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19 juin 2023 1 19 /06 /juin /2023 14:47

Iconographie des saints Côme et Damien en Bretagne : une enseigne de pèlerinage du premier tiers du XVIe siècle trouvée à Rennes dans les fouilles de l'hôpital Sainte-Anne.

 

 

 

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Voir les articles précédents sur l'iconographie des saints Côme et Damien :

Hors Bretagne :

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PRÉSENTATION.

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Du douzième au seizième siècle, les enseignes - sorte de broches de plomb et d'étain - ont été largement répandues dans le monde chrétien occidental. Les enseignes de pèlerinage peuvent être tout d'abord considérées comme des souvenirs de pèlerinages et véhiculent ainsi une idée de mémoire. Fixées au vêtement du pèlerin, elles sont aussi des signes de l'identité et signalent ainsi la place, le statut de l'individu dans la société médiévale. L'enseigne de pèlerinage a pu être mise en contact avec les reliques du sanctuaire et acquiert ainsi les pouvoirs magiques des reliques ; l'enseigne de pèlerinage devient le support pour un imaginaire. Les trois principes de mémoire, d'identité et d'imaginaire semblent être également véhiculés par les enseignes profanes. Cette catégorie d'objets comprend les enseignes de livrée, les enseignes politiques, les enseignes funéraires ou commémoratives, les souvenirs de fêtes populaires et les objets semblant procurer une protection talismanique. Les enseignes apparaissent ainsi comme des témoins très importants de l'art et des mentalités au moyen âge. (D. Bruna) Elles  témoignaient de l'accomplissement d'un pèlerinage en un lieu saint et identifiait ceux qui la portaient comme pèlerins. " Ces deux objets correspondent à des insignes – ou enseignes – de pèlerins. Ils ont l’apparence d’une broche que les fidèles arborent sur leurs vêtements au moyen d’une épingle ; ils sont largement répandus dans la vie quotidienne et religieuse de la fin du Moyen Âge. Tels des souvenirs en mémoire du pèlerinage effectué, les insignes sont achetés auprès de « faiseurs d’enseignes » qui installent leurs étals près des églises. Les deux enseignes de Rennes, comme les quelques milliers que nous conservons aujourd'hui dans les collections publiques et privées, sont réalisées dans un alliage de plomb et d’étain, matériau facile à travailler et bon marché. Cette dernière particularité permet à tous les groupes de la société d’acquérir ces pièces pour témoigner de leur attachement dévotionnel à un saint ou à un sanctuaire."

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​​​​​​​Dans un article de 2014, Françoise Labaune-Jean a présenté la découverte d'une enseigne de pèlerinage représentant les saints Côme et Damien, enseigne du début du XVIe siècle découvert lors des fouilles de l'ancien hôpital Sainte-Anne de Rennes (Fouilles du métro V.A.L. station place Sainte-Anne). Celle-ci atteste du culte des saints médecins en Bretagne au début du XVIe siècle.

 

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L'hôpital Sainte-Anne date de la fin du XVe aux environs de 1564 avec successivement son essor, son déclin puis l’arrêt de l’activité hospitalière. Les enseignes en plomb ont été découverts, avec des rouelles et des pendentifs ou de la vaisselle dans un dépotoir, la vaste cuve d’une buanderie, utilisée comme dépotoir avant son remblaiement définitif au milieu du xvie siècle, installée dans le creusement d’une ancienne carrière médiévale, et qui se compose d’un vaste espace rectangulaire de maçonnerie délimitant la réserve d’eau d’une contenance d’au moins 400 m3. Restée inachevée pour une raison inconnue, la cuve a été transformée en dépotoir, fournissant ainsi une extraordinaire quantité de matériel archéologique. Outre deux tonnes de récipients en céramique, on compte bon nombre de verres, d’écuelles et peignes en bois, de jeux de marelles gravées sur des ardoises, de déchets alimentaires, de fragments d’étoffes, etc., autant d’objets illustrant la vie quotidienne du secteur. mais la présence d'un moule peut  laisser "imaginer la présence, parmi les malades de l’hôpital, d’un artisan graveur continuant son activité dans l’attente d’une guérison prochaine, à moins que sa présence ne soit plus mercantile avec une installation à proximité d’une clientèle potentielle. N’oublions pas non plus l’afflux de pèlerins dans ce secteur de Rennes, le culte de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle se déroulant juste à proximité dans le couvent des jacobins. Avec l’enseigne à l’effigie de saint Côme et saint Damien, vénérés pour leur pratique de la médecine et leurs guérisons miraculeuses, et celle de saint Sébastien enrayant les épidémies de peste, on peut aussi envisager un artisan lié à l’hôpital ou profitant de sa proximité comme opportunité pour écouler sa production. Quelle que soit la solution retenue, ces pièces n’en demeurent pas moins importantes. Elles sont très bien datées du premier tiers du xvie siècle par leur association à des monnaies et des verres. Illustrant la vie quotidienne et les croyances de l’époque, tous ces souvenirs témoignent aussi de l’importance des pèlerinages à l’époque médiévale et du fort désir de rapporter une part de sacré lors de ces si populaires mouvements de piété."

