, Instruction.

VIII. Statistiques.

IX Biographie.

 

  Dans le chapitre V, Émile Souvestre précise ceci :

— Géologie : "Ce mémoire appartient en entier à M. Bourassin, pharmacien à Quimper, également auteur de la carte géologique que nous joignons à son mémoire."

— Botanique : "nous devons à la complaisance de Mr Pogam [sic, pour Paugam], employé au jardin botanique de Brest [il en est le Jardinier-botaniste en chef], la liste des plantes phanérogames qui suit. M. le colonel Dudresnay a eu la bonté de nous communiquer le fruit de ses longues et consciencieuses études en nous livrant la liste des plantes hydrophiles. 

— Zoologie (in Botanique) : "Enfin M. Hesse nous a fourni tous les détails relatifs à la zoologie. Il a pourtant été aidé dans son travail par les notes de M. Le Borgne de Kermorvan, savant naturaliste de Quimper. M. Gand, officier de marine en retraite à Lorient, a eu aussi la bonté de revoir le mémoire de M. Collard de Chéru, relativement aux testacés marins, terrestres et  fluviatiles du Finistère.

  J'ai donc la réponse à ma question : la liste des papillons du Finistère a été dressée par messieurs Hesse et Le Borgne de Kermorvan. Les ornithologues qui exploitent la liste des espèces d'oiseaux du Finistère dans leurs travaux historiques citent comme auteurs conjoints du Tableau systématique des oiseaux qui se trouvent dans le département du Finistère  "Hesse et Le Borgne de Kermorvan" et leur Faune. ( Proceeding of the International Ornithological Congress 1905 ; L'Oiseau et la Revue d'Ornithologie Française 1943; Alauda 1968, Alauda 1981 ; Site Bretagne Vivante sur l'historique des populations de Gravelot à collier interrompu). Est-il possible néanmoins de rendre à chaque auteur la part qui est la sienne ? Étudions les données biographiques.

Charles-Eugène Hesse (Quimper,1801-1890)

était un naturaliste breton (voir J. Delalande, Professeur au Lycée de Brest :Charles Eugène Hesse, un naturaliste breton , Revue des Sciences Naturelles de l'Ouest - PARIS 1892 - In-8). Né à Quimper, il fit ses études à Pontivy et un premier poste à Toulon, il fut employé aux Subsistance de la marine à Bordeaux, puis à Lorient jusqu'au 1er janvier 1827. Après un passage à Rochefort, il revint à Lorient et fut nommé commis de seconde classe en 1829. Promu commis de première classe de la marine en 1833, il est alors muté à Brest, est nommé commis principal en 1837, sous-directeur de seconde classe en 1841, puis passe trois ans à Rochefort avant de rejoindre Brest comme directeur de première classe. Il terminera sa carrière à Brest, devenant commissaire à l'Administration des Subsistance de Brest puis délégué de l'Inscription maritime. En 1860, il s'installa pour la retraite à la Maison Blanche, sur le goulet de Brest. Il commença à publier ses observations à Brest à partir de 1858. Il  semble s'être plus particulièrement intéressé aux animaux marins, publiant en 1880 sur les crustacés Nouvelles preuves de l'identité des Pranizes et des Ancées. Bien connu des biologistes marins, il a publié une quarantaine de mémoires concernant les Crustacés parasites et correspondant à environ 900 pages.

  En 1836, date de l'ouvrage de Souvestre, il avait donc travaillé près de dix ans à Lorient, et, pendant trois ans, à Brest. Cela peut expliquer les fréquentes observations zoologiques à Lorient et sa région (courreaux de Groix) des Tableaux systématiques.

 

 Le Borgne de Kermorvan.

 

Les données sont très pauvres. Il appartient à une famille Le Borgne de Kermorvan originaire du pays de Morlaix et dont les membres les plus connus sont Charles-Guy Le Borgne de Kremorvan (1694-1761), l'évêque de Tréguier, et son frère chanoine de Quimper (-1776?). [Armorial : BORGNE DE KERMORVAN (LE). — Première devise : Attendant mieux. — Deuxième devise : Tout ou rien. —Armes : D'azur à trois huchets d'or liés et virolés de même] L'interrogation des dictionnaires biographiques ne donnent pas d'indication sur ce naturaliste dont on sait qu'il fut capitaine d'artillerie dans les armées napoléoniennes.  Il s'agit sans-doute de Charles-Fidèle, né en 1782 : selon les généalogistes, "Charles Fidèle le Borgne de Kermorvan, [né le 21 février 1782 et baptisé à St-Mathieu de Quimper, épousa Louise Geffroy [fille d'un ingénieur de la marine à Brest] dont issurent: - 1 Charles le Borgne, mort en bas âge à Brest. 2 Florentine le Borgne, morte à 16 ans à Quimper. Revue historique de l'Ouest - Volume 12 - Page 743 ]". Il était le fils de Marie-Madeleine Le Dall de Tremeur et de Toussaint-Fidèle de Kermorvan, émigré considéré en 1825 comme propriétaire dépossédé, avec attribution d'une rente compensatoire pour les ayants-droits Charles-Fidèle et Thérèse-Yvonne. (États détaillés des liquidations faites par la Commission d ..., Volume 1). Il fut nommé Chevalier de Saint-Louis en 1825. Les archives départementales du Finistère conservent depuis un don de 1919 un Fond Le Borgne de Kermorvan.

   Il est surtout connu pour avoir découvert l'escargot de Quimper, Hélix Quimperiana, découverte qui est accompagnée dans les revues du commentaire suivant : "Cette belle espèce fut découverte en 1817 dans les environs de Quimper, par M. Le Borgne de Kermorvan, capitaine d'artillerie, en retraite à Quimper, qui la communiqua à M. Desmarets avant la publication du magnifique ouvrage de M. le Baron de Férassac". L'escargot avait été nommé Helix kermorvani par Collar des Cherres, 1830, et c'est sous ce nom qu'il figure dans le Tableau des Testacés marins, terrestres et fluviatiles publiées dans "Le Finistère en 1836" (page 178) de Souvestre. Le nom fut invalidé au profit de celui de celui d'Elona quimperiana, Férussac, 1821.

  On le retrouve aussi cité dans le Catalogue des Mollusques des environs de Brest du Dr F.  Daniel en 1883 (ou Faune malacologique terrestre, fluviatile et marine des environs de Brest (Finistere) pour sa découverte à Quimper du Pecten jacobaeus Linné.

  C'est sous le nom de "Kermorvan" qu'il est désigné par les naturalistes, et il semble, dans ces années 1825-1830 où il est cité, avoir atteint une  réputation suffisament sérieuse pour que Brongniart le cite dans une liste de douze zoologistes du littoral français : " Il serait à désirer que tous les naturalistes qui habitent notre littoral voulussent bien se livrer à des recherches comme celle que nous devons à M. de Guerville pour les coquilles marines, et à M. de Brémisson pour les crustacés. MM. Baillon, à Abbeville, Gaillon, à Dieppe, Suriray au Havre, Deslongchamps à Caen, Du Dresnays à St-Pol-de-Léon, de Fréminville, à Brest ; Bonnemaison et Kermorvan, à Quimper; D'Orbigny, à Rochefort; Marcel de Serres, à Montpellier ; Polydore Roux, à Marseille ; et Risso, à Nice , sont les naturalistes auxquels cet appel s'adresse particulièrement." Gabriel Delafosse, ‎Adolphe Brongniart, ‎Anselme-Gaëtan Desmarest - 1826 Bulletin des sciences naturelles et de géologie - Volumes 7 à 8 - Page 404. Les trois autres noms cités pour la Bretagne, Du Dresnays, Bonnemaison et de Fréminville sont tous réputés :

  • le comte Ambroise du Dresnays (-1837) colonel de cavalerie retiré à Saint-Pol-de-Léon après un séjour à Versailles, est un collectionneur de cryptogames, lichens, d'algues et d'hydrophytes. Voir :Cryptogamie marine, ou collection d'algues, préparée et classée par le colonel  A. Du Dresnay
  • Christophe-Paulin de la Poix de Fréminville, dit le Chevalier de Fréminville (1787 - 1848) : voir Wikipédia

  • Théophile Amant Constant de Bonnemaison (1773-1829) (une place de Quimper porte son nom) fils d'un apothicaire de Quimper auquel il succéda,  est célèbre à la fois pour son ouvrage Essai d'une classification des Hydrophites loculées, ou plantes marines articulées qui croissent en France (1822), collection de sortes d'algues qui poursuivait le travail de son ami  et pour son Herbier de 9000 plantes, toujours conservé dans des boites à la Médiathèque de Quimper. On lui doit la découverte du Narcisse des Glénans. Le Catalogue de cet herbier, dressé en 1840 par l'abbé Dumarrallach, est un registre de 294 pages.

  C'est ce qui rend le quasi incognito actuel de Le Borgne de Kermorvan si étonnant.

 

Mes découvertes aux Ursulines de Quimper.

    En interrogeant le catalogue de la bibliothèque de Quimper, fond patrimoine, je découvre plusieurs livres d'histoire naturelle qui provenaient de la bibliothèque de notre naturaliste quimpérois : ils portent soit un ex-libris manuscrit (Le Borgne de K.morvan) soit la mention manuscrite " Provenant de la bibliothèque de Monsieur Le Borgne de Kemorvan (sic) Cne d'Artillerie."

 Il s'agit :

1. De l'ensemble des volumes de l'Histoire des Lépidoptères ou papillons de France de Jean-Baptiste Godart, texte et volumes de planches, de 1821 à 1838. Sur le premier volume, qui comporte la liste des souscripteurs, son nom est souligné, ainsi que deux autres noms, celui du libraire Auger de Brest, et celui d'Alexandre Goujon, "ancien officier d'artillerie à cheval, chevalier de la légion d'honneur". Cela incite à penser que Goujon est un collègue. 

    Alexandre-Marie GOUJON, capitaine d'artillerie légère, sorti de l'Ecole polytechnique , fit les campagnes des côtes de l'Océan , de Hollande , d'Austerlitz , d'Iéna, de Pologne, de Wagram et d'Espagne : il avait reçu la croix de la légion d'honneur sur le champ de bataille d'Eylau. Il est l'auteur de Hymne à la Vierge d'août 1821, Manuel des Français sous le régime de la Charte. Seconde édition, augmentée de toutes les lois promulguées dans la session de 1819 (1820), et des Pensée d'un soldat sur la sépulture de Napoléon (1821).

  Ce premier volume de texte est aussi doté, pour certaines espèces, de croix à l'encre violette, croix que l'on retrouve dans la Table alphabétique et synonymique des Lépidoptères diurnes : on peut penser qu'elles correspondent aux espèces observées, ou collectionnées par Le Borgne de Kermorvan, mais la présence du Flambé parmi les espèces cochées exclue une capture dans le Finistère.

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2. Des deux tomes de l'édition de 1799 de l'Histoire abrégée des insectes  dans laquelle ces animaux sont rangés suivant un ordre méthodique, d'Étienne-Louis Geoffroy.

 

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3. Il possédait encore les volumes de l'Histoire naturelle des crustacés et des insectes ( 14 tomes de 1802 à 1805...) de P.A Latreille

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    Charles Le Borgne de Kermorvan possédait ainsi les trois principaux ouvrages nécessaires à l'identification des lépidoptères ; peut-être possédait-il aussi les Papillons d'Europe du père Engramelle ? La Bibliothèque de Quimper n'en a pas trace.

   Or, on sait peut-être que ces trois auteurs, successivement E.L Geoffroy dès 1762, P.A Latreille, puis J.B. Godart en 1821 poursuivi par Duponchel, sont ceux qui fondèrent l'entomologie ou la lépidoptèrologie de langue française, et organisèrent la systématique de la classification des papillons. Une telle bibliothèque est, à n'en pas douter, celle d'un entomologiste. Faut-il un argument supplémentaire ? ...

 

4. Il possédait aussi l'ensemble de la collection de l'Histoire naturelle des animaux sans vertèbres de J.P.B.A de Lamarck (1815-1822). 

5. Et aussi  les 2 tomes de Histoire naturelle des quadrupèdes ovipares et des serpents  de Lacépède,350, 13 cm, 1799 et 386, 13 cm, 1799 Médiathèque des Ursulines Fonds Ancien Y 67.7.11 et 67.7.12 [Magasin A1].

 6. et enfin Le Manuel d'histoire naturelle, ou Tableaux systématiques des trois règnes, minéral, végétal et animal... pour servir de suite aux Leçons élémentaires d'histoire naturelle à l'usage des jeunes gens... par le P. Cotte, 1787.

 

 

  Au total, ces informations biographiques ne me permettent pas d'attribuer le Tableau des Lépidoptères du Finistère à Eugène Hesse, ou à (Charles-Fidèle) Le Borgne de Kermorvan. C'est bien Hesse qui a travaillé à Lorient. Néanmoins, le fait que, dès 1821, Le Borgne de Kermorvan ait souscrit à l' Histoire des Lépidoptères ou papillons de France de Jean-Baptiste Godart, une somme considérable dont la parution ne s'acheva qu'en 1838 et qui cumule  dix-sept tomes (dont douze signés par Duponchel), 7 600 pages et 500 planches coloriées, mais aussi les deux tomes de l'Histoire abrégée des insectes de Geoffroy el l'Histoire Naturelle de P.A. Latreille en fait un candidat de choix pour avoir été l'auteur, ou du moins l'inspirateur principal du Tableau des Lépidoptères du département du Finistère.  

  Ces éléments me semble démontrer que Le Borgne de Kermorvan peut entrer dans la liste des Entomologistes bretons du XIXe siècle.

 

  Remarque.

Le fond Patrimoine des Ursulines de Quimper provient en partie, des 10 000 livres saisis pendant la Révolution et rassemblés par les prètres assermentés Le Bastard, Hurault puis Trèsurin : Jacques Cambry, qui fournit ces renseignements dans Catalogue des objets échappés au vandalisme dans le Finistère : dressé en l'an III par Cambry ; publ. par ordre de l'administration du département, précise que ces livres appartenaient aux couvents, séminaires, à des clercs,  mais aussi à la bibliothèque de trois émigrés : "Silguy, Chefontaine et Lansalut" (noms auxquels on peut ajouter Larchantel, Aimey, Couen de Saint-Luc). De nombreux volumes d'histoire naturelle conservés aux Ursulines aujourd'hui portent en effet la marque de leur appartenance à de Silguy ou au marquis de Cheffontaine* dont l'ensemble des biens ont été vendus comme biens nationaux. Le nom de Le Borgne de Kermorvan ne figure pas parmi eux. Les livres de la bibliothèque Le Borgne de Kermorvan sont postérieurs à ces dépossessions. 

* exemple : les volumes de l'Histoire naturelle des oiseaux, 1779 à 1785, côte Y19.4.15 etc.., portent les armes et le nom de la famille de Cheffontaines [Penfentenyo].

 

 Le Borgne de Kermorvan, malacologue.

Les Actes de la Société Linnéenne de Bordeaux (Vol, n°.19 du 10 mars 1830) contiennent un Catalogue des Testacés marins du département du Finistère par Collard des Cherres, "capitaine du 52ème régiment d'infanterie de ligne, chevalier de l'Ordre royal de la Légion d'Honneur", qui mentionne :

  • Petricola striata ; Hab. Quimper. Cette espèce m'a été indiquée par M. de Kermorvan
  • p. 20 :M. de Kermorvan m'a écrit avoir trouvé à Quimper le Tellina nidata, je ne l'ai pas trouvé.
  • Venus pulchella. Com. par M. de Kermorvan.
  • Cardium erinaceum. Cette espèce, que je n'ai ni vue ni trouvée, m'a été indiquée par M. de Kermorvan.
  • Arca cardissa. Les env. de Quimper. Collection  de Kermorvan.
  • Modiola albicosta. Hab. Quimper. M. de Kermorvan m'a envoyé en communication un très bel individu de cet espèce, élargi en spatule.
  • Modiola discrepans. Hab. Quimper. Je dois cette charmante petire espèce à l'obligeance de M. de Kermorvan.
  • Mytilus abbreviatus. Hab. Quimper. Communiquée par M. de Kermorvan.
  • Mytilus incurvatus. Hab. Quimper. Communiquée par M. de Kermorvan.
  • Pinna ingens. Coll. M. de Kermorvan.
  • A propos de Pecten lineatus : M. de Kermorvan m'a écrit avoir trouvé à Quimper les Pecten jacobeus et P. sanguineus.
  • Anomia electra. Hab. Quimper.Communiquée par M. de Kermorvan.
  •  M. de Kermorvan m'a écrit avoir trouvé à Quimper l'anomia patellaris. Ne serait-ce pa l'anomia fornicata?.
  • Terebratula caput serpentis et Terebratula truncata. Je dois un exemplaire de chacune de ces jolies espèces à la généreuse amitié de  M. de Kermorvan qui les a trouvées à Quimper
  • Patella mamillaris. Hab. Quimper. indiquée par M. de Kermorvan.
  • Crepidula.  M. de Kermorvan m'a écrit avoir trouvé aux environs de Quimper une crépidule voisine de crepidula unguiformis.
  • Aplysia punctata et A. camelus M. de Kermorvan m'a écrit avoir trouvé ces deux espèces à Quimper.
  • Natica millepunctata Hab. Quimper. M. de Kermorvan m'a dit avoir trouvé cette espèce, extrémement commune sur le littoral des Pyrénées Orientales, et que je n'ai jamais rencontré ici.
  • Dans le chapitre consacré aux Buccins, Collard des Cherres écrit qu'il ne tient ses renseignements concernant Quimper que de MM. du Dresnay et de Kermorvan.
  • Helix Kermorvani page 98 (cf)
  • Carocolla elegans, Hab. Quimper, Communiquée par M. de Kermorvan.


 

 

 

 

  

 

 

 

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Published by jean-yves cordier
23 juillet 2013 2 23 /07 /juillet /2013 21:39

Dans le reflet des miroirs chez Sarah Bernhardt : une visite de sa maison d'été à Belle-Île.

 

  J'arrive par une belle après-midi d'été à la Pointe des Poulains et je m'approche de ce vieux fort, semblable à tous les castelets que l'Administration militaire a fait construire sur les îles du Ponant. Sans-doute vais-je y trouver des grilles rouillèes et des murs rongés par le salpêtre ?

 

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  Non. Agrémenté par de larges ouvertures, c'est la demeure d'été de Sarah Bernhardt, et, comme lors de la Fête dans le Grand Maulnes, je vais, en y pénétrant, me perdre dans les reflets étranges et fascinants du temps passé, celui où Renaldo Hahn, l'ami de Proust, composait son opérette Ciboulette.

 A gauche, je reconnais déjà, comme si j'y avais passé toutes mes vacances, la Villa des Cinq Parties du Monde, où logent la famille de Sarah. En face, le rocher de Basse-Hiot, où elle envisagea de faire dresser sa sépulture.

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  Je pousse la porte du fortin : nulle chauve-souris ne joue au cochon-pendu sur des parois humides. Tout au contraire, j'entre dans une demeure spatieuse, qui me semble toujours habitée.


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  Juste à droite, tellle une nature morte d'un maître flamand, la cuisine, ses cochonailles et et ses batteries en cuivre.

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Le cellier : je le connais aussi,  c'est, hier, ou avant-hier, le "garde-manger" qui nous servait de frigidaire, avant que celui-ci ne soit inventé. Ce temps retrouvé est celui d'une enfance baignée de soleil et d'ombre fraîche.

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  Il n'y avait pas l'eau courante, mais on actionnait comme dans un jeu la pompe qui chantait pour remplir notre broc.

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L'entrée, et son sofa.

 

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Quel est ce vieil homme qui, dans ce miroir répond à mon regard d'enfant ? 

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  La chambre de Sarah, ses chaussures et ses bas, ses robes. 

