Au sommet des rampes de l'escalier qui relie le cimetière bas et le cimetière haut de l'église de La Forest-Landerneau ont été placées deux statues en kersantite dans lesquelles se reconnaît au premier coup d'œil l'art et la manière de Roland Doré, dont l'atelier de Landerneau fut actif à Landerneau entre 1608 et 1663. Elles en ont le visage rond, et le fin sourire qualifié de "doréen" pour ce je ne sais quoi de serein et d'ironique qu'on n'oublie pas.
Occupent-t-elles leur emplacement d'origine, ou bien ont-elles été placées ici en ré-emploi, dans un site riche en calvaires fragmentaires ou remaniés ? En tout cas, elles ne sont pas géminées, et ne proviennent donc pas (a priori) des croisillons d'un calvaire.
Elles ne portent aucune inscription, et aucune archive ne permet d'en préciser la datation. Viennent-elles du même site ? Le faciès du kersanton, gris fin dans les deux cas, ne m'a pas semblé identique (plus jaune pour la Catherine), mais je ne suis pas docteur es géologie. Mes photos rapprochées ne témoignent plus de cette différence qui était convaincante à mon regard in situ.
Ce sont les statues d'un saint évêque, à gauche et de sainte Catherine à droite.
Les pupilles de l'évêque sont creusées, selon un trait caractéristique du sculpteur ayant atteint la maturité de son art. Celles de Catherine ne le sont pas. Est-ce un indice fiable ?
Elles ne sont pas inconnues, et E. Le Seac'h qui les signale en donne un cliché page 209 de son ouvrage ; par contre, elles n'ont jamais été décrites spécifiquement.
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Quoiqu'il en soit, ce sont des œuvres magnifiques, qui confirment une fois de plus du talent du grand Roland. Surtout, ne les loupez pas !
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Statues des piles de l'escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le saint évêque.
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Il porte les attributs épiscopaux, que sont la mitre, la crosse tenue à gauche, et le geste de bénédiction. Aucun attribut ne permet de l'identifier parmi les nombreux saints évêques bretons.
Ses cheveux sont longs et tombent sur les épaules. Son visage est d'un ovale très allongé. Les yeux sont comme deux olives dénoyautées entre les paupières saillantes. Le nez, d'abord fin comme une lame, s'évase en narines presque épatées. Le philtrum est visible. Le sourire doréen, en zig-zag, se reconnaît aux deux fossettes qui creusent les commissures.
La chape, ou manteau, tombe jusqu'au sol, et ses pans sont réunis par un fermail comparable à une sangle, dont le mors est un cabochon prismatique. Il recouvre le surplis au plis fins s'évasant sous le cou comme une petite fraise , et une cotte talaire aux plis plus larges. Le saint, en avançant la jambe droite, fait apparaître en museau de souris la courbe arrondie d'une solide chaussure.
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On peut le comparer aux saints évêques des statues géminées du Passage à Plougastel, de Locmélar d'Irvillac, de Saint-Vendal à Pouldavid-Douarnenez (où un poisson permet d'identifie saint Corentin), de Saint-Nicodème de Ploéven et de la chapelle Seznec de Plogonnec (voir liens supra).
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Saint évêque, (kersanton, Roland Doré, v.1620-1660), escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint évêque, (kersanton, Roland Doré, v.1620-1660), escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint évêque, (kersanton, Roland Doré, v.1620-1660), escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint évêque, (kersanton, Roland Doré, v.1620-1660), escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Sainte Catherine d'Alexandrie.
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Roland Doré a représenté cette sainte ici, ainsi que sur le calvaire de Pen ar Feunteun de Guiclan, et sur celui de la chapelle de Sainte-Anne-du Portzic à Plonévez-Porzay.
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Elle porte une couronne à larges fleurons, des cheveux bouclés, et tient ses attributs, l'épée de sa décollation dans la main droite, pointe en haut vers la poitrine, et la roue équipée de lames, mais brisée, dans la main gauche. Elle est vêtue d'un manteau, qui s'entrouvre sur une robe serrée très haut sous la poitrine par une ceinture. Elle est cambrée et projette le ventre vers l'avant, selon la mode dont témoignent les Vierges gothiques.
Son visage est vraiment rond (et non ovale comme celui de l'évêque), mais le sourire caractéristique est bien là, animant une bouche petite entre les parenthèses des sillons naso-géniens.
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Sainte Catherine, (kersanton, Roland Doré, v.1620-1660), escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Catherine, (kersanton, Roland Doré, v.1620-1660), escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Catherine, (kersanton, Roland Doré, v.1620-1660), escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Catherine, (kersanton, Roland Doré, v.1620-1660), escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Catherine, (kersanton, Roland Doré, v.1620-1660), escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Catherine, (kersanton, Roland Doré, v.1620-1660), escalier du cimetière de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1910, "Notice sur La Forest-Landerneau", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie Quimper, Kerangal.
— CASTEL ( Yves-Pascal), 1985, « Roland Doré, sculpteur du roi en Bretagne et architecte (première moitié du xviie siècle) », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, tome 94, pages 97-116.
— COUFFON (René), LE BARS ( Alfred), 1988, Répertoire des églises : paroisse de LA FOREST-LANDERNEAU, Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm.
"Près de l'église, calvaire : base rectangulaire à pinacles gothiques, croix des larrons sur le croisillon"
—— COUFFON (René), 1961, "L'évolution de la statuaire en kersanton" Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, Saint-Brieuc t. LXXXIX, 1961 p. 1-45.
— LE SEAC'H (Emmanuelle), 2014, Sculpteurs sur pierre en Basse-Bretagne. Les ateliers du XVe au XVIe siècle. Presses Universitaires de Rennes.
Le cimetière de La Forest-Landerneau, qui entoure l'église, est divisé en un cimetière haut, à gauche de l'allée qui mène vers le sanctuaire, et un cimetière bas. C'est dans la partie orientale de ce dernier qu'est érigé le calvaire présenté dans cet article.
Il est décrit ainsi en 1980 par Yves-Pascal Castel dans l'Atlas des Croix et Calvaires du Finistère (je complète les abréviations) :
"n°534. La Forest-Landerneau cimetière bas, kersanton, haut de 6 mètres, XVIe siècle. Trois degrés, Madeleine à genoux. Socle cubique à griffes: 1762, MISSION 1887. Croisillon, écus aux armes de France et de Bretagne. Statues géminées: Vierge-sainte martyre, Jean-évêque. Croix à branches rondes, crucifix, groupe Notre-Dame de Pitié. [YPC 1980]"
L'abbé Castel, qui avait indiqué pour les fragments d'un calvaire du cimetière haut (Atlas n°533, cf. mon article précédent) la datation vers 1550 et avait évoqué l'atelier des Prigent, ne s'engage pas pour ce calvaire du cimetière bas (alors qu'il est l'un des meilleurs spécialistes des ateliers de sculpture en kersanton du XVI et XVIIe siècle).
Trente quatre ans plus tard, Emmanuelle Le Seac'h, dans sa thèse publiée en 2014, attribue à l'atelier Prigent non seulement les fragments (atlas n°533) du cimetière haut, mais aussi ce calvaire en écrivant dans son catalogue :
"La Forest-Landerneau, Calvaire du cimetière bas (Atlas n°534) :
Je suis surpris de cette attribution, hormis celle de Marie-Madeleine, qui s'impose (voir article précédent), voire celles du Crucifié, et de la Vierge de Pitié ("pietà"). En effet, je ne reconnais pas, sur les visages des statues géminées, le style et l'allure de l'atelier Prigent.
L'attribution du calvaire est clairement énoncée dans le Catalogue de fin d'ouvrage (p.326), mais, semble contredite dans le texte principal, page 168, ou le calvaire du cimetière bas est classé dans le paragraphe "Vestiges de croix et de calvaires" avec la phrase "Dans le cimetière bas, sur le socle de la croix, une Madeleine éplorée, les mains levées vers le Christ, est de la même facture [que les vestiges du cimetière haut, sculptés par les Prigent]". En définitive, je crois que Le Seac'h a laissé passer, dans son Catalogue, une coquille.
C'est l'intérêt d'une mise en ligne des photographies détaillées de ce calvaire que d'ouvrir une discussion sur ce point.
Dans cette discussion, nous pourrons nous référer aux différents calvaires à un croisillon et 6 personnages attribués aux Prigent :
-Saint Derrien, 1557 ?, Crucifié, Vierge, Jean, saint Georges et pietà.
-Lanhouarneau, Croas-ar-Chor, saint Hervé au revers du Crucifié, le guide et le loup géminé avec la Vierge. Saint Houarneau sous le Crucifié
-Bourg-Blanc, calvaire du cimetière, Crucifié/Christ aux liens, et croisillon à 3 personnages Vierge, Jean et Marie-Madeleine géminées aux trois acteurs de saint Yves entre le Riche et le Pauvre.
-Saint-Divy, croisillon vide, le Crucifié/Christ aux liens et pietà en dessous.
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Et d'autre part, nous remarquons que le sculpteur Roland Doré est intervenu à La Forest-Landerneau (statues d'un évêque et de sainte Catherine en haut de l'escalier).
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LE COTÉ OCCIDENTAL. LA VIERGE ET JEAN AUTOUR DU CRUCIFIÉ ; BLASON DE FRANCE.
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le Christ crucifié. Le blason aux armes du roi de France.
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Sous un titulus à l'inscription INRI en lettres romaines (alors que les tituli des calvaires du XVIe siècle me semblent porter généralement une inscription en lettres gothiques), le Christ crucifié possède les caractéristiques stylistiques suivantes :
Les mèches de cheveux qui ne sont pas collés au cou, laissant un vide, un espace ajouré entre les mèches de cheveux et le visage. La mèche droite, épaisse et tubulaire, passe devant la poitrine, celle de gauche au dessus de l'épaule.
La couronne tressée à deux brins dessinant des 8.
Les yeux clos, étirés, les pommettes saillantes, la bouche petite, aux lèvres fermées et avancées.
Une moustache partant des bords des narines, et une barbiche à deux mèches en parenthèses.
Un torse étiré, aux côtes horizontales déployées en éventail ; le nombril peu marqué ; la plaie du flanc droit peu visible.
Un pagne aux plis croisés sur le devant, avec une extrémité libre sortant du coté gauche tandis que l'extrémité droite est en dessous (les pagnes des Prigent sont noués sur le coté par une grande boucle).
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le blason est aux armes de France sous une couronne royale.
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Les armes de France en alliance avec la Bretagne (coté est) datent au plus tôt de 1499, date du mariage d’Anne de Bretagne à Louis XII , ou de 1532, le rattachement de la Bretagne au royaume. Les armoiries ne sont guère utiles à l'enquête d'attribution, car elles peuvent être très tardives.
Par contre, bien que je n'ai pu fonder mon affirmation sur une recherche précise, la présence de ces armes de France et Bretagne et l'implication du pouvoir royale sur un calvaire du Finistère me semble être une exception, peut-être due à une restauration.
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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La Vierge au calvaire.
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Son allure toute rectiligne et hiératique avec les mains jointes n'est animée que par l'avancée de la jambe droite et du pied. La robe au col rond est serrée par une ceinture, mais celle-ci n'est pas bien visible. Le col du manteau passe au dessus du voile. La guimpe qui entoure soigneusement le bas du visage est discrète car recouverte par l'encolure.
Le visage est très rond et juvénile.
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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L'apôtre Jean au calvaire.
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Son beau visage est également remarquable par ses traits juvéniles et angéliques. La robe est serrée par une ceinture et fermée par une fente pectorale à deux ou trois boutons. Jean pose une main gauche sur sa poitrine et ramène à soi le pan de son manteau.
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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LA FACE EST.
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le blason est moucheté de 12 hermines sous la couronne royale.
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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La Vierge de Pitié.
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La composition triangulaire barrée par la diagonale du corps du Christ est habituelle. La Vierge, agenouillée un seul genou à terre soutient l'épaule droite de son Fils et pose sa main gauche sur sa cuisse. Le visage est une fois encore rond et juvénile, et les pupilles sont creusées (comme le fait Roland Doré). Le lichen ne permet pas de dire si les trois larmes (assez caractéristiques des Prigent) sont présentes, mais il me semble que ce n'est pas le cas.
Le voile forme un repli au sommet de la tête, ce qui est un trait stylistique des Prigent.
Au total, je me garderai de proposer une attribution.
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Une sainte, vierge et martyre.
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Ce visage encore naïf ou poupin est celui d'une vierge et martyre, comme l'indique la palme de sa main gauche. Nous ne pouvons aller plus loin dans l'identification.
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Un saint évêque.
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Il a la mitre à fanons, la crosse et le geste de bénédiction des évêques.
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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La date de 1762 du socle.
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Calvaire du cimetière bas de La Forest-Landerneau. Photographie lavieb-aile 2021.
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Sainte Marie-Madeleine éplorée au pied de la croix. Kersanton, atelier Prigent vers 1555.
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Je l'ai décrite dans mon article sur le calvaire fragmentaire du cimetière haut. Il est de la main de l'atelier Prigent. Les trois larmes caractéristiques sont bien visibles.
"532. La Forest-Landerneau, , 1. g. k. 3 m. XVIe s. Trois degrés. Socle octogonal, Christ lié. Fût à pans avec trois petites croix en creux. Croix à pans, crucifix. [YPC 1980]"
b) La Forest-Landerneau n°533 La Forest-Landerneau n°2 . cimetière haut.
"533. La Forest-Landerneau, 1550. Trois statues provenant d’un calvaire. Groupe N.-D. de Pitié. Statues géminées: Vierge-Madeleine, Jean-personnage sans attribut. Ces pièces se rattachent à la manière des frères Prigent qui ont sculpté le calvaire de Plougonven. [YPC 1980]"
c) La Forest-Landerneau n°534 La Forest-Landerneau n°3. cimetière bas.
"534. La Forest-Landerneau, k. 6 m. XVIè s. Trois degrés, Madeleine à genoux. Socle cubique à griffes: 1762, MISSION 1887. Croisillon, écus aux armes de France et de Bretagne. Statues géminées: Vierge-sainte martyre (*), Jean-évêque. Croix à branches rondes, crucifix, groupe N.-D. de Pitié. [YPC 1980]"
— CASTEL (Yves-Pascal), 2001, Les Pietà du Finistère.( Revue bilingue breton-français Minihy-Levenez n°69 de juillet-août 2001)
— COUFFON (René), LE BARS ( Alfred), 1988, Répertoire des églises : paroisse de LA FOREST-LANDERNEAU, Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm.
"Près de l'église, calvaire : base rectangulaire à pinacles gothiques, croix des larrons sur le croisillon"
—— COUFFON (René), 1961, "L'évolution de la statuaire en kersanton" Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, Saint-Brieuc t. LXXXIX, 1961 p. 1-45.
On a réuni à l'entrée du cimetière de La Forest-Fouesnant trois groupes sculptés en kersanton (soit au total six personnages) dont l'une des particularités est que chaque personnage est en pleurs.
Face au spectateur, une Vierge de Pitié est ainsi entourée par sainte Marie-Madeleine et par saint Jean, comme dans les Déplorations.
Mais les statues de Marie-Madeleine et de Jean sont en réalité géminées, c'est à dire qu'elles présentent, au dos, un autre personnage. Au dos de Marie-Madeleine, on reconnaît aisément la Vierge éplorée au pied du Calvaire, alors que Jean au calvaire est adossé à Jean en évangéliste (non identifié comme tel par Castel ou Le Seac'h).
Les larmes sculptées dans la pierre sous chaque paupière ont une forme caractéristique, en long filet d'eau s'achevant en perle : c'est l'un des traits stylistiques de l'atelier de Bastien et Henry Prigent, installés à Landerneau (proche du lieu d'extraction de la kersantite, principalement en Rade de Brest) et actifs entre 1527 et 1577.
On connaît plusieurs Vierges de Pitié présentant ces larmes. Les Prigent les placent aussi sur les visages de Marie et Jean debout au pied de la Croix, sur les calvaires qu'ils ont laissés, notamment en Léon, mais aussi sur ceux de Marie, Jean et Marie-Madeleine en déploration autour du corps du Christ, et, enfin, sur celui de Marie-Madeleine agenouillée au pied de la Croix.
Cet indice a permis à Yves-Pascal Castel de remarquer vers 1980 que "Ces pièces se rattachent à la manière des frères Prigent qui ont sculpté le calvaire de Plougonven" et de proposer la datation de 1550 [le calvaire de Plougonven est daté de 1554, celui de Pleyben de 1555] .
Cette attribution a été validée de façon formelle en 2014 par E. Le Seac'h dans son catalogue raisonné des œuvres des Prigent (page 326), sans se prononcer sur la datation. Elle leur attribue aussi les personnages du calvaire du cimetière bas (Vierge et sainte martyre géminées, le Crucifié ; Jean et un saint évêque géminés ; Vierge de Pitié ; Marie-Madeleine agenouillée). Mais sur ce dernier calvaire, seul le visage de Marie-Madeleine porte les larmes caractéristiques.
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La réelle réussite de la disposition actuelle des statues, dont les personnages éplorés accueillent les familles se rendant sur la tombe de leurs proches, fait oublier qu'il s'agit ici de fragments d'un calvaire. Il faut se référer aux exemples (assez nombreux) de calvaires préservés pour imaginer les groupes géminés de chaque coté d'un croisillon entourant un Crucifix. La Vierge et Jean sont tournés, comme le Christ en croix, vers l'ouest, et par le fait même, Marie-Madeleine et Jean évangéliste sont tournés vers l'orient.
Au milieu du croisillon (le "nœud") se place alors, du coté est, la Vierge de Pitié, qui est creusée pour s'appliquer contre le fût.
Ce schéma est assez facile à se représenter sur place puisque c'est celui du calvaire du cimetière de contre-bas (à la différence près que les personnages géminés avec la Vierge et Jean sont un évêque et une sainte).
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Cette reconstitution mentale du calvaire d'origine peut être enrichie par d'autres statues, c'est ce que nous verrons plus bas : un Christ aux liens pouvait être placé du coté opposé à la Vierge de Pitié, et une Marie-Madeleine pouvait être agenouillée au pied de la croix.
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Six personnages d'un ancien calvaire (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Six personnages d'un ancien calvaire (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Six personnages d'un ancien calvaire (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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LA VIERGE DE PITIÉ (KERSANTON, v.1555, ATELIER PRIGENT).
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La Vierge, dont le corps forme un triangle, est agenouillée genou gauche à terre, tandis que le genou droit supporte le dos du corps de son Fils.
Le Christ est presque assis sur le genou gauche de sa Mère, et les jambes repliées mais non croisées reposent au sol par la pointe des pieds. Le dos se cambre sur le chevalet de la cuisse de Marie, en un arc qui est accentué par la chute de la tête qui se tourne vers sa droite.
La Vierge soutient son Fils par la main droite passée sous le flanc droit, tandis que sa main gauche soulève légèrement le bras du défunt. Elle est voilée, et porte la guimpe (cf. la Vierge du calvaire). Son visage est en larmes.
La plaie du flanc et celle de la main droite sont exposées au regard du fidèle.
À son dos, on constate un évidemment rectangulaire, correspondant à la forme du fût de la croix contre laquelle elle était posée.
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Bien que chaque Pietà du Finistère soit différente des autres, la posture du corps et des bras du Christ est semblable à celle des deux Vierges de Pitié de Plouvorn, attribuées à l'atelier Prigent, et marquées des trois larmes. Elle est comparable également à celle de Tal-ar-Groas en Crozon, à celle de Saint-Divy et celle du Folgoët. Les jambes du Christ sont souvent croisées.
La Vierge de Pitié du calvaire du bas répond aussi au même schéma, mais elle est d'une facture plus naïve.
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La Vierge de Pitié (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié, détail, (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié, détail, (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié, détail, (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié, détail, (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge de Pitié, détail, (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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LES VIERGES DE PITIÉ DU FINISTÈRE.
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Yves-Pascal Castel en a dénombré une centaine, en bois et en pierre, mais il englobe sous ce terme les Pietà proprement dites à deux personnages (La Vierge et le Christ) avec ce qu'il faut désormais nommer des Déplorations, où la Mère et le Fils sont entourés de Jean, Madeleine, les Saintes Femmes, Joseph d'Arimathie et Nicodème, ou Gamaliel et son fils...
Elles sont assises, ou agenouillées, et parfois debout (Brasparts) .
La Déploration de l'église de Locronan.La Déploration (kersanton polychrome, vers 1525, par le Maître de Cast ) de la chapelle du Pénity de l'église Saint-Ronan de Locronan.
Lopérec, calvaire [attribué à Fayet, compagnon de l'atelier Prigent]
Auquel j'ajoute :
Plouvorn, cimetière (3 larmes)
Plouvorn, chapelle de Lambader, fontaine (3 larmes)
Crozon, Tal ar Groas, calvaire chapelle Saint-Laurent (3 larmes)
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GROUPE GÉMINÉ MARIE-MADELEINE/VIERGE(KERSANTON, v.1555, ATELIER PRIGENT).
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1°) la Vierge.
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C'est, je l'ai dit, Marie au pied de la Croix, pleurant la mort de son Fils crucifié, la tête recouverte d'un voile et la gorge dissimulée par la guimpe du deuil, les mains jointes doigts croisés sous l'effet de la douleur et les jambes qui semblent fléchir : c'est Marie du Stabat Mater dolorosa.
Son voile, sa guimpe, son visage et ses larmes, son manteau, sa robe, ses chaussures sont ceux de la Vierge de Pitié.
L'une des caractéristiques des femmes voilées de l'atelier Prigent est que le voile est épais, rigide, à plis cassés, et nous retrouvons cela ici, mais parfois, et ce n'est pas le cas, le voile fait un pli au dessus de la tête.
Nous retrouvons le visage rond, les yeux ourlés d'un double trait, et surtout la petite bouche concave dont la lèvre inférieure s'avance en moue amère.
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La Vierge au calvaire (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge au calvaire (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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2°) Marie-Madeleine.
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Elle semble également chanceler, la tête est inclinée, mais aussi le torse, le genou gauche cède, et tout vient confirmer la crispation de la bouche réprimant un cri.
Comme d'habitude, la chevelure de Marie-Madeleine n'est pas recouverte d'un voile, et ruisselle dans son dos, seulement rassemblée au niveau de la nuque par le bandeau occipital si habituel à l'atelier Prigent, bien qu'il ne lui soit pas spécifique.
Elle tient des deux mains le flacon d'aromates destiné à l'embaumement. Elle est vêtue d'un manteau dont le pan gauche, qui a glissé de l'épaule, fait retour vers une agrafe de la ceinture, d'une robe à décolleté rectangulaire et aux manches plissées, d'une chemise à col rond.
Son visage est proche de celui de la Vierge, mais le front très dégagé en arrière par la raie médiane accentue la rondeur très douce des traits, et malgré la lèvre inférieure qui s'éverse vers le menton, ce visage est d'une beauté émouvante.
Ces statues géminées sont vues d'habitude en place, en haut de leur croisillon, mais lorsque nous les découvrons à notre hauteur, il se dégage de ces deux femmes adossées un fort sentiment de sororité ou de rapprochement entre deux générations ; et ce groupe devient une icone exemplaire de la solidarité qui scelle les corps et les âmes dans l'épreuve.
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Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Sainte Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge Marie et Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
La Vierge Marie et Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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GROUPE GÉMINÉ JEAN AU CALVAIRE/JEAN L'EVANGELISTE(KERSANTON, v.1555, ATELIER PRIGENT).
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Jean au calvaire, le disciple préféré de Jésus qui lui dit du haut de la croix "Fils, voici ta mère" et le charge par cela de veiller sur Marie, est adossé ici avec son double, Jean comme évangéliste. Ce n'est pas un cas unique, et cela s'observe par exemple sur le calvaire de l'église de Cast.
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1°) Jean au Calvaire.
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Nous retrouvons le visage très rond dont la hauteur de l'étage inférieur est réduite, la bouche petite à lèvre inférieure avancée, le petit menton rond, le regard baissé, et, bien entendu, les trois larmes sous la paupière inférieure. Nous retrouvons aussi le manteau (ne couvrant que le dos), la robe aux manches plissées, le genou fléchi.
La chevelure est soigneusement peignée en mèches rejetées concentriquement vers l'arrière.
Les détails de la boucle de ceinture avec son aiguillon, ou du bouton rond fermant le col de la robe, ont cette précision qui est habituelle aux sculpteurs de kersanton, et que l'on observe facilement sur les séries d'apôtres des porches bretons (cf. liens supra, les porches réalisés par les Prigent).
Je suis surpris par la taille malhabile des mains, et par la position étonnante des paumes tournées vers nous.
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n.b. On pourrait m'objecter que ce personnage ne porte aucun attribut permettant de l'identifier avec certitude. Néanmoins, les trois larmes sont, par elles-mêmes, un attribut. Et la posture est celle de Jean au calvaire. En outre, les visages des deux saint Jean sont spéculaires, tout comme leur tenue vestimentaire. Enfin, un autre indice vient des pieds nus, qui sont propres aux apôtres ; et Jean est le seul apôtre imberbe...
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L'apôtre Jean (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
L'apôtre Jean (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
L'apôtre Jean (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
L'apôtre Jean (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
L'apôtre Jean (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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2°) Jean l'évangéliste.
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L'attribut de l'évangéliste est accroché à sa ceinture, c'est le plumier, associé à l'encrier.
La tête est légèrement inclinée vers la droite. La main droite est posée sur la poitrine. Tout le reste (visage rond, 3 larmes, jambe avancée, pieds nus, ceinture à la boucle et à l'aiguillon détaillée, manteau porté en arrière, robe dont les pointes du revers de col sont larges, etc.) est semblable à la statue de son alter ego.
On verra sur le calvaire de la chapelle Saint-Laurent à Pleyben un Jean au calvaire de l'atelier Prigent, aux trois larmes, portant plumier et encrier à la ceinture.
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Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Cimetière de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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SUGGESTION N° 1 : LE CHRIST AUX LIENS DU CALVAIRE HAUT.
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Le calvaire du cimetière haut (atlas n°532) de La Forest-Landerneau, daté du XVIe siècle, est simple, et ne porte qu'un crucifix, ainsi qu'un Christ lié.
Il est douteux qu'il soit à son emplacement d'origine, et la plupart des Christ aux liens de ce type trouvent place en hauteur, entre les croisillons d'un calvaire.
Ne pourrait-on imaginer qu'il appartienne au même calvaire que les pièces étudiées précédemment ? La Vierge de Pitié serait placée en situation diamétralement opposée.
Une étude lithologique pourrait nous dire s'il s'agit d'un kersanton de faciès identique.
Et une étude comparative des Christ aux liens sortis de l'atelier Prigent pourrait fournir des éclaircissements.