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DESCRIPTION.

L'objet de 5,7 cm sur 2,7 cm et 0,05 cm d'épaisseur est  conservé au Musée de Bretagne :

 

L'enseigne se compose d’une plaque en plomb et étain, avec un décor ajouré en faible relief (5,65 cm de hauteur ; 2,65 cm de largeur maximale ; 0,05 cm d’épaisseur) et dont l’ardillon servant à la fixation est conservé à l’arrière. Le décor se décompose en deux registres. Dans la partie basse, saints Côme et Damien, de face, portent de longues robes drapées et tiennent des lancettes de chirurgien (ou des cuillères à onguent) ; celui de gauche pose la main sur une tête (d'une femme,  d’un  animal ou du démon).

La scène est incluse dans un cercle plat sur lequel apparaissent deux inscriptions en faible relief indiquant le nom des deux personnages figurés : SAINT COME et SAINT DAMIEN. Une ligne de doubles cercles pointés ceinture ce bandeau sur l’extérieur.

La partie supérieure montre une figure de Marie portant le Christ enfant et tenant une palme (ou Saint Christophe portant l'Enfant sauveur du monde — il tient la sphère du Monde— et tenant le bâton de marche (brisé) qui produit miraculeusement des feuilles) ; elle ou il se tient dans une niche architecturale décorée de perles et dont le fronton triangulaire se termine par les trois branches d’une croix perlée. Les deux piédroits portent une inscription en faible relief.

Selon Denis Bruna, cette enseigne a pu être utilisée au XVIe siècle mais elle se rapproche d'un type plus ancien datable du milieu du XVe siècle environ.

Une autre enseigne en plomb (cf. infra) a été trouvée à l'effigie de saint Sébastien.

On sait que Côme et Damien étaient des frères jumeaux qui pratiquaient gratuitemement la médecine dans une ville de Cilicie, c’est pourquoi ils sont représentés sur l’enseigne avec des attributs médicaux : le bonnet et la robe de médecin, des instruments chirurgicaux et un pot à pharmacie. 

 

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Enseigne de pèlerinage à l’effigie de Saint Côme et Saint Damien, fouilles de l'hôpital Sainte-Anne de Rennes.

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Enseigne de pèlerinage de l'hôpital Sainte-Anne de Rennes. Numéro d'inventaire : D2004.0002.52

 

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Enseigne de pèlerinage, Hôpital Sainte-Anne de Rennes. Numéro d'inventaire : D2004.0002.52

 

 

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L'examen détaillé montre que la lancette ou "plume" ou "spatule" de chaque saint est tenue de la même manière et est assez comparable avec une extrémité élargie en feuille de saule, ne permettant pas de préciser s'il s'agit d'un ustensile de chirurgie (incision ou saignée) ou de pharmacie (spatule à onguent). Leur coiffure (bonnet de docteur), leur visage et leur  ample manteau plissé (serré par une ceinture) sont identiques.