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   Bien loin de me sentir indiscret, je suis aussi à l'aise que lorsque je rentrais dans la chambre de ma grand-mère : rien n'a changé.

 

 

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Published by jean-yves cordier
12 juillet 2013 5 12 /07 /juillet /2013 13:18

Le papillon Vanessa atalanta, Jonathan Swift et Vladimir Nabokov.

       Voir aussi :

Zoonymie du papillon Vulcain, Vanessa atalanta .

Zoonymie du papillon la Mélitée du Plantain, Melitaea cinxia.

 

Le Vulcain Vanessa atalanta (Linné, 1758) tisse d'étranges rapports avec la littérature, à travers l'œuvre de deux écrivains, le satiriste irlandais Jonathan Swift (1667-1745) et le romancier russo-américain Vladimir Nabokov (1899-1977),  les deux parties de son nom scientifique fonctionnant comme des rébus aux solutions inépuisables.

  C'est bien-sûr un rébus, ou un nom-valise, qui est à l'origine du prénom Vanessa, fusion du début du nom et du prénom d' Esther Vanhomrigh qui donne son titre au poème Cadenus and Vanessa de Swift, composé en 1712, daté de 1713 et publié en 1726.

 Vanessa fut repris comme nom de genre de papillons de jour par Johan Christian Fabricius en 1807, avec comme espèce-type Vanessa atalanta, sans que personne ne sache pourquoi cet entomologiste danois avait choisi ce nom, et si même, bien que cela soit très probable puisqu'il avait séjourné en Angleterre, il connaissait le poème éponyme.

 Pourtant, en reprenant ce nom générique, Fabricius réussissait une de ces créations onomastiques géniales par l'ensemble des coïncidences qui s'y trouvent, et Vladimir Nabokov, grand expert en papillons avant même d'être un romancier célèbre, les avait parfaitement décelées avant de les dissimuler à son tour dans son œuvre. Si on trouve plus de 700 mentions de noms de papillons dans son œuvre, Vanessa atalanta est mentionné 19 fois (dont 5 fois dans "Fire Pale"), et Vanessa cardui 10 fois.

Le prénom de Vanessa, très rarement donné, par des parents artistes, jusqu'au XXe siècle, connu une vogue extraordinaire (se classant dans la liste des dix prénoms les plus fréquents), à partir des années 1970, ...soit peu après le succès international du roman Lolita (1955-1959) et du film de Stanley Kubrick (1962). 

  Il n'est pas abusif de prêter aux deux écrivains un goût diabolique pour la cryptographie et la distorsion du langage, et Nabokov s'ingénie à avancer devant un kaleïdoscope de miroirs, ce qui rend le sujet que j'aborde bien difficile à présenter clairement, puisque je ne saurais parler de l'un sans évoquer l'autre. Une grande partie du travail de documentation a été fait par les spécialistes de Nabokov Bryan Boyd et Dieter E. Zimmer, et le site de ce dernier auteur procure ses résultats en ligne dans la version web  de A guide to Nabokov Butterfliesand Moths

Pour m'ingénier à rendre mon article moins accessible, je débuterai par un pas de coté.

 


I. Swift le rapide, et son rébus .

 On se souvient que pour la mythologie, la jeune et belle Atalante — qui impose à un éventuel mari de la dépasser d'abord à la course à pied — est célèbre pour sa rapidité. Or, le nom de Jonathan Swift signifie en anglais "rapide". 

 Cela n'avait pas échappé à Miss Hessy, notre Vanessa, qui, dans ses amours épistolaires avec Swift, composa un rébus, auquel il fut répondu. 

                                 A REBUS.  BY VANESSA

Cut the name of the man  who his mistress denied,
And let the first of it be only applied
To join with the prophet  who David did chide;
Then say what a horse is that runs very fast;
And that which deserves to be first put the last;
Spell all then, and put them together, to find
The name and the virtues of him I design’d. 
Like the patriarch in Egypt, he’s versed in the state;
Like the prophet in Jewry, he’s free with the great;
Like a racer he flies, to succour with speed,
When his friends want his aid, or desert is in need.


Couper le nom de l'homme qui a nié sa maîtresse, (Joseph, et la femme de Putiphar*)

Et ne prenez que la première syllabe   (JO)

Pour la joindre avec le nom du prophète qui a reprocher à David sa faute, (NATHAN)

Ensuite, dites  ce qu' est un cheval qui court très vite; (SWIFT)

Et placez en dernier ce qui mériterait d'être en premier;

Prononcez tout ensemble, et découvrez 

Le nom et les vertus de celui que j'ai désigné.

Comme le patriarche en Egypte, il est versé dans les affaires de l'État;

Comme le prophète dans la communauté juive, il est libre avec les grands;

Comme un athlète il vole pour secourir avec célérité,

Ses amis demandant son aide, ou quiconque est dans le besoin.

 

  Ce Rébus versifié illustre le type de relation des deux amants, faite d'échanges littéraires basés sur les jeux de mots autour des noms, et de ce qu'ils dissimulent. Si on y voit un éloge des vertus du Doyen de la cathédrale Saint-Patrick à Dublin, la rapidité avec lequel il s'occupe des autres (et d'Esther Vanhomrigh), on voit aussi des reproches entre les lignes : "celui qui nie sa maîtresse", le reproche d'Esther face à Swift paralysé par ses autres relations féminines et son statut d'écclésiastique ; la faute de David, à qui Nathan reproche son adultère avec Bethsabée (la scène est illustrée dans beaucoup de Bibles), si on suppose qu'Esther connaissait la liaison de Swift avec "Stella", Esther Johnson ; enfin sa "rapidité", qualité devenant un défaut si elle qualifie, pour le moindre, la durée des visites à sa maîtresse. 

*n.b Swift se dissimulait, dans ses lettres à Stella, derrière le sigle mystérieux pdfr, correspondant à podefar, inexpliqué mais  qui rappelle Potifar, nom anglais de Putiphar, officier du pharaon dont l'épouse tente de séduire Joseph. Coïncidence ?

  Swift (the Dean, le "Doyen")  répondit à ce rébus par un poème de son cru :

  

                                           THE DEAN’S ANSWER

 

"The nymph who wrote this in an amorous fit,
I cannot but envy the pride of her wit,
Which thus she will venture profusely to throw
On so mean a design, and a subject so low. 
For mean’s her design, and her subject as mean,
The first but a rebus, the last but a dean. 
A dean’s but a parson:  and what is a rebus? 
A thing never known to the Muses or Phoebus. 
The corruption of verse; for, when all is done,
It is but a paraphrase made on a pun. 
But a genius like hers no subject can stifle,
It shows and discovers itself through a trifle. 
By reading this trifle, I quickly began
To find her a great wit, but the dean a small man. 
Rich ladies will furnish their garrets with stuff,
Which others for mantuas would think fine enough: 
So the wit that is lavishly thrown away here,
Might furnish a second-rate poet a year. 
Thus much for the verse, we proceed to the next,
Where the nymph has entirely forsaken her text: 
Her fine panegyrics are quite out of season: 
And what she describes to be merit, is treason: 
The changes which faction has made in the state,
Have put the dean’s politics quite out of date: 
Now no one regards what he utters with freedom,
And, should he write pamphlets, no great man would read ’em;
And, should want or desert stand in need of his aid,
This racer would prove but a dull founder’d jade."

 

De cette réponse, je remarque le premier qualificatif, "nymphe", par lequel Swift désigne Vanessa. Forme poétique ? Pas seulement, puisque Swift appartient, avec Humbert, le narrateur de Lolita, ou avec Lewis Caroll, peut-être avec Dante et Pétrarque, à ces écrivains dont la ou les muses sont de très jeunes femmes. De toute façon, ce qualificatif prend désormais une autre saveur si on songe au papillon Vanessa atalanta, une nymphalide. On le retrouve dans d'autres poèmes.

 Dans une formule de modestie rhétorique, Swift se plaint que sa jeune élève s'abaisse à consacrer son art à un genre si bas, le rébus, "une paraphrase sur un mot d'esprit", et à un sujet si bas, lui-même. Mais il semble avoir lu entre les lignes que son son propre jeu a été dévoilé et qu'il n'est, en fait de Swift "rapide", moins un cheval de course qu'un canasson fourbu et ennuyeux. Se montre-t-il ici rétif aux avances et à l'éperon du désir de Miss Essy ?

Quand Swift the swift  met en scène Atalante dans Cadenus and Vanessa, pense-t-il à lui-même ?


II. Lecture de Cadenus and Vanessa de Swift par Nabokov.

 C'est dans quatre lignes du poème Cadenus et Vanessa que les deux noms de Vanessa et d'Atalanta se trouvent, comme par prémonition du nom du papillon, réunis. 

            The goddess thus pronounced her doom,

            When, lo! Vanessa in her bloom

            Advanced like Atalanta's star,

             But rarely seen, and seen from far.


La déesse avait à peine prononcé sa sentence,

Lorsque, là ! Vanessa dans sa fleur,

Apparut comme l'astre d'Atalante,

Rarement visible, et de si loin !

 

  Dans Cadenus et Vanessa, Vénus a créé une nymphe, Vanessa, ayant tous ses charmes, et tous les dons des Muses, mais elle a eu la (mauvaise) idée de demander à Pallas (Athéna, déesse de la Raison, de la Prudence, et de la Sagesse ) de lui conférer aussi les qualités dont elle dispose ; mais comme ces qualités sont, en Olympe, de genre masculin, elle fait passer Vanessa pour un jeune garçon aux yeux de Pallas. Lorsque cette dernière découvre qu'elle a été bernée, elle prédit que, de toute façon, cette alliance contre nature ne générera pas la séductrice ravageuse des cœurs escomptée, capable de réveiller les Bergers à l'Amour. C'est sur cette sentence que s'ouvrent nos quatre vers. 

 Je vais étudier les fragments qui résonnent avec le nom du papillon Vanessa atalanta, et avec l'œuvre de Nabokov.

A. Atalanta's star.

  La première difficulté que je rencontre est liée à "Atalanta's star" : Atalante n'est pas une étoile ou une planète, et ne correspond au nom ou surnom d'aucun astre. Elle n'est pas qualifiée ainsi dans la poésie latine.

   Une interprétation possible est de considérer Atalante comme un avatar de Diane/Artémis, et "l'astre d'Atalante" comme la lune : Artémis, comme la Lune, sont froides, lointaines, nocturnes, et s'opposent à Vénus. Cela ne fait guère mon affaire, puisque Vanessa est pour moi non seulement une fusion des fragments de nom de Esther Vanhomrigh, mais aussi un jeu de mot sur Venussa, la créature de Vénus. 

   Je peux traduire/trahir par " Elle s'avança, comme la stellaire Atalanta", "la brillante Atalanta".

   Deux autres possibilités s'offrent néanmoins, plus précieuses, plus ésotériques ; mais puisque elles me seront soufflées par Nabokov dans Feu Pâle, je les présenterai tout à l'heure au chapitre III.B. Mais Swift, loin de souscrire aux théories fumeuses, s'ingéniait à les atteindre par les flèches de son ironie. 

  Est-ce pour Swift une simple façon de se moquer des formules poétiques pseudo-astronomiques qu'affectionnaient les néoplatoniciens de Florence à la Renaissance ?

Dans "As you like it" III,2, Shakespeare est tout aussi mystérieux lorsqu'il fait lire à Clélie dans son poème " Helen's cheek, but not her heart / Cleopatra's majesty,/ Atalanta's better part ,/ Sad Lucretia modesty." Quelle est "la meilleure part" d'Atalanta ? Sa beauté ? Sa "fleur" ? Tout cela, mais, bien-sûr surtout sa vitesse. Voir l'édition commentée page 93.

Un commentateur, Farmer  écrit "I suppose Atalanta's better part is her wit, i.e her swiftness of her mind". La rapidité de son esprit.

Dans la même pièce, Acte III scène 2, Jacques répond à Orlando : "You have a nimble wit: I think 'twas made of Atalanta's heels." : "Vous avez l'esprit vif, je suppose qu'il est fait des talons d'Atalanta", ce que le commentateur Malone résume en "as swift a wit as Atalanta's heels". Si Swift a lu ceci, il n'a pas évité de relier son nom avec les talons d'Atalanta.

  Ouvrons un nouveau chantier : Swift avait commenté l'œuvre de Mrs Manley, "The New Atalantis" ( 1709), la Nouvelle Atlantide, une satire de l'Angleterre transportée dans une île fabuleuse de Méditerranée. Swif, rédacteur de la revue The Examiner en 1710-1711,avait fait participer Manley à la rédaction. Elle est désignée sous le terme "the author of the Atalantis" dans les lettres adressées à Stella. Mais, même en supposant un glissement Atalanta/Atalantis, cela ne permet pas d'expliquer l'association avec "star".

  Je suis convaincu désormais que lorque Swift écrivit 1712 le nom Atalanta, il avait à l'esprit des associations avec son propre nom comme qualificatif de la rapidité des talons d'Atalante et de la rapidité d'esprit, d'une part ; et avec Atalantis, nom relié pour lui avec l'auteur d'une satire politique, d'autre part.   




B. Le prénom Vanessa et le zoonyme Vanessa.

  Quoiqu'il en soit, cette conjonction des deux noms de Vanessa et de Atalanta n'est pas passée inaperçue à Vladimir Nabokov. Dans son roman Lolita (1955), il avait donné le nom de Vanessa Van Ness a la mère de la première nymphette que connaît le narrateur, Humbert Humbert : c'est le minuscule, mais très commenté passage  décrivant avec mépris la fat, powdered Mrs. Leigh (born Vanessa van Ness),  "grasse, poudrée Madame Leigh, (née Vanessa Van Ness)". Ce petit   fragment suscite beaucoup de commentaires :

1. L'adjectif powdered, "poudrée"  renvoie à la caractéristique principale des lépidoptères, littéralement "ailes à écailles", c'est-à-dire "ailes poudreuses" les minuscules écailles apparaissant comme une poudre à celui qui saisit un papillon.

2.  Madame Leigh est la mère d'Annabel Leigh, nymphette (terme créé, dans le sens actuel, par Nabokov) de treize ans avec laquelle Humbert Humbert, quand il avait le même âge, fit l'amour sur une plage du midi de la France. Si Annabel est prépubère, une nymphe comparée à la chrysalide chez les papillons, sa mère correspond à la forme adulte, ou imago, du papillon. Cette forme imago reçoit tout le mépris du narrateur, qui ne goûte que les vertes adolescentes : l'adjectif fat témoigne de ce mépris. Cette Annabel Leigh renvoie sans vraie dissimulation à Annabel Lee du poème d'Edgar Poe décrivant l'amour du poète pour une jeune femme que les anges, jaloux de ses charmes, font mourir. Les correspondances avec ce poème sont majeures dans Lolita, dont le premier titre devait être A Kingdom by the sea, "Un Royaume près de la mer", citation du deuxième vers du poème. Edgar Poe avait épousé à 27 ans sa cousine de 13 ans Virginia, qui est morte en 1847 à 24 ans de tuberculose. Esther Vanhomrigh, 22 ans ans plus jeune que Swift, est morte de tuberculose également, à 35 ans, en 1723. Dans le roman, Lolita, deuxième nymphette âgée de 12 ans 1/2 lorsque Humbert Humbert, 37 ans, la rencontre, meurt en couche le 31 décembre 1952 la veille de ses 18 ans.

3. Le dédoublement de Vanessa en Vanessa Van Ness répond à une habitude onomastique de Nabokov de doubler les noms propres de ses personnages, à commencer par le narrateur Humbert Humbert, habitude que l'on peut interpréter comme un dédoublement spéculaire (cf. Mesmer Mesmer,... et  Harold D. Doublename). Dans d'autres cas, ce sont les initiales qui se doublent : Gaston Godin. Le propre nom de l'auteur est Vladimir Vladimirovitch Nabokov. Mais, en outre, et surtout, ce nom est l'équivalent de Vanessa Vanesse, le nom de genre créé par Fabricius et celui créé par Latreille. 

4. Les initiales de Van Ness V.N sont celles de Vladimir Nabokov. 

5. Nabokov a récidivé avec l'une des héroïnes de sa nouvelle The Vane Sisters, "Les Sœurs Vane" (1959) qui se nomme...Cynthia Vane. Son nom associe le genre Cynthia (Fabricius, 1807) et Vanessa (Fabricius, 1807), les deux genres ayant été réunis sous le nom de Vanessa par la ICZN en 1944. L'espèce-type du genre Cynthia était Vanessa cardui, la Belle-Dame. L'autre sœur se nomme Sybil Vane, peut-être en souvenir de Maria-Sibylla Merian, auteur d'une très célèbre étude sur les chenilles et leurs transformations, Metamorphosis insectorum Surinamensium (1705). Les métamorphoses sexuelles d'une part, vitales d'autre part, sont au centre de l'œuvre de Nabokov, et The Vane Sisters est basé sur des histoires de fantôme et de signes. Surtout, ce récit est construit sur l'idée que les acrostiches composés par les premières lettres d'un poème ou d'un roman recèlent des secrets : une bonne raison pour être attentif à la cryptographie de Nabokov, notamment en onomastique. Nabokov qui a aussi introduit un anagramme de son nom dans le roman Lolita, où Vivian Darkbloom (Viviane —la Vie— Fleur Sombre) est une romancière, maîtresse de Clare Quilty), pouvait signer une lettre à sa mère du nom de Dorian Vivalcomb et s'identifier au héros spéculaire Dorian Gray. On en trouvera d'autres, comme le Baron Klim Avidov (Ada), Adam von Ibrikov ( La transparence des choses), Vivian Bloodmark ( Autres Rivages), Vivian Damor-Blok (Lolita traduit en russe par Nabokov), et Blavdak Vinomori  ou Vivian Bladlook (Roi, Dame, Valet). 

6. Vladimir Nabokov est connu pour être sensible aux synesthésies par lesquelles il associe les graphèmes aux couleurs. En outre, certaines lettres sont pour lui plus belles que d'autres. Il est indéniable que la lettre V le fascine ; c'est l'initiale de son prénom, de celui de son épouse Vera Slonim Eveseevna, de son double Vivian Darkbloom. Le héros de Ada ou l'Ardeur se nomme Van Veen ; son histoire est celle de son amour charnel à 14 ans avec Ada, sa sœur, une autre nymphette. Le héros de Regarde, regarde les arlequins se nomme Vivian Vadim Vadimovitch. Celui de La vraie vie de Sébastien Knight est, en réalité le frère de Sébastien, V. Knight (V.N puisque le k ne se prononce pas en anglais).

     Les noms d'insectes étaient, pour un tel auteur, une mine inépuisable de noms et de sonorités qui devait le fasciner autant qu'elle me fascine, si on en juge par sa belle habitude d'offrir à son épouse sur des dédicaces de livres ou sur des dessins des papillons imaginaires baptisés à sa guise autour du prénom Vera :  Colias verae nabokov, Verina raduga, Papilionita -mot valise associant papilio et Lolita- verae, ou Verina verae. Dans la photographie d'un tel dessin, on voit la dédicace "From V to V", qui témoigne du rôle de cette lettre. (image)

                                     260px-Nabokov_butterfliws_5.JPG

7. Vanesse est un anagramme partiel de Eveseevna.


C. When, lo!

      Cette interjection lo! trouve place ici alors que, coïncidence, elle trouve une place importante dans le roman Lolita. 

 Lo est définie en anglais comme une interjection  utilisée pour appeler l'attention de l'interlocuteur sur quelque chose, ou témoigner d'émerveillement — comme dans ce vers— ou de surprise.  Elle provient du vieil anglais  et lo, forme abrégée de loke, l'impératif de loken ou look, "vois". On pourrait donc la traduire par "Voyez !" ou "et voilà !". Si elle est utilisée seule, elle est fréquemment associée, depuis le XIXe siècle à -behold-, "regardez" dans l'expression lo and behold ! exprimant l'étonnement ou l'émerveillement de manière parfois humoristique pour évoquer une tournure biblique.