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Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Christ aux liens (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Christ aux liens (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Christ aux liens (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Christ aux liens (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Christ aux liens (kersanton, Prigent, XVIe siècle). Calvaire du cimetière haut de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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SUGGESTION N°2 : MARIE-MADELEINE AU PIED DE LA CROIX DU CIMETIÈRE BAS.
Je défendrais cette hypothèse avec plus de conviction. Car, bien que ce calvaire (avec son Crucifix et ses statues géminées sur une crossette) soit également attribué à l'atelier Prigent par E. Le Seac'h, l'unité stylistique me semble plus importante entre cette Marie-Madeleine et les fragments présentés plus haut, non seulement en raison des trois larmes que ces personnages ont en commun, mais aussi en raison de la proximité des visages et des vêtements.
Je m'appuierai sur l'avis d'E. Le Seac'h, qui écrivait page 168 :
"À La Forest-Landerneau, dans le cimetière haut, trois vestiges sont disposés sur des dalles de schiste : deux statues géminées, celle de Jean et d'un saint indéterminé, de la Vierge et Madeleine avec une pietà au milieu. Dans le cimetière bas, sur le socle [sic] de la croix, une Madeleine éplorée, les mains levées vers le Christ, est de la même facture".
Ces statues de la Madeleine éplorée qui trouvent leurs sources dans les Crucifixions des peintures de chevalet, des fresques (Fra Angelico) et des enluminures, puis des vitraux (Passions finistériennes contemporaines de la production de l'atelier Prigent) étaient certainement placées à l'origine immédiatement au pied de la croix, contre le fût, et le geste des bras de la sainte, écartés dans la posture du ravissement, paumes se faisant face, ne trouve toute sa cohérence que lorsqu'on sait qu'ils entouraient et enlaçaient presque — plus ou moins étroitement — le pied de cette croix. (Les rapports de Madeleine avec les pieds du Christ ouvriraient un long chapitre).
Marie-Madeleine, avec son flacon d'aromates, est aujourd'hui placée sur la deuxième marche d'un calvaire qui a été remanié en 1762 et 1887, ce qui est certainement l'emplacement le plus satisfaisant, puisque son regard et sa tête en extension sont levés vers le Christ. Mais on peut penser que sur le calvaire initial (celui-ci ou, pour moi, un autre) elle était placée sur le socle.
On sera sans doute plus convaincu par mon hypothèse après avoir visité, par exemple, le calvaire de l'église de Dinéault sculpté par Bastien Prigent. On y trouve sur le croisillon la Vierge (3 larmes), saint Jean (3 larmes). Du coté est, la Vierge de Pitié ( larmes ?), et au pied de la croix Marie-Madeleine (3 larmes).
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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Ses modèles ou semblables (qui ont perdu très souvent eux aussi leur rapport initial avec la croix) sont nombreux et situés majoritairement en Finistère sur le bassin de l'Élorn (Léon):
-chapelle Saint-Tugen en Primelin, contrefort sud-ouest.
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Les points communs (avec des exceptions à chaque fois) sont la posture agenouillée bras écartés, regard et tête levée ; les trois larmes ; le bandeau occipital ; la robe serrée par une ceinture nouée ; le manteau retombant en un éventail plissé derrière les reins ; le pot d'aromates.
Parfois (Plougonven), la sainte regarde vers le bas, et ouvre son flacon).
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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Détails.
Les trois larmes.
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le bandeau occipital ou voile.
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Il recouvre l'arrière des cheveux au niveau de l'occiput, puis revient en avant, rassemblant ainsi la longue chevelure qui, ensuite, ruisselle dans le dos presque jusqu'à la taille. Mais ce voile, au lieu de passer derrière la nuque (comme un bandeau), glisse de chaque coté ses extrémités sous une natte antérieure.
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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L'encolure.
Sous la robe au décolleté carré et au col à pans larges et pointus se voit le col en V et sans rabat d'une chemise.
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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Le bouton de la manche.
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Marie-Madeleine (kersanton, Prigent, v.1555). Calvaire du cimetière bas de La Forest-Fouesnant. Photographie lavieb-aile 2021.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1910, "Notice sur La Forest-Landerneau", Bulletin diocésain d'histoire et d'archéologie Quimper, Kerangal.
"532. La Forest-Landerneau, , 1. g. k. 3 m. XVIe s. Trois degrés. Socle octogonal, Christ lié. Fût à pans avec trois petites croix en creux. Croix à pans, crucifix. [YPC 1980]"
b) La Forest-Landerneau n°533 La Forest-Landerneau n°2 . cimetière haut.
"533. La Forest-Landerneau, 1550. Trois statues provenant d’un calvaire. Groupe N.-D. de Pitié. Statues géminées: Vierge-Madeleine, Jean-personnage sans attribut. Ces pièces se rattachent à la manière des frères Prigent qui ont sculpté le calvaire de Plougonven. [YPC 1980]"
c) La Forest-Landerneau n°534 La Forest-Landerneau n°3. cimetière bas.
"534. La Forest-Landerneau, k. 6 m. XVIè s. Trois degrés, Madeleine à genoux. Socle cubique à griffes: 1762, MISSION 1887. Croisillon, écus aux armes de France et de Bretagne. Statues géminées: Vierge/sainte martyre, Jean/évêque. Croix à branches rondes, crucifix, groupe N.-D. de Pitié. [YPC 1980]"
— CASTEL (Yves-Pascal), 2001, Les Pietà du Finistère.( Revue bilingue breton-français Minihy-Levenez n°69 de juillet-août 2001)
— COUFFON (René), LE BARS ( Alfred), 1988, Répertoire des églises : paroisse de LA FOREST-LANDERNEAU, Diocèse de Quimper et Léon, nouveau répertoire des églises et chapelles, Quimper, Association diocésaine, 1988. - 551 p.: ill.; 28 cm.
"Près de l'église, calvaire : base rectangulaire à pinacles gothiques, croix des larrons sur le croisillon"
—— COUFFON (René), 1961, "L'évolution de la statuaire en kersanton" Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, Saint-Brieuc t. LXXXIX, 1961 p. 1-45.
La statuaire de la chapelle de Lambader en Plouvorn. II, poursuite de l'inventaire. Statues en kersanton (XVIe siècle) et en bois. Les sculptures du porche ouest.
SAINTE MARGUERITE ISSANT DU DRAGON. BÉNITIER. BLASON DES LE BORGNE DE KERUZORET.
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La statue en kersanton se trouvait, selon la description de J.M. Abgrall en 1897 puis en 1904, en haut du trumeau des portes du porche nord.
La sainte sort (on dit qu'elle "isse") du dos du dragon qui a commis l'erreur d'avaler toute entière cette vierge (et future martyre) sans prendre garde qu'elle était armée de sa foi dans le Christ et d'un petit crucifix dont elle se serait servie, dit-on, pour se tailler une sortie.
Ces statues de Marguerite d'Antioche étaient très fréquentes dans les églises et chapelles, en raison de sa vénération dans la protection des femmes enceintes.
Selon une tradition iconographique bien établie, la traîne de la robe de la sainte dépasse de la gueule du monstre, qui n'a pas encore eu le temps de l'avaler que déjà Marguerite effectue sa sortie miraculeuse. C'est mieux visible sur les statues peintes, où la robe rouge tranche avec la gueule noirâtre (voir par exemple sur le jubé de La Roche-Maurice), mais c'est néanmoins observable ici.
Comparer aussi (car cet atelier fut actif à Lambader) avec la statue réalisée par Henri Prigent à Dinéault entre 1527 et 1577.
Les cheveux de la sainte sont retenues par le bandeau occipital qui recouvre l'arrière de la tête avant de passer entre la nuque et les cheveux : on sait que je m'attache à recenser les occurrences de ce "chouchou" pour évaluer sa valeur de marqueur iconographique spatial et temporel ( a priori XVIe et début XVIIe et Basse-Bretagne) qu'on retrouve, parmi tant d'exemples, sur la Vierge de la Nativité et sur la Vierge à l'Enfant du fond de la chapelle de Lambader, ou sur la Marie-Madeleine du calvaire de Croas-Lambader.
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Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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Le bénitier en kersanton a été offert en 1876 (Bull. arch. assoc. bret. 1889) par la famille Audren de Kerdrel (qui possédait alors le château de Keruzoret). Amaury de Kerdrel, qui était alors maire de Plouvorn (entre 1880 et 1921) et conseiller général du Finistère, fut, avec M. de Réals, très influent dans la restauration de la chapelle.
Il porte les armes aux trois huchets liés en sautoir de la famille Le Borgne de Keruzoret.
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Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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Blason aux armes des Le Borgne de Keruzoret.
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Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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SAINT PATERN EN ÉVÊQUE (kersanton, XVIe siècle).
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Inscription S.PATERNE. Tête brisée rescellée.
Saint Patern ou Paterne est le premier évêque de Vannes au Ve siècle. Il est assimilé au gallois saint Padarn, l'un des sept saints fondateurs de la Bretagne. On estime que le toponyme Lambader (anciennement Lanbader) pourrait signifier "le monastère de saint Patern".
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Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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SAINT GOUESNOU (kersanton, XVIe siècle).
Inscription gothique : S.GOUESNOU
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Il s'agit d'un des premiers évêques du Léon (le 8ème selon la tradition), et l'un des premiers compagnons de saint Pol Aurélien, premier évêque.
La majorité des saints évêques bretons n'ont pas d'attributs spécifiques, ce qui donne toute sa valeur à l'inscription nominative. Comparer à la statue du saint à la fontaine Saint-Gouesnou de Gouesnou.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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SAINT ÉVÊQUE (kersanton, XVIe siècle).
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Inscription S.GOUNEIE ?
Abgrall y voyait saint Guénolé.
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Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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SAINT DIVY (kersanton, XVIe siècle).
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Inscription : S:DIVI .
Saint Divy fils de sainte Nonne, a des statues à Dirinon, une à Plomelin, provenant de son église de Bodivit, une à Saint-Yvi, à Saint-David de Ouimperlé, et à Brennilis.
Le visage est particulièrement fin et allongé, avec des cheveux méchés depuis une raie médiane, des yeux ourlés, un nez long aux narines bien ouvertes, une petite bouche faisant la moue au dessus d'un menton pointu. Il tient un phylactère témoignant de ses écrits (Evangile selon saint Jean et Livre de l'Apocalypse) et est accompagné de l'aigle du Tétramorphe, tenant dans son bec le plumier. Il est vêtu d'une robe dont la fente nous est familière tant elle est fréquente sur les saints et les séries d'apôtres des statues de kersanton du Finistère, et cette fente est croisée par la boutonnière du manteau, à l'unique bouton.
L'inscription portée sur le socle, en lettres gothiques porte le nom S : JOHÃNES, avec une ponctuation par deux-points, une hampe fourchue de la H, des lettres stéréotypées proches d'une textura, et un tilde abréviatif du N. Globalement, cette inscription se rapproche de celles des trois saints évêques et de celle de la Vierge à l'Enfant du porche ouest. Alors que la statue de saint Christophe, provenant de Lambader, et datée de 1600, porte une inscription en lettres romaines.
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Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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NOTRE-DAME DE LAMBADER. Bois polychrome, XVIe siècle.
Restaurée en 1998
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Elle porte sur son bras gauche l'Enfant, figuré en Sauveur du Monde, dont il tient le globe dans la main. Mais la Mère et son Fils ne se regardent pas, et Marie a un regard pensif et même déjà un peu triste. Sa posture est légèrement hanchée, sa ceinture dorée est portée très haute sous la poitrine.
Elle porte aussi le bandeau occipital, ou plutôt une variante, car le voile, qui se glisse bien entre la nuque et les cheveux, recouvre largement la tête, ne laissant visible que le haut des cheveux, et retombe sur les épaules et le haut du dos.
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Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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Vierge à l'Enfant, bois doré, bas-coté nord de la nef.
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Elle tient également l'Enfant bénissant le globe en Salvator Mundi.
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Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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Les évangélistes.
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Saint Marc devant son lutrin. bois polychrome, XVIe siècle ?. Pilier sud devant le jubé.
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Il est figuré en docteur (en théologie) et porte le bonnet rouge à quatre pointes ou "barrette" et le manteau rouge liés à ce titre. Plus exactement, ce serait là la tenue d'un docteur en médecine, (qui serait plus adapté pour saint Luc) mais le lion qui est à ses pieds l'identifie sans ambages.
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Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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Saint Matthieu, bois polychrome. XVIe siècle ? Pilier nord devant le jubé.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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Sainte Geneviève. bois polychrome.
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Je reprends l'identification donnée par Couffon, mais l'attribut le plus précieux, le cierge, n'est pas représenté.
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Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Les statues de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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LE PORCHE OUEST. NOTRE-DAME DE LANBADER ADORÉE PAR LES PÈLERINS.
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Le clocher de Lambader est très connu, et sa hauteur de près de 58 mètres lui permettrait presque de rivaliser avec celui Notre-Dame-du-Kreisker de Saint-Pol-de-Léon. Il a été classé dès 1840, mais s'est trouvé menacé par la suppression en 1830 d'un arc triomphal qui l'étayait et le reliait à la maison Ar Presbytal, tandis qu'au sud la maison du Gouverneur dont il était mitoyen disparut dès 1825. Une tempête vient l'ébranler le 2 juin 1836, et la flèche et la partie supérieure de la tour durent finalement être démontées de 1837 à 1841. À partir de 1881, il fut reconstruit par l'entreprise Le Naour.
C'est un clocher-porche qui orienté vers l'ouest, et le porche proprement dit est ouvert sur trois cotés par des arcs ogivaux s'appuyant sur deux solides piles à contreforts.
On se base, pour le dater, sur la donation de Jean V en 1432, ce qui reste une hypothèse.
Note : le clocher-porche de Pleyben date de 1588 à 1591, celui de Saint-Thégonnec (sud) a été construit entre 1599 et 1637. Celui de Goulven de 1593 à 1639. Celui de Lampaul-Ploudalmézeau de 1611-1622.
René Couffon (L'architecture classique dans le pays du Léon SHAB 1948 p.52) a dressé la liste des clochers léonards ayant imité le clocher du Kreisker.
Voir aussi ceux de :
-Bodilis (ouest),construit vers 1564-1570 qui, comme celui de Lambader avait sa base ouverte sur ses quatre faces par quatre arcades brisées. https://www.persee.fr/docAsPDF/bulmo_0007-473x_1958_num_116_2_3832.pdf
-Landivisiau,
-Sizun. coté ouest, 54 mètres, 1723 ?
-Saint-Vougay, 1635
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Le porche ouest de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Le porche ouest de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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« La porte qui donne entrée dans l'église, sous le clocher, est orné de belles colonnettes, et l'archivolte en plein cintre est composée de moulures et de tores avec dos-de-carpe. Au dessus, un cul-de-lampe portait autrefois une statue de la Sainte- Vierge et aux deux cotés sont sculptés deux groupes de petits personnages agenouillés, six moines et six religieuses, avec l'inscription Interveni pro devoto foemino sexu, et la date de 1598. Ce bas-relief est donc de beaucoup postérieur au clocher et à la chapelle, qui sont du XVe siècle. » (Abgrall 1897)
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C'est pour moi la part la plus intéressante de cet article, du moins sur le plan documentaire, en raison de la forme orthographique de l'inscription centrale (Nostre Damme de Lanbader), en raison de la date portée par une inscription latérale (1598) et par la citation liturgique qu'on y trouve, et par la représentation, peut-être unique en sculpture bretonne, d'une scène de dévotion.
Par contre, la prospection photographique est pénalisée par l'obscurité relative (les rayons du soleil ne s'y glissent que timidement et seulement à leurs heures), et par les grillages de protection placés devant les deux moyen-reliefs.
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La Vierge à l'Enfant.
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Elle est couronnée, et ses pieds reposent — c'est un élément important — sur un croissant de lune comme les Vierges de l'Apocalypse ou de l'Immaculée Conception. Elle avance la main droite (qui présente ou présentait un objet ?) à l'Enfant vêtu d'une tunique et aux cheveux courts. Deux fragments sont manquants, à partir de la main gauche et du pied gauche.
Le pan droit du manteau de Marie fait retour vers le poignet ou le flanc gauche, sans doute fixé par une troussouère (ceinture ou agrafe de robe). Ce mouvement d'étoffe crée une succession de plis en becs.
La robe est à encolure carrée.
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Le porche ouest de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Le porche ouest de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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Le socle cylindrique en kersanton (qui est apparemment solidaire de la statue) porte une inscription en lettres gothiques sur deux lignes.
Celle-ci a fait l'objet de tentatives de descriptions :
"A la base du clocher est une porte gothique, surmontée d'une Vierge-Mère en granit, et d'une inscription où on peut lire : N. DAMME : DE : LAMBADER." (H. Pérennès)
"Dans le fond est la porte d'entrée de l'église, couronnée d'une statue de la Vierge en kersanton avec ces mots : NOTRE DAME DE LANBADER »." (Kerdanet 1837)
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La vérité doit être placée entre ces deux propositions. En variant les angles de vue, je parviens à lire ceci :
NOSTRE DAMME DE LANBADER (deux dernières lettres devinées plus que lues)
---OUR NOUS NV ----
On pourrait sans doute la déchiffrer entièrement par estampage en y accédant, ou en disposant d'une source de lumière adaptée.
On peut deviner pour la seconde ligne la demande l'invocation "priez pour nous".
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Le porche ouest de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Le porche ouest de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Le porche ouest de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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De chaque coté de la Vierge sont figurés deux groupes sculptés en demi-relief. Nous pouvons en trouver les descriptions suivantes :
"Sur la porte étroite de la chapelle, on a figuré une petite assemblée de moines, et vis-à-vis des religieuses à genoux et les mains jointes, avec cette légende : Intercede pro devoto foemineo sexii »." 'Cyrille Pennec 1825)
"À ses cotés, sont deux encadrements, l'un représentant six moines à genoux, sur trois lignes, et l'autre six religieuses dans la même position. Le dernier encadrement offre le millésime de 1598, et la légende : INTERCEDE P. DEVOTO FEIÕ SEXU »" (Miorcec de Kerdanet 1837)
." A gauche figurent six religieux agenouillés, à droite six religieuses, au-dessous desquelles on voit la date de 1592 et l'inscription: INTERVENI : P [RO] : DEVOTO : FE [M] I [N] EO : SEXY. " (H. Pérennès 1943)
On constate un désaccord sur le relevé de l'inscription et de la date. Mais la bonne lecture est celle de Miorcec de Kerdanet, comme le montrent les clichés qui suivent. La date est placée au dessus des derniers mots de l'inscription.
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1°) Les six dévots.
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Ils sont agenouillés et quatre d'entre eux tiennent devant eux un livre ouvert; Le dernier tient une canne ou une crosse.
Je ne discerne pas comment mes prédécesseurs (qui n'étaient pas gênés par le grillage de protection) ont reconnu ici des moines ; et les cheveux des personnages ne me semblent pas tonsurés.
Existait-il auparavant une inscription symétrique à celle de l'autre groupe, et portant les mots INTERVENI PRO CLERO ?
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Le porche ouest de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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2°) Les six dévotes.
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Six femmes sont agenouillées, la tête recouverte d'un voile (ou plutôt d'une coiffe). Trois ont les mains jointes, les trois autres portent un livre ouvert.
Le principal intérêt vient de l'inscription, dont j'ai déjà donné ma leçon : INTERCEDE P. DEVOTO FEIÕ SEXU
qui se transcrit par Intercede pro devoto foemino sexu.
En effet, la simple consultation d'un moteur de recherche identifie ici la fin du cantique dédié à la Vierge :
Virgo perpetua, templum Domini,
sacrarium Spiritus Sancti,
sola sine exemplo placuisti Domino Iesu Christo;
ora pro populo,
interveni pro clero,
intercede pro devoto femineo sexu.
Bienheureuse Marie, mère de Dieu,
vierge éternelle, temple du Seigneur,
sanctuaire de l'Esprit Saint,
toi seule as plu au Seigneur Jésus Christ;
prie pour ton peuple, intercède pour le clergé, interviens pour les femmes dévouées.
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On trouve aussi ce cantique :
Sancta Maria Succurre miseris Juva pusillanimes Refove flebiles Ora pro populo
Interveni pro clero
Intercede pro devoto femineo sexu
Sentiant omnes Tuum juvamen Quicumque celebrant tuam sanctam commemorationem
Sainte Marie Viens au secours des malheureux Aide les timides Console les affligés Prie pour le peuple
Interviens pour le clergé Intercède pour les femmes consacrées
Qu'ils ressentent tous ton aide Ceux et celles qui célèbrent ta sainte mémoire
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"Dans certains textes, ce dernier cantique est attribué à Saint Augustin (354-430). Le texte complet se trouve dans la Patrologie latine de Migne, t.39, col. 2104-07: " Sermo CXCIU " (Sermon 194) , alias " St Augustin, Sermon 18 de Sanctis " : De Annuntiatione Dominica. Il se trouve aussi dans les Œuvres Complètes de St Augustin, Paris 1893, p.318
Les paroles du " Sancta Maria " sont donc attribuées à Saint Augustin, évêque d'Hippone. Cependant une note du Patrologiae Latinae Supplementum (vol.2, Paris 1960, col.854) déclare qu'il s'agit des paroles d'Ambroise Autpert, un Bénédictin mort en 784, ou une compilation sur un texte d'Ambroise ...
Finalement il est impossible de savoir avec certitude qui est l'auteur de ce cantique, ni la date de sa composition.
Le texte du " Sancta Maria ". L'auteur exalte d'abord la Vierge Marie, en qui la malédiction portée sur Eve, pécheresse, s'est changée en bénédiction. Puis il présente Marie, par qui le salut nous est venu, et enfin Marie, Vierge et Mère, acquiesçant à la parole de l'ange par son " Ecce Ancilla Domini ". L'auteur termine par une prière dont la partie principale a été reprise par l'Église romaine, comme antienne à l'office du commun de la Vierge au bréviaire ." http://peresblancs.org/sancta_maria.htm
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Selon d'autres sources, le Sancta Maria, succurre miseris a été écrit par l'évêque Fulbert of Chartres (c.952-1028), et est souvent associé à la fête du 5 août de la Dédicace de la basilique de Sainte-Marie-Majeure.
Le verset Intercede pro devoto femineo sexu se trouve aussi, sous le titre Beata Dei Genetrix Maria dans les antiphonaires de chants grégoriens ou dans les motets mis en musique par Luca Marenzio, Claudio Monteverdi , Cristóbal de Morales, Franciscus Strus , Ivo de Vento , Philippe Verdelot , Tomás Luis de Victoria , ou Samuel Webbe
http://cantus.edu.pl/chant/31346
http://cantus.edu.pl/image/31296
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Au total, cette invocation des six "femmes dévotes" ou "femmes consacrées" s'adresse directement à la Vierge et renvoie à la liturgie de l'office commun de la Vierge. Il reste à interpréter le fait que les pieds de la Vierge sont posés sur le croissant lunaire : est-ce un indice de l'importance croissante de l'attachement au dogme de l'Immaculée-Conception ?
Il faut aussi rappeler, face à ces 12 religieux agenouillés devant Notre-Dame de Lanbader, l'importance des pèlerinages signalée par Cyrille Le Pennec : "Ce lieu est fort consideré par les personnes devotieuses , &, estant limitrophe à plusieurs paroisses de cest Evesché, les pèlerins y arrivent en affluence aux festes de la Vierge, & surtout le lundy de la Pentecoste.".
Je peux penser que les six hommes et six femmes ne soient pas des moines et des religieuses, mais des "personnes devotieuses", venus en pèlerinage.
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Enfin, la date de 1598 fournit le témoignage d'une période d'aménagement de la chapelle, comme aussi la statue de saint Christophe datée de 1600.
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Le porche ouest de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Le porche ouest de la chapelle de Lambader en Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie), 1897, Le Livre d'or des églises de Bretagne, Lambader, Berven, Lochrist, Goulven, illustrations de Charles Géniaux, Rennes pages 1-3.
« La porte qui donne entrée dans l'église, sous le clocher, est orné de belles colonnettes, et l'archivolte en plein cintre est composée de moulures et de tores avec dos-de-carpe. Au dessus, un cul-de-lampe portait autrefois une statue de la Sainte- Vierge et aux deux cotés sont sculptés deux groupes de petits personnages agenouillés, six moines et six religieuses, avec l'inscription Interveni pro devoto foemino sexu, et la date de 1598. Ce bas-relief est donc de beaucoup postrérieur au clocher et à la chapelle, qui sont du XVe siècle. »
"On est heureux de retrouver encore dans cette chapelle quelques vieilles statues en pierre représentant la nativité de Notre-Seigneur, l'adoration des bergers et des mages, Notre-Dame de Pitié, saint Goueznou, saint Divy, saint Patern et saint Guénolé."
— ABGRALL (Jean-Marie), 1904, L'Architecture bretonne, Quimper, de Kerangal éditeur
"Dans la paroisse de Plouvorn, la chapelle de LAMBADER a été entièrement reconstruite avec son clocher, en 1877- 1881,. et malgré cela on peut toujours la considérer comme ancienne, c.ar on a reconstitué aussi fidèlement que possible l'édifice primitif en se servant des anciens matériaux, de sorte que la chapelle, rajeunie et consolidée, possède cependant l'aspect digne et respectable d'un monument des vieux âges. Ce qui est le plus remarqué et le plus vanté à Lambader, c'est le clocher, dont la vanité locale ose presque faire un rival du Creisker. Comme détails particuliers d'architecture il y a à observer la porte sous le clocher, ornée de belles colonnettes, et dont l'archivolte à plein-cintre est composée de moulures et de tores avec dos de carpe; puis le petit porche Nord percé de deux portes ornées de colonnettes et séparées par un léger trumeau, au haut duquel est une Sainte-- Marguerite agenouillée sur son dragon. Au chevet, sous la -grande fenêtre, est une petite sacristie ou chambre du trésor, toute bâtie en pierres de taille, en y comprenant même le toit. A l'intérieur on est agréablement surpris à la vue des belles dimensions et des belles proportions de l'édifice, qui se compose d'une nef et de deux bas-côtés donnant une largeur de 13 m. 90 sur une longueur de 28 mètres, le tout divisé en huit travées."
— COUFFON, (René), LE BARS, Alfred), 1988, "Plouvorn", Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988.
"Statues anciennes en bois polychrome : Vierge à l'Enfant dite Notre Dame de Lambader, sainte Geneviève, saint Vincent Ferrier, saint non identifié (Guénolé ?), et les statuettes de la Vierge (dorée) et des quatre Evangélistes.
"Statues en kersanton, dont plusieurs proviennent d'un calvaire monumental détruit : groupe de la Présentation au Temple, Fuite en Egypte, XVIè siècle (C.), Adoration des mages, XVIè siècle (C.), Vierge de l'Annonciation, Notre Dame des Sept Douleurs, Vierge Mère assise sur un trône, les trois Marie au Calvaire, sainte Marguerite, saint Jean l'Ev., saint Divy (S:DIVI), saint évêque (S.GOUYNIE), saint Gouesnou (S.GOUESNOU), saint Patern (S.PATERNE), Ange de l'Annonciation (décapité), Christ de calvaire (mutilé).