Par contre, l'un des saints (du côté où l'inscription indique Saint Damien) pose la main sur une tête (imposition  de guérison ? Exorcisme ? Geste d'onction ?). Voir mes réflexions et documents iconographiques ici :

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L'autre , du côté de l'inscription Saint Côme, tient en main droite un pot à onguent. Mais au dessus, se trouve une ampoule sphérique qui pourrait très bien correspondre à la matula, ou vase d'urine, le fameux accessoire d'uroscopie qui est l'attribut de Côme comme medicus, son frère étant cyrugicus.

 

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La seconde plaque de plomb fragmentée est de forme rectangulaire . Le décor reconstitué sur deux registres montre, en partie basse, les effigies de saint Jean-Baptiste et saint Sébastien, séparés par une Vierge à l’enfant. Le registre supérieur délimité par une architecture stylisée ne conserve qu’un personnage couronné, de petite taille, vêtu d’une longue tunique et présentant devant lui une sorte de coffret.

La présence concomitante de deux saints médecins, d'une part, et d'un saint anti-pesteux, d'autre part, dans le dépotoir d'un hôpital, est bien-sûr intéressante.

 

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Saint-Sébastien et saint Jean-Baptiste : seconde enseigne fragmentaire mais dont l’agencement est restituable

 

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D'autres enseignes de pèlerinage dédiés à saint Côme et saint Dalmien.

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Trouvés à Paris et conservés au Musée du Moyen-Âge de Cluny, ils proviendraient de Luzarches (Val d'Oise), où les reliques de Côme et Damien attiraient les foules.

1. Enseigne circulaire au bord orné d'une torsade XVe siècle Musée Cluny, CL4747. Prov Luzarches étain moulé, plomb diam 0.027 m

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https://www.pop.culture.gouv.fr/notice/joconde/50030022203

 

Saint Côme et saint Damien sont séparés au centre par un saint évêque indéterminé. Reconnaissables à leur robe au col fourré, à leur bonnet et à la boîte d'onguents, les saints jumeaux sont représentés debout et nimbés.

 

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2. Enseigne rectangulaire  Premier quart XVe siècle Musée Cluny, CL 18011

Enseigne ajourée de forme rectangulaire et sommée d'un gable dont les bords extérieurs sont ornés de crochets. A l'intérieur, deux arcs trilobés surmontés de deux arcs en plein cintre et d'une rose ajourée.

Figures identiques de saint Côme et saint Damien. Debout, vêtu d'une robe au col fourré et d'un bonnet, chaque personnage est montré nimbé et semblant tenir de la main droite une boîte d'onguents

2. Enseigne rectangulaire  Premier quart XVe siècle Musée Cluny, CL 18011.

Prov Luzarches plomb étain moulé, H. 8.1 ; L. 5, Inscriptions S. COVME. ET. S. DAMIEN

https://www.photo.rmn.fr/archive/98-005212-2C6NU0NSJ7PM.html

 

 

Description

Enseigne ajourée de forme rectangulaire et sommée d'un gable dont les bords extérieurs sont ornés de crochets. A l'intérieur, deux arcs trilobés surmontés de deux arcs en plein cintre et d'une rose ajourée.

Figures identiques de saint Côme et saint Damien. Debout, vêtu d'une robe au col fourré et d'un bonnet, chaque personnage est montré nimbé et semblant tenir de la main droite une boîte d'onguents

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Enseigne de pèlerinage : saint Côme et saint Damien Paris, musée de Cluny - musée national du Moyen Âge photo RMN

 

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SOURCES ET LIENS.

 

— BAZOT( Claude). 1633 ,Le pélerinage de sainct Cosme et sainct Damian en l'église collégiale de Luzarches au diocèse de Paris / par C. Bazot,..., édité à Paris

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k35023f/f29.item

— BRUNA (Denis)1996, Les enseignes de pèlerinage et les enseignes profanes. Musée national du Moyen Âge (catalogue)

— BRUNA Denis (1999),“De L'agréable à L'utile : Le Bijou Emblématique à La Fin Du Moyen Age.” Revue Historique, vol. 301, no. 1 (609), 1999, pp. 3–22

— BRUNA D., Les enseignes de pèlerinage et les coquilles Saint-Jacques dans les sépultures du Moyen Age en Europe occidentale. In: Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1991, 1993. pp. 178-190

— BRUNA D., Les récentes acquisitions d'enseignes de pèlerinage et d'enseignes profanes au Musée national du Moyen Age. In: Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1995, 1997. pp. 349-360

— BRUNA D., Témoins de dévotion dans les livres d’heures à la fin du Moyen-Âge, Revue Mabillon, n.s., t.9 (= t.70), 1998, p. 127 – 161.