Dans le roman de Nabokov, Lo, diminutif de Lolita, apparaît dès l'incipit comme le martèlement d'une obsession :

"Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-li-ta : le bout de la langue fait trois petits bonds le long du palais pour venir, à trois, cogner contre les dents. Lo. Li. Ta.

Elle était Lo le matin, Lo tout court, un mètre quarante-huit en chaussettes, debout sur un seul pied. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l’école. Elle était Dolorès sur le pointillé des formulaires. Mais dans mes bras, c’était toujours Lolita."

 On apprend vite que ce diminutif sert de support à une réponse insolente de la fillette lorsque sa mère l'utilise :

"Lo ! cried Haze (sideglancing at me, hoping I would throw rude Lo out). "And behold," said Lo (not for the first time).

 Ce jeu entre interjection et diminutif reviendra souvent, notamment lors d'une scène scabreuse sur le canapé.

  C'est dire si Nabokov utilise et réutilise les mots du poème comme autant de points de tissage de son roman.


 

 

D. In her bloom.

Dans le poème de Swift autant que dans la lecture que Nabokov peut en faire, l'expression in her bloom, littéralement "dans sa fleur", a le charme de son ambiguïté de sens, bloom signifiant la fleur d'une plante, la floraison, la prime fraîcheur, vigueur et beauté, la brillance ; mais évoquant aussi la "fleur" de la virginité, ou encore, comme dans le titre de Proust "A l'ombre des jeunes filles en fleur", des amours juvéniles. 

 

E. Her doom.

Le mot doom peut avoir, comme ici, le sens de "sentence, décision", ou bien celui, plus terrible, de fatalité, de catastrophe annoncée, de ruine ou de destruction. 

 Dans l'esprit de Nabokov, ce mot est liè au nom vernaculaire du papillon Vanessa atalanta, puisqu'il a raconté un jour à Alfred Apple que  «Sa coloration est tout à fait magnifique et je l'ai beaucoup aimé dans ma jeunesse. Un grand nombre d'entre eux migré de l'Afrique à la Russie du Nord, où il a été appelé «The Butterfly of Doom», car il est apparu la première fois en 1881, l'année où le tsar Alexandre II a été assassiné, et les inscriptions sur la face inférieure de ses deux ailes postérieures semblent composer le chiffre 1881. Il ya quelque chose de fascinant dans la capacité du Red Admirable à voyager si loin "(Strongs opinions, p. 170).

 

III. Nabokov et le papillon Vanessa atalanta.


A. Nabokov et les papillons.

On sait que le romancier Vladimir Nabokov a été aussi le lépidoptériste spécialisé dans la  sous-famille Polyommatinae des Lycaenidae V. Nabokov, auteur de très sérieux articles dans les revues spécialisées allant de Psyche—A Third Species of Echinargus Nabokov (Lycaenidae, Lepidoptera)— au Bulletin of the Museum of Comparative Zoology at Harvard College—The Nearctic Members of the Genus Lycaeides Hübner (Lycaenidae, Lepidoptera) Dans les années 1940, il fut chargé de l'organisation de la collection de papillons du Museum of Comparative Zoology de l'université Harvard. . Sa collection de papillons (4 300 spécimens) est abritée au Musée cantonal de zoologie de Lausanne. On lui doit la description d'un genre, Echinargus,  de quatre espèces nouvelles, comme le Satýridae Cyllópsis pertepída dorothéa Nabokov 1942, et  d'au moins deux sous-espèces de papillons, dont l'un est appelée (accidentellement, mais prophétiquement)  la "nymphe des bois de Nabokov", Lycaeides melissa inyoensis Gunder, Nabokov 1949.

 Voir la liste des papillons décrits par Nabokov : http://dezimmer.net/eGuide/Lep1.htm


Dans Strongs Opinions (1973), Nabokov, parlant de ses propres plaisirs, constatait : « Mes plaisirs sont les plus intenses connus des hommes : l'écriture et la chasse des papillons. Dans "Speak, Memory" (Autres Rivages, 1966), il décrit «les plus grandes joies devant l'Éternel» que sont les instants où il se tient face à un papillon rare : "c'est une extase, et derrière l'extase se trouve autre chose, qui est ardu à expliquer. C'est comme une absence momentanée pendant laquelle fait irruption tout ce que j'aime. Une sentiment d'union avec le soleil et les pierres."

 

  Nabokov s'est intéressé aux papillons en Russie, alors qu'il était encore un garçon de 6 ans et il raconte qu'à 10 ans, il était si passionné que Muromtsev , le président de la première Douma russe le supplia : «Viens avec nous comme tu veux, mais par pitié ne chasse pas les papillons, petit : tu casses le rythme de la promenade ". En 1919, en Crimée, une sentinelle bolchevique qui patrouillait parmi les arbustes en fleurs a tenté de l'arrêter pour avoir soi-disant communiqué avec son filet avec un navire de guerre britannique dans la mer Noire. Arrivé en Amérique en 1940,  il est devenu chercheur au Museum of Comparative Zoology à Harvard, un des rares endroits , sans doute, où sa passion a été appréciée pour sa valeur. Depuis 1948, il était devenu membre du département de littérature à l'Université Cornell, mais il profitait de ses longues vacances d' été pour partir à la recherche de ses chers papillons, parcourant l'Ouest américain. 

  «Rien n'est plus agréable pour moi que de parcourir le sommet des montagnes ou des tourbières avec le sentiment agréable d'être familier du lieu et d'être surpris quand vous obtenez plus que vous n'attendiez. Vous pouvez vous sentir aussi proche que possible de ces êtres vivants et voir se refléter en eux une loi supérieure : leur mimétisme et leurs transformations évolutives sont pour moi de plus en plus fascinant .... je ne peux pas séparer le plaisir esthétique de voir un papillon et le plaisir scientifique savoir ce que c'est ..." Le frisson d'obtenir des informations sur certains mystères structurelles dans ces papillons est peut-être plus agréable que n'importe quelle œuvre littéraire ". 

  (D'après Robert H. Boyle "An Absence Of Wood Nymphs, Vladimir Nabokov, famed author of 'Lolita,' and a renowned lepidopterist, seeks his favorite butterfly in Arizona" 1959, en ligne)

 

 

  On a peut-être lu la nouvelle de Nabokov The Aurelian (1941), dans laquelle le héros, Paul Pilgram, un entomologiste et marchand de papillon qui n'a jamais quitté Berlin, sa ville natale rêve de parcourir le monde à la recherche de papillons rares en suivant l'exemple du Père Dejean. Un jour qu' il s'apprête à partir, mais il est victime  d'un accident vasculaire cérébral fatal.  Aurelian renvoie bien-sûr au groupe anglais des Auréliens (en latin aurelia signifie chrysalide) collectionneurs de papillon qui se réunissaient à Londres pour échanger leurs découvertes.

 

  Outre cette nouvelle, l'œuvre de Nabokov fourmille de références plus ou moins limpides aux lépidoptères, notamment dans "Speak, Memory" ; "The Gift" ; "Fire Pale" et "Ada". Ces allusions tournent essentiellement autour de deux mots, "nymph" et "vanessa". Comme dans la plupart des traits onomastiques des textes de Nabokov , on en trouve des réverbérations dispersées dans différentes parties des romans.


B. Le Roman Lolita et les Nymphalidés. 

 On sait que cet immense succès est le récit, écrit à la première personne par Humbert Humbert, un narrateur  qui relate sa passion amoureuse et sexuelle pour Dolores Haze (Lolita) une nymphette âgée de douze ans et demi au début d'une relation qui se terminera tragiquement. 

 

Dans Lolita, la première allusion —c'est, plus que cela, le thème du livre— aux papillons est d'abord que Lolita est une nymphette, le nom de nymphe qualifie chez les lépidoptères la chrysalide, le stade intermédiaire entre la larve et l'imago.

Le narrateur se définit au chapitre 5 comme nympholepte: "Toutes les enfants entre ces deux âges sont-elles des nymphettes ? Non, assurément pas. Le seraient-elles que nous aurions depuis beau temps perdu la raison, nous qui avons vu la lumière, nous les errants solitaires, les nympholeptes." Mais le nom construit sur nympho- (« nymphe »), avec le suffixe d’origine grecque -lepte, apocope de -leptique (« qui prend »), peut aussi désigner celui qui attrape les nymphalides, les papillons, donc Nabokov lui-même. Dans l'antiquité grecque dans un texte de Plutarque, li désigne les hommes consacrés au culte des Nymphes et inspirés par elles.

Nabokov fait rapidement mention de  "John Ray, Jr", auteur moralisateur de l'avant-propos et éditeur du mémoire de Humbert : c'est une allusion à l'entomologiste John Ray (1627-1705), "père de l'histoire naturelle britannique" et l'un des premiers auteurs à décrire, après James Petiver, les papillons. 

   Comme Réaumur, comme Sibylla Merian, ce qui fascine Nabokov dans les papillons, ce sont leurs métamorphoses, et on a pu montrer que ce thème de la transformation structure tous le roman de Lolita : non seulement les personnages évoluent (l'adolescente Lolita devient une femme, l'émoi sexuel de Humbert devient de l'amour) et meurent, non seulement l'écriture romanesque déroule le cycle de ses développements, l'auteur modifie et enrichi son œuvre au fur et à mesure de son élaboration mais le lecteur progresse aussi en avançant sa lecture jusqu'au dénouement. De même, le roman est censé être issu des notes rédigées par Humbert pendant sa détention pour préparer sa défense lors du procès, mais n'est publié qu'après sa mort par John Ray, ami de son avocat. Ainsi son “crime” devient-il une œuvre d'art.

On peut aussi noter que Quilty, le double et rival de Humbert dans Lolita, est l'auteur de The Little Nymph, et, en collaboration avec Vivian Darkbloom  de The Lady who loved the Lightning, "La Dame qui aimait la lumière", périphrase qui peut désigner la Belle Dame, ou tous les Nymphalides.

 


 C.Vanessa atalanta et The Pale Fire.

 Pale Fire,  ou  "Feu Pâle" est un chef-d’œuvre de Vladimir Nabokov. Ce roman parait en 1962, alors que Nabokov vient de s'installer en Suisse, où il vivra jusqu'à sa mort. 

 Écrit après Lolita,  Fire Pale se présente comme la publication posthume d'un poème de 999 vers divisé en quatre chants de John Shade, ("ombre") accompagné d'une introduction, d'un commentaire détaillé et d'un index rédigés par Charles Kinbote, connaissance de John Shade. Mais l'auteur - un poète fictif, John Shade, universitaire américain spécialiste d’Alexander Pope, qui vit avec sa femme Sybil, à New-Wye, ville imaginaire au cœur des collines idylliques des Appalaches - meurt assassiné au moment où il termine la rédaction de son poème.

   Le commentaire a pour ambition d'interpréter le poème par un système de notes référant à tel ou tel vers ; néanmoins le texte de Kinbote est centré sur sa propre expérience et divulgue, fragment par fragment, ce qui se révèle être l'intrigue , contemporain de Nabokov. le roman fourmille de références : Thomas Hardy, John Keats, Alexander Pope, Robert Browning, Rabelais, Proust, Dostoïevski, Goethe, Robert Frost, poète américain.

On y trouve deux références à Vanessa dans le poème lui-même, et cinq autres dans les commentaires de Kinbote, ces dernières étant colligées dans l'Index qui termine l'ouvrage : 

 "Vanesse : le vulcain ou "Rouge admirable" (sumpsimus) mentionné, 270 ; survolant un parapet sur une colline suisse, 408 ; illustré, 470 ; caricaturé, 949 ; accompagnant les derniers pas de S. dans le crépuscule, 993.".


Débutons par les mentions accessoires :

— commentaire du vers 408 A male hand:

"Il entendit tout en bas, les tintements d'un travail de maçonnerie lointain, et un train passa tout à coup entre les jardins et un papillon héraldique volant en arrière [en français], sable et gueules, traversa le parapet de pierre, et John Sade prit une nouvelle fiche" (p. 177 édit. fr.).

 Je souligne l'allusion. Si les couleurs "sable et gueules", noir et rouge, correspondent à V. atalanta, il n'est pas connu que les papillons puissent pratiquer, comme les colibris, le vol arrière.

— vers 470 : Negro :

A propos de l'habitude de nommer "hommes de couleurs" les Noirs, Kinbote écrit : Dans les premiers ouvrages scientifiques sur les fleurs, les oiseaux, les papillons, etc.,les illustrations étaient peintes à la main par d'habiles aquarellistes. Dans certaines publications défectueuses ou prématurées, les illustrations sur certaines planches restaient^en blanc. La juxtaposition des mots "un blanc" et "un homme de couleur" rappelait toujours à mon poète, avec assez de force pour en chasser le sens accepté, une de ces silhouettes que l'on avait envie de remplir des couleurs appropriées — le vert et le violet d'une plante exotique, le bleu uni d'un plumage, la raie géranium d'une aile dentelée. "En outre, dit-il, nous, les blancs, ne sommes pas blancs du tout, nous sommes mauves à notre naissance, puis rose thé, et plus tard de toute espèce de couleurs répugnantes". (page 191 édit. fr.)

 Dieter Zimmer  signale qu' étant enfant, Nabokov avait mis en couleurs les gravures noir et blanc de papillons de John Kirchner dans  An Illustrated Natural History of British Butterflies and Moths d' Edward Newman(London 1871), et que le Musée Zoologique de Saint-Petersbourg en conserve un exemplaire noté "Colorié par W. Nabokow".

 

 

— vers 949 And all the time :

"Nous pouvons enfin décrire sa cravate, cadeau de Pâques d'un boucher coquet, son beau-frère à Onhawa : simili-soie, couleur brun chocolat, rayée de rouge, l'extrémité rentrée dans la chemise..." (page 241 édit. fr.)

Venons-en aux mentions plus directes. 

 — Vers 270-271. My dark vanessa :

Le nom Vanessa apparaît dans le poème ligne 270-271 sous la forme où on peut reconnaître Vanessa atalanta, le Red Admirable (Vulcain) sans que l'espèce ne soit précisée: 

Come and be worshiped, come and be caressed / My dark Vanessa, Crimson barred, my blest / my Admirable Butterfly ! "Viens te faire adorer, viens te faire caresser, Ma sombre vanesse à bande cramoisie, mon bienheureux, mon Admirable Papillon".

  Dans le livre, Charles Kinbote en fait le commentaire suivant :

" Quel enthousiasme pour l'érudit recherchant un nom d'espèce de trouver empilé un nom générique de papillon  sur celui d'une divinité orphique au dessus de l'allusion inévitable à Vanhomrigh, Esther ! A cet égard me reviennent à la mémoire  quelques vers d'un poème de Swift (que, dans le fonds des bois, je n'arrive pas à retrouver) : When, lo! Vanessa in her bloom / Advanced like Atalanta's star « Lorsque soudain Vanessa épanouie / apparut comme l'étoile d'Atalante.

 

 J'ai d'abord cru que la "divinité orphique" désignait Atalante : je n'avais pas lu le poème, mais seulement des extraits. Dans le poème, John Shade évoque sa première rencontre avec Sybil, qui deviendra son épouse : "Sybil, tant que nous fûmes à l'école (v. 247)...Ton profil n'a pas changé (261)...Il y a quarante ans que nous nous sommes mariés (275)." 

 J. Shade appelle Sybil sa sombre Vanesse, la "divinité orphique" est donc pour moi Sybil. 

Mais le biographe et critique Brian Boyd n'a pas cette analyse, et, tout en se déclarant incapable de vérifier ce que Nabokov voulait dire par "divinité orphique" , il propose d'y voir Phanès (du grec phaino, "briller").

Rappel (ici): dans la cosmogonie orphique, au commencement est Nyx, la Nuit ténébreuse, la Primordiale,  aux côtés de Chaos, Tartare et Erèbe. Puis dans cet abîme de noirceur, Nuit revêtit la forme d'un oiseau aux ailes sombres et déposa un Oeuf d'argent, un Œuf "clair", non fécondé, dans le sein gigantesque des ténèbres. Sous l'action du Temps infini, l'Œuf se brisa, laissant surgir Phanès aux ailes d'or, un être extraordinaire, androgyne, d'une blancheur éclatante, et que l'on nomme aussi Eros, Protogonos ou Eriképaios. 

Et jaillissant dans sa splendeur de l'Œuf primordial où se trouvait la "semence du Vivant", il apparut à l'univers, portant quatre têtes animales: celles du Bélier, du Taureau, du Lion; et lui-même entouré d'un Serpent. Son nom de Phanès rappelle que ce fut lui qui en premier éclaira le monde, en révélant ce qui était dissimulé dans l'Œuf.

 

 Cette hypothèse est parfaitement en phase avec l'étymologie que le médecin et poète russe Wilhem Sodoffsky (de Riga) proposait en (1837) pour le nom de genre Vanessa :

  Sodoffsky, (Wilhem),1837. "Etymologische Untersuchungen ueber die Gattungsnamen der Schmetterlinge"  Bulletin de la Société Impériale des Naturalistes de Moscou. 10(6) : 80.: Phanessa ;

"In der griechischen Mythologie, sowie in der ägyptischen, war Phanès, des Liebesgott, der Beiname von Amor. Phanesse wäre demnach der weibliche Liebesgott, mithin die in dieser Schmetterlings-Abtheilung regierende Venus. "

  Mais Sodoffsky avait créé cette déesse orphique Phanessa de toute pièce par féminisation de Phanes, et son nom a été critiqué par un certain R.T dans les Annales et Magazine d'histoire naturelle Vol. 2 (2e série), n ° 7 (Londres, 1848) comme relevant d'une "conjecture superflue" (p. 68) ; le "genre Phanessa, Sodoffsky, 1837", était de toute façon invalidé par l'antériorité du nom de Fabricius. Il témoigne seulement du fait que Sodoffsky ne connaissait pas le poème de Swift.

 

Je reprends donc mon hypothèse faisant de Sybil la divinité orphique : voilà ce que j'obtiens.

   Le mythe d'Atalante associe deux légendes, dont la plus ancienne fait d'elle une vierge chasseresse aux qualités viriles (tout à fait du goût de Swift), la seule femme parmi les Argonautes de Jason. Dans la version béotienne, elle refuse de se marier à un homme qui serait inférieur à elle à la course (où, bien-sûr, elle est imbattable). Hippomène la vainc par ruse. Les deux amants seront transformés en lions. Pas de notion d'orphisme, cette croyance en la métempsychose et en la réincarnation des âmes.

 La doctrine orphique, très ancienne, riche et complexe, a profondément imprégné la pensée grecque (Pindare, les Tragiques, Platon). Mais de la littérature orphique elle-même, il ne reste que des fragments et des ouvrages de basse époque. Son eschatologie consistait en la croyance que l'homme possédait une âme immortelle qui avait été déchue à la suite d'une sorte de péché originel et qui, par des réincarnations successives, se purifiait en tendant vers le bien pour retourner au Zeus-Tout par des purifications et surtout par l'initiation. Le mythe d'Orphée, héros qui donne son nom à ce mouvement, contient, dans la recherche de son épouse Eurydice, le modèle le plus connu de catabase, ou descente aux Enfers.

La Sibylle de Cumes est précisément celle qui guide Énée aux Enfers dans le chant VI de l'Éneide de Virgile. Parvenu aux Champs Élysés, Énée rencontre un certain nombre d'âmes, puis son propre père.