— DEBIDOUR (Victor-Henri), 1953, la sculpture bretonne.
— DANIEL (Tanguy), 1996, La chapelle de Lambader en Plouvorn, Comptes rendus, procès-verbaux, mémoires - Association bretonne et union régionaliste bretonne, Congrès de Saint-Pol-de-Léon juin 1996 tome CV p. 50.
— FRÉMINVILLE ((chevalier Christophe-Paulin de La Poix de Fréminville) 1832, Antiquités de la Bretagne: Finistère, Volume 1, Lefournier et Deperiers, 1832 p. 69
"Plusieurs statues ornaient jadis l'église de Lambader, elles ont été renversées et mutilées, leurs débris gisent sur le gazon dans le préau ou cour du monastère. J'en remarquai une qui me frappa par le fini et la précision de son travail, elle représente un chevalier armé de toutes pièces , tenant l'épée nue sur l'épaule ; la forme de son armure indique la fin du quatorzième siècle. On remarque au bas de la cuirasse l'assemblage de pièces de lames transversales qui recouvre le défaut des cuissards et que l'on nommait tasseltes ou braconnière. La tête de cette statue a malheureusement été brisée ( Pour préserver cette statue de mutilations plus considérables, M. le marquis du Dresnay en a fait récemment l'acquisition et l'a fait transporter à Saint-Pol de Léon , où elle est placée dans son jardin. ) : je présume qu'elle représentait quelqu'un des commandeurs de Malte titulaires de la commanderie de Lambader. Ce ne peut être un templier, car, lors de la destruction de l'ordre du temple, les .chevaliers portaient encore le haubert ou armure entièrement en mailles, celle que l'on voit ici est celle de plaque et de lames adoptée au quatorzième siècle."
— LE GUENNEC (Louis), Le Finistère monumental tome 1, Morlaix et sa région, page 308. Droits réservés. Ouvrage numérisé avec l'aimable autorisation de la Société des Amis de Louis Le Guennec.
"On vénère à Lambader une belle statue en kersanton de Notre-Dame. Au bas de la chapelle sont de nombreuses statues mutilées, en granit, provenant de l'ancien Calvaire. La maîtresse vitre contenait un brillant vitrail de 1543, qui a été brisé vers 1845 et remplacé, dans sa partie basse, par une maçonnerie, et dans sa partie haute, par un voile rouge. On en voit quelques débris à la chapelle de Keruzoret, ainsi qu'un saint Christophe et un saint Trémeur portant sa tête entre ses mains."
— LE GUENNEC (Louis), 1911, La chapelle de Lambader, Morlaix, Lajat, in-8°, 88 pages. Non consulté.
"La plus ancienne mention de la chapelle se trouve dans un acte de 1333; les documents conservés aux Archives du Finistère, et que M. Le Guennec a savamment commentés, remontent à 1432 : ils lui ont permis d'écrire une histoire complète de cet intéressant monument."
— MIORCEC DE KERDANET (L.), 1837, Les vies des Saints de la Bretagne-Armorique De Albert LE GRAND (Morlaix 1637) ... Avec des notes et observations historiques et critiques par D. L. Miorcec de Kerdanet et revues par M. Graveran. Brest 1837 Page 502
Texte principal (C. Le Pennec Morlaix 1647, liste des églises et chapelles de N.D. basties en l'évesché de Léon) : "Si vous entrez dans Ploumorn (Plouvorn), vous ne pouvez faire beaucoup de chemin , sans remarquer la belle Eglise priorale de N. D. de Lanbader tant pour l'excellence du bastiment, qu'à raison de la grande devotion du peuple qui y aborde de plusieurs endroits. Ceste chappelle est construicte non loin du bourc parrochial , sur la pente d'une colline , prés d'un agreable ruysseau qui fait moudre nombre de moulins, avant de se rendre à l'ocean. Ce lieu est fort consideré par les personnes devotieuses , &, estant limitrophe à plusieurs paroisses de cest Evesché, les pelerins y arrivent en affluence aux festes de la Vierge, & surtout le lundy de la Pentecoste."
Note de Kerdanet : "Cette église est construite dans le style de l'architecture gothique arabe : elle a huit arcades élégantes dans chacun de ses bas-cotés., son clocher est très beau, c'est une tour carrée, ornée d'une balustrade légère et surmontée d'une flèche élevée, de forme prismatique hexagonale, flanquée de quatre clochetons. Cette flèche, toute en pierres de taille, est travaillée à jour, ainsi que les clochetons qui l'accompagnent, dont l'un a été renversé par l'ouragan du 2 février 1836. Le clocher est supporté par des piliers formant trois arcades. Dans le fond est la porte d'entrée de l'église, couronnée d'une statue de la Vierge en kersanton avec ces mots : NOTRE DAME DE LANBADER ». À ses cotés, sont deux encadrements, l'un représentant six moines à genoux, sur trois lignes, et l'autre six religieuses dans la même position. Le dernier encadrement offre le millésime de 1598, et la légende : INTERCEDE P. DEVOTO FEIÕ SEXU » On remarque, de plus, autour de l'église, diverses statues curieuses, telles que celle de saint Christophe, ainsi désignée SXDÕPLE 1600 », et la statue de N.D de Pitié dans l'attitude la plus recueillie et la plus expressive.
Le jubé en bois de Lanbader est aussi fort renommé ; c'est un réseau de sculpture, presque aussi remarquable dans son genre que celui du Folgoët dans le sien : il a 16 pieds ½ de long sur 3 pieds , 9 pouces de large ; ses éventails ont 8 pieds 3 pouces de développement, et sa porte 4 pieds ½ d'ouverture ; son escalier tournant compte 22 marches ; le tout orné de petites statues d'anges, parmi lesquels vient figurer, on ne sait pourquoi, un joueur de biniou (musette)
M. de Fréminville pense que Lanbader était une ancienne commanderie ; il n'en n'est cependant fait aucune mention dans celles du duc Conan IV, de 1160 ; mais on trouvait autrefois, autour de cette chapelle, les propugnacula, turricula et alias munitiones dont parle Pierre Mauclerc dans sa charte aux chevaliers du Temple. V. D. Morice, Pr. t. 1er col.638 et 850. Le gouvernement de Lanbader possédait, en 1790, 900 livres de revenu. »
— PENNEC (Cyrille) 1825, Le dévot pèlerinage de Notre-Dame du Folgoët Vatar-Jausions, 1825 - 122 pages
« On trouve en cet endroit plusieurs jolies statues en Kersanton, entre autres celle de S. Christophe, portant la date de 1600. Sur la porte étroite de la chapelle, on a figuré une petite assemblée de moines, et vis-à-vis des religieuses à genoux et les mains jointes, avec cette légende : Intercede pro devoto foemineo sexii ».
— PÉRENNÈS (Henri) 1943 Plouvorn Monographie de la paroisse, Rennes, Imprimerie du Nouvelliste, 1943, 86p., Réédition Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris, 2004, 83p., p. 50-51.
— REALS (Vicomte de, 1890, "La restauration de Lambader", in Bulletin archéologique de l'Association bretonne, 31e congrès tenu à Saint-Pol-de-Léon du 10 au 15 septembre 1888, Troisième série, Vol.8, Saint-Brieuc, Imprimerie-Librairie R. Prud'homme, 1890, 202p., p. 54-58.
"Dans le fond de la chapelle on a recueilli une trentaine de statues en pierres de taille qui doivent être les débris d'un ancien calvaire. Plusieurs de ces statues ont beaucoup d'expression dans la physionomie ; malheureusement presque toutes ont été mutilées pendant la Révolution. Elles ressemblent comme travail aux statues du calvaire de Guimiliau et doivent être de la même époque."
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— L'UNIVERS 27 septembre 1877 Inauguration de la chapelle restaurée sur l'initiative du recteur Hellard. Bénédiction par l'évêque en présence de la comtesse de Kerdrel. Promesse d'indulgence le jour du Pardon le lundi de Pentecôte.
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— DIVERS: ARCHIVE 1442.
Lettres et mandements de Jean V: duc de Bretagne, publiés ..., Volumes 4 à 5
Ordre de laisser les chapelains de Lambader et du Merzer jouir des dons qui leur ont été faits.
Vidimus du 10 oct. 1442 (Ar. Loire-Inf., E 83; anc. Ch. des comptes de Nantes).
A Redon, 1433, 13 mars. « Jehan... A nostre bien amé et feal conseiller Auffroy Guinot, nostre tresorier et receveur general, et aux fermiers de cest present impot par nous ordonné de XX s. par pipe estre levé en l'evesché de Leon, salut. De la partie de noz chappelains et orateurs dom Guillaume Baeleuc et dom Jehan le Saux, presbtres et gouverneurs des chapelles de Nostre Dame de Lanbader et du Merzer, nous a esté presentement exposé que, comme puix nagueres nous eussions donné en aulmosnes et de nostre devocion à lad. chapelle de Lambader, dont led. Guillaume est administrator, pour aider à l'eupvre et edifficacion d'icelle chapelle, la somme de quinze 1., à estre poiée sur et dud. impot, en mandant à vousd. fermiers d'en fere le paiement au desir de noz lettres sur ce données le vile jour de decembre darrein; mesmes à lad. chapelle du Merzer eussions voulu et octroié que tout le vin qui fust vendu en detaill en la maison de lad. chapelle par led. dom Jehan et ses commis, qui en est gouverneur, feust quicte de tout devoir d'impot, tant du temps que avenir, pour estre cellui devoir mis et emploié au bien et augmenttacion d'icelle chapelle, comme peust aparoir par noz lettres sur ce données en ceste nostre ville, dabtées du xuie jour de may, l'an mill mcc trante et un; ce neanmoinz, vousd. fermiers n'avez voulu oboir au contenu de nosd. lettres, ainczois les avez contrariées et contrariés, en disant icelles ne vous valoir pas descharge; par quoy lesd. suplians ne ont peu jouir de nosd. dons et octroitz, en grand retardement et prejudice du bien et augmentacion d'icelles chapelles... Pour ce est il que nous..., en ratiffiant nosd. premieres lettres..., octroions ausd. suplians et gouverneurs que ilz joissent desd. dons et octroiz... Et affin de se imformer du numbre desd. vins qui sont et seront venduz aud. lieu du Merzer..., avons commis nostre bien amé et feal conseiller Hervé le Ny, qui de ce vous baillera relacion... Si vous mandons, etc.
Ainxin signé, Par le duc, de sa main. - Par le duc, de son commandement et en son conseill, ouquel : Vous, l'evesque de Triguer, le president, le seneschal de Rennes, messire Pierres Eder et autres estoint. - J. PIRON. »
I. La Vierge de Pitié (kersanton, milieu XVIe siècle, atelier Prigent ) du monument aux morts du cimetière de Plouvorn.
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PRÉSENTATION.
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La littérature sur cette Vierge de Pitié est pauvre, mais elle fait l'objet d'une notice de la Base Palissy Patrimoine Mobilier PM 29000830, et elle a été classée aux monuments historiques le 12 avril 1914. Selon cette notice d'octobre 1994, , elle provient de la chapelle de Lambader, elle mesure 40 cm de haut et c'est en 1922 que cette Pietà a été placée sur le monument aux morts.
Cette Vierge de Pitié est mentionnée par René Couffon dans sa notice sur Plouvorn ("Sur le monument aux morts de la Guerre 14-18, Vierge de Piété du XVè siècle.", mais n'est décrite ni par Y.-P. Castel dans "Les Pietà du Finistère", ni par E. Le Seac'h dans son ouvrage sur la sculpture sur pierre de Basse-Bretagne. Elle est remarquable par son étonnant état de conservation (j'ai cru un moment, avant de m'assurer de son classement M.H, qu'il pouvait s'agir d'une copie) mais surtout par l'existence des trois larmes sous les paupières de la Vierge, qui crée un lien avec l'ensemble des personnages (Marie, Jean et Madeleine) sculptés au milieu du XVIe siècle et présentant ce détail, et notamment avec ceux des calvaires de Lambader et de Croas-Lambader, en Plouvorn.
La jambe gauche du Christ, brisée, a été refaite plus ou moins adroitement, dans un kersanton de grain plus sombre.
Par ces trois larmes, mais aussi par les plis formés par le voile de la Vierge, ce groupe peut être attribué —comme le calvaire de Lambader et sans doute celui de Croas-Lambader — à l'atelier de Bastien et Henry Prigent, actifs dans la sculpture du kersanton à Landerneau entre 1527 et 1577. Par référence à ces deux calvaires, et par rapprochement du caractère monumental des vestiges d'un calvaire conservé à la chapelle de Lambader avec les calvaires monumentaux de Pleyben (Prigent, 1554) et de Plougonven (Prigent, 1555) on le date alors vers 1550.
Elle est présentée sous un édicule néoclassique à quatre colonnes corinthiennes.
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Rappel : on se perd facilement si on ne distingue pas clairement :
--Le calvaire placé devant la chapelle de Lambader (Prigent, v.1550, et anonyme, XXe siècle) : Atlas n°2386.
--Le calvaire monumental réduit à des vestiges conservés dans la chapelle de Lambader (Prigent ?? vers 1550 ou Maître de Plougastel vers 1600) : Atlas n° 2385
--Le calvaire de Croas Lambader (Prigent? vers 1550) situé à 200 m de la chapelle de Lambader mais appartenant à la commune de Plougourvest : Atlas n° 1977.
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Monument aux morts, cimetière de Plouvorn. Photographie lavieb-aile 2021.
Monument aux morts, cimetière de Plouvorn. Photographie lavieb-aile 2021.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent v. 1550) du Monument aux morts, cimetière de Plouvorn. Photographie lavieb-aile 2021.
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La Vierge est agenouillée, un genou à terre et l'autre très fléchi dans l'attitude du chevalier servant, et elle soutient sur ce genou droit le dos de son Fils, tandis que sa cuisse gauche en soutient le bassin.
Nous retrouvons la forme maternelle triangulaire barrée par l'arc concave du Christ, dont la tête bascule en extension dans le vide. Cette arc forme avec le bras droit, qui est fléchi et repose au niveau du coude sur la chaussure de la Vierge, une croix partielle, alors que le bras gauche est parallèle au tronc, la main gauche appuyée sur la cuisse.
Ce schéma est à peu près celui de la Vierge de Pitié actuellement placé sur les marches du calvaire de Croas Lambader et qui provient du calvaire monumental dont les vestiges sont rassemblés dans la chapelle de Lambader. Hélas, la tête de cette Pietà est brisée.
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Vierge de Pitié du calvaire de Croas Lambader à Plougourvest.
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Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent v. 1550) du Monument aux morts, cimetière de Plouvorn. Photographie lavieb-aile 2021.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent v. 1550) du Monument aux morts, cimetière de Plouvorn. Photographie lavieb-aile 2021.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent v. 1550) du Monument aux morts, cimetière de Plouvorn. Photographie lavieb-aile 2021.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent v. 1550) du Monument aux morts, cimetière de Plouvorn. Photographie lavieb-aile 2021.
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Les trois larmes.
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Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent v. 1550) du Monument aux morts, cimetière de Plouvorn. Photographie lavieb-aile 2021.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent v. 1550) du Monument aux morts, cimetière de Plouvorn. Photographie lavieb-aile 2021.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent v. 1550) du Monument aux morts, cimetière de Plouvorn. Photographie lavieb-aile 2021.
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II. La Vierge de Pitié (kersanton, milieu XVIe siècle, atelier Prigent) de la fontaine de dévotion de la chapelle de Lambader.
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PRÉSENTATION.
Elle n'a pas été décrite spécifiquement, mais Yves-Pascal Castel la mentionne, en l'attribuant à l'atelier Prigent, dans son chapitre sur les larmes des Vierges de Pitié du Finistère :
"Nos sculpteurs sur pierre du XVIE siècle, dans les ateliers de kersanton, pour mieux marquer la douleur de la Vierge et parfois celle des personnages qui l'assistent dans les grandes Pietà, quant à eux, se sont emparés de ce moyen expressionniste fort populaire, n'hésitant pas à sculpter sur les joues des larmes en relief. Coulant sous les paupières, ces larmes marquent le haut de chaque joue d'un triple jet, formé de traits bien symétriques. À Brignogan, (Chapelle-Pol) , à La Forest-Landerneau, au Bourg-Blanc, (Saint-Urfold, atlas n°97), à Plomodiern, (Sainte-Marie-du-Ménez-Hom), à Lothey, (croix de Kerabri), dont nous avons parlé plus haut. À Plouvorn, Lambader la Vierge de Prigent élargit ses larmes en gouttes qui s'étalent sur les joues. On remarque, dans la grande Pietà de Plourin-Ploudalmézeau que si les quatre personnages d'accompagnement portent les mêmes triples larmes, en flots exactement mesurés, la Vierge en a le visage tout couvert, de la même manière qu'en avait usé le sculpteur de la pietà du calvaire du Folgoët, un siècle plus tôt."
Bien qu'il ne précise pas qu'il s'agit de la statue de la fontaine, comme il n'y a pas d'autres Vierges de Pitié à Lambader, nous pouvons rapporter ce passage à la statue que je décris ici.
Néanmoins, elle a vraisemblablement été installée dans cette fontaine à une date récente, puisque Abgrall mentionne en 1897 une Notre-Dame de Pitié à l'intérieur de la chapelle : "On est heureux de retrouver encore dans cette chapelle quelques vieilles statues en pierre représentant la nativité de Notre-Seigneur, l'adoration des bergers et des mages, Notre-Dame de Pitié, saint Goueznou, saint Divy, saint Patern et saint Guénolé." Ou bien il a confondu cette Notre-Dame de Pitié avec la Vierge à l'Enfant qui appartient à ce groupe. Mais d'autre part ni lui, ni le vicomte de Réals en 1890 ne signalent cette statue dans leurs descriptions de la fontaine.
"Les pèlerins ne quittent jamais Lambader sans aller boire à la fontaine sise à deux mètres du pignon sud" (de Réals 1890)
"À l'extrémité de la façade du midi est une belle fontaine miraculeuse dont les eaux jaillissent du dessous de l'église" (Abgrall 1897)
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Cette Vierge de Pitié est proche de la précédente, avec le corps du Christ reposant sur le genou droit fléchi tandis que le genou gauche est posé à terre. Les jambes du Christ sont croisées de façon identique (mais elles sont ici presque intactes)
Les trois larmes des Prigent sont également présentes.
Il y a néanmoins de notables différences :
La Mère n'a plus les mains croisées, mais elle soutient le corps de son Fils, par une main sous l'aisselle tandis que l'autre main soulève le bras gauche et en expose la plaie.
Le voile-manteau n'est plus plissé au dessus et sur les cotés de la tête. Il laisse le front en partie dégagé, et il obscurcit moins le visage qui est plus fin, plus ovale, plus jeune avec un regard qui fixe le spectateur comme pour le prendre à témoin. La Vierge paraît plus jeune et plus vive, malgré une bouche plus concave.
La position des genoux est plus juste sur le plan de l'anatomie.
Le corps du Christ forme un arc moins accentué sur le tréteau du genou, et la tête reste dans l'axe du tronc, laissant apparaître les deux mèches de la chevelure qui sont séparés de la tête.
Le pagne est plissé de la même manière, avec un pan qui ressort au dessus à droite et au dessous à gauche, mais ce dernier pan est mieux visible à Lambader.
L'impression générale est celle d'une mère qui semble nous présenter le corps de son fils et nous faire participer à son chagrin, alors qu'au cimetière de Plouvorn la Vierge, plus lourde, semble être absente effondrée et dévastée.
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On remarquera les traces de polychromie (ocre rouge) persistantes.
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La fontaine de dévotion de Lambader à Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
La fontaine de dévotion de Lambader à Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent, vers 1550) de la fontaine de dévotion de Lambader à Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent, vers 1550) de la fontaine de dévotion de Lambader à Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent, vers 1550) de la fontaine de dévotion de Lambader à Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent, vers 1550) de la fontaine de dévotion de Lambader à Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent, vers 1550) de la fontaine de dévotion de Lambader à Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
Vierge de Pitié (kersanton, atelier Prigent, vers 1550) de la fontaine de dévotion de Lambader à Plouvorn. Photographie lavieb-aile.
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Au total, nous avons sur la commune de Plouvorn deux Vierges de Pitié en kersanton qui ont suffisamment de points communs pour provenir du même atelier, celui des Prigent, caractérisé par ces larmes en gouttes qui coulent sous les yeux de la Vierge. On les comparera avec d'autres œuvres des Prigent comportant des Vierges de Pitié :
-Guimiliau, croix de Laguen de 1572,
-Saint Derrien, 1557 Calvaire de l'église
-Saint-Divy, Calvaire de l'église.
-Loc-Brévalaire, Calvaire de l'église
-Brignogan : calvaire de la chapelle de Pol : .
-Dinéault, Calvaire de l'église.
-La Forest-Landerneau : cimetière haut.
-Landerneau : calvaire de la Croix-de-la-Vierge.
-Lanneufret : Calvaire de l'église.
-Le Folgoët : Calvaire de l'église.
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Et, passant par Lambader, on examinera la Vierge de Pitié du calvaire de Croas-Lambader.
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LES VIERGES DE PITIÉ DU FINISTÈRE
Yves-Pascal Castel en a dénombré une centaine, en bois et en pierre, mais il englobe sous ce terme les Pietà proprement dites à deux personnages (La Vierge et le Christ) avec ce qu'il faut désormais nommer des Déplorations, où la Mère et le Fils sont entourés de Jean, Madeleine, les Saintes Femmes, Joseph d'Arimathie et Nicodème, ou Gamaliel et son fils...
Elles sont assises, ou agenouillées, et parfois debout (Brasparts) .
La Déploration de l'église de Locronan.La Déploration (kersanton polychrome, vers 1525, par le Maître de Cast ) de la chapelle du Pénity de l'église Saint-Ronan de Locronan.
Lopérec, calvaire [attribué à Fayet, compagnon de l'atelier Prigent]
Auquel j'ajoute :
Plouvorn, cimetière (3 larmes)
Plouvorn, chapelle de Lambader, fontaine (3 larmes)
Crozon, Tal ar Groas, calvaire chapelle Saint-Laurent (3 larmes)
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1897, Le Livre d'or des églises de Bretagne, Lambader, Berven, Lochrist, Goulven, illustrations de Charles Géniaux, Rennes pages 1-3.
"On est heureux de retrouver encore dans cette chapelle quelques vieilles statues en pierre représentant la nativité de Notre-Seigneur, l'adoration des bergers et des mages, Notre-Dame de Pitié, saint Goueznou, saint Divy, saint Patern et saint Guénolé.
— ABGRALL (Jean-Marie), 1904, L'Architecture bretonne, Quimper, de Kerangal éditeur
2386. Lambader, placître, g. k. 6 m. XVIè, XIXè s. Trois degrés, corniche. Socle cubique. Fût rond, écots. Croisillon, statues géminées: Vierge-Madeleine, Jean-Pierre (décapitée). Croix, branches rondes, crucifix, écu. [YPC 1980]
2385. Lambader, dans la chapelle, k. Vers 1550, vestiges d’un calvaire dont certaines pièces sont placées à la croix de Spernen en Plougourvest (no 1977). Fuite en Egypte. Présentation au temple, Vierge de l’Annonciation, Vierge aux sept glaives, Nativité, saintes femmes, Crucifix, Vierge à l’Enfant. [YPC 1980]
—CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère, Plougourvest N° 1977
1977. Spernen S, Croas-Lambader, g. k. 5,50 m. Vers 1550. Trois degrés. Socle, Vierge de Pitié, Jésus au milieu des docteurs. Fût à pans. Croisillon aux anges, statues géminées: Pierre-Vierge, Jean-Madeleine. Croix à branches rondes, anges en place des fleurons, titulus en lettres fleuries, crucifix, Christ aux liens. Les groupes conservés dans la chapelle voisine présentent la même facture que ceux-ci. [YPC 1980]
— CASTEL (Yves-Pascal), 25 mars 1995, A la découverte des croix monumentales, Plouvorn. Courrier du Léon
—— COUFFON R., 1961, "L'évolution de la statuaire en kersanton" Mémoires de la Société d'émulation des Côtes-du-Nord, Saint-Brieuc t. LXXXIX, 1961 p. 1-45. Féminines se distinguent par une forme très carrée. Celles des Vierges de l'Annonciation et de la Nativité de Plougonven sont par exemple , très semblables à celle de la sainte Anne du porche de Pencran ainsi qu ' à celles de la Vierge et des saintes femmes de la Mise au tombeau de Pleyben. De ces dernières , il convient de rapprocher le beau groupe de la Mise au tombeau de Plourin-Ploudalmézeau timbrée des armes en alliance Keruzaouen – Pilguen, la Pietà du calvaire du Folgoat , une sainte Barbe de Plougar , etc ... Ces caractères permettent de dater avec une certaine approximation un important monument aujourd'hui disparu , le calvaire de Lambader en Plouvorn , qui , avec les calvaires de Plougonven et de Pleyben , marque l' apogée de ces monuments . Calvaire de Lambader en PLouvorn . Ainsi que tous les autres grands calvaires , il fut détruit en 1793 par les révolutionnaires ; mais , comme celui d' Edern , il n' a pas été restauré . ..
— COUFFON, (René), LE BARS, Alfred), 1988, "Plouvorn", Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988.
Le calvaire (kersanton, v. 1550, atelier Prigent ?) de Croas Lambader à Plougourvest et deux pièces (Vierge de Pitié et Jésus parmi les Docteurs) d'un calvaire monumental (kersanton, v. 1550 ou 1600) de Lambader.
La Collégiale du Folgoët XIII. Le calvaire. La Pietà par l' Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577). Le Christ crucifié par le Maître de Plougastel (1570-1621). Le groupe du cardinal de Coëtivy par l'Atelier du Folgoët (vers 1449).
Le calvaire de Croas Lambader ou du Spernen appartient aujourd'hui à une propriété privée au 1 rue de Lambader sur le bord ouest de cette rue, à 200 m du calvaire de Lambader et de la chapelle.
La propriétaire de la maison m'a très gentiment proposé de pénétrer dans le jardin pour pouvoir observer la face principale portant le Crucifix et tournée vers l'ouest. Qu'elle trouve ici l'expression de ma gratitude pour cet accueil.
Le calvaire est situé aujourd'hui en Plougourvest, mais le cadastre de 1829 le montre à la frontière avec Plouvorn, et du coté de cette commune.
Il est classé monument historique (28 novembre 1910) et fait l'objet d'une notice Mérimée PA00090247 et d'une notice Monumentum avec 8 photographies, sous le titre "Croix de chemin en pierre de Lambader, XVIe siècle".