— BRUNA D. Un moule pour enseignes de pèlerinage à l'image de la «Belle Vierge » de Rastisbonne. In: Bulletin de la Société Nationale des Antiquaires de France, 1992, 1994. pp. 317-324;

— BURKARDT A., L'économie des dévotions: Commerce, croyances et objets de piété à l'époque moderne, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2016

 

— LABAUNE-JEAN (Françoise), 2014,« Quelques enseignes de pèlerins et des moules de production de petits objets en plomb découverts à Rennes », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest 2014/4 (n° 121-4),  Presses universitaires de Rennes pages7-12.

https://journals.openedition.org/abpo/2858#bodyftn12

 

— THUAUDET O., La pratique du pèlerinage en Provence à la fin du Moyen Âge et au début de l’époque moderne d’après les enseignes et les ampoules. Archéologie Médiévale, CRAHAM, 2017, 47, pp.89-129

 
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Published by jean-yves cordier - dans Côme et Damien. Presqu'île de Crozon
20 mars 2020 5 20 /03 /mars /2020 19:24

 

Iconographie des saints Côme et Damien dans  les Heures dites d'Henri IV (enluminé par le Maître des Triomphes de Pétraque, v. 1580-1590) : BnF Lat. 1171 folio 81v .

 

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Cet article appartient à une série sur l'iconographie des saints Côme et Damien, les deux  frères jumeaux médecins qui soignaient gratuitement. Ils sont pourtant devenus les patrons des chirurgiens et, plus tardivement, des pharmaciens.

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PRÉSENTATION.

Ce Livre d'Heures à l'usage de Rome a certes appartenu à Henri IV, mais son premier propriétaire reste inconnu, malgré les lettres M brisées (ou intriquées à une M inversée en W), l'absence significative de la lettre M dans les alphabets d'ornements, trois petits blasons, la devise énigmatique CAR NON, des allusions aux cordeliers (cordes à nœud de capucins, cordes déchirées, ...)  et autres indices (plutôt défectifs) tirés des fêtes et saints du calendrier et des suffrages. C'est énervant. Est-ce un homme ou une femme ? Les deux hypothèses trouvent leurs arguments.

Un livre d'heures (Morgan Library, M.618)  du même artiste, contient un poème "Je porte une M partout à ma devise", et a appartenu très vraisemblablement au même propriétaire monomaniaque de M qui y affiche cette devise JE PORTE UNE M enrubannée, ses couleurs "gris et tanné" et ajoute la lettre A comme indice (AM MA etc.). 

On sait néanmoins que le cardinal Georges d'Amboise n'est pas loin. Il a racheté le manuscrit pour la bibliothèque de sa résidence de Gaillon.

On sait aussi que ce commanditaire avait des goûts de luxe, mais teinté d'austérité ("gris et tanné"... ) témoignant sans doute d'une spiritualité élevée.  Goûts de luxe, car ses précieuses Heures est le seul manuscrit occidental connu au monde à être entièrement couvert de feuille d'or même sous les enluminures.  Austérité, car il a délaissé les couleurs vives pour des  peintures en grisaille et des  dessins à la plume sur fond d'or.

 L'auteur des enluminures est, par contre, bien identifié : c'est celui qui a enluminé les Triomphes de Pétrarque  BnF Fr. 594 et les Remèdes de bonne fortune BnF fr. 225  commandés par Georges d'Amboise à Rouen pour Louis XII. Il serait proche de l'atelier parisien de Jean Pichore, mais semble plus âgé que ce dernier. Il a été influencé par les enlumineurs de la vallée de la Loire, comme Jean Colombe et Jean Poyer.