  C'est dans le Livre X de la République de Platon, qui présente le mythe d'Er le Pamphylien, que le lecteur suit ce dernier dans le voyage des âmes après leur mort, lorsque, face à la déesse Ananké, à Lachésis, Clotho et Atropos, elle doivent choisir sous quelle forme elles se réincarneront : Er, fils d'Armenios, voit alors passer l'âme d'Orphée, qui se métamorphose en cygne pour ne pas avoir à s'unir au genre féminin... celle d' Agamemnon qui choisit l'aigle, celle d'Ulysse, qui opte pour la vie d'un homme simple, ... et au vers 620, celle d'Atalante, qui se réincarne dans le corps d'un athlète pour jouir des grands honneurs qu'il reçoit. 

 (Signalons aussi, comme plus populaire peut-être pour Swift, la légende d'Atalante et Calydon, où l'héroïne participe avec Jason, Thésée, Castor et Pollux à une chasse au sanglier : c'est elle qui le blesse, et Méléagre l'achève. Cette légende se trouve dans les... Métamorphoses d'Ovide)

  Il faut bien avouer qu'un papillon, animal symbole de la métamorphose et du déguisement (mimétisme), qui cumule par son nom de genre une référence à Swift et à la vanité des êtres, par son nom d'espèce une allusion à la metempsychose, par le chiffre de ses ailes (1881) l'illustration de la cryptographie qu'il idolâtre , par son nom anglais de Rouge Admirable la pourpre de la gloire, avait tout pour devenir pour Vladimir Nabokov une espèce emblématique, sans parler de ses capacités migratoires digne d'un écrivain russe émigré à Paris, puis aux États-Unis puis en Suisse !

Il est possible d'évoquer une autre atalante "orphique" : c'est celle qui donne son titre à Atalanta fugiens (Atalante fugitive) du médecin et alchimiste allemand Michel Maier ( 1569-1622).

  Atalanta Fugiens, hoc est, Emblemata Nova de Secretis Naturae Chymica, accommodata partim oculis et intellectui, figuris cupro incisis, adjectisquesententiis, Epigrammatis et Notis, partim auribus & animi recreationi plus moins 50 Fugis Musicalibus trium Vocum, quarum duae annonce UNAM simplicem melodiam distichis canendis . peraptam, correspondeant, non absq; singulari jucunditate Videnda, Legenda, meditanda, intelligenda, dijudicanda, canenda et audienda  Oppenheim: Johann Theodori de Bry, 1617. Gravures de Jean Théodore de Bry et de Matthäus Merian (1).

(1) Matthäus Merian est le père de Anna Maria Sibylla Merian, qui décrivit les métamorphoses des chenilles.

Le titre est expliqué de façon très banale par l'auteur dans sa Préface p.15 :

"Atalante a été célébrée par les poètes pour la fuite qui lui permettait de précéder tous ses prétendants à la course".

Puis on lit :

"Cette même vierge est purement chymique. Elle est le mercure philosophique fixé et retenu dans sa fuite par le soufre d'or|Hippomène]. Atalante et Hippomène s'unissant d'amour dans le temple de la Mère de Dieu, qui est le vase, deviennent des lions, c'est à dire qu'ils acquièrent la couleur rouge".

Le livre présente cinquante Emblema, qui se composent chacun, un peu comme ceux d'André Alciat, d'un titre, d'une gravure, d'une phrase latine descriptive, d'un épigramme de six vers, et d'un Discours d'une page. Aucun d'entre eux ne représente une étoile ou un astre, aucun n'est consacré à Atalante.

 

En résumé, aucune solution n'élucide le commentaire de Kinbote dans "Pale Fire" justifiant de qualifier Sibyl (ou atalanta) de " divinité orphique", mais cette difficulté donne l'occasion d'approfondir des aspects moins connus du nom d'Atalanta. La Sibylle de Cumes guide Énée vers une descente orphique vers les Enfers, Atalante bénéficie, dans le mythe d'Er, d'une renaissance orphique vers une autre vie.

Reprenons le commentaire de Kinbote :

 "Quant au papillon Vanessa, ce papillon, — le vulcain — il réapparaîtra lignes 993-995 (voir note). Shade avait l'habitude de dire que son ancien nom anglais était The Red Admirable, Le Rouge Admirable, plus tard corrompu en The Red Admiral, le Rouge  Amiral. C' est l'un des rares papillons que je connaisse. Les Zembliens l'appelle harvalda ( l' héraldique ) peut-être parce que l'on peut reconnaître sa forme sur sur l'écusson des Ducs de Payn. À l'automne de certaines années, il était assez commun dans les jardins du Palais où il visite les reines marguerites en compagnie d'une phalène aux mœurs diurnes. J'ai vu le Rouge Admirable faire son festin de prunes sirupeuses et aussi une fois, sur un lapin mort. C'est un insecte des plus espiègles. Un spécimen presque apprivoisé de celui-ci a été le dernier que John Shade m'e fit remarquer avant de marcher vers sa perte "(voir maintenant ma note aux vers 993-995) J'ai noté un léger parfum de Swift dans quelques unes de mes notes. Je suis aussi un mélancolique, pessimiste de nature, un homme inquiet, maussade et méfiant même si j'ai mes moments de frivolité et de fou-rire." (en ligne).

 

 

— Ligne 993-995. A dark vanessa, etc.

Il s'agit des vers suivants (que je fais précéder des vers qui s'adresse à Sybil) qui sont les tout derniers vers du poème:  

[Il avait le double de mon âge l'année où je t'ai épousée.

Où es-tu ? Dans le jardin. Je puis voir

Une partie de ton ombre auprès du hickory.]

Une sombre Vanesse à la bande cramoisie

          Rayonnant dans le soleil bas, se pose dans le sable

          Et montre l'extrémité  d'encre bleu moucheté de blanc de ses ailes.

          Et dans la montée des ombres et la chute de la lumière,

          Un homme, insouciant du papillon 

          —Le jardinier de quelque voisin, je suppose— va 

          Roulant une brouette vide jusqu'à la ruelle.

      "Une minute avant sa mort, comme nous passions de son domaine au mien, et avions commencé à nous faufiler entre les genévriers et les arbustes ornementaux, un "vulcain" (voir note au vers 270) vint tournoyer vertigineux, autour de nous, comme une flamme colorée. Nous avions déjà remarqué le même insecte deux ou trois fois auparavant à la même heure, au même endroit, là où le soleil bas trouvant une ouverture dans le feuillage, éclaboussait le sable brun d'une dernière lueur tandis que les ombres du soir recouvraient le reste de l'allée. Les yeux ne pouvaient suivre le papillon rapide dans les rayons du soleil, comme il s'illuminait et s'éteignait et s'illuminait à nouveau en une imitation presque effrayante d'un jeu conscient auquel il mit fin maintenant en allant se poser sur la manche de mon ami enchanté. Il repartit et nous le vîmes l'instant d'après s'ébattant dans une extase de hâte frivole autour d'un laurier, se posant de temps en temps sur une feuille laquée et se laissant glisser le long de la nervure centrale comme un enfant qui, le jour de son anniversaire, glisse sur la rampe de l'escalier. Puis la marée de l'ombre atteignit les lauriers, engloutissant la magnifique créature de velours flammé." (édition française, p. 252)

  Dans l'interprétation de Brian Boyd de Pale Fire (Pale Fire Nabokov, Princeton, New Jersey 1999 p. 140-145), c'est l'esprit de la simple et malheureuse Hazel Shade [la fille de John —qui porte presque le même nom que Dolores Haze/Lolita] qui s'est transformé à partir d'un " sale blanc des cardamines» (la Piéride de Virginie Pieris virginiensis ) en une " Atalanta exubérante " après sa mort.

—Un autre passage a intrigué les critiques : le commentaire du vers 347 par Kinbote.

 Je ne peux présenter l'ensemble du passage (voir innerlea.com), mais on y trouve ce jargon :

 

"pada ata lane pad not ogo old wart alan / ther tale feur far rant lant tal told."

dans lequel peut être isolé le mot atalane :

 padaatalanepadnotogooldwart alanthertalefeurfarrantlant tal told

 dans un triple message subliminal.

              


        Ce passage pourrait résumer mon article : même émotion onomastique de voir briller dans le même nom de Vanessa tant de références littéraires ! Preuve que Nabokov (professeur de littérature à Cornwell) connaissait parfaitement le poème Cadenus and Vanessa, et qu'il y avait lui aussi décelé la préfiguration prophétique du Vanessa atalanta dans les deux vers cités. Preuve —si besoin était— que dans Lolita, Vanessa Van Ness faisait allusion au nom du papillon.

 

 D. Vanessa atalanta et les autres livres de Nabokov.

  

  a) Ada ou l'Ardeur (titre anglais original : Ada or Ardor: A Family Chronicle) est un roman de Vladimir Nabokov publié en 1969. Le livre est suivi par les Notes de Vivian Darkbloom (notes qui n'étaient pas présentes dans l'édition originale d'Ada). Vivian Darkbloom est un personnage secondaire de Lolita. Ses notes tendraient à faire croire que certains faits exposés dans Lolita ou Feu pâle sont vrais.

     Quand Van Veen mentionne avec désinvolture comment Ada a montré du doigt «un insecte maudit», l'héroïne blessée ajoute accessoirement et en colère, «Maudit? Maudit? C'était la vanesse tout récemment décrite, fantastiquement rare , Nymphalis Danaus Nab., Orange-brun, aux extrémités de noir et blanc, imitant, comme celui qui l'a découvert, le professeur Nabonidus de Babylone College, Nebraska, l'a expliqué, non pas comme le Monarque directement, mais le Monarque par le Vice-roi, l'un des meilleurs imitateurs connus du Monarque. "(page 158). [on devine derrière le "professeur nabonidus" Nabokov lui-même]

b) Dans le chapitre final de Speak, Memory, Nabokov se rappelle avoir vu dans un parc de Paris, juste avant la guerre, une Vulcain (Red Admirable) vivant qu'une petite fille promenait en laisse par un fil , : «  il y avait un certain symbolisme vaguement répugnant de son rapport malsain », écrit-il la page 306.

c) Dans The Gift page 24: "last year's Vanessas".

d) Dans la nouvelle The Vane Sisters : Cynthia et Sybil.

 

L'Impossible conclusion.

  Dans Lolita dans Feu pâle, la principale préoccupation est de réfléchir à ce qui se passe après la mort, et aux éventuelles métamorphoses des êtres que nous perdons, retrouvant le grand thème de la perte de l'être cher, perte de Virginie pour Poe, d'Annabel Lee pour le narrateur du poème, de Béatrice pour Dante, de Laure pour Pétrarque, d'Annabel Leigh pour Humbert, ou de quelque amour d'enfance pour Nabokov, perte qui, pour l'écrivain, trouve sa résolution lorsqu'il transforme le pérenne objet de son amour en un immortel héroïne littéraire. N'est-ce pas ce que Swift proposait à Esther lorsqu'il écrivait que, dans leur liaison, Vanessa serait le nom qui serait celui auquel le monde aurait connaissance, alors que la véritable identité de celle-ci resterait secrète ? Et, en effet, c'est le poème Cadenus et Vanessa qui a immortalisé en une fulgurante métamorphose Esther Vanhomrigh, c'est Annabel Lee qui a immortalisé Virginie, c'est l'œuvre de Dante qui a immortalisé Béatrice, etc...

  Mais ces métamorphoses sont aussi celles du langage, et, au premier chef, celles des noms propres : Dolores Haze se métamorphose en Lolita... et le nom de l'héroïne de Nabokov est désormais substantivée pour désigner une nymphette, une lolita. L'onomastique est le principal et le plus glorieux terrain des métamorphoses, et le personnage littéraire accède à l'immortalité lorsqu'il devient un Type, ou mieux, comme Emma Bovary, lorsqu'il se met à désigner un phénomène, ici, le bovarysme.

 

 

 

 

 

      Sources  : 

— Dieter Zimmer, A guide to Nabokov's Butterflies and Moths  http://dezimmer.net/eGuide/PageOne.htm

— Bryan Boyd, "The vanessa atalanta", in Gavriel Shapir Nabokov at Cornell, Cornell University press 2003 page 81.

— John Pier « Configurations narratives », in Narratologies contemporaines: approches nouvelles pour la théorie et l'analyse du récit  John Pier et Francis Berthelot Paris, 2010  

 — Laurence Guy   Les anagrammes cosmopolites de l'auteur dans son œuvre, ou l'identité renversée de Vladimir Nabokov Cahiers du monde russe : Russie, Empire russe, Union soviétique, États indépendants   1996  37-3  pp. 337-348

 

 

Correspondance entre Swift et Vanessa  : https://openlibrary.org/books/OL22896126M/Vanessa_and_her_correspondence_with_Jonathan_Swift

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Published by jean-yves cordier
11 juillet 2013 4 11 /07 /juillet /2013 09:51

 

Zoonymie du Point-de-Hongrie Erynnis tages (Linné, 1758).

 


      La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique  qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).

 

Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.

 


Résumé.

Erynnis est un nom de genre qui évoque les Furies grecques ou Erynies, qui poursuivaient sans relache les auteurs des crimes ; on évoque pour justifier ce nom le vol ininterrompu de ces hespéries, comparable à la fuite éperdue des persécutés ou à la poursuite des vengeresses.

Tages est choisi par Linné pour évoquer le dieu étrusque Tagès, jeune garçon omniscient qui  transmit aux prêtres les livres de sagesse, et les initia à la divination.

Différents noms vernaculaires se sont succédés : Le papillon grisette (Geoffroy 1762) ; Le Point d' Hongrie (Engramelle 1780) ; L'Hespérie grisette (Godart, 1823 ; Lucas, 1834 ; Duponchel, 1849, etc.). Ils font tous allusion à la couleur ou aux motifs des ailes en évoquant soit une étoffe grise grossière, la grisette, soit un motif de broderie en zig-zag, le Point d'Hongrie . En 1986, Gérard Luquet propose de ne conserver que Le Point-de-Hongrie, écartant le nom de Grisette pour le réserver à Carcharodus alceae. La mémoire de l'ancien zoonyme doit néanmoins être conservée, pour son intérêt lexicographique et de biohistoire.


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I. Nom scientifique :

 Il appartient à la famille des Hesperiidae, que les anglais nomment Skipper ou Sauteurs, pour leur vol à saut et à gambade: ces petits papillons  ont une grosse tête d'où partent deux antennes à la pointe recourbée en crochet.

 

   Cette famille comprend la sous-famille de Pyrgynae Burmeister,1878, qui accueille notre papillon. Elle est ainsi nommée en raison d'un autre genre, Pyrgus (Hübner,1819), du grec purgos, une tour.

Nom de genre : Erynnis, Schrank 1801. 

 Franz von Paula Schrank  Fauna boica Durchgedachte Geschichte der in Baiern einheimischen und zahmen Thiere  Ingoldstadt : J.W. Krüll, 1801, pages 152 et 157.

 

  Le nom de genre Erynnis a été attribué par Schrank en 1801, du nom des Erynies ( du grec ancien erinein, pourchasser) ou Furies, ces déesses vengeresses qui poursuivent les coupables de leur hargne acharnée. Selon Emmet, il se justifie en raison du vol incessant de ces diablotins qui évoque celui du criminel toujours aux abois, mais on peut aussi attribuer ce vol aux déesses justicières.

  Schrank utilise le nom vernaculaire de Dickfalter, ou "gros papillons", en spécifiant page 152  Kopf : dick, "tête : grosse". Ce genre est désigné en anglais par le nom de Duskywings, "ailes sombres".

 

Nom d'espèce : Erynnis tages Linnaeus (1758) 

Linnaeus, C. 1758. Systema naturæ per regna tria naturæ, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis. Holmiæ. (Salvius). Tomus I: 824 pp : page 485.

Protonyme : P[apilio] P[lebejus] Tages

[http://www.biodiversitylibrary.org/item/10277]

L'épithète spécifique vient de Linné :  Tages est ce  nain qui sortit un jour d'un sillon labourè en Toscane : ce dieu étrusque s'avera bien savant pour un enfant, et c'est lui qui enseigna aux étrusques les pratiques divinatoires d'hiéroscopie, d'hépatoscopie et la science des haruspices : voir mon article :Achille-Cléophas Lavieb : Ornithologie et religion étrusque.  Il confia aux prêtres les livres divinatoires qui confère le pouvoir : le traité du rite (Libri rituales), auquel est rattaché le traité de l'Au-delà ( Libri Acheruntici), le traité des Haruspices (Libri haruspicini et libri fatali) enseignant la lecture des entrailles des victimes sacrifiées. 

 Arnold Spuler (1901-1908 : 78) signale que Tagès était considéré comme le petit-fils de Jupiter.

 Mais il serait vain de rechercher parmi les caractéristiques du Point de Hongrie les raisons de l'attribution de ce nom. Dans sa classification du Systema Naturae page 458, Linné répartit les Papilio en 6 phalanges, les Equites, les Heliconii, les Danaii, les Nymphales (répartis en Gemmati et en Phalerati), les Plebeii parvi et les Barbari.

  Tages vient en 168 ème position sur la liste des papillons de jour de Linné, c'est le dernier des Plébèiens (Plebejus), il est talonné par les Barbares qui vont de 169 à 192.

Les plébéiens se divisent en Rurales, ceux de la campagne, et les Urbicolae, ceux de la ville : Tages est donc un urbicolae, autant que le voyageur qui, à l'hôtel,  se voit attribuer la chambre Venise de l'étage Italie se verra qualifier de Vénitien par le Gentil Organisateur. Les autres Urbicolae définis par Linné comme ceux qui ont "alis saepius maculis pellucidis" sont les numéros 162 à 167 et recoivent les noms de Comma, Proteus, Phidias, Bixae, Polycletus et Malvae.

 Linné attribue ses noms comme un ornithologue attribue les numéros de bague les uns après les autres aux oiseaux qu'il a attrapé : sans se soucier de savoir si le nom, ou le numéro, "ressemble" à celui qui le reçoit.


Synonymes :

 

Erynnis tages cervantes (Graslin, 1836)
Erynnis tages tages (Linnaeus, 1758)
Nisoniades tages (Linnaeus, 1758)  
Papilio tages Linnaeus, 1758  
Thanaos cervantes Graslin, 1836
Thanaos tages (Linnaeus, 1758)  

 

II. Nom vernaculaire :

 Le papillon grisette (Geoffroy 1762) ; Le Point d' Hongrie (Engramelle 1780) ; L'Hespérie grisette (Godart, 1823 ; Lucas, 1834 ; Duponchel, 1849, etc.) ; le Point-de-Hongrie (Luquet, 1986).

Le papillon grisette Geoffroy 1762.

: Étienne Louis Geoffroy Histoire abregée des Insectes qui se trouvent aux environs de Paris, Volume 2 1762 page 68 n° 39.

 

   Le nom semble aller de soi : grisette, petit gris, une appellation diminutive et familière d'une espèce aux teintes grises. Mais pas du tout. Le nom grisette (CNRTL) désigne spécifiquement un tissu ; initialement et au masculin en 1306 griset, "drap de couleur grise", puis en 1651 au féminin une " étoffe grise de peu de valeur", pour les paysans et les gens de médiocre condition. Enfin, par métonymie et familièrement voire péjorativement, le nom a désigné (déjà dans un Conte deLa Fontaine) une ouvrière ou une couturière, une "lorette" coquette et facile.

  On le rencontre en ornithologie : la fauvette grisette.

  Il faut, en l'utilisant, garder à l'esprit cette étoffe grossière qui lui est propre. Cela donne plus de saveur au nom lui-même, et à l'association qu'il forme ici avec un terme de tapisserie.

  Ce n'est pas le seul des papillons baptisés par Geoffroy à recevoir un nom de tissu : je pense, notamment au Gazé ; mais  l'Aurore doit son nom à celui d'une couleur qualifiant le satin ou les rubans.