Wikipedia propose une photo de 2012 par GO69. Ce cliché montre que la statue de la Vierge était orientée par erreur vers l'orient. Ce défaut a été corrigé depuis, lors d'une intervention de réfection d'une partie d'un angelot d'extrémité de croisillon, par rotation de 180° de la statue géminée et rescellement.
" Spernen S, Croas-Lambader, g. k. 5,50 m. Vers 1550. Trois degrés. Socle, Vierge de Pitié, Jésus au milieu des docteurs. Fût à pans. Croisillon aux anges, statues géminées: Pierre-Vierge, Jean-Madeleine. Croix à branches rondes, anges en place des fleurons, titulus en lettres fleuries, crucifix, Christ aux liens. Les groupes conservés dans la chapelle voisine présentent la même facture que ceux-ci. [YPC 1980]"
Enfin, il est décrit par Christian Gallic dans le bulletin 2017 du journal municipal Plouvorn Information :
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C'est donc un calvaire composite, et les deux groupes de l'emmarchement, la Vierge de Pitié et Jésus parmi les Docteurs, ont dû être placés ici au début du XXe siècle. J'ai déjà décrit ces groupes dans mon article sur l'important ensemble de vestiges d'un calvaire monumental en kersanton (milieu du XVIe siècle ?), dont l'essentiel se trouve dans la chapelle.
Le choix des personnages (Vierge et Jean d'un coté, Madeleine et Pierre de l'autre) est le même que sur le calvaire de Lambader mais ils ne sont pas couplés de la même façon (ici, la Vierge est couplée à Pierre alors qu'à Lambader elle est couplée à Marie-Madeleine).
Ni la carte de Cassini, ni la carte d'Etat-Major 1822-1866, ni les photos aériennes 1950-1965 (avant la construction des maisons bordant la rue), ne permettent de le situer, mais le cadastre napoléonien de 1829-1830 montre un symbole en étoile, à son emplacement actuel, tant sur la feuille d'assemblage que sur la 2ème feuille F du Bourg.
Parmi les calvaires issus de l'atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577), outre les calvaires monumentaux de Plougonven (1554) et de Pleyben (1555), on conserve 6 croix et 23 calvaires dont 13 sont complets. Sur ces 29 œuvres, 23 sont dans le diocèse du Léon, 6 dans celui de Cornouaille et 1 seul dans celui de Tréguier. Les croix et calvaires peuvent être classés en :
1°) Croix à revers figuré. Le Crucifié avec la Vierge à l'Enfant au revers .
2°) Calvaire à un croisillon et 3 personnages (statues non géminées).
3°) Calvaire à un croisillon et 5 personnages ou 6 personnages avec statues géminées sur le croisillon.
4°) Calvaire à deux croisillons.
Nous avons affaire ici au 3ème groupe, le plus nombreux. On en voit des exemples à Saint Derrien, 1557, à Lanhouarneau, Croas-ar-Chor, à la chapelle Saint-Laurent de Pleyben, au cimetière de Bourg-Blanc, et à Saint-Divy.
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Feuille d'assemblage du plan cadastral 1829.
Feuille F2 du plan cadastral 1829.
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LE COTÉ OUEST.
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Le crucifix central est entouré des statues de la Vierge et de Jean sur le croisillon.
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Le Christ en croix.
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Il est placé sous un titulus aux lettres gothiques un peu effacées, dont le fût est perlé et l'empattement fourchu.
Sous une couronne d'épines à deux brins tressés, le visage est fin avec des yeux clos dont la paupière est ourlée, des pommettes émaciées, un nez droit et long, un philtrum creusé, une bouche entrouverte sur les dents, une moustache en V inversé qui naît à l'angle des narines et s'achève en hameçon, et une barbe dont les mèches forment des virgules. La chevelure tombe devant l'épaule droite, et derrière l'épaule gauche.
Sur les bras, le pli du coude est marqué par un V peu naturel.
Le torse court porte le dessin des mamelons, des côtes presque horizontales et de la plaie du coté ; le nombril est indiqué par un cercle.
Le pagne est noué avec un pan sortant à gauche, et rentré à droite, mais le dessin des plis est remarquable par son entrecroisement médian.
Il ne ressemble pas exactement au fragment de Christ conservé dans la chapelle, mais il en partage les éléments stylistiques.
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Les anges orants et hématophores.
Trois anges occupent les extrémités libres de la croix, ils sont agenouillés mains jointes, les ailes rabattues dans le dos; Ils portent une tunique bouffante au dessus du cordon de la taille.
Dans la même posture et le même habit, un quatrième ange présente le calice du sang des plaies du Christ.
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La Vierge éplorée.
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Elle est saisie dans une attitude recueillie, mains jointes et la tête légèrement penchée en avant.
L'élément le plus remarquable est le motif des trois larmes s'écoulant sous chaque œil. C'est l'un des traits stylistiques de l'atelier Prigent (1527-1577). Mais par contre, nous ne retrouvons pas le voile marqué de plis rigides qui est une autre de ces caractéristiques qui était présente sur la Vierge du calvaire de Lambader et sur la Vierge de Pitié du Monument aux Morts de Plouvorn. Le voile encadre à angles droits le visage et rejoint la guimpe. (*)
Le visage est ovale, les yeux sont ourlés, le nez triangulaire et fort, la bouche petite et concave faisant la moue, le menton pointu.
Si on la compare à la Vierge du calvaire de Lambader, celle-ci est plus figée, son visage est moins marquée d'humanité, sa tête n'est pas inclinée, et même le plissé des vêtements est moins animé.
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(*) Ce plissement en Z du voile de la Vierge n'est pas constant sur les productions de l'atelier Prigent, et s'il est présent à Saint-Nic, il est absent sur la Vierge de Dinéault.
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Saint Jean éploré.
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Il porte une main sur la poitrine tandis que l'autre ramène le pan du manteau. Sa posture est hiératique (le terme s'applique aussi à la Vierge), figée par le chagrin, sans geste expressif, sans que la tête ou le regard ne soit tourné vers le Christ. Les deux angles pointus du col du manteau laissent voir la robe, fermée par deux (ou trois) boutons ronds.
Le visage est plus rond que celui de Marie, mais partage avec ce dernier la plupart des caractères, et notamment les trois larmes.
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LE COTÉ EST.
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Placé sur une console avancée, le Christ aux Liens est encadré par les statues du croisillon, celle de Pierre à sa gauche et Marie-Madeleine à sa droite.
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Le Christ aux liens.
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Sa couronne et son visage sont proches de ceux du Crucifié, mais les yeux sont ouverts.
Il porte le manteau de dérision, qui tombe directement à droite alors que le pan gauche fait retour par une large courbe au poignet. Les deux mains sont liées par une corde aux épais torons.
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D'autres Christ aux liens de l'atelier Prigent se trouvent au revers de la croix des calvaires de Bourg-Blanc, à Saint-Divy, ou, en tant que vestige, à Guissény (cimetière de l'église, 1555) et Lanneufret .
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Marie-Madeleine éplorée.
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Elle est vêtue d'une robe et d'un manteau au plissé très vivant. Elle tient de la main gauche le flacon d'onguent dont elle soulève le couvercle conique. De ses yeux coulent les trois larmes, aux extrémités recourbées en crochet. Son visage est rond, avec de cheveux divisés en deux mèches autour d'une raie médiane.
Sa chevelure est retenue par le même bandeau occipital, enrubanné sur les mèches qui retombent dans le dos, que celui, par exemple, de la Vierge à l'Enfant des vestiges de calvaire de la chapelle de Lambader.
Elle n'est pas très différente de la Madeleine du calvaire de Lambader, mais sa tête est plus engoncée dans les épaules.
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Saint Pierre tenant sa clef.
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Sa robe serrée par une ceinture est recouverte d'un manteau fermée par une patte à bouton rond. Sa clef à poignée losangique est plus grande que son thorax.
Son visage, dont la bouche semble tendu en avant par l'imminence d'une parole, est presque léonin, peut-être en raison d'une mâchoire carrée et d'un barbe tortueuse. La moustache part en crochets à partir des coins des narines.
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Les anges des extrémités du croisillon.
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Ils sont semblables aux anges orants de la croix, et sont agenouillés mains jointes, et les ailes plus écartés.
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LES GROUPES DES MARCHES DU SOCLE.
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Ils proviennent des vestiges d'un ancien calvaire (monumental) et daté vers 1550 et attribué par Castel à un anonyme nommé par convention "Maître de Lambader" , car la majorité des scènes de l'Enfance de Jésus et de la Vie de Marie sont rassemblés dans la chapelle de Lambader. Je reprends ma description donnée dans la description de ces vestiges dans l'article :
Elle a la tête brisée. La forme générale de la Mère voilée dans son manteau est massive et triangulaire, et elle soutient sur ses deux genoux écartés le corps de son Fils, par une main placée sous la tête et une autre sur la cuisse droite. Le Christ forme une diagonale oblique vers le haut et la gauche et ses plaies des mains sont exposées, le bras droit fléchi pend (un peu maladroitement) le long de la jambe maternelle tandis que le bras gauche repose le long du corps.
Cette formule est proche de celle des deux autres Vierges de Pitié de l'ancienne paroisse de Plouvorn, celle de la fontaine de Lambader et celle du Monument aux Morts du cimetière, toutes deux attribuées à l'atelier Prigent. Le visage de la Vierge y est marquée de larmes.
Bien que cette Pietà n' est pas attribué par Castel à l'atelier Prigent, on la comparera à ses homologues des calvaires de
-Guimiliau, croix de Laguen de 1572,
-Saint Derrien, 1557 Calvaire de l'église
-Saint-Divy, Calvaire de l'église
-Loc-Brévalaire, Calvaire de l'église
-Brignogan : calvaire de la chapelle de Pol : .
-Dinéault, Calvaire de l'église
-La Forest-Landerneau : cimetière haut
-Landerneau : calvaire de la Croix-de-la-Vierge
-Lanneufret : Calvaire de l'église
-Le Folgoët Calvaire de l'église
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Jésus parmi les Docteurs (kersanton, vers 1550-1600).
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L'interprétation de ce groupe est difficile, notamment car il est camouflé (comme la Pietà) par les rosaces blanches, gris-vert ou rosées de lichens. Mais Yves-Pascal Castel a raison d'y voir Jésus parmi les Docteurs, grâce à l'attitude émerveillée des assistants, et malgré l'absence de Jésus qui occupait sans doute la place la plus haute au centre.
Les quatre personnages, assis en tailleur devant un pupitre à degrés, lèvent tous la tête et le regard vers le haut, et écartent les paumes vers l'orateur en signe d'admiration. Deux portent le chapeau conique des Juifs, tandis que deux autres portent le bonnet carré des docteurs en théologie du XVIe siècle (ou un bonnet à rabat). Trois sont barbus. Deux portent un manteau à large rabat sur le col.
Je ne peux être plus précis, car leur tenue de camouflageest terriblement efficace, tant pour mon regard que pour la capacité de discrimination de mon objectif photo.
Ce calvaire associe à sa statuaire originale deux groupes provenant d'un autre calvaire.
Si on s'en tient aux données fournies par les sources de référence (Atlas de Calvaires et base Mérimée), ces deux sous-ensembles relève de la même datation, vers 1550. C'est aussi la datation acceptée pour le calvaire de Lambader. Cette proposition est suivie par Tanguy Daniel et par Christian Gallic.
Toujours selon les mêmes sources, aucun de ces deux sous-ensembles n'est attribué à un atelier déterminé. Rappelons que les ateliers actifs en Finistère (et en particulier dans le Léon) sont ceux de Bastien et Henry Prigent de 1527 à 1577, et de leur compagnon Fayet de 1552 à 1563, puis du Maître de Plougastel de 1570 à 1621.
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L'indice des trois larmes : l'atelier des Prigent ?
Néanmoins, il est possible ou probable qu'Yves-Pascal Castel ait choisit pour l'Atlas la date, très précise, de 1550 pour ces deux ensembles après avoir constaté la présence d'un indice stylistique de haute valeur sur les trois personnages du calvaire, indice qu'il avait signalé sur le calvaire monumental de Plougonven daté de 1554 et signé des Prigent.
E. Le Seac'h, qui n'a pas inclus le calvaire de Croas Lambader dans son Catalogue des sculpteurs de Basse-Bretagne, a attribué les statues de la Vierge et celle de Madeleine sur le calvaire de Lambader aux Prigent (Catalogue p. 331). Et c'est elle qui a insisté sur la description de ces trois larmes en écrivant (p.140): " Le trait commun aux deux Prigent se repère à un détail qui devient leur signe distinctif : trois larmes en relief roulent sur les joues de leurs Vierges éplorées au calvaire, leurs Vierges de Pitié , de Saint Jean et de Marie-Madeleine quand ils lui sont associés."
Elle précise encore :"Si la manière de sculpter de Bastien est plus souple, si ses drapés sont plus fluides si ses yeux sont taillés en un petit losange horizontal, tandis que celle d'Henry, moins habile, est hiératique, plus raide, avec un nez massif aux narines creuses, l'appartenance au même atelier se reconnaît à quelques autres traits : l'arcade sourcilière nette, et les visages pointus."
2386. Lambader, placître, g. k. 6 m. XVIè, XIXè s. Trois degrés, corniche. Socle cubique. Fût rond, écots. Croisillon, statues géminées: Vierge-Madeleine, Jean-Pierre (décapitée). Croix, branches rondes, crucifix, écu. [YPC 1980]
2385. Lambader, dans la chapelle, k. Vers 1550, vestiges d’un calvaire dont certaines pièces sont placées à la croix de Spernen en Plougourvest (no 1977). Fuite en Egypte. Présentation au temple, Vierge de l’Annonciation, Vierge aux sept glaives, Nativité, saintes femmes, Crucifix, Vierge à l’Enfant. [YPC 1980]
—CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère, Plougourvest n°1977.
"1977. Spernen S, Croas-Lambader, g. k. 5,50 m. Vers 1550. Trois degrés. Socle, Vierge de Pitié, Jésus au milieu des docteurs. Fût à pans. Croisillon aux anges, statues géminées: Pierre-Vierge, Jean-Madeleine. Croix à branches rondes, anges en place des fleurons, titulus en lettres fleuries, crucifix, Christ aux liens. Les groupes conservés dans la chapelle voisine présentent la même facture que ceux-ci. [YPC 1980]"
— CASTEL (Yves-Pascal), 1983, La floraison des croix et calvaires dans le Léon sous l'influence de Mgr Roland de Neufville (1562-1613), Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest Année 1983 90-2 pp. 311-319
— CASTEL (Yves-Pascal), 2005, “Minihi Levenez 092 : guide des sept grands calvaires bretons,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon, consulté le 23 mars 2021, https://bibliotheque.diocese-quimper.fr/items/show/9398.
— COUFFON, (René), LE BARS, Alfred), 1988, "Plouvorn", Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988.
"Statues en kersanton, dont plusieurs proviennent d'un calvaire monumental détruit : groupe de la Présentation au Temple, Fuite en Egypte, XVIè siècle (C.), Adoration des mages, XVIè siècle (C.), Vierge de l'Annonciation, Notre Dame des Sept Douleurs, Vierge Mère assise sur un trône, les trois Marie au Calvaire, sainte Marguerite, saint Jean l'Ev., saint Divy (S:DIVI), saint évêque (S.GOUYNIE), saint Gouesnou (S.GOUESNOU), saint Patern (S.PATERNE), Ange de l'Annonciation (décapité), Christ de calvaire (mutilé)
— DANIEL (Tanguy), 1996, La chapelle de Lambader en Plouvorn, Comptes rendus, procès-verbaux, mémoires - Association bretonne et union régionaliste bretonne, Congrès de Saint-Pol-de-Léon juin 1996 tome CV p. 50.
"On remarquera aussi et surtout les restes d'un ancien calvaire monumental, présenté en désordre en quatre endroits de la partie basse de la nef : une Présentation au Temple, une Annonciation et une Fuite en Égypte, une Nativité, un Christ (mutilé) et les Trois Marie. Il est possible que d' autres éléments de ce grand calvaire figurent sur la croix de Spernen ( dite aussi Croaz-Lambader ), à Plougourvest . Aucune date ne figure sur ces sculptures dont le style est celui du milieu du XVIe siècle . » .
— FRÉMINVILLE ((chevalier Christophe-Paulin de La Poix de Fréminville) 1832, Antiquités de la Bretagne: Finistère, Volume 1, Lefournier et Deperiers, 1832 p. 69
"Plusieurs statues ornaient jadis l'église de Lambader, elles ont été renversées et mutilées, leurs débris gisent sur le gazon dans le préau ou cour du monastère. J'en remarquai une qui me frappa par le fini et la précision de son travail, elle représente un chevalier armé de toutes pièces , tenant l'épée nue sur l'épaule ; la forme de son armure indique la fin du quatorzième siècle. On remarque au bas de la cuirasse l'assemblage de pièces de lames transversales qui recouvre le défaut des cuissards et que l'on nommait tasseltes ou braconnière. La tête de cette statue a malheureusement été brisée ( Pour préserver cette statue de mutilations plus considérables, M. le marquis du Dresnay en a fait récemment l'acquisition et l'a fait transporter à Saint-Pol de Léon , où elle est placée dans son jardin. ) : je présume qu'elle représentait quelqu'un des commandeurs de Malte titulaires de la commanderie de Lambader. Ce ne peut être un templier, car, lors de la destruction de l'ordre du temple, les .chevaliers portaient encore le haubert ou armure entièrement en mailles, celle que l'on voit ici est celle de plaque et de lames adoptée au quatorzième siècle."
— GALLIC (Kristian), PLOUVORN INFORMATION mars 2017 n°3
https://fr.calameo.com/read/0047577681bc06131f887
— LE GUENNEC (Louis), Le Finistère monumental tome 1, Morlaix et sa région, page 308. Droits réservés. Ouvrage numérisé avec l'aimable autorisation de la Société des Amis de Louis Le Guennec.
"On vénère à Lambader une belle statue en kersanton de Notre-Dame. Au bas de la chapelle sont de nombreuses statues mutilées, en granit, provenant de l'ancien Calvaire. La maîtresse vitre contenait un brillant vitrail de 1543, qui a été brisé vers 1845 et remplacé, dans sa partie basse, par une maçonnerie, et dans sa partie haute, par un voile rouge. On en voit quelques débris à la chapelle de Keruzoret, ainsi qu'un saint Christophe et un saint Trémeur portant sa tête entre ses mains."
— LE GUENNEC (Louis), 1911, La chapelle de Lambader, Morlaix, Lajat, in-8°, 88 pages. Non consulté.
"La plus ancienne mention de la chapelle se trouve dans un acte de 1333; les documents conservés aux Archives du Finistère, et que M. Le Guennec a savamment commentés, remontent à 1432 : ils lui ont permis d'écrire une histoire complète de cet intéressant monument."
— MIORCEC DE KERDANET (L.), 1837, Les vies des Saints de la Bretagne-Armorique De Albert LE GRAND ... Avec des notes et observations historiques et critiques par D. L. Miorcec de Kerdanet et revues par M. Graveran. Brest 1837 Page 502
Texte principal : "Si vous entrez dans Ploumorn (Plouvorn), vous ne pouvez faire beaucoup de chemin , sans remarquer la belle Eglise priorale de N. D. de Lanbader tant pour l'excellence du bastiment, qu'à raison de la grande devotion du peuple qui y aborde de plusieurs endroits. Ceste chappelle est construicte non loin du bourc parrochial , sur la pente d'une colline , prés d'un agreable ruysseau qui fait moudre nombre de moulins, avant de se rendre à l'ocean. Ce lieu est fort consideré par les personnes devotieuses , &, estant limitrophe à plusieurs paroisses de cest Evesché, les pelerins y arrivent en affluence aux festes de la Vierge, & surtout le lundy de la Pentecoste."
Note de Kerdanet : "Cette église est construite dans le style de l'architecture gothique arabe : elle a huit arcades élégantes dans chacun de ses bas-cotés., son clocher est très beau, c'est une tour carrée, ornée d'une balustrade légère et surmontée d'une flèche élevée, de forme prismatique hexagonale, flanquée de quatre clochetons. Cette flèche, toute en pierres de taille, est travaillée à jour, ainsi que les clochetons qui l'accompagnent, dont l'un a été renversé par l'ouragan du 2 février 1836. Le clocher est supporté par des piliers formant trois arcades. Dans le fond est la porte d'entrée de l'église, couronnée d'une statue de la Vierge en kersanton avec ces mots : NOTRE DAME DE LANBADER ». À ses cotés, sont deux encadrements, l'un représentant six moines à genoux, sur trois lignes, et l'autre six religieuses dans la même position. Le dernier encadrement offre le millésime de 1598, et la légende : INTERCEDE P. DEVOTO FEIÕ SEXU » On remarque, de plus, autour de l'église, diverses statues curieuses, telles que celle de saint Christophe, ainsi désignée SXDÕPLE 1600 », et la statue de N.D de Pitié dans l'attitude la plus recueillie et la plus expressive.
Le jubé en bois de Lanbader est aussi fort renommé ; c'est un réseau de sculpture, presque aussi remarquable dans son genre que celui du Folgoët dans le sien : il a 16 pieds ½ de long sur 3 pieds , 9 pouces de large ; ses éventails ont 8 pieds 3 pouces de développement, et sa porte 4 pieds ½ d'ouverture ; son escalier tournant compte 22 marches ; le tout orné de petites statues d'anges, parmi lesquels vient figurer, on ne sait pourquoi, un joueur de biniou (musette)
M. de Fréminville pense que Lanbader était une ancienne commanderie ; il n'en n'est cependant fait aucune mention dans celles du duc Conan IV, de 1160 ; mais on trouvait autrefois, autour de cette chapelle, les propugnacula, turricula et alias munitiones dont parle Pierre Mauclerc das sa charte aux chevaliers du Temple. V. D. Morice, Pr. t. 1er col.638 et 850. Le gouvernement de Lanbader possédait, en 1790, 900 livres de revenu. »
— PENNEC (Cyrille) 1825, Le dévot pèlerinage de Notre-Dame du Folgoët Vatar-Jausions, 1825 - 122 pages
« On trouve en cet endroit plusieurs jolies statues en Kersanton, entre autres celle de S. Christophe, portant la date de 1600. Sur la porte étroite de la chapelle, on a figuré une petite assemblée de moines, et vis-à-vis des religieuses à genoux et les mains jointes, avec cette légende : Intercede pro devoto foemineo sexii ».
— PÉRENNÈS (Henri) 1943 Plouvorn Monographie de la paroisse, Rennes, Imprimerie du Nouvelliste, 1943, 86p., Réédition Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris, 2004, 83p., p. 50-51.
— REALS (Vicomte de, 1890, "La restauration de Lambader", in Bulletin archéologique de l'Association bretonne, 31e congrès tenu à Saint-Pol-de-Léon du 10 au 15 septembre 1888, Troisième série, Vol.8, Saint-Brieuc, Imprimerie-Librairie R. Prud'homme, 1890, 202p., p. 54-58.
"Dans le fond de la chapelle on a recueilli une trentaine de statues en pierres de taille qui doivent être les débris d'un ancien calvaire. Plusieurs de ces statues ont beaucoup d'expression dans la physionomie ; malheureusement presque toutes ont été mutilées pendant la révolution. Elles ressemblent comme travail aux statues du calvaire de Guimiliau et doivent être de la même époque."
La statuaire de la chapelle de Lambader en Plouvorn. I, Vestiges d'un calvaire, kersanton, Maître de Lambader, vers 1550 / ou Maître de Plougastel vers 1600.
Dans la chapelle de Lambader à Plouvorn, le visiteur découvre dès son entrée par la porte nord un beau groupe de la Présentation au Temple, et de l'autre coté de l'allée centrale de la nef, une Fuite en Égypte dominée par une Vierge de l'Annonciation agenouillée à son prie-Dieu. Tout cela est en beau kersanton gris à grain fin et suscite son intérêt. Lorsqu'il fait le tour du jubé, il découvre ensuite, de belles statues de bois polychrome, mais aussi, à nouveau en kersanton, une Vierge pleurante aux sept douleurs, une sainte Marguerite sortant de son dragon, et un saint Jean l'évangéliste avec son aigle. Mais au fond de la nef, dans une obscurité que la lumière venant des baies ouest accentue encore par effet de contre-jour, il trouve assemblé du coté sud-ouest une dizaine de personnages formant une Nativité entourée des Bergers et des Mages, tandis qu'au nord-ouest, c'est un bric-à brac de statues reliées par le thème de la Passion qui ont été rassemblées. Sans parler des trois statues de saints posées sur des consoles contre les murs adjacents.
Sa curiosité s'embrase, et s'il consulte la "plateforme ouverte du patrimoine" Pop-culture liée à la base Mérimée, il apprend que l'Adoration des Mages et la Fuite en Égypte, classés depuis 2014, sont "en pierre" (sic) et datent du XVe siècle, après avoir été initialement datés du XVIe siècle.
Pour peu qu'il ait exploré les œuvres sculptées, en kersanton, issues des ateliers de Basse-Bretagne au XVe siècle, notamment les œuvres de l'atelier ducal du Folgoët, il peut s'étonner d'une datation si précoce (la région ne conserve pratiquement pas de sculptures en kersanton antérieures à 1423), ce qui suscite le désir de découvrir des travaux consacrés à ce corpus assez exceptionnel, et dont les auteurs motiveraient leurs affirmations. Il se reporte aux écrits du chanoine Abgrall (" quelques vieilles statues en pierre représentant la nativité de Notre-Seigneur, l'adoration des bergers et des mages, Notre-Dame de Pitié, saint Goueznou, saint Divy, saint Patern et saint Guénolé."), de L. Le Guennec (dont la monographie sur la chapelle n'est hélas plus accessible) qui écrit "Au bas de la chapelle sont de nombreuses statues mutilées, en granit (sic), provenant de l'ancien Calvaire", de V.H. Debidour, de H. Pérennès, et de Le Seac'h, mais il ne récoltera que quelques bribes assez générales.
Dès 1838, Fréminville en constataient la présence " renversées et mutilées, leurs débris gisant sur le gazon dans le préau ou cour".
En 1864, Pol de Courcy écrit
"Vis-à-vis de Lambader se dresse une croix gothique dont les branches sont chargées des principaux personnages de la Passion. Plusieurs de ces statuettes, renversées par la tempête, ont été employés à macadamiser la route, d'autres jonchent aujourd'hui les douves de cette même route, sans que la fabrique de Plougourvest prenne souci de les rétablir sur leurs piédestaux."