Le dispendieux dépouillement des peintures en grisaille et des vêtements blancs et or des Heures d' Henri IV,  se retrouve dans les Heures "Je porte une M", dans les Heures de Claude Molé et dans les Petites Heures d'Anne de Bretagne, tous du Maître des Triomphes de Pétrarque. L'enluminure de David observant Bethsabé au bain se retrouve de façon identique dans ces manuscrits.

 

—Heures de Claude Molé, 10 grandes miniatures et 14 petites, vers 1500, Morgan Library and Museum, New York, M.356

http://ica.themorgan.org/manuscript/thumbs/76860

— Heures à l'usage de Rome "Je porte une M", 8 grandes miniatures, vers 1505-1510, Morgan Library, M.618 http://ica.themorgan.org/manuscript/thumbs/76912

— Petites Heures d'Anne de Bretagne, commandées par Georges d'Amboise pour Anne de Bretagne (?), vers 1503, BNF, NAL. 3027

 

 

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Les saints Côme et Damien.

L'enluminure se détache sur un fond noir marbré orné de la lettre M brisée, selon un procédé propre au Maître des Triomphes de Pétrarque. Comme les 89 autres enluminures, elle est pauvre en couleurs, avec des camaïeu de gris et les personnages sont vêtus de blanc avec des galons de pseudo-écriture en filigrane or.

Le titre est DE SANCTORUM COSME ET DAMIANE. Ce titre est important, car il indique sans ambiguité le nom de chaque saint : saint Côme et à gauche, il tient le flacon de verre destiné à mirer les urines, tandis que Damien est à droite. Or, très souvent, dans les sculptures, l'identité des saints a été inversée lorsqu'on a ressenti le besoin de les nommer aux fidèles. D'autres documents iconographique l'attestent, les deux saints suivent dans leur disposition dans l'espace de gauche à droite celui de la formule "Côme et Damien" fixée dans la liturgie.

Les saints se détachent sur un paysage de désert, toutefois animé par un groupe d'arbres et par un parterre fleuri, en rosettes.

Ils portent tous deux l'habit et la coiffure propre à leur fonction de médecin. Mais, comme je tente de le prouver depuis le début de cette analyse iconographique, les deux médecins ne se distinguent pas par leur fonction, et Damien n'est pas plus pharmacien ou chirurgien que son frère. Mais Côme devient l'emblème de la partie diagnostique de l'art médical, tandis que Damien est l'emblème de sa partie thérapeutique, effectrice. La clinique, et la pratique ("praticien"). Les  deux parties sont aussi inséparables que les deux frères jumeaux, qui ne sont jamais peints séparément, mais toujours en binôme.

 

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@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v.

@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v.

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Titre dans un cartouche. Les lettres capitales, à l'or, sont perlées.

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@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v.

@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v.

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Côme tient la macula ou flacon d'urine : je renvoie aux articles précédents pour la présentation de l'uroscopie. Il lève le flacon vers la lumière, et il élève le regard. Il se tourne vers l'esprit, pour la partie intellectuelle de son art.

 

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@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v.

@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v.

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À l'opposé (et cette franche opposition est déterminée), Damien regarde vers le sol : vers la matière. Il tient suspendu au poignet droit un étui, sans doute en cuir, carré dans sa moitié supérieure, et pyramidale dans la partie basse.

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@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v.

@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v.

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L'étui est orné d'un bas-relief qui peut être identifié. C'est un saint évêque, mais le baquet aux trois personnages montre qu'il s'agit de saint Nicolas bénissant les trois clercs mis au saloir.

On peut deviner l'intention sous-jacente : Nicolas s'est montré capable de vaincre la mort et de ressusciter les victimes de l'aubergiste sans cœur en invoquant Dieu.  De même, l'artiste indique que  la prière est le remède principal, dont le médecin ne peut se passer.

Nous pouvons voir dans cet étui soit un flacon d'onguent (il n'en a guère la forme), soit une boîte à pilules (elles sont alors rectangulaires, plates et divisées en compartiments), ou un étui pour les instruments chirurgicaux, principalement la ou les lancettes de saignée ou d'incision. 

J'en trouve un exemple dans l'enluminure d'un livre d'Heures de la Librairie Royale de Copenhague (mais les 2 saints tiennent une lancette).

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GKS 1612 4°: Liber horarum

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@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v.