 Geoffroy ayant, dans son tome I, attribué le nom Point de Hongrie au Nécrophore fossoyeur sous le nom Le dermeste à point d'Hongrie , ne pouvait plus l'attribuer à ce papillon.

Le Point d'Hongrie  : Engramelle 1780

  Jacques Louis Engramelle Papillons d'Europe, peints d'après nature, 1780 Volume (2) Pl. 75 suppl. 21 n° 97bis p.286.

Le nom est expliqué ainsi par Engramelle : "Le milieu (des ailes supérieures) est entremêlé de gris et de quelques taches de brun foncé, dont plusieurs se réunissant, forment une bande transversale qui du coté du bord, a la figure du point d'Hongrie." 

  Le Point-de-Hongrie est un motif de parquet, dont les lames sont disposées en frises de la même longueur, sont coupées à l'onglet à 45°, et forment des travées à angle droit, ce qui le distingue du parquet au Point de Bourgogne, en fougère, ou à bâtons rompus.

 

  C'est aussi le nom d'un point de tapisserie à l'aiguille.

 C'est encore, sous la forme "point d'Hongrie", le nom d'un coquillage décrit en 1780 (la même année que la description d'Engramelle) dans la 3ème édition du Traité des Coquilles, tome second de Desallier d'Argenville. Il "est ainsi appellé à cause que toute sa surface extérieure est ornée sur un fond blanc de lignes transversales plus ou moins larges, formant des zig-zags, des angles ou des chevrons de diverses manières, de couleur pourpre, canelle et châtain, et quelquefois souci, de manière à imiter une espèce de point d'Hongrie" (C. Favart d'Herbigny, Dictionnaire).

Alors que le h de Hongrie s'aspire, imposant de dire et d'écrire Point de Hongrie, la forme Point d'Hongrie était si bien passée dans le langage courant que les grammaticiens du XIXe (C.J. Marty-Laveaux 1847) la toléraient comme exception.

  Avant Engramelle, Réaumur, dans ses Mémoires pour servir à l'histoire des insectes de 1736 avait déjà utilisé le terme, non pour nommer les papillons qu'il étudie (cette idée lui est étrangère, et il faudra attendre Linné 1758 pour créer, après les auteurs anglais, cette mode), mais pour comparer les motifs qu'il y décrit.

De même, Gaspard Guillard de Beaulieu (Abrégé de l'histoire des insectes, dédié aux jeunes personnes, I, 1764  page 442) décrivait-il "un beau papillon, dont les ailes sont brodées en point de Hongrie".

  A l'époque, dès qu'il fallait évoquer un motif en zig-zag, c'était la comparaison qui venait sous la plume.

[— Le Papillon grisette : Engramelle 1779 

  Jacques Louis Florentin Engramelle Papillons d'Europe, peints d'après nature, 1779 Volume (1) Pl. 46 n° 98 p. 198 . Engramelle a cru décrire ici le Grisette de Geoffroy, et a reconnu son erreur lorsqu'il eut en main le véritable E. tagès, qu'il baptisa Point d'Hongrie]

 

 Hespérie grisette, Godart 1823 :

 Jean Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons de France n°93 p. 241.

Hespérie grisette (L'),  :

  • Hippolyte Lucas  1834 Histoire naturelle des lépidoptères d'Europe 1834 page 92 . 
  • Duponchel 1849, Chenilles, page 219.

La Grisette ou Point de Hongrie ou Tages, Constant Duméril 1860 , Entomologie analytique, 1860 page 1104.

Tages, le Point de Hongrie : Paul Girod, 1912, Atlas des papillons de France, de Suisse et de Belgique.

 

 Oberthür et Hulbert (1912-1921) n'utilisent que le nom scientifique dans leur Faune entomologique armoricaine et ne mentionnnent ni ne font usage du nom vernaculaire. 

 

L'usage contemporain.

En 1986, Gérard Chr. Luquet propose une liste actualisée et concertée des noms vernaculaires des rhopalocères. Il choisit pour Erynnis tages Le Point-de-Hongrie, avec tirets, et demande d'abandonner l'usage de La Grisette, employé à son avis à tort en qualifiant plusieurs espèces. "Il désigne en réalité Carcharodus alceae et doit être uniquement réservé à cette dernière espèce."

Le relevé des noms donnés par les auteurs récents montre qu'il a été entendu.

Le Point-de-Hongrie :

  • Higgins & Riley, 1988.
  • Blab et al, , 1988
  • Michael Chinery, Patrick Leraut, 1998. Photo-guide des papillons d'Europe.
  • Tristan Lafranchis, 2000 
  •  Doux et Gibeaux, 2007.
  • Tolman et Lewington /Patrick Leraut 2009.

Point-de-Hongrie ou Point de Hongrie ?

  Quoique le site du Muséum (Inventaire Général du Patrimoine) indique Point de Hongrie, Gérard-Christian Luquet, dans les ouvrages qu'il a traduit et adapté ou supervisé, et dans la forme qu'il a conseillé a opter pour les traits d'union. 

Oublier La Grisette ?

      Si la recommandation de Gérard Luquet a été suivie à l'unanimité, elle ne doit pas inciter à passer sous silence ce nom de l'Erynnis tages dans des études historiques ou de zoonymie. Bien au contraire, il n'en devient que plus précieux, comme témoignage d'un emploi métaphorique du nom d'une étoffe à la fin du XVIIIe siècle et dans la première moitié du XIXe siècle, et comme témoin de la liberté et de la richesse de création, quasi littéraire, des nomenclateurs français.


III. Nom vernaculaire anglo-saxon (M.A. Salmon, 2000).

Première mention :Merret 1666

  • Handley's brown Butterfly, Petiver 1704. Papillon brun de Handley.
  • Handley's brown Hog Butterfly, Petiver, 1706. 
  • Handley's small brown Butterfly, Petiver, 1717. Petit papillon brun de Handley.
  • The Dingey Skipper, Harris, 1766.
  • The Dingy Skipper, Jermyn 1824 ; Rennie, 1832 ; Morris, 1853 ; Coleman,1860, et les principaux auteurs.

 

 

III. Les noms vernaculaires dans d'autres pays.

  • Dingy Skipper en anglais (le skipper — ou sauteur—  terne).
  • Kronwicken ou  Dunkler Dickopffalter en allemand (le Dickopffalter sombre).
  • Gwibiwr llwyd en gallois.
  • Dunkle Dickchopffalter en dialecte alémanique.
  • Cigány-busalepke en hongrois.
  • Brún Groukopke en frison.
  •  Bruin dikkopje en néerlandais
  • Skogssmygare en suédois.
  • Cervantes en espagnol
  • Powszelatek brunatek  en polonais.

 


 

 

Un hommage à un écrivain : Thanaos cervantes Graslin, 1836.

  Le genre Erynnis de Schrank a eu différents synonymes, comme : Thymele Fabricius, 1807; Astycus Hübner, 1822; Thanaos Boisduval, [1834]; Thanatos [Dunning et Pickard], 1858; Erynnides Burns, 1964.

  Thanaos avait été créé par Boisduval en 1834 dans  Icones historique des Lépidoptères nouveaux ou peu connus. collection, avec figures coloriées, des Papillons dEurope nouvellement découverts. ouvrage formant le complément de tous les auteurs iconographes, 1(23/24) : 240 . Le nom avait été employé longtemps avant lui par Schoenherr pour désigner un genre de Curculionides.

  Notre Point de Hongrie Erynnis tages porta donc pendant un temps le nom de Thanaos tages, avant d'être invalidé.

   En 1836, Graslin, en excursion entomologique en Andalousie, crut découvrir une espèce très semblable à Thanaos tages, mais qu'il distingua comme une nouvelle espèce parce qu'il l'a trouvait plus large et plus foncée : il la nomma Thanaos cervantes : "J'ai donné à cette Thanaos le nom de l'homme de génie qui fera toujours l'une des gloires de l'Espagne. C'est un faible tribut de ma reconnaissance pour les moments agréables que me procure chaque année son œuvre immortelle, que j'ai le bonheur de pouvoir lire dans sa propre langue".*

 * Graslin, A. (de) 1836. Notice sur une exploration entomologique en Andalousie, suivi de la description, accompagnée de figures, de plusieurs lépidoptères nouveaux, trouvés dans cette partie de l'Espagne. Annales de la société entomologique de France, 5: page 559

 Hélas pour le grand Cervantes, son espèce éponyme ne survit pas aux exigences de la taxonomie, on considéra qu'il s'agissait d'une forme locale de Thanaos tages, on la classa comme une sous-espèce Erynnis tages cervantes dont le nom, en 2013, est validé .

  Les espagnols continuent à nommer nanmoins ce papillon "Cervantes", ce qui me permet de saluer à mon tour l'auteur du Don Quichotte.


 

 

Liens et sources.

— Site Funet Erynnis.

Inventaire National du Patrimoine Naturel du Museum d'Histoire Naturelle.

http://inpn.mnhn.fr/espece/cd_nom/53307/tab/taxo

 

 

— BELLMANN Heiko, 2008 Quel est donc ce papillon, Les Guides Nathan, Paris : Nathan, 2008. Traduction française et noms vernaculaires par G.C. Luquet.

— BLAB (Josef), RUCKSTULH (Thomas) ESCHE (Thomas)  [et al.], adaptation et traduction française LUQUET (Gérard-Christian), 1988 Sauvons les papillons  : les connaître pour mieux les protéger ; préface de Pierre Richard Paris : Duculot 1 vol. (192 p.) : ill. en coul., couv. ill. en coul. ; 27 cm Trad. de : "Aktion Schmetterling so können wir sie retten". 

— BOITARD (Pierre ) Manuel d'entomologie ou Histoire naturelle de insectes: contenant la synonymie de la plus grande partie des espèces d'Europe et des espèces exotiques les plus remarquables, Tome second, Paris : Roret, 1828,  Gallica

  — BOISDUVAL ( Jean Alphonse),  GRASLIN, (Adolphe Hercule de), Dumesnil (P.C.R.C)  Rambur (Pierre).1833 Collection iconographique et historique des chenilles ou description et figures des chenilles d'Europe, avec l'histoire de leurs métamorphoses et des applications à l'agriculture, Paris : Librairie encyclopédique de Roret, 1832-1837 [1833].

— DOUX (Yves), GIBEAUX (Christian), 2007, Les papillons de jour d'Île de France et de l'Oise,Collection Parthénope, Edition Biotope, Mèze, ; Muséum national d'Histoire naturelle, Paris, 2007, 288 p. Préface, index et supervision scientifique de Gérard Chr. Luquet.

— DUPONT (Pascal), DEMERGES (David), DROUET (Eric) et LUQUET (Gérard Chr.). 2013. Révision systématique, taxinomique et nomenclaturale des Rhopalocera et des Zygaenidae de France métropolitaine. Conséquences sur l’acquisition et la gestion des données d’inventaireRapport MMNHN-SPN 2013 - 19, 201 p. http://www.mnhn.fr/spn/docs/rapports/SPN%202013%20-%2019%20-%20Ref_Rhopaloceres_Zygenes_V2013.pdf

— EMMET (Arthur Maitland) 1991. The Scientific Names of the British Lepidoptera: Their History and Meaning, Colchester, Essex, England : Harley Books, 1991,  288 p. : ill. ; 25 cm.

—  ENGRAMELLE (R.P. Jacques Louis Florentin), Papillons d'Europe peints d'après nature par M; Ernst. Gravés par M. Gérardin et coloriés sous leur direction. Première partie. Chenilles, Crysalides et Papillons de jour [décrits par le R.P. Engramelle, Religieux Augustin, Quartier Saint-Germain] Se vend à Paris chez M. Ernst et Gérardin. Paris : Delaguette/Basan & Poignant 1779. Volume 1 [1]+[VIII],[i-xxxiv] - 206p-errata [i-vi], 3 pl. en noir, 48 planches coloriées (I-XLVIII), 100 espèces. 

— FOURCROY (A. F.) 1785. Entomologia Parisiensis; sive catalogus insectorum quæ in agro Parisiensi reperiuntur; secundam methodam Geoffrœanam in sectiones, genera & species distributus: cui addita sunt nomina trivialia & fere trecentæ novæ species. Pars secunda. Parisiis. (Hôtel Serpente). 2. 232-544. Traduction en latin de l'Histoire des insectes de E.L. Geoffroy. http://archive.org/stream/entomologiaparis02four#page/n3/mode/2up

 — GEOFFROY (Étienne-Louis, Docteur en médecine) 1762. Histoire abrégée des insectes qui se trouvent aux environs de Paris: dans laquelle ces animaux sont rangés suivant un ordre méthodique ;Paris : Durand 1762 Tome second Planches XI à XXII  colorées à la main par Prévost gravées par Defehrt. 744p. http://archive.org/stream/histoireabrg02geof#page/n9/mode/2up

— GEOFFROY [Étienne-Louis] 1798-99 Histoire abrégée des insectes  Benoît Louis Prévost; A J Defehrt Paris : Chez Calixte-Volland : Chez Rémont, an VII [1798-1799 Tome deuxième. http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/14595#/summary

— GEER, (Charles de), Mémoires pour servir à l'histoire des insectes , Stockholm : Hesselberg, 1771.Tome 1 [1]-[15] 707 pages, 37 planches, Gallica .  Tome second première partie 616 pages,  ; Tome second deuxième partie pages 617 à 1175, 43 planches gravées par BergquistGallica.

— GODART (Jean-Baptiste) Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons de France décrits par M. Godart, ancien proviseur Paris : Crevot 1821 Vol.1, Première partie, environs de Paris, [I]-[vij] + 295 p. Planches dessinées par [Antoine Charles] Vauthier et gravées par Lanvin.

— HIGGINS (L. G.) et RILEY (N. D.) 1988. Guide des Papillons d'Europe : RhopalocèresTroisième édition française. Traduction et adaptation par Th. Bourgoin, avec la collaboration de P. Leraut, G. Chr. Luquet et J. Minet. Delachaux et Niestlé édit., Neuchâtel ,1988455 pages.

— HÜRTER Hans-Arnold 1988 Die wissenschaftlichen Schmetterlingsnamen, Herleitung und Deutung, Bottrop ; Essen : Pomp, 492 pages.

— LAFRANCHIS (Tristan), 2000 Les papillons de jour de France, Belgique et Luxembourg et leurs chenilles, Collection Parthénope, Ed Biotope, Mèze, 448p. 

— LATREILLE  (P.A) et Olivier Nouveau dictionnaire d'Histoire naturelle 2eme édition tome 27 1818

 — LERAUT (Patrice) 1997 "Liste systématique et synonymique des Lépidoptères de France, Belgique et Corse" (deuxième édition) Alexanor, 20, Supplément hors série : 1-526, 10 illustr., photog, 38 fig.

— LUCAS ([Pierre-] Hippolyte)  Histoire naturelle des lépidoptères d'Europe Paris : Pauquet  1834 ouvrage orné nature de près de 400 figures peintes d'apres, par A. Noel, et gravées sur acier.http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4416154.r=lucas+papillons.langFR 

 http://www.biodiversitylibrary.org/item/53843#page/11/mode/1up

— LUQUET (Gérard Chr.) 1986 "Les noms vernaculaires français des Rhopalocères d'Europe",Alexanor, Revue des Lépidoptéristes français, tome 14, juillet-septembre 1986, suppl.)

— MACLEOD (Roderick Donald) Key to the names of British Butterflies and moths, 86 pp. Londres 1959.

— OBERTHÜR (Charles), HOULBERT (Constant), Faune entomologique armoricaine. Mépidoptères. Rhopalocères, Rennes : Imprimerie Oberthür 1912-1921, 258 pages.


— PERREIN (Christian) 2012 , Biohistoire des papillons, Presses Universitaires de Rennes 2012.

— SALMON (Michael A.) 2000, The Aurelian legacy, British butterflies and their collectors, University of California Press, 2000.

— SOUVESTRE (Émile), 1836  Voyage dans le Finistère par Jacques Cambry, revu et augmenté par- : "Tableau systématique des lépidoptères qui se trouvent dans le département du Finistère" par  [(Hesse et) Le Borgne de Kermorvan] Brest : Come et Bonetbeau, 1835 page 165

SPULER (Dr Arnold), Die Europas Schmetterlinge, 1901-1908. Vol.1. Allgemeiner Teil —Spezieller Teil. I-CXXVIII + 1-386 + [1]-[6], 265 fig. dans le texte, E. Schweizelbart'sche Verlagsbuchhandlung, Nägele und Dr Sproesser édit., Stuttgart, Allemagne. En ligne sur BHL:http://www.biodiversitylibrary.org/bibliography/9477#/summary. 

 

De Geer : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97151p/f1.image.r=.langFR

Godart BHL :http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/38004#page/256/mode/1up

Duponchel, chenilles 1849 : BHL : http://www.biodiversityheritagelibrary.org/bibliography/9410#/summary

   Boisduval chenille 1832 : http://www.biodiversityheritagelibrary.org/bibliography/51588#/summary

 Geoffroy BHL :1762 :http://www.biodiversityheritagelibrary.org/item/51067#page/9/mode/1up

 — Bestimmungshilfe für die in Europa nachgewiesenen Schmetterlingsarten :http://www.lepiforum.de/lepiwiki.pl?Ochlodes_Sylvanus

 

            

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Published by jean-yves cordier
11 juillet 2013 4 11 /07 /juillet /2013 03:36

Zoonymie (étude du nom)  du papillon la Thécla du Bouleau Thecla betulae Linné, 1758.


La zoonymie (du grec ζῷον, zôon, animal et ónoma, ὄνομα, nom) est la science diachronique  qui étudie les noms d'animaux, ou zoonymes. Elle se propose de rechercher leur signification, leur étymologie, leur évolution et leur impact sur les sociétés (biohistoire). Avec l'anthroponymie (étude des noms de personnes), et la toponymie (étude des noms de lieux) elle appartient à l'onomastique (étude des noms propres).

 

Elle se distingue donc de la simple étymologie, recherche du « vrai sens », de l'origine formelle et sémantique d'une unité lexicale du nom.

 

 

 

Résumé. 

— Thecla : ce nom de genre créé par Fabricius en 1807 n'est certainement pas une référence à la vierge et martyre du 1er siècle sainte Thècle, les noms de saint ayant été écartés par Linné des noms génériques ; le rapprochement avec les 49 noms de genre créés dans la même publication de 1807, dont 18 épithètes de Vénus et 19 noms de femmes de l'antiquité, fait suggérer d'y voir soit Théocléa prophétesse de Delphes et première philosophe grecque (comme Pamphila et Hipparchia, dont on retrouve le nom parmi les genres de Fabricius), soit Thekla, jeune fiancée malheureuse de la trilogie Der Wallenstein de Schiller, et dont Schubert a mis en musique les poèmes. Ce prénom féminin grec, mais encore en usage peut aussi marquer le souvenir d'une contemporaine de Fabricius, de même qu'en ornithologie le Cochevis de Thékla Galerida theklae doit son nom Thekla Brehm, la fille de son découvreur.

— betulae : du latin betula, "le bouleau" ; ce papillon fait partie des petits "plebeii" (les "ploucs") que Linné désigne par leur plante-hôte, comme rubi, spini, quercus, etc. Mais alors que la plante-hôte réelle de cette espèce, le Prunellier, avait été identifiée par Éléazar Albin en 1720, puis à nouveau par Roesel en 1746 et Benjamin Wilkes en 1747,  Linné, qui a observé cette espèce dans les forêts riches en bouleaux du Småland en Suède, donne une plante erronée. A sa décharge, la chenille est difficile à découvrir. L'autorité de Linné est telle que son erreur fut répétée au XIXe siécle (Duponchel 1849), et Oberthür en 1910 évoquait encore de nombreux arbres plutôt que le prunellier. Gérard Luquet l'affirmait encore en 1986 pour justifier son nom vernaculaire.