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Que dit René Couffon, (auteur par ailleurs d'Evolution de la statuaire en kersanton) ? Il décrit :
"Statues en kersanton, dont plusieurs proviennent d'un calvaire monumental détruit : groupe de la Présentation au Temple, Fuite en Egypte, XVIè siècle (C.), Adoration des mages, XVIè siècle (C.), Vierge de l'Annonciation, Notre Dame des Sept Douleurs, Vierge Mère assise sur un trône, les trois Marie au Calvaire, sainte Marguerite, saint Jean l'Ev., saint Divy (S:DIVI), saint évêque (S.GOUYNIE), saint Gouesnou (S.GOUESNOU), saint Patern (S.PATERNE), Ange de l'Annonciation (décapité), Christ de calvaire (mutilé)". C'est pour l'instant l'énumération la plus complète, avec une datation du XVIe siècle."
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Pour ma part, je viens de décrire le jubé de Lambader, et j'ai constaté que si sa datation la plus fréquemment mentionnée est celle de 1510-1520, on doit tenir compte d'une donation par Marc de Troërin en 1534 pour d'importants travaux de réfection du chevet et de réparations de l'ensemble du lieu. Dans le même ordre d'idée, la maîtresse-vitre datait de 1543, et la partie ancienne du calvaire est datée vers 1550. Le milieu du XVIe siècle est une période importante de créations, certes pour le gros-œuvre mais aussi pour le mobilier et sans doute la statuaire.
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Après ces errances, j'accède enfin à deux descriptions d'Yves-Pascal Castel.
La première est la rubrique , datant de 1980, de son Atlas des Croix et Calvaires du Finistère :
"2385. Lambader, dans la chapelle, kersanton. Vers 1550, vestiges d’un calvaire dont certaines pièces sont placées à la croix de Spernen en Plougourvest (no 1977). Fuite en Egypte. Présentation au temple, Vierge de l’Annonciation, Vierge aux sept glaives, Nativité, saintes femmes, Crucifix, Vierge à l’Enfant. [YPC 1980]
La seconde a été publiée dans le Courrier du Léon en 1995 :
"Dans l'église Notre-Dame de Lambader sont réunies un certain nombre de sculptures en pierre de kersanton. Certaines proviennent de toute évidence d'un calvaire, tel le nœud creusé d'une large cavité pour l'assemblage au fût, et d'un autre pour recevoir la croix. Le nœud orné d'anges est assorti d'une console pour porter une statue. L'écusson aux cinq plaies, deux mains, deux pieds et un cœur est parfois appelé le blason des carriers. Un Christ mutilé est rangé dans un angle de la chapelle. Ces vestiges sont à mettre vraisemblablement en relation avec les statues géminées de la Vierge et de la Madeleine, de Jean et de Pierre replacées sur le calvaire de l'enclos, à l'époque moderne (n° 2385) par une famille qui l'a timbré du blason aux trois tours de Crec'hquérault (?).
Des groupes conservés dans la chapelle, on peut se demander s'ils ont autrefois fait partie d'un calvaire. L'Annonciation, la Nativité, la Circoncision, la Fuite en Égypte, la Vierge des douleurs sont d'excellente facture, mais d'une main différente de l'atelier Prigent ? Découvrant ainsi un nouvel atelier de sculpture dans le domaine du kersanton, on peut légitimement attribuer ces sculptures à un maître anonyme que l'on nommera le maître de Lambader".
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Si nous ajoutons à ces vestiges ceux replacés sur la croix (voisine de la chapelle) de Croas-Lambader en Plougourvest, mais aussi deux statues en kersanton venant de Lambader et ornant la façade de la chapelle Saint-Trémeur du château de Keruzoret, le corpus est de taille vraiment conséquente. Et même s'ils ne relèvent pas tous du même atelier, et ne proviennent pas tous d'un calvaire, de moins les différents groupes de l'Enfance du Christ et de la Passion, qui forment un ensemble séquencé, supposent au départ un calvaire monumental.
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Je présenterai ces statues selon la chronologie de la Vie de Marie, de l'Enfance du Christ et de la Passion.
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Annonciation
Nativité, Annonce faite aux Bergers, Adoration des Mages et des Bergers.
Présentation au Temple
Fuite en Égypte
Crucifixion
Nœud de calvaire : les Cinq Plaies.
Saintes Femmes
Vierge à l'Enfant, assise.
Vierge aux sept glaives.
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LA VIERGE DE L'ANNONCIATION.
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La Vierge est représentée devant son livre de prières ouvert sur le prie-Dieu, à coté du vase fleuri symbolisant sa féconde virginité.
Son visage est rond, avec un front épilé, des sillons naso-labiaux soulignés, un philtrum présents et une petite bouche au dessus d'un menton pointu. Ses cheveux non retenus (privilège des jeunes filles) descendent bas au dessus de son manteau. La main droite est posée sur la poitrine, indiquant son acceptation à l'Annonce de l'ange, tandis que la main gauche, posée sur le livre, peut signifier qu'ainsi se réaliseront les Écritures.
La robe dont le col remonte au ras du cou est lisse et ajustée sur le buste, puis plissée en dessous d'une ceinture nouée.
Si nous comparons cette Vierge à celle des Annonciations que j'ai réuni en comparatif dans mon article sur l'Arc de triomphe de Saint-Thégonnec retrouve de nombreux points de parenté, mais aucune ressemblance convaincante avec un sculpteur en particulier.
Annonciation ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Annonciation ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Vestige d'un Ange de l'Annonciation ?
Sous la baie nord-ouest du fond de la nef. La tête et les bras sont brisés, mais on identifie le personnage à sa position de chevalier servant un genou à terre ou à sa tunique recouverte d'un surplis.
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Ange ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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DIEU LE PÉRE TENANT L'ORBE, SUR DES NUÉES.
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Il se trouve au fond de la nef coté nord, mais je le place ici par rapprochement avec celui de l'Annonciation de l'arc de triomphe de Saint-Thégonnec, ou du porche de Rumengol, ou du calvaire de Pleyben. Il porte une robe plissée, serrée par une ceinture nouée, sous une chape fermée par un bouton rond, et il bénit de la main droite le globe terrestre.
Il est vraisemblable que cette Annonciation occupait un emplacement clef, un lieu de transition (porte, porche).
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Dieu le Père ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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LA NATIVITÉ ET L'ADORATION DES BERGERS ET DES MAGES.
Au fond de la nef, au sud-ouest.
Sous l'ange de l'Annonce aux Bergers, les trois Rois et trois bergers sont réunis autour de la Vierge, de Joseph et de l'Enfant-Jésus.
Beaucoup de ces statues sont brisées à leur base.
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Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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La Nativité.
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L'Enfant-Jésus, nu, est à plat dos sur une crèche en osier tressé. La similitude avec l'Enfant de la Présentation au Temple (infra) est évidente, puisqu'il est représenté en Sauveur du Monde, bénissant de la main droite l'orbe tenu dans la main gauche.
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Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge.
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La Vierge, agenouillée, se penche vers lui, les mains jointes. Son visage est ovale, avec des yeux ourlés, et un nez droit dont les narines ne se développent en bulbe qu'à l'extrémité.
Elle porte un manteau dont les pans ne sont pas réunis par un fermail mais dont les angles supérieurs se maintiennent seuls devant les épaules en donnant l'impression d'une étoffe très ferme. Ce manteau se retrouve aussi dans la Vierge de la Présentation au Temple et de la Fuite en Égypte.
La robe, et la chemise, ont un col rond au ras du cou. Comme dans l'Annonciation, la robe est lisse et ajustée sur le buste, et plissée sur la jupe ; les manches sont également plissées, transversalement.
Les cheveux sont retenus par un voile que j'ai choisi de nommer bandeau occipital dans ce blog., car après avoir couvert l'arrière des cheveux, il passe devant eux, et derrière la nuque. Il tourne encore une fois autour des mèches de cheveux dans le dos de Marie. Ce bandeau occipital a une valeur de marqueur stylistique indiscutable au XVIe et début XVIIe siècle en Basse-Bretagne, mais ne peut être attribué à un seul atelier de sculpture. On le voit par exemple, dans le comparatif déjà cité, sur l'Annonciation du porche de Pleyben (Prigent, vers 1555 ), mais aussi sur celle du porche de Saint-Thégonnec (Roland Doré, vers 1625-1635).
Sur le calvaire de Lambader (Prigent , v.1550), il retient les cheveux de Marie-Madeleine.
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Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Saint Joseph.
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Agenouillé également, il tient son bâton de marche entre le bras gauche et le torse, et entre les deux mains, un objet cylindrique qui ne peut être qu'un cierge, si on se rapporte à l'iconographie des Nativités (ici, par Robert Campin).
Il n'est pas représenté comme un vieillard, mais comme un bel homme, à la barbe taillée et aux cheveux aux mèches peignées. La moustache part en V inversé du coin des narines, laissant libre le philtrum (à la différence du Maître de Plougastel et de Roland Doré (Saint-Thégonnec), où les moustaches démarrent sous les narines).
Sous un manteau assez semblable à celui de Marie, il porte une robe serrée par une ceinture, ouvert par devant par une courte fente fermée par deux boutons ronds.
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Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Nativité ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Les trois Mages.
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Melchior est agenouillé tête nue et présente un récipient ouvert contenant l'or. Il a ôté sa couronne qui est posée sur sa robe entre ses genoux.
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Adoration des Mages ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Adoration des Mages ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Adoration des Mages ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Gaspard porte une couronne fleuronnée et perlée. Il présente une coupe fermée par un couvercle, et qui, selon la tradition, doit contenir de l'encens.
Il est en armure (nous voyons les jambières) mais celle-ci est recouverte d'une tunique, d'un manteau, et d'un camail.
Derrière lui, Balthazar, dont la tête manque, porte la myrrhe. Sa tunique est la plus courte. Il était souvent représenté avec un visage africain, imberbe, une boucle à l'oreille.
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Adoration des Mages ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Adoration des Mages ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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L'Annonce faite aux Bergers et l'Adoration des Bergers.
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Deux bergers, leur chien et quatre moutons sont sculptés dans le même bloc de kersantite. L'un des bergers tient sa houlette, bâton à l'extrémité dilatée et formant une crosse. Il est renversé en arrière et témoigne, par sa main ouverte, de sa stupeur devant l'apparition de l'ange du Seigneur. Il faut relire Luc:2 pour se souvenir de la frayeur suscitée par l'Annonce de la naissance d'un Sauveur :
"Dans la même région, il y avait des bergers qui vivaient dehors et passaient la nuit dans les champs pour garder leurs troupeaux. L’ange du Seigneur se présenta devant eux, et la gloire du Seigneur les enveloppa de sa lumière. Ils furent saisis d’une grande crainte. Alors l’ange leur dit : « Ne craignez pas, car voici que je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Aujourd’hui, dans la ville de David, vous est né un Sauveur qui est le Christ, le Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. » Et soudain, il y eut avec l’ange une troupe céleste innombrable, qui louait Dieu en disant : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes, qu’Il aime. "
À ses cotés, un autre berger joue d'une trompe, peut-être selon le chant traditionnel "jouez hautbois resonnez musettes", car de très nombreuses enluminures montre ce musicien (jouant souvent de la cornemuse). Grandes Heures d'Anne de BretagneHeures dites de Henri IV
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Annonce aux Bergers ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Un berger debout.
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Son visage est proche de celui de Joseph. Il est vêtu d'un manteau fermé par un bouton rond, et il tient dans la main la houlette de berger. Il s'incline respectueusement, le chapeau rond maintenu contre la poitrine.
Des rides horizontales sont tracées en ligne gravées sur le front (comme le fait le Maître de Saint-Thégonnec).
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Adoration des Bergers ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Adoration des Bergers ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Une sage-femme (Zélomi ou Salomé).
Sur ce personnage fréquemment représenté sur les Nativités peintes, voir :
L'identification n'est bien-sûr pas certaine. La femme a la tête couverte d'un voile qui se confond avec le manteau ; elle porte une robe serrée à la taille par une ceinture nouée. Elle écarte ses deux bras, les deux paumes se faisant face.
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Sage-Femme ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Sage-Femme ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Ces statues servent de crèche pour les fêtes de Noël.
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Crêche ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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II. PRÉSENTATION AU TEMPLE.
À gauche de la nef, en face de la porte d'entrée latérale (nord) contre un pilier
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La table d'offrande coté nord.
Notre-Dame de Lambader est l'objet de pèlerinages depuis au moins le XVe siècle (1432), et des femmes y affluaient, aux fêtes de la Vierge et le Lundi de Pentecôte, et en 1856, le curé témoignait encore : " Une des dévotions consisterait à demander l'usage de la parole aux petits enfants qui sont tardifs à parler. Les offrandes qui se donnent à la chapelle les jours où on y fait l'office, consistent en argent, vêtements de femmes, lin, cire, etc...". Ces offrandes étaient placées sur ces tables." Sur le porche ouest, deux panneaux montrent deux groupes de pèlerins (six hommes et six femmes) à genoux devant la Vierge.
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Cette table d'offrande en kersanton, de style Renaissance porte trois masques humains en moyen-relief entre deux volutes. Emmanuelle Le Seac'h a attribué cet autel au Maître de Plougastel (1570-1621) et a remarqué le sillon naso-labial et le philtrum apparent de ces masques.
Je note les yeux en amande ourlés d'un double trait, les cheveux écartés dégageant largement le front, et pour le personnage inférieur la double ride frontale entre les yeux.
Un probable blason a été martelé.
E. Le Seac'h ne précise pas sa datation de cet autel ; mais elle attribue (cf. infra) au même sculpteur la statue de saint Christophe provenant de la chapelle et qui porte par inscription la date de 1600.
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Table d'offrande ( kersanton, Maître de Plougastel vers 1600), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Table d'offrande ( kersanton, Maître de Plougastel vers 1600), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Table d'offrande ( kersanton, Maître de Plougastel vers 1600), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Table d'offrande ( kersanton, Maître de Plougastel vers 1600), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Table d'offrande ( kersanton, Maître de Plougastel vers 1600), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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La scène représente une Présentation au Temple, et non une Circoncision, comme en témoigne le panier contenant les deux colombes, offrande rituelle d'une Présentation. D'autre part, le grand prêtre tient l'Enfant dans ses bras mais ne tient aucun instrument.
« Quand arriva le jour fixé par la loi de Moïse pour la purification, les parents de Jésus le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, selon ce qui est écrit dans la Loi : Tout premier-né de sexe masculin sera consacré au Seigneur. Ils venaient aussi présenter en offrande le sacrifice prescrit par la loi du Seigneur : un couple de tourterelles ou deux petites colombes.» Luc 2,21-40
Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Saint Joseph tient à la fois un cierge et le panier d'osier tressé aux deux tourterelles (ou colombes).
Dans les peintures et enluminures, où les personnages sont plus nombreux, ce sont le plus souvent des servantes qui portent ces accessoires.
Joseph est vêtu d'un manteau à capuche et aux pans attachés par un bouton, et une robe à fente pectorale.
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Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Le grand prêtre porte une mitre à fanons et une chape. Il dépose sur l'autel l'Enfant-Jésus, qui est nu, mais qui est figuré en Sauveur du Monde, bénissant l'orbe tenu en main gauche.
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Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge qui porte le même manteau que dans la Nativité, tend la main droite dans un geste de présentation.
Le visage est ovale, le front épilé et très dégagé par les deux mèches de cheveux, les yeux ourlés, la bouche petite et concave au dessus d'un petit menton à fossette. Le philtrum est précisé.
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Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Présentation au Temple ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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LA FUITE EN ÉGYPTE.
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La scène occupe, à droite de la nef sur une table d'offrande et contre un pilier, une position symétrique à la précédente.
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Fuite en Égypte ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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La Vierge, voilée, tient dans ses bras son enfant solidement emmailloté.
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Fuite en Égypte ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Fuite en Égypte ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Fuite en Égypte ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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Joseph, en avant, tient l'extrémité du licol, et une canne coudée obliquement. Il porte le même manteau que dans la Présentation, mais dont la capuche recouvre la tête. Par contre, la robe a laissé place à une courte tunique serrée par une ceinture de cuir. Les jambes sont protégées par des houseaux et les pieds par de solides chaussures. Cette tenue se rapproche de celle des paysans bretons.
L'amande des yeux est dessinée par un trait gravé. La ride frontale verticale est marquée.
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Fuite en Égypte ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Fuite en Égypte ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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La table d'offrande présente deux possibles blasons, dont le dessin, identique à droite et à gauche, a été partiellement martelé.
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VESTIGES D'UN CHRIST EN CROIX.
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Christ en croix (vestiges) ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Christ en croix (vestiges) ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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VESTIGES D'UN NOEUD DE CROISILLON: LES CINQ PLAIES .
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Le nœud montre d'un coté un ange présentant une sorte de blason carré muet, et de l'autre les Cinq Plaies du Christ, celles des mains et des pieds qui ont été transpercés par les clous, et celle du cœur censé avoir été transpercé par le coup de lance de Longin (bien que le texte évangélique précise que ce coup ait été porté sur le flanc droit).
Ce motif relève de la dévotion du sang, des plaies et des souffrances du Christ lors de la Passion, qui est la raison même des calvaires.
Nœud de calvaire ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Blason aux sept plaies ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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LES SAINTES FEMMES.
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Ces trois femmes sont, à la réflexion, d'interprétation difficile, car si deux d'entre elles sont voilées, celle du centre est tête nue, avec de longs cheveux. Ce serait Marie-Madeleine, mais qui tient ses mains jointes au lieu de tenir son attribut, le flacon d'aromates.
À ses cotés, ce serait Marie-Salomé et Marie-Jacobé, composant au total un groupe dit des Trois Marie.
La femme en retrait à notre gauche porte la guimpe et tient un chapelet, motif surprenant.
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Les Trois Marie ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Les Trois Marie ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Les Trois Marie ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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LA VIERGE À L'ENFANT ASSISE.
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La Vierge est assise sur une cathèdre et tient sur ses genoux son Fils figuré comme un enfant nu, dont la tête a été brisée.
La raideur de la posture de Marie me rappelle les groupes d'Anne trinitaire, où nous retrouvons ce type de siège, et, après tout, l'enfant pourrait être Marie dans les bras de sainte Anne. Néanmoins, je ne retiens pas cette hypothèse.
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Le visage de la Mère et très rond pour sa moitié supérieure. Les yeux sont ourlés, la boche et le menton petits. Les pans du manteau sont réunis par une large patte.
La coiffure au bandeau occipital, déjà notée sur la Nativité, vient enrubanner chaque natte.
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Vierge à l'Enfant ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Vierge à l'Enfant ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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LA VIERGE AUX SEPT GLAIVES (OU AUX SEPT DOULEURS).
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Au centre de la poitrine de Marie s'entrecroise sept glaives, symboles des sept douleurs de la Mère de Dieu, dont on trouve facilement la liste.
Des larmes s'écoulent des yeux de la Vierge, mais elles sont bien différentes des trois larmes que l'atelier Prigent a sculpté sous les yeux de Marie, de Jean et de Marie-Madeleine éplorés au pied de la Croix (calvaire de Lambader) ou sur leurs Déplorations.
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Vierge aux sept glaives ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
Vierge aux sept glaives ( kersanton, Maître de Lambader, vers 1550), de la chapelle de Lambader. Photographie lavieb-aile.
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DISCUSSION.
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I. À Plouvorn, certaines œuvres sculptées en kersanton du XVIe siècle ont été attribuées à des ateliers bien identifiés :
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L'atelier Prigent.
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1°). Un monument aux morts du cimetière de Plouvorn renferme une Vierge de Pitié dont les trois larmes font discuter une attribution à l'atelier Prigent.
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2°). Le calvaire de la chapelle de Lambader est attribué à l'atelier des Prigent et daté vers 1550.
3°) Le calvaire de Croas Lambarder, à Plougourvest mais tout proche de la chapelle de Lambader sur la route qui y mène, est également daté vers 1550 par Y.-P. Castel et ses statues géminées (Vierge/Pierre et Jean/Madeleine) sont sans-doute de l'atelier Prigent par concordance des dates et présence des trois larmes sous les yeux de Marie, Jean et Marie-Madeleine comme sur le calvaire précédent.
Par contre, probablement au XIXe siècle, il a accueilli sur son emmarchement deux groupes sculptés en kersanton qui, selon Y.-P. Castel repris par Tanguy, proviendraient de la chapelle de Lambader : une Vierge de Pitié, et un Jésus parmi les Docteurs.
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La Vierge de Pitié (kersanton, vers 1550-1600) de Croas-Lambader.
Elle a la tête brisée. La forme générale de la Mère voilée dans son manteau est triangulaire, et elle soutient sur ses deux genoux écartés le corps de son Fils, par une main placée sous la tête et une autre sur la cuisse droite. Le Christ forme une diagonale oblique vers le haut et la gauche et ses plaies des mains sont exposées, le bras droit fléchi pend (un peu maladroitement) le long de la jambe maternelle tandis que le bras gauche repose le long du corps.
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Jésus parmi les Docteurs (kersanton, vers 1550-1600) de Croas-Lambader.
L'interprétation de ce groupe est difficile, notamment car il est camouflé (comme la Pietà) par les rosaces blanches, gris-vert ou rosées de lichens. Mais Yves-Pascal Castel a raison d'y voir Jésus parmi les Docteurs, grâce à l'attitude émerveillée des assistants, et malgré l'absence de Jésus qui occupait sans doute la place la plus haute au centre.
Les quatre personnages, assis en tailleur devant un pupitre à degrés, lèvent tous la tête et le regard vers le haut, et écartent les paumes vers l'orateur en signe d'admiration. Deux portent le chapeau conique des Juifs, tandis que deux autres portent le bonnet carré des docteurs en théologie du XVIe siècle (ou un bonnet à rabat). Trois sont barbus. Deux portent un manteau à large rabat sur le col.
Je ne peux être plus précis, car leur ghillie suit est terriblement efficace, tant pour mon regard que pour la capacité de discrimination de mon objectif photo.
1°). La table d'offrande de la nef de la chapelle de Lambader, coté nord, est attribuée par E. Le Seac'h à l'atelier du Maître de Plougastel.
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2°). La façade ouest de la chapelle Saint-Trémeur du château de Keruzoret en Plouvorn montre, dans deux niches, les statues en kersanton de saint Trémeur tenant sa tête, et de saint Christophe.
Le socle de cette statue porte l'inscription S:XPÕFLE 1600 :E.I.
Or, cette statue provient de la chapelle de Lambader et a été donnée par l'évêque au début du XXe siècle en remerciement des travaux offerts par la famille de Menou pour l'église de Plouvorn.
"Saint Christophe, la tête rejetée sur le coté, s'appuie sur son bâton, les jambes nues pour traverser une rivière poissonneuse. L'Enfant-Jésus, assis sur ses épaules, tient un globe dans la main gauche. Son visage est lisse et rond avec des cheveux mi-longs. Celui du saint rappelle les Apôtres et Évangélistes rencontrés jusqu'ici. Elle est de la plus belle facture du Maître de Plougastel.
La niche centrale contient une statue de saint Pierre, mitré, un livre ouvert dans la main gauche et tenant une clé géante dans la main droite. Le contour des yeux creusé et le modelé arrondi du visage sont caractéristiques de l'atelier." (E. Le Seac'h p. 194)
J'identifie plutôt le personnage mitré comme un saint abbé (Guénolé ?) tenant sa crosse.
Il existe aussi dans la niche latérale gauche une statue en kersanton de saint Trémeur (saint éponyme de cette chapelle), portant l'inscription S : TREMER en lettres gothiques.
On trouve aussi, encadrant la porte, deux anges sous un culot, comme on en voit aux extrémités de croisillons des calvaires, notamment à Lambader.
Je remarque qu'un Christophe de Troërin, écuyer, né vers 1590 à Plouvorn, est attesté par les généalogistes.
Saint Christophe (kersanton, 1600), chapelle Saint-Trémeur, château de Keruzoret à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
Saint Christophe (kersanton, 1600), chapelle Saint-Trémeur, château de Keruzoret à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
Saint Christophe (kersanton, 1600), chapelle Saint-Trémeur, château de Keruzoret à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
Saint abbé (kersanton), chapelle Saint-Trémeur, château de Keruzoret à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
Saint abbé (kersanton), chapelle Saint-Trémeur, château de Keruzoret à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
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Saint Trémeur (kersanton), chapelle Saint-Trémeur, château de Keruzoret à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
Saint Trémeur (kersanton), chapelle Saint-Trémeur, château de Keruzoret à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
Saint Trémeur (kersanton), chapelle Saint-Trémeur, château de Keruzoret à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
Anges, vestige de calvaire, (kersanton), chapelle Saint-Trémeur, château de Keruzoret à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
Anges, vestige de calvaire, (kersanton), chapelle Saint-Trémeur, château de Keruzoret à Plouvorn. Photo lavieb-aile.
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II. Un calvaire de Plouvorn, celui de Kerzesquez, Kerzescouez, datevers 1550 et comporte un socle cantonné de petits masques, l'inscription M.I. PEZRON, calice.
Ces éléments montrent, si on admet les datations proposées mais jamais basées sur des inscriptions, l'intervention à Plouvorn de l'atelier des Prigent (1527-1577) dans les années 1550, peu de temps après la restauration et le ré-aménagement de la chapelle de Lambader entre 1534 et 1543.
Néanmoins, on ne retrouve sur les statues de kersanton conservées dans la chapelle aucun des caractères stylistiques des Prigent (par exemple le voile replié et rigide ou "coqué" de Marie, ou les trois larmes en goutte d'eau, même si ces dernières ne peuvent concerner que les saints personnages au pied de la croix). Et l'un des meilleurs connaisseurs des ateliers de sculpture, Yves-Pascal Castel, n'en n'a pas proposé l'attribution.
D'autre part, E. Le Seac'h attribue au Maître de Plougastel dont l'atelier a succédé, à Landerneau, aux Prigent dans la sculpture du kersanton, deux statues provenant de la chapelle, et une table d'offrande. Par contre, Yves-Pascal Castel, qui connait très bien cet atelier pour en avoir le premier défini le style "hiératique" (Ann. Bret. 1983), n'a pas proposé cette attribution.
Si malgré tout, nous suivions Le Seac'h dans sa proposition, il faudrait sans doute envisager de l'étendre à l'ensemble de la statuaire de kersanton que je viens de décrire, et dont le style est homogène. Et, du même coup, attribuer à ce groupe la date de 1600 inscrite sur le Saint-Christophe.
Je ne retrouve pas non plus les caractères du Maître de Saint-Thégonnec (comme les rides frontales horizontales, sauf dans un cas).
Le catalogue des œuvres attribuées au Maître de Plougastel par Le Seac'h est publié ici :
La Collégiale du Folgoët XIII. Le calvaire. La Pietà par l' Atelier de Bastien et Henry Prigent (1527-1577). Le Christ crucifié par le Maître de Plougastel (1570-1621). Le groupe du cardinal de Coëtivy par l'Atelier du Folgoët (vers 1449).
Yves-Pascal Castel écrit à son propos (Ann. Bret. 1983) :
"Au début du XVIIe siècle on décèle deux ateliers que l'anonymat des créateurs oblige à classer sous les titres du maître de Plougastel-Daoulas et du maître de Saint-Thégonnec.