@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v.

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Le verset et l'oraison.

Le texte est écrit en littera antiqua ronde fondée sur la minuscule carolingienne  sur le fond d'or. Lettrines blanches ; rubriques ; bout-de-ligne on branche écotée.

 

De sanctorum martirum Cosme & Damiane

Isti sunt sancti qui pro dei amore minas hominum contempserunt  sancti martires in regnum celos exultent cum angelis. O quam preciosa est mors sanctorum qui assidue assistunt ante dominum et ab invicem non sunt separati .

Versu : lusti autem in perpetuum vivent. Oro Presta quesumus omnipotens deus ut qui sanctorum martirum tuorum cosme & damiani natalicia colimus a cunctis malis imminentibus eorum intercessionibus liberemur. Per xpni dmini nostrum Amen

"Ces saints qui, pour l'amour de Dieu méprisaient les menaces des hommes, saints martyrs dans le royaume des cieux se réjouissent avec les anges . Oh, combien chère est la mort de ces saints, qui se tenant constamment devant le Seigneur,  ne sont pas séparés l' un de l'autre."

"Nous te prions instamment, Dieu tout puissant, d'accorder ta protection contre tout mal imminent à ceux qui célèbrent par leur prières l'intercession de Côme et Damien lors de l'anniversaire de leur mort."

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Commentaires et liens :

 

https://gregorien.info/chant/id/4610/9/fr

La formule presta/liberemur per se retrouve déjà pour l'octave de Côme et Damien dans le Sacramentaire de Robert de Jumièges  Rouen. Bibliothèque municipale. MSS. (Y 6) f.153v, un  manuscrit datant vers 1020 donné à l'abbaye de Jumièges par son abbé Robert Champart, quand il était évêque de Londres entre 1044 et 1051.

http://initiale.irht.cnrs.fr/codex/3800

https://archive.org/details/missalrobertjum00wilsgoog/page/n295/mode/2up/search/cosme

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https://books.google.fr/books?id=hlB4rhWIr68C&pg=PA556&lpg=PA556&dq=ut+qui+sanctorum+martirum+tuorum+cosme+%26+damiani&source=bl&ots=jkOkdHvrPg&sig=ACfU3U0YbQWumwtMuNRYJ1qbC_BZm_Hayg&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwivxJ6mpanoAhVW9IUKHWKgBc8Q6AEwAnoECAUQAQ#v=onepage&q=ut%20qui%20sanctorum%20martirum%20tuorum%20cosme%20%26%20damiani&f=false

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https://books.google.fr/books?id=EAARAAAAYAAJ&pg=PA549&lpg=PA549&dq=ut+qui+sanctorum+martirum+tuorum+cosme+%26+damiani&source=bl&ots=f7MEhsxKFz&sig=ACfU3U2Aj_ePna-007iOVhZ9eMCQkowd9g&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwivxJ6mpanoAhVW9IUKHWKgBc8Q6AEwA3oECAoQAQ#v=onepage&q=ut%20qui%20sanctorum%20martirum%20tuorum%20cosme%20%26%20damiani&f=false

Voir aussi l'oraison du Livre d'heures à l'usage de Rome Cf Horæ ad usum Romanum, France c.1490-1500 Copenhagen - The Royal Library - Ms. GkS 1612 4° folio 20

http://www5.kb.dk/permalink/2006/manus/279/eng/20+recto/?var=2

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@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v

@laBnF Gallica. Heures d'Henri IV BnF lat 1171 folio 81v

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SOURCES ET LIENS.

— ZÖLH (Caroline), 2018, Les Heures d'Henri IV, volume de commentaires du fac-similé du BnF lat. 1171 par les éditions Moleiro.

— BnF / Gallica, Horae ad usum romanum ou Heures de Henri IV, Fin du XVe -XVI e siècle

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8455949b/f164.item.zoom#

—WIKIPEDIA article Le maître des Triomphes de Pétrarque

https://fr.wikipedia.org/wiki/Ma%C3%AEtre_des_Triomphes_de_P%C3%A9trarque

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Published by jean-yves cordier - dans Côme et Damien.

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  • : Le blog de jean-yves cordier
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