— Les premiers noms vernaculaires de ce papillon furent ceux des anglais Pétiver, Albin et Wilkes entre 1704 et 1747 : "The Brown Hairstreak". En 1762, Geoffroy créait le nom "Le Porte-queue fauve à deux bandes blanches", modifié en 1779 par Engramelle en "Le Porte-queue à bandes fauves", qui était encore en usage au XXe siècle. Godart choisit "Le Polyommate du Bouleau" transcrit de son nom scientifique. "Le (sic) Thécla du Bouleau" apparaît en 1869, et reste utilisé ponctuellement.  En 1986, Gérard Chr. Luquet écarte le nom d'Engramelle, jugé trop long, et le remplace par "La Thécla du Bouleau", transcrit du nom scientifique et entérinant le lien avec le Bouleau comme plante-hôte. En 2013, Perrein proposait "La Thécla orangée", qui se dégage de cette difficulté.

Thecla betulae fut représenté la première fois par Hoefnagel en 1630, décrit et nommé la première fois par Pétiver en 1704 avec ses deux formes sexuelles. Sa chenille fut décrite et illustrée par E. Albin en 1720, qui identifie aussi le Prunellier comme plante-hôte. Roesel en 1746 et Wilkes en 1747 décrivent et illustrent la chrysalide. Les œufs, connus de W.Dale 1890 furent photographiés et minutieusement décrits par W. Tutt en 1910. Enfin la répartition, très sous-estimée en raison des mœurs des papillons, qui volent ou restent posés à la cime des grands arbres, se révèle presque ubiquitaire depuis le XXIe siècle, où une recherche des œufs ou le battage systématique des prunelliers révélant les larves, sont pratiqués pour la réalisation d'atlas régionaux.


               I. Nom scientifique.


1. Famille et sous-famille.

a) Famille des Lycaenidae, William Elford Leach, 1815. Les Lycènes.

       Leach, William Elford, 1790-1836  "Insecta" pp. 329-336."Entomology". pp 646-747 in D. Brewster éditeur, Brewster's Encyclopaedia Edinburgh, [Edinburgh, volume 9, 1, 04/1815 pp. 57-172  : selon Sedborn 1937] [Philadelphia, E. Parker,1816? selon BHL Library]  page 718. [ Article publié anonymement et attribué à Leach, qui avait annoté son propre manuscrit]

 

La famille Lycaenidae tient son nom du genre Lycaena de Fabricius (1807). Elle comprend les Blues ou Azurés, les Coppers ou Cuivrés et les Hairstreaks ou Thécla, et nos Argus, soit les sous-familles des  Polyommatinae Swainson, 1827, Lycaeninae [Leach, 1815] et Theclinae Butler 1869.


b) Sous-famille des Theclinae Butler, 1869 : les Thèclas ou Thècles et les Faux-Cuivrés.

Les Theclinés se distinguent par la présence d'une courte queue sur les ailes postérieures. Ils portent le nom de Hairstreaks ["cheveux-stries] en anglais, en raison (W. Dale) des lignes fines qui traversent la face inférieure de leurs ailes.

Elle comprend trois tribus en France :

  • Tribu des Tomarini Eliot, 1973 (Genre Tomares ).
  • Tribu des Theclini Butler, 1869 (Genres Thecla, Quercusia et Laeosopis).
  • Tribu des Eumaeini Doubleday, 1847.

 

 

 

    

2. Nom de genre : Thecla Fabricius, 1807.

 

a) Description originale :

Thecla, Johan Christian Fabricius 1807  "Die Neueste Gattungs-Eintheilung der Schmetterlinge aus den Linneischen Gattungen Papilio und Sphinges""Nach Fabricii systema glossatorum Tom 1" , in Johann Karl Wilhelm Illiger*, Magazin für Insektenkunde, Karl Reichard Braunschweig [Brunswick] (6) page 286 n°35 . 

 

— Type spécifique: Papilio betulae Linné déterminé par désignation postérieure par Swainson 1821.

— Description :

 Taster lang, dreigliedrig : zweites Glied länger gefranzt, drittes walzenförmig, nakkt. Fühler nach aussen dikker. (Beine gleich, vollständig). Hesperia Betulae, Spini, Quercus, 8 Art.

— Ce genre renferme une seule espèce en France (T. betulae), et trois espèces au total, T. betulina en Chine et Corée, et T. Ohyai.

 

b) caractéristiques.

— En 1821, Swainson reprend le genre de Fabricius et en donne une nouvelle description dans Zool. Illustr. (2) 482 page 26  Pl 69: 

Antennae ending in a lengthened, compressed, and obtuse club Palpi excerted, approximating, covered with scales, but without hairs, the last joint naked, slender, acute. Eyes semi-circular. Anterior wings trigonal, the hinter dentated, generally tailed, with an obtuse concave lobe at their anal angle, which is generally in motion when the insect is at rest. Thorax strong ; body slender.

-Trad. Antennes se terminant par une massue allongée, étroite et pointue. Palpes [proéminentes?], couvertes d'écailles, mais sans poils, le dernier article nu, mince, pointu. Yeux semi-circulaires. Aile antérieure triangulaire, l'aile postérieure dentelée , généralement dotée d'une queue, avec un lobe concave et obtus à leur angle anal, qui est généralement en mouvement lorsque l'insecte est au repos. Thorax fort; corps svelte.

 

 


Origine et signification du nom thecla.

 


— W. Dale 1890 p. 37 :

Thecla, a Virgin and Martyr. Butler's lives of the Saints, IX, 286.

-Trad. Thecla, Vierge et Martyre. Butler, Livre des Saints, IX : 286.

— Ramann (1870-1876) page 22 :

ist ein Frauenname, der aus der deutschen Sprache stammt, denn bei den Cheruskern kommt dieser Name schon vor. In den Alten Sprachen finden wir denselben nicht. 

-Trad. : Est le nom d'une femme  qui vient de la langue allemande, car il était déjà connu chez les Cherusker [Confédération tribale de l'ancienne Germanie]. Dans les langues classiques, nous ne pouvons pas les trouver.

— Spannert (1888) page 22 :

Altgriechischer Frauenname, noch in der Jetztzeit ebenso gebräuchlich.

-Trad. :Ancien nom féminin grec, encore utilisé à notre époque.

— Arnold Spuler (1903-1908) page 52 : 

Aus dem Griechischen stammender Frauenname.

-Trad. Prénom féminin d'origine grecque.

— L. Glaser (1887) page 116:

"Vorteffliche", altdeutscher Name, griech. θεάκαλή, schöne Göttin ?

—  A.M. Emmet (1991) 

le nom d'une vierge et martyre commémorée par l'église grecque orthodoxe. Fabricius était plus enclin que la plupart des autres entomologistes à puiser pour la sources de ses noms, dans  des personnages  historiques ou littéraires  en dehors de la période classique, comme par exemple grotiana et Vanessa. [grotiana honore la mémoire de Hugo Grotius (1583-1645), juriste des Pays-Bas ; Vanessa reprend le nom d'une héroïne de Swift dans un poème de 1713]

— Hans A. Hürter (1998):

 Cet auteur ne se prononce pas, mais se contente de citer diverses sources signalant l'origine grecque de ce prénom féminin, ou les saintes qui l'ont porté.

—Doux et Gibeaux (2007) :

Thécla ou Thècle, Thecla : selon Spuler, "Nom de femme, d'étymologie grecque". Interprétation confirmée par Emmet. qui précise qu'il s'agit d'un prénom féminin porté par une vierge et martyre (Sainte Thècle) commémorée par l'église orthodoxe grecque. Fabricius est sans conteste l'un des rares auteurs à avoir puisé hors de la mythologie grecque ou de l'antiquité latine. En fonction de cette étymologie, il convient de rappeler ici que les mots Thècle et Thécla sont exclusivement féminin. 

 

— Perrein et al (2012). 

De sainte Thècle, vierge et martyre née à Icone — aujourd'hui Konia en Lycaonie (Turquie)— vivant au Ier siècle après J.C., commémorée par l'Église grecque orthodoxe.

Discussion.

Fabricius avait déjà utilisé ce nom, comme nom spécifique, lors d'une modification en 1796 du nom de son Papilio liria (Ent. Syst. (3),1 p. 239), transformé en Papilio thecla, cité dans l'Index page 128 et connu actuellement sous le nom d'Ectima thecla (Fabricius, 1796) (Funet Ectima). 

 En règle — celle que Fabricius s'est donnée—, les noms de genre créés en 1807 par cet auteur reprennent des épithètes de Vénus : ce n'est pas le cas ici, puisqu'il s'agit d'une reprise d'un nom plus ancien. 

 L'hypothèse la plus facile est d'y voir la reprise du nom de sainte Thècle, comme le propose W. Dale puis A.M. Emmet, suivi par Gibeaux puis Perrein : "le nom d'une vierge et martyre commémorée par l'église grecque orthodoxe."

Sainte Thècle d'Iconium (l'actuelle Konia), jadis fêtée le 23 septembre, est, selon les "Actes de Paul et Thècle" (dont la validité n'est pas reconnue), une jeune vierge qui, convertie par l'apôtre et ayant échappé au bûcher, suivit saint Paul dans ses périples en provoquant de nombreux miracles avant de s'installer dans un ermitage de Séleucie d'Isaurie, en un lieu nommé Haghia Thecla et amené à devenir l'un des principaux buts de pèlerinage de l'antiquité tardive. L'Église catholique a supprimé ce culte en 1969.

 

 Cette hypothèse me semble très peu probable. Linné avait établi comme règle —pour la botanique, certes— d'exclure des noms toute référence religieuse. "Il ne faut point user des noms génériques pour se concilier la faveur, ou conserver la mémoire des saints [...] je conserve les noms génériques poétiques, les noms tirés de la Mythologie" (Linné, Philosophie botanique, page 216-217, trad. 1788), condamnant ainsi l'herbe de sainte Cunégonge (Eupatoire), de sainte Barbe ( Vélar), de sainte Catherine (Impatiens), de sainte Claire (Valériane), de sainte Othilie (Delphinette), etc. Aucun des autres noms de Fabricius ne correspond, à ma connaissance, à un nom de saint ou de sainte. Les autres auteurs de noms zoologiques ont aussi respecté cette règle. D'ailleurs, hormis les anglo-saxons Dale et Emmet, les autres auteurs évitent cette hypothèse trop facile. Ainsi Arnold Spuler (1908) reste prudent : "Nom de femme, d'étymologie grecque".

 Il est plus difficile bien-sûr de proposer une autre piste. Le prénom Thécle vient du grec ancien θεός, theós (« Dieu ») et κλέος, kléos (« gloire, renommée »), Theoklês dont  le féminin est Theôkleia, abrégé en Thekla, schéma sur lequel est aussi construit des noms comme Thimokleos, Aristokleos, Damokleos (Damoclès), Polycles, Cleodice, Cléodore, Cléodoxe, et Cléopâtre (gloire du père).

  Theoclea est un prénom qui a été porté par la sœur d'Alexandre Sévère.

Première hypothèse : Théocléa, philosophe grecque.

Plus intéressant, ce nom désigne une  prêtresse grecque, tutrice du philosophe et mathématicien Pythagore que celui-ci avait rencontré à Delphes, et active vers 600 avant notre ère. Nommée Thémistoclée , elle aurait eu selon Diogène Laerce VIII, 8 pour disciple Pythagore, et l'influença principalement dans le domaine moral. Elle est pour cette raison appelée parfois "La première femme philosophe". 

Selon ma synthèse de l'article Wikipédia en anglais,

 Thémistoclée, Themistoclea, ou Themistokleia , grec ancien : Θεμιστόκλεια ; aussi nommée Aristoclea ou  Théocléa  était une prêtresse à Delphes au 6e siècle avant notre ère. Diogène Laerce rapporte  les affirmations de Aristoxène de Tarente qui fait d'elle la professeur de Pythagore, puisqu'il dit que Pythagore a obtenu la plupart de ses doctrines morales de la prêtresse de Delphes Thémistoclée. Porphyre (233-305 ) l'appelle Aristoclea ( Aristokleia ), et répète l'affirmation selon laquelle elle a été le professeur de Pythagore. La Souda ou Suida, encyclopédie grecque  de le fin du IXe siècle  l'appelle  Théocléa ( Theokleia ) et affirme qu'elle était la sœur de Pythagore, mais cette information provient probablement d'une corruption et l'incompréhension du passage à Diogène Laërce. 

Nous avons donc, attestée sinon dans les faits, du moins dans la littérature et donc dans les sources d'inspiration de Fabricius, une femme philosophe dont le nom varie de Themistokleia à Theokleia. Or la forme abrégée de ce prénom Theokleia est Thekla ou Thecla.

 Cette hypothèse semble moins farfelue si on examine les 49 genres créés en 1807 par notre auteur. 

Parmi les 49 noms de genre créés par Fabricius, 19 sont des épithètes de Vénus, et 18 autres sont des noms de femmes célèbres ; on y trouve deux philosophes,     Pamphila et Hipparchia. Thecla serait ainsi la troisième. Hipparchia est la sœur du philosophe Métrocle, et l' amante du philosophe grec Crates (disciple de Diogène). Pamphila est une femme philosophe d'Épidaure du temps de Néron, fille de Sotéridas et épouse de Socratide, et auteur des Hypomnémata ; Citée par Diogène Laerce, Suidas (la Souda), ou Aulu-Gelle.

 

Deuxième hypothèse : Thekla, héroïne de Schiller aux chants repris en lieds par Schubert.

  Dans la trilogie de Schiller The Wallenstein (achevée en...1799) concernant la carrière tragique du général Wallenstein pendant la guerre de Trente Ans, Thekla ou Thecla est la fille du duc Wallenstein, chef de l'armée de Ferdinand II de Habsbourg, et cette héroïne est promise au jeune Piccolimini. L'un des moments remarquables est  le "Monologue de Thécla", (IV, 12).

  A la fin de la trilogie, le sort de Thekla restait incertain. En réponse aux demandes de renseignements du public, Schiller a écrit en 1802 le poème Thekla, eine Geisterstimme, [Thecla, une voix de fantôme] dans lequel Thécla, désormais passée dans l'autre monde, répond au public:

Il débute ainsi : "Wo ich sei und wo mich hinge wendet, als mein flücht'ger Schatte dir entschwebt ?" 

Où suis-je, et où ai-je été lorsque mon ombre flottante s'est évanouie ? N'ai-je pas terminé, fait mes adieux ? N'ai-je pas aimé, n'ai-je pas vécu ? Posez-vous la question aux rossignols lorsque leur mélodie poignante vous charme par un jour de printemps ? Ils ne vivent qu'aussi longtemps qu'il aiment. Ai-je retrouvé celui que j'ai perdu ? Croyez-moi, je suis uni à lui en une place où il n'y a plus de séparation, et où les larmes ne coulent plus.

 

 Schubert mis le poème en musique deux fois, la première fois dans le lied D73, et la seconde fois en 1817 dans l'opus 88 n°2 D595, sous le titre Thekla, eine Geisterstimme Thekla

Schubert avait publié auparavant, en 1801, le lied Thekla « Des Mädchens Klage » dans le troisième volume de Kleine Balladen und Lieder. Ce poème de Schiller qui commençe par "Der Eichwald brauset" date de 1798 , et donne aussi la parole à Thekla affligée.

Des Mädchens Klage  D6 , D191, D389.

Troisième hypothèse : une référence privée à une femme contemporaine de Fabricius.

       Fabricius a aussi pu vouloir rendre un hommage discret à une femme prénommée Thécle. On sait par exemple que l'alouette nommée Le cochevis de Thékla Galerida theklae  trouve là l'explication de son nom : Elle a été décrite par l’ornithologue allemand Christian Ludwig Brehm en 18571, qui  a dédié cette espèce à sa fille, Thekla Brehm (1833-1857).

 Très connue aussi est la cousine de Mozart, Maria Anna Thekla Mozart (1758-1841 ), surnommée aussi la Bäsle : ses amours avec Amadeus, et leurs échanges épistolaires et scatologiques, sont fameux.

 

                            Archéo-taxonomie du genre.


Le genre Thecla décrit par Fabricius en 1807 et reprit par Swainson en 1821 a été adopté de façon variable. 

Rappelons qu'en 1758 Linné classait ces papillons dans les Papilio Plebejus Rurales, et leur donnait des noms liés, soit à la plante-hôte, soit à des hommes célèbres en Grèce. En 1773, Fabricius les incluait dans ses Hesperia. En 1801, Schrank classa l'espèce-type dans son genre Cupido. En 1804, Latreille avait créé son genre des Polyommatus, et Godart y classera en 1821 Papilio betulae. Des noms considérés comme junior sont aujourd'hui ceux de Theclaria, Rafinesque, 1815 ; Aurotis Dalman, 1816; Zephyrus, Dalman, 1816 ; Zephyrius ; Billberg, 1820 ; Theda, Motschulsky, 1866 ; Tecla Reed, 1877; Ruralis Tutt, 1906.

 

Par exemple, en 1910, Oberthür, dans ses Études de Lépidoptérologie comparée fasc.4 p. 61, utilisait le nom de Zephyrus betulae, et le même auteur écrit avec Houlbert en 1912-21 dans leur Faune armoricaine  : "Dalman avait donné en 1816 le nom de Zephirus à quelques grandes espèces de Thecla dont les ailes supérieures ne possèdent que onze nervures et dont les ailes inférieures portent des queues rudimentaires : les quatre ailes sont larges, avec le bord externe très convexe, le dessous, ordinairement d'un gris perle ou d'un fauve jaunâtre est ornée de bandes plus claires très agréablement variées" (p. 192).  

 

En 1967, Hemming écrivait :

During the latter part of the XIXth century the name Thecla Fabricius was widely misused for the Strymonid Hairstreaks consequent upon the mistaken action of Scudder (1872, 4th Ann. Rep. Peabody Acad. Sci. 1871 : 50) in rejecting Swainson's type-selection of Papilio betulae Linnaeus and in seeking to set up Papilio spini [Dennis & Schiffermüller] as type-species ; in the same period the true Theclids were normally placed in Zephyrus Dalman, 1816 (a nominal genus bearing a name which is a junior objective synonym of Thecla Fabricius, its type-species also being Papilio betulae Linnaeus).

- Trad. : Au cours de la dernière partie du XIXe siècle, le nom Thecla de Fabricius a été largement utilisé à mauvais escient pour les "Porte-queue Strymonids*" par la conséquence  de l'action erronée de Scudder (1872, 4e Ann Rep Peabody Acad Sci 1871... 50) en rejetant l'espèce-type Papilio betulae Linné de Swainson  et en cherchant à mettre en place Papilio Spini [Denis & Schiffermüller] comme espèce-type ; dans la même période, les vrais Theclinés étaient normalement placés dans le genre Zéphyr Dalman, 1816 (un genre nominal portant un nom qui est synonyme objectif secondaire de Thecla Fabricius, son espèce-type étant également Papilio betulae Linné).

* Du genre Strymon, Hübner 1816-1818.

 

 

 

 3.  Nom d'espèce : Thecla betulae (Linnaeus, 1758).

 

a) Description originale

      Linnaeus, C. 1758. Systema naturæ per regna tria naturæ, secundum classes, ordines, genera, species, cum characteribus, differentiis, synonymis, locis. Holmiæ. (Salvius). Tomus I: 824 pp. page 482 .

 — habitat in Betula, Pruno spinosa

— Localité-type :  : Småland, Suède, lectotype désigné par Honey et Scoble (2001) cf. Fauna suecica infra, où Linné indique cette localité. 

Selon Dupont et al. 2013, cette espèce est présente dans presque toute la région paléarctique sauf le nord de l’Afrique. Elle est aussi présente en Chine et en Corée. Elle est signalée partout en France. Les chenilles se nourrissent sur Prunus spinosa L. . 