Le calvaire de Plougastel-Daoulas, 1602-1604, aux confins du Léon et de la Cornouaille affiche un hiératisme que d'aucuns estiment figé par rapport à l'exubérance de Guimiliau. Mais il fait école car nombre de calvaires dans le Léon, non datés, se rattachent au maître de Plougastel. Les monuments de Gouesnou, Guipronvel, Locmélar, La Roche et Saint-Sauveur, entre autres, participent de cette esthétique austère, acheminant le calvaire vers un certain classicisme qui n'exclut pas des schémas de convenance."
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Conclusion
On peut s'étonner que, depuis l'unique article de Castel sur cet ensemble de statues dans le Courrier du Léon de 1995, ses conclusions n'aient pas été discutées par d'autres auteurs, notamment par E. Le Seac'h.
Il semble certes prudent de reprendre la proposition d'Y.-P. Castel de voir dans ce riche corpus le travail d'un sculpteur distinct, nommé du nom de convention "Maître de Lambader", actif vers 1550, mais il faudrait alors re-discuter les attributions des 2 calvaires, celui de la chapelle et celui de Craos-Lambader, qui datent de la même période
Il me semble plus audacieux de ne pas écarter la suggestion d'E. Le Seac'h, et de retarder la datation vers 1600.
Mais pourrions-nous nous accorder sur un certain nombre de caractères stylistiques propres au corpus des statues de kersanton de Lambader ? Je propose :
Un visage rond pour la moitié supérieure puis ovale s'achevant par un petit menton retroussé.
Les yeux en amande effilée aux deux extrémités, et aux paupières ourlées, avec un regard fixe et absent.
Des sourcils en arc haut situé.
Une bouche petite et concave sous un philtrum creusé.
Les cheveux écartés de part et d'autre du visage à partir d'une raie médiane qui dégage le front très loin vers le vertex, comme s'il était épilé.
Des moustaches partant souvent du coin de la narine et formant un V inversé ou deux virgules.
Des barbes sculptées en mèches parallèles recourbées en hameçon plus ou moins accentué.
Des manteaux masculins fermés par une patte ronde boutonnée.
Des robes masculines seulement ouverts par une courte fente à 2 boutons
Des manteaux féminins à pans écartés formant des pointes
Des voiles féminins rigides formant un carré à peine adouci, mais sans plis (à la différence des Prigent)
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La comparaison avec d'autres œuvres du même atelier est difficile en raison du grand nombre de calvaires du Catalogue, ou de séries d'apôtres et évangélistes alors que nous avons affaire ici à des scènes de l'Enfance du Christ. Nous pouvons nous rapporter aux scènes analogues du pourtour du Calvaire de Plougastel, mais il s'agit de bas-relief et non de statues en ronde-bosse. On trouve un Mariage de la Vierge, une Nativité, une Adoration des Mages, une Circoncision, une Fuite en Egypte (dont l'enfant emmailloté est semblable à celui de Lambader).
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N.B Je décrirai dans un autre article les statues des saints (Jean, Pattern et Gouesnou) que j'ai écarté de cet article, ainsi que la statue de Notre-Damme de Lanbader du porche ouest.
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SOURCES ET LIENS.
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— ABGRALL (Jean-Marie, L'Architecture bretonne
"Dans la paroisse de Plouvorn, la chapelle de LAMBADER a été entièrement reconstruite avec son clocher, en 1877- 1881,. et malgré cela on peut toujours la considérer comme ancienne, c.ar on a reconstitué aussi fidèlement que possible l'édifice primitif en se servant des anciens matériaux, de sorte que la chapelle, rajeunie et consolidée, possède cependant l'aspect digne et respectable d'un monument des vieux âges. Ce qui est le plus remarqué et le plus vanté à Lambader, c'est le clocher, dont la vanité locale ose presque faire un rival du Creisker. Comme détails particuliers d'architecture il y a à observer la porte sous le clocher, ornée de belles colonnettes, et dont l'archivolte à plein-cintre est composée de moulures et de tores avec dos de carpe; puis le petit porche Nord percé de deux portes ornées de colonnettes et séparées par un léger trumeau, au haut duquel est une Sainte-- Marguerite agenouillée sur son dragon. Au chevet, sous la -grande fenêtre, est une petite sacristie ou chambre du trésor, toute bâtie en pierres de taille, en y comprenant même le toit. A l'intérieur on est agréablement surpris à la vue des belles dimensions et des belles proportions de l'édifice, qui se compose d'une nef et de deux bas-côtés donnant une largeur de 13 m. 90 sur une longueur de 28 mètres, le tout divisé en huit travées."
—CASTEL (Yves-Pascal), 1980, Atlas des croix et calvaires du Finistère Plouvorn n°2385 et 2386.
2386. Lambader, placître, g. k. 6 m. XVIè, XIXè s. Trois degrés, corniche. Socle cubique. Fût rond, écots. Croisillon, statues géminées: Vierge-Madeleine, Jean-Pierre (décapitée). Croix, branches rondes, crucifix, écu. [YPC 1980]
2385. Lambader, dans la chapelle, k. Vers 1550, vestiges d’un calvaire dont certaines pièces sont placées à la croix de Spernen en Plougourvest (no 1977). Fuite en Egypte. Présentation au temple, Vierge de l’Annonciation, Vierge aux sept glaives, Nativité, saintes femmes, Crucifix, Vierge à l’Enfant. [YPC 1980]
— CASTEL (Yves-Pascal), 25 mars 1995, A la découverte des croix monumentales, Plouvorn. Courrier du Léon
— CASTEL (Yves-Pascal), 1983, La floraison des croix et calvaires dans le Léon sous l'influence de Mgr Roland de Neufville (1562-1613), Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest Année 1983 90-2 pp. 311-319
— COUFFON, (René), LE BARS, Alfred), 1988, "Plouvorn", Diocèse de Quimper et de Léon. Nouveau répertoire des églises et chapelles. Quimper : Association Diocésaine, 1988.
"Statues en kersanton, dont plusieurs proviennent d'un calvaire monumental détruit : groupe de la Présentation au Temple, Fuite en Egypte, XVIè siècle (C.), Adoration des mages, XVIè siècle (C.), Vierge de l'Annonciation, Notre Dame des Sept Douleurs, Vierge Mère assise sur un trône, les trois Marie au Calvaire, sainte Marguerite, saint Jean l'Ev., saint Divy (S:DIVI), saint évêque (S.GOUYNIE), saint Gouesnou (S.GOUESNOU), saint Patern (S.PATERNE), Ange de l'Annonciation (décapité), Christ de calvaire (mutilé)
— DANIEL (Tanguy), 1996, La chapelle de Lambader en Plouvorn, Comptes rendus, procès-verbaux, mémoires - Association bretonne et union régionaliste bretonne, Congrès de Saint-Pol-de-Léon juin 1996 tome CV p. 50.
"On remarquera aussi et surtout les restes d'un ancien calvaire monumental, présenté en désordre en quatre endroits de la partie basse de la nef : une Présentation au Temple, une Annonciation et une Fuite en Égypte, une Nativité, un Christ (mutilé) et les Trois Marie. Il est possible que d ' autres éléments de ce grand calvaire figurent sur la croix de Spernen ( dite aussi Croaz - Lambader ) , à Plougourvest . Aucune date ne figure sur ces sculptures dont le style est celui du milieu du XVIe siècle . » .
— FRÉMINVILLE ((chevalier Christophe-Paulin de La Poix de Fréminville) 1832, Antiquités de la Bretagne: Finistère, Volume 1, Lefournier et Deperiers, 1832 p. 69
"Plusieurs statues ornaient jadis l'église de Lambader, elles ont été renversées et mutilées, leurs débris gisent sur le gazon dans le préau ou cour du monastère. J'en remarquai une qui me frappa par le fini et la précision de son travail, elle représente un chevalier armé de toutes pièces , tenant l'épée nue sur l'épaule ; la forme de son armure indique la fin du quatorzième siècle. On remarque au bas de la cuirasse l'assemblage de pièces de lames transversales qui recouvre le défaut des cuissards et que l'on nommait tasseltes ou braconnière. La tête de cette statue a malheureusement été brisée ( Pour préserver cette statue de mutilations plus considérables, M. le marquis du Dresnay en a fait récemment l'acquisition et l'a fait transporter à Saint-Pol de Léon , où elle est placée dans son jardin. ) : je présume qu'elle représentait quelqu'un des commandeurs de Malte titulaires de la commanderie de Lambader. Ce ne peut être un templier, car, lors de la destruction de l'ordre du temple, les .chevaliers portaient encore le haubert ou armure entièrement en mailles, celle que l'on voit ici est celle de plaque et de lames adoptée au quatorzième siècle."
— GALLIC (Kristian), Le jubé de Lambader
https://www.youtube.com/watch?v=R8v-UGsxanQ&ab_channel=DanielleRopars— LE GUENNEC (Louis), 1911, La chapelle de Lambader, Morlaix, Lajat brochure in-8°, 88 pages.
— GALLIC (Kristian), PLOUVORN INFORMATION mars 2017 n°3
https://fr.calameo.com/read/0047577681bc06131f887
— LE GUENNEC (Louis), Le Finistère monumental tome 1, Morlaix et sa région, page 308. Droits réservés. Ouvrage numérisé avec l'aimable autorisation de la Société des Amis de Louis Le Guennec.
"On vénère à Lambader une belle statue en kersanton de Notre-Dame. Au bas de la chapelle sont de nombreuses statues mutilées, en granit, provenant de l'ancien Calvaire. La maîtresse vitre contenait un brillant vitrail de 1543, qui a été brisé vers 1845 et remplacé, dans sa partie basse, par une maçonnerie, et dans sa partie haute, par un voile rouge. On en voit quelques débris à la chapelle de Keruzoret, ainsi qu'un saint Christophe et un saint Trémeur portant sa tête entre ses mains."
— LE GUENNEC (Louis), 1911, La chapelle de Lambader, Morlaix, Lajat, in-8°, 88 pages. Non consulté.
"La plus ancienne mention de la chapelle se trouve dans un acte de 1333; les documents conservés aux Archives du Finistère, et que M. Le Guennec a savamment commentés, remontent à 1432 : ils lui ont permis d'écrire une histoire complète de cet intéressant monument."
— MIORCEC DE KERDANET (L.), 1837, Les vies des Saints de la Bretagne-Armorique De Albert LE GRAND ... Avec des notes et observations historiques et critiques par D. L. Miorcec de Kerdanet et revues par M. Graveran. Brest 1837 Page 502
Texte principal : "Si vous entrez dans Ploumorn (Plouvorn), vous ne pouvez faire beaucoup de chemin , sans remarquer la belle Eglise priorale de N. D. de Lanbader tant pour l'excellence du bastiment, qu'à raison de la grande devotion du peuple qui y aborde de plusieurs endroits. Ceste chappelle est construicte non loin du bourc parrochial , sur la pente d'une colline , prés d'un agreable ruysseau qui fait moudre nombre de moulins, avant de se rendre à l'ocean. Ce lieu est fort consideré par les personnes devotieuses , &, estant limitrophe à plusieurs paroisses de cest Evesché, les pelerins y arrivent en affluence aux festes de la Vierge, & surtout le lundy de la Pentecoste."
Note de Kerdanet : "Cette église est construite dans le style de l'architecture gothique arabe : elle a huit arcades élégantes dans chacun de ses bas-cotés., son clocher est très beau, c'est une tour carrée, ornée d'une balustrade légère et surmontée d'une flèche élevée, de forme prismatique hexagonale, flanquée de quatre clochetons. Cette flèche, toute en pierres de taille, est travaillée à jour, ainsi que les clochetons qui l'accompagnent, dont l'un a été renversé par l'ouragan du 2 février 1836. Le clocher est supporté par des piliers formant trois arcades. Dans le fond est la porte d'entrée de l'église, couronnée d'une statue de la Vierge en kersanton avec ces mots : NOTRE DAME DE LANBADER ». À ses cotés, sont deux encadrements, l'un représentant six moines à genoux, sur trois lignes, et l'autre six religieuses dans la même position. Le dernier encadrement offre le millésime de 1598, et la légende : INTERCEDE P. DEVOTO FEIÕ SEXU » On remarque, de plus, autour de l'église, diverses statues curieuses, telles que celle de saint Christophe, ainsi désignée SXDÕPLE 1600 », et la statue de N.D de Pitié dans l'attitude la plus recueillie et la plus expressive.
Le jubé en bois de Lanbader est aussi fort renommé ; c'est un réseau de sculpture, presque aussi remarquable dans son genre que celui du Folgoët dans le sien : il a 16 pieds ½ de long sur 3 pieds , 9 pouces de large ; ses éventails ont 8 pieds 3 pouces de développement, et sa porte 4 pieds ½ d'ouverture ; son escalier tournant compte 22 marches ; le tout orné de petites statues d'anges, parmi lesquels vient figurer, on ne sait pourquoi, un joueur de biniou (musette)
M. de Fréminville pense que Lanbader était une ancienne commanderie ; il n'en n'est cependant fait aucune mention dans celles du duc Conan IV, de 1160 ; mais on trouvait autrefois, autour de cette chapelle, les propugnacula, turricula et alias munitiones dont parle Pierre Mauclerc das sa charte aux chevaliers du Temple. V. D. Morice, Pr. t. 1er col.638 et 850. Le gouvernement de Lanbader possédait, en 1790, 900 livres de revenu. »
— PENNEC (Cyrille) 1825, Le dévot pèlerinage de Notre-Dame du Folgoët Vatar-Jausions, 1825 - 122 pages
« On trouve en cet endroit plusieurs jolies statues en Kersanton, entre autres celle de S. Christophe, portant la date de 1600. Sur la porte étroite de la chapelle, on a figuré une petite assemblée de moines, et vis-à-vis des religieuses à genoux et les mains jointes, avec cette légende : Intercede pro devoto foemineo sexii ».
— PÉRENNÈS (Henri) 1943 Plouvorn Monographie de la paroisse, Rennes, Imprimerie du Nouvelliste, 1943, 86p., Réédition Le Livre d'histoire-Lorisse, Paris, 2004, 83p., p. 50-51.
— REALS (Vicomte de, 1890, "La restauration de Lambader", in Bulletin archéologique de l'Association bretonne, 31e congrès tenu à Saint-Pol-de-Léon du 10 au 15 septembre 1888, Troisième série, Vol.8, Saint-Brieuc, Imprimerie-Librairie R. Prud'homme, 1890, 202p., p. 54-58.
"Dans le fond de la chapelle on a recueilli une trentaine de statues en pierres de taille qui doivent être les débris d'un ancien calvaire. Plusieurs de ces statues ont beaucoup d'expression dans la physionomie ; malheureusement presque toutes ont été mutilées pendant la révolution. Elles ressemblent comme travail aux statues du calvaire de Guimiliau et doivent être de la même époque."
— FAUJOUR (Marc), La chapelle Notre-Dame de Kerzéan à Plouescat, ARMMA-SAPRAT : les armoiries possibles d'Audren de Kermel.
— L'UNIVERS 27 septembre 1877 Inauguration de la chapelle restaurée sur l'initiative du recteur Hellard. Bénédiction par l'évêque en présence de la comtesse de Kerdrel. Promesse d'indulgence le jour du Pardon le lundi de Pentecôte.
Lettres et mandements de Jean V: duc de Bretagne, publiés ..., Volumes 4 à 5
Ordre de laisser les chapelains de Lambader et du Merzer jouir des dons qui leur ont été faits.
Vidimus du 10 oct. 1442 (Ar. Loire-Inf., E 83; anc. Ch. des comptes de Nantes).
A Redon, 1433, 13 mars. « Jehan... A nostre bien amé et feal conseiller Auffroy Guinot, nostre tresorier et receveur general, et aux fermiers de cest present impot par nous ordonné de XX s. par pipe estre levé en l'evesché de Leon, salut. De la partie de noz chappelains et orateurs dom Guillaume Baeleuc et dom Jehan le Saux, presbtres et gouverneurs des chapelles de Nostre Dame de Lanbader et du Merzer, nous a esté presentement exposé que, comme puix nagueres nous eussions donné en aulmosnes et de nostre devocion à lad. chapelle de Lambader, dont led. Guillaume est administrator, pour aider à l'eupvre et edifficacion d'icelle chapelle, la somme de quinze 1., à estre poiée sur et dud. impot, en mandant à vousd. fermiers d'en fere le paiement au desir de noz lettres sur ce données le vile jour de decembre darrein; mesmes à lad. chapelle du Merzer eussions voulu et octroié que tout le vin qui fust vendu en detaill en la maison de lad. chapelle par led. dom Jehan et ses commis, qui en est gouverneur, feust quicte de tout devoir d'impot, tant du temps que avenir, pour estre cellui devoir mis et emploié au bien et augmenttacion d'icelle chapelle, comme peust aparoir par noz lettres sur ce données en ceste nostre ville, dabtées du xuie jour de may, l'an mill mcc trante et un; ce neanmoinz, vousd. fermiers n'avez voulu oboir au contenu de nosd. lettres, ainczois les avez contrariées et contrariés, en disant icelles ne vous valoir pas descharge; par quoy lesd. suplians ne ont peu jouir de nosd. dons et octroitz, en grand retardement et prejudice du bien et augmentacion d'icelles chapelles... Pour ce est il que nous..., en ratiffiant nosd. premieres lettres..., octroions ausd. suplians et gouverneurs que ilz joissent desd. dons et octroiz... Et affin de se imformer du numbre desd. vins qui sont et seront venduz aud. lieu du Merzer..., avons commis nostre bien amé et feal conseiller Hervé le Ny, qui de ce vous baillera relacion... Si vous mandons, etc.
Ainxin signé, Par le duc, de sa main. - Par le duc, de son commandement et en son conseill, ouquel : Vous, l'evesque de Triguer, le president, le seneschal de Rennes, messire Pierres Eder et autres estoint. - J. PIRON. »
Le calvaire monumental (kersanton, 1610, Maître de Saint-Thégonnec, et Roland Doré) de Saint-Thégonnec. I. Les 41 personnages (Passion et Résurrection) du socle.
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Sur Saint-Thégonnec, voir :
Le calvaire de Saint-Thégonnec. II, les croix (kersanton, 1610, Maître de Saint-Thégonnec).
On désigne sous le terme des "sept calvaires monumentaux bretons" sept grands calvaires à nombreux personnages "jouant" la Passion au pied de la croix. Six d'entre eux sont en Finistère, seul celui de Guéhenno est en Morbihan.
-Tronoën en Saint-Jean-Trolimon (14501470). Granite. Mace rectangulaire.
-Guéhenno en 1550. Granite, mace rectangulaire à quatre ailes.
-Plougonven, kersantite, 1554 par Bastien et Henri Prigent. Mace (base d'implantation) octogonale
- Pleyben, kersantite, 1555 par Bastien et Henri Prigent. Mace octogonale prolongée par quatre ailes,
-Plougastel, Kersantite, 1602 à 1604, Maître de Plougastel. Mace octogonale prolongée par quatre ailes
-Guimiliau en 1581-1588, Maître de Guimiliau. Mace octogonale prolongée par quatre ailes
-Saint-Thégonnec, kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec (et Roland Doré)
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On pourrait ajouter :
-Saint-Vénec à Briec-sur-Odet, 1556, à mace triangulaire (2 massifs triangulaires superposés en étoile)
-Quilinen en Landrevarzec à mace triangulaire (2 massifs triangulaires superposés en étoile). ( granite, fin XVe ? XVIe ?)
-Confort-Meilars à mace triangulaire.
-Cléden-Poher 1575, kersantite.
-Kergrist-Moëllou 1578 par Guillaume Jézéquel. Mace octogonale
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Matériau. Le kersanton.
Les statues du socle sont en majorité en kersanton noir à grain fin , une pierre remarquable par son aptitude à la taille et son étonnante résistance à l'érosion. Mais plusieurs éléments sont en kersanton gris : la Mise au Tombeau ; le Christ aux liens ; la Flagellation ; le Lavement des mains.
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Description générale.
Daté par inscription de 1610, le calvaire de Saint-Thégonnec est le dernier en date des grands calvaires des enclos paroissiaux.
Sa mace (terme local pour désigner le massif de soubassement) est une maçonnerie de base rectangulaire en granite proposant aux paroissiens un banc de taille basse, puis élevant ses flancs sans aucun décor sculpté, sauf à l'ouest où un "autel" ou table d'offrande est surmonté de la niche abritant la statue du saint patron de l'église.
Les parois de ce massif s'élargissent en une corniche moulurée, contribuant alors à une plateforme où une quarantaine de personnages en costumes Henri III se succèdent, groupés par 3 ou 4, pour donner à voir, comme dans les Mystères médiévaux, la Passion et la Résurrection du Christ.
Sur ce socle se dressent trois croix, celles des Larrons et celle du Christ. Le fût de cette dernière est barrée de deux croisillons, et on y dénombre dix personnages et quatre anges, ainsi que Marie-Madeleine au pied de la Croix. Cet ensemble sera décrit dans le second article.
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Le sculpteur ; éléments stylistiques.
L'auteur anonyme de ce calvaire est nommé par Y.-P. Castel et E. Le Seac'h d'un nom de convention, "Maître de Saint-Thégonnec". Selon ces auteurs, ce sculpteur a aussi réalisé le calvaire de Saint-Sébastien en Saint-Ségal, datable de 1541-1554 et donc près de 60 ans avant le calvaire de Saint-Thégonnec, ainsi que les deux saints (Yves et François) de l'arc de triomphe de cette chapelle. Ils lui attribuent aussi celui de Locquénolé, près de Morlaix, daté vers 1600.
Le critère stylistique d'attribution est une certaine "moue triste" des personnages, et l'utilisation de motifs décoratifs classiques (volutes, godrons, agrafes) s'inscrivant dans le courant Renaissance et témoignant de l'influence des motifs décoratifs du château de Kerjean.
"Les personnages ont de grandes oreilles plaquées sur les têtes (Jean de la Mise au Tombeau, Marie-Madeleine au pied de la croix). Leurs visages sont ovales, affichant des barbes taillées en pointe pour les hommes, des nez droits un peu larges, des sourcils arrondis, et une bouche faisant la moue avec des commissures des lèvres tombantes qui voisine avec le rictus dédaigneux." (Le Seac'h p. 288)
Le style du Maître de Saint-Thégonnec a été reconnu aussi (Le Seac'h) :
-dans des vestiges de calvaire de Bourg-Blanc.
-sur l'arc de triomphe de Guimiliau
-sur le grand calvaire de Guimiliau, pour les statues géminées de la Vierge/Pierre et de Jean/Yves
-dans la Marie-Madeleine de la fontaine de Pleyben
-dans la Sainte Pétronille de la fontaine de Ploudaniel
-dans un évêque du fût de la Croas-ar-Vossen de Plougastel
-sur le calvaire du nord de l'église de Saint-Thégonnec
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Les costumes.
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"Un contraste existe entre d'une part, les costumes à l'antique des principaux personnages religieux (Jésus, les Saintes Femmes, Jean, ceux de la Mise au Tombeau) ou des notables (Pilate), et d'autre part les soldats qui sont inspirés de la mode Henri III (1574-1589). Ils sont ainsi vêtus de hauts-de-chausses courts et bouffants à crevés (à petites ouvertures appelées mouchetures — le bon larron — ou à grandes ouvertures appelées taillades : soldats tireurs de corde ou tirant la langue du Portement de croix), à la gréguesque (avec des bandes verticales laissant voir le tissu du dessous pour le mauvais larron, soldat siffleur du Portement de croix) ou moulants avec braguettes proéminentes."
"Les pourpoints sont variés, souvent à col rond, carré ou rabattu et fermé par une rangée de boutons visibles (Portement de croix) ou cachés sous une glissière (Christ aux liens). D'autres s'enfilent simplement par la tête avec des manches bouffantes remontées très haut sur les bras (Flagellation). Un seul soldat porte un col à fraise (soldat siffleur du Portement de croix). Marie-Madeleine au pied de la croix du Christ et de la pietà bénéficie elle aussi de cette coquetterie. Trois soldats de la Résurrection et le cavalier Longin sont pour leur part revêtus d'armures.
Les tenues sont complétées par des bottes à rabats bien visibles pour les soldats du Christ aux liens et Joseph d'Arimathie. Les couvre-chefs sont de toutes les formes : calotte avec ou sans pompons (soldats du Portement de croix, soldats de la Flagellation), chapeau à fond conique tronqué et à bords relevés (Simon de Cyrène, personnage à la banderole Ecce Homo, Gamaliel) ou chapeau à fond mou (soldat siffleur du Portement de croix), casque à cime (soldats de l'Arrestation, de la Résurrection) ou casque protégeant le haut du crâne appelé cervelière (soldat tirant la langue du Portement de croix), feutre à bord étroit (personnage de la banderole de l'Arrestation, Longin) et feutre à bords découpés et arrondis fixés par des boutons et à cime sphérique ([soit-disant] Stéphaton).
Nicodème porte un chapeau plus mou et plus bas. Pilate est coiffé d'un bonnet conique à rebras, qui ressemble à une petite tour carrée et moulurée se terminant par un pompon. Il est vêtu d'une robe à fausses manches dites pertuisées qu'arboraient les hommes de loi, boutonnée sur le buste et recouvrant une tunique talaire.
Un personnage de l'Arrestation est vêtu d'une tenue d'ecclésiastique, un camail par dessus une tunique talaire et il porte un bonnet conique à l'orientale. Le bonnet conique à l'orientale est constitué de plusieurs lobes élevés sur le pourtour du crâne — ici deux — formant des évidements, ici devant et derrière. Il est important de ne pas le confondre avec la mitre dont les cornes se portent devant et derrière, (C. Enlarts, Manuel d'archéologie religieuse 1929). Joseph d'Arimathie est habillé d'une robe ouverte sur lescotés par des fentes dentelées qui recouvre une tunique s'arrêtant plus haut que les genoux. Les femmes sont drapées dans des manteaux enfilés sur des tuniques talaires. La Vierge et Véronique portent une guimpe autour du cou et leurs manteaux leur servent de voile (Saintes Femmes, Vierge de la pietà et de la Mise au Tombeau.)" Le Seac'h p. 288, citant Hélène Remeur 1997)
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Une typologie traditionnelle des costumes et traits des visages, héritée des enluminures depuis le XVe siècle, permettait aux spectateurs de reconnaître par codage quatre groupes : 1. les saints personnages évangéliques proches de Jésus, 2. les pharisiens et plus largement les Juifs, 3. les bourreaux, et 4. enfin les gardes et soldats, romains ou juifs. Ici, les saints personnages sont effectivement sobrement vêtus de robes longues, intemporelles, tandis que les costumes Henri III sont portés par les trois autres groupes, mais le codage est brouillé. Les éléments de reconnaissance des Juifs (bonnets coniques et à oreillettes, franges, barbes et cheveux longs, archaïsme, éléments orientalisants) sont absents ou inconstamment présents, et parfois à mauvais escient (Pilate). Les crevés et taillades ont été introduits par les lansquenets allemands et suisses, avant d'être adoptés par la Cour de France, mais ici, ils sont indifférement distribués aux pharisiens, aux bourreaux et aux soldats lorsqu'ils ne sont pas en armure.
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Datation.
La date de 1610 est très clairement lisible sur le nœud de la croix principale, au dessus de la Vierge à l'Enfant.
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Polychromie.
Le calvaire devait être polychrome à l'origine comme le suggère un compte de fabrique de 1703-1704 où il est fait mention d'une rémunération pour Godefroy de Morlaix et Yvon Thoribé du bourg qui ont peint la grande croix : "[...] disent avoir payé au sr Godefroy de la ville de Morlaix pour avoir peint et estoffer la grande croix de pierre de grain qui est dans le cimetière 102 livres. [...] payé à Yvon Thoribé du bourg pour avoir aydé lors de la peinture de la croix du cimetière 3 livres 5 sols» [...] . (A.d. 255 G 60) Cité par Guy Leclerc , Les Enclos de Dieu 1996.
Ce Godefroy, maître-peintre à Morlaix, avait fait, avec Bourricquen, la peinture vers 1702 de la Mise au Tombeau de la crypte de l'ossuaire.
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"Ce calvaire a été l’objet d’un acte de vandalisme dans la nuit du 28 septembre 1908. Plusieurs groupes ont été renversés sur le socle et d’autres jetés à terre. Trois sujets : la flagellation, le portement de croix et Jésus souffleté par des soldats, ont même été brisés." (F. Quiniou)
Le calvaire a été restauré en 1970 par l'atelier Marcel Maimponte de Paris, également restaurateur de celui de Plougastel.
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Des bases littéraires bretonnes.
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La Passion.
Cette pratique des Mystères n'était pas abandonnée à la Renaissance, puisqu'en 1530, Yves Quillévéré édita à Paris le Mystère breton de la Passion (Aman ez dezrou an Passion). Cet imprimeur-libraire parisien avait imprimé en latin en 1516 le Bréviaire de Léon et en 1526 le Missel du Léon, c'est dire que cet évêché du Nord de la Basse-Bretagne, à laquelle Saint-Thégonnec appartient comme une majorité d'enclos paroissiaux, n'est pas indifférent à cet imprimeur. On sait qu'il existait à Paris jusqu'en 1610 un Collège de Léon, doté de sa chapelle Saint-Yves-des-Bretons. Ce Collège formait une quarantaine de clercs qui seront abbés, évêques ou à défaut recteurs après avoir obtenu leur bonnet de docteurs.
Tout cela pour souligner que cette Passion bretonne, quoiqu'imprimée à Paris, devait être diffusée dans les couches les plus cultivées du Léon, et on sait que les fabricants et marchands de toile de Saint-Thégonnec n'étaient pas, tant s'en faut, incultes.
Le Mystère de la Passion et de la Résurrection sera réimprimé en 1609, puis à Morlaix à l'époque baroque en 1622, par Georges Allienne, et suivi de la Buhez Mabden ("La Vie de fils d'homme"), des Pemzec Leuenez Maria ("Les quinze joies de Marie") et du Tremenuan an Ytron Guerches Maria (Le Trépassement de madame la vierge Marie) Le texte est corrigé et amendé par Tanguy Guéguen, prêtre et organiste de Notre-Dame-de-Murs à Morlaix et natif de Saint-Pol-de-Léon.
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Le Stabat Mater.
Ce même Tanguy Guéguen a traduit en breton le Stabat Mater sous le titre Ouz hars an Croas ["Au pied de la croix"], et l'a publié à la suite de sa Doctrin an christenien (Morlaix, 1622). Or, ce Stabat Mater est une incitation franciscaine à participer émotionnellement (de cœur) aux souffrances de Marie et de Jean au pied de la croix. Et cette incitation est à la base de l'érection des calvaires en Bretagne.
Voir le texte sur Gallica : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8608266g/f64.item.zoom
Voir la traduction par Y. Le Berre :
Ouz hars an croas chanté par Yann-Fañch Kemener :https://www.youtube.com/watch?v=_TFiKx9VrtU&feature=emb_logo
Tanguy Guéguen a publié aussi l'auteur en 1623 d'une traduction d’une Vie de saint Yves , de deux poèmes acrostiches (1623); et des Nouelou ancien ha devot publiés après sa mort (1650).
À propos du Stabat traduit par Tanguy Guéguen, Y. le Berre écrit que cet auteur assigne à son travail les buts suivants : "faire comprendre à tous les fidèles le message pédagogique qu’ils n’auraient pu recevoir en latin; produire un niveau de langue capable de favoriser la perception du mystique, plus souvent portée par une langue sacrée ; provoquer chez les auditeurs des sentiments d’admiration et d’exaltation esthétiques susceptibles d’entraîner leur adhésion spontanée à l’exécution publique de l’œuvre."
Mutatis mutandis, ce sont sans doute aussi les buts des commanditaires des calvaires des enclos, dans un projet bien plus fin que celui d'éduquer des masses supposées ignares par un "livre d'images". Il s'agit moins de convertir les foules que de fournir à une communauté un lieu et une scène de participation collective à un exaltant mystère.
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On n'oubliera pas les éléments suivants, que je jetterai en vrac, pour témoigner du bain culturel et spirituel du Léon et de la frange ouest du diocèse de Tréguier :
-L'existence de l'inscription en vers breton de l'arc de triomphe de Saint-Thégonnec, daté de 1587.
-L'existence à Morlaix d'un couvent de franciscains (Cordeliers), le monastère Saint-François de Cuburien, fondé en 1458, construit en 1527-1530 et consacré en 1531 par Jean du Largez, abbé de Daoulas. Onze kilomètres séparent ce couvent de l'enclos de Saint-Thégonnec. Christophe de Penfeunteuniou en fut le frère le plus renommé, puisqu'il devint en 1571 général de son ordre. Une imprimerie y aurait fonctionné entre 1575 et 1585. Le fameux Mirouer de la Mort, rédigé en 1519 par Jehan an Archer Coz de Plougonven fut imprimé à Cuburien en 1575.
-Un couvent de Cordeliers s'installa à Landerneau en 1588.
-La rédaction en 1499 du Catholicon par Jehan Lagadeuc, de Plougonven.
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Vu du coté ouest.
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Calvaire monumental (granite, kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Vu du coté est.
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Calvaire monumental (granite, kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Plan du calvaire monumental de Saint-Thégonnec. Schéma lavieb-aile.
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I. L'AUTEL DU COTÉ OUEST ; LA STATUE DE SAINT THÉGONNEC.
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Dominant la table d'offrande, la statue du saint patron occupe une niche sommaire. Il est vêtu en évêque (chape à fermail, surplis, cotte plissée, mitre et crosse) et il bénit l'assemblée. À ses pieds, un chariot tiré par un animal (loup ? Cerf ? bœuf ? âne ?) rappelle la légende selon laquelle il apporta miraculeusement toutes les pierres de la construction de l'église. (Cf. F. Quiniou ; cf. la statue du saint sur le clocher-porche (vers 1606) et la niche à volets du bas-coté nord). La tête a été recollée, et des fragments brisés de la hampe ou des plis témoignent des dégâts subis.
La console soutenant la table d'offrande est à godrons divergents et cupules.
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Calvaire monumental (granite, kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Niche et statue de saint Thégonnec (granite, kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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II. LA PASSION ET LA RÉSURRECTION DE LA PLATEFORME.
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A. LE COTÉ SUD.
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L'Arrestation. Kersanton,1610, Maître de Saint-Thégonnec, coté sud.
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Le point de départ du récit se trouve à l'angle sud-ouest. On y voit deux hommes tenant un phylactère accompagnés d'un soldat, qui serait le vestige d'une Arrestation du Christ au Jardin des Oliviers après le Baiser de Judas. Ces personnages seraient les grands prêtres chargés de l'arrestation, accompagnés d'un garde l'épée en bandoulière.
Selon F. Quiniou
"À certains groupements, il manque même quelques personnages. Quand ces personnages ont-ils disparu, et à quelle époque, l’ordre des groupes a-t-il été bouleversé ? D’après une tradition encore vivante à Saint-Thégonnec, ce serait lors de l’époque révolutionnaire.
Les officiers municipaux de Saint-Thégonnec, comme bien d’autres d’ailleurs, reçurent une lettre pleine de menaces du district de Morlaix pour n’avoir pas encore abattu les croix qui se trouvaient sur le territoire de la commune.
« 16 Thermidor, an II (3 Août 1794). Je suis instruit que, malgré les diverses instructions que nous avons faites d’enlever les croix qui existent sur votre commune, vous n’avez fait jusqu’ici aucune démarche pour les faire disparaître ; je vous déclare que si, à la prochaine tournée que je ferai dans votre arrondissement, ces restes impurs du fanatisme insultent encore aux yeux des bons citoyens, je serai forcé de vous dénoncer aux autorités supérieures, et vous serez traités comme suspects, et vous savez la honte attachée à cette punition. »
La municipalité n’exécuta pas cet ordre impie. On peut croire que, si les croix du calvaire sont encore debout, c’est que la chute de Robespierre et la réaction thermidorienne qui en fut la conséquence, arrêtèrent le zèle du district de Morlaix. Quant aux statuettes posées sur le socle du calvaire, la population se chargea elle-même de les faire disparaître. C’est à qui prendrait sa statue pour la soustraire à la haine iconoclaste des sans-culottes. Lorsque revint le calme, on vit le calvaire se reconstituer comme par enchantement. Les statuettes remontèrent de nouveau sur leur socle, et la reproduction des groupes se fit tant bien que mal. Quelques personnages de ces groupes furent même si bien cachés, qu’il fut dans la suite impossible de les retrouver."
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On remarquera sur ce cliché les deux faciès de kersanton.
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Coté sud (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté sud (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Le Christ aux outrages. Kersanton, Roland Doré, vers 1625-1632, coté sud.
Datation : Roland Doré a sculpté pour le porche de l'église plusieurs statues, dont deux sont datées de 1625 et de 1635. Sa carrière autonome débute en 1618, et son style ne s'affirme avec maîtrise qu'à partir de 1624.
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"Roland Doré a ajouté au calvaire réalisé en 1610 la célèbre scène du Christ aux outrages. Les deux soldats qui encadrent le Christ sont traités avec une parfaite symétrie, les mains levées à hauteur d'épaules, prêts à frapper. Ils tirent sur une corde qui lie les mains du Christ sur le devant. La position de leurs pieds est la même. Seuls les bas des pourpoints diffèrent : en pointe pour l'un, en rond pour l'autre. La fermeture du vêtement est aussi traitée différemment sur le milieu, par un bord droit ou par un bord dentelé et arrondi. Les coiffures des soldats changent d'un personnage à l'autre : barbu et les cheveux frisés à la droite du Christ et pour l'autre imberbe, une mèche rassemblée sur le front. Les bas-de-chausses sont collants, resserrés aux genoux par des boutons et avec une braguette proéminente. Entre les deux, Jésus se tient droit et impassible, les yeux ceints d'un bandeau. À sa droite, le soldat serait la caricature d'Henri IV, assassiné en 1610, l'année de l'érection du calvaire de Saint-Thégonnec." (E. Le Seac'h p. 215)
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On notera les pupilles creusées, caractéristiques de la maturité de Roland Doré (bien qu'on les retrouvera sur d'autres personnages de ce calvaire, sur l'Ecce Homo).
Remarque. J'ai respecté la dénomination d'usage, employé par Y.-P. Castel puis par Le Seac'h, mais elle peut faire l'objet de discussions dont voici les éléments.
La même scène, où le Christ est frappé par les bourreaux tandis qu'il a les yeux bandés, est représentée sur le calvaire de Plougastel (Maître de Plougastel, 1602-1604).
Christ aux outrages, (kersantite, 1625-1532?), Roland Doré) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Christ aux outrages, (kersantite, 1625-1532?), Roland Doré) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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B. LE COTÉ EST.
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Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La Flagellation. Kersanton,1610, Maître de Saint-Thégonnec, coté est.
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"Dans la scène de la Flagellation de la face est, la violence est contenue dans la gestuelle des bourreaux. Jésus, en pagne et le visage impassible, est encadré de deux soldats. Le premier l'empoigne par les cheveux en lui tirant la langue, un fouet à la main. Le second lui tourne le dos en serrant la corde relié à ses mains nouées dans le dos. Le jeu de jambes des soldats contraste avec l'impassibilité du visage du Christ. L'un lève le pied, alors que ceux de l'autre sont tournés vers l'intérieur." (Le Seac'h)
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Je remarque les yeux globuleux, mais aux paupières ourlées; les lignes sinueuses des rides du front ; les barbes taillées en pointe. Ce sont des éléments que nous retrouverons.
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Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Ecce Homo. Kersanton,1610, Maître de Saint-Thégonnec, coté est.
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"À coté, un pharisien, les rouleaux de la loi à la main, proclame : ECCE HOMO". Le Christ, les mains liées, se tourne vers lui, portant la cape royale et la couronne d'épines. Il semble manipulé comme un pantin, le corps déséquilibré par le soldat qui le pousse en avant." (Le Seac'h)
Le pharisien est coiffé du bonnet conique serti d'un turban.
Je remarque les pupilles creusées des personnages. Faut-il attribuer ce groupe à Roland Doré ?
Voir aussi les traces de polychromie ocre.
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Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Le Lavement de main de Pilate. Kersanton,1610, Maître de Saint-Thégonnec, coté est.
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Pilate, assis, se lave les mains dans un bassin qu'un serviteur remplit en levant très haut son broc tout en proposant au gouverneur de la Judée une serviette sur son avant-bras droit.
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Ponce Pilate est coiffé d'un bonnet conique à rabats ; son visage aux cheveux longs et à la barbe longue est marqué de rides frontales. Il porte un robe à rangée de boutons ronds, et aux manches à crevés, recouverte d'un camail.
Son serviteur, à la barbe taillée, est coiffé d'un bonnet plat ; il porte des hauts-de-chausses ajustés en collants.
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Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Ecce Homo (2) : le Christ présenté à la foule. Kersanton,1610, Maître de Saint-Thégonnec, coté est.
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"Ensuit, Jésus, après sa condamnation, est amené par deux soldats au visage grave, pour l'un, et exprimant une certaine bêtise, pour l'autre. Il est habillé d'une grande robe longue. " (E. Le Seac'h)
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Le Christ est couronné d'épines ; sa bouche est entrouverte, sa barbe taillée en pointe. L'ouverture de sa robe se ferme par un unique bouton rond grâce à une patte en S bien connue des ateliers de taille du kersanton depuis le XVe siècle, notamment pour les statues des apôtres. Ses mains sont liées par deux tours d'une corde épaisse. Son hiératisme, qui témoigne de son courage face aux bourreaux, est atténué par l'avancée de la jambe gauche, fléchie, qui donne aux plis de la robe une discrète ondulation.
Les deux gardes sont coiffés d'un bonnet rond assimilable à un casque. Les narines larges, les lèvres épaisses, le menton retroussé, les paupières supérieures plissées et les rides horizontales du front du premier participent de la caricature soulignant la bestialité cruelle des bourreaux. Ils portent une veste fendue en avant et courte, un peu comme le chupenn breton, et des braies plissées (ou fendues ?) semblables aux bragou ; les jambes sont protégées par des houseaux. Les braguettes rembourrées sont peut-être un peu démodées au début du XVIIe siècle.
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Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Marie, Jean et Marie-Madeleine lors de la Montée au Golgotha . Kersanton,1610, Maître de Saint-Thégonnec, coté est.
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Ce groupe de trois personnages associe Marie-Madeleine (très élégante, aux cheveux longs et libres, au pan de manteau retroussé vers le poignet droit, et qui tient son flacon de parfum), saint Jean ( beau, jeune et imberbe, à la chevelure en mèches solaires, pieds nus, portant la robe à bouton rond et patte en S déjà signalée) qui soutient Marie (voilée, portant la guimpe, les mains jointes).
C'est un très beau groupe, et le visage de Marie-Madeleine (tête recollée) est d'une finesse remarquable. E. Le Seac'h a été frappé par son "drôle de sourire vague aux lèvres". Sans doute l'artiste voulait souligner son charme en évitant de la faire grimacer de chagrin.
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Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté est (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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C. LE COTÉ NORD.
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Le Portement de Croix. Kersanton,1610, Maître de Saint-Thégonnec, coté nord.
Sainte Véronique.
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Sept personnages en trois groupes sont réunis par la diagonale de la croix, puis par la corde à laquelle le Christ est lié.
En premier (et appartenant encore en partie à la face ouest) est figurée sainte Véronique présentant à la foule le voile avec lequel elle a essuyé le visage en sueur et ensanglanté du Christ ; et ce voile porte l'empreinte, l'image vraie du supplicié.
La sainte porte un long manteau qui n'attire pas l'attention, alors que les traits dramatiquement attristés de son visage concentrent toute l'expressivité du personnage. La tête est voilée, le cou entourée d'une sorte de fraise.
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Coté nord (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté nord (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Le deuxième personnage est Simon de Cyrène, qui a été requis pour aider le Christ à porter la lourde pièce de bois. Son chapeau, sa barbe et son manteau long tentent peut-être de souligner qu'il s'agit d'un monsieur lambda, un brave passant, qui revenait des champs et passait par là ; sa seule particularité est être originaire de Cyrène, ville d'Afrique du Nord, mais on comprend bien que cela ne puisse fournir un "type" capable de le caractériser. On le reconnait néanmoins car au lieu d'être impliqué activement dans la scène, il n'y figure que du bout des doigts, le corps un peu en retrait, et le regard ailleurs.
Il faut, pour imaginer comment les gens regardaient ces saynètes, avoir en tête le texte (que les paroissiens connaissaient peut-être par cœur, si c'était leur rôle) de la Passion en breton. En voici la traduction par Y. Le Berre, pour cette scène :
— Gadifier (l'un des soldats, s'adressant à Simon) : "Celui-là n'en peut plus. Eh, mon gars, au lieu de passer ton chemin, fais donc un crochet par ici!"
—Simon de Cyrène : "Pour quoi faire, mon Dieu ?"
— Dragon (autre soldat) : "Prends cette croix-là, bonhomme, Donne un coup de main à cet homme qui n'en peut plus."
— Simon : "Moi ? Sauf votre respect, je ne veux point le faire."
— Bruyant : "Tu ne veux pas ? Tu vas le faire, ou je te casse le nez"
— Simon : "Vous n'avez qu'à la porter, vous, si ça vous plaît. Moi, je n'y toucherai pas ; c'est tout !"
— Bruyant : "Tu vas la prendre sur ton dos, maraud ! Et tiens ça ! Tu en veux une autre ?"
— Simon : "Malheur à moi ! Ce serait une grande honte [de toucher à cette croix]"
— Dantard : "Allons, allons, avance ! Fais ce qu'on te dit"
— Simon : "Ah ! Il va bien falloir que je la porte, hélas !"
— Gadifier : "Oui, et illico !"
—Simon : "Bon, donnez moi la croix, maintenant. Elle a beau être fort conséquente et fort grande, j'arriverai sûrement à la porter. Mettez-la moi donc vivement (sur le dos). que je l'emporte sans traîner sur la hauteur, en dehors de la ville. Oh oh, j'ai beau être costaud, elle pèse son poids ! J'ai eu tort de croire que je serais capable de porter aujourd'hui un poids pareil jusqu'en haut. Je ne tiens plus ! Laissez-moi ici, parce que, là, je suis rendu. !"
— Simon : "Alors, là, si vous me donnez des coups, je n'avancerai pas, j'en serai bien incapable. Vous avez tort de me presser. Laissez-moi me reposer un petit peu, ou je vais tomber sous la charge. J'ai la tête qui tourne ; je n'en puis plus."
— Bruyant : " Redresse-toi, ou je te torche le nez !"
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Coté nord (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Vient ensuite le soldat qui frappe du pied le Christ tombé à terre, une anecdote que les artistes manquent rarement de représenter. Il porte un casque rond, une tunique à manches courtes et à encolure fermée par la patte en S et à bouton rond, et des chausses à deux motifs de crevés. Il tire la langue vers le condamné.
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Son voisin menace le Christ de son gourdin (ou de son fouet). Si on interprète le pompon de son casque comme un plumet, c'est peut-être un officier. Sa veste est boutonnée jusqu'en bas.
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Devant lui, un autre soldat, arc-bouté, tire violemment sur la corde pour inciter le Christ à se relever.
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Coté nord (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Enfin, en tête, un soldat tient un épais bâton et porte la main à la bouche, pour crier (ou siffler) un ordre. Sa culotte à la braguette généreuse est bouffante et ornée de crevés ; sa veste boutonnée est serrée par une ceinture, et enfin il porte une fraise.
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Coté nord (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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D. LE COTÉ OUEST.
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La Mise au Tombeau. Kersanton,1610, Maître de Saint-Thégonnec, coté ouest.
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Sous cette dénomination d'usage, il faut plutôt voir ici l"Embaumement du corps du Christ sur la pierre de l'onction", pour reprendre l'analyse que Nicole Reynaud a donné de l'enluminure des Heures d'Etienne Chevalier par Jean Fouquet.
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Jean Fouquet, Heures d'Etienne Chevalier v.1452-1460.
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En effet, nous n'assistons pas à une scène, active, de descente du corps du Christ dans le sépulcre "taillé dans le roc" Jn19:41, (comme ici ou là) mais au recueillement, passif, de huit personnages autour du corps placé sur un linge plissé. Joseph d'Arimathie vient de lui ôter la couronne d'épines et Nicodème s'apprête à le couvrir d'un linceul. Outre Marie-Madeleine — dont c'est l'attribut —, un second personnage tient un flacon d'onguent destiné à l'embaumement. Il s'agit sans doute de Gamaliel, oncle de Nicodème selon l'évangile apocryphe éponyme. Voir ma discussion sur ce personnage ici:
Nous avons donc de gauche à droite : Joseph d'Arimathie ; une Sainte Femme ; Marie-Madeleine ; Jean soutenant Marie ; une Sainte Femme (ou le jeune Abibon fils de Gamaliel, car le bonnet ne correspond pas au voile habituel des saintes femmes) : Nicodème.
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Coté ouest (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté ouest (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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COMPARATIF.
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Grand calvaire de Plougastel (1602-1604). Photographie lavieb-aile.
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La Sortie du Tombeau : la Résurrection. Kersanton,1610, Maître de Saint-Thégonnec, coté ouest.
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"La résurrection est traitée beaucoup plus simplement qu'à Guimiliau et se rapproche davantage de celle de Plougastel-Daoulas, sensiblement contemporaine. " (E. Le Seac'h)
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Le Christ ressuscité enjambe la margelle. Il porte au dessus du pagne le grand manteau (rouge) témoignant de la gloire de la Résurrection, et il tenait jadis en main gauche la hampe de l'étendard de sa victoire dur la Mort. Il est barbu, bouche entrouverte, le front plissé. Les stigmates sont peu ou pas visibles.
De chaque coté, les deux soldats chargés de veiller le corps se sont endormis. Leur lance est brisée. Ils portent l'armure et le casque.
Un autre soldat, également en armure complète et casqué, est allongé sur le devant du tombeau, lui aussi profondément endormi, les jambes pliées, tenant une hallebarde.
Derrière le tombeau, deux hommes sont casqués, mais en habit civil ; et l'un d'entre eux lève les yeux, comme émerveillé ou ébloui par le Christ.
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Coté ouest (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté ouest (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté ouest (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté ouest (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté ouest (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté ouest (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté ouest (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Coté ouest (kersantite, 1610, Maître de Saint-Thégonnec) du calvaire de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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COMPARATIF. Cliquer sur l'image.
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Calvaires de Plougonven (1554) et Pleyben (1555) par l'atelier Prigent.
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L'atelier Prigent a réalisé une Sortie du Tombeau pour les deux calvaires monumentaux de Pleyben et de Plougonven (tous les deux restaurés). La cuirasse des soldats est à deux facettes formant un angle sternal, comme pour le soldat assis de Saint-Sébastien.
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Sortie du Tombeau, calvaire de Pleyben (1555, Prigent). Photographie lavieb-aile.
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Sortie du Tombeau, calvaire de Plougonven (Prigent, 1554). Photographie lavieb-aile.
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Chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Calvaire attribué par Y.-P. Castel au Maître de Saint-Thégonnec et daté de 1541-1554.
Calvaire de la chapelle Saint-Sébastien en Saint-Ségal. Photographie lavieb-aile.
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Calvaire de Plougastel, Maître de Plougastel 1602-1604
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Calvaire monumental (kersantite, 1602-1604, Maître de Plougastel), Plougastel. Photographie lavieb-aile.
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SOURCES ET LIENS.
— ABGRALL (chanoine Jean-Marie), 1902, Les croix et les calvaires du Finistère, Bulletin monumental 66 pp. 176-209
— CASTEL (Yves-Pascal), 2005 (trad. Lorañs Stefan, Job an Irien, photogr. Jean Feutren), « Guide des sept grands calvaires bretons / Ar seizh kalvar braz », Minihi-Levenez Saint-Thonan, n°92., août 2005, p. 0-106 (ISSN 1148-8824)
— CASTEL ( Yves-Pascal), 1985, « Roland Doré, sculpteur du roi en Bretagne et architecte (première moitié du xviie siècle) », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, tome 94, pages 97-116.
— COUFFON (René), LE BARS (Alfred), 1988, Répertoire des églises : paroisse de SAINT-THEGONNEC,” Collections numérisées – Diocèse de Quimper et Léon,
—Hélène Remeur a consacré un mémoire de maîtrise (UBO, Brest, 1997) à l'Étude des costumes dans les grands calvaires bretons. Mais je n'ai pu consulter ce document de deux volumes (120 +113 pages) illustrés.
— ROUDAUT (F.) (dir.), 1998, Saint-Thégonnec. Naissance et renaissance d'un enclos, Brest, CRBC, 183 p
Entre le début de construction de l'église actuelle en 1563, pour son clocher ouest, jusqu'à 1716, la construction de l'enclos a duré 153 ans.
En 1587 s'élève l'entrée triomphale, inspirée des traités architecturaux de Serlio, Philibert de L'Orme ou d'Androuet du Cerceau, et de l'atelier du château de Kerjean (Saint-Vougay), tout proche.
En 1599 débute, comme en témoigne l'inscription du bénitier de l'intérieur du porche, la construction d'un porche sud surmonté d'un clocher de 43 mètres de haut. En 1605 (inscription au dessus de l'agrafe) le porche proprement-dit est achevé, et l'année suivant, le premier étage est terminé, puisque le cadran solaire du contrefort oriental, à la hauteur de la statue de saint Thégonnec, porte le chronogramme 1606.