— Description :

n°146.  P[apilio] P[lebejus] alis subcaudatis fuscis ; primoribus macula reniformi fulva, subtus luteis fascia fulva. 

-Trad. : Papillon plébéien aux ailes sub-caudées brunes ; tache fauve réniforme sur les antérieures, dessous fauve à bande jaune. 

— références données par Linné: (étudiées infra)

  • Fauna suecica n° 792
  • Wilkes pap. 61 t.1 a.2.
  • Roesel Insecten belustigung I. pap. 2. t.6.
  • Ray, Historia insectorum, page 130 n°10.
  • Réaumur, Ins. I. t. 28. f.1-7.
  • Albin Ins. t.5. Fig.7.
  • Petiver gazophylacii t. II fig. 11.

 

 

b) étymologie. 

 

 Spuler (1903-1908) page 54 : 

 

— Doux et Gibeaux (2007) 

      Bouleau : allusion à la plante nourricière de la chenille de cette espèce mentionnée par Linné.  betulae : genitif du mot latin Betula, "Bouleau".

— Perrein et al. (2012) :

Du latin betulla, "bouleau", emprunté au gaulois betu-betua, même sens, "du bouleau", pour Linné qui présume la plante-hôte, aujourd'hui très exceptionnellement attestée.

 

Linné a décrit le genre betula dans son Species plantarum (1) de 1753 page 982, mais le nom était utilisé avant lui (Bauhin, Pinax) par les latins, qui l'ont repris du gaulois betua, à comparer avec  les mots bezv en breton, besew en cornique, bedw en gallois et beith en gaélique (Wiktionnaire). 

 

 


                         Archéo-taxonomie de l'espèce.

L'étude de ce nom doit maintenant être associée à d'autres, avec lesquels il est tissé selon des motifs compliqués.

1.  Les publications qui précèdent celle de Linné 1758.

Placées dans l'ordre chronologique :

 

  • Jacob Hoefangel, 1630, Diversae insectarum, tab.12 fig.1.
  • James Petiver 1704 gazophylacii  t. II fig. 11.
  • John Ray, 1710 Historia insectorum, page 130 n°10.
  • Albin Eleazar 1720 Ins. t.5. Fig.7.
  • Réaumur, 1734 Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes. I. t. 28. f.1-7.
  • Linné , Fauna suecica 1746 n° 792
  • Johann August Roesel 1746 Insecten belustigung I. pap. 2. t.6.
  • Benjamin Wilkes 1747-1749  pap. 61 t.1 a.2.

 

a) Hoefnagel 1630, Diversae insectarum planche 12 fig.1.

 La "description" se résume à la présence sur cette planche du premier papillon.

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b) James Petiver 1704 gazophylacii page 18 t. II fig. 11.

 

f. 10 Papilio minor fuscus, duplici linea inferne praeditus [Mas]. The brown double Streak. This and the last are very rare fly, I first saw them in Mr Sam. Dales Collection in insects.

 -Trad. : f. 10 Petit papillon brun, deux lignes sur les ailes inférieures (mâles). Le Brun à double stries. Ce papillon et le dernier (suivant) sont très rares, la première fois que je les ai vu, ce fut dans la collection d'insectes de Mr Samuel Dale*.

f. 11. Papilio minor fuscus : campo aureo, linea gemina subtus ornatus (Faemina). An Hoef. tab.12 fig.1. The Golden Brown double Streak. This and the last may be male and female. Caught by my neighbour Mr Benj. Harris, August 31, 1702 in the Hest near Croydon.

 f. 11. Petit papillon brun, plage or, orné d'une double ligne en dessous. (Femelle). Le Brun et Or à double stries. Celui-ci et le précédent sont peut-être le mâle et la femelle. Attrapé par mon voisin Mr Benj. Harris, le 31 août 1702 dans le Hest près de Croydon [à une quinzaine de Km au sud de Londres].

* on se souvient peut-être que le nom anglais du Grand Mars changeant a été "The Mr Dale's Purple Eye", parce que le pharmmacien londonien Pétiver l'avait aussi observé dans sa collection ; j'avais alors signalé que   Samuel Dale (1659-1739) était aussi apothicaire (et peut-être médecin) en la ville de Braintree, Essex, à 50 km au nord-est de Londres. C'était un grand ami du naturaliste John Ray, "le Père de l'Histoire Naturelle britannique", qui habitait à Black Notlay, à un mille au sud de Braintree. Il participait avec lui à des sorties de collecte d'insectes. Il est l'auteur en 1693 d'une Pharmacologia (à l'époque, un traité de botanique appliquée), et d'une Histoire des Antiquités de Harwich et Dovercourt (1730), qui est un traité de géologie décrivant les fossiles de la montagne de Harwich. Son nom est attaché à un fossile, Buccinum dalei Sowerby, 1825. Il est en relation avec divers correspondants (Pétiver, Sloane) à qui il envoie des spécimens. Pétiver le cite dans son Gazophylacii une seconde fois page 58 en faisant référence, pour le Curcuma officinalis à sa Pharmacologia. Il faisait aussi parvenir des papillons à John Ray, qui décrivit en 1710 dans son Historia insectorum un Papilio minor qui passa pour la première description de Cyaniris semiargus.

Pétiver a vu cette espèce "dans la collection de Mr Dale" : on ignore donc à quelle date ce dernier l'a capturé, dans une fourchette 1690-1704.


c) John Ray 1710 Historia insectorum, page 130 n°10

Papilio minor, alis exterioribus nigricantibus, macula in medio lata arcuata fulva. (Lire la suite de la description latine sur le lien)

-Trad. Petit papillon, Ailes extérieurs noirâtres papillon mineures, large tache fauve en arc au milieu. 

 

d) Eleazar Albin : 1720 Ins. planche V page 23. Fig.7.

Cet auteur donne la première description de la chenille, la première identification correcte de la plante-hôte, et la première illustration couleur du papillon. 

The Caterpiller a is of a light sea-green colour. It was taken near Hornsey-Wood the 8th of June feeding on the Black-Thorn, and the 18th of June it tyed itself up after the manner of the white Butterfly, and the 16th of July came forth the Hair-streak Butterfly. The upper side of the wings, marked b, are of a dark brown, with a large spot of orange-colour in each upper wing, and three small spots of the same colour toward the bottom of each under wing . The under side of the wings c are orange-colour, with large streaks of dark red edged with white, and a shade of bright red on the edges of both the upper and under wings. This caterpillar is very rare and scarce to be met with.

-Trad. La chenille (a, fig.7) est d'un vert d'eau délicat. Elle a été prise près de Hornsey-Wood [Quartier du nord de Londres, avec ses chênes vénérables] le 8 Juin alors qu'elle se nourrissait sur un  Prunellier, et le 18 Juin, elle se fixa elle-même à la façon d'une Piéride, et le 16 Juillet émergea le Hair-streak Butterfly [Thécla du Bouleau]. Les faces supérieures des ailes, marquées  b, sont d'un brun foncé, avec une grande tache de couleur orange sur chaque aile supérieure, et trois petites taches de la même couleur vers le bas de chaque aile postérieure. Le dessous des ailes sont de couleur orange, avec de grandes bandes rouge foncé bordées de blanc, et une nuance de rouge vif sur les bords à la fois  des ailes antérieures et postérieures. Cette chenille est très rare et il est rare d'en rencontrer une.

 

La taverne de Horney-Wood à Harringay 240px-Old_HW_Tavern_sm.jpg Wikipedia

 


e) Réaumur, 1734 Mémoires pour servir à l'histoire des Insectes. I. Mémoire 11 t. 28. fig. 1-7.

"les chenilles cloportes de l'orme" page 455. Réaumur se trompe sur la plante-hôte, et la gravure de Simmoneau n'est pas excellente, mais la description pendant cinq pages de la technique de filage du fil de soie de la chenille mérite le plus grand respect.


f) Linné,  1746 Fauna suecica, page 241 n°792. Ou 1761 page 283 n°1070.

792 page 241 Papilio hexapus ; alis secundariis angulo-dentatis : subtus flavo alboque flammeis.

Hoffn. Ins. t.12 f.1. Pet. gaz.fig 10 et 11. Ray Ins.  page 130 n.10 

 Habitat in Betula ; praesertim in Smolandia [Småland] obvius.

-Traduction : "Habite [la chenille se nourrit du] bouleau ; surtout présent en Smolandia." Le Smalånd est une province du sud-est de la Suède, où la famille de Linné était établie et où il est né. Elle est en grande partie couverte de forêts, notamment de bouleaux comme le signale Linné dans Flora suecica page 283.


g) Johann August Roesel 1746 Insecten belustigung I. Classe 2. page 37 planche VI.

 

Cet auteur et surtout cet illustrateur de talent donne une très belle illustration du papillon sous ses deux faces, mais aussi de la chenille qu'il nomme Schild-Räuplein ou "Chenille en bouclier" (ou en écu), et de la chrysalide avec son changement de couleur du vert au rouge-brun. Il donne aussi une description détaillée de la chenille, mais déplore de ne pouvoir donner des informations sur les œufs. Il donne comme plante-hôte le Prunellier et les Prunus. (On voudra bien corriger mes erreurs de transcription).


 Das dicke graß-grüne und gelb-bordirte Schild-Räuplein und dessen Veränderung zum papilion. 

§1.  Zuvonderst muß ich mich erklären, warum ich dieses raupen-Beschlecht mit dem Namen, Schild-Räuplein beleget habe, weil vielleicht nicht jedermann meinen Berveggrund zu dieser Benennung sogleich errathen dörste. Es mögten wol gar einige, die es niemalen in Natur gesehen, sich einbilden, als c b es mit einem herten Schildlein, auf die Art, wie die Schild kröten,tedecket sei, welches sich doch keinesweges also verhält. Blos dessen äuserliche Figur, oder die Aehnlichkeit, welche es hierinnen mit einem Schilde hat, hat mich dazu veranlasset. Es ist dieses Räuplein unten am Bauche ganz blatt ; oben her aber, so weit man es im sizen oder kriechen zu sehen bekommt, breit gewölbet, wie aus der I. Figur unserer VI Tabelle zu erkennen. Man siehet, so lange man es nicht auf den Rücken kehret, weder Kopf noch Füsse daran, jedoch lassen sich alle Belenke deutlich unterscheiden und abzehlen. Es hat auch die gewöhnliche Unzahl und Ordnung derer Füsse, wiervol solche sehr klein sind. Der Leib ist in der Mitte sehr dick, verlieret sich aber an deeden Enden, sonderlich gegen den Hintertheil zu, etwas schmäler. Die Grundfabe der haut ist gras-grün. Oben über den Rücken hi, lausen ein Paar gelbe, etwas  erhabene Börtlein, welche fornen an dem Kopfe am weitesten von einander abstehen und sich immer mehr und mehr nähern, ie weiter sie fortgehen, bis sie endlich hinten bei dem lezten Absaze völlig zusammentressen. Der Zwischenraum davon ist flach-niedergedruckt. Mit einem dergleichen gelben Börtlein ist auch unten an dem Bauche der ganze Leib  rings-herum umzogen. Un jeglicher Seite des leibes siehet man  9 bis 10 weise, schief lausende Linien, deren jegliche, von dem oberen gelben Börtlein an bis an die Einfassung des Bauches, hinterwarts über 3 Velenke herunter gezogen ist. So viel war von der Gestalt und denen Farben dieses Räuplein  zu erwehnen.

§2. Von der Farbe und Figur derer Eier, aus welchen diese Räuplein ettspringen, kan ich noch zur Zeit keine Beschreibung machen. Sie können nicht gros fein und find vermuthlich einzeln an die Blätter zerstreuet (weil auch die Räuplein selber, Zeit. Ihres lebens einzeln herumwandern,) und um dieser ursache wegen hält es schwer, dieselbigen auszugehen, wann man nicht ganz von ungefehr eines oder das andere findet. Es lebet und wendet dieses raupen-Geschlecht auf Schlehen-Stauden und Pflaumen-Bäumen. Ob es, auser denen Blättern besagter Gewächse, noch anderes Futter fresse ? Ist mir unbewust, dann ich habe sie mit jenen allezeit gefüttert, und sonst auf keinem Gewächse angetroffen.

 Gegen die Mitte des Frühling, bis zu Anfang des Sommers, pflegen sie sich sehen zu lassen. Man darf aber zuweilen viele vergebliche Gänge thun, ehe man eine findet, und kommet es hierinnen mehr auf das Glücke, als aus Fleiß und Mühe an. Denn, es ist nicht genug, daß diese raupen, wermöge ihrer Kleinigkeit und grünen Farbe, nebst dem daß sie noch meistentheils an der Unterseite der Blätter sizen, schon halb unsichtbar sind ; sondern ihre wunderliche Figur machet noch überdis ein Blendwerk, wodurch man kan leichtlich betrogen werden, und die raupe vor ein bloses Beulen-gewächs des Blates ansehen.

§ 3.  Das Kriechen dieser raupen gehet nicht geschwinder, als bei einer kleinen Schnecke. Wann sie an dem Termin ihrer Verwanderung sind, bleiben sie gleich auf der derjenigen Stelle fizend, wo sie sich befinden, es sei nun auf einem Blate oder Aste, bevestigen sich, nach Art aller Raupen von gegenwärtiger Classe, mit zarten Fäden um den leib, wie auch an ihrem hintersten Abfaze, nd sezen sich solchergestalt auser Gefahr, wen der Gewält des Windes heruntergeschmissen zu werden. Bei annähernder Verwandlungs-Zeit verändert sich die grüne Farbe ihrer haut in eine röthlichte, welche je länger je dunkeler wird, bis sich endlich der Balg völlig abstreiset, und die fig.2 abgebildete Puppe, so darunter schon ihre völlige Gestalt angenommen, auf einmal zum Vorschein kommet.

 

 

 

                   n182_w279

 

 

 


h) Benjamin Wilkes 1747-1749  pap. 61 t.1 a.2.

      .

The Brown Hair-streak-Butterfly. The Caterpillar of this butterfly is seldom found : which, I believe, is owing to the oddness of its shape and colour, which are exactly represented in the plate. I took four of them by beating the Black-thorn, and fed them on the same till the middle of June, at which time they changed into the chrysalids, and the fly was bred in the middle of August. This butterfly delights to settle on the Maple-tree, &c. by beating the branches whereof the fly will rife, and may be taken in your net. The Black-Thorn. Prunus sylvestris. Germ. Emac.

-Trad. : Le Porte-queue brun : La chenille de ce papillon est rarement trouvée, en raison, je crois, en raison des bizarreries de forme et de couleur, qui sont représentées exactement sur l'illustration. J'en ai pris quatre d'entre eux en battant les Prunelliers, et les ai nourris avec le même [prunellier] jusqu'à la mi-juin, date à laquelle elles se sont transformées en  chrysalides, et le papillon a été élevé dans le milieu de Août. Ce papillon se plaît à s'installer sur l'Érable arbre, etc. et en battant les branches atteintes par le papillon, il peut être pris dans votre filet. Prunellier. Prunus sylvestris . Allemand :Emac.

Voir la Planche 117 des Copper Paltes and English Moths and Butterflies de B. Wilkes .

 

 

Les publications notables qui suivirent celle de Linné.

— Hufnagel, 1766 Tabelle... in Berlin magazin, 2  page 68 n°23 P. betulae

 — [Denis & Schiffermüller], 1775, Wiener Verzeichniss, Famille O n°2 page 186 : Birkenfalter (papillon du bouleau).

— Fabricius, E.S.III 1 277. 69 H.R. betulae

— Lewin, 1795 Ins Planche 42 fig. 1-5.

 

— Hübner, 1796-1836 Sammlung europaïscher Schmetterlinge page 58 : Weißbirkenfalter (Papillon du Bouleau blanc] ♂ n° 383 ;♀ 384-385  http://www.biodiversitylibrary.org/item/89180#page/66/mode/1up

— Schrank, Fauna boica II page 218.

— Haworth, 1803

— Esper 1777, Schmetterlinge in abbildungen I planche XIX f.2 page 256. P.P.R. Betulae Der Nierenflekt La planche 19 montre "la chenille sur un bouleau blanc, près de la chrysalide"

— Bergsträsser, Nomenclatur, planche 36 et 70.

— Ochsenheimer, 1807, Die Schmetterling von Europa (1) page 114 Pap. betulae

 — Stephens, 1828.

— Curtis 1829 Brit. Ent. p.264

— J. O. Westwood 1840  Gen. Syst. , et 1860 The Butterfly of G.B and theirs transformations, p.88

— Henry Noel Humphreys   British butterflies and their transformations page 85 plate XXV

W. Dale, 1890 Hist. Brit. Butt. page 37 : description des œufs, de la chenille, de la chrysalide et des imagos, puis présentation des observations en Grande-Bretagne. Il décrit le parasitage par trois espèces d'Ichneumons.

https://archive.org/stream/historyofourbrit00dalerich#page/38/mode/2up/search/hair-streaks 

— En 1908, J.W. Tutt consacre une étude (très) détaillée de Thecla betulae (sous le nom Rurales betulae) dans le volume IX de A national history of the British Lepidoptera page 273 à 319 et Planche XI où il donne des photographies des œufs, des larves avec ou sans parasitisme, de la chrysalide et de l'imago.

 

— Oberthür, 1910 Études de lépidoptérologie comparée 1910 fasc.4 page 61.

 

— Oberthür et Houlbert, 1912-21 Faune armoricaine, Zephirus betulae 


 

 L'identification de la chenille et de la plante-hôte. 

E. Albin a signalé la bonne plante-hôte, le Prunellier Prunus spinosa en 1720, Roesel en 1746 l'a confirmé, comme B. Wilkes, mais Linné n'a pas suivi ces auteurs et indique fallacieusement comme plante le Bouleau en 1758. Geoffroy répète la même erreur, puis Godart associe le bouleau au prunus spinosa et au Prunus domesticus, comme son élève Duponchel en 1849. Voici ce qu'écrivait Oberthür en 1910 :

   Je crois que les plantes nourricières de la chenille de Zephyrus betulae, en Bretagne, sont principalement : ulmus campestris, quercus sessiflore et pedunculata. Tutt, en faisant le recensement des « foodplants » de Ruralis betulae, d'après les indications des auteurs, ne cite pourtant ni le chêne ni l'ormeau, mais il relève les noms d'arbres et d'arbustes que je transcris comme suit : Prunus spinosa, prunus domestica, prunus padus, betula alba, corylus, amygdalus nana (cum flore pleno), le chêne (oak), le peuplier (poplar), l'aulne (alder), le nerprun (buckthorn), l'abricotier (apricot), le cerisier (cherry), le pêcher (peach). Il a oublié de nommer l'épine-vinette indiquée par le P. Engramelle et le tilleul cité par Esper.

La description des œufs, et l'appréciation de la densité de population.

      Sans étude exhaustive, la plus ancienne description, avec photographies d'une qualité exceptionnelle pour l'époque, est celle de W. Tutt en 1908. Alors que la présence du papillon est très sous-estimée lorsqu'on se base sur l'observation des imagos, la recherche systématique des œufs sur les prunelliers, à l'aisselle des branches ou des épines, fait apparaître une présence insoupçonnée et très répandue de l'espèce. Ainsi, Oberthür la jugeait rare en Bretagne et très rare en Finistère, alors que la recherche des œufs révèle qu'elle occupe toute la bande côtière de Bretagne, notamment en Finistère, ainsi que l'intérieur des terres en Ille-et-Vilaine. Il n'est pas exagérée de dire que, sur ce point, les connaissances  ont attendu le XXIe siècle.

Les soins par les fourmis. 