La construction de ce clocher s'achève en 1637. Deux contreforts en équerre (et non plus en diagonale ouvrant le porche en éventail comme à Pencran et Guimiliau) montent jusqu'à la plateforme. Les deux étages de colonnes sont surmontées, tel un arc de triomphe, par un fronton fait d'un oculus entouré de volutes. Huit niches à dais Renaissance, à étages de colonnes et lanternons, accueillaient des statues, mais quatre sont actuellement vides.
La tour est intégrée, entre 1652 et 1656, au bas-coté sud lors de l'élargissement de celui-ci.
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PLAN.
I. ATELIER DU MAÎTRE DE PLOUGASTEL (LANDERNEAU 1570-1621).
Saint-Thégonnec, niche centrale du porche extérieur, kersanton.
Saint Nicolas, niche centrale du contrefort droit du porche extérieur, kersanton.
Saint Pierre, première niche à gauche du porche intérieur, coté droit.
L'agrafe feuillagée du porche (hors atelier ?).
Les colonnes du porche (hors atelier ?).
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II. ATELIER DE ROLAND DORÉ (LANDERNEAU, 1618-1663)
Vierge de l'Annonciation, niche intérieure du contrefort gauche du porche extérieur, kersanton.
Ange de l'Annonciation, niche intérieure du contrefort droit du porche extérieur, kersanton.
Saint Jean l'Evangéliste, niche du contrefort gauche du porche extérieur, kersanton, 1625.
Saint Jean comme Apôtre, 6ème niche à gauche du porche intérieur, coté droit, kersanton.
Saint Jacques le Majeur, 6ème niche à gauche du porche intérieur, coté gauche, kersanton.
Saint Thomas (?), 1ère niche à gauche du porche intérieur, coté gauche, kersanton.
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L'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Éléments de datation. 1599, 1605, 1606.
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Bénitier intérieur (kersanton, 1599) du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Agrafe et date de 1605 du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Cadran solaire (kersanton, 1606).
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Dans ce cadran carré, 15 rayons désignent les chiffres 7 6 5 4 3 2 1 (à droite) et 5 6 7 8 9 10 11 12 (à gauche). Ces chiffres sont placés dans un cartouche périphérique délimité par une fine réglure.
Au sommet de ce cartouche, les chiffres 1.6.0.6. indiquent la date.
Le cadran occupe l'angle du oriental du contrefort.
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Cadran solaire (kersanton 1606) du contrefort oriental du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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I. ATELIER DU MAÎTRE DE PLOUGASTEL (LANDERNEAU 1570-1621).
Saint Thégonnec, niche centrale du porche extérieur, kersanton, vers 1610.
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Le saint patron de la paroisse est représenté en évêque, bénissant et marchant jambe droite en avant comme dans une procession épiscopale.
Ce qui le distingue de tout autre saint-évêque de Basse-Bretagne (où ils sont innombrables), c'est le chariot tiré par deux bœufs que nous voyons devant son pied droit.
On reconnaît la manière du Maître de l'atelier de Landerneau, qualifié d'hiératique ou d'austère : sous un grands front bombé, "les yeux globuleux participent à la gravité qui sacralise les visages" (Castel), tandis que la pose figée du personnage est accentuée par la rectitude des plis tuyautés du surplis.
Le nom de saint Thégonnec — Quonoc, Toquonoc, sanctus Tonochus, est attesté dès le IXe siècle, et la Vie de saint Pol Aurélien, écrite en 884, fait de lui l'un des principaux disciples du fondateur du diocèse de Léon. C'est une forme familière de Conoc, aujourd'hui Conec, qui a formé Plogonnec, Saint-Egonnec, Saint-Connec alias Saint-Conogan. (Bernard Tanguy)
Il est invoqué ici pour la préservation des récoltes, et une niche à volets de l'intérieur de l'église décrit les scènes de sa vie, et sur le volet de gauche se voient deux paysans amenant, chapeau à la main, un cerf attelé à une charrette.
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Niche à volets de la vie de saint Thégonnec, église de Saint-Thégonnec. Photo lavieb-aile
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Mais sur le calvaire de 1610, l'animal est un loup (et cette tradition a été reprise sur le vitrail de 1904 racontant "comment saint Thégonnec fit trainer par un loup des pierres pour la construction de son église").
Les deux bêtes à cornes (ou à longues oreilles pointues) sont attelées par un collier d'épaule (et non un joug) à un chariot à deux roues, qui porte un tombereau.
La date de 1610 pour cette statue est proposée par Y.-P. Castel, mais on peut suggérer aussi la date de 1606 indiquée par le cadran solaire.
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Statue de saint Thégonnec, clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Statue de saint Thégonnec, clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Statue de saint Thégonnec, clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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II. ATELIER DU MAÎTRE DE PLOUGASTEL (LANDERNEAU 1570-1621).
Saint Nicolas, niche centrale du contrefort droit du porche extérieur, kersanton, vers 1610.
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Ce saint Nicolas répond à l'iconographie traditionnelle où il est représenté en évêque (mitre, crosse, chape) avec à ses pieds le baquet d'où émergent les trois enfants (ou clercs) ressuscités, les mains jointes et le visage tourné vers le ciel.
Il est installé dans une niche polygonale à clocheton soutenue par deux colonnes (granite gris de Plounéour-Ménez. La niche de droite, identique, est vide.
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Statue de saint Nicolas, clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Statue de saint Nicolas, clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Statue de saint Nicolas, clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Statue de saint Nicolas, clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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IIbis. L'agrafe feuillagée et les colonnes .
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Tous les porches du Léon, d'architecture classique et inspirés du traité d'architecture de Philibert De L'Orme comportent une agrafe feuillagée, mais aucune n'est aussi belle que celle de Saint-Thégonnec, qui s'agrémente d'un masque féminin.
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Agrafe du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Les colonnes cannelées et baguées inspirées de Philibert De L'Orme, kersanton noir à grain très fin.
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Ces colonnes qu'on retrouve à Guimiliau suivent le modèle inventé par Philibert De L'Orme pour le palais des Tuileries en 1564 et publié dans le Livre d'architecture publié en 1567. Ces bagues avaient pour but de dissimuler les joints entre les tambours des colonnes, en accentuant la séparation entre chaque tambour, tout en instituant un ordre de colonnes à la française, tel qu'il l'explique dans son Traité Livre VII chap. 13 :
« S'il a été permis aux anciens architectes, en diverses nations et pays, d'inventer nouvelles colonnes, ainsi que firent les Latins et Romains, la Toscane et composée les Athéniens l'Athénienne et longtemps devant les dits Latins et Romains, ceux de Dorie, la Dorique, de Ionie, la Ionique, et Corinthiens, la Corinthienne,, qui empêchera que nous Français n'en inventions quelques unes, et les appelions Françaises, comme pourraient être celles que j'inventai et fis faire pour le portique de la chapelle qui est dans le parc de Villiers coté Rets, du temps et règne de la majesté feu roi Henri ?
Vrai est que pour la nécessité ou je me trouvai de ne pouvoir recouvrer promptement, et sans grands frais, des colonnes toutes d'une pièce, je les fis faire de quatre ou cinq pièces, avec beaux ornements, et moulures, qui cachent leurs commissures ; de sorte qu'à les voir il semble qu'elles soient entièrement d'une pièce, se montrant fort belles, et de bien bonne grâce."
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Colonnes du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Chapiteau corinthien d'une des deux colonnes du porche.
Le fût des colonnes est cannelée et rudentée.
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Chapiteau du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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III. ATELIER DU MAÎTRE DE PLOUGASTEL (LANDERNEAU 1570-1621).
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Saint Pierre tenant sa clef, première niche à droite du porche intérieur.
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Statue de saint Pierre, intérieur du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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IV. ATELIER DE ROLAND DORÉ (LANDERNEAU, 1618-1663).
Vierge de l'Annonciation, niche intérieure du contrefort gauche du porche extérieur, kersanton, v. 1625.
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Le groupe de l'Annonciation du porche de Saint-Thégonnec fait partie des statues les plus connues du sculpteur.
Il reprend, en le métamorphosant mais avec une composition semblable, l'Annonciation de l'Arc de triomphe de 1587.
La Vierge est devant son prie-dieu, debout mais le genou fléchi comme si elle venait de se lever d'un bond, et la surprise que lui a causé l'irruption de l'ange est aussi marquée par l'envolée des plis du bas du manteau.
La position de la main droite sur la poitrine signifie en même temps cette surprise ("qui ? Moi ?") et la réception confiante de l'annonce du messager (le "fiat" : "qu'il m'advienne selon ta Parole").
Le visage juvénile de Marie réunit toutes les caractéristiques du style de Roland Doré : les pupilles creusées dans des paupières ourlées, le nez droit, le délicieux sourire marqué par les fossettes des commissures, la petite lèvre inférieur, et le menton un peu pointu confèrent à ce visage une vie extraordinaire.
Les cheveux, qui tombent en nattes devant les épaules (privilège des jeunes filles) sont retenus par le bandeau occipital, plissé comme un "chouchou", dont j'ai très souvent signalé la valeur de marqueur iconographique, bien qu'il ne soit pas le propre de Roland Doré (on le trouve chez les ateliers qui le précédèrent, celui des Prigent et du Maître de Plougastel, ou dans les statues finistériennes en bois), ni le propre de la Vierge (on le trouve sur les statues de sainte Anne et de Marie-Madeleine), mais il est "bien de chez nous" et bien propre au XVIe et XVIIe siècle de Basse-Bretagne.
Comme souvent, il s'agit d'avantage d'un voile qu'un bandeau ; la disposition de ces plis rend bien la qualité soyeuse de l'étoffe. Je l'ai qualifié d'occipital car il passe derrière la nuque en débutant au ras du crâne, ou "occiput". Mais c'est un bandeau car il forme une boucle, non nouée.
La robe à encolure ronde est lisse au niveau du corsage, puis forme un bel éventail de plis sous l'effet de la fine ceinture, un éventail qui s'inverse vers le ventre et les jambes.
Le pan droit du manteau est retroussé sous le poignet.
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Le fabricien qui a fait inscrire son nom, G. POVLIQVEN en caractères romain (l'écriture gothique est bien abandonnée) est fort répandu ici, puisque la base Geneanet classe Saint-Thégonnec en deuxième place, presque à égalité avec Sizun dans les occurrences de ce patronyme. Mais pour la fourchette 1575-1625, cette base ne propose que Guillaume Pouliquen, qui ne peut être notre homme car il est né en 1624 (les registres paroissiaux semblent faire défaut avant 1610).
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Annonciation (kersanton, Roland Doré, v. 1625) du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Annonciation (kersanton, Roland Doré, v. 1625) du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Annonciation (kersanton, Roland Doré, v. 1625) du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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V. ATELIER DE ROLAND DORÉ (LANDERNEAU, 1618-1663).
Ange de l'Annonciation, niche intérieure du contrefort droit du porche extérieur, kersanton v. 1625.
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L'ange Gabriel lève la main droite, dans un délicat geste d'énonciation ou de bénédiction, les dernières phalanges des doigts II et III sont brisées), tandis qu'il porte dans la main gauche le bâton de messager où s'enroule l'Annonce AVE GRATIA PLENA. Il est vêtu d'un surplis (dalmatique ?) à col carré sur une tunique à col rond aux longues manches plissées
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Le nom du fabricien, :Y: GVILLERM, est moins fréquent que celui de Pouliquen, , et, là encore, Geneanet ne propose aucun individu nommé Yves Guillerm dans la période qui nous intéresse.
Les noms de G. Pouliquen et de Y. Guillerm ne sont pas suivis de la lettre F. qui signalerait leur qualité de fabriciens. Ce sont peut-être des donateurs, et, nous allons le voir, peut-être même un couple de donateur.
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Annonciation (kersanton, Roland Doré, v. 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Annonciation (kersanton, Roland Doré, v. 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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VI. ATELIER DE ROLAND DORÉ (LANDERNEAU, 1618-1663).
Saint Jean l'Evangéliste, niche du contrefort gauche du porche extérieur, kersanton, 1625.
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Alors que les autres statues sont sculptées dans un kersanton noir grisâtre ou gris sombre, la statue de saint Jean est taillée dans un kersanton noir à grain fin (L. Chauris).
"Le saint Jean de Roland Doré est l'une des statues les plus abouties de Roland Doré. Le scribe penché sur le coté écrit dans un livre épais avec son stylet alors que l'aigle lui tend l'étui aux calames. La virtuosité du visage aux traits doux est remarquable. Les yeux des statues ont des sillons palpébraux creusés ainsi que leurs pupilles, ce qui crée une impression de mobilité au regard. Le saint Jean évangéliste regarde ainsi vers le bas." (Le Seac'h)
Une inscription en lettres capitales romaines se répartit sur les trois cotés du siège du saint.
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Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, v. 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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L'inscription.
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Elle est de qualité aussi remarquable que la statue elle-même, par son intitulé très complet, sa disposition sur les trois faces, par sa facture aux lettres conjointes et sa ponctuation en deux-points. Et elle est précieuse, par la signature du sculpteur.
La lecture peut débuter sur la face principale, ou sur les faces latérales. Sur l'avant nous lisons dans un cartouche séparé :
I : MAZE : IAN
NE : INIZAN : MA
FAICT : FAIRE
et dans le deuxième cartouche:
: S : IAN :
soit "I. Mazé Ianne Inizan m'a fait faire. Saint Ian" et par extrapolation "Jean Mazé et Jeanne Inizan m'ont fait faire. Saint Jean."
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Cette partie de l'inscription est étonnante car la plupart des sculptures antérieures, en kersanton, portent les noms des fabriciens (suivi de la lettre F. ou de la mention FABR.), surtout lorsque ces noms sont précédés de la mention "m'a fait faire" qui supposent un acte de commande et donc un pouvoir décisionnel. Nous nous attendrions à trouver ici les deux noms des fabriciens élus pour l'année, et nous trouvons en réalité un prénom féminin, "Jeanne", qui exclut cette hypothèse.
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Or, Roland Doré a réalisé aussi à Saint-Thégonnec un calvaire à Bodéniry en 1632 avec l'inscription ANNA BREST JEAN GVILLERM, et une croix à Hellin en 1638 avec l'inscription FRANCESA POVLIQVEN FRANCOIS BROUSTAIL. (Un François Broustail est attesté à Hellin, fils de Jean : ici ; le prénom Francesca est attesté alors à Saint-Thégonnec ici )
Toujours à Saint-Thégonnec, la croix de Pennavern sculptée en 1647 par Roland Doré, porte l'inscription LOVIS BROVSTAIL. F. COVLLONNIER.
Or, il s'agit d'un couple, Louis Broustail et Françoise Coloigner, parents de Françoise Broustail née le 8 août 1628. Louis Broustail est décédé le 6 juillet 1647 à Pennavern.
À La Martyre, Roland Doré a sculpté le calvaire de Kerlavarec (sd) portant l'inscription, proche de celle de ce saint Jean : BEATRICE CABOVN MA FAICT FAIRE. ROLLAND DORÉ MA FAICT.
Enfin, à une date plus tardive (1681), nous trouvons à Saint-Thégonnec l'inscription émouvante et explicite quant à la qualité d'époux de la croix de Brogadéon : FAIT:PAR:Y: ET: M: MADEC :EPOUS :1681.
À Brogadéon sont nés ou mort à cette époque un François Broustail (1625-1687), un François Coat, un François Madec (1681-1739) fils de Guillaume Madec (+Bogadéon 1696) et de Françoise Bellec. Mais généanet ne signale pas un Yves Madec et son épouse.
Ainsi, à Saint-Thégonnec et dans les communes voisines (qu'il conviendraient d'explorer), les épouses obtinrent de faire mentionner leur nom sur les pièces sculptées religieuses dont leur couple fit donation. C'est évidemment un fait sociologique qui mériterait une étude spécifique: est-il restreint à un petit secteur de la vallée de l'Élorn ? Est-il lié à la personnalité du sculpteur Roland Doré ? Se retrouve-t-il sur des dotations de sculptures en bois ? D'orfèvrerie ?
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Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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La deuxième partie de l'inscription débute sur le coté droit avec les mots : FAICT : LAN : 1625.
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On croit lire 1623, mais il manquerait alors la traverse haute du 3.
Roland Doré a débuté sa carrière à Penmarc'h en 1618 et l'a achevé en 1662 à Saint-Thégonnec; Il semble que de 1618 à 1622, date à laquelle il sculpte la croix de Croslen à Saint-Thégonnec pour messire Henri Caro, prêtre, il soit encore un compagnon de l'atelier du Maître de Plougastel. Mais en 1621-1622, l'acte de réparation de la croix du cimetière, aujourd'hui Croas-ar-Huré, le qualifie de "maistre Rolland Doré", à la tête de "ses compagnons" : il a alors repris l'atelier du Maître de Plougastel. En 1624, lorsqu'il termine le chantier du porche de Guimiliau, son style atteint la maturité, et cette statue de saint Jean le confirme. Et c'est à Saint-Thégonnec qu'il recevra le plus de commandes, de 1625 à 1662, pour neuf monuments (contre cinq à Logonna-Daoulas, quatre à Plougastel, Plounéour-Ménez et Hanvec, trois à Guiclan, Irvillac et Lampaul-Guimiliau, deux à Cléden-Cap-Sizun, L'Hôpital-Camfrout, Landerneau, La Martyre, Plabennec, Pleyben, Plogonnec, Saint-Nic, Saint-Servais et Saint-Urbain).
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Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Le coté opposé du siège porte l'inscription R : DORE : MA : FAICT.
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Biographie.
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Roland Doré (Rollandus an Alaouret en latino-breton) est peut-être originaire de Plouédern. Il a signé le bénitier de l'église Saint-Edern de Plouedern avec l'inscription franco-latine "LAN 1641 R : LE : DORE : FECIT" précédée des noms du recteur et des deux fabriciens.
Il est également décédé à Plouédern, le 13 février 1663 et enterré dans l'église ; un document (Bull. SAF 2001p. 167) indique son nom sous la graphie "Rolland le Doree" et la mention "du plecismeur" (le Plessis-Meur, en breton Quinquis Meur): il serait décédé chez sa fille, dame Kerdelent.
Celle-ci, Françoise Doré, née avant 1619 épousa avant 1639 (date de naissance de leur fille Jeanne) Guillaume Kerdelent (+ 1663).
Roland Doré aurait épousé selon Couffon (souvent péremptoire) Jeanne Sanquer, fille de Jean et de Michèle Gérault, née le 29 août 1589. (je note qu'une Guillemette Sanquer née vers 1585 est cultivatrice à Quenquis Meur). Ils auraient eu trois enfants (?) baptisés à Saint-Houardon de Landerneau, prénommés selon les actes en latin Maria (°1612), Elisabeth (°1622) et Johannes (°1629) —ou selon Couffon, Catherine (+1624) et Jean (°1629) — Ces liens familiaux ont leur part d'ombre, comme l'indique Y.-P. Castel qui parle d'une "biographie difficile à cerner".
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Signature.
Roland Doré a daté et signé cinq sculptures; outre le bénitier de Plouédern et le saint Jean de Saint-Thégonnec, il faut mentionner :
la croix Saint-Dodu de Guiclan : 1622 FAICT PAR R...
le calvaire de l'église de Commana : R : DORE : MA : FAIT : 1624
le vestige de croix de la forêt du Crannou à Hanvec : R: DORE : MA FAICT sur le fût et 1627 sur le socle.
Il a signé mais non daté :
le vestige de croix de Kerlavarec à La Martyre : ROLLAND : LE : DORE : MA : FAICT et BEATRICE : CABOVN : MA : FAICT : FAIRE
le vestige de croix de Landerneau (disparue) qui portait : LAN ... / ROLLAND : ... A FAIT CES ... / CROIS A SON DEV ... ("l'an ... Roland Doré a fait cette croix à son devis".
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— Sur les autres œuvres de Roland Doré dans ce blog.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, 1625) contrefort ouest du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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VII. ATELIER DE ROLAND DORÉ (LANDERNEAU, 1618-1663).
Saint Jean comme Apôtre, 6ème niche à droite du porche intérieur, kersanton v. 1625.
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Le saint bénit de la main droite le calice de poison.
La statue porte sur son socle l'inscription (incomplète ?) IAN : GVILLOME.
Le patronyme Guillaume n'est pas attesté à Saint-Thégonnec à cette époque, même avec cette graphie.
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Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, v.1635) intérieur du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Jean l'évangéliste (kersanton, Roland Doré, v.1635) intérieur du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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VIII. ATELIER DE ROLAND DORÉ (LANDERNEAU, 1618-1663).
Saint Jacques le Majeur, 1ère niche à gauche du porche intérieur, kersanton vers 1632.
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Saint Jacques tient comme tout apôtre le livre (référence aux Actes des Apôtres), mais aussi en main droite le bourdon des pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, auquel est attachée la gourde en forme de coloquinte. Il porte aussi le chapeau aux larges bords frappé, au dessus du front, de la coquille emblématique. Remarquons ses autres attributs, comme la besace suspendu à un baudrier orné de coquilles, et la pèlerine, fermée par une dizaine de boutons ronds.
Les pupilles sont creusées , les paupières ourlées, le double pli frontal est froncé. Quand aux moustaches, elles ne partent plus des ailes des narines, mais des bords du philtrum, ce qui est plus physiologique.
Roland Doré a sculpté 89 statues pour 25 paroisses différentes, dont 54 apôtres. Deux séries sont complètes (Pleyber-Christ et Plestin-les-Grèves), celle de Trémaouézan est presque complète (11/12), et celle de Guimiliau se partage avec le Maître de Plougastel. À Pleyben (photo infra), seuls Jean et Jacques le Majeur sont de Roland Doré.
On peut donc comparer ce saint Jacques avec les statues homologues des autres sites.
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Saint Jacques le Majeur et saint Jean, kersanton, Roland Doré, porche de Pleyben. Photo lavieb-aile.
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Saint Jacques le Majeur (kersanton, Roland Doré, v. 1635) intérieur du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Jacques le Majeur (kersanton, Roland Doré, v. 1635) intérieur du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Jacques le Majeur (kersanton, Roland Doré, v. 1635) intérieur du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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Les inscriptions S : IACQ. I : MAZE et IACQVES PICART.
Elles indiquent presque certainement, après le nom du saint, celui des deux fabriciens de l'année, qui ont commandité cette (ou ces) statues. Ou bien le nom de deux donateurs.
On lit S : IACQ sur le socle, I: MAZE sur le pli de gauche et IACQVES / PICART sur le pli de gauche.
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1. I. Mazé.
L'initiale du prénom peut correspondre à Ian, "Jean". Geneanet ne propose rien d'autre que Jeanne.
Il faut remarquer néanmoins une Béatrice Mazé, car elle est décédée en 1690 à Bodéniry, Saint-Thégonnec : nous allons voir pourquoi je la retiens, bien qu'on ignore l'identité de ses parents.
La date n'est pas inscrite.
Bien entendu, la question se pose de savoir si ce I. MAZE est le même, ou est apparenté au J. MAZE de la statue de 1625 de Jean l'évangéliste.
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2. Jacques Picart.
Les généalogistes décrivent un Jacques Picart, qui épousa Catherine Mallegol. Leur fils Jacques Picart, né à Saint-Thégonnec le 10 mars 1616 et décédé au même lieu le 16 septembre 1690, épousa Marguerite Mallegol. Il décéda le 16 septembre 1690 à Bodeniry, Saint-Thégonnec.
Y.P. Castel désigne, sans citer ses sources (et avec une erreur de graphie Picard pour Picart), comme donateur de cette statue Jacques Picart demeurant à Bodinery, "dont on sait, par ailleurs, qu'il paie des rentes à l'église en 1650".
Il faut aussi corriger le lieu-dit pour le repérer sur les cartes sous la forme Bodéniry ou Bodeniri, ou Bodenery sur la carte de Cassini à 5 km au sud du bourg. C'est un hameau d'une douzaine d'habitations sur la carte EM de 1820-1866, à 131 m d'altitude, sur le plateau entre le cours de la Penzé et celui du Coat Toulzac'h — comme toute la paroisse —. Les registres paroissiaux y déclarent, sous la graphie Bodenery, les naissances de François Maguet en 1655 et d'Yves Tanguy en 1650 ... mais aussi sous la forme Bodiniri le lieu de décès de Marguerite Mallegol, époux de Jacques Picart. Cqfd.
Nous retrouvons, trois ou quatre générations plus tard, un Jacques PICART né à Bodéniry (vers 1670 ?) qui épousa le 26 juin 1690 Marguerite Pouliquen, dont deux filles, Jeanne et Barbe. Cette dernière, après avoir épousé en 1714 Yves Billon, décéda à Bodiniri le 19 décembre 1738.
Il existe à Bodéniry (cf. supra) deux croix, dont l'une porte l'inscription ANNA BREST IAN GVILLERM 1632 . Elle est sculpté par Roland Doré.
L'autre porte les armes de Marie-Anne de la Haye et Jean du Dresnay (1670).
Saint Jacques le Majeur (kersanton, Roland Doré, v. 1635) intérieur du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
Saint Jacques le Majeur (kersanton, Roland Doré, v. 1635) intérieur du clocher-porche de l'église de Saint-Thégonnec. Photographie lavieb-aile.
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IX. ATELIER DE ROLAND DORÉ (LANDERNEAU, 1618-1663).
Saint Thomas (?), 6ème niche à gauche du porche intérieur, kersanton, 1632
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Le saint tient son attribut, l'équerre des architectes. Sa barbe est identique à celle de saint Jacques. Sur la robe à trois boutons, le manteau forme, à gauche, un spectaculaire bouillonnement de plis en volutes doubles, et, au centre, une séquence de cinq plis en bec.
Sur le phylactère se trouve l'inscription CARNIS RESVRRECTIONEM, qui prouve, si besoin était, que les apôtres du porche forment un Credo apostolique. Il s'agit de l'avant-dernier article, ce qui montre que les statues ont changé de niche (on le savait, puisque saint Jacques le Majeur occupe la 3ème place du Credo, et Jean la 4ème).
Le saint n'est identifié que par l'équerre, or cet attribut est loin d'être spécifique de Thomas : dans le Calendrier des Bergers, Thomas, titulaire du 5ème article du Credo, porte la lance, comme sur de nombreuses statues. Et au Tréhou l'apôtre portant l'équerre porte le nom Mathieu sur le socle. Enfin, le onzième article du Credo est attribué à Jude -Thaddée.
Sur le pli est inscrit : Y : RIVOAL 1632.
Les généalogistes mentionnent Yves Rivoal né en 1620 à Saint-Thégonnec. Ses parents ne sont pas connus. Le défaut d'information sur un Yves Rivoal antérieur à celui-ci est certainement dû à l'absence de données disponibles sur les registres paroissiaux.
Comparaison avec la statue de saint Matthieu tenant l'équerre au Tréhou (porche daté de 1610, statue postérieure à 1618) :
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Saint Thomas (Roland Doré kersanton). Photographie lavieb-aile