La larve sort de l'œuf au printemps en perçant un trou dans le haut de l'œuf et entre immédiatement dans un bourgeon en développement. La coquille n'est pas consommé et peut être trouvé un peu après que la larve a émergé. Après la première mue, la larve se repose le jour sur un tapis de soie située sur la face inférieure d'une feuille, et s'alimente loin de son lieu de repos la nuit, retournant au lieu de repos   comme l'aube. La larve vert clair est très bien camouflé, se mariant parfaitement avec la feuille sur laquelle il est assis. La larve entièrement alimenté laisse la plante hôte avant la nymphose, changeant de couleur pour adopter un brun terne pour maintenir l'excellent camouflage car il se mêle aux feuilles mortes. Il y a 3 mues au total.

 La chrysalide est formée dans une crevasse dans le sol, entre la litière de feuilles ou à la base d'une plante. Il a été connu pour une nymphe d'être enterré par les fourmis, qui trouvent qu'il est très attractif, dans une cellule lâche de la terre sèche. Cette étape dure environ 4 semaines. (UK Butterfly).

Ce maternage de la chrysalide par la fourmi est connu depuis les années 1980 ; il est étudié dans l'article de T. Lafranchis et P. Kan (Oreina 2012 en ligne)

 


                                        Illustrations :

      Esper, Planche XIX fig 1, image Openlibrary.org

               dieschmetterling01espe_0085.jp2&scale=4.

Jacob Hübner, Sammlung, fig 383-385 BHL

              n154_w569

 

 

 

 

 

              II. Noms vernaculaires.


        Les premiers noms donnés à ce papillon furent les noms anglais de "The Brown double Streak" et "The Golden brown double Streak", Pétiver, 1703 ; "The Brown Hairstreak", Ray, 1710, "The Hairstreak" Butterfly, Albin 1720.

          En France, il reçut les noms de  "Porte-queue fauve à deux bandes blanches " (Geoffroy, 1762) ; "Le Porte-queue à bandes fauves" (Engramelle, 1779) ; "Le Polyommate du Bouleau" (Godart, 1821) ; "Le Thécla du bouleau"  (seconde partie XIXe et P. Robert 1934) ; "La Thécla du Bouleau" (G. C. Luquet, 1986) ; "La Thécla orangée" (C. Perrein, 2013)

 

I. Les Noms français. 

 

1. Le Porte-queue fauve à deux bandes blanches, Geoffroy, 1762.

  Étienne Louis Geoffroy Histoire abrégée des Insectes qui se trouvent aux environs de Paris, Volume 2 page 58 n°27.

Papillons à six pieds. II, Les petits Porte-queues.

"Ce papillon est fort rare dans ce pays, je n'ai jamais trouvé que le seul que j'ai. M. Linnaeus dit que sa chenille vient sur le bouleau : elle est du nombre des chenilles cloportes"

 

— Dans l'édition latine par Fourcroy en 1785 de l'Histoire des insectes de Geoffroy page 243 n°27, cette espèce est nommée P. betulae, avec la mention habitat sylvas, larva betulam, "vit dans les bois, la chenille sur le bouleau".

 

 

 

2. Le Porte-queue à bandes fauves , Engramelle, 1779.

Jacques Louis Engramelle Papillons d'Europe, peints d'après nature, Volume 1 page 152 Planche 35 fig. 70 a-f  par J.J Ernst gravée par J.J. Juillet  1779.  

 


3. Polyommate du bouleau, Latreille et Godart 1819

Latreille et Godart Encyclopédie méthodique, Paris : Vve Agasse tome 9, page 647 n° 110.

Cet article permet de disposer de l'ensemble des références bibliographiques sur cette espèce, notamment par les auteurs germaniques, autrichiens ou suisses.

Latreille avait crée en 1804 le genre des Polyommates ("à plusieurs yeux", un équivalent d'Argus), défini par "des palpes inférieurs de longueur moyenne, ou courts". (Considérations générales sur l'ordre des insectes p. 355).

 

 

 

6. Le Polyommate du bouleau, Godart 1821,

      Jean-Baptiste Godart, Histoire naturelle des lépidoptères ou papillons d'Europe, Paris : Crevot 1821/1823, page  181 planche IX fig. 1 (♀) peinte par Delarue et gravée par Auguste Dumenil. 

 


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 Ce nom a été repris  par Hippolyte Lucas (1834) page 25, P.A. Duponchel et Guenée 1849 , par Le Borgne de Kermorvan en 1836 pour le Finistère (in E. Souvestre), Achille Pénot 1831 (Haut-Rhin), Henry Milne-Edward 1843,  Aristide Dupuis 1863.

7. "Le Thécla du Bouleau" est utilisé dès 1869 par Guillaume Louis Figuier (Les Insectes), puis dans diverses revues, et enfin par Paul Robert (1934).

 

 

La Chenille.

 

 Le Polyommate du bouleau (Duponchel, 1849).

P.A.J. Duponchel, 1849 Iconographie et histoire naturelle des chenilles page 77 planche 7 par Dumenil fig. 27 a (chenille) et b (chrysalide). Image BHL

Cette chenille vit sur le bouleau blanc (betula alba), le prunier épineux (prunus spinosa), et principalement sur le prunier domestique (prunus domestica) ; ausi son papilon se rencontre-t-il le plus souvent dans les jardins fruitiers que dans les bois. Elle ne paraît qu'une fois dans le courant juin, et sa transformation en chrysalide a lieu ordinairement à la fin de ce mois. L'insecte parfait se montre du milieu de juillet jusqu'en septembre. Cette espèce se trouve dans toute l'Europe, mais elle est solitaire et abondante nulle part.

La plante représentée est le bouleau blanc (Betula alba).

On constate que l'illustration est assez exacte, si on la rapproche des photographies d'un site comme lepiforum. Comment concilier cette exactitude avec l'erreur de la plante-hôte ?

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6. La revue des noms vernaculaires par Gérard Luquet en 1986.

       Dans la révision des noms vernaculaires français des rhopalocères parue dans la revue Alexanor en 1986, Gérard Christian Luquet propose comme nom principal "La Thécla du Bouleau", et comme nom accessoire "La Thècle du Bouleau" tout en citant "Le Porte-queue à bandes fauves" d'Engramelle pour l'écarter en raison de sa longueur. 

  Une note 35 indique :

"Contrairement à ce qu'indique Le Cerf ( 1944 Atlas des Lépidoptères de France, I. Rhopalocères,  Editions Nérée Boubée et Cie, Paris p. 62) la Thécla du Bouleau se développe aussi sur le bouleau".

Aujourd'hui, aucun des sites de références ne confirment que le Bouleau est aussi une plante hôte de Thecla betulae : lepinet, lepiforum, UK Butterflies, Butterfly Guide, Papillons de Poitou-Charentes, etc. Tolman et Lewington donnent uniquement P. spinosa.  Lafranchis écrit "Le Bouleau est cependant cité comme plante-hôte occasionnelle en Allemagne et en Scandinavie" sans donner ses sources. Luquet lui-même écrit aujourd'hui "Les chenilles se nourrissent sur Prunus spinosa L." [Dupont et al. (2013)]. Or, le nom "La Thécla du Prunellier" est déjà attribué au Satyrium pruni. Cela montre les risques que prennent les nomenclateurs lorsqu'ils introduisent le nom d'une plante-hôte pour créer un zoonyme, scientifique ou vernaculaire. Il faudrait corriger par exemple les noms de Linné pour napi, rubi, ou betulae, et, déjà, les noms de G. Luquet pour l'Azuré de la Sarriette ou le Thécla du Bouleau. Or, un nom zoologique a comme objet de créer un signifié arbitraire mais consensuel, et tout changement rend ce consensus hasardeux. Des noms comme "Vulcain", ou "Apollon", qui n'ont pas à se justifier en fonction des caractères de l'espèce, sont beaucoup plus judicieux, et combien plus plaisants à utiliser !

  Dans son travail de création ou de réorganisation des noms vernaculaires, G. Chr. Luquet a regroupé les membres de la sous-famille des Theclinae (ses Théclines) sous les mêmes noms de "Thécla de-" (11 espèces) ou de Faux-Cuivrés de-" ( 7 espèces), éliminant tous les anciens noms de "Porte-Queue". 

 Par ailleurs, Gérard Chr. Luquet rappelle à nos esprits étourdis —au mien tout du moins— que le nom de "Thécla" (ou "Thècle") est du genre grammatical féminin, comme le prénom dont il est issu.

 

 

6'. "La Thécla orangée".

Je découvre ce nom mentionné par Perrein et al. (2013) à coté de celui de "Thécla du Bouleau"; ces auteurs ne  commentent pas cette mention, que je n'ai pas retrouvé attesté auparavant. Il peut s'agir d'une tentative de se dégager élégamment de la problématique du nom piégé par une plante-hôte erronée.

 

 

7. Noms vernaculaires contemporains :

 

  Charles Oberthür et Constant Houlbert , dans leur Faune armoricaine de 1912-1921, utilisent le nom scientifique de Zephirus betulae L., mais utilisent dans leur texte page 194 le nom "Le Porte-queue à bandes fauves". 


—Bellmann / Luquet 2008 : "La Thécla du Bouleau".

— Blab, Luquet 1988 : "La Thécla du Bouleau"

— Chinery / Luquet 2012  : non représentée

— Doux & Gibeaux 2007 : "La Thécla du Bouleau".

— Higgins & Riley /Luquet 1988 : "La Thècle du Bouleau". 

— Lafranchis, 2000 : "La Thécla du Bouleau" .

— Perrein et al., 2012 : "Thécla du Bouleau, Thécla orangée".

— Tolman & Lewington / P. Leraut 2009 : "Thécla du bouleau".

— Wikipédia : "La Thècle du bouleau ".


    

 

III. Les noms vernaculaires dans d'autres pays.

 

 

  • "Nierenfleck-Zipfelfalter" en allemand : "taches réniformes-pointe-papillon ou Porte-queue à tache réniforme"
  • "Ruostenopsasiipi"  en finnois
  • "Pazik brzozowiec" en polonais
  • "Brezov plavorepac" en croate : Plavorepac du bouleau.
  • "Bērzu zefīrs" en letton : zefirs du bouleau.
  • "Ostrôžkár brezový"  en slovaque : ...du bouleau.
  • "Ostruháček březový" en tchèque : ...du bouleau.
  • "Beržinis zefyras" en lithuanien 

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  • "Topacio" en espagnol : le Topaze
  • "Guldhale" en danois  : Queue d'or.
  •  "Nyírfa csücsköslepke" en hongrois : du bouleau
  • "Sleedoornpage" en néerlandais : page ? du Prunellier
  • "Eldsnabbvinge" en suédois
  • "Kase-siilaktiib" en estonien
  • "Slåpetornstjertvinge" en norvégien : Papillon à queue du Prunellier
  • "Huşgüzeli" en turc : la belle du bouleau.
  •  

     

     

     

    Langues celtiques  : 

    1. langues gaéliques :  irlandais (gaeilge) ; écossais (Gàidhlig ) ; mannois ( gaelg :île de Man).

    •  en irlandais

    •  en mannois.
    • "" en gaélique écossais*

    2. Langues brittoniques : breton (brezhoneg) ; cornique (kernevek); gallois (Welshcymraeg).

    •  pas de nom en breton ; 

    • " Brithribin brown " en gallois.

     *Liste des noms gaéliques écossais pour les plantes, les animaux et les champignons. Compilé par Emily Edwards, Agente des communications gaélique, à partir de diverses sources.   http://www.nhm.ac.uk/research-curation/scientific-resources/biodiversity/uk-biodiversity/uk-species/checklists/NHMSYS0020791186/version1.html

     Voir aussi :http://www.lepidoptera.pl/show.php?ID=70&country=FR

     

     

           


    IV. Les noms vernaculaires en anglais (M.A. Salmon, 2000).

           La Thécla du bouleau est nommé par les anglais The Brown Hairstreak, le (papillon) Brun aux stries (comme des cheveux). Il appartient à un groupe de cinq Hairstreak, avec le vert (Green Hairstreak, Callophrys rubi), le violet (The Purple Hairstreak, Quercusia quercus), le noir (The Black Hairstreak, Satyrium pruni), et celui aux lettres blanches ( The White letters Hairstreak, Satyrium w-album).

    Son nom a été successivement :

    • "The Brown double Streak", mâle : Pétiver, 1703.
    • "The Golden brown double Streak", femelle : Pétiver, 1703.
    • "The Brown Hairstreak", ou Hair-Streak, ou Hair Streak : mâle : Ray, 1710 ; Wilkes, 1747-49 ; Harris, 1766 ; Jermyn, 1824 ; Rennie, 1832 ; Humphreys & Westwood 1841 ; Wood, 1852 ; et la plupart des auteurs suivants
    • "The Golden Hairstreak, femelle : Ray, 1710.
    • The Hairstreak Butterfly, Albin 1720.

     

     

     

     

     


                                   Mes images.

    Œuf sur Prunus spinosa, St-Hernot, Crozon (29), 24-02-2014.

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                 Bibliographie, liens et Sources.

     

     

    — Funet : Thecla    

    — Inventaire national du patrimoine naturel (Muséum) : Thecla betulae

    — UK Butterflies : Thecla betulae

    — lepiforum : Thecla betulae

     —Images : voir les superbes dessins de Hübner ().

    HÜBNER, Jacob, 1761-1826 Das kleine Schmetterlingsbuch : die Tagfalter : kolorierte Stiche,  Insel-Bücherei ; . http://www.biodiversitylibrary.org/item/138312#page/35/mode/1up

     

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    —  BOISDUVAL (Jean-Alphonse) Essai sur une monographie des zygénides : suivi du Tableau méthodique des lépidoptères d'Europe Paris : Méquignon-Marvis 1829 Gallica

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    LATREILLE (P.A.) Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle appliquée aux arts, Paris : Detreville vol. 17, 1803 ici

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    —LATREILLE, P. A., 1805. Histoire Naturelle, Générale et Particulière des Crustacés et des Insectes. Tome XIII, p. 369. Paris : Dufart.

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    — MERIAN (Maria-Sibylla) Der Raupen wunderbare Verwandelung, und sonderbare Blumen-nahrung: worinnen, durch eine gantz-neue Erfindung, Der Raupen, Würmer, Sommer-vögelein, Motten, Fliegen, und anderer dergleichen Thierlein, Ursprung, Speisen, und Veränderungen, samt ihrer Zeit, Ort und Eigenschaften (Band 2) Nürnberg , Frankfurt , Leipzig, 1683 Volume 2 (insectes d'Europe) digitalisé par  Universitätsbibliothek Heidelberg;

     — MERRET (Christopher) 1667  Pinax Rerum Naturalium Britannicarum. 1667. Google Books

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    — PETIVER (James) 1767 Jacobi Petiveri Opera, historiam naturalem spectantia containing several thousand figures of birds, beats, fifh, reptiles, insects shells, corals, and fossils; also of trees, shrubs, herbs, fruits, fungus's, mosses, sea-weeds, &c. from all parts, adapted to Ray's History of plants on above three hundred copper-plates, with English and Latin names, London, James Empson (éditeur), 1767  Version Books.Google 

    — PETIVER (James) 1717 Papilionum Brittaniae Icones (1717)  

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     ROBERT (Paul A.)  1934 — Les Papillons dans la nature, Delachaux et Niestlé : Neufchâtel et Paris,  405 p., 64 pl. couleurs books.google.fr/books?id=jSFDAAAAYAAJ

    — RÖSEL VON ROSENHOF   1764-68  De natuurlyke historie der insecten; voorzien met naar 't leven getekende en gekoleurde plaaten. Volgens eigen ondervinding beschreeven, door den heer August Johan Rösel, van Rosenhof, miniatuur-schilder. Met zeer nutte en fraaie aanmerkingen verrykt, door den heer C. F. C. Kleemann ...Te Haarlem, By C. H. Bohn en H. de Wit, boekverkoopers [1764-68] BHL Library 
    Rösel von Rosenhof 1746 Der monatlich herausgegebenen Insecten-Belustigung  Nürnberg.http://digi.ub.uni-heidelberg.de/diglit/roesel1746ga

     — SALMON (Michael A.) 2000, The Aurelian legacy, British butterflies and their collectors, University of California Press, 2000.

    — SCHAEFFER (Jacob-Christian)  Iacobi Christiani Schaefferi  1766Icones Insectorum circa Ratisbonam indigenorum coloribus naturam referentibus expressae = Natürlich ausgemahlte Abbildungen Regensburgischer Insecten Regensburg [Ratisbonne]: gedruckt bey H.G. Zunkel, [1766?-1779?] ; Gravure par Haid, Johann Jacob (1704-1767), 5 tomes in-4° avec 220 planches coloriées VOL. II Google

    SCOPOLI (Jean-Antoine) Ioannis Antonii Scopoli Med. Doct. S.C.R. ... Entomologia Carniolica exhibens insecta Carnioliae indigena et distributa in ordines, genera, species, varietates : methodo Linnaeana. Vindobonae :Typis Ioannis Thomae Trattner ...,1763. En ligne BHL.

     — SCUDDER, S. H. 1875. "Historical sketch of the generic names proposed for Butterflies: a contribution to systematic nomenclature". Proceedings of the American Academy of Arts and Sciences, 10: 91-293. 

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     — SOUVESTRE (Émile), 1836  Voyage dans le Finistère par Jacques Cambry, revu et augmenté par- : "Tableau systématique des lépidoptères qui se trouvent dans le département du Finistère" par  [(Hesse et) Le Borgne de Kermorvan] Brest : Come et Bonetbeau, 1835 page 165

    — SWAMMERDAM (Jan) 1685 Historia insectorum generalis et 1737-38 Biblia naturae (Leyde)

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    — TOLMAN (Tom), LEWINGTON (Richard), Guide des papillons d'Europe et d'Afrique du Nord, traduction et adaptation française Patrick Leraut,  Paris : Delachaux et Niestlé 1999 et 2009, 384 pages.

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    — ZIMMER, (Dieter E., rédacteur du mensuel Der Zeit) 2012 A guide to Nabokov's Butterflies and Moths et Butterflies and Moths in Nabokov's Published Writings , Web version 2012.


     

                               III. Boite à liens. 

          Liste des références d' auteurs avec les liens vers leurs publications:  http://www.ukbutterflies.co.uk/references.php

    Taxonomie : Global Butterfly Information System :http://www.globis.insects-online.de/search

    Abréviations de références utilisées par Linné et autres auteurs : Animalbase

    Fabien Raimbault, A la recherche des noms d'insectes...ou les principes de la recherche étymologique appliquée à l'entomologie :http://www7.inra.fr/opie-insectes/pdf/i86raimbault.pdf

    Les papillons du Systema Naturae de 1758  :   http://en.wikipedia.org/wiki/Lepidoptera_in_the_10th_edition_of_Systema_Naturae

    Albin :http://gdz.sub.uni-goettingen.de/dms/load/img/?PPN=PPN477852769

    Billberg http://www.biodiversitylibrary.org/item/105024#page/87/mode/1up

    Boisduval chenille 1832 :   http://www.biodiversityheritagelibrary.org/bibliography/51588#/summary

    Boisduval Tableau meth. http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97190k/f1.image.pagination.r=Boisduval.langFR

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    Tutt vol.2 1908 : http://archive.org/stream/naturalhistoryof09tutt#page/n4/mode/1up

    Tutt v3 1909 :http://archive.org/stream/naturalhistoryof10tutt#page/n4/mode/1up

    Tutt v4 1914 : http://archive.org/stream/naturalhistoryof04tut#page/n4/mode/1up

     

     De Villers 1789 :  https://archive.org/stream/carolilinnaeient02linn#page/

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    • "Il faudrait voir sur chaque objet que tout détail est aventure" ( Guillevic, Terrraqué).  "Les vraies richesses, plus elles sont  grandes, plus on a de joie à les donner." (Giono ) "Délaisse les grandes routes, prends les sentiers !" (Pythagore)
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